V.4. Évaluation biophysique
Les données biophysiques n'ont pas été
collectées pour répondre aux indicateurs du guide de l'UICN
(Pomeroy et al. 2006) puisqu'elles ont été collectées
antérieurement et indépendamment de mon travail. J'ai
recherché dans les divers documents obtenus, des données qui se
rapprochent de chaque indicateur biophysique. Je vais les présenter et
les analyser ci-dessous. Ensuite, je proposerai des indicateurs plus
appropriés aux possibilités de suivi de l'AMP de Joal-Fadiouth.
Par ailleurs, je formulerai des recommandations pour rendre les données
qui sont collectées à Joal-Fadiouth plus adéquates pour
développer un suivi à long terme de l'efficacité de la
gestion de l'AMP.
V.4.1. Evaluation et adaptation des indicateurs du
guide de l'UICN
? Indic. B1 : Abondance des espèces
focales
J'ai obtenu des données d'abondance sur des
espèces capturées par pêche expérimentale, sur une
espèce particulièrement vulnérable qui est la tortue
marine et enfin sur les espèces d'oiseaux d'eau. En plus de concerner
des espèces très différentes, ces trois séries de
données ont été obtenues par des méthodes
distinctes. Je vais donc directement scinder cet indicateur en trois
indicateurs, provisoirement nommés: "Abondance des espèces
capturées par pêche expérimentale", "Abondance de la tortue
marine" et "Abondance des espèces d'oiseaux d'eau".
- Indic. B1.1 : Abondance des espèces
capturées par pêche expérimentale
Données disponibles
Un inventaire des ressources halieutiques a été
réalisé par le Centre de Recherches Océanographiques de
Dakar-Thiaroye (CRODT) en novembre 2006 afin de déterminer l'état
de référence. Trois stations dans l'AMP ont été
échantillonnées par pêche expérimentale :
"Ngazobil", "Fadiouth" et "la Côtière". Pour chaque station trois
prélèvements ont été effectués, ce qui
conduit à trois prélèvements le long de la limite Nord de
l'AMP, trois le long de la limite Sud et trois au centre, de la plage vers le
large. L'engin qui a été utilisé est une senne de plage de
12 mm de maillage. Les espèces capturées ont été
répertoriées ainsi que le
96
poids total pour chaque espèce par station. Les
résultats sont disponibles dans le plan de gestion de l'AMP
(Sène, 2008) et consultables en annexe VII.
Analyse des données
36 espèces ont été
répertoriées. Parmi celles-ci se trouve 31 espèces de
poissons, 2 espèces de crustacés (Penaeus notialis et
Portunus validus), 1 gastéropode (Cymbium glans), 1
céphalopode (Sepia officinalis hierredda) et 1 hippocampe
(Hemiramphus brasiliensis).
Les 5 espèces les plus importantes en termes de poids
sont Mugil cephalus (19,1 kg au total pour les trois stations),
Penaeus notialis (17 kg), Hemiramphus brasiliensis (14,85
kg), Gerres melanopterus (11,8 kg) et Sepia officinalis hierredda
(9,8 kg)
Les captures totales par station sont similaires entre "La
Côtière" et "Ngazobil" (36,85 kg et 37,75 kg respectivement) et
est un peu plus importante à Fadiouth (44,95 kg). Le nombre
d'espèces rencontrées dans chaque station est pratiquement
identique : 20 à la "Côtière", 19 à "Fadiouth" et 21
à "Nagazobil". Notons que 9 espèces sont rencontrées dans
les trois stations et 6 dans 2 stations. Les 21 espèces restantes ne
sont donc rencontrées que dans une seule station.
Un second inventaire a été effectué en
avril 2009. Les résultats ne sont pas encore disponibles mais, puisqu'il
a été réalisé en avril et étant
données les variations saisonnières, nous ne pourrons pas
comparer ces nouvelles données aux résultats
précédents.
Nouvelle proposition d'indicateur
Deux indicateurs peuvent être imaginés : un
indicateur qui évalue l'abondance d'un maximum d'espèces, comme a
tenté de le faire l'étude du CRODT21 et un indicateur
qui se focalise sur certaines espèces particulières tel que
recommandé dans le guide de l'UICN (Pomeroy et al. 2006). Tous deux
répondent à des objectifs quelque peu divergents ; je vais les
détailler ci-dessous.
