Conclusion
Sur le plan général, les types d'occupation du
sol dans le terroir de Ndokayo sont marqués, entre 1987 et 2000, par de
faibles changements. Cependant, une dynamique accélérée de
la zone d'habitation, des cultures, des jachères et de la savane
arbustive dense survient entre 2000 et 2011. S'agissant de la galerie
forestière, elle n'est pas restée figée; mais son
évolution n'est pas problématique. Le constat
général qui se dégage est l'explosion de l'emprise humaine
à travers l'extension de la zone d'habitation des cultures et des
jachères, mais aussi de la dégradation de la savane arbustive
dense. La dynamique accélérée des types d'occupation du
sol entre 2000 et 2011 suscite des interrogations. Logiquement, il est
important de savoir quels sont les facteurs ayant entrainé
l'accélération du phénomène.
47
Chapitre 2. Facteurs de la dynamique des types
d'occupation du sol dans le terroir de
Ndokayo
Introduction
La dynamique accélérée des types
d'occupation dans le terroir de Ndokayo a été établie. Il
a été précédemment démontré que la
zone d'habitation, les cultures et les jachères et la savane arbustive
dense ont connu entre 2001 et 2011 une dynamique
accélérée. L'on a noté une dynamique progressive de
l'emprise humaine. La savane arbustive dense quant à elle a plutôt
connu une évolution régressive en termes d'étendue
spatiale et surtout spécifique. Dès lors, donner une explication
à cette dynamique accélérée des types d'occupation
du sol, s'avère fondamental dans cette étude. A cet effet, le
présent chapitre s'intéresse à l'analyse des facteurs de
la dynamique des types d'occupation du sol dans le terroir. Trois types de
facteurs combinés sont indexés au sujet de cette dynamique
accélérée. Ils sont respectivement mis en évidence
et analysés. Il s'agit tout d'abord de l'évolution du contexte
climatique du terroir, ensuite du changement du contexte socioéconomique
local et finalement des facteurs intentionnels.
2.1. Le changement du contexte climatique et sa
contribution à la dynamique des types d'occupation du sol dans le
terroir
Les éléments du milieu naturel sont en
interrelation. Brunet R. et al. (1992) parlent de
géosystème. Les écologues utilisent le terme
d'écosystème pour le désigner. Ainsi, le couvert
végétal subit l'action condition du milieu, au point d'en
dépendre. L'état du couvert végétal est donc
fortement tributaire de l'ambiance climatique, qui influe sur les autres
conditions écologiques notamment les types de sols.
2.1.1. La dégradation des conditions
climatiques : les années de déficit pluviométrique et la
sècheresse de 2007.
L'analyse des données relatives à
l'évolution climatique dans le terroir de Ndokayo permet de relever une
importante variabilité interannuelle des précipitations et des
températures. Parlant des précipitations, les années 1987,
1988, 1996,1998, 2000 et 2004 à 2010 sont déficitaires. Le plus
haut degré du déficit pluviométrique par rapport à
la moyenne est atteint en 2007 et s'est traduit par une crise de
sècheresse dans toute la zone climatique soudano-guinéenne de
transition (Figure 12.).
Sources : SODEPA
48
Figure 12. Ecart à la moyenne des
précipitations à Ndokayo
49
Cette décroissance des apports de pluies qui
caractérise la zone rend compte d'un phénomène climatique
général reconnu dans toute la zone équatoriale d'Afrique.
En effet, ces dernières années sont marquées par un
déficit de la pluviosité interannuelle de 10 à 20 % par
rapport à la moyenne normale (Mahé et Olivry, 1995, cités
par Réounodji, 2002). Ces années déficitaires se
caractérisent donc par un début tardif et/ou par une fin
précoce de la saison des pluies.
En l'absence des données sur le nombre de jours de
pluie, il est difficile de faire une analyse. Néanmoins, les profils
historiques donnent une idée considérable de cette
répartition au cours de l'année et permettent d'apprécier
son impact sur le couvert végétal. Les populations du terroir
expliquent les années déficitaires et la sècheresse de
2007 par la perturbation de la répartition annuelle habituelle des
pluies. Selon eux, la grande saison des pluies qui dans son cours normal a une
durée moyenne de 3,5 mois (mi-août à fin novembre) a
duré en 2007 moins de 3 mois (ou parallèlement à cette
situation, la grande saison sèche qui habituellement dure 3 mois a connu
un prolongement de près d'un mois.
