La saisie des navires en droit positif camerounais( Télécharger le fichier original )par Christian Valdano KOJOUO Université de Dschang - Master 2013 |
SECTION II : L'ORIGINALITÉ QUANT À LA CRÉANCE SUSCEPTIBLE D'OUVERTURE DE LA SAISIE CONSERVATOIRE DES NAVIRESComme il a déjà été signalé, l'ouverture d'une saisie conservatoire de droit commun sur les biens mobiliers nécessite tout simplement l'allégation d'une créance paraissant fondée dans son principe sans que le créancier ait à justifier de circonstance de nature à en menacer le recouvrement. La réalité est toute autre en ce qui concerne la saisie conservatoire des navires où il existe des exigences liées à la créance à garantir (Paragraphe 1) et où la créance à alléguer est soumise à un double régime d'apparence fondée en son principe ou non en fonction de la législation applicable (Paragraphe 2). Paragraphe 1 : Les conditions relatives à la créance à garantirLes deux ordres juridiques (international et communautaire CEMAC) applicables en matière de saisie conservatoire de navires sont unanimes sur le fait que le créancier qui nécessiterait l'ouverture d'une telle saisie devrait justifier d'une créance maritime (A) dont la liste est dressée par ces ordres au point où l'on s'interroge sur le caractère exhaustif ou non de cette liste au regard de son insuffisance manifeste (B). Cependant, pour se convaincre sur l'originalité de la saisie conservatoire des navires quant aux conditions relatives à la créance à garantir qui doit être forcément maritime, nous allons examiner la portée de cette exigence (C). A- L'allégation d'une créance maritime L'une des très grandes particularités liées à la saisie conservatoire du navire en droit interne CEMAC et en droit international tient à la créance à alléguer pour y parvenir. C'est ainsi que dans ces deux espaces, il faudra pour ce faire, exciper l'existence d'une créance maritime contre le débiteur que tant les conventions internationales relatives à la saisie conservatoire des navires (1) que le CCMM (2) mettent en évidence. Dans nos propos introductifs, il a été signalé qu'un problème pourrait en appeler d'autres et c'est ainsi qu'en traitant le problème des créances maritimes telles qu'énoncées par chacun de ces différents cadres juridiques, un problème sera abordé et résolu, celui des conditions d'application de chacun de ces textes. 1- Les créances maritimes au sens des conventions internationales sur la saisie conservatoire des navires En droit international de la saisie conservatoire des navires, la convention de Bruxelles du 10 mai 1952 qui est celle actuellement applicable nous dresse une liste de créances maritimes (a). Cependant, au regard des insuffisances constatées par l'application de cette liste, la future convention de Genève du 12 mars 1999 est venue, nous semble-t-il, combler le vide de son futur prédécesseur (b). a) La convention de Bruxelles du 10 mai 195268(*) Cette Convention conclue en Belgique n'envisage que l'aspect conservatoire de la saisie des navires car elle est littéralement intitulée « Convention internationale pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer du 10 mai 1952 » et ne traite pas pour une raison ou pour une autre de son aspect exécutoire. C'est ainsi que dans son corpus, elle définit la saisie uniquement dans son sens conservatoire car son article 2 alinéa 2 l'envisage comme étant: « l'immobilisation d'un navire avec l'autorisation de l'autorité judiciaire compétente pour garantie d'une créance maritime, mais ne comprend pas la saisie d'un navire pour l'exécution d'un titre ». Pour que cette Convention soit applicable, il faut d'abord que la saisie soit pratiquée dans un des États contractants69(*). Tout État peut y adhérer en notifiant son adhésion au Ministère des affaires étrangères de Belgique. L'adhésion engage l'État adhérent à l'expiration d'un délai de 6 mois (article 15)70(*). Pour sa part, le Cameroun est partie à la Convention de Bruxelles en vertu du principe de succession législative prévu par sa Constitution71(*), la France ayant rendu cette Convention applicable à ses colonies (parmi lesquelles le Cameroun), territoires d'Outre-mer entre autres, depuis le 23 avril 1958, conformément à l'article 18 paragraphe (a) de ladite Convention72(*). Si le navire en cause bat pavillon d'un État étranger partie à la convention de Bruxelles, on fera application de cette convention. S'il bat pavillon d'un État étranger non partie à la convention de Bruxelles, on considérait auparavant que le créancier saisissant et à défaut de choix de sa part, le juge du for, pouvait faire application à son choix, de son propre droit ou de la convention de Bruxelles73(*). En France, cette solution n'a semble-t-il plus cours depuis un arrêt du 30 octobre 200074(*). Pour comprendre la portée de cette importante décision, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 8 alinéa 3 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, « ...chaque État contractant peut refuser tout ou partie des avantages de la présente Convention à tout État non Contractant et à toute personne qui