1
Mémoire présenté par
l'étudiant
Jhensly Endy Frédéric,
Le lundi 30 juin 2014 à 11h du matin
au local de la
FDSE de P-au-P
Pour l'obtention du grade
De Licencié en Droit.
Version présentée et soutenue
Composition du Jury
1) Prof Patrick Pierre Louis,
Connu pour ses critiques pointues.
2) Prof Léon Saint Louis,
Connu pour son sérieux dans le domaine du
Droit.
3) Prof Price Cyprien,
Connu pour sa volonté d'encadrer les
étudiants.
(Ainsi l'Impétrant les
décrit)
Pondération : 73/100, Mention Bien, avec les
félicitations des Membres du Jury.
UNIVERSITÉ D'ÉTAT D'HAÏTI
(UEH)
FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES ÉCONOMIQUES
De Port-au-Prince (FDSE)
Considérations historico-juridiques sur le
régime politique
haïtien
Une contribution théorique au positivisme
juridique
Mémoire présenté et soutenu par
l'étudiant
Jhensly Endy FRÉDÉRIC
Pour l'obtention du grade de licencié en Droit
Sous la direction du professeur Price
CYPRIEN
Promotion 2008-2012
2
Mai 2014
3
4
AVANT-PROPOS
En Haïti, les problèmes soulevés dans le
monde de la réflexion sont nombreux surtout pour un universitaire. Et de
surcroit, il est fait obligation à un étudiant en Droit et autres
de présenter un travail de sortie qui constituerait pour certains un
casse-tête et pour d'autres une simple formalité pour faire valoir
leurs capacités de production dans le monde de la recherche
scientifique. Dans les diverses situations de controverses invitant plus d'un
à prendre une position étayée par des arguments plus ou
moins irréfragables, le régime politique haïtien, de par sa
controverse, a marqué notre attention et nous invite à formuler
ainsi notre sujet :
"Considérations historico-juridiques sur le
régime politique haïtien Une contribution théorique
au positivisme juridique"
À notre avis, ce sujet parait trop dense pour un tel
niveau parce que nous devons qualifier, par des considérations
historico-juridiques, le régime politique haïtien, ce qui
permettrait de contribuer théoriquement au positivisme juridique en
Haïti. Toutefois, oser scientifiquement peut conduire à un esprit
plus cultivé.
C'est un mémoire de licence, il doit respecter les
rigueurs académiques et refléter nos capacités critiques
et intellectuelles. Ceci dit, il reste et demeure un travail d'apprentissage
qui fait montre d'assimilation des notions inculquées en cours et fait
preuve de notre capacité de réflexions et de production. De ce
fait, nous avons l'esprit d'ouverture pour recevoir les critiques constructives
des membres du jury et de ceux qui par leur recherche ont feuilleté ce
document.
Ecrire un texte sur la nature du régime politique
haïtien à l'heure actuelle nécessite la
sérénité d'un esprit ouvert aux critiques. D'ailleurs de
multiples travaux ont été déjà
réalisés en la matière. Mais le débat sur le
régime politique haïtien reste toujours ouvert.
Des personnalités différentes méritent un
remerciement particulier pour leur contribution à la réalisation
de ce travail. Nos remerciements vont : à tous les membres du
Lakou Canga 3 Ile, au patron des avocats St Yves, à
Serge Jean Winsou L., aux membres du groupe
LOTUS.
À notre Directeur de mémoire, le
professeur Price CYPRIEN qui a fait d'énormes
sacrifices pour la réussite de ce travail, et aux professeurs,
Gelin I. COLLOT qui nous a beaucoup
5
supporté, Destin JEAN et
Dorval Monferrier dont les critiques ont été
constructives et aiguës et Julien Sainvil qui n'a pas
manqué à nous faire de sérieuses recommandations.
Aux Etudiants de la promotion 2008-2012 de la FDSE et à
nos amis les plus proches : Guerdie Monfiston, Pascal JB. , Alex
Norvélus., Dominique N., Michaelle S., Rachelle M., Dorcé M. J.,
Delima, Dimanche D. Djénane Etienne, Franceline Herode, Destin F.
Joseph, et à notre collègue Darlene JL Dabady.
A tous ceux qui ont contribué à leur
façon à la réussite de cette entreprise scientifique :
Rolinx Augustin, Rodrigue Dorvil, notre bras droit, Odierce Louis, Daho.
Ce présent mémoire est dédié
à toute notre famille : notre feu père, Leonvil
Frédéric, notre oncle Bernard Frédéric, notre
défunte mère, Roseline Desmarets, Frédéric Audan
Dereck Harmentz (FADH) et Miss Ludena Jean Philippe, Edseul Jean Philippe,
notre soeur Lise W. F. et notre frère Frémy J. F., Kiesnel,
Elisène, Keslene Jean, la famille Enverdieu Fils, ma marreine Rosiclaire
Théoc, etc....
À tous ceux, sans citer leurs noms, dont la
contribution a été fructueuse à la réalisation de
ce voyage scientifique et aux futurs lecteurs.
6
Liste des sigles abréviations
CEPALC : Commission Économique pour l'Amérique
Latine et les Caraïbes.
CNG : Conseil National de Gouvernement.
DDHC : Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen.
DUDH : Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme.
FDSE : Faculté de Droit et des Sciences
Économiques.
MAST : Ministère des Affaires Sociales et du
Travail.
OIF : Organisation Internationale de la Francophonie.
ONU : Organisation des Nations Unies.
UEH : Université d'État d'Haïti.
7
Introduction générale
L'État, de par ses compétences et de
l'importance des monopoles qu'il détient, se révèle
légitimement le plus important et le plus imposant dans une
société. Il est le seul à l'intérieur de ses
frontières dont les décisions les plus contraignantes peuvent
s'imposer à la majorité ou à la totalité de la
population. Il est une fiction juridique et dirigé par des personnes
physiques choisies en vue de l'exercice de l'ensemble des compétences
qui lui sont dévolues. Mais si cet ensemble de compétences se
trouvent entre les mains d'un seul homme, cette situation est à craindre
et l'histoire l'a déjà prouvée.
Grâce à ce constat et aux travaux de John Locke
et autres, Montesquieu, au XVIII e siècle, a
préconisé la distribution du pouvoir1. A son avis, le
pouvoir doit être divisé, ce qui en évite tout abus. Cette
séparation, de par son organisation et la relation existante entre les
différentes institutions détenant une parcelle de pouvoir,
aboutit aux régimes politiques. Dans la majorité des Etats du
XXIe siècle, le régime politique est défini de
manière explicite ou implicite dans la charte fondamentale, autrement
appelée Constitution ou loi-mère. Nous dirions que la
Constitution est la caractéristique fondamentale de tout État
moderne.
Elle se révèle un outil de grande importance
qui, d'une part, fixe les règles présidant le jeu de la
conquête, l'exercice et la dévolution du pouvoir2 et
d'autre part, permet de qualifier et de comprendre le
fonctionnement3 du régime politique auquel les dirigeants et
dirigés sont astreints. Un État qui n'a pas de constitution n'est
point alors un État démocratique car son pouvoir n'est pas
constitué dans un cadre légal. Sans la Constitution, le pouvoir
n'est ni délimité, ni limité. Elle est perçue, en
fait, comme l'empêchement contre toutes formes d'abus de
compétences. Si le pouvoir n'est pas organisé, il peut être
un outil d'agression et d'incitation à des dégâts
considérables.
L'Acte de l'Indépendance de la République
d'Haïti et la Constitution haïtienne de 1801, de ce fait, a
commencé le processus d'organisation du pouvoir politique. Le pays a
connu plusieurs constitutions. Chacune est porteuse d'un projet de
société construite à la manière et à la
volonté
1 Voir MONTESQUIEU (1748), Esprit des lois,
livre XI, chapitre IX, coll. : "Les classiques des sciences sociales,
Québec, mai 2002, p53.
2 Jacqué Jean Paul, Droit Constitutionnel
et institutions politiques, 8e éd. Dalloz, Paris, 2010,
p 200.
3 Lavroff Dimitri-Georges, les partis politiques
en Afrique noire, puf, Coll. Que sais-je ? Paris 1970, p 90.
8
des dirigeants de l'époque. Parmi les dernières
en date, les Constitutions de 1950 à 1987 nous intéressent de
manière particulière dans le cadre de ce travail, car nous visons
à étudier le régime politique actuel de la
République d'Haïti, acte de rupture avec celui des constitutions
des Duvalier. S'inscrivant dans cette perspective, nous avons
décidé, en effet, de formuler notre sujet de recherche ainsi :
"Considérations historico-juridiques sur le régime
politique haïtien Une contribution théorique au
positivisme juridique".
Ce sujet présente à notre avis un
intérêt théorique sur l'étude du régime
politique haïtien. Beaucoup de débats et de travaux ont vu le jour
mais, n'ont pas abouti à cerner toute la profondeur de la question. Ce
travail a le souci de renchérir les opinions émises sur le
régime politique haïtien. Il ne vise pas pourtant à combler
tous les points de la question parce que les débats sur les
régimes politiques sont durables et controversés.
D'une lecture simple, il est permis de constater que le
régime politique haïtien est composé
d'éléments du régime parlementaire et du régime
présidentiel. Ce qui donne du fil à retordre de le situer,
malgré les travaux déjà réalisés en la
matière, parmi les prototypes de régimes politiques. Le
traitement de ce sujet vise à éclaircir certaines zones d'ombres
négligées lors de l'interprétation des règles
constitutionnelles en rapport avec le régime politique haïtien.
Toujours est-il que la Constitution haïtienne fixe les limites de
l'exercice du pouvoir politique. C'est d'elle qu'il faut d'abord partir pour
toute étude sur la nature du régime et ensuite, faudrait-il
considérer les éléments théoriques sur les
régimes politiques.
Nous venons tout juste de le dire que de multiples
recherches4 ont été déjà
effectuées sur la nature du régime politique haïtien,
cependant, quelque chose reste toujours imprécise à notre sens.
Dans le souci de combler une partie du vide, nous visons à faire des
considérations historico-juridiques qui nous permettraient d'ajouter un
plus à cette question.
En délimitant notre travail aux constitutions
haïtiennes de 1950 à 1987, cela nous amène, d'entrée
de jeu, à détacher les régimes autoritaires et
totalitaires des régimes démocratiques.
4 Nous citons ci-dessous des auteurs qui ont fait
autorité sur la question de régime politique en Haïti, aussi
nous considérons les travaux des étudiants en licence à la
FDSE qui, malgré eux, auraient apporté un plus aux
débats.
9
Selon Dominique Turpin5, les régimes
autoritaires et totalitaires seraient deux éléments a
et b contenus dans un ensemble A
appelé antidémocrate ou la dictature, soit A (a
; b). Autrement dit, la dictature est le nom de famille des
régimes autoritaires et des régimes totalitaires, soit dictatures
autoritaires et dictatures totalitaires. D'après lui, les traiter de
manière différente est nécessaire et non un mal. Dans ces
régimes, l'apparence démocratique est au coeur de la politique,
mais les élections sont souvent faussées et truquées, le
taux de participation est faible, l'alternance politique est quasiment
impossible par l'existence de parti unique qui exclut toute compétition
politique. Mais la confusion des pouvoirs n'est jamais totale en ce sens que,
même dans les régimes qui réalisent la plus grande
concentration des pouvoirs entre les mains d'un homme, il subsiste cependant,
au moins pour sauver les apparences6, des organes qui sont investis
de certaines compétences, soit des consultations, soit des conseils.
Les régimes démocratiques sont quasiment le
contraire des régimes autoritaires et totalitaires. Car la
démocratie, se définit étymologiquement comme le pouvoir
ou la puissance du peuple. Dans les démocraties, le peuple est
souverain. Ou encore « un système de gouvernement dirigé
avec le libre consentement du peuple 7 ». Ce qui veut dire
que le peuple doit donner son consentement dans toutes les décisions
concernant la nation. Si le gouvernement dirige avec le libre consentement du
peuple, cela laisse comprendre qu'une décision ne peut être
adoptée à son insu. L'une des définitions les plus connues
de la démocratie est celle d'Abraham Lincoln, le 16e
Président des États-Unis (1809-1865), pendant la guerre de
Sécession (1861-1865), lors de l'inauguration d'un cimetière
militaire à Gettysburg le 19 novembre 1863, la démocratie est
« le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple
8 ». Les analyses laissent dire que le peuple
détient la souveraineté. Comme il ne peut directement l'exercer
de par son nombre, des représentants le font à sa place et en son
nom.
La formulation du sujet nous permet de déceler le
« régime politique », comme concept fondamental. Ce
dernier n'est pas aisé à définir car il est
mêlé dans un imbroglio conceptuel avec celui de système
politique dont l'étude de l'un implique automatiquement l'allusion
à l'autre.
5Turpin Dominique, Droit constitutionnel,
puf, 1ère éd. Paris 1992, p214.
6DEBBASCH (Charles), PONTIER (Jean-Marie), BOURDON
(Jacques), RICCI (Jean-Claude).- Droit constitutionnel et institutions
politiques, 3e éd., Economica, Paris 1990, 977 p.
7Street law, La démocratie pour tous,
par David McQuoid-Mason (dir) et al, P-au-P. 1998, p4.
8Mercier Benoit et Duhamel, André, La
Démocratie, ses fondements, son histoire et ses pratiques,
2e éd. Bibliothèque nationale du Québec,
Québec 2005, p13.
10
Selon Maurice Duverger, dans sa formation la plus
générale, « le régime politique est la forme que
prend dans un groupe social donné la distinction des gouvernants et
gouvernés9».
Cette définition ne permet au concept de régime
politique de se démarquer d'office du système politique qui
englobe, par exemple, les groupes de pression, le système de parti, les
libertés publiques. Le concept de régime politique est assis,
d'une manière particulière, sur le mode de rapports
développés entre les principaux détenteurs du pouvoir.
Par contre, pour Jean Louis Quermonne, le régime
politique est « l'ensemble des éléments d'ordre
idéologique, institutionnel et sociologique qui concourent à
former le gouvernement d'un pays donné pendant une période
déterminée10». Cette définition est
d'une conception très large, elle déborde le statut des
gouvernants et des gouvernés pour embrasser les autres rapports au sein
de la société. Et de surcroit, les éléments d'ordre
institutionnel renvoient à la dépersonnalisation du pouvoir, ce
qui implique que le pouvoir est partagé. Le pouvoir est donc
distribué entre différentes sphères politiques et chacune
surveille que l'autre n'empiète sur ses compétences. Là,
cette définition tient compte des trois pouvoirs et permet de saisir un
peu le concept de régime politique dans toute son ampleur.
Pour Georges Burdeau11, l'acception est
encore plus large, car le régime touche aux forces économiques et
sociales, c'est dire qu'il va bien au-delà des modalités
constitutionnelles. Mais, au sens strict, il ne se limite qu'aux formes de
gouvernement, les détenteurs du pouvoir et les politiques qu'ils mettent
en oeuvre. M. Burdeau aborde le concept sur un double aspect. Ce qui traduit un
niveau de prudence par rapport à Quermonne qui l'appréhende
uniquement dans sa largesse et Maurice Duverger qui le restreint dans le
rapport entre les gouvernants et les gouvernés.
Nous allons travailler sur le concept de régime
politique comme l'ensemble des relations développées entre les
organes des pouvoirs Législatif et Exécutif. Certaines
d'entr'elles sont d'office instituées par la Constitution qui fixe les
compétences et les limites de chacun d'eux et d'autres le sont en dehors
de la Constitution. Mais dans le cadre de ce travail sur le régime
9Duverger Maurice, Les Régimes
politiques, Que sais-je ? Puf, Paris 1948, 123 p.
10Quermonne, Jean Louis, Les régimes
politiques occidentaux, Éditions du Seuil, Paris, Février
1986, p12.
11Cité par Grawitz Madeleine et Leca Jean,
in Traité de sciences politique, Vol2, les régimes politiques
contemporains, puf, Paris, 1985, p 601.
11
politique haïtien, l'accent va être mis davantage
sur les premières qui sont définies par les règles
juridiques.
Pendant longtemps, le pouvoir politique haïtien a
été l'objet de litiges et de personnalisation entre les
principaux généraux des forces armées. Chacun des
présidents a voulu le conserver en ses seules mains et se conduire en
seul chef sur le territoire de la République. Il n'y a pas de doute
qu'on puisse aboutir à des abus quand le pouvoir se trouve
incarné en une seule personne détenant tous les monopoles. Chacun
des présidents arrivant au pouvoir a voulu, pour satisfaire ses
désirs, une nouvelle Constitution.
Le pays a connu, de ce fait, plus de 25 constitutions. Les
unes sont porteuses d'un régime autoritaire et les autres sont plus
souples en ce qui a trait aux relations entre les dirigeants et dirigés.
Nous avons décidé, en effet, de faire une étude sur le
régime politique haïtien. A chaque fois qu'un gouvernement a
changé la Constitution, il le fait soit pour atteindre des objectifs
particuliers quelconques, soit pour établir telle ou telle relation
entre les organes du pouvoir.
En délimitant notre recherche entre la Constitution de
1950 et celle de 1987, nous nous sommes demandés si des
considérations historico-constitutionnelles peuvent amener à
situer le régime politique haïtien au rang des régimes
démocratiques.
Comme il a été dit plus haut, les constitutions
haïtiennes se sont succédées les unes aux autres et à
un temps record. De 1957 à 1986, le pays a connu une période tout
à fait spéciale et très longue, soit près de trente
ans environ avec les Duvalier. Des sentiments ont été nourris
pour se culminer par les émeutes populaires de 1986-1987, -moment de
la transition originelle 12-. Ces mécontentements n'ont
abouti qu'à la démolition du régime et le départ du
Président pour l'exil en février 1986.
Ce chambardement relatif a poussé à
élaborer la Constitution de 1987, amendée en 2012, dans
l'idée de rompre avec toutes pratiques du passé pour instaurer un
régime démocratique. Motivés par le passé
présidentialiste ayant conduit aux régimes de confusion des
pouvoirs au profit d'un seul homme et par les émeutes populaires des
citoyens révoltés, les constituants de 1987 partagent l'avis
d'enlever les dents du Président de la République et ont
agencé d'une manière
12 Deshommes Fritz, Et si la constitution de
1987 était porteuse de refondation, éd. cahiers
universitaires, P-au-P 2011, p 19.
12
propre la relation entre les pouvoirs. Ce qui aboutit à
un régime difficile à qualifier. De ce fait, plusieurs auteurs
ont déjà apporté leurs opinions à la nature du
régime au lendemain de la naissance de la Constitution dont la nature,
elle-même, est problématique en raison de la complexité de
la relation entre les pouvoirs. Les travaux les plus récents que nous
avons consultés en la matière datent de 1994 à 2011. Chez
les juristes, constitutionnalistes et chercheurs, la question de l'appellation
et de la catégorisation du régime politique constitutionnel de
1987 reste et demeure une question qui n'en finit pas.
Pour une très grande majorité d'auteurs, le
régime politique haïtien est un régime mixte, hybride ou
semi-parlementaire ou semi présidentiel. Dans cette catégorie la
plus dense, on retrouve entre autres :
Desrosiers Daniel13 qui croit qu'à
côté des formes principales de régime présidentiel
ou parlementaire, existe le régime mixte et c'est dans ce sillage que se
retrouve le régime politique haïtien, un régime mixte.
Odilien Charles14 constate que le régime présente un
caractère mixte ou hybride parce qu'il accuse la présence
d'éléments des régimes parlementaire et
présidentiel. Pierre-Louis Wilford15, est aussi du même
avis qu'Odilien parce que pour lui, les constituants de 1987 ont cru bien faire
malheureusement en adoptant un régime politique mixte, hybride,
comportant des éléments du régime présidentiel et
du régime parlementaire.
Pour Mirold Edmond16, les constituants de 1987 ont
rejeté et le parlementarisme et le présidentialisme tout en leur
empruntant certaines caractéristiques pour en former un régime
semi-parlementaire et semi-présidentiel avec des particularités
qui en font un régime politique original. La Constitution de 1987 a
instauré un régime semi-parlementaire et
semi-présidentiel17, selon Claude Moise et Cary Hector. Tassy
n'a pas été d'un avis contraire à ces auteurs, dans son
13Desrosiers Daniel, la constitution de 1987 et
de la théorie de la séparation des pouvoirs, Mémoire
FDSE, 000632, DES-J Port-au-Prince 1996, p 77.
14Charles Odilien, Le régime politique
haïtien sous l'empire de la Constitution de 1987 : une source
d'instabilité gouvernementale, Mémoire FDSE, 002186,
Port-au-Prince 2011, p13.
15Pierre-Louis Wilford, La Constitution de 1987
et le nouveau régime politique haïtien, Mémoire FDSE,
000629, Port-au-Prince, 1996, pp 79-80.
16Edmond Mirold, De l'originalité du
régime politique instauré par la constitution de 1987 au regard
des régimes contemporains et des constitutions haïtiennes
antérieures?, Mémoire FDSE, 000833 MIR, Port-au-Prince,
avril 1998, p83.
17 Moise Claude et Hector, Cary, rapport sur la
question constitutionnelle et annexes, rapport du Comité de travail
mis en place par le Président René Préval, presses
nationales d'Haïti, 2010, p6.
13
travail réalisé pour la FDSE, dans lequel elle
l'a qualifié de semi-présidentiel et
semi-parlementaire18.
Qualifier ainsi le régime politique haïtien pose
problème. Est-il plus parlementaire ou est-il plus présidentiel.
Il y a, à notre opinion, une dominante dont ces recherches ne tiennent
pas compte. Il serait difficile pour les Constituants de 1987 de prendre
exactement la même quantité d'éléments dans chacun
des prototypes des régimes occidentaux pour camper celui d'Haïti.
D'ailleurs, chacun d'eux ont une dominante, qui fait de lui présidentiel
ou parlementaire. Ces qualifications sont, par contre, partagées par
d'autres, car pour la professeure Mirlande Manigat19, il s'agit d'un
régime mixte. A quoi est due cette mixture ? Il est important de savoir
si cette mixture a pris en compte les éléments substantiels des
prototypes de régimes. Ainsi, cela laisse-t-il à désirer
parce que ces recherches ne font pas toute la lumière sur la
question.
D'autres voient plutôt un déséquilibre
entre les pouvoirs de chaque organe. Nous dirions qu'ils sont convaincus que
les constituants de 1987 ont enlevé tous les pouvoirs au
Président de la République, ce qui crée un
déséquilibre ou encore tous les pouvoirs clés sont
accordés au parlement. Pour Jean-Pierre Gary Frantz cy20, la
Constitution de 1987 a été conçue et
élaborée contre le Président de la République.
Destin Jean aurait partagé un tel avis, parce que la Constitution de
1987, pour lui, a instauré un « parlementarisme absolu
»21. Il a montré tout au long de son travail que
c'est un régime déséquilibré par l'étendue
des pouvoirs du parlement au détriment d'un Exécutif à
main vide. Et c'est presque le cas pour Yvon Pierre22 qui croit que
les constituants de 1987 ont voulu instaurer un régime parlementaire
mais tellement déformé, qu'il devient un régime
d'assemblée.
Le professeur, homme politique, Sauveur Pierre Etienne est
dans cette lignée parce qu'il s'agit à son sens d'« un
véritable régime parlementaire23», car le
Président ne dispose d'aucun droit de
18Tassy Elide Gina, Le régime politique
instauré par la constitution de 1987 dans la typologie des
régimes démocratique, FDSE, Mémoire de sortie, mars
1994, p120.
19 Manigat Mirlande, Manuel de droit
constitutionnel, uniq, Imprimeur II, Port-au-Prince, Oct. 2004, p 177
20JEAN-PIERRE Gary Frantz cy, La constitution de 1987, une
charte fondamentale contre le Président de la République,
Mémoire FDSE, 001216 JEA-j Port-au-Prince 2002,
p70.
