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La saisie des navires en droit positif camerounais

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par Christian Valdano KOJOUO
Université de Dschang - Master 2013
  

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Paragraphe 2 : Les incidents de la saisie des navires

En adaptation des règles de la saisie immobilière, il existe deux types de règles ayant vocation à régir les incidents de la saisie-exécution des navires : les règles propres à chaque incident (A) et les règles communes à tous les incidents (B).

A- Les règles propres à chaque type d'incident

L'AUPSRVE envisage quatre types d'incidents : les incidents nés de la pluralité des saisies (1), les demandes en distraction (2), les demandes en annulation (3) et la folle enchère (4) ; on devrait leur embrasser un cinquième prévu par l'AUPCAP : l'ouverture d'une procédure collective (5).

1- Les incidents nés de la pluralité des saisies : les oppositions

Lorsque plusieurs créanciers poursuivent le même débiteur, il y a, le plus souvent jonction, les poursuites étant menées pour le compte de tous par le premier saisissant. Mais il y a des hypothèses où un autre créancier demande à être subrogé dans les poursuites.

En ce qui concerne premièrement la jonction des poursuites, il faut observer tout d'abord que lorsqu'un créancier entend saisie-exécuter un navire ayant déjà fait l'objet d'une saisie, il ne peut mener une poursuite indépendante de la première. C'est une application de la règle « saisie sur saisie ne vaut »271(*). Il résulte de la combinaison des alinéas 2 et 3 de l'article 260 que le conservateur, dans une telle hypothèse, ne peut publier le second commandement. Il se borne à le mentionner en marge de la première transcription ; il doit également constater, en marge et à la suite de ce second commandement, son refus de transcription ; ce système permet à tous les créanciers de se connaître ; la procédure est poursuivie par le saisissant, mais la radiation ne peut être opérée sans le consentement des créanciers postérieurs révélés272(*). Il faut dire que cette situation ne constitue pas véritablement un incident ; en effet, non seulement, elle n'implique pas l'intervention d'un tribunal, mais en plus, elle n'est pas traitée dans les dispositions consacrées aux incidents. En matière de pluralité de saisies, l'Acte uniforme n'envisage que deux situations consécutives d'incidents : la première correspond à celle où deux ou plusieurs créanciers ont fait publier des commandements relatifs à des navires différents appartenant au même débiteur et dont la saisie est poursuivie devant la même juridiction273(*) ; dans une telle hypothèse, les poursuites sont réunies à la requête de la partie la plus diligente274(*) et continuées par le premier saisissant275(*). La seconde situation correspond à celle où le second commandement englobe, outre le navire de la première saisie, d'autres navires. Dans ce cas, le deuxième saisissant est tenu de dénoncer son commandement276(*) au premier saisissant, et alors, de deux choses l'une : soit les deux procédures sont au même état, alors le premier saisissant poursuit les deux saisies ; soit elles ne sont pas au même état ; dans ce cas, le premier saisissant sursoit à sa saisie et poursuit la deuxième afin de la mettre au même niveau ; les deux saisies seront alors réunies devant la juridiction de la première saisie.

Deuxièmement et enfin, en ce qui concerne la subrogation dans les poursuites, l'AUPSRVE a voulu que le premier saisissant assure la direction des opérations en cas de pluralité de saisies ; certes, les autres créanciers participent aux opérations, mais leur rôle est négligeable. Cependant, il faut leur permettre d'intervenir de manière plus active lorsque celui qui conduit les opérations n'assume pas sa mission ou cesse de conduire la procédure dans l'intérêt de tous. Aussi, l'Acte uniforme a-t-il prévu la possibilité pour ces créanciers de se substituer au premier saisissant : c'est ce que l'on appelle la subrogation dans les poursuites. Deux cas de subrogation sont réglementés par l'Acte uniforme : le premier cas est prévu par l'article 304 qui envisage l'hypothèse où le premier saisissant à qui une seconde saisie a été dénoncée s'abstient de diriger les poursuites ; dans ce cas, le second saisissant peut, par un acte écrit adressé au conservateur, demander la subrogation. Le second cas de subrogation est prévu par l'article 305 ; ce texte autorise la demande en subrogation s'il y a collusion, fraude, négligence ou toute autre forme de retard imputable au saisissant. En cas de subrogation, la poursuite est reprise par le subrogé qui la continue à partir du dernier acte utile ; il ne la recommence pas.