La protection de la biodiversité étant l'un des
objectifs principaux de l'AMP de Joal-Fadiouth, il parait intéressant de
suivre l'évolution d'un maximum d'espèces différentes. A
ce titre, l'indicateur "Composition et structure de la communauté"
(indicateur B4, présenté section II.1.) serait très
intéressant puisqu'il répertorie tous les êtres vivants sur
le site échantillonné mais il nécessite un investissement
en temps et en personnel très important. Il
21 Il ne s'agit bien sûr pas d'un inventaire
exhaustif des ressources halieutiques de l'AMP puisque, d'une part, la
méthode de prise n'est pas adaptée à la capture de toutes
les espèces présentes dans l'AMP et d'autre part, certaines
espèces ne sont présentes que durant certaines périodes de
l'année.
97
parait donc opportun de retenir un indicateur tel que
"abondance et biodiversité des espèces halieutiques"
qui allie mesure de l'abondance et de la biodiversité sans
toutefois nécessiter une évaluation de la composition de toute la
communauté. Les données pourront alors être
collectées par pêche expérimentale comme l'a
effectué le CRODT.
Le guide de l'UICN (Pomeroy et al., 2006) recommande
d'établir une liste des espèces focales avant de collecter les
données. Nous pourrions décider de suivre plus
particulièrement des espèces locales qui se reproduisent ou se
développent dans l'AMP, ce qui renseignerait plus spécifiquement
sur l'efficacité de l'AMP. Un indicateur de ce type serait
"abondance d'espèces locales". Les données pour
cet indicateur peuvent être soutirées des données
collectées pour l'indicateur présenté dans le paragraphe
précédent.
Recommandation pour une méthode de suivi
Afin de démarrer un suivi des ressources halieutiques,
il serait nécessaire de réaliser les mesures chaque année
ou tous les deux ans, plus ou moins les mêmes jours de l'année et
dans des conditions hydro-climatiques similaires. Les lieux de collecte ainsi
que la technique utilisée devront être rigoureusement identiques
(filet de même maille, de même longueur, même durée de
mise à l'eau des filets, etc.). Il est recommandé de
réaliser au minimum une mesure durant la saison sèche et une
durant la saison des pluies car certaines espèces migratrices ne sont
présentes que durant une partie de l'année.
Le suivi des ressources halieutiques permettra de surveiller
l'apparition ou la disparition de certaines espèces ainsi que
l'évolution dans le temps des quantités totales
prélevées, des quantités pour chaque espèce et de
l'abondance relative des espèces. On pourra en effet se demander si
certaines espèces se développent plus ou moins que d'autre et
porter une attention particulière aux espèces locales dont
l'évolution dépend plus de l'efficacité de l'AMP et moins
de facteurs extérieurs contrairement aux espèces migratrices.
Il serait aussi intéressant d'effectuer les mêmes
prélèvements dans les eaux voisines de l'AMP. Cela permettrait de
mettre en évidence un éventuel effet réserve, ce qui
correspond à un bénéfice direct pour les pêcheurs et
assurerait leur soutien à l'AMP. Par ailleurs, puisque les 3 stations
semblent assez différentes du point de vue des espèces
capturées, il pourrait être intéressant de réaliser
un inventaire des habitats dans ces mêmes stations. On pourrait ainsi
peut être corréler les espèces rencontrées avec des
habitats particuliers.
98
? Indic B1.2 : Abondance de la tortue marine
Données disponibles
Lors de la campagne de suivi des tortues marines de 2007, 12
nids ont été découverts : 9 à Finio et 3 à
Ngazobil. Sur ces 12 nids, 5 ont été submergés pas de
grandes marées et un détruit par un varan du nil. 7 nids ont donc
éclos et 517 petits ont été lâchés à
la mer.
Lors de la seconde campagne, en 2008, aucun nid n'a
été découvert. Il n'y aurait pas eu de remontés de
tortues cette année là, les tortues marines ne se reproduisant
pas chaque année.