21Jean Destin, la puissance
quasi-illimitée du parlement et la fragilité de la
suprématie de la Constitution de 1987, Mémoire FDSE,
001948j, Port-au-Prince 2009.
22Pierre Yvon, Evolution du pouvoir
exécutif et du pouvoir législatif dans le droit constitutionnel
de l'état d'Haïti, Mémoire FDSE, 000870j,
Port-au-Prince, Juillet1998, p130.
23Etienne Sauveur Pierre, L'énigme
haïtienne, Echec de l'État moderne en Haïti, presses de
l'université de Montréal, mémoire d'encrier, Canada,
fév. 2007, p 279.
14
veto, ni de la prérogative de dissoudre le
parlement. C'est aussi le cas pour Jacques Hans-Berry24, à
son sens il s'agit d'un régime « parlementaire exacerbé
» parce que les constituants de 1987 ont voulu que les parlementaires
fassent contre poids ou du moins tiennent tête à
l'Exécutif. Pourtant pour Me Samuel Madistin, il est un «
régime parlementaire », tout simplement en raison du
contrôle du Gouvernement par le pouvoir
Législatif25.
Le régime politique d'Haïti ne s'inscrit point
dans l'ordre des régimes traditionnels présidentiel et
parlementaire, encore moins un régime mixte. Nous retrouvons dans cet
ordre d'idée, Jean Claude Bernabe 26 qui
croit que la Constitution accorde effectivement des pouvoirs exorbitants au
parlement haïtien aux dépens du pouvoir Exécutif, ce qui
fait de lui un régime politique déséquilibré. Et
c'est aussi le même constat pour, Jean Corvington
Thélusma27 en ajoutant que la Constitution a accouché
un équilibre difficile entre l'Exécutif et le
Législatif.
Mais d'une manière plus poussée dans ses
critiques, Jean Eugene Pierre Louis, n'est pas totalement de cet avis et est un
peu exagéré. Il a écrit28 que les constituants
ont tellement voulu diminuer les pouvoirs du Président, ils ont
institué un régime politique qui ne correspond non seulement
à aucun modèle des régimes contemporains ; puisqu'il n'est
ni complètement parlementaire, ni présidentiel ; mais encore il
se révèle nettement inadapté à nos moeurs, nos
traditions, notre culture. Il est donc drôlement original et totalement
impraticable, voire générateur de crise.
Encore, aux yeux du professeur Pierre Charles
Gérard29, les constituants ont instauré un
régime semi-parlementaire pour diminuer les pouvoirs de la
présidence. Contrairement à ce dernier, nous avons pu remarquer
que du côté de l'ancien constituant, Georges Michel, il s'agit
plutôt
24Jacques Hans-Berry, La Crise de la
représentation démocratique libérale et l'imbroglio du
régime politique haïtien, mémoire de sortie, FDSE,
avril 2012, p63.
25Madistin Samuel, Coopération et
développement : le rôle du pouvoir législatif dans le
fonctionnement moderne de l'Etat, Imprimeur II, Port-au-Prince, 2001,
p102.
26Bernabé Jean Claude, Les pouvoirs
exorbitants du parlement haïtien dans le cadre de la Constitution du 29
mars 1987, Mémoire FDSE, 000718j, mai 1997, p83.
27Thélusma Jean Corvington, Equilibre
difficile entre l'exécutif et le législatif, Mémoire
FDSE, 000626 THE-j Port-au-Prince, juillet 1996, p103.
28Pierre-Louis Jean Eugène, Le
Président de la République dans le nouveau régime
politique institué par la
Constitution de 1987, une pyramide renversée,
Mémoire FDSE, 000607 PIE-J oct. Port-au-Prince 1996, P85.
29Pierre Charles Gérard, Haïti, la
transition démocratique. Cresfed, centre de recherche et de
formation économique et sociale pour le développement. P-au-P,
1997, p19.
15
d'un régime semi-présidentiel30.Ces
deux auteurs ont pris chacun un régime type au ralenti pour en faire un
nouveau régime semi-parlementaire ou semi-présidentiel. Mais,
c'est contradictoire, parce que chacun des régimes types a un
élément fondamental qui le caractérise, si ce dit
élément particulier est absent, il est absurde de parler de
semi-régime.
A notre lecture, ces qualifications ne tiennent pas compte de
tous les aspects ou de tous les critères clés relatifs aux
théories élaborées sur les régimes politiques types
dans le monde. Ce qui crée un vide ou une lacune par rapport à la
qualification du régime politique. Et c'est de ce vide que nous allons
partir pour trouver notre problématique de recherche.
Il est distingué, selon le système
représentatif, le régime parlementaire du régime
présidentiel, comme les plus connus, en considérant le
système de suffrage. Le premier est qualifié de séparation
souple des pouvoirs, ou encore de collaboration des pouvoirs en raison du fait
que le gouvernement ait besoin de la confiance du parlement pour la mise en
oeuvre de sa politique générale. Et le second de
séparation rigide ou stricte des pouvoirs. L'Exécutif est
indépendant des assemblées, il définit sa politique
librement et ne peut être demis par elles.
Dans un régime parlementaire, on trouve un
Exécutif bicéphale et un Parlement mono ou bicamérale. Le
Gouvernement est responsable devant le Chef de l'État et/ou le
Parlement, selon qu'on soit en régime dualiste ou moniste. En grande
Bretagne, la fonction législative est sous la responsabilité de
trois autorités, les deux chambres et la reine, dont le consentement de
chacune est nécessaire à l'adoption des lois. Le Chef de
l'État a pour vocation d'incarner la continuité de l'État,
mais en principe il ne participe pas ou participe très peu à
l'exercice du pouvoir, exception faite du choix du Chef de Gouvernement et
encore doit-il le choisir dans la majorité parlementaire.
Dans un régime présidentiel, l'idée
fondamentale est que les pouvoirs doivent non seulement être
séparés mais isolés. Leur séparation doit aussi
établir leur égalité afin qu'ils soient
équilibrés. De ce point de vue, la doctrine estime
généralement que la constitution américaine réalise
une séparation rigide des pouvoirs, puisque le Président ne peut
dissoudre les chambres et que les ministres ne sont pas politiquement
responsables devant le Congrès. Il est un régime plus simple que
le régime parlementaire, même si son fonctionnement s'avère
parfois difficile. En fait, il y a
30Michel, Georges, La constitution de 1987 : le
point, presses de Kopirapid, Port-au-Prince, novembre 2007, p7
16
d'importants éléments de rationalisation,
notamment les « freins et contre-pouvoirs ». Autrement dit, la
séparation des pouvoirs n'est jamais totalement rigide. Il s'analyse
pour l'essentiel comme un régime dans lequel l'équilibre
recherché des pouvoirs Exécutif et Législatif
résulte de leur indépendance réciproque et de leur
certitude de demeurer en fonction jusqu'à l'expiration de leur
mandat.
Le mélange de certains éléments
caractéristiques de ces deux régimes types ne permet pas de
cerner d'un coup la nature du régime politique haïtien ou sans
étudier à fonds les traits fondamentaux de ces dits
régimes. A ce stade, un véritable problème se pose pour
tous ceux qui veulent se lancer dans des recherches se rapportant à la
nature de ce régime politique. Intéressés par cette
situation, nous nous sommes fixés l'objectif d'y contribuer
théoriquement, nous avons formulé la question spécifique
que voici : "En quoi des considérations historico-juridiques
nous amèneraient-elles à qualifier le régime politique
haïtien, dans une logique de rupture avec le passé ?"
Cette question est le fil conducteur de notre travail. Elle
est considérée comme le premier guide de ce voyage scientifique.
Pour mieux mener notre recherche sur le régime politique haïtien,
nous avons formulé des réponses provisoires à la question
spécifique posée ci-dessus.
? Le régime politique haïtien serait un
régime parlementaire bi-représentatif.
Cette hypothèse d'association complexe est fondamentale
dans le cadre de cette recherche et elle permet de formuler une autre qui doit
être considérée comme secondaire.
? La puissance du pouvoir d'interpellation du
Gouvernement haïtien par le Législatif sans le droit de dissolution
est fondamentale dans la mise en place d'un régime parlementaire
bi-représentatif.
La formulation de ces hypothèses est très
compréhensible dans le cadre de ce travail. Quoique nous ne soyons pas
totalement d'avis avec les travaux réalisés sur cette question,
il est clair que les constituants de 1987 ont voulu rompre
définitivement avec le passé affreux qu'a connu le pays pendant
longtemps. L'objectif premier de ces derniers était d'enlever les
pouvoirs du Président de la République au profit d'un parlement
mieux armé politiquement. Autrement dit, les constituants de 1987 ont
cultivé la volonté d'attribuer plus de pouvoirs au parlement, ce
qui
17
laisse à plus d'un de penser qu'il s'agit d'un
véritable régime parlementaire dans lequel le Président
n'aurait plus de pouvoirs.
La réalisation d'un tel travail scientifique ne peut ne
pas suivre une démarche. Autrement dit, pour arriver à confirmer
ou à infirmer les réponses provisoires données aux
questions posées ci-dessus, ce travail doit suivre une méthode.
Dans cette lignée, nous avons entendu par méthode, une
démarche intellectuelle qui conduit vers un objectif réel.
Elle est un moyen de parvenir à un aspect de la
vérité, de répondre plus particulièrement à
la question « comment », liée au problème de
l'explication31.
Étant entendu dans ce sens, nous allons combiner quatre
méthodes : historique, analytique, exégétique et
comparative pour conduire notre recherche sur le régime politique
haïtien.
D'abord, la méthode historique,
généralement utilisée par les historiens, va nous
permettre notamment d'établir les causes des évènements
historiques, ainsi que leurs conséquences sur le devenir historique du
régime politique haïtien.
Ensuite, la méthode analytique est celle qui permet de
procéder par décomposition du sujet, en disséquant le tout
en partie pour en trouver la quintessence. Nous allons passer par l'analyse de
l'ensemble des éléments constitutifs, des éléments
caractéristiques essentiels du régime politique haïtien,
afin d'en saisir les rapports existants entre les pouvoirs. La
décomposition de l'ensemble va nous permettre de déterminer la
nature du régime par les proportions de pouvoirs de chaque organe.
De surcroit, la méthode exégétique est la
méthode d'interprétation des textes de lois.
L'exégèse se caractérise par le respect absolu dû au
texte. Elle renvoie à une science dont le but est d'établir le
sens d'un texte. Le principe est de rechercher la volonté de l'auteur du
texte à partir de celui-ci et du contexte de son élaboration. Le
but visé est de dégager le sens exact de la règle de
droit, notamment de la loi et de fixer sa portée. La méthode
exégétique recherche l'esprit de la loi dans le texte
lui-même. Nous allons, pour mener à bien cette recherche, nous en
servir pour l'analyse de la Constitution.
31 Grawitz Madeleine, Méthodes des sciences
sociales, 11e éd. Dalloz, Paris 2001, p 419.
18
Enfin, la méthode comparative32, celle qui
permet de découvrir les rapports entre plusieurs éléments,
est utilisée dans le cadre de cette recherche pour déceler les
points de ressemblances et de dissemblances existant entre le régime
politique haïtien et les prototypes de régime politique. Autrement
dit, la classification du régime politique haïtien sera faite en
comparant les éléments clés de ce dernier avec les
caractéristiques essentielles des régimes politiques de type
occidental.
Ces quatre méthodes sont primordiales pour la
réalisation de ce travail. En d'autres termes, elles sont d'une
importance capitale et c'est sur elles que l'accent va être mis pour
parvenir à la solution de notre problème. Nous allons essayer de
dépasser, grâce à elles, les apparences et certaines
idées quotidiennes qui ont négligé bon nombre d'aspects de
la question.
Le présent travail se divise, en effet, en deux parties
contenant chacune deux chapitres. La première partie,-
présentée suivant une approche historico-juridique- est
portée sur l'analyse des constitutions de 1950 et celles de la longue
période des Duvalier. Le premier chapitre est consacré à
l'étude de la Constitution de 1950 voulant établir un
régime plus ou moins démocratique dans le pays et celle de 1957
qui a donné assise au Président de l'époque pour mener
à bien son projet. Le second chapitre est destiné à
l'étude des constitutions de 1964, de 1971 et de 1983. Elles ont non
seulement facilité la perpétration des actes malhonnêtes
mais aussi ont interrompu le processus d'institutionnalisation du pouvoir
politique haïtien amorcé par la Constitution de 1950.
La seconde partie est dédiée à
l'étude de la Constitution haïtienne de 1987, un texte fondamental
qui a voulu couper court avec une série de pratiques d'antan, ce, pour
le bien être d'un pays nouveau. Le premier chapitre est, en effet, une
présentation descriptive et analytique des principaux organes
instaurés par cette Constitution en tenant compte de la loi sur
l'amendement constitutionnel pour enfin condamner les actes liberticides des
constitutions antérieures, soit l'instauration d'un nouveau
régime politique dont nous recherchons la nature. Et le second chapitre
est réservé à l'étude de la réalité
et du devenir de la Constitution de 1987.
32 Voir Grawitz Madeleine, op cit. p421.
19
Première partie
Le pouvoir politique haïtien : Entre
une
institutionnalisation manquée et une
personnalisation destructrice
20
Le récit du passé montre, en effet, que la
quasi-totalité des constitutions élaborées vers le
XVIIIe siècle adopte le principe33 de la
séparation des pouvoirs comme pierre angulaire de leur souci d'avoir un
régime politique démocratique. Les occidentaux sont convaincus et
satisfaits que la démocratie était un bien qu'ils
possédaient, qu'ils avaient adéquatement théorisé
et réalisé34. La victoire de l'Ouest sur le
système soviétique a poussé de nombreux optimistes
à penser que les portes sont ouvertes sur la démocratie comme
forme dominante du gouvernement mondial35 et la propagation de la
démocratie dans le monde est une expérience capitale pour
l'industrie politique occidentale.
Dans un élan prophétique, certains auteurs
consacrent la démocratie comme le point culminant de l'évolution
idéologique de l'humanité. Dans un article publié en 1989
dans la revue américaine National interest, le politologue
universitaire américain, Francis Fukuyana36, a
été amené à pronostiquer sur « la fin de
l'histoire » en constatant le triomphe du modèle
démocratique et la faillite du modèle soviétique. Les
occidentaux sont fiers d'avoir abouti à l'universalisation de la
démocratie et se contentent d'être les propriétaires de ce
modèle.
L'État haïtien, à notre avis, a vu le jour
avec la publication de la Constitution de 1801. Elle est le statut de
l'État haïtien37 sans lequel ce dernier ne peut exister.
Les arguments ne se portent pas sur la bonté ou sur les
éléments démocratiques que le texte lui-même est
porteur mais sur la volonté de Toussaint Louverture de camper un
État fort et indépendant et d'instituer un cadre suivant lequel
certaines actions doivent être posées. Cette Constitution, suivant
la conjoncture, détermine, par écrit38, ce qu'il faut
faire ou pas, ce qui explique le bannissement de l'improvisation et de la
volonté individuelle. Mais l'évolution du temps favorise des
modifications plus ou moins adaptées aux moeurs et aux idéaux
démocratiques.
33 En 1789, la déclaration des droits de
l'homme et du citoyen reconnait en son article 16 que : « Toute
société, dans laquelle la garantie des droits n'est pas
assurée, la séparation des pouvoirs n'est pas
déterminée, n'a pas de Constitution ».
34Rosanvallon Pierre, L'universalisme
démocratique : histoire et problèmes. [En ligne]. In
:
www.la vie des
idees.fr disponible sur
:
http://www.laviedesidees.fr/IMG/pdf/20080128_rosanvallon.pdf
(page consultée le 10/27/2013) 35Archibugi Danièle,
La démocratie cosmopolitique sur la voie d'une démocratie
mondiale, les éd. du seuil, Paris, 2009, traduit de l'anglais et
présenté par Lowis Lourme, p28.
36 Cité par Zarka Jean Claude, op cit, p137
et Godard-Fabre, Simone, Introduction au droit Constitutionnel,
Toulouse France, p77.
37Chantebout Bernard cité par Roy, Jean
Claude, dans LES POUVOIRS : la constitution de 1987 et la fin de
l'arbitraire Ed. Henri Deschamps, P-au-P 1991, p50.
38 Cette maxime le traduit bien : « les
paroles s'envolent mais les écrits restent et font preuve
».
21
Haïti a adopté une pluralité de chartes
fondamentales. Chacune est porteuse en son sein de nouvelles perspectives
susceptibles de changer la nature du régime. Ce dernier serait dans le
lignage démocratique si le pouvoir se partageait entre plusieurs organes
selon qu'il a été recommandé par Montesquieu que le
pouvoir arrête le pouvoir. Sa concentration entre les mains d'une
personne unique constitue un danger car le détenteur peut s'amuser
à en faire ce qu'il veut. « C'est une expérience
éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en
abuser jusqu'à ce qu'il trouve des limites 39 ».
Parmi toutes les constitutions qu'a connues le pays depuis ses
balbutiements, nous avons décidé d'étudier celles qui ont
été adoptées de 1950 à 1987. En effet, la
première partie du travail porte sur le pouvoir politique haïtien
dans son processus d'institutionnalisation manquée et sa
personnalisation destructrice par une étude des textes de 1950 à
1985. Le premier chapitre, qui va étudier les premiers pas du processus
d'institutionnalisation de cette période, est intitulé
"Les premières tentatives d'institutionnalisation du pouvoir
politique". Et le second chapitre va montrer que ce processus a
été victime de l'insertion de nouvelles clauses des autres
constitutions postérieures. Il est intitulé de ce fait
"La résurgence de la personnalisation du pouvoir
politique.
39 Montesquieu (1748), Esprit des lois,
livre XI, chapitre IX, Coll. Classique des Sciences sociales, Québec,
mai 2002, p53.
22
Chapitre I
Les premières tentatives d'institutionnalisation
du pouvoir politique
Dans l'antiquité et dans les monarchies, le pouvoir a
été d'origine divine et n'a pas été
constitué, c'est-à-dire qu'il n'a pas été
institutionnalisé. Ce qui laisse entendre qu'il a été
l'affaire d'un détenteur unique. Le Roi pouvait l'utiliser à son
bon vouloir, dans certains pays. En Haïti, nous avons connu, en ce sens,
des Généraux en chef, des Empereurs, des Présidents et
Présidents à vie. Quand on assiste au cas où le pouvoir
est détenu par un seul, cette autorité unique est à la
fois juge et partie disant, ce qui est prohibé ou pas, celui qui a tort
ou pas. Ou encore, elle décide, de son propre gré, de la vie ou
de la mort d'un individu et enfin, elle jouit de toutes les
prérogatives. Lequel détenteur n'a de comptes à rendre
à personne, car il est le seul dans son royaume, il fait ce qui lui
semble bon au bénéfice de ses insatiables aspirations.
De là étant, les auteurs contractualistes n'ont
pas cessé de théoriser sur la question et ont demandé
à ce que le pouvoir soit partagé. De Locke passant par Rousseau
jusqu'à Montesquieu, pour ne retenir que ceux-là, ont
recommandé à ce que le pouvoir soit distribué entre
plusieurs organes étatiques. La théorie de la séparation
des pouvoirs est comprise comme étant un principe de division technique
du travail étatique40. Elle est le socle du fonctionnement
des États démocratiques.
Toute dépersonnalisation ou institutionnalisation du
pouvoir ne peut être possible que dans les États à bases
démocratiques. La théorie démocratique exige que chaque
pays soit doté d'une constitution pour assurer la garantie des droits,
pour délimiter les actions des dirigeants. Aussi, toute constitution
doit-elle agencer d'une certaine manière la relation entre les trois
pouvoirs afin qu'ils servent de contrepoids l'un pour l'autre. Du coup, toute
concentration des trois fonctions de l'Etat entre les mains d'un seul organe
est condamnée. Le respect de ces garanties constitutionnelles est
accepté comme un principe fondamental dans les démocraties.
En voulant condamner certaines conduites en Haïti, la
distribution du pouvoir a fait l'objet de plusieurs constitutions. Celle de
1950, faisant partie intégrante de ce travail, a instauré des
organes qui pouvaient assurer, en quelque sorte, le principe de la
séparation des pouvoirs. Ce texte fondamental n'a pas été,
comme toute création humaine, une oeuvre parfaite parce qu'elle
40 Zarka Jean Claude, Introduction au Droit
Constitutionnel, 4e éd., ellipses, Toulouse, France,
p91.
23
avait ses faiblesses et ses lacunes. Toutefois, le mode de
relation entre les organes laisse la possibilité de classer cette
Constitution parmi celles qui avaient la prétention d'instituer un
pouvoir politique à présomption démocratique
(Section I). Par contre, avec l'évolution de la
dynamique, le pays va connaitre la Constitution de 1957, laquelle constitution
va reformater certaines institutions, ce qui a abouti à un commencement
de la personnalisation du pouvoir politique au cours de la période post
1950 (Section II).
Section I.- De la présomption d'un pouvoir
démocratique
Nous voulons le répéter haut et fort que
Haïti, depuis 1801, fonctionne sur la base des constitutions41.
Chacune, est porteuse d'un idéal ou, a une autre façon de
concevoir le partage du pouvoir. Nous dirions que les dirigeants d'alors
recherchent un bonheur difficile à trouver et qu'ils sont obligés
d'essayer d'accommoder la charte fondamentale à leurs visions. Une
vision qui convoite généralement, à notre avis, à
conserver le pouvoir puisque dans la majorité des cas, mis à part
la Constitution de 181642, toutes les autres n'ont pas eu une longue
vie.
Toujours est-il, les plus grandes modifications sont
portées sur les attributions et les compétences du Chef de
l'État. Cela ne nie toutefois, dans certains cas, le mode d'accession
des titulaires aux postes de l'Exécutif et du Législatif, ce qui
est très déterminant dans la nature du régime politique.
L'ensemble des ajustements et suppressions faites des constitutions
haïtiennes jouent d'office sur le principe de la séparation des
pouvoirs. La garantie de la bonne gestion du pouvoir ne peut être
assurée que par sa dépersonnalisation, car l'essence même
d'un régime démocratique se trouve dans l'organisation et la
répartition du pouvoir. Les règles de la démocratie ne
permettent pas à un seul homme d'incarner tout le pouvoir, si oui, ce
cas est le propre des régimes tyranniques.
Le principe de la séparation du pouvoir n'a pas eu sa
naissance sur le terroir haïtien mais les dirigeants ont partagé
l'idée que le pouvoir ne peut être concentré entre les
mains d'une seule personne. Ce qui est paradoxal, chacun des dirigeants
aimerait, quand il est au pouvoir, que sa
41 Nous avons dit « sur la base des
constitutions» parce que chaque nouveau groupe, qui arrive au pouvoir,
soit par conséquences d'un coup d'état ou autres, estime que tel
ou tel organe a plus de pouvoirs que l'autre ou le pouvoir Exécutif en
manque et décide de faire écrire une nouvelle constitution.
42 La Constitution haïtienne de 1816 a
duré 26 ans. L'on dit qu'elle a été la révision de
celle de 1807 à petit-goâve en date du 2 juin 1816. A notre avis,
c'est incompréhensible parce que le pays a connu entre temps la
constitution de 1811, on aurait pu réviser cette dernière. Donc,
c'est une constitution toute neuve car celle de 1807 était
despotique.
24
volonté commande car les actions sont posées
unilatéralement et ne sont pas responsables de leur gestion, n'ont ni de
comptes à rendre à personne. Quand ces genres de situations se
présentent, les détenteurs utilisent des groupes
d'orchestrateurs, généralement l'armée, pour donner une
sorte de légitimité à leurs actions et pour les maintenir
toujours à la plus haute fonction de l'État. La principale
caractéristique de ces situations est le refus des dirigeants de
soumettre leur pouvoir au contrôle43. Ils sont à la
fois juges et parties de leurs actions.