2- Les demandes en distraction

La distraction en l'espèce est l'incident de la saisie des navires par lequel un tiers qui se prétend propriétaire du navire cherche à le soustraire de la saisie.

L'incident ne peut être provoqué que par un tiers. La demande en distraction fait partie des incidents qui peuvent être présentés après l'audience éventuelle, mais seulement jusqu'au huitième jour avant l'adjudication. La demande en distraction suspend les poursuites si elle porte sur la totalité des biens. En revanche, si elle porte sur une partie des biens saisis, il pourra être procédé à l'adjudication du surplus, mais le tribunal peut, à la demande des parties intéressées, ordonner le sursis pour le tout. En cas de distraction partielle, le poursuivant est admis à changer la mise à prix portée au cahier des charges.

Outre le cas de distraction, la procédure de saisie-exécution des navires pourrait être phagocytée par des demandes en annulation favorables.

3- Les demandes en annulation

Elles devraient constituer tout comme en matière de saisie immobilière, les incidents les plus fréquents de la saisie des navires, car les conditions de fond et de forme sont très nombreuses.

Il existe deux cas de nullité ; d'une part, les nullités pour vice de fond ; d'autre part, les nullités pour vice de forme qui sanctionnent les actes irrégulièrement accomplis.

Il faut combiner les articles 299 et 311 alinéa 1er de l'AUPSRVE pour avoir une idée du délai dans lequel les moyens de nullité doivent être soulevés.

Lorsqu'il s'agit d'une demande dirigée contre la procédure qui précède l'audience éventuelle, il faut un dire annexé au cahier des charges cinq jours au plus tard avant la date fixée pour cette audience ; il n'en serait autrement que si la cause de nullité était découverte postérieurement à cette audience.

Lorsqu'il s'agit d'une demande dirigée contre la procédure suivie à l'audience éventuelle, elle peut être présentée après l'audience éventuelle, mais seulement jusqu'au huitième jour avant l'adjudication.

Un cas particulier est visé par l'article 313 de l'AUPSRVE, mais on peut se demander s'il s'agit réellement d'un incident, car il concerne une demande introduite après l'adjudication : c'est la demande en nullité de la décision judiciaire ou du procès-verbal notarié d'adjudication. Une telle demande peut être faite par voie d'action principale en nullité portée devant la juridiction compétente dans le ressort de laquelle l'adjudication a été faite. Cette demande doit être présentée dans le délai de quinze jours à compter de l'adjudication.

Les effets de la nullité de la procédure suivie sont déterminés par l'article 311 alinéa 1er de l'AUPSRVE. Selon ce texte, si les moyens de nullité sont admis, la procédure peut être reprise à partir du dernier acte valable et les délais pour accomplir les actes suivants courent à la date de la signification de la décision judiciaire qui a prononcé la nullité.

C'est l'article 313 de l'AUPSRVE qui est consacré à la nullité de la décision d'adjudication ; selon ce texte, le jugement d'annulation a pour effet d'invalider la procédure à partir de l'audience éventuelle ou postérieurement à celle-ci selon les causes de l'annulation277(*).

Il convient de signaler que la nullité n'est pas nécessairement prononcée à la suite de la contestation d'une irrégularité. Dans certains cas, l'irrégularité n'est sanctionnée par la nullité que si celui qui s'en prévaut justifie d'un grief. L'Acte uniforme n'a pas, il est vrai, consacré de manière générale, la règle « pas de nullité sans grief », mais il énumère dans l'article 299 de l'AUPSRVE un certain nombre de formalités qui ne sont sanctionnées par la nullité que si l'irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts de celui qui l'invoque. La liste dressée par l'article 299 de l'AUPSRVE est limitative dans la mesure où la nullité n'est pas subordonnée à un grief lorsque la formalité en cause n'est pas visée par le texte.

Si la demande en nullité n'est pas justifiée et que l'adjudication a eu lieu, l'adjudicataire est astreint à certaines formalités sous peine de revente du navire par la procédure de folle enchère.

4- la folle enchère

On peut d'emblée se demander si la folle enchère est un incident de la saisie des navires car, étant dirigée contre l'adjudicataire, cette procédure intervient après l'adjudication et l'expropriation forcée du navire. Il s'agit donc plus d'une suite de la saisie des navires que d'un incident. Il faut cependant nuancer une telle analyse, car il ne faut pas perdre de vue que la saisie n'est vraiment terminée qu'au moment où les créanciers peuvent exercer effectivement leur droit de préférence sur un prix d'adjudication payé par un acquéreur solvable.

