REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
ENSEIGNEMENT SUPERIEUR ET UNIVERSITAIRE
UNIVERSITE CATHOLIQUE DE BUKAVU
BP : 285
ANNEE - ACADEMIQUE : 2011-2012
CRISE DE LA MICROFINANCE : CAUSES ET CONSEQUENCES SUR LE
BIEN-ETRE DES MENAGES A BUKAVU
FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES ET GESTION
Travail de Fin de Cycle Présenté par
KAJEMBA WA KAJEMBA François
Pour obtention du diplôme de graduat en sciences
Economiques et Gestion
Dirigé par Phd Eddy BALEMBA K.
INTRODUCTION
Après plusieurs décennies d'existence de la
microfinance, c'est au cours de ces dernières années qu'elle a
obtenu à un succès mondial. Ainsi, 2005 a été
proclamée «année internationale du microcrédit»
par les Nations Unies. Ensuite, le prix Nobel de la Paix 2006 a
été attribué à Muhammad Yunus et à
l'institution qu'il a créée, la Gramen Bank. Cette
dernière est considérée aujourd'hui comme l'instigatrice
de la microfinance moderne (FOFANA, 2009).
Historiquement, la microfinance s'est construite comme outil
d'inclusion des exclus du système bancaire classique, offrant des
services aux « non-bancables », à ceux qui ne peuvent offrir
des garanties physiques ou qui résident dans des zones reculées,
enclavées, isolées des services financiers (CERISE,
2004).Dès lors, elle a été conçue comme un
instrument puissant de lutte contre la pauvreté ; L'accès
à des services financiers viables permet aux pauvres d'accroître
leurs revenus, de se doter d'actifs et de se protéger dans une certaine
mesure des chocs extérieurs. (CGAP, 2004).
Cependant, on assiste à un accroissement de la
pauvreté ou à sa persistance dans les pays dont l'économie
est hautement financée par les microcrédits. Le Bangladesh par
exemple, avec ses 20 plus grandes IMF qui touchent à elles seules
21millions de familles, soit 105 millions d'habitants sur 147 millions se
retrouvent en 2004 avec 36% de sa population vivant encore sous le seuil de
pauvreté (avec moins de un dollars par jour) comme en 1990(FOFANA,
2009). L'Etat d'Andhra Pradesh du sud de l'Inde, réputé
deuxième ville couverte par la microfinance, a enregistré plus de
60 cas de suicides des emprunteurs suite à l'incapacité de
paiement car endettés auprès de plusieurs IMF ainsi qu'aux
méthodes de recouvrement parfois très contraignantes en 2010.
(Alternatives, 2011).
Les effets d'une compétition accrue dans le secteur de
la microfinance favoriseraient l'émergence d'asymétrie
d'information entre prêteurs, ce qui signifie que les différentes
IMF souffriraient d'un défaut d'information sur la situation et la
solvabilité de leurs clients. Ces clients pourraient ainsi utiliser ce
défaut d'information à leur avantage et solliciter plusieurs
microcrédits. Le taux moyen d'endettement s'élève tandis
que le taux de remboursement anticipé des prêts diminue. Le
bien-être global des emprunteurs en souffre [...].La multiplication du
nombre d'IMF sans réelle formation, la concurrence accrue pour placer le
maximum de crédits et ainsi continuer à recevoir des fonds mais
aussi l'absence de suivi des clients ne font qu'occulter la véritable
situation financière des familles tant rurales qu'urbaine et augmentent
le nombre de cas de surendettement (Julie E. et All, 2009).
Dans certains cas aussi, alors que le développement
du secteur devrait permettre de diminuer les coûts supportés par
les IMF, et donc les taux pratiqués, on assiste au contraire à un
envol des taux d'intérêt, tel fut l'exemple de la grande IMF
mexicaine le Compartamos qui devint une banque agréée en
2006(UCL, 2005). D'autres s'inquiètent aussi de ce qu'un souci excessif
de la recherche du profit en microfinance pousse les IMF à changer leur
segment cible de clients et à servir une clientèle plus
aisée capable d'absorber des montants de prêt plus importants.
Dès lors, ces institutions ne rempliraient plus leur mission
originale.
L'étude du CGAP(2011) démontre les
problèmes des IMF lorsqu'elles cherchent à concilier la
performance sociale et financière, deux objectifs appelés «
double Botton line » ; la microfinance repose sur l'acceptation que
les performances financières et sociales sont complémentaires et
ce qui serait la source même de la dérive de la microfinance qui
se manifeste premièrement par la commercialisation de la microfinance se
traduisant par l'application de taux d'intérêts trop
élevés comparé à la marge que les
micro-entrepreneurs peuvent dégager et qui s'amplifie avec l'ouverture
de la microfinance aux investisseurs privés qui y voient parfois une
occasion de diversifier leurs produits d'investissement, mais qui attendent
malgré tout un retour financier, ce qui aurait parfois pour effet de
détourner les IMF de leur mission sociale, au profit de la performance
financière . Deuxièmement la dérive dite
"hypersociale" de la microfinance. C'est-à-dire si une organisation de
microfinance distribue des prêts avec des taux d'intérêts
vraiment trop faibles, si elle collecte les remboursements de façon peu
rigoureuse, si elle reste dépendante de larges subventions publiques
pour exercer son activité, cela peut aussi être très
mauvais pour la population "aidée". En effet, un micro-entrepreneur
recevant de l'argent trop facilement, ne va pas être incité
économiquement à améliorer l'efficacité de son
projet, bien au contraire et on risque au final de dévaloriser son
potentiel à créer une micro-entreprise économiquement
viable et enfin, la dérive liée au ciblage des institutions
de microfinance, qui ont tendance à soutenir des
bénéficiaires plus « crédibles » ou plus
accessibles en axant leur activité en zone urbaine. Ainsi, la population
cible de la microfinance aurait tendance à s'enrichir, délaissant
ainsi une partie de la population la plus nécessiteuse, comme les
populations rurales, isolées ou portant des projets agricoles à
faible et lente rentabilité, pas toujours compatible avec les produits
de développements en microfinance.