Sous la présidence de Dantès Bellegarde,
l'assemblée constituante des Gonaïves a voté, le 25 novembre
1950, une constitution démocratique44 garantissant les droits
et libertés du peuple haïtien. À la tête du pays se
trouve Franck Lavaud, Président du Comité militaire
exécutif provisoire qui a publié cette constitution
annonçant la couleur.
De nouvelles clauses plus ou moins démocratiques ont vu
le jour pour la première fois en Haïti. Parmi lesquelles, les
modalités d'accéder institutionnellement au pouvoir en Haïti
peuvent être citées (A). Surgit aussi la
possibilité de parler d'alternance politique. Cette dernière, le
propre des régimes démocratiques, veut assurer la substitution
des acteurs au pouvoir par le biais d'élections
régulières. Cette constitution, voulant divorcer avec une suite
de pratiques, a prévu dans sa lettre et à sa manière, le
mode de collaboration et de contrôle du pouvoir Exécutif par le
Législatif et vice-versa (B).
A.- Une institutionnalisation en gestation
Depuis bon nombre de temps, soit après certaines
révolutions à portée mondiale, le pouvoir politique est
devenu en effet la chose publique, l'affaire du peuple. Et c'est avec la
naissance de la démocratie représentative que
l'institutionnalisation du pouvoir allait avoir son pesant d'or. Les doctrines
élaborées sur la représentation politique obéissent
toutes à cet accord : il existe un souverain, distinct des gouvernants,
mais qui ne peut exercer le pouvoir lui-même.
Haïti a choisi, dans une logique d'institutionnalisation
du pouvoir, la voix élective pour se doter des représentants en
1950. L'élection implique la représentation politique,
caractéristique essentielle de la démocratie
représentative, gouvernement des modernes. Elle engendre la notion de
mandat représentatif, outil permettant de sanctionner les mauvais
dirigeants. Et l'objectif
43 Zarka Jean-Claude, op cit. p125.
44 Ainsi lisons-nous dans le préambule de la
Constitution de 1950.
25
même de la représentation est de rendre possible
la stabilité de la démocratie. Elle veut assurer une plus large
participation possible du citoyen à la sphère du pouvoir, ce afin
de compter sur un point d'appui à la fois pour faire avancer leurs
revendications et de résister aux tendances du pouvoir en place.
L'une des conditions de réalisation de la
démocratie est la participation du peuple à l'exercice du pouvoir
politique lors d'élections périodiques et concurrentielles
où le citoyen est libre de choisir le candidat dont il apprécie
le programme. La démocratie représentative est justement une
façon pour le peuple d'exercer le pouvoir parce que l'idéal
démocratique veut que l'exercice et la jouissance d'un certain nombre de
droits soient attribués à la personne humaine45.
Dans cette lignée, la Constitution de 1950 proclame
qu'Haïti est une République démocratique (Art
1er). Quoique les autres constitutions, elles aussi, fassent cette
mention mais une lecture entre les lignes permettra de saisir la quintessence
de ce caractère démocratique prôné par le texte de
1950. Ce dernier établit de nouvelles règles constituant un
embryon d'institutionnalisation. Cette nouvelle façon de concevoir le
pouvoir politique a voulu couper court avec le passé. Dans cette
perspective, on aimerait que le peuple soit le détenteur principal du
pouvoir. Du coup, il lui revient le droit de choisir les personnes auxquelles
il veut en attribuer l'exercice.
a) De l'élection au suffrage universel
L'élection au suffrage universel est perçue
comme le mode supérieur de désignation des gouvernants car elle
suppose même un acte de volonté du citoyen qui doit jouir de ces
droits civils et politiques. Dans le cadre de la Constitution de 1950, le
pouvoir de faire des lois pour la bonne marche de l'État a
été délégué à deux chambres
représentatives : une chambre des Députés et un
Sénat formant le corps législatif (Art 35). Ce dernier incarne la
représentation nationale. Il représente le peuple, car il lui est
le plus proche, dirions-nous. Tout membre de la chambre des
Députés doit avoir 25 ans accomplis (Art 37).
Cette Constitution va jusque-là prévoir
même les modalités de remplacement d'un Député
démissionné, déchu, interdit judiciairement, radié
ou nommé à un poste incompatible avec celui
45 Guillaume - groupe Durruti (Lyon), La
démocratie participative ou l'art d'absorber la contestation
sociale, disponible sur
http://kropot.free.fr/demopart.htm
(consultée le 15 février 2014).
26
du Député. Pour le Sénat, il est clair
que la loi a fixé le nombre des Sénateurs par département
et tout membre doit être âgé de 35 ans accomplis. Les
modalités de remplacement d'un Député sont aussi valables
pour un Sénateur se trouvant dans les cas cités plus haut.
Ensuite, le pouvoir Exécutif est exercé par un
citoyen, ce qui exclut d'office ceux qui ne jouissent pas de cette
qualité. Il reçoit le titre de Président de la
République, élu pour six ans avec un mandat non renouvelable
immédiatement (Art 76). Le Président doit être élu
et pour l'être, l'aspirant doit être âgé de 40 ans. Et
les modalités sont encore plus compliquées en ce qui a trait
à la nationalité haïtienne.
Quand on parle d'élection du Président, selon la
Constitution de 1950 en ses articles 88 et suivant, il est important de se
référer aux suffrages directs et à la majorité
relative des voix exprimées par les électeurs de toutes les
communes de la République. Ici, l'accent est mis sur le peuple comme le
principal détenteur de la souveraineté nationale. En tant que
tel, il choisit directement et le Chef de l'Exécutif et les membres du
corps législatif. Et dans cette lignée, cette Constitution a
carrément rompu avec les modalités d'antan de pourvoir à
la magistrature suprême de l'État haïtien.
b) A l'esquisse d'une réforme du
pouvoir
Dans la logique d'une réforme du pouvoir politique, la
Constitution de 1950 donne des attributions claire et nette à trois
pouvoirs : le Pouvoir Législatif, le Pouvoir Exécutif et le
Pouvoir Judiciaire formant le Gouvernement de la
République46, lequel est essentiellement civil,
démocratique et représentatif.
Premièrement, la (civilité) tient du fait que
les constituants ont voulu démilitariser le pouvoir. L'histoire
politique haïtienne a montré que, depuis Salomon, il n'y avait
qu'un seul civil qui a pu se hisser à la plus haute magistrature de
l'État haïtien. Le pouvoir d'alors était plutôt
l'affaire des Généraux de l'armée. Dans un processus de
réforme, la constitution de 1950 vise à obtenir la participation
de la population à la sphère du pouvoir par le choix des
dirigeants qui peuvent être aussi des civils. Etant donné que
chaque personne détient une parcelle de souveraineté dont la
totalité conduit à celle de la nation, par la voie des urnes,
chacun doit trouver la manière la plus parfaite d'exprimer son choix en
faveur de celui dont les aspirations lui sont les plus proches.
46 Art 33 de la Constitution haïtienne de
1950.
27
Deuxièmement, la démocratisation s'explique par
le fait que le pouvoir va arrêter le pouvoir par son
institutionnalisation. Un pouvoir peut faire contrepoids aux actions et aux
décisions d'un autre pouvoir toutefois que les actes ne sont pas
conformes à ce que dit la loi. Troisièmement, la
représentativité vient du fait que les dirigeants sont
mandatés par le peuple. Autrement dit, le peuple s'autogouverne. Il
participe à l'élaboration des lois et à la prise des
décisions par l'entremise de ses mandatés. Le choix des
représentants est le pilier sur lequel repose cette réforme
amorcée par la Constitution de 1950.
Il s'agit, de ce fait, d'un processus d'institutionnalisation.
L'État ne s'improvise pas selon le voeu d'une seule personne mais selon
les écrits qui restent et font preuve. Tout membre du pouvoir, selon la
Constitution de 1950, doit être issu d'élection
considérée comme l'acte médian à la participation
du citoyen dans le choix des gouvernants. Cette caractéristique est
fondamentale pour la démocratie.
B.- Un régime à contre-pouvoirs
Les contre-pouvoirs sont un moyen de lutter contre un pouvoir
installé ou contre une décision du gouvernement47.
Autrement dit, les contre-pouvoirs sont des pouvoirs organisés afin
d'équilibrer un autre pouvoir en place. Ce qui veut dire que toute forme
de pouvoir appelle l'expression d'un contre-pouvoir. Dans les
sociétés majoritairement démocratiques, la notion de
contre-pouvoir se manifeste dans la pratique par la possibilité pour le
Législatif d'avoir un droit de regard, d'opposition sur les actes de la
puissance exécutrice et c'est aussi la possibilité pour cette
dernière d'avoir la faculté de participer à la
législation, principale attribution du corps législatif.
Il est vrai que Montesquieu n'a pas parlé explicitement
de la notion de contre-pouvoir dans son chef d'oeuvre mais on ne peut se
permettre de dire qu'elle est étrangère à sa pensée
constitutionnelle. D'ailleurs, il a écrit que : « La puissance
exécutrice (...) doit prendre part à la législation par sa
faculté d'empêcher ; sans quoi elle sera bientôt
dépouillée de ses prérogatives 48».
Dans cette logique d'empêchement et de participation, l'auteur
soulève que chaque pouvoir doit faire contrepoids aux actions de
l'autre. Et c'est toujours dans cette logique qu'il parle de
47 Site consacré au rôle des
contre-pouvoirs !, Le rôle des contres pouvoirs. [En
ligne].disponible sur : http://role-contre-pvrs.e-monsite.com/ (page
consultée le 04/02/2014)
48 Montesquieu, De l'Esprit des lois, Gallimard,
Paris, 1995 (sic) cité par Cédric Milhat, La
souveraineté du/des peuple(s) : utile/ultime contre-pouvoir face
à l'État et à l'Union européenne ? [En
ligne].disponible sur :
http://www.droitconstitutionnel.org/congresParis/comC6/MilhatTXT.pdf
(page consultée le 04/02/2014)
28
distribution de pouvoirs. Cette recommandation dirait
qu'aucune des trois autorités n'est à la fois attributive de
l'intégralité d'une fonction, maitresse exclusive de cette
fonction et spécialisée dans cette seule fonction.
Donc, toutes les fonctions de l'État ne doivent
être exercées exclusivement par un seul et même organe ; ce
qui n'empêche pas pourtant qu'un organe participe à plusieurs
fonctions de l'Etat. Dans la logique de Montesquieu, mais en adéquation
avec les réalités constitutionnelles d'aujourd'hui et les
pratiques institutionnelles, la séparation des pouvoirs conçue de
manière rigide ne peut être assimilée au principe de
contre-pouvoirs. Si les pouvoirs sont totalement séparés, il ne
peut y avoir de contrôle. Déjà dans la Constitution
haïtienne de 1950, les constituants partageaient l'idée de la
notion de contre-pouvoir. Les prérogatives de participer à
d'autres fonctions non spécialisées s'étendent jusqu'au
questionnement et/ou au renvoi du Cabinet ministériel (a)
ou à la dissolution du Parlement (b).
Les constituants étaient soucieux du rapport du
parlement et de l'exécutif, lequel rapport qui constitue un
élément sur la base de laquelle il est habituel de se fonder pour
déterminer la nature d'un régime politique. Or dans le cadre de
ce point du travail, nous allons tout simplement étudier les
contre-pouvoirs des pouvoirs législatifs et de l'exécutif.
a) Questionnement du Cabinet
Ministériel
Questionner ou interpeller un membre du Gouvernement est un
droit sacré pour un parlementaire dans tous les régimes à
prétention d'être parlementaire. Loin d'insinuer que la
Constitution de 1950 a instauré un régime parlementaire. Mais
elle a prévu que tout membre du corps législatif, de son
initiative, peut décider de questionner ou d'interpeller un membre du
Cabinet Ministériel moyennant un appui de ses collègues
équivaut à un tiers du corps, selon le voeu des alinéas
cinq et six de l'article 75. Cet article confère le droit à un
parlementaire d'interroger un Ministre ou un Secrétaire d'Etat sur les
actes qu'il a posés, ce afin de juger sur la légalité de
leurs actions.
La notion de responsabilité en régime politique
est très importante. C'est par elle que les parlementaires peuvent se
prétendre contrôleurs pour questionner les actes des membres du
Gouvernement. Selon le voeu de la Constitution de 1950, les membres du Cabinet
sont responsables devant le parlement. Ils sont complètement
responsables de toutes les actions qu'ils ont posées. Autrement dit, un
acte posé par un Ministre, par exemple, doit être inscrit dans les
conditions prévues par la loi, sinon ce Ministre en particulier ou tout
le cabinet en général peut
29
être renvoyé. Dans ce cas, la puissance
législatrice contrôle la puissance exécutrice dans ses
actions.
Dans tout régime politique, le contrôle
réciproque des pouvoirs est nécessaire, ce qui évite tout
abus du pouvoir. Si d'une part le parlement peut renvoyer le gouvernement, dans
une logique d'équilibre, alors d'autre part, dans la Constitution de
1950, l'exécutif peut dissoudre le parlement.
b) Dissolution du corps législatif
Le corps législatif peut être ajourné par
le Président de la République. En cas de conflit grave entre les
deux chambres entre elles ou l'une d'elles avec le pouvoir exécutif, le
Président peut décider de dissoudre, par décret, le
pouvoir législatif pour procéder à de nouvelles
élections (art 75 de la Constitution de 1950). Notre questionnement
viendrait du niveau de gravité du conflit dont parle le texte.
Sur quelle base ou sur quelle mesure que le Président
va s'asseoir pour déterminer la gravité du conflit opposant le
pouvoir législatif et le pouvoir dont il est le chef ? Cela peut arriver
que les deux chambres n'arrivent pas à voter une loi dans le même
sens ou le parlement ne partage pas les objections du Président de la
République qui peut participer dans l'élaboration d'un texte de
loi, ceux-là constituent-t-ils des conflits graves ?
Si la réponse est négative pour les membres du
Parlement alors il ne serait peut-être pas le cas pour le
Président de la République. Ce dernier peut décider qu'une
simple situation est grave et procède à la dissolution du
parlement puisque c'est un privilège. Le texte même ne
prévoit pas dans quel cas qu'un conflit peut être grave entre les
deux pouvoirs. La dissolution, certes, est un privilège permettant au
Président de faire contrepoids contre les actes du Parlement, mais des
limites doivent être définies.
Nous sommes d'accord que si le Président n'a pas la
possibilité de s'opposer aux actes du parlement, ce dernier en tant que
puissance législatrice peut décider de faire des lois en sa seule
faveur et au détriment du Président. D'où l'importance des
contre-pouvoirs dans un processus d'institutionnalisation du pouvoir politique.
Toujours est-il, le pouvoir doit être organisé de façon
30
à ce que chacun sert de contrepoids pour l'autre dans
une logique d'équilibre entre les différentes puissances de
l'État, sinon c'est la personnalisation.
Section II.- Vers l'amorce d'une personnalisation
Les considérations faites sur la Constitution de 1950
laissent comprendre qu'il y avait une volonté de démocratiser le
pouvoir politique en Haïti, ce que nous appelons dans le cadre de ce
travail, une présomption démocratique du pouvoir politique
haïtien. Dans tout régime qui se veut être
démocratique, le pouvoir doit être constitué. Même si
cela a été déjà fait depuis 1801 en Haïti,
cela ne veut pas dire que le pays était, dès lors,
démocratique. D'ailleurs, l'idéal démocratique veut en
effet que les représentants soient choisis au suffrage universel.
L'idée même de suffrage universel, produit
historique, implique l'inclusion. Dans toutes les démocraties du monde,
l'élection n'est pas synonyme de démocratie mais elle constitue
un pilier important sur lequel doit reposer toute démocratie. Elle est
pour elle l'une des caractéristiques premières. Et la
Constitution de 1950 a été la première qui a
instauré le système de suffrage en Haïti. Désormais,
tous les dirigeants de ce pays sont issus de la voie des urnes. Lequel
mécanisme qui a créé l'opportunité à tous de
participer d'une manière ou d'une autre dans la vie politique.
Autrement dit, quelles que soient la religion des citoyens,
leurs races, leurs couleurs, leurs niveaux d'instruction, ils sont aptes
à choisir les représentants par le droit de vote. Parce que la
démocratie représentative est justement une façon pour le
peuple d'exercer le pouvoir. Quand il a choisi les représentants par
l'élection, il est pour lui en démocratie représentative
l'une des meilleures façons de participer à la vie politique.
Nous sommes loin de dire que l'élection est le moyen le plus parfait
d'empêcher l'arbitrage mais il se révèle un
élément important pour toute démocratie.
Quand on parle de pouvoir politique en Haïti, il est
l'objet de codification dans plusieurs textes fondamentaux dont la Constitution
de 1957 et de 1964 qui amènent de nouvelles configurations
institutionnelles. Malheureusement, ce nouvel agencement n'est pas une reforme
car cette dernière est par essence changement en vue d'apporter une
amélioration. Nous doutons fort que les constitutions de 1957 et de 1964
partagent cette idée. La nouvelle façon de concevoir les pouvoirs
publics est loin d'être en harmonie avec la notion de contre-pouvoir
étudiée plus haut.
31
Les contre-pouvoirs, qui sont des moteurs d'équilibre
des attributions d'un autre pouvoir théoriquement, ne font pas l'affaire
des dirigeants de l'époque. Ils ne souhaitent pas avoir des
empêchements ou des barrières, car en réalité tout
pouvoir est un contre-pouvoir. Autre façon de dire, pouvoirs et
contre-pouvoirs sont les deux faces d'une même médaille. Dans
toutes les sociétés à volonté démocratique,
il existe des moyens de contrepoids quoique ceux qui sont au pouvoir ne
souhaitent pas en avoir. Nous dirions tout le monde mais en matière
politique, une formule est nécessaire pour constituer des freins aux
éventuels abus du pouvoir par ceux qui en détiennent.
Mais, dans cette période, il n'était pas
questions de freins, ni de contre-pouvoirs. Nous dirions que le
Président fraichement débarqué, soit le 22 octobre 1957
avait son projet anti-parlement. Il a justement profité les assises
données par la Constitution de décembre 1957. Elle a tracé
les possibilités de passage du bicaméralisme au
monocaméralisme, serviteur du Président (A) et
un pouvoir exécutif en état de consolidation
(B).
A.- Un monocaméralisme-Serviteur
Dans les assemblées parlementaires, il est
opposé le mono caméralisme, fondé sur l'existence d'une
assemblée élective, au bicaméralisme. Dans la logique
abstraite, le monocaméralisme apparait comme la conséquence
logique du système de représentation. Si on considère que
les députés élus au suffrage universel direct dans le
cadre d'une ou plusieurs circonscriptions électorales
représentent le peuple, il n'y a aucun problème qu'une seule
assemblée constitue le parlement.
Par contre, selon d'autres raisonnements, la première
chambre, celle des députés, représenterait seulement la
population, individu par individu et la seconde défendant les
intérêts des communautés intermédiaires entre
l'État et le citoyen. Ou encore, la seconde chambre peut être
constituée de sages, des personnages qui ont certaines
expériences. Dans ce cas, il est attendu une plus grande
réflexion et des actions plus matures.
Dans la majorité des Etats dont le régime est
construit suivant le modèle britannique, la fonction législative
est accordée à un bicaméralisme. Dès l'origine du
parlementarisme classique, soit le modèle anglais, trois
autorités exerçaient en théorie la fonction
législative. Dans la pratique, la dénomination parlement est
prise dans un sens restreint comme l'ensemble formé par les deux
32
chambres car le Roi n'a pas joui de son droit de veto. Elle
était réservée à un bicaméralisme, la
chambre des communes et la chambre des Lords et non à une chambre
unique.
Donc, tout régime construit sur ce modèle, mais
qui à un moment donné fait d'autres choix, est
considéré comme des régimes déviés du
parlementarisme classique. Cette déviation peut être due à
cause de plusieurs facteurs, généralement des
préoccupations personnelles du Chef. Cette déviation peut
être un empiètement de compétences par un pouvoir sur les
attributions d'un autre pouvoir. Et cela n'amène jamais le pays un bon
port, d'ailleurs l'histoire a déjà prouvé que toute
concentration du pouvoir conduit aux abus.
La Constitution haïtienne de 1950 déléguait
la puissance législative à deux chambres, celle des
députés et un Sénat. Dans un temps record, nous avons
passé du bicaméralisme au monocaméralisme entre 1950 et
1957 en deux constitutions. Suivant les considérations faites plus haut,
il n'y aurait aucun problème de poser un tel acte moyennant une
justification juste, raisonnable et cohérente. Jusque-là, il est
concevable, mais une interprétation des constitutions et actes
posés postérieurement à la Constitution de 1957 nous
permettra de voir les conséquences négatives de ce passage de la
double chambre à l'unité.
Un agencement pareil constitue une attaque frontale
(a) provoquant un parlement sans maturité avec une
chambre des Députés sans grands frères
(b).
a) Une attaque par le haut
La meilleure façon d'attaquer ses ennemis est une
attaque par le haut, au niveau de son moral. Depuis aux environs de
l'année 1955, on parlait de la chambre basse, celle des
Députés et de la chambre haute, le sénat. Dans cette
logique, la seconde chambre doit réunir des personnes plus mûres,
des seniors pour faire court. Cela implique des compétences
confirmées et des expériences sur le plan professionnel ou
législatif. Par contre, les constituants de 1957 ont supprimé le
Senat de la Constitution de 1950.
Une telle action constitue une préparation de passage
à un acte délictuel. On attaque le moral du parlement par
l'amputation du Senat qui rassemblerait les sages, les personnes les plus
raisonnables. Le pouvoir législatif est dans ce cas exercé par
une assemblée unique qui porte le
33
nom de la Chambre Législative (Art 48 de la
constitution de 1957). Et pour être député, il faut avoir
25 ans accomplis (art 50).
Et c'est cette même assemblée unique qui se
conduit d'office en Assemblée Nationale. Ses attributions, selon
l'article 55 sont :
1) De recevoir le serment constitutionnel du
Président de la République ,
2) Déclarer la guerre sur le rapport du Pouvoir
Exécutif ,
3) D'approuver ou de rejeter des traités de paix
et autres traités et conventions internationales ,
4) De réviser la constitution ,
5) De s'ériger en haute cour de justice ,
Quelqu'un qui est âgé de 25 ans, serait-il en
mesure d'analyser les différentes portées et retombées
d'un texte de loi surtout en tenant compte de l'époque, soit 1957 ? Une
époque où le taux de scolarisation en Haïti n'était
pas trop élevé. On pourrait être Député
à 25 ans, mais il y aurait une autre chambre composée de
personnes plus matures pour pouvoir s'appesantir davantage sur les clauses
compromissoires d'un texte législatif ou d'une convention
internationale. Ou encore pour faire freins contre un acte liberticide du
pouvoir exécutif. Le Senat est la chambre qui doit se soucier avec
rigueur de la fonction de législateur. Souvent une chambre unique est
amenée à voter un texte dans l'urgence ou dans l'emportement.
Le Président de la République peut
décider de faire la guerre, mais l'Assemblée Nationale doit
être munie de bonnes réflexions pour décider s'il faut ou
pas déclarer la guerre parce que cette dernière est une question
de vie ou de mort, de destruction de toute une population. Cette
assemblée a le pouvoir de réviser la Constitution qui est une
question très délicate. Tout constituant doit être capable
de saisir la portée positive ou négative de l'agencement du
pouvoir entre les différents organes de l'État. Donc, amputer le
parlement haïtien de 1957 du Senat a été une attaque
frontale laissant les Députés sans couverture de protection.
b) Chambre unique et sans coéquipiers
La suppression du Sénat par la Constitution de 1957 est
porteuse d'effets négatifs pour l'instauration d'un contre-pouvoir du
pouvoir exécutif. Dans le raisonnement de la séparation des
34
pouvoirs, chaque pouvoir est un contre-pouvoir. Les
attributions du Sénat étaient un contrepouvoir. Un parlement
à double chambre est une garantie pour la séparation des pouvoirs
et ses effets positifs. Avec lequel parlement, les lois votées sont des
produits de débats, de mûre réflexion et de concertations.
