III.1.3. La pêche artisanale au
Sénégal, un secteur en crise
Le Sénégal dispose d'une façade maritime
de 700 km et d'une Zone Economique Exclusive d'environ 200 miles marins. Le
plateau continental s'étend sur 31 000 km2. La grandeur du
plateau continental, la diversité des biotopes (côtes sableuses,
rocheuses, zones humides côtières, mangrove, vasières)
ainsi que les fréquents upwellings et le climat chaud et
ensoleillé favorise le développement d'une grande
diversité d'espèces marines. (Centre de suivi écologique,
2005)
La pêche est une activité extrêmement
développée sur les côtes Sénégalaises. Les
prises annuelles pour l'année 2000 ont été estimées
à 418 764 tonnes dont 88 020 tonnes destinées à
l'exportation ce qui représente plus de 30% des recettes d'exportation
du pays. La pêche joue donc un rôle socio-économique
essentiel; elle contribue à hauteur de 2,5% du PIB national et emploie
directement ou indirectement 600 000 personnes soit environ 17% de la
population active. De plus, elle est une source de nourriture indispensable
puisqu'elle représente 75% de la consommation en protéines
animales. La pêche au Sénégal est dominée par le
secteur artisanal qui assure 88% des débarquements. (Centre de suivi
écologique, 2005)
Au Sénégal, la pêche artisanale est
organisée autour de la famille et se transmet de père en fils.
Les pêcheurs artisanaux doivent supporter des coûts importants en
termes d'achat
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et d'entretien du matériel (pirogue, filets, moteurs)
mais aussi en termes de fonctionnement (carburant, glace). Afin de rentabiliser
leurs investissements et de gagner suffisamment pour subvenir au besoin de leur
famille, une main d'oeuvre nombreuse, solidaire et bon marché est
indispensable. Le recrutement se fait donc en priorité au sein de la
famille, les familles nombreuses étant favorisées ; les
garçons partent en mer avec le père ou les aînés
alors que les filles jouent un rôle indispensable dans la transformation
et la commercialisation des produits de la pêche. Ainsi, de
génération en génération, le nombre de
pêcheurs s'accroît à un rythme aussi rapide que la
démographie des communautés concernées.
Un second phénomène permet d'expliquer
l'augmentation effrénée de la capacité de pêche
artisanale sénégalaise. Le Sénégal applique le
principe de libre accès aux pêcheries, ce qui signifie que
l'accès aux ressources halieutiques est entièrement libre. Ce
principe explique la présence dans les pêcheries artisanales de
pêcheurs occasionnels et de reconvertis provenant d'autres secteurs. Plus
particulièrement, les redoutables sécheresses qui ont
frappé les deux bandes tropicales de 1968 à 1973 (Sircoulon,
1976) ont conduit de nombreux agriculteurs à abandonner leurs terres
pour se tourner vers d'autres activités comme la pêche.
Ces deux phénomènes, ont entraîné
progressivement une surcapacité12 de la pêche
artisanale au Sénégal, la surcapacité entraînant
elle-même une surexploitation des ressources. Le nombre de pêcheurs
étant de plus en plus nombreux et les ressources de moins en moins
importantes, la concurrence entre les usagers s'est développée,
et certains, faute d'alternative, ont recours à des techniques de
pêche non durables telle que la pêche de juvéniles ou
l'utilisation de monofilament ce qui ne fait qu'aggraver la situation de
crise.
Enfin, suite à la dévaluation du franc CFA de
1994, la demande extérieure en poissons nobles est devenue encore plus
importante que par le passé, ce qui a entrainé une pression
encore plus forte sur les ressources halieutiques.
Il est maintenant clairement établi que les ressources
halieutiques du Sénégal ont fortement régressés.
Les quantités de poissons à haute valeur commerciale tel que le
thiof (mérou, Epinephelus aenus) seraient aujourd'hui cinq fois
moins importantes qu'en 1950 (Diouf, 2004). Les quantités
débarquées diminuent - une diminution des volumes
débarqués de 17,4% a été observée entre 2005
et 2006 - et de nombreux pêcheurs se voient contraints d'abandonner la
pêche (Direction des pêches maritimes, 2007).
12 On dit qu'il y a surcapacité
lorsque les moyens matériels déployés ainsi
que la force de travail exercée surpassent le potentiel halieutique de
la zone ciblée.
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