Nouvelle proposition d'indicateur
La plage de Joal étant une zone de ponte pour les
tortues marines, le relevé du nombre de nids parait être la
méthode la plus appropriée pour un suivi régulier de
l'évolution de la population des tortues marines dans l'AMP. De plus,
cette campagne allie suivi des tortues et protection des pontes. L'indicateur
à retenir serait donc "Nombre de nids et de naissances de
tortues marines".
? Indic B1.3 : Abondance des espèces d'oiseaux
d'eau Données disponibles
Tous les mois, un recensement des oiseaux d'eau est
effectué par les agents de la DPN ; les oiseaux sont identifiés
et comptés. Ces données sont disponibles dans les rapports
d'activités de la DPN (DPN, 2007 et 2008).
Un tableau recensant les différentes espèces
d'oiseaux d'eau présentes dans l'AMP en 2007-2008 est
présenté en annexe VIII.
Analyse des données
La faune aviaire de l'AMP de Joal-Fadiouth est très
riche : 59 espèces d'oiseaux d'eau ont été
recensées en 2007 et 61 en 2008, avec un total pour les deux
années de 69 espèces différentes. Une observation plus
détaillée du tableau (voir annexe VIII.), nous apprend que 8
espèces qui étaient présentes en 2007 ne l'étaient
plus en 2008 mais, que, à l'inverse, 10 espèces absentes en 2007
ont été observées en 2008. Pourtant, le suivi aviaire n'a
pas été effectué les 4 derniers mois de cette
deuxième année, ce qui peut expliquer l'absence de certaines
espèces tel que les Milans dans le relevé de cette année.
En effet, le Milan noir et le
99
Milan royal, en 2007, n'ont été observés
qu'au mois de novembre. Finalement, il semble que la diversité aviaire a
plutôt tendance à augmenter dans l'AMP de Joal-Fadiouth.
![](Elaboration-dune-methode-devaluation-de-lefficacite-de-la-gestion-de-laire-marine-pro19.png)
Fig.15 : graphique du nombre d'oiseaux d'eau relevé lors
des suivis mensuels de 2007 et 2008.
En ce qui concerne l'abondance de l'avifaune, étant
donné le nombre élevé d'espèces d'oiseaux d'eau
différentes recensées, nous nous contenterons d'examiner le
nombre total d'individus, toutes espèces confondues, relevé lors
de chaque mission de suivi (fig.15). Le suivi n'ayant pas été
réalisé de septembre à décembre 2008, nous devrons
nous contenter de comparer le 8 premiers mois de l'année. On remarque
que le nombre d'individus observés en 2008 est plus important qu'en 2007
pour chaque mois, excepté le mois de juillet. Sur ces 8 mois, le nombre
total d'individus observés est de 29 015 en 2007 contre 57 192 en 2008.
Le nombre total d'oiseaux d'eau a donc presque doublé en un an. Cette
extraordinaire augmentation a été remarquée par certains
habitants de Joal-Fadiouth. Ceux-ci l'imputent à une augmentation de la
quantité de poissons dans l'AMP. Les oiseaux d'eau se nourrissant
d'espèces aquatiques, cette hypothèse est tout à fait
envisageable. Cependant, nous ne disposons pas encore de données qui
permettraient de démontrer une augmentation de l'abondance des
espèces aquatiques dans l'AMP. Par ailleurs, cette augmentation est peut
être due simplement à une diminution des activités
susceptibles de déranger les oiseaux puisque le règlement
intérieur de l'AMP les interdit formellement22. La gestion de
l'AMP apparait donc très efficace pour la protection et le
développement des oiseaux d'eau.