Dans cette perspective, il y a une sécurité juridique parce que
les deux chambres, l'une considérée comme junior et l'autre comme
Senior surveillent à ce que le texte en question soit exempt
d'éléments liberticides.
L'absence du Sénat laisse la chambre des
Députés sans coéquipiers et sans renfort. Il jouait un
rôle de défense et de signe de respect suivant que les
sénateurs sont plus expérimentés et plus âgés
que les députés. Et dans l'idée que les assemblées
représentent le peuple, cette suppression est une atteinte parce que la
représentation politique est en réduction. Les parlementaires
sont aussi des défenseurs des droits du peuple haïtien mais avec la
Constitution de 1957, ces droits étaient peu défendus car
l'organe le mieux armé du Parlement a été détruit.
Pour prêter les mots de l'autre49, les constituants de 1957
ont édenté le parlement haïtien.
Suite à un Sénat évincé des
pouvoirs publics, cette même Constitution laisse toutes les
possibilités au Pouvoir Exécutif de tout contrôler. Ce qui
nous amène à dire qu'il s'agit des actions de concentration du
pouvoir.
B.- Moyens de concentration du pouvoir
Avec la Constitution de 1950, le champ de la politique
était élargi. Il devenait accessible à tous.
L'élection a été organisée, les procédures
de discussion et de délibération parlementaire ont
été possibles surtout avec la présence du Sénat.
Nous pourrions dire que le peuple était doublement
représenté dans les assemblées. Le pouvoir n'était
plus incarné dans la personne d'un chef mais il était
plutôt en cours d'être institutionnalisé.
D'un coup, le parlement a été en baisse par la
suppression du Sénat. Mais, la présidence était
renforcée et consolidée. Cela constituait un déficit pour
le pouvoir législatif mais profitable, qu'on le veuille ou non, au
pouvoir exécutif parce que les possibilités de contrôle
devenaient
49 Edenter, verbe utilisé par Michel Georges
dans son livre, La constitution de 1987 : souvenir d'un constituant,
Maison Henri Deschamps, P-au-P 1991, p133, pour montrer que les constituants de
1987 ont enlevé tous les pouvoirs au Président de la
République.
35
minimes. Il a eu plus de possibilités pour faire passer
ses décisions sur l'infantilité des Députés plus
jeunes et moins habiles que les Sénateurs.
Un tel acte a favorisé la personnalisation du pouvoir
et a été contraire à la démocratie. Cette
dernière vise la participation directe ou indirecte des citoyens
à la vie publique. Elle a pour fondement les institutions politiques et
met l'accent sur les assemblées parlementaires qui constituent le
principal lieu de représentation politique. Toute diminution de leur
influence est néfaste sur la représentation politique. En ce
sens, le peuple est désormais perçu comme la source de
légitimité du pouvoir. Mais en Haïti, le Sénat a
été mis hors du jeu politique en 1957.
De Saint Thomas à Hobbes, la représentation est
la condition d'existence d'un peuple. Il est fort probable que cette notion
constitue la toile de fonds de la modernité politique50, et
sans elle, le pouvoir est faible, car elle lui donne assise et
force51. Elle est donc un processus artificiel et abstrait par
lequel chacun, en désignant un représentant, accepte d'identifier
sa volonté à celle du souverain. « Elle est l'un des
paramètres essentiels de la démocratie52».
Elle est la condition essentielle de la démocratie représentative
dont les principaux acteurs considèrent comme la seule viable dans les
sociétés à forte densité démographique car
l'exercice direct du pouvoir parait utopique.
Quand nous considérons la suppression du Sénat
par la Constitution de 1957, nous avons envie de conclure que les
possibilités pour le Président d'agir comme bon lui semble se
renforcent, (a) surtout quand des provisions légales
lui donnent une bonne assise (b).
a) Une présidence renforcée
Le parlement est l'organe de contrôle par excellence. Si
l'exécutif est une vertèbre de contrôle des actions des
autres pouvoirs, le parlement en est la colonne vertébrale. Il est le
contrôleur principal. Son contrôle est d'une plus grande importance
que celui du pouvoir exécutif. Nous dirions que le pouvoir
législatif, sauf pour le besoin de son fonctionnement, ne
décaisse pas le trésor public. Il ne dirige pas les forces
armées, ni la police. Il ne nomme, encore moins révoquer
50Grignon Philippe, Le peuple et ses
représentants. [En ligne]. In :
www.la vie des
idees.fr disponible sur :
http://www.laviedesidees.fr/Le-peuple-et-ses-representants.html
(page consultée le 17/02/2013) p2.
51HOBBES, Thomas (1651), Léviathan,
chap. XVI, coll. : "Les classiques des sciences sociales, Édition
réalisée le 3 janvier 2004, revue et corrigée le 12 juin
2012 à Chicoutimi, Québec. p123.
52 Simone Godard-Fabre, op cit. p17.
36
les employés, les fonctionnaires et les grands cadres
de l'État. Tout ceci relève de la compétence du pouvoir
exécutif, en particulier du Président de la République.
Nous lisons que le Président de la République
nomme et révoque les Secrétaires d'État, les
fonctionnaires et les employés. Il fait sceller les lois du sceau de la
République. Il a la faculté de dissoudre le corps
législatif conformément à la loi. Il a le droit de
grâce et de commutation de peine (art 90 et s. de la Constitution de
1957). Si le Président de la République a toutes ses
attributions, alors un contrôle est nécessaire pour éviter
qu'il ne dépasse pas les limites. Ce contrôle nécessite des
hommes forts, compétents et expérimentés. L'un des
meilleurs moyens est le Parlement avec un Sénat et une chambre des
Députés.
Quand nous sommes en présence d'un
bicaméralisme, le contrôle est plus ou moins strict. Si une
décision a été adoptée par une chambre sous la
pression quelconque ou sur l'emprise du coeur, l'autre chambre peut en prendre
contre-pied toutefois jugée mauvaise. Mais, quand il s'agit d'une
chambre unique surtout celle des Députés, le pouvoir
exécutif est trop confortable. Sa volonté passerait relativement
facile.
b) La Constitution de 1957, assise du Président de
la République de 1957
Nous tenons à montrer que la Constitution de 1957
constitue les moyens permettant le passage à tout acte délictuel
postérieur à elle. Loin de nier ses bienfaits. Depuis
l'indépendance, elle est la première qui ait tenté de
valoriser l'utilisation du créole dans les services publics, ce afin de
sauvegarder les intérêts matériels et moraux des citoyens
qui ne connaissent pas suffisamment la langue française (art. 35). Nous
ne devons pas oublier également que cette Constitution fait, pour la
première fois, appel au devoir civique des citoyens fonctionnaires en
leur recommandant une certaine éthique et une grande
fidélité à la République. A ne pas oublier non
plus, qu'elle accorde aux haïtiens le droit de s'assembler paisiblement et
sans armes, même pour s'occuper d'objets politiques, de s'associer et de
se grouper en partis politiques, en syndicats et en coopératives (arts.
31 et 32).
Néanmoins, le respect de ces droits nécessite
des institutions solides. La chambre unique susceptible d'instituer par la
Constitution de 1957 serait trop jeune et manquerait d'expériences. Les
possibilités de prendre contre-pied des actes du Président de la
République étaient minimes. Le bon côté du
bicaméralisme est qu'il permet à une chambre de corriger les
erreurs ou les
37
émotions d'une autre. Même si le Sénat
doit être plus expérimenté, il peut être, dès
fois, en erreur ou se tromper de bonne foi. Une fois la gaffe est
constatée, la chambre des Députes peut en faire objection et vice
versa. Mais généralement, un plus grand respect est
accordé au Sénat.
Premièrement, ses membres sont issus d'un
électorat plus large que les Députés. Autrement dit, leur
niveau de représentation politique est plus grand. Deuxièmement,
l'âge requis pour être Sénateur est plus grand que celui
pour être Député. Donc plus d'importances sont
accordées aux sénateurs.
In fine, de la Constitution de 1950 qui a eu un parlement
bicaméral et a instauré, pour la première fois, le
suffrage universel direct pour briguer un poste politique en Haïti
à la Constitution de 1957 qui a supprimé ce bicaméralisme
au profit d'un parlement à chambre unique, soit celle des
Députés, on ne peut aboutir qu'à une institutionnalisation
manquée ou ratée du pouvoir politique haïtien. Et le fait de
rater cette institutionnalisation amorcée, le pouvoir politique a
été personnalisé pendant longtemps.
38
Chapitre II
La résurgence de la personnalisation du pouvoir
politique haïtien
D'un bout à l'autre, les choses s'empirent.
Après la Constitution de 1950 qui a donné une assise au
Président de la République pour mener à bien ses projets,
le pays a connu entre temps les Constitutions de 1964, de 1971 et de 1983. Ces
constitutions, dans le mauvais sens, ont rompu très
catégoriquement avec celle de 1950 qui a posé les bases d'un
système démocratique en Haïti. En parlant de base
démocratique, l'allusion est faite à l'élection du
Président de la République aux suffrages directs (art 88) et la
double chambre.
En effet, les constitutions élaborées sous le
régime des Duvalier n'ont pas changé la nature
monocamérale du parlement, car cela leur est très profitable.
Cette situation va perdurer tellement longtemps, le pays va connaitre environ
une trentaine d'années sous l'empire des actes contraires aux
libertés individuelles. Ainsi, le régime serait-il très
loin d'être démocratique par rapport aux nouvelles dispositions
constitutionnelles.
S'il nous est permis de le dire, la Constitution était
légitimement non-démocratique et certains actes posés
étaient légalement constitutionnels. Autrement dit, les clauses
liberticides se trouvent dans les constitutions, donc légales mais
illégitimes. Tout acte posé dans le cadre de cette Constitution
était légale mais illégitime. Si nous voulons contribuer
théoriquement au positivisme juridique, nous devons faire ressortir
surtout le côté juridique de toute la question. La Constitution
fixe les limites et les barrières. Tout ce qui est autorisé par
la Constitution était donc légal, mais cette
légalité était illégitime puisque les citoyens
étaient très loin de donner leur adhésion à de
telles clauses sinon que par la force ou sous l'empire de la violence non
légitime.
Et l'esprit et la lettre de ces constitutions traduisaient
explicitement la volonté du Chef de l'État de tout
contrôler dans le pays. Et il assurait, par les constitutions de 1964, de
1971 et l'amendement de 1983, provisions légales sur la base desquelles
des actes étaient posés, que le pouvoir reste et demeure sous son
contrôle même au-delà de sa mort. La volonté
même de conserver le pouvoir pendant très longtemps l'incitait
à commander certains actes. Quand tous les obstacles sont
anéantis, il serait plus libre pour la perpétration de telle ou
telle action jugée conforme à sa volonté au
détriment de tout un peuple.
39
Le légalisme nous invite à nous attacher
davantage aux lois parce qu'elles doivent servir de boussoles aux actions
humaines. Même si toutes les lois, en général, le fait
d'être écrites par l'Homme sont attachées d'un signe
d'imperfection mais, certaines sont autoritaires ou liberticides dès la
conception. Pour faire du droit, les constitutions des Duvalier,
d'entrée de jeu, étaient illégitimes car elles ne venaient
pas de la volonté générale. Elles ont instauré un
climat terrifiant dans les sphères politiques du pays. Ce qui permettait
d'aboutir à un pouvoir politique personnalisé, conservé
entre les mains du Président de la République (Section I). Et de
jour en jour, les choses étaient empirées par de nouvelles
clauses totalitaires, dans le seul objectif de mieux consolider son travail de
personnalisation (Section II).
Section I.- Un pouvoir accaparé et
personnalisé
« Toute dictature est le fruit d'une
crise53». Il peut s'agir d'une crise économique,
telle que celle de 1929, dont la montée du fascisme et du nazisme y
était considérable. Il peut s'agir d'une crise morale ; elle a
pour fondement la sauvegarde des valeurs traditionnelles, notamment
liées à la démocratie. Finalement, il peut être
question d'une crise politique, liée au comportement des acteurs
politiques entre eux ou face à la charte fondamentale. Dans cette
dernière catégorie, les acteurs de chaque organe principal du
pouvoir cherchent à anéantir les autres politiquement pour
pouvoir atteindre leurs buts.
Sous la période des Duvalier, le pouvoir a
été accaparé et personnalisé. Dans un premier
temps, le père travaille à ce qu'il, non seulement, conserve le
pouvoir tout au long du temps qu'il est sujet à passer sur cette terre,
mais aussi il assure que le pouvoir soit toujours entre les mains d'un Duvalier
après son départ. Un Duvalier de sang comme son fils54
ou d'idéologie. Mais le second cas de figure ne pouvait tenir tête
au premier. Dans un second temps, il s'entête que tout se déroule
sous sa supervision, sous son autorisation ou sous son contrôle. Tout
doit passer par le Président. En tant que tel, Duvalier fait preuve de
ténacité à tout manigancer par la Constitution et tout ce
qui se fait ne l'est pas à son insu.
Quand la charte fondamentale d'un pays est dictatoriale dans
son esprit et dans sa lettre, toutes les actions posées dans ses limites
le sont aussi. La Constitution de 1957, dans le cadre de la période que
nous définissons pour la réalisation de notre travail, a
assuré la base de la dictature
53Leclerc Claude, Institutions politiques et Droit
Constitutionnel, 3e éd, litec droit. Paris 1989, p215.
54Il procède de la même manière que les Rois.
Dans les empires, le pouvoir est transmis de père en fils.
40
duvaliériste par l'élimination du Sénat.
L'histoire politique montre que les sénateurs sont toujours les plus
récalcitrants aux mauvaises actions du pouvoir exécutif,
voilà pourquoi ils étaient d'abord éliminés et
ensuite les actes désirés étaient devenus plus faciles
à commettre. Le cas du Sénat de 1934, à titre d'exemple,
sous la présidence de Vincent55. Il est une branche du
Parlement dont le mandat et les attributions sont définies par la
Constitution. On ne peut y porter atteinte que par un coup de
force56.
Les constitutions de Duvalier étaient des constitutions
dictatoriales par excellence. Les clauses, qui y sont insérées,
étaient contraires à toute forme de démocratie et tout
processus d'institutionnalisation du pouvoir. La majorité des articles,
se référant à la nature du régime, portaient
atteinte au principe de la distribution des pouvoirs. L'articulation ou
l'harmonie entre les articles ne faisait que renforcer les possibilités
de tout contrôler.
L'ensemble des constitutions duvaliéristes avait
empêché que le pays connaisse la notion d'alternance en politique,
puisque les possibilités d'institutionnalisation sont minimes ou du
moins inexistantes (A). Cette impossibilité se traduisait par la
faculté que le Président détenait pour agir comme les rois
dans certaines monarchies européennes. Et nous connaissons, par contre,
qu'Haïti est une République et elle n'est plus une monarchie. Mais,
le comportement du Président de la République et les moyens
constitutionnels détenus pour réaliser ce qu'il voulait nous
amène à dire qu'il était un Président-Roi de la
République (B).
A.- Un pouvoir sans possibilités d'alternance
L'alternance est le fait par plusieurs acteurs politiques ou
plusieurs partis de se substituer au pouvoir par le biais d'élections
régulières. On dit généralement qu'elle
entraîne la permutation de deux partis ou de deux coalitions au pouvoir
et dans l'opposition57. La situation est différente s'il
s'agit d'un système multipartite, bipartite ou parti unique
adapté à un régime parlementaire ou présidentiel.
Quand le système de partis est bien ancré avec le cadre
constitutionnel qui fixe les limites de chaque acteur, les pouvoirs sont donc
réellement séparés.
55Moise Claude, Constitutions et Luttes de
pouvoir en Haïti, la solution américaine 1915-1946, tome 2,
1ère édition, Editions CIDHICA, Montréal 1990,
pp280-290.
56 L'histoire politique haïtienne retient
plusieurs coups de force portés contre le Sénat pour atteindre
certains buts fixés par le pouvoir exécutif.
57 Quermonne Jean-Louis, L'alternance au
pouvoir, Col. Clefs, L.G.D.J, Paris, mai 2003, p23.
41
Le multipartisme qui, d'une manière
générale, tend à la séparation des pouvoirs, laisse
jouer librement la séparation constitutionnelle. Dans un régime
parlementaire, quand plusieurs partis sont siégés au parlement,
la notion de cohabitation tend à céder sa place à la
notion de coalition politique, mécanisme par lequel le gouvernement
cherche à dégager une majorité à son profit.
Cependant, la minorité ne cesse de nouer et de renouer
des intrigues dans les couloirs des assemblées pour dissocier et
émietter la présente alliance. Le multipartisme est plus viable
dans un régime présidentiel, car le gouvernement ne
reflète pas les différentes divisions des assemblées. Ce
n'est pas le véritable problème dans la mesure où les
partis se rappellent toujours de leurs missions, celles de représenter
et de travailler dans l'intérêt du peuple.
Dans un système bipartite, les rivalités sont
institutionnalisées et se présentent sous la forme de programmes
de gouvernement qui s'excluent mutuellement. La discussion trouve la
possibilité d'être éclose ou ne pas être tuée
à l'oeuf. Le système bipartite présente toutefois un grand
avantage, car en fait les rivalités, les discussions sont toujours
portées au grand public, selon William R. Brock58 et chaque
proposition politique est soumise au feu roulant de critiques.
En régime parlementaire, la cohésion et la
discipline du parti majoritaire renforcent la concentration. Et dans un
régime présidentiel, l'influence de l'organisation interne est
très variable suivant que le même parti réunit la
présidence et la même majorité parlementaire. Mais si les
deux partis partagent presque la même quantité de sièges au
parlement ou la présidence détient moins de sièges au
parlement, la cohabitation politique est bien présente et le principe de
la séparation est mieux assuré et le contrôle
réciproque est possiblement réalisable. Dans un système
bipartite, la marge que les partis se sont alternés est grande moyennant
deux partis dont leurs travaux sont étiquetés de constance et de
dynamique.
Sous l'ère des constitutions des Duvalier en
Haïti, l'alternance politique était à fausses
possibilités. Nous dirions qu'il s'agissait d'un système de parti
unique qui renforce bien évidemment l'autorité du pouvoir
exécutif. Et dans des cas pareils, l'assemblée pourrait est
considérée comme un «
parlement-croupion59», où l'acclamation bien
réglée remplace les débats, et le vote devient le premier
acte du processus délibératif. Quand le chef de l'État,
dans
58 Brock William R., L'évolution de la
démocratie en Amérique, tome 1, nouveaux horizons, Paris
1974, p184-186.
59 Duverger Maurice, Les partis politiques,
essais, Armand Colin, Paris 1992, p124.
42
ses manoeuvres ne laissent aucune possibilité pour
l'organisation d'élections régulières dans le pays, il
nous est difficile de parler de substitution des acteurs au pouvoir (a)
et l'alternance politique devient une simple parole
(b).
a) L'alternance politique sous Duvalier
L'alternance politique entraîne la permutation de deux
ou plusieurs partis ou de deux coalitions au pouvoir et dans l'opposition.
Opposition dans le sens de deux acteurs qui voient la direction du pays
différemment. Ils veulent tous deux prendre le pouvoir ou la reine du
pays en main au profit de la population par les moyens d'élections
régulières. Sous l'ère des Duvalier, soit sous l'empire
des constitutions de 1964, 1971 et 1983, être Président de la
République d'Haïti serait un don du ciel.
La Constitution de 1957 qui a conservé
l'élection du Président aux suffrages directs n'existait plus
à cause de celle de 1964, la nouvelle Constitution qui a enlevé
le verbe ELIRE au niveau de l'article 91. À première vue, nous
dirions qu'il n'est plus question d'élection, il suffit d'avoir quarante
ans pour être Président de la République par n'importe
moyen. Mais ce serait trop cruel pour les constituants de 1964, l'art 101 a
ajouté un bémol pour dire que le Président de la
République est élu au scrutin secret. Jusque-là, ça
peut aller même si ce procédé est sur le point d'être
éliminé à petites doses.
Tout régime qui se veut être démocratique
doit être capable d'organiser des élections dans les limites
prévues par les textes légaux. Nous ne nions pas pourtant qu'un
régime puisse être démocratique sans choisir les
représentants par la voie des urnes mais il y a un manque. Il a
été prévu que le Président de la République
d'Haïti doit être élu aux suffrages directs et après
amendement de la Constitution de 1964, il n'est plus question
d'élection. Cet amendement constitutionnel pousse le pays vers le chaos,
vers l'anarchie ou vers la dictature. Au lieu de progresser vers une
répartition ou une distribution plus parfaite du pouvoir politique, la
Constitution de 1971 revient plutôt avec les vieilles pratiques et
consolidait la personnalisation du pouvoir.
Toute constitution prévoit comment parvenir à la
magistrature suprême de l'État. Il ne revient à personne la
possibilité d'accéder au pouvoir dans une démocratie sans
jouir du consentement du peuple, ce qui lui confère une sorte de
légitimité. A l'époque, Haïti a été
loin d'être un pays
43
démocratique, mais chaque pas positif vers le respect
des valeurs ou des caractéristiques de la démocratie constitue un
plus vers la dépersonnalisation du pouvoir. Election implique que le
peuple, en tant que souverain et celui qui détient le pouvoir, participe
au choix de ceux qui vont exercer la délégation de la
souveraineté et du pouvoir. Autrement dit, le peuple doit choisir les
mandatés par la voie des urnes parce que ces derniers agissent par
délégation de compétences et de pouvoir.
A ce titre, sous Duvalier, les acteurs politiques, s'il y a en
avait plusieurs, ne pouvaient pas substituer l'un à l'autre au pouvoir
parce que les moyens de le prendre étaient inexistants.
L'élection, principal moyen de s'alterner, a été
supprimée dans la vie politique par la Constitution de 1971. Donc, le
pouvoir de Duvalier n'a pas connu ce concept, si oui, les possibilités
d'existence étaient immatérielles.
b) Une alternance immatérielle
Et dans les prescrits constitutionnels et dans la
réalité politique, -une sphère que nous ne voulons pas
trop toucher dans le cadre de ce travail qui vise à contribuer
théoriquement au positivisme juridique-, le concept d'alternance,
critère d'empêchement de la personnalisation du pouvoir, n'a
été existé sous Duvalier. Sous sa période, le pays
a connu la Constitution de 1957, non instituée par lui mais en jouit
beaucoup. Il a connu aussi celles de 1964 révisée par celles de
1971 et de 1983. Ces dernières-là sont ses principales oeuvres
pour asseoir ses projets politiques dictatoriaux. Le pire, les Duvalier ont
passé trente ans environ au pouvoir, soit 1957-1986.
Non seulement la Constitution de 1964 a commencé le
processus d'élimination de l'élection au suffrage pour être
abouti par la constitution de 1971, mais aussi le chef de l'État, dans
l'objectif de conserver le pouvoir, n'a jamais manifesté la
volonté d'organiser des élections dans le pays, sinon que des
referendums60 truqués à son profit. L'ensemble des
constitutions élaborées par papa doc et baby doc
sont porteuses d'effets dictatoriaux. Elles étaient des outils de
construction de l'édifice dictatorial contraire à l'instauration
d'un climat démocratique en Haïti.
60 Le 14 juin 1971, eut lieu le referendum de la
constitution de 1971. Le « oui » était la seule réponse
inscrite sur les bulletins de vote.
Diederich Bernard, le prix du sang, la résistance
du peuple haïtien à la tyrannie, tome 1 ; François
Duvalier (19571971), traduction de l'anglais par Jean-Claude Bajeux, Ed Henri
Deschamps, P-au-P, oct. 2005, p230.
44
Quoique la notion d'alternance n'ait jamais été
dans la tête du Président et a été, certes, peu
répandue dans le monde à l'époque mais les prescrits et
pratiques constitutionnels n'ont jamais laissé de possibilités
aux autres acteurs politiques de briguer la fonction suprême de
l'État haïtien. Si des élections étaient
organisées dans le pays et quelqu'un d'autre succédait à
Duvalier père dans les limites prévues par la Constitution, nous
dirions que l'alternance politique a vécu dans le pays même pour
une seconde.