n'a pas, au jour de la saisie, sa résidence habituelle ou son principal établissement dans un État contractant ». C'est par l'application littérale de ce texte que la Cour de cassation française considère désormais, que la convention de Bruxelles soit applicable à la saisie conservatoire pratiquée en France même sur un navire d'un État non contractant, en l'espèce « Le Panama », dès lors que cette saisie est au moins pratiquée pour recouvrer une créance maritime. Seul l'État et non pas le juge ou le créancier peut priver un État non contractant du bénéfice de tout ou partie des dispositions de la convention de Bruxelles, dans l'exercice de son pouvoir normatif réglementaire ou législatif. Lorsque la convention de Bruxelles est applicable, la saisie ne peut être effectuée que pour le recouvrement d'une créance maritime, c'est-à-dire pour l'une des créances restrictivement énumérées par cette convention75(*), en son article 1. Selon cet article, la créance maritime signifie l'allégation d'un droit ou d'une créance ayant l'une des causes suivantes : dommages causés par un navire soit par abordage, soit autrement; pertes de vies humaines ou dommages corporels causés par un navire ou provenant de l'exploitation d'un navire; assistance et sauvetage; contrats relatifs à l'utilisation ou la location d'un navire par charte-partie ou autrement; contrats relatifs au transport des marchandises par un navire en vertu d'une charte-partie, d'un connaissement ou autrement; pertes ou dommages aux marchandises et bagages transportés par un navire; avarie commune; prêt à la grosse; remorquage; pilotage; fournitures, quel qu'en soit le lieu, de produits ou de matériel faites à un navire en vue de son exploitation ou de son entretien; construction, réparations, équipement d'un navire ou frais de cale; salaires des capitaines, officiers ou hommes d'équipage; débours du capitaine et ceux effectués par les chargeurs, les affréteurs ou les agents pour le compte du navire ou de son propriétaire; la propriété contestée d'un navire; la copropriété contestée d'un navire ou sa possession, ou son exploitation, ou les droits aux produits d'exploitation d'un navire en copropriété; toute hypothèque maritime et tout mort-gage. La future convention de Genève, sur la même question apporte plus de précisions, ce qui rendra forcément son application moins malaisée. b) La convention de Genève du 12 mars 199976(*) La convention du 12 mars 1999, adoptée à Genève en Suisse qui a elle aussi pour objet la saisie conservatoire des navires, était ouverte à la signature du 1er septembre 1999 au 31 août 2000. Elle est la future nouvelle convention internationale applicable à la saisie conservatoire des navires car elle est destinée à remplacer la convention de Bruxelles du 10 mai 1952. Ceci ne deviendra effectif que lors de son entrée en vigueur, laquelle entrée n'est possible que six mois après sa 10ème ratification77(*). À ce jour, n'ont ratifié la convention de Genève que cinq États78(*). Ce texte ne modifie pas fondamentalement le droit issu de la convention de Bruxelles ; elle ne fait qu'éclaircir certains points. Lorsqu'elle entrera en vigueur, la convention de Genève du 12 mars 1999 devra obligatoirement être appliquée à la saisie de tous les navires stationnés dans l'un des États contractants, quel que soit son pavillon79(*). Il ne serait pas abusif de remarquer que contrairement à la convention de Bruxelles qui retient comme critère principal et décisif d'application de ce texte, la nationalité du pavillon du navire en cause qui doit être celle d'un État contractant (article 8 de la convention de Bruxelles), celle de Genève retient le lieu de l'appréhension du navire (article 8 précité). À ce principe, il n'existera que deux exceptions : premièrement, la saisie conservatoire d'un navire stationné dans le port d'un État dont il bat pavillon, par un créancier établi dans cet État, relève du droit du for c'est-à-dire du droit interne de ce même État80(*) ; deuxièmement, chaque État signataire peut préciser lors de son adhésion à la convention, que celle-ci ne s'appliquera qu'aux navires battant pavillon de l'un des États signataires81(*). En ce qui concerne le droit substantiel de la convention de Genève, il en résulte que tout comme sa devancière (la convention de Bruxelles), la saisie conservatoire d'un navire ne pourra être effectuée que pour le recouvrement d'une créance maritime au sens des dispositions de ladite convention (article 2 alinéa 2)82(*). La créance maritime est d'ailleurs un élément de définition du créancier saisissant, la convention de Genève disposant en son article 1 alinéa 4, que par créancier, « il faut entendre toute personne alléguant une créance maritime ». Il s'agit des créances suivantes : pertes ou dommages causés par l'exploitation du navire; mort ou lésions corporelles survenant, sur terre ou sur eau, en relation directe avec l'exploitation du navire; opérations de sauvetage ou d'assistance ainsi que tout contrat de sauvetage ou d'assistance, y compris, le cas échéant, une indemnité spéciale concernant des opérations de