Ces années de déficit hydrique et de
sècheresse ont fortement influencé l'état du couvert
végétal dans cette zone. Cette situation a conduit à un
assèchement poussé du couvert végétal
herbacé, lequel subit l'action des feux de brousse tardifs, portant
préjudice au couvert ligneux.
La dégradation des conditions climatiques dans la zone
est associée à la transformation des sols.
2.1.2. La transformation des sols
Les sols constituent l'une des conditions écologiques
déterminant de la végétation et de sa répartition.
La végétation est en partie tributaire du type de sol qui est
à son tour dépend du climat. Sur le plan général,
les sols dans la zone ont connu une diminution de leur teneur en eau,
prolongée durant les phases sèches. Cette situation a
vraisemblablement éprouvé la résistance des plantes durant
la saison sèche. Elles ont aussi favorisé l'induration des sols
par endroits (Photo 8.).
50
Dans ce milieu en marge de la zone équatoriale, les
sols sont ferrugineux avec tendance à l'induration (Segalen, 1967).
Ainsi, dans un contexte de perturbation des conditions climatiques,
caractérisé par des années sèches par rapport
à la moyenne des précipitations, la pédogenèse est
commandée par le prolongement de la grande saison sèche.
L'induration des sols a tendance à prendre s'amplifier.
Photo 8. Sol induré
Cette photo illustre le phénomène
d'induration que subissent les sols dans le terroir de Ndokayo. Selon les
populations, cette situation survient seulement après une
décennie. L'induration des sols est un facteur limitant de la
végétation. Sur ce type de sol, la végétation est
presque absente. Quelle que soit la saison, la végétation est
réduite à quelques rares arbrisseaux rabougris.
Cliché et commentaire : Pouïra Jean Bodel
51
En effet, le prolongement de la saison sèche conduit
à un assèchement du tapis herbacé. Le brulage tardif du
tapis herbacé laisse les sols sans protection. Au moment des pluies, les
sols sont sujets à une érosion intense. Les horizons superficiels
sont décapés. Après leur décapage total,
après une certaine période, l'horizon d'accumulation est
exhumé. A l'air libre, cet horizon subit une induration.
La tendance à l'induration dans le terroir comme dans
l'ensemble la zone soudano-guinéenne est liée à
l'érosion dans les secteurs où la couverture
végétale est dégradée. L'induration des sols
constitue un facteur limitant de la végétation. Sur les sols plus
ou moins indurés, la végétation est presque absente. Elle
se résume à quelques herbacées réparties de
manière discontinue. La multiplication des dalles indurées influe
sur la répartition de la végétation.
En plus des facteurs naturels, le cadre
socio-économique a aussi favorisé la dynamique des types
d'occupation du sol dans le terroir de Ndokayo.
2.2. Incidence du changement du contexte
socioéconomique sur la dynamique des types d'occupation du sol dans le
terroir de Ndokayo.
Le boom démographique que connait le terroir de Ndokayo
depuis le début de la décennie 2000 sous-entend une dynamique
d'acteurs locaux et des types d'activité. Cette situation a
favorisé considérablement la dynamique des types d'occupation du
sol.
2.2.1. Le boom démographique et la multiplication
des besoins
Une augmentation rapide de la population peut avoir des
répercussions sur l'état des ressources naturelles et provoquer
la dégradation du potentiel rural, si celle-ci n'est pas
accompagnée d'innovations techniques de modes d'exploitation. Nombre
d'exemples ont montré en Afrique qu'une population nombreuse a toujours
besoin d'espaces de production, en particulier des terres cultivables et bien
d'autres ressources indispensables à sa survie. (Reounodji, F et al.,
2008)
52
Dans cette optique, la dynamique des types d'occupation du sol
dans le terroir de Ndokayo a un lien étroit avec la dynamique des
populations. La période 2000-2011 est marquée au sein du terroir
par une dynamique multiforme de la population. Cette dynamique est d'abord
quantitative, mais aussi, et surtout qualitative.
En effet, le terroir a connu une augmentation vertigineuse de
sa population durant la décennie 2000-2011. Plus de 7000
réfugiés en provenance de la République centrafricaine
voisine se sont installés dans le terroir (HCR, 2009). La population a
par conséquent pratiquement triplé. Cette augmentation de la
population a des effets sur le plan spatial (Figures 24 et 25).