Somme toute, le Président François Duvalier n'a
jamais manifesté la volonté de laisser le pouvoir politique, voir
à organiser des élections. D'ailleurs, il a changé,
à sa guise, les constitutions, bases légales pour
l'accomplissement de ses actes. Certaines clauses instaurées dans ses
constitutions nous amènent à dire qu'il était un
Président-Roi de la République.
B.- Un Président-Roi de la République
Parler de président à l'ère contemporaine
implique que l'on vit dans une République. Une république,
étymologiquement, se définit comme la chose du peuple ou le
pouvoir du peuple. Quand le peuple est le maitre du pouvoir politique, il lui
revient aussi le droit de choisir ses représentants parce qu'il ne peut
l'exercer directement de par sa forte densité. Autrement dit, quand on
parle de Président, on fait allusion à une république qui
implique élection, l'un des moyens de faire participer les citoyens dans
la direction du pays.
Et généralement, quand on parle de roi ou reine,
il est question de monarchie. Ils sont nombreux les hommes et les femmes qui
ont porté ce titre dans le monde, même en occident qui se
réjouisse d'avoir théorisé adéquatement la
démocratie à tous les peuples du monde. Dans la majorité
des cas, en attendant le chambardement par certaines révolutions et
l'encadrement juridique de la sphère politique, la passation du pouvoir
héréditaire entre les rois ou les reines se fait en
famille61. A ce stade, beaucoup de pays dans le monde ont connu une
monarchie avant de devenir république62. Mais nous doutons
fort que ces pays passent de république en monarchie.
Il est paradoxal, pour nous et pour les autres
éventuellement, qu'un homme puisse être un président-roi.
On peut être Président en République et roi en monarchie.
Ce sont deux régimes
61 La famille Bourbon en Espagne, la famille
Bernadotte en suède, etc...
62 L'Allemagne, de 1871 à 1919, avec
l'Empire allemand ; le Brésil, de 1822 à 1889, avec l'Empire du
Brésil ; l'Italie de 1861 à 1928 puis de 1943 à 1946 en
tant que Royaume d'Italie ; la France, avec le Royaume de France, de 1791
à 1792 puis de 1814 à 1848 (Restauration française et
Monarchie de Juillet) ;
45
politiques différents. Par contre, Haïti, pays
tout à fait spécial, peut-être, a concilié
président et roi pour en faire un autre, président-roi. Nous
dirions que c'est compréhensible si les éléments qui font
de quelqu'un un président existe et ceux qui font d'un autre un roi sont
présents, un simple mélange des compétences les plus
fondamentales suffit pour être un président-roi.
Haïti est, dans ce cas, une république monarchique
ou une monarchie républicaine, mais il n'est pas question de cette
dénomination. Liberté, Egalité, Fraternité et
République d'Haïti sont les mentions qui sont toujours
figurées au frontispice de toutes les constitutions d'Haïti. Et
l'article premier est toujours consacré à : Haïti est
une république indivisible, souveraine, indépendante,
démocratique et sociale. Il est tout à fait
incompréhensible qu'il existe, légalement et
constitutionnellement, tant de contradictions dans les sphères du
pouvoir politique haïtien. Nous ne sommes pas au niveau de
l'inadéquation existante entre les actions politiques et les prescrits
constitutionnels, ce qui relèverait de la science politique, mais nous
sommes dans l'interprétation des règles juridiques
constitutionnelles.
Personne ne peut douter que les Duvalier ont
développé un rapport très étroit avec
l'hérédité (a) et la mort (b),
au niveau des constitutions élaborées à leur
profit.
a) Le fameux droit de désignation de son
successeur
Les rois et les reines ont eu toujours le pouvoir ou le
privilège de choisir leur successeur et généralement le
choix se portait sur leur fils ainé, selon la tradition. Ces cas de
figure font référence aux régimes monarchiques et
héréditaires où la possibilité d'accession au
pouvoir n'existait pratiquement pas sans être membre de la famille
royale. Même si l'inverse n'est pas forcement vraie, on peut être
membre de la famille royale sans devenir jamais roi ou reine. Avec les grandes
révolutions qui ont chambardé un ensemble de systèmes dans
le monde, ce temps-là est révolu mais en Haïti, nous lisons
que :
Le citoyen Dr François Duvalier, chef suprême
de la nation haïtienne ayant provoqué pour la première fois,
depuis mil huit cent quatre (1804) une prise de conscience nationale à
travers un changement radical au point de vue politique, économique,
social, culturel et
46
religieux en Haïti, élu Président
à vie le 14juin 1964, afin d'assurer les conquêtes et la
performance de la République duvaliériste, sous l'étendard
de l'unité nationale63.
Aux termes de l'interprétation de cet article, il est
le seul, depuis 1804, qui a fait ce qu'il a pu faire, en matière de
prise de conscience nationale, pour la première fois. Il est le seul qui
a pu provoquer un changement radical dans le pays sur tous les plans. Et tout
cela lui a valu le titre de Président à vie de la
République. Il aurait pu se faire appeler roi de la République.
Pratiquement, ce sont les rois qui jouissent de la mention à vie sans
même pourtant inscrit quelque part puisque le pouvoir n'était pas
codifié dans une charte fondamentale.
Etre président à vie d'une république,
à notre avis accorde le titre de Président-roi. Lequel statut qui
marche avec le droit de vie et de mort sur tous les individus vivant dans le
pays. Pratiquement, quand on est responsable devant personne, il est facile de
faire ce qu'on veut car aucune barrière n'existe. Tout président
à vie ne va pas avoir de craintes pour personne et n'a non plus de
comptes à rendre. Il est maitre et seigneur. Il peut faire ce qui lui
semble bon à sa propre satisfaction au détriment de tout autre.
S'il est responsable, ce n'est que devant lui-même ou devant Dieu s'il
croit que son pouvoir est divin ou encore devant la mort.
b) La mort et le Président de la
République
Seule la mort peut juger quelqu'un qui jouit d'une
présidence à vie. Il n'est responsable, nous dirions, que devant
la mort. Aucun parlementaire ne peut se permettre le droit de questionner le
Président, ce dernier n'est pas responsable devant eux. Nul ne peut se
permettre de mener une campagne contre le Président-roi, il n'a plus
à participer dans une course électorale pour être
réélu. Présidence à vie a pour corollaire la mort
comme interpellateur ou juge. Nul ne peut se prévaloir le droit que le
Chef à vie a mal agi. Tout ce qu'il a fait est bien. D'ailleurs, son
successeur est celui qui partage la même vision que lui.
Le Président à vie de la République
Dr François Duvalier a le droit de désigner comme successeur,
tout citoyen remplissant les conditions prévues à l'article 91 de
la Constitution. (Art 100 de la même constitution).
63 Art 99 de la constitution de 1971).
LE MONITEUR, Journal Officiel de la République
d'Haïti, Constitution de la République d'Haïti 1964
amendée-Reproductions pour erreurs matérielles, P-au-P,
jeudi 25 fév. 1971, 126ème année, No 16.
47
Il n'est pas du tout permis à n'importe qui de briguer
la plus haute magistrature de l'État haïtien ou de succéder
au Dr François Duvalier sans être un adepte, un partisan ou le
fils de ce dernier. Il est le seul qui peut choisir quelqu'un pour le remplacer
en cas d'empêchement éventuel ou après sa mort. Personne,
après lui qui a pu opérer un changement radical sur les plans
économique, social, politique et religieux, ne peut faire valoir la
prétention de mieux diriger le pays, selon la Constitution de 1971.
François Duvalier a été un vrai amoureux
du pouvoir. Il a fait de son mieux, constitutionnellement et pratiquement, pour
garder ou conserver sous son contrôle le pouvoir. Il doit rester toujours
sous sa domination même après sa mort. Celui qu'il a choisi, fut
celui qui se montre le plus digne et le plus apte à sa doctrine ou
à sa politique de gouvernance. Dès le départ, il avait
déjà en tête celui qu'il faut choisir. D'ailleurs, il a
aménagé, à cet effet, des provisions légales et
constitutionnelles pour lui permettre de bien asseoir son projet politique,
rien d'autre que la consolidation et la personnalisation du pouvoir.
Section II.- De la consolidation de la
personnalisation
Dans la section précédente, nous avons
montré les manoeuvres légales effectuées par le
Président pour s'accaparer complètement du pouvoir politique pour
toujours. Ayant eu toutes les provisions constitutionnelles à sa
disposition, rien à craindre. Il assure aussi qu'il n'ait jamais eu
d'élections pendant son règne afin qu'il reste et demeure le seul
Président tout au cours de la durée de sa vie. Pendant sa
présidence, vient la mort ou un empêchement grave, unique solution
de laisser le pouvoir.
La personnalisation du pouvoir par le Président
Duvalier arrive à un point tel où son nom est inscrit en grandes
lettres dans les articles de la Constitution de 1971. Le Dr François
Duvalier est le président à vie. Cela montre aussi qu'il s'agit
d'une constitution personnelle, sinon son nom n'y figurerait pas de la sorte.
Il existe des pouvoirs à vie dans le monde où le roi ou la reine
demeure en fonction jusqu'à sa mort, avec la possibilité de
choisir son successeur sans que leur nom figure dans la
Constitution64. Mais le cas de Duvalier est spécial, son nom
a été écrit
64 Le cas de Robert Mugabe, constitutions de Zimbabwe
de 2013 et de 1980.
http://www.parlzim.gov.zw/attachments/article/56/constitution.pdf
et
http://aceproject.org/ero- en/regions/africa/ZW/Constitution%20of%20Zimbabwe%201980.pdf/at
download/file
48
normalement dans les dispositions de la Constitution de 1971.
Il entend, de ce fait, personnaliser d'abord la constitution et ensuite le
pouvoir politique pendant longtemps.
Sa volonté d'individualiser le pouvoir le tient
à un point tel qu'il s'immisce dans tous les domaines de la vie
nationale. Tout étant, désormais, activité d'État
et toute activité étant soumise à l'idéologie, une
faute commise dans une activité économique et professionnelle est
simultanément une faute idéologique. La fameuse phrase de
Mussolini en fait le résumé : « Rien en dehors de
l'État, rien contre l'État, tout dans
l'État65». D'ailleurs, il n'existe pas trop de
grandes différences entre ces deux régimes, totalitarisme et
dictature, si ce ne sont mère et fille.
Les projets politiques de Duvalier-père l'invitent
à choisir un Duvalier. Comme nous l'avons dit plus haut, ce Duvalier
peut l'être idéologiquement ou biologiquement mais la seconde a
remporté la victoire. Il diminue considérablement l'âge
requis pour être Président de la République. Dès les
premiers moments de la vie politique haïtienne, l'âge retenu pour
être Président était 35 ans66, augmenté
de 5 ans, soit 40 ans à partir de la Constitution de 1874. Et il a fait
de même pour le législatif, l'âge a été
complètement diminué. Le pouvoir est donc infantilisé et
personnalisé (A), même s'il a voulu créer un
bicéphalisme au niveau de l'Exécutif (B)
A. - Un pouvoir infantilisé
Le pouvoir est pris ici dans le sens de quelqu'un qui
détient la direction des organes de l'État. Diriger l'Etat n'est
pas une chose ordinaire parce que cette personne morale de Droit Public est non
seulement composée d'une population mais aussi d'un territoire, lesquels
doivent être soumis à un pouvoir politique souverain et effectif.
Ce qui fait d'elle l'autorité la plus compétente et
légitime pour poser toutes les actions jugées conformes à
sa volonté, mais au profit de tous. Toute personne voulant se trouver
à la tête de cette entité la mieux organisée doit
avoir de la capacité nécessaire, de la maturité et des
compétences adéquates.
Par contre, dans les dictatures totalitaires ou autoritaires
ou dans les empires, il n'est pas forcement vrai. La capacité
nécessaire peut faire défaut. La maturité peut ne pas
être du tout présent et encore moins les compétences. Ces
critères ne sont pas définis pour devenir roi, reine
65Leclerc Claude, op. cit, p54.
66 Nous n'oublions pas le cas de Faustin Soulouque
qui est proclamé Empereur sous le nom de Faustin 1er. La
constitution de l'empire, révision de la Constitution de 1849.
49
ou empereur. Il est plutôt une question
d'hérédité67. Le roi est obligé de
choisir l'ainé de sa famille. S'il arrive à un point qu'il ne
peut plus gouverner ou s'il est plus proche de la mort que de la vie et s'il
doit choisir son successeur, alors son dévolu sera jeté sur son
fils, héritier de la famille royale.
Comme nous avons dit plus haut, si Duvalier est responsable,
il ne l'est que devant Dieu ou devant la mort. Et voilà, les recherches
nous permettent de découvrir dans le livre de Gérard Pierre
Charles68, lequel nous a permis de prendre connaissance que Duvalier
a répété ceci dans un discours prononcé le 3 aout
1958 : « Aucune force au monde ne peut m'empêcher de jouer mon
rôle historique, puisque je fus élu par Dieu et par le
destin». Sa volonté de jouer son rôle historique se
traduit par le fait qu'il soit président jusqu'à sa mort avec
corollaire, choisir son successeur, et à ce qu'il contrôle le
pouvoir au-delà de sa vie. Il assure en tout état de cause que
toutes les sphères du pouvoir politique haïtien soient
placées sous son contrôle.
En effet, prenant connaissance de sa maladie et se trouvant
dans l'obligation de procéder à l'organisation de sa succession,
il a vite imposé un amendement à la Constitution de 1964.
Laquelle constitution qui a tout chambardé en matière d'âge
pour accéder aux postes électifs. Ainsi, la gouverne du pays est
sujet à se trouver entre les mains des enfants (a) et
le pouvoir de faire des lois n'en est pas exempt (b).
a) De la gouverne du pays
Pour être Président de la République
d'Haïti il faut :
1) Etre Haïtien d'origine et n'avoir jamais
renoncé à sa nationalité , ·
2) Etre âgé au moins de dix-huit ans accomplis
, ·
De ce fait, Jean Claude Duvalier remplace son père le
22 avril 1971. Hérité du pouvoir dictatorial de son père,
il n'a pas pu rompre avec les anciennes pratiques. Certes, il est Duvalier de
sang, mais il y a encore plus de Duvalier idéologique que de Duvalier de
sang. Papa-Doc a bien pris en main sa succession au pouvoir. Il a campé
une machine pouvant assurer le contrôle du pouvoir
67 Il arrive des cas que le tuteur dirige à
la place du Mineur pour un certain temps jusqu'à la majorité
mais, politiquement qui sera toujours un mineur.
68Pierre Charles Gérard, Radiographie d'une
dictature, éditions NOUVELLE OPTIQUE, Montréal, 1973,
p86.
50
même après sa mort. On ne peut se permettre d'un
coup de couper court avec l'idéologie duvaliériste.
A la tête du pays, se trouvait en effet, un enfant de 19
ans qui a pris les décisions concernant la nation. Une nation
déjà fragilisée par les séquelles de l'occupation
américaine, marginalisée par une bonne partie du monde. Elle a
connu le dictateur le plus détesté des pays de l'Amérique.
Le journal el caribe de Santo Domingo dans un éditorial
déclara que la présidence à vie de Duvalier était
une honte pour les peuples démocrates d'Amérique, plus encore que
pour le peuple haïtien, forcé d'accepter par la terreur et le crime
organisé « le despote le plus haï des temps
modernes69 ».
Désigné par le souverain, Duvalier fils est
devenu aussi Président à vie de la République d'Haïti
selon le voeu de l'art 10 de la Constitution de 1971. Il est obligé de
diriger le pays sous l'empire de l'art 99 lequel qui a consacré Dr
François Duvalier chef suprême de la nation haïtienne pour
tous ses accomplissements personnels que le pays n'ait jamais connus. Le
contenu de cet article lui octroie toutes les bases légales
nécessaires pour accomplir ses missions de conserver et de
contrôler pendant longtemps le pouvoir politique. Il contrôle non
seulement le pouvoir exécutif dont il est le seul chef, mais aussi le
pouvoir législatif qui devait servir en quelque sorte contrepoids au
pouvoir exécutif.
b) De la législation du pays
La loi exprime la volonté générale disait
l'autre. Cette volonté générale s'exprime à travers
les représentants, estimés capables et choisis par le peuple.
Quand le peuple estime que quelqu'un est apte à exercer le pouvoir
politique, il le fait en fonction de ses critères établis,
surtout ceux dont leurs aspirations lui sont les plus proches. Le pouvoir est
attribué à des grands, à des personnes jugées
mûres, qui peuvent soutenir leurs revendications jusqu'aux
réponses attendues. Non seulement les revendications doivent être
apportées à un niveau tel qu'elles doivent être prises en
compte, mais aussi le législateur est placé pour édicter
des lois pour toute une génération présente et future.
Pour être membre du corps législatif il faut
:
69Diederich Bernard, op. cit. p230.
1)
51
Etre Haïtien
2) et n'avoir jamais renoncé à sa
nationalité
3) Etre âgé au moins de dix-huit ans
accomplis.
Il s'agit de la lecture faite aux articles 51 de la Constitution
de 1971 et 68 de celle de 1983.
La Constitution de 1971 a fixé l'âge d'accession
à la présidence et au parlement à 18 ans, dans l'unique
but de permettre au Président à vie, le Dr François
Duvalier, de se faire succéder par son fils. Comme il serait
inélégant de le fixer à 18 ans pour la présidence
et non pour le législatif, il l'a fait aussi pour la chambre unique.
Toujours est-il, il a été question de passer le pouvoir à
son fils déjà initié au palais national dans le luxe du
pouvoir. Mais, il est vraiment grave dans une société que le
pouvoir de faire des lois, pour la vie ou la mort des citoyens, soit sujet
à être laissé uniquement entre les mains des jeunes d'au
moins dix-huit ans.
Quand dans une société les lois ne sortent pas
d'une délibération intelligemment débattue entre les
différents membres du corps pour en retirer les faiblesses et pour
saisir les éventuelles conséquences négatives que le vote
d'une telle loi puisse avoir sur l'ensemble de la société, les
citoyens se trouvent dans une sorte d'insécurité juridique qui
peut leur coûter la vie. Ceci n'a pas empêché, par contre,
à Duvalier-père, par la constitution de 1971, de donner la
possibilité à tous les enfants de dix-huit, plus
précisément le sien, d'accéder au pouvoir politique.
En aucun cas, personne ne peut justifier en quoi est-il bon de
laisser entre les mains d'un enfant le pouvoir de diriger une
société. Mentalement et intellectuellement, il est incapable car,
il n'a pas atteint encore le niveau de bagages intellectuelles et
sociétales pour gouverner un pays tant sur le plan national
qu'international. Cet enfant-là porterait uniquement le titre de
Président sans pouvoir rien faire en contrepartie, si ce n'est sous le
dictat de ses parents et des proches-parents. Imaginons ce Chef de
l'État un jour parmi un ensemble d'autres chefs d'Etats dans le monde
où il doit se prononcer sur telle situation ou doit répondre
à une kyrielle de questions controversées.
En tout cas, Duvalier-père a bien mené le jeu
pour hisser son fils de dix-neuf ans à la tête de la magistrature
suprême de l'État haïtien. Le fils ne pouvait, sans nul
doute, rompre avec les pratiques de son père. Il a suivi la
lignée tracée par lui quoiqu'il ait pu montrer une certaine
volonté de rompre mais, qui n'était, peut-être, qu'un
feinte.
52
B.- Création d'un Gouvernement : une feinte
institutionnelle
Duvalier-fils est maintenant sur le pouvoir que son
père lui a laissé en héritage. Lequel héritage
construit sur les changements des constitutions haïtiennes pour en faire
les leurs. Laquelle action manigancée par les principaux alliés
du régime parce que cela fut possible sous l'empire de la violence.
Duvalier-fils, enfant soit-il, se trouve à la tête de la nation
qui a marqué le monde par son histoire, elle est la première
nation noire libre. Par contre, quelle que soit sa splendeur historique,
Duvalier l'a laissée entre les mains de son fis pour la diriger
jusqu'à sa mort.
Baby Doc, pendant sa longue période d'enfance au
pouvoir, s'est trouvé dans l'impossibilité de poser une action,
si oui, ce n'est que celles qui lui ont été soumises par les
proches du pouvoir. Très jeune, il ne pouvait se contenter de lire ou de
répéter que ce que lui ont donné ses principaux
partenaires. Nous n'avons pas, à ce stade, à critiquer
directement l'enfant de 19 ans qui est Président de la
République, mais encore les conséquences des manigances de son
père qui lui a passé le pouvoir.
Nous aurions dit qu'il s'agit d'une violation des droits de
l'enfant, si c'était prévu par la loi. Exposer un enfant de 19
ans à la tête d'un pays, troublé par les turbulences de
toutes sortes, comme Président de la République devrait
être un crime. L'enfant n'a ni assez de maturité physique, ni
intellectuelle pour diriger le pays. Les expériences comptent et
l'âge amène la raison. A un certain âge, il y a des
pressions auxquelles qu'on ne devait pas s'exposer70 ou exposer son
fils.
Il a passé près de 12 ans sous la Constitution
de 1971, laquelle qui a été déjà frappé de
caducité puisque le Président à vie de la
République dont son nom y figurait a été François
Duvalier et non Jean Claude. Il fallait substituer le nom du fils au celui du
père, puisqu'il est mort, ce qui nécessite un amendement
constitutionnel. Mais il a attendu 12 ans, pour imposer une nouvelle
constitution rédigée en moins de deux mois par les parlementaires
en aout 1983.
Cette constitution gardera toujours la majorité
politique à dix-huit, ce qui est évident et Jean Claude Duvalier
eut dès lors 31 ans. Cette nouvelle constitution est votée pour
établir une
70 Par exemple, la loi ne prévoit pas un
âge pour être Ministre en Haïti, mais quelqu'un, qui, est
âgé de 23 ans et est appelé pour être Ministre,
dépendamment de la situation, devrait refuser ce poste car, il n'est pas
bon non seulement pour ses capacités physique, mentale et
intellectuelle, encore moins sa carrière professionnelle. Ne faut pas se
complaire d'être Ministre à 23 ans.
53
nouvelle République, ou dans l'objectif de
démocratiser le pouvoir ou encore dans la vision de poser moins d'actes
de barbarie que son père. Aussi l'amendement de juin 1985 à la
constitution de 1983 laisserait comprendre qu'il pense à ne plus
être seul à la tête du pays.
Le point intéressant de cet amendement est
l'instauration d'un bicéphalisme au pouvoir politique. Un
bicéphalisme qui est, peut-être dans les faits, inopérant
(a) et d'un coup, c'est la fin des constitutions arbitraires
(b).
a) Un bicéphalisme inopérant
Le bicéphalisme au contraire du monocéphalisme,
est un mode d'organisation du pouvoir exécutif dans lequel les
compétences attribuées à l'organe exécutif sont
exercées par le chef de l'État et le gouvernement.
L'exécutif a en effet deux têtes, ce qui fait qu'il
puisse prendre deux directions qui devaient normalement amener aux mêmes
buts ou objectifs. Autrement dit, les avis du chef de l'État sont sujets
au partage avec le chef du Gouvernement qui puisse faire valoir son point de
vue. D'ailleurs, le responsable politique est le chef du gouvernement.
Le pouvoir exécutif est exercé par un
citoyen qui porte le titre de Président de la République. Le
Président de la République est Chef du Pouvoir Exécutif et
chef de l'État.
Le pouvoir Exécutif est constitué par deux
organes : le Président de la République et le
Gouvernement.