22 Le règlement intérieur de l'AMP
stipule qu'"il est formellement interdit de mener toute activité de
nature à perturber les équilibres écologiques des
écosystèmes ou qui dérangent gravement la faune aquatique
et aviaire." (article 3) ; celui-ci précise également
qu'"il est formellement interdit de piéger, de capturer et de vendre
les oiseaux d'eau et autres oiseaux protégés par les textes en
vigueur dans l'emprise de l'AMP" (article 6) et que "sont
rigoureusement interdits le ramassage, la collecte, la destruction d'oeufs de
tortues marines et des oiseaux et de leur nid" (article 8)
100
Nouvelle proposition d'indicateur
La technique de collecte des données qui est
utilisée par les agents de la DPN est le comptage des individus
observés, in situ, le long d'un parcours prédéfini. Toutes
les espèces d'oiseaux d'eau ont été
répertoriées. Les données permettent donc une analyse de
l'abondance et de la diversité des oiseaux d'eau telle que nous l'avons
réalisée ci-dessus. Il est également possible de suivre
l'évolution de l'abondance de chaque espèce individuellement. Ces
données pourraient être regroupées sous un indicateur
"Composition et abondance des oiseaux d'eau".
Recommandation pour une méthode de suivi
La méthode de suivi parait tout à fait
appropriée et révèle déjà des
résultats très encourageants.
Notons que parmi ces espèces un bon nombre sont des
espèces protégées, une attention particulière
devrait être portée à leur évolution.
101
? Indic. B2 : Structure des populations d'espèces
focales Données disponibles
Durant la campagne du CRODT de 2006, la longueur totale (LT)
à également été relevée pour les individus
de certaines espèces. Les graphiques de distribution des
fréquences de taille sont présentés pour deux
espèces de chaque station aux figures 16, 17 et 18.
![](Elaboration-dune-methode-devaluation-de-lefficacite-de-la-gestion-de-laire-marine-pro20.png)
LT adulte = 55 cm
Demi-bec brésilien
20
15
10
5
0
20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39
40
Hemiramphus brasiliensis
Longueur totale (cm)
Médiane = 29 cm
LT adulte = 50cm
Thiekem
15
10
5
0
10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
Galeoides decadactylus
Longueur totale (cm)
Médiane = 13 cm
Fig.16 : distribution des fréquences de taille de
Hemiramphus brasiliensis et de Galeoides decadactylus
à la station "Ngazobil" (Sène, 2008)
LT = Longueur Totale
![](Elaboration-dune-methode-devaluation-de-lefficacite-de-la-gestion-de-laire-marine-pro21.png)
Mugil cephalus
LT adulte = 60 cm
15
10
5
0
10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29
30
Mulet à grosse tête
Longueur totale (cm)
Médiane = 19 cm
Longueur totale (cm)
Médiane = 17 cm
10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29
30
8
Tilapia
Carpe
LT adulte = 26 cm
6
4
2
0
102
Fig.17 : distribution des fréquences de taille de
Tilapia et de Mugil cephalus à la station "la
Côtière" (Sène, 2008)
LT = Longueur Totale
![](Elaboration-dune-methode-devaluation-de-lefficacite-de-la-gestion-de-laire-marine-pro22.png)
Longueur totale (cm)
Médiane = 12 cm
Pomadasys jubelini
Dorade grise
LT adulte = 60 cm
5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
15
10
5
0
Mulet à grosse tête
Mugil cephalus
LT adulte = 60 cm
Longueur totale (cm)
Médiane = 15 cm
5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24
25
20
15
10
5
0
Fig.18 : distribution des fréquences de taille de
Pomadasys jubelini et de Mugil cephalus à la station
"Fadiouth" (Sène, 2008)
LT = Longueur Totale
103
Analyse des données
Les distributions des fréquences de taille obtenues
comparées à la LT adulte montrent, pour chaque espèce, que
les individus capturés sont de très petite taille. Par exemple,
les Galeoides decadactylus adultes ont une LT de 50 cm alors que la
médiane calculée pour les LT des individus capturés est de
13 cm. Il en est de même pour les 8 espèces ; la médiane
obtenue est toujours largement inférieure à la LT adulte.
Cette distribution des fréquences de taille traduit le
caractère juvénile des individus de ces espèces à
l'intérieur de l'AMP. Ceci montre que l'AMP de Joal-Fadiouth est un lieu
de développement pour les juvéniles de plusieurs espèces
et probablement un lieu de frayère. Cependant, plusieurs raisons peuvent
expliquer l'absence totale d'adulte : soit nous ne sommes pas en période
de ponte et ceux-ci ont migré vers d'autres zones, soit l'exploitation
par l'homme ne laisse le temps qu'à très peu d'entre eux
d'atteindre l'âge adulte.