L'augmentation de la population au sein du terroir, suite
à l'implantation des réfugiés centrafricains, s'accompagne
d'une augmentation des besoins en espaces d'habitation et en terre de culture,
ainsi que des besoins en ressources naturelles. Ceci a entrainé une
augmentation du bâti et des espaces agricoles (Figures 13, 14 et 15) au
détriment du couvert végétal qui s'est profondément
transformé. Les ligneux sont surexploités pour répondre au
besoin pressant des ménages en bois de chauffe et pour la construction
des habitations. Les prélèvements abusifs entrainent la
dégradation du couvert végétal. Cependant, la croissance
des besoins a impulsé la dynamique des acteurs.
53
Figure 13. Répartition de la zone
d'habitation en 2011 selon la nationalité des
propriétaires
14,16000°E
14.08000°E 14,10000°E
14,12000°E 14,14000°E
f '-
0 2
Kilomètres
14,08000°E
14.14000°E 14.16000°E
14.101000°E
14.121000°E
N
·
/111 visi,+ ~ ~`.
A. , r
+ 111. %
,.
11 ` - j \' ·
+
+
vie
Hie
+
Légende
- - -- Limite du terroir
Espace cultivé par les réfugiés
centrafricains
-Espace cultivé par les Camerounais
54
Figure 14. Répartition des cultures en 2011 selon
la nationalité des propriétaires
55
Figure 15. Répartition des jachères en
2011 selon de la nationalité des propriétaires
56
2.2.2. La dynamique des groupes d'acteurs
La dynamique des acteurs est d'abord quantitative et ensuite
qualitative. Avant de montrer leurs rôles dans la dynamique de
l'occupation du sol, il importe de connaitre les raisons de celle-ci.
Si le lien entre augmentation de la population et dynamique
des acteurs est étroit, les raisons de la dynamique des acteurs ne s'y
limitent pas.
En effet, l'augmentation de la population du terroir est
perçue comme une opportunité économique par les
populations hôtes. Cette idée a prévalu durant les
premières années qui ont suivi l'installation des
réfugiés centrafricains dans le terroir. Des orpailleurs et des
artisans de population hôte se sont reconvertis dans l'agriculture.
L'objectif de cette reconversion est clair. Il fallait couvrir la nouvelle
demande alimentaire et par conséquent améliorer les revenus.
D'après les enquêtes, sur les 60 agriculteurs interrogés au
sein de la population hôte, 68,33 % ont répondu favorable ment
à la question de savoir si l'installation des réfugiés
centrafricains dans le terroir a favorisé l'augmentation de leurs
parcelles cultivées en vue de produire davantage (Figure 16).
Source : enquête de terrain, 2011.
Figure 16. Influence de l'installation des
réfugiés centrafricains sur les producteurs agricoles
autochtones.
57
En effet, les activités génératrices de
revenus pratiquées par les réfugiés, durant les
premières années de leur implantation dans le terroir,
étaient limitées au petit commerce et aux petits services
rémunérés. Ils ne bénéficiaient que de
l'appui alimentaire du HCR, insuffisant et surtout divergent de leurs habitudes
alimentaires (HCR, 2009).
Pour l'essentiel, les réfugiés avant leur
installation dans le terroir comme dans l'ensemble des zones d'accueil des
réfugiés centrafricains au Cameroun étaient avant leur
installation des éleveurs de bovins. Ils vivaient essentiellement de
l'activité pastorale. Pendant leur déplacement pour le Cameroun,
la plupart d'entre eux ont perdu la totalité de leurs troupeaux.
D'aucuns en ont perdu une partie importante, généralement plus de
la moitié. Cette situation est liée aux multiples attaques et
prises d'otages perpétrés par des coupeurs de routes qui
sèment la terreur dans l'espace frontalier entre la RCA et le Cameroun
depuis plusieurs années. La majorité de ces
réfugiés une fois au Cameroun se sont retrouvés sans la
moindre bête. Cette situation les a plongées dans la grande
pauvreté. L'appui du HCR et de ses partenaires pour répondre aux
besoins des ménages des réfugiés se limitant à
l'aide alimentaire, nombre de réfugiés, avec l'appui de ces
institutions onusiennes et de ses partenaires, se sont reconvertis dans
l'agriculture. D'aucuns, du fait des besoins pressants, se sont lancés
dans le bucheronnage et dans l'artisanat. Par ailleurs, certains d'entre eux
qui possédaient encore leurs troupeaux ou une partie sont restés
des éleveurs.