Ainsi lisons-nous dans l'article 101 de la Constitution 1983
révisée partiellement le 6 juin 1985. Toujours est-il le pouvoir
est infantilisé en matière d'âge. Le Président de la
République, Jean Claude Duvalier peut décider de nommer un ancien
camarade de classe à la tête du Gouvernement parce qu'il fallait
avoir au moins dix-huit ans pour être Premier Ministre. Une simple
question de volonté s'avérait suffisante. D'ailleurs, le Premier
Ministre est nommé par le Président et est responsable devant lui
et devant la chambre des députés.
La professeure Mirlande Manigat nous dit qu'en vain fut
amendée la Constitution de 1983 dont la seule marque distinctive est la
création du poste de Premier Ministre, alternative à la
renonciation à la présidence à vie réclamée
par des milliers internationaux71 qui croyaient encore
71Manigat, Mirlande, Entre les normes et les
réalités. Le parlement haïtien (1806-2007),
université quisqueya, Presses de l'imprimeur II, P-au-P, Haïti,
p483
54
possible d'amender le régime, le bonifier en quelque
sorte pour le rendre plus acceptable. Mais, le président Jean Claude
Duvalier n'a jamais désigné un Premier Ministre et ce
bicéphalisme ne fut jamais opérationnel, donc inopérant.
De ce fait, Duvalier fils a raté la chance d'apporter le bémol
dans la dictature amorcée par son père et c'est la fin de cette
grande période.
b) Fin du temps des constitutions
dictatoriales
Sous l'ère des Duvalier, le pays connut les
Constitutions de 1957, celle qui constitue la chaise d'aisance, par la
suppression du Sénat, sur laquelle s'assoit François Duvalier
pour camper ses projets de personnalisation du pouvoir politique haïtien.
Et il a, entre-temps, fait adopté la Constitution de 1964 pour lui
octroyer le titre de Président à vie de la République,
pour avoir été le premier qui a pu changer le pays sur les plans
social, politique, économique et religieux. Et ensuite, la Constitution
de 1971 imposée pour permettre à son fils Jean Claude de jouir le
fameux héritage dont il lui a légué, soit le pouvoir
politique du peuple haïtien. La majorité civile et politique
était donc fixée à dix-huit, ce qui permettait à
Duvalier-fils d'être Président à vie d'Haïti en
1971.
Passé près de 12 ans à la tête du
pays comme un bambin, puisqu'il ne pouvait pas diriger vraiment à 19
ans, si oui, ce n'est que par les proches-parents. Duvalier fils a fait voter
la Constitution de 1983, révisée en 1985 pour instituer le poste
de Premier Ministre à la tête du Gouvernement. Mais au final,
l'histoire a montré qu'il n'a jamais nommé un Premier Ministre
jusqu'à la destitution du régime le 7 février 1986. Et le
pays a connu, en termes de rupture, la Constitution de 1987, objet fondamental
de la seconde partie du travail.
55
Seconde partie
La Constitution de 1987 : un acte de rupture
et de divorce
56
Pays à faibles structures
socio-économico-politiques, Haïti n'a pas pu échapper aux
dominations économiques, aux influences sociales et politiques de
l'Angleterre, de la France, des États-Unis, etc... Dans tous ces aspects
de la question, la dimension politique jouit d'un sérieux regard dans le
cadre de notre travail. Le régime parlementaire et le régime
présidentiel qui sont deux régimes-types issus du système
de suffrage, ont marqué toute l'histoire politique de l'humanité
avec le fameux principe de la séparation ou de la distribution des
pouvoirs pour éviter tout abus flagrant.
Baignée pendant plus de vingt-neuf ans dans
l'océan dictatorial des Duvalier, soit de 1957 à 1986, Haïti
s'est trouvée dans l'obligation de tout restructurer. Pris par la
conjoncture de l'époque, influencés simultanément par la
communauté internationale, notamment la France et les États-Unis,
les constituants de 1987 ont doté, à leur façon, le pays
d'une Constitution dont les interprétations prêtent à
l'équivoque dans la compréhension de la nature du
régime.
Ce travail, qui vise aussi à rechercher la nature du
régime politique, va, de toute façon, tenir compte de la loi
portant amendement de la Constitution de 1987, publiée le Mardi 19 juin
201272. Un amendement qui a soulevé beaucoup de débats
sur l'échiquier politique haïtien, mais, ces deniers nous
intéressent peu parce que nous nous attachons davantage aux prescrits de
la loi au lieu d'analyser les faits politiques parce qu'encore une fois nous
voulons contribuer théoriquement au positivisme juridique. Cette partie
du travail s'intéresse, particulièrement, à la
Constitution de 1987, et se divise en deux chapitres.
Dans le premier chapitre, nous allons chercher l'essentiel du
régime politique haïtien et c'est pourquoi il est titré
"De l'essence du régime politique haïtien". La
Constitution de 1987, élaborée dans les climats cités plus
hauts, a probablement des conséquences négatives sur la
société et nous allons nous intéresser, de ce fait,
à la réalité actuelle du régime politique
haïtien. Voilà pourquoi le second chapitre est titré
"Le régime politique haïtien : sa réalité et
son devenir".
72LE MONITEUR, Arrêté du 19 juin 2012
publiant la loi constitutionnelle portant amendement de la Constitution de
1987(Reproductions pour erreurs matérielles) correspondances y
attachées, numéro extraordinaire, Mardi 19 Juin 2012,
167eme année, No 96.
57
Chapitre I
De l'essence du régime politique
haïtien
Dans le second chapitre de la première partie du
travail, nous avons étudié les constitutions de 1950, 1957 et
celles des Duvalier. Sans tenir compte des diverses conjonctures de crise entre
1846 à 1957, le pays a connu une période de dictature qui
comporte deux phases. La première s'étend de 1957 à 1971
avec le père Duvalier (papa Doc) et la seconde de 1971 à 1986
avec Duvalier Fils (baby Doc). Arrivé au pouvoir en 1957 au moyen
d'élections, Duvalier chercha et parvint à neutraliser certaines
institutions et à domestiquer ou anéantir d'autres. Tout le monde
savait qu'il s'agit d'une « dictature souveraine73
».
Le pouvoir dictatorial n'est en aucun cas autorisé par
la Constitution, ni limité constitutionnellement. Il n'est pas
constitué, mais il s'impose de fait. Cette période dictatoriale
est l'affaire du Président ou d'une manière
générale de l'Exécutif et les principaux bourreaux du
pouvoir. Le 7 février 1986, ce régime s'est effondré sous
le poids de la conjonction de divers facteurs internes et externes. D'une part,
les grands soulèvements populaires qui ont ruiné l'architecture
du pays, et d'autre part, les pressions de la communauté internationale
n'ont laissé le choix qu'à la chute du régime en place.
L'Assemblée constituante originaire a voulu, de ce
fait, camper un nouveau régime sur les décombres du
précédent. La Constitution de 1987 est donc l'oeuvre de
l'émotion, de décisions hâtives sans grandes concertations,
malgré les trois mois de travail. Certains éléments du
régime parlementaire sont combinés avec ceux du
présidentiel, sans pourtant prendre l'essentiel des deux, pour nous
donner un régime particulier. Voilà pourquoi les articles
relatifs au régime seront analysés ci-dessous sans oublier la loi
sur l'amendement dont l'importance est très considérable dans le
cadre de ce travail.
Ce chapitre s'intéresse d'une manière
particulière à trouver la vraie nature du régime politique
haïtien et il se divise, en effet, en deux sections. La première
est titrée "Pour une catégorisation du régime
politique haïtien" et la seconde "Motifs pour une
qualification du régime".
73 Etienne, Sauveur Pierre, Haïti,
misère de la démocratie ; Cresfed, l'harmathan, Paris 1999,
p56
58
Section I.- Pour une catégorisation du
régime politique haïtien
« Particulier » est un adjectif
convenable pour qualifier le régime politique d'Haïti. Il est, dans
l'esprit des constituants de 1987 et de plus d'un aujourd'hui, en
adéquation avec l'attente des forces politiques et de la population de
l'époque. Le climat, dans lequel ont travaillé les constituants,
a entrainé un rejet du passé, et a conforté la
volonté de remplacer l'ancien régime. Cette motivation les a
poussés à verrouiller le pouvoir Exécutif pour
l'empêcher de faire ce qui lui plait. C'est comme lui mettre dans un
labyrinthe. L'explication de la rigidité de la procédure
d'amendement de la Constitution 1987 en découlerait, par exemple.
De surcroit, les travaux post-constitution nous permettent de
constater ce que les constituants ont voulu faire. Georges Michel74
a révélé les paroles de certains collègues,
notamment Dr Louis Roy : « Nous avons enlevé les dents au
Président de la République de sorte qu'il ne puisse plus mordre.
Tôtu pa gen dan, m pa konn kijan l ap fè mòde ».
Et il poursuit en s'adressant à Rick Garnier : « Nous avons
ficelé le Président de la République comme un saucisson.
Je crois que nous l'avons mis hors d'état de nuire ». Et il
répond : « Tais-toi ! Tu as raison, mais il ne faut pas le
crier si fort avant le referendum ».
Par contre, ce qui est prescrit dans les normes n'est pas
forcément d'une application adéquate dans les faits. En effet,
nous allons étudier d'un côté le parlement et ses
compétences (A) et de l'autre côté, l'Exécutif qui
est composé d'un Président de la République, comme chef de
l'État et le Premier Ministre, chef de gouvernement
(B).
A.- Le parlement et ses compétences
La Constitution haïtienne, fruit du processus
démocratique, a attribué en 1987 des fonctions et des
prérogatives au parlement bicaméral haïtien. On ne peut
douter qu'elle semble le plus innover dans le domaine de l'équilibre des
pouvoirs, mais c'est aussi celui dans lequel son application suscite beaucoup
plus de controverses75 parce que la réalité
témoigne toujours le niveau de respect cultivé à
l'égard de la loi.
Généralement, le fonctionnement du parlement ne
témoigne pas systématiquement la soumission aux prescrits
constitutionnels. Le mode de contrôle, qui devait jouer un rôle
fondamental dans le
74 Michel Georges, op. cit. p133.
75Manigat Mirlande, Plaidoyer pour une nouvelle
constitution, éd, Zemès, Canada 2010, p94.
59
processus du respect de la séparation des pouvoirs et
de l'établissement effectif de la démocratie en Haïti, n'est
pas d'application stricte. Quoiqu'il soit formellement prévu dans la
Constitution, mais les conjonctures politiques sont très
déterminantes sur l'exercice de ce privilège démocratique,
accordé au parlement.
Il est, à ce titre, important d'étudier la
fonction législative exercée par le bicaméralisme
haïtien, une institution unitaire (a) et son comportement face à
l'exercice de ses compétences (b).
a) L'unité du bicaméralisme
haïtien
L'amendement constitutionnel n'a pas apporté de grandes
modifications à la définition matérielle du pouvoir
législatif. Il est encore exercé par deux chambres
représentatives. Une chambre des députés et un
sénat forment le corps législatif ou le parlement (art 88 de la
Constitution de 1987). Le parlement haïtien, à notre sens, serait
l'organe souverain créé par la charte fondamentale, en vue de
faire des lois sur toutes les questions d'intérêt
général et il est aussi l'organe de contrepoids du pouvoir
Exécutif.
L'inscription du parlement haïtien dans la perspective du
bicaméralisme est, à nos yeux, normale car il vise un plus grand
équilibre des pouvoirs, mais cela ne fait pas de lui un parlement au
sens moderne du terme s'il n'a pas rempli avec brio et efficacité les
fonctions pour lesquelles il a été créé. «
Le pouvoir législatif fait des lois sur tous les objets
d'intérêt public », (art 111). Par cette prescription
constitutionnelle, « aucun domaine n'échappe actuellement
à l'intervention du législateur76 ».
Il est, au sein de l'État, l'institution principale la
plus proche de tous les secteurs de la société, il
représente des circonscriptions diverses du pays. Il constitue le «
pilier central du régime politique d'interaction
égalitaire77 et il est aussi le « coeur de
toute vraie démocratie78 ». Le parlement est le
premier des pouvoirs constitutionnels qui incarne le pouvoir du peuple à
travers ses représentants79. Il doit se conformer aux
critères80 : de légiférer et
contrôler, qui ont trait à
76Dorval Monferrier, La place de la loi et de
la coutume en Haïti, in de la place de la coutume dans l'ordre juridique
Haïtien, Bilan et perspectives à la lumière du droit
comparé de Gilles Paisant (dir) presses universitaires de Grenoble,
2003, p89.
77 Latortue Youri, Le devoir de servir,
éd. group, P-au-P 2012, p51.
78 Pierre Louis Josué, Haïti et ses
institutions, imprimerie Henri Deschamps, P-au-P, Octobre 2005, p63.
79 Vladimir Yvon Mathe, Le parlement,
contrepoids de l'arbitraire, in la chronique judiciaire d'Haïti. No
163, 14ème année, Avril 1994, P17.
60
l'élaboration des lois et au contrôle des actes
du gouvernement, de représentation, critère pouvant le
rappeler qu'il a été choisi par toutes les tendances de la
société, d'indépendance budgétaire et
administrative par rapport aux autres pouvoirs et enfin de
pluralisation qui accorde la liberté d'expression à tous les
parlementaires. Le parlement est, en effet, le lieu où la critique
est institutionnalisée81.
Tous les parlementaires proviennent du scrutin
réalisé au suffrage universel. Ils jouissent tous des mêmes
droits et prérogatives attachés à la fonction
parlementaire. Ils ont tous l'initiative des lois, le pouvoir d'enquêter,
etc... Cependant, suivant une approche dialectique de la relation existante
entre les deux chambres du parlement haïtien, l'on dirait que la
prééminence est accordée au sénat. La poursuite de
l'analyse peut faire comprendre que les sénateurs soient plus matures
que les députés ce dont l'effet est de "sanctionner" les actes de
jeunesse de la chambre basse.
En dehors de toutes les fonctions principales des
parlementaires, ceux-ci restent des citoyens à part entière de la
société ou de la circonscription représentée. Ils
sont, de ce fait, des agents de développement.
b) Le parlement dans l'exercice de ses
compétences
Ils ne se limitent pas exclusivement aux attributions
prévues de manière formelle dans la Constitution. Ils
s'inscrivent aussi dans une perspective de développement communautaire.
Non seulement, ils doivent remplir d'un côté, leurs fonctions
spécifiques de parlementaire, mais aussi d'un autre côté,
dans les projets communautaires de développement82, ils
jouent un rôle d'importance considérable. Ils préparent et
exécutent, en symbiose avec les maires, des projets communs de
développement. Ils financent des activités sociales
communautaires dans la zone dans un contexte de développement. Ce qui
peut, toutefois, servir acte préparatoire pour les prochaines
élections, probablement. D'ailleurs, les mandants n'évaluent pas
les parlementaires suivant le nombre de lois proposées, encore moins sur
le contrôle exercé sur le pouvoir Exécutif, mais surtout
sur la quantité de projets réalisés dans la
circonscription en question.
80 Latortue Youri, op cit. p56.
81 Hugo Victor, cité par Roy, Jean Claude,
in LES POUVOIRS : la constitution de 1987 et la fin de l'arbitraire,
Ed. Henri Deschamps, P-au-P 1991, p57.
82 Propos de Siclait Jean Mario, ancien
Député de la première circonscription de
Jérémie, 46ème législature, soit
1995-1999.
61
Les parlementaires jouent le rôle de
délégués de la zone pour la recherche des projets de
développement. Ils facilitent l'arrivée des projets de
construction d'écoles nationales, de lycées et de centres de
santé communautaire. En Haïti, en période estivale surtout,
les parlementaires sont aussi financeurs de certaines activités sociales
organisées dans les communes.
Les parlementaires arrivent même à jouer un
rôle de facilitateurs de services, d'emplois, pour certains
ressortissants de leurs communes, compte tenu de la réalité du
pays. Ils se révèlent des notables de la zone, surtout dans les
milieux ruraux, ils jouissent d'un grand prestige, leurs paroles sont
respectables dans la mesure où ils font preuve de représentation
et de moralité. Ils ne doivent se livrer en effet, à des
activités louches et dévalorisantes aux yeux de la
communauté.
A côté du pouvoir législatif, existe le
pouvoir exécutif qu'il importe de voir ses attributions au regard de la
Constitution haïtienne.
B.- Le bicéphalisme de l'Exécutif
haïtien instauré par la Constitution de 1987
L'exercice du pouvoir Exécutif est confié au
Président de la République, chef de l'État et au
Gouvernement ayant à sa tête un Premier Ministre (art 133 de la
Constitution de 1987). Le pouvoir Exécutif n'a pas subi de grandes
modifications par la loi portant amendement de la Constitution de 1987. La
lecture de l'article 133 laisse comprendre que l'Exécutif haïtien
est bicéphale. Il s'inscrit dans une perspective dyarchique. Le statut
du Président et ses attributions sont traités au niveau de la
section A et B du chapitre III de la Constitution. Et ceux du Gouvernement, du
Premier Ministre, des ministres et des secrétaires d'État sont
présentés au niveau de la section C, D et E.
La distinction statutaire entre ces deux branches du pouvoir
Exécutif nous invite à comprendre que le Président de la
République et le Gouvernement en général sont deux
autorités distinctes formant l'unité de l'Exécutif. La
Présidence et le Gouvernement, selon le voeu de l'article 133, doivent
conjuguer leurs efforts pour exercer les compétences du pouvoir
Exécutif même si les attributions ont été
fixées séparément. Autrement dit, la Constitution veut que
ses deux organes agissent en symbiose pour la gestion des affaires publiques.
La Constitution de 1987 crée le bicéphalisme haïtien. Le
pouvoir Exécutif n'est plus l'affaire d'un seul citoyen (le
Président de la République), mais l'affaire de deux institutions,
la présidence et le Gouvernement.
62
Les interprétations des principales attributions du
Président de la République et les limites prévues aux
articles 133 à 154 laissent dire qu'il est un Mineur
(a). Et celles du Gouvernement sont prévues aux
articles 155 à 172 et font du Premier Ministre un majeur responsable de
ses actes (b).
Le Président, élu sur la base d'un programme
politique, devrait être capable normalement de mettre en oeuvre ses
projets, loin de nier les négociations. Oublier qu'il doit rentrer en
pourparlers avec certains groupes du secteur privé serait un manque. Il
ne peut réaliser quoique ce soit sans s'arranger avec eux. Le cas du
vote de la loi sur le salaire minimum en octobre 2009 est un exemple type. Le
Président a dû négocier d'abord avec tout le secteur
privé avant la promulgation de cette loi. Et dans la majorité des
cas pareils, l'élite économique sortirait gagnante.
a) Un président-mineur
Le Président de la République est le chef de
l'État, il veille au respect et à l'exécution de la
Constitution et à la stabilité des institutions. Il assure le
fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la
continuité de l'État (art 136 de la Constitution de 1987).
D'entrée de jeu, cet article accorde une multitude de
responsabilités au chef de l'État. Le fait de veiller au respect
et à l'exécution de la Constitution fait de lui le garant du
principe de la séparation des trois pouvoirs, parce que cette charte
fixe les attributions chacun d'eux. Tout homme qui détient une parcelle
de pouvoir peut en abuser, il est du devoir du chef de l'État de les
dissuader. Il ne peut tolérer le dysfonctionnement des pouvoirs publics.
La mauvaise marche des institutions est sous sa responsabilité, il doit
assurer leur fonctionnement régulier pour garantir la continuité
de l'État.
Il est, en plus, le garant de l'indépendance nationale
et de l'intégrité du territoire (art 138). Ce sont des pouvoirs
moraux qu'on ne peut fuir en tant que tels. Ces articles ont
conféré implicitement le titre de père de famille au
Président de la République qui doit protéger non seulement
le physique de la maison, mais aussi tous les enfants qui y vivent ainsi que
leur intégrité.
63
Il a le pouvoir de nommer, après
délibération en Conseil des Ministres et après
l'approbation du sénat :
le commandant en chef des Forces armées et celui de la
police nationale, les Directeurs Généraux de l'Administration
Publique, les Délégués et les Vices
Délégués des départements et arrondissements, les
conseils d'administration des organisations autonomes, les ambassadeurs et les
consuls généraux (art 141 et 142)83 et les juges de la
cour de cassation, des cours d'appels, des tribunaux de première
instance, ceux des tribunaux de paix le sont aussi par lui( art 175). La
mention « après délibération en conseil des ministres
» est l'oeuvre de la Constitution de 1987 rappelant qu'il ne s'agit plus
d'une seule personne, mais d'une institution, la présidence.
Il a l'initiative des lois sous formes de projets
envoyés au parlement. La loi sur le budget de la République est
de son apanage. Il participe à la construction de l'agenda
législatif du gouvernement, il influe sur les lois adoptées par
le parlement en obligeant éventuellement à une
réélaboration ou en faisant des objections. Sur le plan
international, il signe les traités et les conventions. La promulgation
et la publication de la loi (art 144),- actes finaux de la politique
législative-, sont du ressort de la présidence. Le
Président de la République est, de ce fait, un législateur
négatif84. Cette négativité consiste, à
mon avis, en ce que le Président a l'initiative des lois mais le vote
revient au parlement et une loi est loi, au sens strict, que s'elle est
votée par le pouvoir législatif.
Et de surcroit, l'article 150 prescrit que « le
Président de la République n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui
attribue la Constitution ». Cet article laisse comprendre que toute action
posée par le chef de l'État en dehors des pouvoirs qui lui sont
attribués par la Constitution est illégale et
inconstitutionnelle. C'est comme si il est enfermé quelque part, et tout
manoeuvre hors du cadre défini est une violation. Toutes les
décisions du Président sont l'objet de validation par le
parlement, ou il doit trouver l'approbation de l'une des deux chambres. Donc,
il est un mineur qui ne peut poser aucune action sans le consentement de son
tuteur. Ce dernier est là pour
83 Le choix du Premier Ministre (art 137) par le
Président est réservé pour être traité au
niveau de la deuxième section de ce chapitre. Cet article est d'une
délicatesse considérable dans la loi sur l'amendement de la
Constitution.
84 Pierre-Louis Patrick et Vernet Jacques,
Diagnostic de la politique législative en Haïti, Canada
2008, p41.
Ils ont utilisé ce concept pour montrer certes que le
Président peut prendre l'initiative des lois, mais celles-ci doivent
être votées par le parlement. Est aussi valable pour le vote de la
loi du budget dont l'initiative est exclusivement accordée à
l'exécutif, mais elle doit être votée par le parlement. A
notre avis, le vote ait lieu après toutes les négociations
possibles. Le Président est donc dans ce cas un législateur
négatif.
64
entériner la majorité actes du Président
si non ils sont sans effets légaux. Le mineur n'a donc pas de
consentement.
Au final, les pouvoirs de l'Exécutif sont
désormais partagés, au regard de la Constitution, avec le Premier
Ministre, chef du Gouvernement. Ce dernier est l'organe fusible, sujet à
subir les conséquences négatives des actions du pouvoir
Exécutif. Nous dirions, en tant que majeur, il est responsable de tous
les actes de ce pouvoir parce qu'il conduit la politique de la nation.
b) Un Gouvernement majeur et responsable
Ayant à sa tête le Premier Ministre, le
Gouvernement se compose de celui-ci, des Ministres et des Secrétaires
d'État, tel que prévu par la Constitution de 1987 au niveau de
l'art 155. Sa principale mission est de conduire la politique
générale de la nation. Ici, nait un carrefour dans lequel il faut
poser les questions suivantes : quelle politique générale ?
Est-ce la politique générale sur la base de laquelle le
Président a été élu ou celle sur laquelle est assis
le Premier Ministre pour trouver le vote de confiance du parlement lors du
processus de ratification ? La réponse à cette question est
plurielle.
Oui, c'est la politique générale du
Président, car celui-ci est élu au suffrage universel direct sur
toute l'étendue du territoire et il est le plus légitime ou le
plus représentatif de tous. Oui, c'est la politique
générale présentée devant le parlement parce que le
Premier Ministre est le chef du Gouvernement, il conduit la politique
générale de la nation (art 156). D'où, se pose le
problème du respect du choix du peuple souverain.