sauvetage ou d'assistance à l'égard d'un navire qui par lui-même ou par sa cargaison menaçait de causer des dommages à l'environnement; dommages causés ou risquant d'être causés par le navire au milieu, au littoral ou à des intérêts connexes; mesures prises pour prévenir, réduire ou éliminer ces dommages; indemnisation de ces dommages; coût des mesures raisonnables de remise en état du milieu qui ont été effectivement prises ou qui le seront; pertes subies ou risquant d'être subies par des tiers en rapport avec ces dommages; et dommages, coûts ou pertes de nature similaire à ceux qui sont ci-dessus cités ; frais et dépenses relatifs au relèvement, à l'enlèvement, à la récupération, à la destruction ou à la neutralisation d'un navire coulé, naufragé, échoué ou abandonné, y compris tout ce qui se trouve ou se trouvait à bord de ce navire, et frais et dépenses relatifs à la conservation d'un navire abandonné et à l'entretien de son équipage; tout contrat relatif à l'utilisation ou à la location du navire par affrètement ou autrement; tout contrat relatif au transport de marchandises ou de passagers par le navire, par affrètement ou autrement; pertes ou dommages subis par les biens, ou en relation avec ces biens (y compris les bagages) transportés par le navire; avarie commune; remorquage; pilotage; marchandises, matériels, approvisionnement, soutes, équipements (y compris conteneurs) fournis ou services rendus au navire pour son exploitation, sa gestion, sa conservation ou son entretien; construction, reconstruction, réparation, transformation ou équipement du navire; droits et redevances de port, de canal, de bassin, de mouillage et d'autres voies navigables; gages et autres sommes dus au capitaine, aux officiers et autres membres du personnel de bord, en vertu de leur engagement à bord du navire, y compris les frais de rapatriement et les cotisations d'assurance sociale payables pour leur compte; paiements effectués pour le compte du navire ou de ses propriétaires; primes d'assurance (y compris cotisations d'assurance mutuelle) en relation avec le navire, payables par le propriétaire du navire ou par l'affréteur en dévolution ou pour leur compte; frais d'agence ou commissions de courtage ou autres en relation avec le navire, payables par le propriétaire du navire ou par l'affréteur en dévolution ou pour leur compte; tout litige quant à la propriété ou à la possession du navire; tout litige entre les copropriétaires du navire au sujet de l'exploitation ou des droits aux produits d'exploitation de ce navire; hypothèque, « mortgage » ou droit de même nature sur le navire; tout litige découlant d'un contrat de vente du navire. Les créances maritimes telles qu'il en ressort dans le cadre de cette convention, sans être totalement identiques à celles ci-dessus exposées dans le cadre de la convention de Bruxelles s'en rapprochent véritablement. Cependant, certaines créances visiblement maritimes, à l'instar des primes d'assurances83(*) et des frais d'agence ou commission de courtage en relation avec le navire84(*)qui n'avaient pas été mentionnées, sont désormais admises. De même, de nouveaux types de créances consécutives au progrès de la technologie telles que les créances du chef des dommages à l'environnement85(*), ont fait leur apparition. Les créances maritimes découlant de cette convention ont été pour ainsi dire, pour la plupart reprises dans le contexte CEMAC par le CCMM qui a d'ailleurs fait un renvoi exprès à cette convention. En Afrique centrale, le fait le plus marquant en droit maritime, ces dernières décennies, est l'adoption du Code de la marine marchande de la CEMAC. Il s'agit d'un évènement historique, en ce que le Code régente désormais le droit maritime dans toute l'Afrique centrale et, a même vocation à s'appliquer dans un avenir proche, au-delà de cette sphère géographique86(*). Pourtant, parmi les nombreuses matières maritimes que ce Code régit, plusieurs d'entre elles coexistent avec d'autres dispositifs juridiques nationaux ou internationaux. Il s'agit par exemple de la saisie des navires qu'il régit dans ses articles 114 à 133. Pour ne pas tomber en conflit avec les conventions internationales qui régissent la question, il faudrait examiner le champ d'application de ce code. En comparaison avec les conventions internationales sur la saisie des navires, il s'en suit que le Code CEMAC ne devrait s'appliquer que de façon résiduelle, c'est-à-dire notamment à l'occasion de la saisie, par un créancier ayant sa résidence ou son établissement principal en Afrique centrale, d'un navire battant pavillon d'un État de la CEMAC et pour autant qu'il ne s'agisse pas d'un rapport de droit international ; car même dans ce cas, la convention internationale devrait s'appliquer dans la mesure où la quasi-totalité des États de la CEMAC y sont contractants. La seule hypothèse où l'application du code CEMAC ne fait guère de difficulté est, dans notre opinion, celle précisément du créancier, ayant sa résidence habituelle ou son principal établissement au Cameroun, qui saisit au Cameroun un navire immatriculé au