Proposition d'indicateur
Les données disponibles correspondent à
l'indicateur B2. Nous pouvons le maintenir comme indicateur de suivi de la
gestion de l'AMP de Joal-Fadiouth.
Recommandation pour une méthode de suivi
La méthode de suivi semble appropriée.
Toutefois, on peut se demander comment ont été choisies les
espèces pour lesquelles les tailles ont été
mesurées. Il serait intéressant de se focaliser sur certaines
espèces cibles ou particulièrement vulnérables.
Des connaissances approfondies sur le mode de vie de ces
espèces devraient permettre une meilleure interprétation des
résultats. Par ailleurs, l'évolution de la répartition des
individus par classe de taille au cours du temps permettra d'observer
d'éventuels changements dans la structure des populations et d'estimer
le taux de croissance de la population.
? Indic. B3 : Répartition et complexité de
l'habitat Données disponibles
Une étude réalisée par Diouf en 2003 a
permis d'obtenir des données de superficie de mangrove sur base de
photos aériennes de 1954, 1978 et 1997. Ces données figurent dans
le plan de gestion 2009-2013 de l'AMP.
104
Trois zones majeures, représentées à la
figure 3, ont été déterminées par Diouf (2003) :
- Une zone centrale B (appelée mangrove des
cimetières) représentant la zone des amas coquillers de Diotio,
Facao et Fassanda ;
- Une zone A (mangrove de Joal) située au Nord de la piste
de Fadial ;
- Une zone C (mangrove de Fadiouth) au Sud du Chenal de
Diotio.
![](Elaboration-dune-methode-devaluation-de-lefficacite-de-la-gestion-de-laire-marine-pro23.png)
Fig.19 : Zonation par secteur de la mangrove de la lagune de
Joal-Fadiouth (Diouf, 2003)
Les superficies de mangrove de ces différentes zones
sont représentées figure 20.
![](Elaboration-dune-methode-devaluation-de-lefficacite-de-la-gestion-de-laire-marine-pro24.png)
Fig.20 : Histogramme des estimations des superficies de mangrove
par zone pour les années 1954, 1978 et 1997 (Diouf, 2003)
105
Analyse des données
La zone C est visiblement la plus importante en termes de
surface (fig.19). On remarque, sur le graphique de la figure 20, que la
superficie totale a diminué entre 1954 et 1997 ; elle est passée
de 424,72 hectares à 403,26 hectares. Deux causes peuvent être
imputées à cette diminution de surface : les variabilités
climatiques - plus particulièrement les périodes de grande
sécheresse - et l'impact anthropique à travers l'exploitation du
bois. La zone B, contrairement au zone A et C, a une superficie plus importante
en 1997 (54,18 ha) qu'en 1954 (51,49 ha). Si la zone B est mieux
conservée que les autres zones, cela est probablement dû à
des considérations culturelles (mangrove des cimetières).
Néanmoins, on remarque également une diminution de la superficie
de la mangrove dans la zone B entre 1978 et 1997.
Proposition d'indicateur
La mangrove constitue un habitat particulier propice au
développement de nombreuses espèces aquatiques. Elle est, en
effet, considérée comme une zone de frayère et de
nourrissage primordiale pour de nombreuses espèces de poissons et de
mollusques ; d'où l'importance de suivre son évolution.
Les données recueillies correspondent donc à la
répartition d'un habitat, la mangrove. L'indicateur B3 suggère de
caractériser tous les types d'habitats rencontrés dans l'AMP ou
du moins une grande proportion. En attendant qu'un tel travail puisse
être réalisé au niveau de l'AMP de Joal-Fadiouth, le suivi
d'un habitat essentiel tel que la mangrove est primordial. Ainsi nous pourrions
retenir un indicateur du type : "répartition de la
mangrove".