Si tous ces évènements n'avaient pas eu lieu,
les réfugiés seraient restés éleveurs et auraient
continué à vivre de leur activité. Quel qu'en soit le cas,
la dynamique des acteurs demeure une conséquence de la croissance de la
population du terroir. L'installation des réfugiés
essentiellement éleveurs aurait boosté le nombre
d'éleveurs dans le terroir. Aussi, cette augmentation de la population
soudaine aurait eu pour conséquence celle des besoins en ressources
agroalimentaires qui aurait imposé une dynamique des agriculteurs.
La comparaison des informations issues des entretiens avec les
populations avec celle des enquêtes permet de comprendre que les
activités pratiquées dans le terroir
58
sont caractérisées par une dynamique
arithmétique des acteurs. Certains acteurs ont tout simplement
renoncé à leur activité pour embraser une autre. D'autres
ont associé une ou plusieurs autres activités à celle
qu'ils pratiquaient auparavant. C'est ainsi que le nombre d'agriculteurs a pris
le dessus sur celui des autres acteurs qui ont néanmoins connu une
augmentation remarquable (Figure 17.).
Source : enquêtes de terrain, 2011
Figure 17. Répartition des principales
activités génératrices de revenus dans le terroir de
Ndokayo
L'augmentation de la population associée à la
dynamique des acteurs dans le terroir de Ndokayo a un lien étroit avec
la dynamique des types activités.
2.2.3. La dynamique des types
d'activités
Si dans le terroir de Ndokayo la dynamique de la population
est étroitement liée à la dynamique des types
d'activités, il ne s'agit pas d'une règle sans exception. Il
faut
59
signaler que tout dépend des caractéristiques
des acteurs à savoir leur importance numérique, mais aussi, et
surtout des moyens matériels et techniques qu'ils mettent en oeuvre.
Ainsi, les principaux types d'activités dans le terroir de Ndokayo
à savoir l'agriculture, l'élevage, le bûcheronnage et
l'artisanat ont connu chacun en ce qui le concerne une exacerbation
relative.
? L'évolution de la pratique agricole dans le
terroir de Ndokayo
L'activité agricole a émergé quelque
temps seulement après l'installation des réfugiés
centrafricains dans le terroir.
Avant cela, les systèmes de production étaient
essentiellement fondés sur la satisfaction des besoins alimentaires des
ménages. Une bonne partie des ménages ne pratiquaient pas
l'agriculture. Les populations du terroir vivaient essentiellement de
l'artisanat, de la chasse et de la vente du bois de chauffe qu'ils ramassaient
dans les environs du village. Dans un tel contexte marqué par la
disponibilité des terres, des superficies agricoles peu
considérables et des jachères de longue durée permettant
aux sols aussi bien qu'à la végétation de se reconstituer
; l'équilibre du milieu était assuré sans le risque d'une
dynamique accélérée.
Certes, la décennie 2000-2011 est marquée par
une dynamique de la population dans le terroir, laquelle sous-entend celle des
divers acteurs dont la valeur numérique a pratiquement augmenté.
Cette situation a eu des effets inéluctables sur la pratique de
l'activité agricole. En effet, nombre de personnes se sont reconverties
dans la pratique de cette activité. Pour les populations hôtes
l'installation des réfugiés centrafricains dans le terroir est un
atout économique. C'est la raison pour laquelle beaucoup d'entre eux se
sont lancés dans cette activité afin de produire des vivres
destinés à la vente aux réfugiés centrafricains. En
effet, ceux-ci, avant 2005, ne bénéficiaient que de l'aide
alimentaire du HCR limité à quelques produits de grande
consommation et d'entretien corporel dont farine de maïs, du riz , du sel
de cuisine, de l'huile de table et du savon.