Cameroun87(*). Aussi bien, notre analyse se trouve confortée par l'article 8 alinéa 4 de la convention internationale de 1952, texte qui énonce qu'aucune de ses dispositions ne modifie ou n'affecte la loi interne des États contractants en ce qui concerne la saisie d'un navire dans le ressort de l'État dont il bat pavillon, par une personne ayant sa résidence habituelle ou son principal établissement dans cet État. En effet, l'application de la convention internationale suppose l'existence d'un élément d'extranéité. En ce qui concerne le droit substantiel du Code CEMAC, la saisie conservatoire d'un navire, dans l'un des ports de l'Afrique centrale, est possible dès lors qu'il est justifié d'une créance maritime88(*). Le CCMM donne lui aussi la liste des créances maritimes susceptibles d'ouvrir une saisie conservatoire dans son espace, bien qu'en faisant allusion à la convention de Genève du 12 mars 1999 sur la question. Ces créances maritimes résultent des causes suivantes : dommages matériels ou corporels, y compris perte de vies humaines sur terre ou sur mer, causés par un navire ou provenant de son exploitation ; assistance et sauvetage, contrats relatifs à l'affrètement ou à l'utilisation d'un navire ; contrats relatifs au transport des marchandises par un navire ; pertes ou dommages aux marchandises et bagages transportés par un navire ; avarie commune ; remorquage ou pilotage d'un navire ; fournitures de produits, de matériels ou de services à un navire en vue de son exploitation ou de son entretien ; construction, réparation, équipement d'un navire ou frais de cale ; salaires du capitaine et de l'équipage ; débours du capitaine, des affréteurs, des chargeurs ou des agents maritimes, effectués pour le compte du navire ou de son propriétaire ; commissions des agents du navire ; propriété contestée du navire ; droits de copropriété d'un navire ou droits à l'exploitation d'un navire, ou aux produits d'exploitation d'un navire en copropriété ; indemnité ou autre rémunération due au titre de toute mesure ou tentative visant à prévenir, écarter ou limiter un dommage imputable au navire y compris un dommage de pollution en vertu ou non d'une Convention internationale, d'un texte législatif ou réglementaire, ou d'un contrat ; frais et dépenses relatifs à l'enlèvement de l'épave du navire ou de sa cargaison ; toutes primes d'assurances relatives au navire, tout litige découlant d'un contrat de vente du navire89(*). Le CCMM bien que faisant allusion à la convention de Genève sur l'énumération des causes de créances maritimes pouvant donner lieu à ouverture d'une saisie conservatoire, n'en conserve pas moins une certaine autonomie, car de l'énumération de ces causes telles qu'elles ressortent de ce Code, l'on constate l'absence de certaines causes qui figurent pourtant dans le texte de référence à savoir la convention de Genève de 199990(*) ; cet état de choses pose le problème du caractère exhaustif ou non des causes des créances maritimes. B- Le caractère exhaustif ou non des créances maritimes ? Au premier abord, le caractère exhaustif s'appréhende comme ce qui épuise à fond un sujet91(*) ; ce qui revient à employer également le terme limitatif ; dans le cas contraire, il est plutôt indicatif. Cet antagonisme s'observe lorsqu'il est aussi question de parler de la liste des créances maritimes. Il convient d'emblée de relever que le débat sur le caractère exhaustif ou indicatif de la liste des créances maritimes est depuis longtemps une préoccupation constante sur la scène internationale. Il oppose les partisans d'une liste ouverte à ceux d'une « closed list ». Tandis qu'une liste restrictive a pour inconvénient d'exclure certaines créances ayant un caractère maritime et de méconnaître le caractère évolutif des activités maritimes, une liste ouverte serait à craindre en raison des incertitudes qu'elle pourrait causer en laissant aux tribunaux une liberté excessive92(*). Pourtant, l'énumération des causes de créances maritimes telles que contenues dans la convention de Bruxelles de 1952 n'est pas sujet à ambiguïté quant à son caractère exhaustif ou indicatif ; de tout temps, cette liste a été considérée comme étant exhaustive et d'interprétation restrictive93(*) d'où la dénomination de « closed list » employée dans le jargon des maritimistes, même si le juge camerounais s'est quelque fois montré peu rigoureux dans l'appréciation de cette exigence94(*). Pour éviter les inconvénients liés au système de la « closed list » et de la liste ouverte, un compromis devrait s'avérer nécessaire. C'est ce qu'a tenté de faire la convention de Genève du 12 mars 1999 qui a procédé à ce qu'on a appelé une « open list partial »95(*). Une liste des créances maritimes est en effet adoptée, mais celle-ci intègre des créances nouvelles et formule toutes les créances dans les termes assez généraux, ceci dans le respect de l'attachement à la conception de la créance maritime comme créance résultant de l'exploitation du navire. Schématiquement, la convention de Genève dans son élaboration96(*) était partagée sur le point de savoir si cette