Recommandation pour une méthode de suivi
Des données plus récentes sur les superficies de
mangrove permettraient d'évaluer l'impact des mesures de protection
(AMP, campagnes de reboisement) sur son évolution. D'après une
étude de Dièye (2007) la mangrove réapparaitrait
progressivement en bordure des bolongs entre 1988 et 2005. Ces observations
devraient être confirmées par des données
chiffrées.
106
? Indic. B4 : Composition et structure de la
communauté
L'évaluation de cet indicateur est
particulièrement fastidieuse puisqu'elle nécessite l'observation
de tous les êtres vivants du site échantillonné. Des
données de ce type n'ont encore jamais été recueillies
pour l'AMP de Joal-Fadiouth. Cependant, un relevé de tous les
végétaux présents dans la réserve communautaire de
Ngazobil a été effectué. Notons que la réserve
communautaire de Ngazobil ne fait juridiquement pas partie de l'AMP de
Joal-Fadiouth mais elle se situe juste à limite de celle-ci et elle est
représentée dans le comité de gestion de l'AMP.
Données disponibles
Une synthèse des végétaux de Ngazobil se
trouve dans le rapport annuel d'activité 2008 de la DPN, il est repris
en annexe IX.
Analyse des données
97 espèces différentes, répartie sur 40
familles, ont été répertoriées dans la
réserve communautaire de Ngazobil. La diversité
végétale est donc extrêmement importante en ce lieu.
Proposition d'indicateur
La conservation de la biodiversité étant un
objectif phare de l'AMP, le suivi de la diversité végétale
semble tout à fait approprié. On pourrait ainsi nommer un
indicateur "Composition végétale de la réserve
communautaire de Ngazobil". Ces informations pourraient
éventuellement être complétées par une
évaluation de l'abondance relative.
Recommandation pour une méthode de suivi
Un relevé de ce type effectué tous les ans
à tous les trois ans permettrait de surveiller la disparition ou
l'apparition d'espèces. Une attention particulière devra
être apportée à l'apparition de nouvelles espèces
car elles sont susceptibles d'avoir un effet négatif sur la flore
endémique particulièrement s'il s'agit d'espèces
invasives.
Avec, en plus, des informations sur l'abondance relative, il
serait possible de surveiller l'évolution relative de chaque
espèce et de prévenir une éventuelle prolifération
excessive ou raréfaction de certaines espèces.
107
? Indic B7 : Type, niveau et rentabilité de
l'effort de pêche Données disponibles
Au poste de contrôle du quai de pêche de
Joal-Fadiouth, j'ai pu obtenir les "résultats généraux des
mises à terre" des années 2000 à 2008. Ces
résultats comprennent des données sur l'armement piroguier
(pirogues locales/étrangères), les mises à terre (tonnage
débarqué, valeur commerciale estimée, consommation
locale), la transformation artisanale et le carburant consommé. Un
tableau récapitulatif des données pour chaque année se
trouve en annexe X.
Analyse des données
![](Elaboration-dune-methode-devaluation-de-lefficacite-de-la-gestion-de-laire-marine-pro25.png)
A
B
C
|
Fig.21 : évolution des "résultats
généraux des mises à terre" de 2000 à 2008
A : graphique du tonnage débarqué
par année (avec courbe de tendance en rouge)
B : graphique de l'effectif piroguier moyen par
année
C : graphique du tonnage capturé par
pirogue
|
|
Le tonnage total débarqué oscille autour des 150
000 tonnes par an (fig.21A). De manière globale, il a tendance à
diminuer au cours du temps. Depuis 2000, la valeur la plus faible
enregistrée est celle de l'année 2008 avec un tonnage de 131 657
tonnes alors que la plus importante est de 172 210 tonnes en 2001.
108
En ce qui concerne l'effectif piroguier (fig.21B), il a
fortement augmenté entre 2001 et 2003 ; il est passé de 498
à 774 pirogues. Ensuite, celui-ci diminue jusqu'en 2005 pour atteindre
575 pirogues. Les 3 années qui suivent, le nombre de pirogues reste
stable, au alentour des 600.