Devant ce régime alimentaire divergent de l'habituel,
les réfugiés centrafricains procédaient à la vente
des produits reçus du HCR pour se procurer de la farine de manioc qu'ils
préfèrent par rapport à tout autre aliment. Cette
situation a donné raison à la loi de l'offre et la demande. Elle
a entrainé la hausse du prix du sac de manioc
60
séché. Il est passé de 8000 F CFA en
2006, à 12 000 F CFA en 20102. La production de cette
denrée alimentaire devenue un important moyen de se faire des revenus,
nombre de personnes en provenance des terroirs voisins vont s'installer dans le
terroir pour la cultiver et la vendre aux réfugiés. De
même, une bonne partie de la population hôte préalablement
installée dans le terroir, va se reconvertir dans l'agriculture. C'est
ainsi que plusieurs GIC vont voir le jour en 20063. Ces GICs sont
essentiellement des regroupements d'agriculteurs. Ils produisent principalement
le manioc.
Parallèlement, en 2005, se rendant compte du contraste
entre leur aide alimentaire et les habitudes alimentaires des
réfugiés centrafricains, et pour limiter leur dépendance
de l'aide, le HCR et ses partenaires ont redéfini leurs
stratégies afin de remplir leur tâche qui est le bien-être
des réfugiés. Le principe était alors de reconvertir les
réfugiés, ex-éleveurs, en agriculteurs. C'est ainsi que
des champs communautaires d'expérimentation et d'apprentissage de
plusieurs dizaines d'hectares ont été créés par le
HCR et son principal partenaire local l'IRDb. La mise en oeuvre de
cette stratégie va avoir pour conséquence immédiate et
visible l'augmentation des superficies cultivées dans le terroir, aux
dépens des savanes locales. Ce qui contribue à la dynamique
accélérée de l'occupation du sol.
Toutefois, la dynamique de la pratique pastorale doit aussi
être prise en compte lors que l'on veut expliquer la dynamique de
l'occupation du sol.
? De l'élevage transhumant à
l'élevage sédentaire
La pratique de l'élevage, comme dans l'ensemble des
milieux savanicoles du Cameroun, n'est pas un fait nouveau dans le terroir de
Ndokayo. Néanmoins, les premiers éleveurs étaient
majoritairement des transhumants Peuls venus de l'Adamaoua camerounais et de la
République centrafricaine voisine. Ils faisaient paitre leurs
bêtes dans les secteurs de la zone de transition forêt - savane
où l'herbe reste encore verte lorsqu'il est déjà sec dans
leurs contrées de provenance. Dès le retour des pluies dans leurs
zones de départ, ils y retournaient et s'y installaient de nouveau.
Ce
2 Rapports d'activité du poste agricole
de Ndokayo, 2006 et 2010.
3 Rapport d'activité du poste agricole de
Ndokayo, 2006.
61
phénomène cyclique est encore visible de nos
jours et est non négligeable lorsqu'il faut expliquer la dynamique des
savanes. Mais il convient de noter que le séjour des transhumants est
généralement de courte durée, soit un à deux mois.
En effet, ceux-ci auparavant craignaient les risques de décimation de
leur bétail par la trypanosomiase, maladie fréquente dans ces
zones de transition du fait de leur proximité avec la forêt. Pour
les éleveurs transhumants, cette maladie est moins
préférable à la saison sèche. Les espaces et les
parcours étaient bien déterminés et connus par les
éleveurs transhumants. Le terroir de Ndokayo faisait partir des
itinéraires depuis les années 1950.
Si l'installation de la SODEPA en 1974 marque une étape
importante de la dynamique de l'occupation du sol, l'impact sur celui-ci est
plutôt positif, dans une certaine mesure. En effet, le mode de gestion
des feux de brousse dans le domaine à elle alloué par les
pouvoirs publics et l'envahissement de Chromolaena odorata a permis le
développement du couvert ligneux (Youta H., 1998).
Cette situation n'est pas la même dans le reste du
terroir où l'évolution du couvert végétal a une
tendance plus régressive que progressive. Ainsi l'indexation de la
pratique de l'activité pastorale comme facteur de la dynamique
accélérée marqué par une transformation profonde de
la couverture végétale engage la période 2000- 2011. Cette
période correspond au séjour des éleveurs,
réfugiés venus de la RCA voisine. En effet, depuis 2000, la
pratique de l'élevage a pris de l'ampleur au sein du terroir. Le cheptel
bovin dans le terroir a augmenté de manière
vertigineuse4.
L'arrivée de ces éleveurs a impulsé une
dynamique nouvelle à l'activité pastorale au sein du terroir. Le
mode d'élevage local a pratiquement changé. L'on est passé
d'un élevage transhumant à un élevage sédentaire.
Pour moult raisons, entre autres le souci de sécurité,
l'essentiel de ces éleveurs se sont sédentarisés dans le
terroir. En réalité ces éleveurs réfugiés
centrafricains, comme leurs compatriotes en refuge sur le territoire
camerounais, ont connu des attaques et des prises d'otages
perpétrées par des coupeurs de route pendant leur
déplacement. Durant ces évènements, certains de ces
éleveurs ont perdu la grande partie de leurs troupeaux, d'autres en ont
perdu la totalité.
4 Selon le Chef de poste de contrôle zootechnique et
vétérinaire de Ndokayo,
62
Ces moments difficiles sont encore ancrés dans les
mémoires. A cet effet, paitre les bêtes à la
périphérique du terroir, qui selon eux a une forte ressemblance
physionomique avec les savanes où leur ont été
ôté leurs biens les plonge tout de suite dans un sentiment
d'insécurité.
L'augmentation du cheptel, dans le terroir, associée
à la sédentarisation des éleveurs centrafricains dont elle
résulte, est à l'origine du surpâturage dont l'effet sur le
couvert végétal est important.
S'agissant des autres activités à l'instar du
bucheronnage et de l'artisanat, les changements se limitent à
l'augmentation du nombre d'acteurs.
2.3. Les facteurs institutionnels et
politiques
Les facteurs institutionnels et politiques sont à
prendre en compte lorsque l'on voudrait expliquer la dynamique des types
d'occupation du sol. La non-application des textes règlementaires
relatifs à la gestion et la protection de l'environnement et la
facilité d'accès à la terre y contribuent de
manière considérable.
2.3.1. La non-application des textes
règlementaires
Les populations hôtes du terroir portent un doigt
accusateur sur le gouvernement de la République du Cameroun. C'est selon
eux le seul responsable de cette dynamique.
En effet, la loi n°2005/006 du 27 juillet 2005 portant
statut des réfugiés au Cameroun, atteste la reconnaissance de la
présence des réfugiés sur le territoire camerounais par le
Gouvernement de la République (Annexe 8). Par ailleurs, il n'existe pas
de textes législatifs et encore moins de documents de planification
relatifs aux zones d'accueil des réfugiés sur le territoire
national. Pourtant, il s'agit d'une spécificité qui devrait
bénéficier d'une grande attention de la part des pouvoirs
publics. Il existe cependant des textes règlementaires relatifs à
la gestion de l'environnement et des ressources forestières, fauniques
et piscicoles. C'est le cas de Loi N°96/12 portant
63
Loi-cadre relative à la gestion de l'environnement au
Cameroun et du Décret n°95-531 PM du 23 aout 1995 fixant les
modalités d'application des régimes des forêts (Annexe
9).
Après examens des activités menées par
les services locaux en charge de ces secteurs, le constat qui se dégage
est la non-application des textes. Il y a un grand fossé entre les
textes et leur application. Selon les responsables locaux du service des
forêts et de la faune, cette situation est en partie due au manque du
personnel et de la logistique nécessaire pour assurer la couverture de
la zone.
Dans cet ordre d'idée, se situe aussi la question de
l'accès à la terre qui implique les autorités
traditionnelles locales.
2.3.2. La facilité d'accès à la
terre
Le principal mode d'accès à la terre dans le
terroir de Ndokayo est l'achat. Pour comprendre la contribution de mode
d'accès à la terre, il convient de présenter
l'organisation politique traditionnelle du terroir.
L'organisation politique traditionnelle du terroir est une
structure complexe. A la tête du terroir, se trouve le
«Djaouro» qui réside à Ndokayo, le village le plus
important du terroir. Les petits villages contenus dans les limites du terroir
sont aussi administrés traditionnellement par des « Djaouro »
qui sont inférieures au « Djaouro » du plus important village
Ndokayo. Les «Djaouro» des autres villages et leurs notables sont
autonomes en ce qui concerne la question de la terre dans leurs villages
respectifs. Par ailleurs, il n'existe pas de tarifs précis relatifs
à la vente d'un terrain, tout dépend de l'entente entre les deux
parties, l'acheteur et une autorité traditionnelle. L'accès
à une portion de terre confère au nouveau propriétaire
tous les droits. Pourtant cet accès est conditionné par le
versement d'une modique somme à une autorité traditionnelle
locale. Il est donc clair que les terres sont attribuées par les
autorités traditionnelles sans le moindre souci de leur
éventuelle utilisation.
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