convention devait s'inspirer de la convention de Bruxelles de 1952 et prévoir ainsi une liste exhaustive de créances maritimes, évitant ainsi que des créances maritimes authentiques ne puissent donner lieu à un droit de saisie. Après de longs débats et examens de diverses propositions, il a été adopté un compromis délicat consistant à établir une liste exhaustive de créances donnant lieu à un droit de saisie, tout en prévoyant une certaine flexibilité pour certaines catégories de créances maritimes97(*). En droit interne CEMAC tout comme en droit international, le problème du caractère exhaustif ou non de la liste des causes des créances maritimes se pose aussi ; car comme il a été signalé, le CCMM fait, pour l'énumération de la liste des créances maritimes, allusion à la convention de Genève de 1999, mais néanmoins donne une énumération dans laquelle l'on ne retrouve pas certaines créances pourtant contenues dans ladite convention. De ce fait, est-ce qu'au regard de cette absence, l'on peut considérer la liste du CCMM comme étant indicative et inclure par là même les créances manquantes ? Un cas devrait forcément attirer notre attention ; il s'agit de l'hypothèque qui figure à l'article 1er paragraphe 1(u) de la convention de Genève mais qui est pourtant absente dans le CCMM. Ce qui peut paraître dangereux pour la garantie hypothécaire, compte tenu du risque de distraction du bien pendant la longue procédure de saisie-exécution98(*). La solution que l'on pourrait apporter à cette incurie est que, sans promouvoir le caractère indicatif de l'article 119 du CCMM sur la liste des causes des créances maritimes, il est souhaitable de considérer la créance hypothécaire comme une créance maritime, sans que l'intérêt de l'activité maritime en soit affecté. Ceci renforcerait les garanties du créancier dans un domaine où la saisie-exécution n'est pas très utilisée, et son application largement dépassée dans la pratique par le recours à la saisie conservatoire99(*). En tout état de cause, et pour éviter les débats autour de l'exhaustivité ou non de liste des créances maritimes telle qu'élaborée par les textes spéciaux, il faudrait que le créancier allègue une créance qui figure expressément sur cette liste. Ainsi dit, on ne peut pas saisir conservatoirement un navire en garantie de n'importe quelle créance. Ce principe constitue véritablement une singularité par rapport au reste du droit de l'exécution forcée, ce qui ne serait pas sans causes ni conséquences, d'où l'intérêt d'examiner la portée de l'obligation d'allégation d'une créance maritime. C- La portée de l'obligation d'allégation d'une créance maritime L'obligation d'allégation d'une créance maritime par le créancier pour l'exercice d'une saisie conservatoire est donc clairement exprimée par les textes applicables dans notre contexte en la matière à savoir en droit interne le CCMM et en droit international la convention de Bruxelles100(*). Ceci est une originalité qui déroge fondamentalement au droit commun de la saisie conservatoire mobilière101(*) qui exige pour ce faire, tout simplement une créance paraissant fondée dans son principe102(*). Cette exigence nous fait nécessairement ressortir quelques remarques. D'une part, la limitation du droit de saisie au seul créancier maritime est fondée sur une raison évidente et pertinente : la protection de l'activité maritime. L'immobilisation qui résulte de la saisie cause un préjudice très grave à l'armateur, lequel est privé des bénéfices d'exploitation du navire alors que ses coûts continuent à courir. C'est pour protéger la liberté du commerce maritime que les législations limitent ce droit de saisie conservatoire au seul créancier maritime, défini par rapport à la créance maritime ; ce dernier est tout simplement le bénéficiaire d'une créance maritime. D'autre part, la notion de créance maritime témoigne de l'affectation du patrimoine de mer à la garantie de tous les créanciers maritimes103(*). Ainsi, et à la différence des créanciers terrestres, ceux maritimes ne pourront se contenter que de la tranche du patrimoine de leurs débiteur affectée à l'aventure maritime, application manifeste de la théorie du « patrimoine d'affectation »104(*). Ce constat emporte une conséquence très particulière en raison de la situation très fréquente en droit maritime de la dissociation de la propriété et de l'exploitation du navire: l'acceptation par les deux droits applicables en la matière du principe d'une obligation de nature particulière, l'obligation in rem, obligation dont l'existence est rapportée à une chose à un point tel qu'on peut dire que la chose, plutôt que la personne de son propriétaire ou de son exploitant en répond105(*). Ceci permet donc au navire fautif de répondre de ces dettes, indépendamment du droit de propriété. Le navire n'appartenant pas au débiteur à titre de navire causal peut être saisi ; on parle ainsi d'action in rem fondée sur le principe qui veut que la saisie conservatoire du navire soit en priorité dirigée contre le navire dont l'exploitation est cause de créance, en toute indépendance de la qualité