On pourrait s'attendre à une augmentation des captures
lorsque l'effectif piroguier augmente entre 2001 et 2003. Or,
particulièrement en 2002 mais également en 2003 les captures sont
inférieures à celle de 2001. L'augmentation du nombre de
pêcheurs n'entraine pas une augmentation globale des captures, ce qui
signifierait que le niveau maximum d'exploitation des ressources est
globalement atteint dans les années 2000.
Le graphique C (fig.21) semble confirmer cette
hypothèse. Nous remarquons une chute des captures par pirogue entre 2001
et 2002 lorsque l'effectif piroguier commence à grimper. Cette
observation semble traduire un problème de surcapacité de
pêche, ce qui confirmerait que le niveau maximum d'exploitation soit
atteint en 2001.
La diminution de l'effectif piroguier entre 2003 et 2005 est
probablement due à la diminution importante des captures par pirogue
observée en 2002, elle-même due, comme nous venons de le voir,
à l'augmentation du nombre de pirogue entre 2001 et 2003.
Ces 4 dernières années, les valeurs
observées sur les 4 graphiques sont relativement plus stables mais en
2008 l'effectif piroguier est toujours supérieur à celui de 2000
alors que le tonnage débarqué est le plus faible jamais
observé depuis 2000.
En bref, il semble que le niveau maximum d'exploitation soit
largement atteint. Malgré la présence de l'AMP de Joal-Fadiouth,
aucun signe flagrant d'amélioration n'est visible sur ces graphiques. Si
les quantités totales débarquées continuent de diminuer
alors que l'effectif piroguier reste stable, cela signifiera que le niveau
maximum d'exploitation est globalement bel et bien dépassé et que
les ressources s'épuisent progressivement.
Notons, néanmoins, qu'il s'agit d'un constat global et
qu'il est possible que certaines espèces soient tout de même en
augmentation mais masquées par de fortes diminutions des stocks d'autres
espèces. Comme nous l'avons discuté au niveau de l'indicateur
Socio-éco. 3 (§V.3), l'AMP peut difficilement avoir beaucoup
d'impacts sur les espèces migratrices et surexploitées ailleurs
dans le monde. Ainsi, si on veut évaluer l'effet de l'AMP
spécifiquement, il serait plus pertinent d'évaluer
l'évolution des quantités de certaines espèces locales et
qui se reproduisent ou se développent dans l'AMP.
109
Proposition d'indicateur
Les données disponibles ne permettent pas une
évaluation aussi poussée que ce que recommande l'indicateur du
Guide de l'UICN (Pomeroy et al. 2006). Nous ne disposons pas de données
sur les technologies et sur le temps consacré à la pêche et
encore moins pour chaque espèce séparément. L'analyse
combinée du tonnage débarqué total et de l'effectif
piroguier peut déjà fournir un bon aperçu de la situation
globale de la pêche. A partir des données disponibles au poste de
contrôle du quai de pêche de Joal-Fadiouth, on peut imaginer un
indicateur simple et précis du type : "Analyse globale du
tonnage débarqué et de l'effectif piroguier". Au poste
de contrôle, il existe aussi des données de tonnage
débarqué par espèce par mois. Afin d'évaluer plus
spécifiquement l'efficacité de l'AMP, on pourrait utiliser les
données concernant certaines espèces locales et analyser
l'évolution des quantités débarquées de ces
espèces par année. Cet indicateur s'appellerait
'"Evolution des tonnages débarqués des espèces
locales".
Recommandation pour une méthode de suivi
La collecte des données nécessaires à
l'évaluation de cet indicateur est effectuée
systématiquement tous les mois par les agents du service des
pêches de Joal, ce qui est très positif. Un traitement des
données similaire à celui effectué ci-dessus devrait
également être effectué chaque année.
? Indic. B8 : Qualité de l'eau
Données disponibles
Divers paramètres physico-chimiques ont
été mesurés à l'occasion de l'état de
référence de novembre 2006 par le CRODT. Il s'agit de la
température, la salinité, l'oxygène dissous, le pH, la
chlorophylle totale et la turbidité. Les résultats sont repris
dans le plan de gestion 2009-2013 de l'AMP de Joal-Fadiouth (Sène,
2008).
Analyse des données
- Température (°C)
Les températures mesurées sont d'environ
30°C avec une légère diminution en fonction de la
profondeur. Les eaux sont chaudes, ce qui est caractéristique du mois de
novembre (début de la période de transition vers la saison
froide).
- Salinité (g/l de Na Cl - %o)
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Le taux de salinité varie entre 34 et 35 %o.
Les eaux de surface sont moins salées au niveau de la côte qu'au
large.
- Oxygène dissous (% de saturation)
Les valeurs en oxygène dissous sont en moyenne de 65%
et décroissent de la surface vers le fond
- Chlorophylle totale (ug/l)
La quantité de chlorophylle totale moyenne est de 8
ug/l, les concentrations les plus élevée étant
observée au fond (9ug/l). Ces valeurs sont élevées pour la
saison (Sène, 2008).
- pH
Le pH est situé entre 8 et 8,5 mais aucune tendance
n'est observée sur le plan vertical ou horizontal
- Turbidité (ppm)
La turbidité décroit vers le large et en
profondeur. Les valeurs se situées entre 6 et 7 ppm, ce qui est assez
faible.
Proposition d'indicateur
Toute variation inhabituelle d'un paramètre
physico-chimique est susceptible de constituer un facteur limitant des
processus biologiques des êtres vivants. Des variations dans la
qualité de l'eau peuvent donc entrainer la disparition ou l'apparition
d'espèces dans la zone étudiée. Il est donc important de
suivre l'évolution des paramètres physico-chimiques de l'eau mais
aussi de mesurer la charge nutritive, la densité de toxines ou de
bactéries à travers un indicateur tel que "la
qualité de l'eau".
Recommandation pour une méthode de suivi
Les paramètres physico-chimiques de l'eau varient en
fonction de la période de l'année, d'où l'importance
d'effectuer des relevés à des périodes fixes de
l'année et plusieurs fois par an. Il serait intéressant
également de mesurer plusieurs fois par an la charge nutritive, la
densité en toxines et en bactéries - ces deux dernières
pouvant permettre de déceler une pollution anthropique à
proximité de l'AMP.
Ces données pourraient être facilement
récoltées plusieurs fois par an car elles ne nécessitent
pas d'investissement important en temps et en personnel. Cependant, un
investissement important en matériel devra être
réalisé au départ.
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? Indic. B9 : Zones présentant des signes de
rétablissement Données disponibles
Cet indicateur nécessite d'avoir préalablement
défini des "seuils de rétablissement". Le plan de gestion
définit, en lien avec des objectifs, des cibles. Les cibles qui
concernent la conservation des habitats et des espèces pourraient
être assimilées à des seuils de rétablissement.
Notons néanmoins que les cibles pourront être
révisées avec le plan de gestion, il s'agit donc plutôt de
seuil provisoire à viser pour se rapprocher d'un "état de
rétablissement".
Ces cibles sont (Sène, 2008) :
1) L'augmentation de la biodiversité
spécifique et de la biomasse des espèces marines de 20 à
30 % de la situation de référence
2) Le reboisement de 10 à 20 % de la superficie de
mangrove
3) L'augmentation du recrutement des tortues marines de 10
à 20%
Analyse des données
Ces seuils devraient aider à l'analyse des
résultats de certains indicateurs. Ainsi, on pourra évaluer
l'indicateur "Abondance et biodiversité des espèces halieutiques"
en considérant que l'objectif de conservation des espèces marines
sera atteint lorsqu'on recensera 20 à 30% d'espèces en plus et
une biomasse également supérieur de 20 à 30%. De
même en ce qui concerne l'indicateur "Répartition de la mangrove"
(objectifs de reboisement de 10 à 20%) et "Nombre de nids et de
naissances de tortues marines" (objectif d'augmentation du nombre de nid de 10
à 20%).
Proposition d'indicateur et recommandation pour une
méthode de suivi
L'indicateur "Zones présentant des signes de
rétablissement" est un outil intéressant pour analyser
d'autres indicateurs mais il faudra garder à l'esprit qu'il s'agit de
seuils très subjectifs et susceptibles d'être modifiés en
fonction, par exemple, de nouvelles données scientifiques.
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