Toute discordance est possible entre ces deux politiques, car
chacune doit être adaptée à la situation. Le
Président a été élu sur la base d'un programme
politique, arrivé au pouvoir il doit choisir un Premier Ministre qui va
présenter à son tour une politique générale devant
le pouvoir législatif. Laquelle politique qui doit satisfaire
évidemment toutes les tendances de l'heure ou la conjoncture actuelle si
non la contrepartie directe, -le vote de confiance,- ferait défaut.
Le Premier Ministre nomme ou révoque directement ou par
délégation les fonctionnaires publics selon les conditions
prévues par la Constitution et par la loi sur le statut
général de la fonction
65
publique (art 161)85. Il est responsable de la
co-défense du territoire avec le Président de la
République. Le Gouvernement haïtien forme un collège. Les
actes du Premier Ministre, en effet, sont contresignés par les Ministres
et quand l'interpellation de celui-là aboutit à un vote de
censure, le Gouvernement est totalement renvoyé, car il joue le
rôle de fusible du pouvoir Exécutif et tous ses membres sont
solidairement responsables. Autrement dit, en cas de choc, c'est le
Gouvernement qui a tout subi.
La loi fait obligation d'avoir au moins dix portefeuilles
ministériels et cette fonction est incompatible avec tout autre emploi
public sauf celui de l'enseignement. En ce sens, la loi met non seulement des
garde-fous pour empêcher le cumul des salaires, mais aussi pour faciliter
l'accès à la fonction publique. Les statuts du Président
et ceux du Gouvernement ont été étudiés, mais cette
étude est insuffisante comme base sur laquelle nous devons nous asseoir
pour trouver la vraie nature du régime politique haïtien. En effet,
nous allons étudier dans la section suivante les éléments
clés du régime politique haïtien et la relation existante
entre les pouvoirs publics.
Section II.- Motifs pour une qualification du
régime
Dans la section précédente, il a
été question des attributions de la Présidence de la
République, du Gouvernement haïtien, du pouvoir Législatif.
Mais les questions qui nous sont fondamentales ont été
réservées pour cette seconde section. Ici, nous allons nous
s'attarder sur la relation plus ou moins directe existante entre ces deux
pouvoirs de l'État. En ce qui a trait aux régimes politiques,
parlementaire ou présidentiel, la relation s'est tissée
fondamentalement entre le Parlement et l'Exécutif. Autrement dit, la
nature du régime politique est déterminée par rapport
à la relation existante entre l'Exécutif et le
Législatif.
Cela constitue un motif suffisant pour ne pas intégrer
dans notre étude la relation du pouvoir judiciaire avec les autres
pouvoirs. La relation entre le pouvoir judiciaire et les autres pouvoirs a
toute son importance dans un État de droit, mais elle n'est pas
forcement déterminante pour trouver la nature d'un régime
politique. Et de surcroit, la Constitution de 1987, dans ses prescrits,
n'établit pas un agencement du pouvoir judiciaire de telles sortes que
les interprétations puissent influencer la nature du régime
politique.
85LE MONITEUR, Journal Officiel de la
République d'Haïti, Décret du 17 mai 2005, portant
révision du statut général de la fonction publique,
P-au-P, Vendredi 22 Juillet 2005, 160ème année, spécial no
7.
66
D'entrée de jeu, nous écartons toutes les
idées que le régime politique haïtien est un parlementarisme
exacerbé ou absolu, il n'est non plus un régime
présidentiel. La charte fondamentale a agencé d'une
manière spécifique les relations entre le Parlement et
l'Exécutif. Apparemment, nous dirions qu'elle a combiné des
éléments caractéristiques du régime parlementaire
d'avec certains d'autres du régime présidentiel. D'où la
naissance d'un maquis inextricablement difficile à démêler.
En effet, une analyse minutieuse s'impose pour pouvoir qualifier le
régime politique d'Haïti.
Pour trouver la vraie nature du régime politique
haïtien, dans un premier temps, nous allons non seulement tenir compte des
attributions du Président, du Gouvernement, du Parlement et la relation
existante entre ces trois organes fondamentaux, mais aussi nous allons nous
asseoir fondamentalement sur les modalités d'accession au pouvoir du
Président et des parlementaires (A). Et dans un second temps, nous
allons nous appesantir sur le mode de contrôle existant entre ces deux
pouvoirs clés du régime. Pour le faire, nous allons
considérer à la fois la Constitution de 1987 et le texte de loi
portant son amendement (B).
A.- Modalités d'accession au pouvoir
Les modalités d'accession des acteurs politiques au
pouvoir ont tout leur poids dans la nature du régime politique d'un
pays. Dans les régimes parlementaires, parmi les organes principaux (le
Parlement, la Présidence, le Gouvernement ou le Cabinet), le
Gouvernement est responsable devant le chef de l'État. Le chef de
l'État, en Grande Bretagne, a pour vocation d'incarner la
continuité de l'État, mais en principe ne participe pas ou
participe très peu à l'exercice du pouvoir, exception faite du
choix du Chef de Gouvernement et encore doit-il le choisir dans la
majorité parlementaire.
Tout comme le régime parlementaire, le régime
présidentiel est doté de caractéristiques propres. Il
s'agit aux Etats-Unis du Congrès et de la présidence. Le
bicaméralisme du Congrès s'explique par la volonté
d'éviter la domination et la concentration du pouvoir. Mais, les organes
ne peuvent s'isoler l'un l'autre. Ce n'est pas viable. Ils fonctionnent dans le
cadre d'un État, ils poursuivent donc un but commun. Tous leurs
objectifs doivent se converger vers le progrès de la
société et le bien-être collectif.
67
Cependant, plusieurs pays ont adopté cette forme
d'agencement des pouvoirs de l'État. Mais, leurs modes de fonctionnement
ne sont pas du tout identiques dans le sens que l'adaptation pure et simple est
d'une difficulté accrue. Chaque Etat, pris dans son
séparément, a une histoire politique et économique, etc...
Chacune de ces histoires n'est pas sans conséquences sur la distribution
et la répartition du pouvoir. Ces paramètres sont très
déterminants dans le cadre de l'établissement d'un régime
politique qui doit refléter dans la mesure du possible les us et
coutumes d'un peuple. Certains de ces Etats ont attribué la
prééminence des prérogatives au Président, ce qui
donne le présidentialisme et d'autres tentent à réduire
les privilèges du Président ou combinent les
éléments du type parlementaire et du présidentiel.
A l'époque moderne, les variantes du régime
parlementaire sont nombreuses. Nous en avons pu découvrir le
régime parlementaire bi-représentatif dans lequel le
Président de la République comme les parlementaires sont
élus au suffrage universel direct. Le Président de la
République est légitime, du fait de l'instauration du suffrage
universel direct, il procède d'une souveraineté nationale, mais
ne saurait être considéré comme l'unique
représentant du Peuple, au risque de dénier tout caractère
démocratique. Dans ce régime, ils sont les deux à
être élu par le peuple, détenteur de la souveraineté
nationale.
Dans la lettre de la Constitution haïtienne 1987, il a
été prévu les modalités d'élection du corps
législatif, chargé d'élaborer les lois (a) et celles du
Président de la République (b).
a) Election du corps législatif
haïtien
Le Député est élu à la
majorité absolue des suffrages exprimés dans les
Assemblées primaires, selon les conditions et le mode prescrit par la
loi électorale. Art 90.1
Le sénateur de la République élu au
suffrage universel à la majorité absolue dans les
Assemblées primaires tenues dans les Départements
Géographiques, selon les conditions prescrites par la loi
électorale. Art 94.2
Et les Députés et les Sénateurs, ils sont
élus à la majorité absolue des suffrages exprimés.
Nous dirions qu'ils jouissent, par cette lecture, de la même
légitimité parlementaire. Mais les autres articles attribuent
plus de compétences au Sénat de la République. Il doit
donner son approbation à la majorité des actes que le
Président entend poser (arts 137 et s). Et aussi, a-t-il des
attributions
68
qui lui sont très propres, comme s'ériger en
haute cour de justice pour connaitre les crimes de haute trahison commis par le
Président de la République, les malversations commises par les
membres du Gouvernement dont le Premier Ministre, pour les fautes graves
commises par les membres du Conseil Électoral Permanent et de la CSC/CA
(arts 97, 185 et s.). Mais, quand les deux chambres exercent en commun les
pouvoirs qui leur sont dévolus, le parlement est, en
réalité, le lieu, par excellence, de la politique.
« Il serait inconcevable que tout le monde qui
appelle à l'instauration de la démocratie ne comprenne pas que la
charte de 1987 ait fait du parlement la source véritable de la
gouvernance politique et le lieu géométrique de construction de
l'État de droit démocratique86».
Dans cette perspective, Claude Moise veut montrer que les
parlementaires sont réellement les représentants du peuple et
sont les principaux porteurs de ses revendications. Nous dirions que les
parlementaires incarnent la représentation politique. Elle implique que
les gouvernants sont choisis d'une manière libre et démocratique
par la voie d'élection. Cette dernière se veut être un
moyen pouvant assurer l'alternance politique qui empêche, à son
tour, toute confiscation possible du pouvoir. Avant les révolutions, le
mode de désignation des successeurs au pouvoir était
héréditaire et a été incarné dans la
personne du roi qui choisissait personnellement son remplaçant. Cette
garantie est préservée dans la constitution, base sur laquelle
est assis le gouvernement démocratique.
L'élection dans un régime démocratique
est le garant de la dépersonnalisation du pouvoir. Elle assure en effet,
les principes relatifs à la souveraineté, à la
représentation ou la séparation des pouvoirs87. Elle
organise le mode de transmission, la dévolution et l'exercice du pouvoir
de telle sorte qu'il ne puisse être exercé dans
l'intérêt personnel des représentants, mais dans
l'intérêt général. Elle constitue le fondement de la
légitimité des représentants.
En effet, un Député ne peut être
élu dans une circonscription électorale du sud-est, soit Jacmel
sur la base de 49.07% du nombre des voix exprimés88. Nous ne
sommes plus au temps de Boyer
86 Moïse Claude, Un pas avant, deux pas de
côté. Chronique des années 2004-2008, Éd. UEH,
Port-au-Prince, 2011, p 218.
87 HAMON Francis et TROPER Michel, Droit
constitutionnel, 28è éd. LGDJ, Paris 2003,
p43.
88Rapport de la mission d'information et de contact
de la francophonie sur les élections présidentielle,
législatives et sénatoriales du 28 Novembre 2010 et du 20 Mars
2011 en Haïti.
69
Bazelais89. Qui pis est, le nombre de bulletins
blancs dans les élections haïtiennes a une large part des suffrages
exprimés. A nos réflexions, le bulletin blanc implique la
non-confiance en aucun candidat. Aucun d'entre eux n'a présenté
un programme en cohérence avec les aspirations, les besoins des votants.
Cette situation ou cette crise de légitimité n'épargne pas
l'élection présidentielle.
b) Election du Président de la République
d'Haïti
Nous lisons aux termes de l'article 134 que : « le
Président de la République est élu au suffrage universel
direct à la majorité absolue des votants. Si celle-ci n'est pas
obtenue au premier tour, il est précédé à un second
tour.
Seuls peuvent s'y présenter les deux candidats qui
le cas échéant après retrait de candidats plus
favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de voix au
premier tour ».
A notre avis, le nombre de voix obtenu lors d'un scrutin
constitue la base légitime du Président. Sous un premier angle,
un représentant n'est légitime que si le nombre de voix obtenu
est représentatif. Sous un second, il ne l'est que par la justification
de l'obéissance qui lui est due. Le pouvoir légitime est un
pouvoir dont le titre que détient le représentant est juste et
qu'il soit détenu dans les limites de la loi. La
légitimité est la perspective d'où se place d'ordinaire le
titulaire du pouvoir90.
La légitimité est faite, selon la conception de
madame Boulad-Ayoub, de deux composantes : la justification du respect dû
au pouvoir et la conformité à une certaine règle. Dans cet
ordre d'idée, un pouvoir peut avoir été légitime
dès son obtention, mais ne l'est plus au cours de son exercice dans la
mesure où c'est l'irrespect qui prévaut face à lui. Il est
clair, à l'époque moderne, la légitimité d'un
pouvoir ne provient pas de Dieu parce que le monde politique a
évolué et le peuple en a pris conscience. Toute
légitimité, en effet, vient du peuple, détenteur de la
souveraineté, qui en fait délégation aux
représentants.
89Sur 3000 électeurs potentiels, la
circonscription de Port-au-Prince n'a enregistré que seulement 900
inscrits. Sur ce nombre, 425 se sont déplacés pour aller voter,
en sorte que Boyer Bazelais n'a été élu premier
député de la capitale que par un nombre dérisoire
d'électeurs. C'était le même tableau sur l'ensemble du
territoire raconte Claude Moïse, in Constitutions et Luttes de pouvoir
en Haïti, la faillite des classes dirigeantes 1804-1915, éd.
UEH, tome 1, 2009, p251.
90Boulad-Ayoub Josiane,
Légitimité, légalité et vie politique,
collection classiques des sciences sociales, Québec 2003, p6.
70
À l'Exécutif peut appartenir une
légitimité populaire par la désignation au suffrage
universel91. La modalité d'élection
réservée au Président de la République reviendrait
donc à l'investir d'une légitimité populaire. Il est le
seul qui jouit d'une telle légitimité dans le pays. Toutefois, il
ne faut pas pour autant tirer de l'élection directe et universelle la
source d'une augmentation des pouvoirs du Président de la
République. Il n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribue la
Constitution (art 150). Par contre, il est approprié de dire que ce mode
de suffrage, combiné au scrutin majoritaire, et additionné
à d'autres éléments peut effectivement aboutir, dans la
pratique, à l'évolution de la puissance du Président de la
République.
D'où le problème de la légitimité
qui se pose au niveau de la démocratie haïtienne. Si le peuple est
le détenteur du pouvoir, il doit être capable de faire des
délégations. Il ne s'agit pas non seulement d'organiser des
élections, mais aussi on doit s'assurer d'un très fort niveau de
participation de la population en général. Dans le cas contraire,
une révision de la situation est nécessaire. Il est anormal que
les résultats des élections aient montré clairement que la
population ne participe pas au scrutin.
Certes, les parlementaires et le Président sont
élus au suffrage direct pour représenter le peuple, mais
arrivés au pouvoir leurs attributions, bien évidemment, ne sont
pas les mêmes. Même s'ils constituent tous deux, afin d'assurer la
limite de leur pouvoir, des organes de contrôle l'un pour l'autre.
B.- Le système de contrôle
Une constitution,- à la fois contrat politique et norme
juridique positive fondamentale92,-organise non seulement les
rapports entre les citoyens et l'État, mais aussi entre les
différents pouvoirs constituant l'État. Elle aménage les
pouvoirs et les responsabilités des gouvernants, les droits et devoirs
des gouvernés, elle est évidemment à la base du
fonctionnement d'un régime
91 AMAR Céline, Le président de
la République dans les régimes parlementaires bi
représentatifs européen, Titre 3, La puissance variable du
Président. Thèse de Doctorat, 2003 - Université
Lumière Lyon 2, Marie Anne Cohendet,
directrice de thèse. Disponible sur :
http://theses.univ-
lyon2.fr/documents/lyon2/2003/amar_c/pdfAmont/amar_c_titre03.pdf
(page consultée le 21/03/3014)
92Dorvilier Fritz (dir), introduction, in
l'amendement de la constitution de 1987, Enjeux, limites et
perspectives. Ed. Group, Février 2012, p13.
71
démocratique93. Elle est «
le produit des circonstances et donc de la dynamique historique et
sociale94 » dont elle exprime l'esprit et codifie les
aspirations.
La Constitution haïtienne du 29 Mars 1987 a fait du
Gouvernement l'organe de partage des pouvoirs de la présidence. Elle
impose au Président de la République le choix d'un Premier
Ministre parmi le parti ayant la majorité au parlement. Ce qui implique
que le choix du Chef du Gouvernement dépend des résultats du
scrutin parlementaire. Quand on parle de Gouvernement, au sens propre du terme,
cela fait penser à un élément fondamental du régime
parlementaire. Si c'était le régime présidentiel, on
parlerait d'administration, même si ces deux termes ne s'incluent pas
mutuellement. La présence ou l'absence de ce fusible est très
importante pour la relation entre les pouvoirs Exécutif et
Législatif dans un régime à base parlementariste.
C'est l'agencement des pouvoirs qui détermine le
régime politique d'un État. La Constitution de 1987 a
donné des compétences très claires à chaque pouvoir
public de l'État. Elle a aussi établi une relation directe entre
eux par l'entremise du Gouvernement. Ce dernier, jouissant de toute sa
maturité et de sa majorité, est l'organe responsable des actes du
pouvoir Exécutif. Il est en quelque sorte le bras de
concrétisation des décisions de ce dit pouvoir. Quand il a mal
agi, tout le pouvoir Exécutif subit les conséquences, quoique le
Président soit un mineur.
L'existence d'un Gouvernement avec un Premier Ministre
à sa tête, laisse entendre que la séparation du pouvoir est
souple. C'est dire qu'il existe une sorte de collaboration évidente et
obligatoire entre les pouvoirs Exécutif et Législatif. La
Constitution de 1987 a établi une relation entre ces pouvoirs qui n'est
pas pratiquement cadrée au régime parlementaire
(a). Amendée en 2012, le mode de contrôle
instauré dans la Constitution originelle de 1987 subit les
conséquences(b).
a) Un mode de contrôle exceptionnel
Le Président de la République choisit le Premier
Ministre parmi les membres du parti ayant la majorité au parlement. A
défaut, le choix se fait en consultation avec le Président de
chacune des deux chambres. Quelle que soit l'option, elle doit être
ratifiée par le parlement.
93Barthélemy Gérard, Les
Duvaliéristes après Duvalier, le Harmattan, Paris 1992, p66.
94Manigat Mirlande. Op cit. p95.
72
Art 137.- Le Président de la République
choisit un Premier Ministre parmi les membres du parti majoritaire au
parlement. A défaut de cette majorité, le Président de la
République choisit son Premier Ministre en consultation avec le
Président du sénat et celui de la chambre des
députés.
Dans les deux (2) cas, le choix doit être
ratifié par le parlement.
Considérons que le parti majoritaire existe. D'office,
le Premier Ministre en découle. Que se passerait-il si le
Président de la République était candidat sous la
bannière de ce même parti ? Nous pouvons dire qu'il n'existerait
plus de contrôle. Le Gouvernement appliquerait les objectifs de son parti
qui sont aussi les objectifs du parti majoritaire au parlement ainsi que ceux
du Président de la République. Le parti majoritaire donnerait
très facilement le vote de confiance à ce Gouvernement et la
possibilité d'interpellation est minime parce que le parti majoritaire
est au pouvoir.
Considérons que le parti majoritaire est
différent de celui du Président de la République. Le
contrôle est plus ou moins de mise. On peut, en effet, parler de
cohabitation, car deux partis partagent le pouvoir de l'État. Ils vont
agir constitutionnellement, ou par consensus ou encore par négociation
normale. Toutes les décisions seront passées au peigne fin.
D'où un mode de contrôle réciproque des actes des pouvoirs
Exécutif et Législatif. En cas de désaccord, le parlement
peut questionner ou interpeller un membre ou le Gouvernement tout entier, car
celui-ci est responsable devant celui-là (art 129.2, 193.4, 156 de
la Constitution de 1987). La demande d'interpellation doit être
appuyée par un groupe de cinq membres et tout vote de censure conduit
à la démission du Premier Ministre et de son Gouvernement.
Considérons le cas le plus répété
en Haïti où il n'y ait pas un parti ou un système de partis
structuré qui puisse dégager une majorité complète
au parlement. Dans ce cas, le Président choisit le Premier Ministre de
son goût, toutefois il doit le faire avec le Président des deux
chambres. Ce cas de figure, le plus complexe, nécessite le
dégagement d'une majorité au parlement (coalition politique) par
le Président de la République pour non seulement la ratification
du choix du Premier Ministre, mais aussi de la politique
générale.
Cela nécessitait deux votes séparés, un
pour la ratification du choix, l'autre pour la ratification de la politique
générale du Gouvernement. Il a fallu, de ce fait, une double
négociation, car dans la première, une majorité a
été dégagée et lors de la présentation de la
politique générale, les
73
parlementaires peuvent changer de position, même six
heures avant, si tout n'est pas tombé d'accord. Le Chef de l'État
doit faire de son mieux pour non seulement dégager cette
majorité, mais aussi pour la conserver, car les parlementaires donnent
une majorité conjoncturelle, ils n'ont pas une discipline de
parti,-moyen de contrainte institutionnelle,- à respecter. Cette
considération est aussi valable dans le cas d'une interpellation qui
peut aboutir au vote de censure du Gouvernement.
Dans tous les cas possibles en Haïti, le Gouvernement ne
peut demander au Président de la République de dissoudre le
parlement pour procéder à de nouvelles élections, ce afin
de dégager une majorité en cas d'absence ou au cas où
celle existante n'est pas à leur profit. Cela n'empêche pas
pourtant à ce que le régime soit parlementaire parce qu'il peut
fonctionner normalement sans la dissolution95. Cette
caractéristique manquante nous enlève la possibilité de
spécifier le régime parlementaire, dans le sens originel du
terme. Ce qu'il est toujours important de savoir est que le régime
parlementaire a ses caractéristiques propres et qu'il a connu aussi des
déviations. Et c'est aussi valable pour le régime
présidentiel mais une fusion des deux est rejetée par tant de
constitutionnalistes.
Nous pouvons dire que le régime politique haïtien
a emprunté au régime parlementaire l'organe-fusible (le
Gouvernement) pour diminuer le pouvoir du Chef de l'État tout en
consacrant la responsabilité de celui-là devant le parlement,
mais ce dernier ne peut être dissous ou ajourné, ni le mandat de
leurs membres prorogé en aucun cas (art 111.8) par l'exécutif.
Mais la loi sur l'amendement a eu des effets sur le régime en
question.
b) Nouveauté constitutionnelle : De la double
négociation à l'unité
Les amendements constitutionnels n'ont pas apporté une
modification en profondeur à la nature du régime politique
haïtien. Cependant, des pouvoirs ou prérogatives de chacun des
pouvoirs ont été augmentés ou diminués.
L'art 137 se lit désormais comme suit :
Le Président de la République choisit un
Premier Ministre parmi les membres du parti ayant la majorité absolue
au parlement. La majorité est établie sur la base des
résultats électoraux des
95Cohendet Marie-Anne, La cohabitation,
leçons d'une expérience, Puf, Paris, 1993, p76.
74
élus dans chacune des deux chambres. A défaut
de cette majorité, le Président de la
République choisit le Premier Ministre en consultation avec le
Président du Sénat et celui de la chambre
des députés.
Le dernier alinéa de cet article « Dans les
deux cas, le choix doit être ratifié par le parlement »
a été enlevé ou omis96 dans la loi sur
l'amendement de la Constitution. A notre premier avis, il n'est plus question
de ratification du Premier Ministre à cause du manquement de cet
alinéa. C'est lui qui avait fait obligation de ratifier le choix du
Premier Ministre. Il faut préciser que c'est le choix qui doit
être ratifié et s'il est choisi parmi le parti ayant la
majorité au parlement, il est ratifié d'office.
Toutefois, si nous nous referons aux professeurs Patrick
Pierre-louis et Monferrier Dorval qui recommandent toujours à leurs
étudiants de savoir lire entre les lignes et de faire une lecture
transversale surtout s'agissant de la Constitution ou d'un texte de loi,
sincèrement, nous devons jeter un coup d'oeil à l'article 158 qui
n'a subi aucune modification par loi sur l'amendement. Le Premier Ministre en
accord avec le Président choisit les membres de son cabinet
ministériel et se présente devant le parlement afin d'obtenir un
vote de confiance sur sa déclaration de politique
générale. Le vote a lieu au scrutin public et à la
majorité absolue de chacune des deux (2) chambres. Dans le cas d'un vote
de non confiance par l'une des deux (2) chambres, la procédure
recommence.