juridique de son exploitant. Le véritable propriétaire ne peut s'opposer à la saisie au motif qu'il n'est pas le véritable débiteur106(*). Cette conception résulte de l'influence du droit anglais, où seul le navire ayant provoqué la dette, peut être conservatoirement saisi. Par ce biais, l'absence de lien personnel entre l'obligation et le propriétaire n'empêche pas la saisie du navire générateur de la créance. Ceci permet donc de saisir conservatoirement les navires du propriétaire pour les dettes nées du fait de l'affréteur ou de l'armateur exploitant, même si celui-ci n'est plus propriétaire du navire causal au moment où s'exerce l'action. Il suffit qu'il l'ait été au moment où est née la créance privilégiée. La jurisprudence camerounaise ne conteste pas l'exercice d'une telle action comme on peut le voir dans l'affaire du navire « Salam 4 »107(*). À la faveur de l'escale du navire « Salam 4 » au port de Douala le 16 février 2007, la société A/S Dan Bunkering a pratiqué une saisie conservatoire sur ledit navire pour sûreté, conservation et paiement de la somme de 122 927 660 F CFA en règlement d'une créance d'avitaillement (fourniture d'eau et de soutes) se rapportant audit navire, créance qui serait née alors que le navire était affrété à temps par les sociétés Crossworld Shipping Ltd et Crossworld Middle East Ltd. De même, la conception du navire-débiteur a permis de conclure, face au silence de la loi, qu'un navire affrété peut être saisi par un créancier de l'affréteur après la fin de l'affrètement ; ce qui fonde le droit à la saisie, c'est le fait que le créancier a un privilège sur le navire108(*). Sur la même lancée, et comme il a déjà été signalé, tant en droit communautaire CEMAC qu'en droit international, le droit de saisie pourrait être exercé quand bien même le navire causal ou encore navire-débiteur aura changé de propriétaire109(*). En somme, la condition principale tenant à la créance à garantir est que celle-ci doit être forcément une créance maritime, mais le problème se pose de savoir si elle doit comme en droit commun de la saisie conservatoire mobilière, paraître fondée dans son principe. * 68 La convention internationale pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer conclue à Bruxelles, le 10 mai 1952. * 69 Les dispositions de la présente Convention sont applicables dans tout État Contractant à tout navire battant pavillon d'un État Contractant. * 70 Sont actuellement parties à la convention de Bruxelles, l'Algérie, l'Allemagne, Antigua et Barbuda, les Bahamas, la Belgique, le Belize, le Bénin, le Burkina Faso, le Cambodge, le Cameroun, la République centrafricaine, la Chine, les Comores, la République du Congo (Kinshasa), le Costa Rica, la Côte d'Ivoire, la Croatie, Cuba, le Danemark, Djibouti, la République Dominicaine, l'Égypte, l'Espagne, les Fidji, la Finlande, la France, le Gabon, la Grèce, la Grenade, le Guyana, la Guinée, Haïti, Hong-Kong (application maintenue sur décision de la République populaire de Chine), l'Irlande, l'Italie, Kiribati, la Lettonie, la Lituanie (par acte du 29 avril 2002), le Luxembourg, Macao (territoire chinois sous administration portugaise jusqu'au 20 décembre 1999, date depuis laquelle la Chine y exerce désormais sa souveraineté), le Maroc, Maurice, la Mauritanie, la Namibie (par acte du 14 mars 2002), le Niger, le Nigéria, la Norvège, le Paraguay, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal , la Roumanie, le Royaume-Uni, la Fédération de Russie (qui a adhéré à la convention de Bruxelles, avec effet à compter du 29 avril 1999, en faisant des réserves dont la possibilité a été prévue par l'article 10 de ladite convention, et s'est en outre réservée la possibilité de ne pas appliquer la convention aux navires de guerre et assimilés, ainsi qu'aux navires appartenant à ou exploités par un État à des fins non commerciales, Revue Comité Maritime International Newsletter, n°3, 1999 et n°1, 2000), Sabah (anciennement Bornéo Septentrional, État membre de la fédération de Malaisie), le Saint-Siège, Saint-Kitts-Et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, les Iles Salomon, Sarawak (État membre de la fédération de Malaisie), le Sénégal ,les Seychelles, la Slovénie, le Soudan, la Suède, la Suisse, la Syrie, le Tchad, le Togo, les Tonga, les Iles Turks-et-Caicos, et Tuvalu. * 71 Ce principe est ainsi énoncé : « La législation résultant des lois et règlements applicables dans l'État fédéral du Cameroun et dans les États fédérés à la date de prise d'effet de la présente Constitution reste en vigueur dans ses dispositions qui ne sont pas contraires aux stipulations de celle-ci, tant qu'elle n'aura pas été modifiée par voie législative ou réglementaire ». On retrouve le même principe dans la Constitution des autres États de l'Afrique francophone. Il s'en suit qu'en matière de transport, les lois et décrets antérieurs à l'indépendance de ces États et qui n'ont pas été remplacés par de nouveaux textes sont toujours applicables dans ceux-ci ; c'est le cas de la convention de Bruxelles de 1952 en matière de saisie conservatoire de