Ceci étant, l'article 314 de l'AUPSRVE définit la folle enchère comme la procédure ayant pour objet de mettre à néant l'adjudication en raison des manquements de l'adjudicataire à ses obligations et de provoquer une nouvelle vente aux enchères du navire. Il y aurait donc folle enchère lorsque l'adjudicataire n'est pas en mesure de tenir ses engagements, généralement parce qu'il a porté les enchères à un prix très supérieur à ses ressources. La poursuite de la folle enchère conduira à la résolution de l'adjudication avec remise en vente du navire.

La folle enchère est donc ouverte dans deux cas : premièrement lorsque l'adjudicataire ne justifie pas dans les vingt jours suivant l'adjudication qu'il a payé le prix, les frais, et satisfait aux conditions du cahier des charges ; deuxièmement lorsque l'adjudicataire ne fait pas publier la décision judiciaire ou le procès-verbal notarié d'adjudication à la conservation des hypothèques maritimes dans le délai de deux mois à compter de la décision.

La folle enchère peut être intentée par le saisi, le créancier poursuivant et les créanciers inscrits et chirographaires. La procédure se déroule selon les règles des articles 316 à 323 de l'AUPSRVE. Le fol enchérisseur est responsable du non paiement de son prix d'adjudication. La folle enchère n'aura un effet sur l'adjudicataire défaillant que si le navire a été vendu à un prix plus bas que celui qu'il avait proposé ; il devra donc payer la différence entre ces prix.

Ces quatre cas sont prévus par l'AUPSRVE et sont propres aux voies d'exécution. Cependant, à la lecture de l'AUPCAP, l'on se rend compte qu'il pourrait avoir collision entre les procédures collectives et les voies d'exécution, toutes deux ouvertes à l'encontre d'une personne. Dans cette situation, l'AUPCAP prévoit dans certains cas la suspension des poursuites individuelles, donc des voies d'exécution, d'où la considération selon laquelle l'ouverture d'une procédure collective pourrait constituer un incident de saisie-exécution des navires.

5- l'ouverture d'une procédure collective

Depuis l'avènement de l'OHADA, les procédures collectives sont régies par un Acte uniforme appelé Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif. Adopté le 10 avril 1998, cet Acte uniforme est entré en vigueur le 1er janvier 1999.

Tout comme en matière de saisie de droit commun, la survenance d'une procédure collective en cours de saisie-exécution de navires devrait logiquement suspendre les poursuites individuelles entreprises à l'occasion de cette voie d'exécution, ceci en vertu des articles 9278(*)institué pour la procédure de règlement préventif, et 75 de l'AUPCAP279(*) institué à propos des procédures de redressement judiciaire et liquidation des biens.

Le règlement préventif est une procédure destinée à éviter la cessation des paiements ou la cessation d'activités de l'entreprise et à permettre l'apurement de son passif au moyen d'un concordat préventif. Pour ce faire, les poursuites individuelles engagées contre les personnes soumises à une telle procédure devraient être suspendues et les créanciers devraient se soumettre à une discipline collective.

Dans le redressement judiciaire, l'objectif étant le redressement de l'entreprise, tous les créanciers, chirographaires ou titulaires de sûretés, subissent la suspension des poursuites individuelles jusqu'à la résolution ou l'annulation du concordat280(*).

Dans la liquidation des biens, comme son nom l'indique, l'apurement du passif est obtenu à l'issue des opérations de liquidation de l'actif mobilier et immobilier. Pour faciliter les opérations de liquidation de l'actif mobilier et immobilier, le droit de poursuite des créanciers gagistes, des créanciers nantis et hypothécaires est suspendu jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois suivant le jugement prononçant la liquidation des biens. Passé ce délai, si le syndic n'a pas réalisé les biens concernés, les créanciers peuvent reprendre l'exercice de leur droit281(*).

Les dispositions propres à chaque incident, ayant une portée limitée, celles communes à tous les incidents seraient destinées à les compléter.

B- Les règles communes à tous les incidents

Elles se rapportent à la compétence et à la procédure d'une part, et aux voies de recours d'autre part.