Notre pays sort lentement d'une décennie
d'instabilité et de conflits politiques. La guerre et les troubles
consécutifs à de nombreuses années de mauvaise gestion et
de corruption, continuent de faire peser un tribut à la population
congolaise. Les dégâts matériels ont été
énormes et l'économie s'est effondrée et le revenu par
habitant n'a cessé de diminuer de 380$ en 1985 à moins de 100$en
2006 et c'est dans cet angle que la promotion du secteur de la microfinance a
été reconnue par le Gouvernement comme l'un des axes prioritaire
du DSCRP afin d'assainir l'environnement socio-économique et relancer la
croissance économique. (RAMIF-GAMF, 2008). De ce fait le secteur de la
microfinance est aujourd'hui un enjeu stratégique et
considéré comme l'un des moyens privilégiés pour
relancer l'économie, créer des emplois et réduire la
pauvreté. Et c'est dans le but de palier à la crise
économique et financière liée aux pressions et
récessions économiques et politiques de 1966-1974 que le
mouvement de microfinance a commencé en RDC. La province du Sud-Kivu
connait le mouvement de microfinance à partir de 1972 avec la
Coopérative de l'ISDR (Kalala, 2011) et dispose d'un secteur de
microfinance réputé dynamique avec un taux de couverture de 23%
du total national (BCC, 2009). Compte à lui seule 108 IMF avec environ
62 installées dans la ville de Bukavu reparties géographiquement
en raison 53, 5, 4 respectivement entre les 3 communes Ibanda, Bagira et Kadutu
dont au plus 52 actives (GAMF, 2008). Servant moins de 30% de la population
résidente de la ville de Bukavu et dont moins de 40%
bénéficient du microcrédit (GAMF, 2012). Cependant, elle
a la troisième incidence de pauvreté la plus élevée
du pays : 84,6%, plus forte que la moyenne nationale (71,3%) (PNUD,
2009).
Cet outil performant promis de faire sortir des milliers des
pauvres dans leur état de misère, est soumis aujourd'hui à
de nombreuses critiques faisant remarquer qu'elle a quelque chose de pourri
dans ses pratiques qui mérite une attention particulière, l'on
s'intéresserait à savoir combien rapporte de plus 1$
emprunté à une IMF pour le bénéficiaire du
crédit et quelles en serait les moyens ainsi que les causes et
conséquences des difficultés liées au remboursement de ce
crédit?
De ce fait les ménages bénéficiaires du
microcrédit font face à plusieurs défis entre autres des
taux d'intérêt inadaptés au rendement économique des
micro entrepreneurs, des montants limites de crédit insatisfaisant et
incapables d'assurer l'indépendance financière vis-à-vis
de l'IMF, des mesures répressive de remboursement très
contraignantes, la mauvaise affectation du crédit pour les
bénéficiaires, le manque de formation, la faillite, la maladie,
la perte, le pillage et bien d'autres difficultés entrainant
parfois le remboursement tardif(pré défaillance) du crédit
et le surendettement au prix de leur bien être.
L'objectif de ce travail est d`étudier si la
pré défaillance serait liée à la politique de
crédits des IMF c'est-à-dire identifier les différentes
causes des difficultés de remboursements que connaissent les emprunteurs
avec les conséquences qu'elles entrainent sur leur bien-être, en
comparaison des bénéficiaires ayant remboursé leur
crédit avant l'échéance avec les
bénéficiaires pré-défaillant au courant de
l'année 2011.
De cet faisant, cette étude fera recours au concept de
pré défaillance qui permettra de mettre d'un côté
les emprunteurs pré défaillants et d'autre côté les
non pré défaillants qui sera renforcé par un test de
Khi-deux vérifiant si la pré défaillance est liée
ou pas à la politique de crédit utilisée par les IMF(taux
d'intérêt, échéance du crédit, montant de
crédit reçu).
La population cible sera composée d'un
côté un groupe témoin constitué par les non
bénéficiaires du microcrédit :abonnés et non
abonnés à une IMF et de l'autre côté
bénéficiaires des services de la microfinance ayant
accéder au microcrédit constitués d'une part des
pré défaillants et d'autre part des non pré
défaillants d'un échantillon de 61 ménages
subdivisé en raison de 31 et 30 respectivement
bénéficiaires du microcrédit et groupe témoin
déterminé par la formule de Cochran (1977) par un tirage à
la fois aléatoire stratifié et raisonné dans l'ensemble
des trois commune d'Ibanda, Kadutu et Bagira.
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