I.2. Historique d'un cadre législatif
La fonction initiale des AMPs était de « mettre
sous cloche » une zone d'intérêt biologique ou
esthétique. Cette vision des aires protégées est
aujourd'hui dépassée.
La conférence des Nations Unies, à Stockholm en
1972, représente la naissance d'une conscience environnementale et va,
pour la première fois, à travers une déclaration,
insérer l'environnement dans le droit international. Par la suite, on
assiste à une forte expansion des AMPs qui vont inévitablement
s'étendre à des zones occupées et utilisées par des
populations autochtones. Néanmoins, la prise en compte de l'homme et des
aspects socio-économiques dans les politiques de conservation de la
biodiversité n'apparaît timidement que dans les années 80,
dans le cadre du programme de MAB (Man And Biosphere) de l'UNESCO4.
Ce programme encourage la création d'un réseau d'AMPs et met en
évidence l'utilisation rationnelle des ressources5. Cette
première tentative d'intégrer l'homme comme partie prenante de
son environnement annonce déjà l'évolution majeure que va
entrainer la conférence de Rio en 1992 (Cazalet, 2004).
En effet, de la conférence de Rio vont naître
plusieurs textes. Nous en retiendrons trois particulièrement : La
déclaration sur l'environnement et le développement, L'agenda 21
et La convention de Rio sur la diversité biologique. La
première réaffirme l'importance du rapport entre environnement et
développement et fait émerger le concept de développement
durable qu'il consacre dans son principe 46. L'agenda 21
présente les actions et stratégies qui permettent de
concrétiser le développement durable. On y trouve une
référence aux AMPs
4 Une liste des signes et de leur signification est
disponible en fin d'ouvrage.
5 L'utilisation rationnelle des
ressources se définit comme une utilisation des ressources
au bénéfice de l'humanité d'une manière qui soit
compatible avec le maintien des propriétés naturelles des
écosystèmes (Cazelet, 2004)
6 Principe 4 : « Pour parvenir à un
développement durable, la protection de l'environnement doit faire
partie intégrante du processus de développement et ne peut
être considérée isolément. »
5
dans le chapitre 15.5g. : « Parmi les mesures in
situ, on devrait notamment renforcer les systèmes de zones
protégées (zones terrestres, marines ou aquatiques), et
préserver, entre autres éléments, les zones
dulçaquicoles et autres zones humides vulnérables et les
écosystèmes côtiers, tels qu'estuaires, récifs
coralliens et mangroves;». Il s'agit néanmoins toujours de
conférences, de déclarations d'intention ou de plan d'action qui
ne sont donc pas contraignants pour la communauté internationale. La
convention de Rio sur la diversité biologique va pallier à
cette faiblesse par un engagement contraignant des états signataires.
Aujourd'hui, presque tous les états de la planète y ont
adhéré dont la plupart des pays d'Afrique. L'article 8 de la
convention prévoit la mise en place d'un système d'aires
protégées, préconisé pour répondre aux
objectifs de sauvegarde des espèces et de leurs habitats et pour la
reconstitution d'écosystèmes dégradés. Cette
création doit autant que possible s'accompagner d'un mécanisme,
éventuellement réglementaire, de gestion du patrimoine biologique
à l'intérieur et sur les pourtours des aires
protégées. La majorité des états membres, y compris
la plupart des états africains, ont réalisés une
traduction interne de ces règles. (Cazalet, 2004 ;
Doumbè-Billé, 2001)
D'autres instruments plus spécifiques vont suivre. En
1995, la FAO élabore le code de conduite pour une pêche
responsable. Celui-ci tente d'appliquer le concept de durabilité
aux activités halieutiques. Ce code ne fait pas directement
référence aux AMPs mais certaines recommandations sont
directement applicables aux aires protégées. Ainsi, l'article
10.1.2 et 10.1.3 7 appuie la prise en compte et la participation des
communautés de pêcheurs dans la gestion des zones
côtières (FAO, 1995). En 1995, également, l'UNESCO
(programme MAB) élabore un cadre statutaire pour les réserves de
biosphères : la stratégie de Séville. Celui-ci
prône la démarche systémique et pluridisciplinaire et la
reconnaissance des savoirs locaux. Il préconise des partenariats entre
communautés locales et autorités responsables. (Cazalet, 2004)
Enfin, lors du sommet mondial sur le développement
durable de 2002, un engagement a été pris sur la création
de «zones marines protégées conformes au droit international
et
7 Article 10.1.2 « Eu égard aux
multiples utilisations de la zone côtière, les Etats devraient
veiller à ce que des représentants du secteur des pêches et
des communautés de pêcheurs soient consultés au cours des
processus de décision et qu'ils prennent part à d'autres
activités en rapport avec la planification de l'aménagement et le
développement des zones côtières.» Article 10.1.3
« Les Etats devraient mettre en place, le cas échéant,
des cadres institutionnels et juridiques en vue de déterminer les
utilisations possibles des ressources côtières et régir
l'accès à ces ressources, en tenant compte des droits des
communautés côtières de pêcheurs et de leurs
pratiques coutumières de manière compatible avec un
développement durable.»
6
basées sur des informations scientifiques, y compris
des réseaux représentatifs, d'ici à 2012 ». (Pomeroy
et al, 2006)
Ces législations servent de base au
développement de législations nationales dans les pays en voie de
développement. C'est également sur ces instruments que repose
l'évolution du concept d'AMP ; d'abord considérées comme
des zones qu'on souhaitait isoler complètement des humains, elles se
sont ensuite adaptées aux nécessités du
développement économique et social pour devenir des lieux
d'intégration de la science et de la gestion au bénéfice
du développement durable.
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