navires. L'article 68 de la récente Constitution camerounaise du 18 janvier 1996 reprend ce principe. * 72 Cet article énonce : « Toute Haute Partie Contractante peut, au moment de la ratification, de l'adhésion, ou à tout moment ultérieur, notifier par écrit au Gouvernement belge que la présente Convention s'applique aux territoires ou à certains des territoires dont elle assure les relations internationales. La Convention sera applicable auxdits territoires six mois après la date de réception de cette notification par le Ministère des Affaires étrangères de Belgique, mais pas avant la date d'entrée en vigueur de la présente convention à l'égard de cette Haute Partie Contractante ». * 73 Article 8 alinéa 2 de la Convention de Bruxelles : « Un navire battant pavillon d'un État non Contractant peut être saisi dans l'un des États Contractants, en vertu d'une des créances énumérées à l'art. 1, ou de toute autre créance permettant la saisie d'après la loi de cet État ». * 74 Cass. Com., 30 octobre 2000, Bull. civ. IV, n° 168, DMF décembre 2000, p. 1012, obs. J.-P. Rémery, et sur renvoi après cassation, CA Montpellier, 1ère ch., sect. AS, 1er décembre 2003, n° 01 /00384, DK Line c /Petredec Ltd, navire « Sargasso ». * 75 Rappelons cependant que cette définition restrictive de la notion de créance maritime n'avait pas cours, lorsque le juge, avant l'arrêt du 30 octobre 2000, pouvait faire application de la convention de Bruxelles ou du droit du for à son choix, c'est-à-dire, lorsque le navire bat pavillon d `un État étranger non partie à la convention de Bruxelles. Comme nous l'avons vu, cette solution n'aura donc désormais plus cours, que lorsque l'État, et non plus le juge ou le créancier, aura refusé à tout État non contractant, dans le cadre de son pouvoir normatif réglementaire ou législatif, en application de l'article 8 alinéa 3 de la convention de Bruxelles du 10 mai 1952, le bénéfice de tout ou partie des dispositions de ladite convention. Dans ce cas, et désormais dans ce cas seulement, il y a lieu de considérer que la saisie peut être pratiquée pour toute créance, telle que définie par le droit interne du for, solution d'autant plus favorable au créancier saisissant que le droit interne applicable sera moins restrictif que le droit conventionnel en matière de définition de la créance saisissable. * 76 La convention internationale de 1999 sur la saisie conservatoire des navires. * 77 Article 12 : « La présente Convention est ouverte à la signature des États au Siège de l'Organisation des Nations Unies, à New York, du 1er septembre 1999 au 31 août 2000. Elle reste ensuite ouverte à l'adhésion ». Article 14 : « La présente Convention entre en vigueur six mois après la date à laquelle 10 États ont exprimé leur consentement à être liés par elle ». v. Berlingreri, Analyse de la convention du 12 mars 1999 sur la saisie conservatoire des navires, DMF 1999, p.403 ; CMI newsletter n°1, 1999. * 78 Il s'agit de l'Estonie, la Lettonie, la Bulgarie, la Syrie et l'Espagne. * 79 Article 8 alinéa 1 : « La présente Convention est applicable à tout navire relevant de la juridiction d'un État partie, quel qu'il soit, et battant ou non pavillon d'un État partie ». * 80 Article 8 alinéa 6 : « Aucune disposition de la présente Convention ne modifie ou ne concerne les textes de loi en vigueur dans les États parties relativement à la saisie d'un navire dans la juridiction de l'État dont il bat pavillon, obtenue par une personne ayant sa résidence habituelle ou son principal établissement dans cet État, ou par toute autre personne qui a acquis une créance de ladite personne par voie de subrogation, de cession, ou par tout autre moyen ». * 81 Article 10 alinéa 1 b : « Un État peut, au moment de la signature, de la ratification, de l'acceptation, de l'approbation ou de l'adhésion, ou à tout moment par la suite, se réserver le droit d'exclure du champ d'application de la présente Convention (...) les navires ne battant pas le pavillon d'un État partie ». * 82 Article 2 alinéa 2 : « Un navire ne peut être saisi qu'en vertu d'une créance maritime, à l'exclusion de toute autre créance ». * 83 Article 1er paragraphe 1(q) de la convention de Genève. * 84 Article 1er paragraphe 1(r) de la convention de Genève. * 85 Article 1er paragraphe 1(d) de la convention de Genève. * 86 NGAMKAN (G.), Saisie conservatoire de navires en Afrique centrale : l'avis de l'autorité maritime compétente : une exigence superflue ? Juridis Périodique n° 42, Avril-Mai-Juin 2000, P.111. * 87 Pour une parfaite illustration de cette règle, voir : Ord n° 2056 du 06 juillet 1998. PTPI Douala, aff. SMAC (Société de Manutention, d'Acconage et de Consignation) c/ CNNI (Compagnie Nationale de Navigation Intérieure), navire « La Lebombi) (inédit). Ici, l'application du Code ne souffre d'aucune critique. La solution est la même pour le créancier résidant au Congo ou au Gabon qui saisit un navire battant pavillon congolais ou gabonais. * 88 Article 120 alinéa 2 : « elle peut être accordée dès lors qu'il est justifié d'une créance maritime... ». * 89 Article 119 du CCMM. * 90 Un exemple