Pour ce qui est de la compétence et de la procédure, tout incident suppose une instance principale. On peut considérer comme telle la procédure elle-même. Dans ces conditions, le tribunal chargé de cette procédure est seul compétent pour trancher les incidents de la saisie des navires ; cette compétence du tribunal chargé de la procédure d'expropriation exclut celle de toute autre juridiction. La procédure est caractérisée par la simplicité et la rapidité. La procédure est simple car la contestation ou la demande est formée par simple acte d'avocat contenant les moyens et conclusions. C'est seulement lorsqu'elle est dirigée contre une partie n'ayant pas constitué d'avocat qu'elle est faite par « requête avec assignation »282(*) ainsi que l'indique l'article 298 alinéa 1er de l'AUPSRVE. La procédure est rapide car l'affaire est instruite et jugée d'urgence, mais aucun délai n'est fixé283(*).

Le régime des voies de recours applicables aux jugements rendus sur les incidents de la saisie des navires est fixé par les articles 300 et 301 de l'AUPSRVE. L'article 300 exclut l'opposition qui ne peut donc jamais être exercée contre un jugement ayant statué sur un incident. En ce qui concerne l'appel, ce texte le soumet à des règles très strictes. En effet, il n'admet l'appel que lorsque la décision statue sur le principe même de la créance ou sur des moyens de fond tirés de l'incapacité de l'une des parties, de la propriété, de l'insaisissabilité ou de l'inaliénabilité des biens saisis. L'appel doit donc être déclaré irrecevable lorsque le jugement attaqué a statué sur des incidents concernant la régularité formelle de la procédure de saisie de navires. Dans les cas où l'appel est recevable, l'intéressé doit respecter les règles du droit commun ; c'est ce qui résulte de l'article 300 alinéa 4 de l'AUPSRVE selon lequel l'appel est exercé selon les conditions du droit commun284(*). Quelques règles particulières résultent de l'article 301. Ce texte fait obligation à l'appelant de notifier l'acte d'appel à toutes les parties en cause à leur domicile réel ou élu et au greffier de la juridiction compétente. La juridiction d'appel, lorsqu'elle est régulièrement saisie, doit statuer dans la quinzaine de l'appel.

* 271 Cette règle a déjà été observée lorsqu'il s'agissait de parler de la saisie conservatoire des navires.

* 272 Article 260 de l'AUPSRVE.

* 273 Article 302 de l'AUPSRVE.

* 274 Le tribunal ne peut ordonner d'office la jonction ; il faut nécessairement une requête de l'une des parties.

* 275 L'alinéa 2 de l'article 302 apporte une importante précision permettant de déterminer le premier saisissant. Selon ce texte, « si les commandements ont été publiés le même jour, la poursuite appartient au créancier dont le commandement est le premier en date et si les commandements sont de même jour, au créancier le plus ancien ». L'expression « créancier le plus ancien » est cependant énigmatique. En France, il est question de l'avocat le plus ancien, cela se comprend puisque l'ancienneté de l'inscription confère certains droits. Si on peut s'appuyer sur les dates d'inscription pour déterminer l'ancienneté des avocats, un tel critère ne peut manifestement être utilisé pour des créanciers. L'Acte uniforme veut-il se référer à la date de la créance ? Nous le pensons.

* 276 Ce commandement est publié pour les biens non compris dans le premier commandement.

* 277 Il serait difficilement concevable d'invalider la procédure antérieurement à l'audience éventuelle puisque les demandes dirigées contre cette procédure doivent être introduites avant cette audience et jugées au cours de celle-ci.

* 278 L'article 9 de l'AUPCAP dispose : « La décision prévue par l'article 8 suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement des créances désignées par le débiteur et nées antérieurement à ladite décision. La suspension concerne aussi bien les voies d'exécution que les mesures conservatoires ».

* 279 L'article 75 de l'AUPCAP dispose : « La décision d'ouverture suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant à faire reconnaître des droits et des créances ainsi que toutes les voies d'exécution tendant à en obtenir le paiement, exercées par les créanciers composant la masse sur les meubles et immeubles du débiteur ».

* 280 Article 76 et suivants de l'AUPCAP.

* 281 Article 149 et 150 de l'AUPCAP.

* 282 L'article 298 alinéa 1er de l'AUPSRVE utilise l'expression « requête avec assignation » ; c'est étonnant puisque la requête et l'assignation constituent deux modalités différentes de saisine d'une juridiction. Cette formule ne s'explique que si l'appel est dirigé à la fois contre des parties ayant constitué avocat et d'autres qui ne l'auraient pas fait.

* 283 En France non plus, aucun délai n'est fixé ; c'est ce qui explique qu'on ait pu qualifier cette règle de simple recommandation faite au tribunal.

* 284 Voir dans le contexte camerounais les articles 188 et suivants du CPCC.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein