Considérant la définition de la protection
sociale telle que présentée par la Banque Mondiale en 2000, pour
certains théoriciens et certains responsables de l'action publique, la
redistribution des revenus et la modification de la distribution initiale
serait le principal objectif de la protection sociale (A) et à travers
cette redistribution on observe une influence de la protection sociale sur la
croissance économique telle que présentée par certaines
études empiriques (B).
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A : La redistribution du revenu comme objectif de
la protection sociale
Pour certains auteurs, l'objectif principal de la protection
sociale est de redistribuer des revenus et de modifier la redistribution
initiale, déterminée par le jeu du marché, pour aboutir
à une distribution des revenus plus égalitaire, corrigée
par l'Etat (Marques, 2000). La redistribution des revenus est donc un
résultat important de la politique de protection sociale bien
conçue, à plusieurs niveaux :
· La fourniture d'un soutien aux personnes
extrêmement pauvres, serait l'un des grands
objectifs de la protection sociale. Etant donné que, pour financer les
transferts monétaires ou en nature nécessaires, il faut imposer
les revenus des travailleurs et des biens des personnes fortunées ;
· L'amélioration de
l'équité par le biais de la protection sociale donne
également lieu à des opérations de redistribution. A tout
le moins, celles-ci visent à égaliser les chances, et au mieux,
elles remédient aux problèmes créés par des chocs
négatifs.
Cet objectif de la politique sociale peut être
considérer comme une externalité positive découlant du
système de protection sociale bien conçu et bien employé
permettant d'augmenter le taux de croissance d'un pays. Par exemple, un bon
système de garantie des ressources des chômeurs non seulement
améliore les conditions de vie de chaque chômeur en
réduisant sa vulnérabilité et en aidant à
réduire les fluctuations de la consommation mais aussi favorise la
réalisation d'objectifs qualitatifs tels que la stabilité sociale
qui influe positivement la croissance. La garantie des ressources aux personnes
âgées a pour effet de leur permettre, bien sûr, de consommer
davantage, mais aussi de participer dans une plus large mesure à des
activités sociales. La fourniture aux pauvres d'une aide sociale et d'un
accès aux services de santé de base et d'éducation offre
aux parents, et à leurs enfants, des possibilités
d'améliorer leur capital humain (Becker, 1964). Si la redistribution du
revenu est l'objectif de la protection sociale, mais quel peut être le
lien de causalité entre la redistribution du revenu et la croissance
?
B : Lien de causalité entre la
redistribution du revenu et la croissance dans la littérature
empirique
Le but de la présente étude est d'analyser les
effets de la protection sociale sur la croissance. Or, si l'un des grands
objectifs des dépenses de protection sociale est de réduire les
inégalités de revenus, il convient de savoir s'il existe un lien
de causalité entre la distribution du revenu et la croissance. Ajona,
al.(2001) ont cherché à déterminer si l'effet
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redistributif net - tel qu'il ressort qu'il ressort de
l'augmentation de la part de la moitié inférieure de
l'échelle des revenus, au niveau, d'une part, de l'ensemble de la
population et, d'autre part, de la seule population d'âge actif - a une
incidence significative sur la croissance.38
Les tests infirment l'hypothèse d'une explication par
les coefficients d'une part statistiquement significative des écarts de
taux de croissance entre les pays et les périodes, que l'on
considère la population d'âge actif ou l'ensemble de la
population. En outre, on ne peut pas dissocier totalement les effets des
dépenses de protection sociale sur la croissance des interactions entre
la distribution du revenu et la croissance.
Toutefois, il ne suffit pas d'analyser l'influence directe de
la distribution du revenu sur la croissance pour savoir si les
évolutions des deux variables sont liées.
Comme indiqué ci-dessus, plusieurs chercheurs (par
exemple, Persson et Tabellini,
1994) ont affirmé qu'une distribution étroite
du revenu marchand est bonne pour la croissance parce qu'elle réduit la
demande de redistribution qui nuit à la croissance.
Comme l'indique Rodrik (1998) : « Alors que
l'égalité est bonne pour la croissance
- si elle est héritée du passé ou si
elle résulte de facteurs historiques ou exogènes - les politiques
qui visent à introduire davantage d'égalité sont mauvaises
pour la croissance».
Les conclusions présentées dans Arjona et
al. (2001) indiquent que si le coefficient de Gini du revenu marchand
passe de 0.42 à 0.43, l'augmentation correspondante des dépenses
sociales sera finalement de l'ordre de 2 % du PIB, ce qui va de pair avec de
plus faibles niveaux de PIB. Les dépenses de protection sociale, si
elles s'accroissent, peuvent se substituer au revenu marchand. Par
exemple, si les pensions de régime public sont suffisamment
généreuses, les gens ne feront pas l'effort d'accumuler un
patrimoine privé pour financer leur retraite (voir l'OCDE, 1998, 2000a).
De même, des taux élevés de prestations peuvent
entraîner des changements dans les comportements qui se traduiront par
une diminution du nombre de personnes au travail.
En fin de compte, il apparaît clairement qu'un
accroissement des dépenses de protection sociale réduit la
production, même si l'effet n'est pas très marqué. Et aucun
fait ne permet d'affirmer que le niveau des inégalités de revenu
a une incidence dans un sens ou dans l'autre sur le PIB.
38 Cette variable permet de rendre compte de
l'accroissement induit de la fiscalité et des transferts de la part des
revenus allant à la moitié inférieur de l'échelle
des revenus marchands.