patent est le cas de l'hypothèque qui figure dans le texte de référence à savoir la convention de Genève de 1999 (et même aussi dans celle de Bruxelles de 1952) mais qui ne figure pourtant pas dans le CCMM. * 91 Petit Larousse illustré, 1983. * 92 KODJO GNINTEDEM (M.D.), L'efficacité des sûretés maritimes, Thèse pour l'obtention du doctorat en droit, soutenue en 2011, université de Yaoundé II p 219. * 93 REMOND-GOUILLOUD, Droit maritime, Pedone 1988, p 159, n°289 cité par NGAMKAN (G.), op.cit., p 112. * 94 Mme Lucy ASUAGBOR dans son étude intitulée « la saisie conservatoire des navires au regard du nouveau Code de la marine marchande » (in Les Cahiers de l'AJMC, pp 14 et ss.) donne une liste exemplative des créances ayant donné lieu à saisie devant les juridictions camerounaises. Parmi celles-ci, figurent les primes impayées sur les contrats d'assurance, or il est évident que celles-ci sont exclues par le texte même de la convention (voir trib.com. Le Havre, 4 mars 1981, navire « Aifanourias » in DMF 1981. 740, « les primes d'assurances ne figurent pas dans l'énumération de toute évidence restrictive »). De même, dans l'ordonnance n°2056 rendue le 6 juillet 1998 par le PTPI de Douala, navire « La Lebombi », aff. SMAC contre CNNI, la saisie est autorisée pour l'intégralité de la créance alors que celle-ci n'est que pour partie maritime ; en effet, la créance résultant de la location des palettes a été admise alors qu'elle ne figure pas au catalogue des créances maritimes prévues par la convention. Il est à noter cependant que cette tendance latitudinaire n'est pas propre aux juridictions camerounaises ; en effet, l'examen des décisions rendues par les tribunaux français révèle que ceux-ci prennent aussi beaucoup de liberté avec les textes applicables (voir PESTEL-DEBORD (P.) et GARO (Ph.), La saisie conservatoire de navires, Pratic Export 1994, pp 19 et s.). cf NGAMKAN (G.), op.cit., p 112. * 95 BERLINGIERI (F.), Analyse de la convention du 12 mars 1999 sur la saisie conservatoire des navires, DMF 1999, p 404. * 96 Dans le rapport de la conférence diplomatique de l'ONU et de l'OMI sur la saisie conservatoire des navires tenue au palais des Nations Unies à Genève du 1er au 12 mars 1999. * 97 Par exemple, à l'alinéa d du paragraphe 1 de l'article 1er qui couvrait les créances relatives à l'environnement, on avait ajouté les « dommages, coûts ou pertes de nature similaire à ceux qui sont indiqués dans le présent alinéa d ». * 98 KODJO GNINTEDEM (M.-D.), L'hypothèque maritime dans le Code CEMAC de la Marine Marchande, mémoire pour l'obtention du master en droit, université de Yaoundé II, février 2008, p 58. * 99 KODJO GNINTEDEM (M.-D.), L'efficacité des sûretés mariitmes, op.cit., p 221. * 100 Destinée à être remplacée plus tard par la convention de Genève. * 101 Tel qu'il résulte de l'AUPSRVE. * 102 Article 54 de l'AUPSRVE : « Toute personne dont la créance paraît fondée dans son principe peut solliciter (...) l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers (...) si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement ». * 103 KODJO GNINTEDEM (M.-D.), L'efficacité des sûretés maritimes, op.cit., p 219. * 104 C'est une théorie selon laquelle, contrairement à la théorie classique d'AUBRY et RAU, le patrimoine n'est pas lié à l'idée de personne, ne constitue pas « l'universalité juridique de tous les objets extérieurs sur lesquels une personne a pu ou pourra avoir des droits à exercer », mais correspondant à l'affectation d'une masse de biens à un but, ce but pouvant être soit la conservation des biens, soit leur liquidation, soit leur administration. L'intérêt de cette théorie est d'admettre qu'une même personne puisse avoir plusieurs patrimoines différenciés par la diversité de leurs affectations. Cf GUILLEN (R.) et VINCENT (J.), op.cit., p 423. * 105 Ibidem ; contrairement à nos deux droits, le droit français est gouverné par la conception personnaliste du patrimoine. Ainsi, c'est la personne du débiteur qui répond de la dette et non l'objet à l'origine de la créance. Ceci rejoint la théorie classique du patrimoine telle que développée par AUBRY et RAU et qui constitue l'ensemble des biens et des obligations d'une personne, envisagé comme une universalité de droit, c'est-à-dire comme une masse mouvante dont l'actif et le passif ne peuvent être dissociés. * 106 CA de Noumea, 14 octobre 2010, navire « King Tamatoa », obs. P. DELEBECQUE, DMF, janvier 2011. * 107 PTPI-Bonanjo, ordonnance de référé n°299 du 12 Avril 2007, affaire Salam international transport and trading Co. Ltd contre A/S Dan Bunkery Ltd, navire « Salam 4 » (inédit). * 108 KODJO GNINTEDEM (M.-D.), L'efficacité des sûretés maritimes, op.cit., p 231. * 109 Cependant, en droit français, et comme l'a rappelé la Cour de cassation, une telle saisie n'est autorisée que pour les créances privilégiées, à l'exclusion des autres créances maritimes, et en raison du fort droit de suite attaché aux privilèges maritimes. Cf Cass.com, 4 octobre 2005, navire « Renaissance One », www.lexinter.net. |
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