L'interprétation commune de ces deux articles nous fait
comprendre que désormais le Premier Ministre ne se présente
qu'une seule fois au parlement. Plus jamais, une présentation devant la
chambre des députés et une autre devant le sénat pour la
ratification du choix et ensuite une autre pour la ratification de la politique
générale. Auparavant, le choix du premier désigné
devait être d'abord ratifié par les deux chambres
séparément avant de présenter, -avec son cabinet choisi en
consultation avec le Président de la République-, la politique
générale devant le parlement pour un vote de confiance ou de non
confiance et dans le second cas, la procédure doit recommencer.
Constitutionnellement et désormais, le Premier Ministre
désigné se présente
96 Cet article a soulevé beaucoup de remous
dans l'actualité constitutionnelle ces mois écoulés. L'on
n'arrive pas à dire si cet alinéa a été
abrogé ou pas, si il a été omis volontairement ou
involontairement. Mais, pour notre recherche, nous avons
considéré la loi constitutionnelle qui a été
donnée à l'assemblée le 9 Mai 2011publiée par
l'arrêté du 19 juin 2012, qui n'en fait pas mention.
75
avec son cabinet au parlement pour un vote de confiance ou
non. La procédure devient plus rapide qu'hier et la double
négociation a atteint son terme par l'absence de cet alinéa.
En somme, la Constitution de 1987 a instauré un «
régime parlementaire bi représentatif ».
Lequel régime est formé du Parlement, du Gouvernement responsable
et du Président de la République irresponsable. Le Gouvernement
est responsable devant le parlement. Le corollaire de ce principe, la
dissolution du parlement par le Chef de l'État fait défaut. La
responsabilité et la confiance sont les corollaires du principe
majoritaire qui sous-tendent le régime parlementaire, cela écarte
les critères techniques en faveur d'autres plus politiques.
Le régime politique haïtien est parlementaire
bi-représentatif. D'abord, le coté parlementariste tient du
fait que le régime parlementaire peut fonctionner sans
dissolution97. Ensuite, le peuple est doublement
représenté, et par les parlementaires élus aux suffrages
directs et par le Président de la République élu au
suffrage universel direct. Dans les régimes parlementaires proprement
dit, le Chef de l'État, soit le roi ne représente pas le peuple
et le parlement peut être dissout pour procéder à de
nouvelles élections.
Nous rejetons l'idée de ce fait, que la
réalité peut mêler des éléments de deux
régimes opposés ou purs98 pour former une
troisième catégorie. La Constitution haïtienne n'impose pas
un régime semi-parlementaire, semi-présidentiel, non plus un
régime semi-présidentiel dans le sens de Maurice Duverger, qui
combine certains éléments du parlementarisme et du
présidentialisme pour former un régime à part
entière.
Nous l'avons déjà montré plus haut que la
Constitution haïtienne de 1987 est née dans un contexte très
particulier, soit l'après-dictature des Duvalier. En effet, non
seulement les constituants partageaient l'esprit d'édenter le
Président mais aussi ils ont pris le soin de camper certaines
barrières plus ou moins solides pour empêcher à ce que les
futurs chefs d'État modifient ou amendent, à leur guise, la
Constitution en date.
97Mirkine-Guetzévitch, in les
constitutions européennes citées par Louis Delbez, in le
Président de la république en régime parlementaire bi
représentatif, p16
*** Le régime parlementaire est le pouvoir politique de
la majorité. Le gouvernement est responsable parce que la
majorité doit gouverner, celui qui n'accepte pas les décisions de
la majorité, se verra écarter de la sphère du cabinet.
98Troper Michel, articles « Les classifications en Droit
Constitutionnel » in Pour théorie juridique de
l'État, puf, Paris, 1994, pages 253 et 255. Dans le cas des
régimes politiques, les deux types parlementaire ou présidentiel
sont précisément présentés comme opposés ou
purs. Un régime mixte comporterait des caractères contradictoires
: l'élection du Président au suffrage universel direct et
l'absence d'élection au suffrage universel direct, la
responsabilité politique et l'absence de responsabilité
politique, ce qui serait évidemment absurde.
76
Chapitre II
Le régime politique haïtien : sa
réalité et son devenir
Les constituants de 1987 ont doté Haïti d'un
régime parlementaire bi-représentatif, composé d'un
Gouvernement responsable devant le Parlement et non la dissolution de ce
dernier par le Chef de l'État. Ce régime a aussi pour
caractéristiques, l'élection au suffrage direct du Parlement et
du Président de la République, ce qui le diffère en
réalité d'un régime parlementaire. Mais dans leurs
intentions et dans leur esprit, ils voulaient enlever les pouvoirs qui font du
Président de la République d'Haïti d'hier le personnage tout
puissant du régime. Ils estimèrent que les vingt-neuf ans de
dictature ont eu lieu à cause de l'énorme dimension des pouvoirs
du Président qui en usait à son bon vouloir.
Ils ont tout fait pour doter le pays d'un climat
démocratique et ils ont voulu tout constituer dans la charte
fondamentale. Ils donnent la date de l'élection présidentielle,
la date de prestation de serment du Président, etc. Ils ont pris le
temps d'élaborer environ 300 articles pour s'assurer que le pays goute
un peu de l'eau démocratique et pour rompre, en réalité,
avec les actes de barbarie et de dictature. Aujourd'hui, le texte reste et
demeure en fonction et n'a connu qu'un seul amendement en mai 2011.
Les barrières sont tellement énormes, les
constituants ont mis sous les verrous la Constitution de 1987. Nous dirions
qu'il est quasiment impossible d'amender le fameux texte de 1987 à cause
des difficultés que présente la procédure d'amendement. Et
c'est aussi la cause de ces débats à l'époque de
l'amendement de juin 2011 et la date de publication de juin 2012. Ils se
portaient tant sur la forme que sur le fond. Le Président actuel est-il
apte ou non à publier99 la loi portant amendement ? La
fameuse question de l'époque. Et les débats tournaient aussi
autour de l'article 137 que nous venons d'étudier plus haut.
Dans le présent chapitre, nous allons étudier la
réalité de la Constitution de 1987 (section I) et nous allons
consacrer la seconde section à faire des souhaits sur le devenir du
régime politique
99 Michel Georges et Fleurant Aviol,
respectivement, Le Président de la République ne peut publier
les amendements constitutionnels frauduleux (pp 103-117), Le Président
de la République peut publier la loi constitutionnelle, (pp
171-178) [dans] Fritz Dorvilier (dir) L'amendement de la Constitution de
1987, Enjeux, limites et perspectives, Editions group, Port-au-Prince,
février 2012, 205p.
77
haïtien (section II). Nous ne pouvons pas nous permettre
de dire que ce régime n'est pas sans conséquences
négatives sur la vie politique haïtienne quoique nous ne soyons pas
d'avis de dire, comme d'aucuns, qu'il est la base fondamentale de
l'instabilité politique générale en Haïti. Mais, il
en contribue.
Section I.- La réalité du régime
politique haïtien
La Constitution de 1987 établit ses limites de
protection. Elles valent non seulement pour protéger ladite Constitution
en tant que contenant mais aussi elles tendent à protéger le
régime en tant que contenu. Autrement dit, la Constitution
elle-même assure sa sécurité, ce qui veut dire qu'on ne
peut la modifier ou l'éliminer comme on veut et aussi elle empêche
que le changement trop facile de régime. Mais tout amendement
réel de la Constitution de 1987 doit se porter sur le régime
politique100 si non elle n'a pas de grands effets.
Dans cet ordre d'idée, le régime politique
haïtien, démocratique soit-il, a une certaine conséquence
sur l'instabilité politique haïtienne et sur l'exercice de certains
droits. D'un côté, nous énumérons la relation entre
les organes de l'Exécutif et le Parlement, caractérisée
par un manque de symbiose. La nomination d'un Premier Ministre coute trop de
temps. Un vote de censure ou de renvoi est généralement
générateur de crise dans le pays. Cela demande plusieurs
négociations pour le choix et la ratification et dans ce cas,
l'instabilité se répand au sein de l'appareil central de l'Etat
et va jusqu'au sein de l'administration, outil de concrétisation de ses
missions.
D'un autre côté, les barrières
campées par la Constitution en vue de protéger le régime
ou les attributions de chaque pouvoir sont tellement rigides, les
différents acteurs, en particulier ceux du pouvoir Exécutif
chercheraient par tous les moyens de trouver une façon, même
illégale ou inconstitutionnelle pour atterrir leurs projets. Il est tout
à fait normal, par rapport aux dérives d'avant 1987 qui ont eu
lieu dans le pays, de camper un régime politique qui s'impose du point
de vue de ses limites mais, quand elle verrouille à un point tel, les
acteurs la contourneraient.
Quand ces genres de situation se présentent, nous
dirions que la politique gouverne le Droit ou se substituer à elle (A),
et cela ne doit pas être ainsi. La répétition de ces actes
n'est jamais
100 Propos du professeur Dorval Monferrier dans le cadre d'une
consultation pour la rédaction de ce dit travail en son cabinet, le
vendredi 7 février 2014 à 2hrs.
78
profitable au respect des droits de la personne humaine. Le
Droit doit être la ligne à suivre, ce qui permet quelque part de
respecter les droits de l'être humain (B).
A.- Substitution de la politique au Droit
Dans tout État moderne, le Droit doit prévaloir
ou doit être perçu comme boussole ou guide principal de toutes les
actions interindividuelles et de toutes les décisions des dirigeants. En
accordant la prééminence au Droit, ce dernier et la politique
entretiennent toujours des relations complexes et ambiguës surtout dans un
contexte d'instabilité politique et institutionnelle101. Les
acteurs se vacillent entre l'adoption d'une réponse juridique ou d'une
réponse politique.
Dans la majorité des cas, le choix dépend des
résultats visés par les acteurs. Afin de pouvoir proposer une
solution qui attirerait l'approbation de plus d'un, le politique est de plus en
plus régulièrement amené à passer outre certains
garde-fous juridiques. Cette mainmise du politique sur le droit semble parfois
contagieuse ; celle-ci s'étend alors à des domaines moins
déterminants que les domaines institutionnels.
On le constate donc, l'entrecroisement des clivages dans la
société haïtienne amène régulièrement
les acteurs politiques à faire des compromis tenant compte des
équilibres internes mais juridiquement non tenables. Nous dirions que le
droit n'est pas la boussole des acteurs politiques. Les solutions politiques ou
des réponses politiques font mieux leur affaire que les réponses
juridiques. Ils s'attachent à ces dernières quand ils jugent que
la réponse leur sera très profitable. Dans ce cas, ils parlent de
respect de la Constitution ou de la loi. Pour parodier le professeur
Dorval102, le Droit a ses rigueurs que la politique ne saurait
ecarter.
Certes, nous avons souligné plus haut les faiblesses de
la Constitution haïtienne, mais elle est une charte dotée de sa
vertu et elle reste un ensemble de principes qui donnent direction à
l'État. Autrement dit, toutes les grandes décisions aux plus
hautes sphères de l'État doivent trouver provisions
légales dans la Constitution. Elle trace les grands principes pouvant
conduire à un régime démocratique dans le pays. Cela fait
du droit la première marche à suivre des dirigeants.
101 Van Haute Emilie, Les rapports entre droit et politique
dans un contexte d'instabilité
Institutionnelle : Effet de contagion ? Disponible
sur
http://www.lex-electronica.org/docs/articles_39.pdf
(consultée le 26 mars 2014)
102 Dorval Monferrier, La loi constitutionnelle du 9 mai
portant amendement de la constitution de 1987 est-elle sortie de vigueur ?
[dans] Fritz Dorvilier (dir), op. cit. (pp179-185).
79
Certes, ils font de la politique, certaines actions
nécessitent des réponses politiques mais le droit doit être
priorisé dans les sphères décisionnelles du pays.
Quand les autorités ont tendance à bannir les
règles de Droit, les différents pouvoirs resteront toujours dans
une situation de négociations, ce afin de trouver une réponse
politique plus ou moins adaptée aux problèmes. Dans ces cas-ci,
la Constitution et les autres règles de Droit sont en veilleuses
puisqu'il faut donner une réponse positive à partir de
négociations quotidiennes, avec un Parlement qui sera toujours en
dépendance (a) et un Exécutif négociateur (b).
a) Un parlement en dépendance
La Constitution de 1987 fait du parlement un « organe
de décision et de contrôle » des actes ou des
exécutions du pouvoir Exécutif. Quand on décide et quand
on contrôle, les moyens financiers ne sont pas les plus
nécessaires. Il est juste question de moyens de fonctionnement. Et
l'exécution d'une série de décisions nécessite au
contraire des moyens financiers adéquats. En effet, le Parlement n'a pas
besoin de grands moyens financiers pour l'accomplissement de ses tâches
contrairement à l'Exécutif qui exécute dont les moyens
financiers sont indispensables pour mener à bien des projets de
développements et autres.
Toutefois, la réalité quotidienne suscite autre
chose. Les parlementaires sont en quelque sorte des agents de
développement ou doivent se constituer en des agents de
développement. Parmi tant d'objectifs fixés, ils doivent
apporter, du mieux de leurs compétences, les revendications des
personnes représentées et aussi ils travaillent à ce que
leur réélection soit assurée. Etant donné que les
moyens financiers ne sont pas directement à leur portée, ils
seraient obligés de compromettre certains votes, ce qui pourrait aboutir
à un niveau de mendicité dépendamment de la manière
de le faire.
Nous considérerions la « mendicité
parlementaire103» comme un mécanisme d'explication
de l'absence de discussion lors des séances au parlement haïtien.
Ils connaissent déjà leur position, ils ne parlementent pas, ils
ne débattent pas avant de voter. « Passons au
vote104». Ils n'ont même pas pris du temps pour
décortiquer le degré de compromis qu'une loi puisse comporter.
103Nous appelons « Mendicité
parlementaire », le cas de certains parlementaires haïtiens qui
se complaisent de substituer leur mission de légiférer à
celle de demander des projets au Gouvernement.
104C'est généralement les propos de
certains parlementaires dont les débats dans la chambre ne les
intéressent pas, mais ils attendent toujours le moment du vote pour
faire manifester leur position connue d'avance.
80
Le vote, qui devrait être l'acte final du processus de
délibération parlementaire est désormais au parlement
haïtien le premier. Ce qui constitue aujourd'hui le niveau de
lacunes105 que comportent les lois de la République, le
niveau d'omissions106 que comporte la Constitution actuelle
(art 137).
Tout cela fait de lui, un parlement qui se placerait sous la
dépendance de l'Exécutif et par conséquent les principales
tâches ne sont pas remplies. Cette situation fait naitre de nouvelles
possibilités au profit de l'Exécutif d'avoir sous son emprise le
parlement, même si lui aussi, il doit, dans certains cas, négocier
à un niveau trop élevé pour la mise en application de
certains projets.
b) Un exécutif-négociateur
La Constitution haïtienne, née dans un contexte
particulier, -de son préambule jusqu'aux dispositions finales-, cultive
la volonté d'instaurer un régime qui, de par même de
l'esprit des constituants de Port-au-Prince, veut rompre avec les vieilles
pratiques de dictatures de l'ancien régime dans lequel le
Président était au centre de tout. En effet, la Constitution
« pose formellement le principe de la séparation des
pouvoirs107 ». Elle a prévu un ensemble de textes dont
les applications aboutiraient à une distribution suffisante du
pouvoir.
Il est indubitable que dans tout régime politique,
parlementaire ou présidentiel, le législatif et l'exécutif
soient toujours en relation de négociation. Chacun a besoin de l'autre
pour la mise en oeuvre de leurs projets. Cependant, l'excès nuit.
L'Exécutif de la République d'Haïti deviendrait un «
exécutif-négociateur» dans la mesure où pour
chaque projet à atteindre, il doit négocier avec le parlement
pour un vote positif. Dans les cas de ratification ou d'interpellation, les
négociations se portent surtout sur les portefeuilles
ministériels. Dès fois, elles se réalisent entre
individus, ce qui exclut la collectivité et l'unité de
l'assemblée nationale. Si je ne trouve pas le
105Le vice-président de l'assemblée
nationale d'alors, Levaillant Louis Jeune, reconnait que l'acte a des erreurs
matérielles, et il recommande aux décideurs de prendre plus de
temps, la prochaine fois, pour produire des actes parfaits. In (Haïti/
amendement constitutionnel : le pays est désormais sous l'égide
de la constitution amendée : dixit Simon Dieuseul Desras. (Art
consulté le 19 oct. 2012 et publié par Estinvil Succès de
Radio Vision 2000, le 20 juin
2012) disponible sur :
http://radiovision2000haiti.net/public/haiti-amendement-constitutionnel-le-pays-est- desormais-sous-legide-de-la-constitution-de-1987-amendee-dixit-dieuseul-simon-desras/
.
106Nous avons dit «omission» parce que
cet article a suscité beaucoup d'interventions médiatiques et de
revendications par des parlementaires, mais le texte a été
finalement publié sans le dernier alinéa.
107 Madistin Samuel, op cit. p61.
81
pont de Trois-Rivières, tu n'auras pas mon
vote108. Cela parait moins fragile, car cette demande a
été faite en présence de tous, en pleine séance.
Là où le bât blesse, c'est quand il s'agit
des négociations à huit clos qu'on ne connait pas les contre
parties. Le résultat, dans ce cas, n'est autre qu'un vote positif ou
négatif sans débats, sans discussions.
Généralement, ces votes sont étiquetés de
catastrophes et générateurs de crises dans le pays, ce qui n'est
pas bon pour la stabilité politique.
Encore, la Constitution de 1987 a prévu un ensemble de
droits dont leur respect ou leur application pose problèmes.
B.- Les défis juridiques du régime politique
haïtien
Haïti pays pauvre, a signé une multitude de textes
internationaux à caractère contraignant. Elle fait de la DUDH une
règle à part entière, laquelle déclaration
contenant au moins trois générations109. Celle des
droits civils et politiques que l'État ne peut se prévaloir
d'aucune contrainte pour ne pas les accorder ; la deuxième, celle des
droits sociaux économiques et culturels pour lesquels il peut ne pas
avoir les moyens nécessaires110. Et la troisième
génération qui est d'une portée nettement humanitaire
c'est à dire qu'un agent de l'État ne peut poser des actions
dégradantes à l'encontre de l'être humain.
Les droits civils et politiques s'inscrivent donc dans un
rapport dialectique entre l'État et
l'individu111.Ces droits n'avaient à l'origine qu'une
simple portée morale. De la Déclaration des Droits de l'Homme et
du Citoyen consacrée par la révolution française de 1789
à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10
Décembre 1948 adoptée par les Nations Unies, ces droits n'ont pas
été des règles juridiques proprement dites. « La
DUDH ne fait pas l'objet d'un traité ou d'accord international entre
États112». Il s'agit d'un idéal à
atteindre par les États du
108 Le cas du Sénateur Beauplan, lors de la
ratification, en juillet 2008, du Premier Ministre désigné, Mme
Pierre Louis : « Mon vote ne va pas vous empêcher d'être
Premier Ministre ce soir, mais vous l'aurez si vous avez répondu oui
sénateur, je vous donnerai le pont des trois rivières
». Telle a été la déclaration du
Sénateur. Ce n'était pas si mauvais le conditionnement de son
vote, et il l'a fait publiquement.
109Lochak Danièle, Les droits de
l'Homme, 3 éd. La découverte, Paris 2009, pp 38-41
110A nos yeux, il s'agit d'un véritable
problème, le fait qu'un État ne peut pourvoir
économiquement et socialement les activités de ses citoyens.
111Dorléans Henri M., les Droits
économiques et sociaux, in Revue de Droit et d'Economie, FDSE,
P-au-P, no 1, Janvier-Juin 2004. P68.
112Discours d'Eleanor Roosevelt à
l'assemblée générale des Nations Unies, le 9
Décembre 1948 cité par Marc Gambaraza, dans le statut Juridique
de la DUDH, in Droits fondamentaux, Janvier 2010-Décembre 2010,
p1.
82
Monde. Toutefois, cette déclaration a fini par
acquérir progressivement une force juridique relativement obligatoire en
fonction de l'État en question. En Haïti, la DUDH fait partie de la
Constitution de 1987. Elle est devenue une norme juridique interne de
l'État haïtien. Elle est consacrée sous la
dénomination « droits fondamentaux » prévus au titre
II, chapitre II de la Constitution haïtienne de 1987.
Haïti a ratifié le pacte de 1966 relatif aux
droits civils et politiques parce qu'elle manifeste la volonté de
garantir leur exercice, mais la pratique s'exprime autrement (a)
et le second, relatif aux droits socio-économiques qu'elle
avait laissés de côté par manque de moyens113.
Mais le deuxième pacte n'est-il pas le moteur de garantie de la
jouissance des droits du premier (b) ?
a) Du non-exercice des droits civils et
politiques
La réunion des droits civils et politiques constitue la
qualité du citoyen haïtien (art 16 de la Constitution de 1987) et
dont leur exercice est fonction de l'âge de la majorité
fixé à 18 ans (art 17). La compréhension de cet article
nécessite une double interprétation.
D'une part, le citoyen est celui en qui les droits civils et
politiques sont réunis. Et pour les exercer, l'individu doit avoir au
moins dix-huit ans accomplis. Autrement dit, la qualité de citoyen
haïtien est la conciliation de l'âge de la majorité (18ans)
avec l'exercice des droits civils et politiques. Si on n'a pas dix-huit ans, on
ne peut jouir de ces droits et, jouir de ces droits implique l'âge de la
majorité révolu. Toutefois, celui, qui à dix-huit et ne
jouit pas de ces droits, a choisi de les nier ou a été
frappé d'incapacité suivant les prescrits de la loi.
D'autre part, l'utilisation du mot « réunion
» au niveau de l'art 16, a une portée réductrice de la
qualité de citoyen dans la mesure où le tout est plus que la
somme des parties. L'article a parlé de la réunion et non
l'exercice de ces droits comme qualité de citoyen. On peut réunir
les droits civils et politiques, mais on ne les exerce pas en
réalité. L'exercice d'un droit implique la mise en oeuvre de
plusieurs facteurs, ajouté d'une pluralité de détails
qu'il faut prendre en considération. L'exercice d'un droit civil sous
l'empire de la contrainte n'implique pas la citoyenneté. Aussi bien
moralement qu'économiquement, quand le « citoyen » a
été contraint d'exercer son droit de vote au profit de
celui-là et au détriment de celui-ci, existe un problème
fondamental qu'il faut résoudre.
113 Le parlement haïtien l'a ratifié le 31 Janvier
2012, mais il est encore conservé dans les tiroirs.
83
Le fait de se mettre dans un isoloir pour choisir un candidat,
par exemple, est loin d'expliquer le secret et la liberté du choix.
Impressionné par la conjoncture électorale, succombé
devant les offres mesquines lors des campagnes électorales, le citoyen a
été en effet considérablement contraint de voter en faveur
de tel ou tel candidat. Ces cas constituent une sorte « d'interdiction
implicite » de la jouissance de la qualité de citoyen. Pas
d'exercice normal et volontaire de son droit sous l'empire de la contrainte et
de la violence symbolique. Des cas pareils ne peuvent être
considérés que comme des violations de la constitution, loi
mère du pays.
b) Une citoyenneté handicapée
Un régime démocratique n'est fort que quand
« il soumet le pouvoir politique à respecter les droits
civiques114», socio-économiques et
culturels. Au niveau de l'ordre interne, l'État haïtien a
créé le Ministère des Affaires Sociales et du Travail et
le Tribunal spécial du travail. Une simple énumération
d'institutions laisserait voir une jouissance apparente des droits
socio-économiques et culturels du citoyen haïtien.
Mais nous n'allons pas nous accrocher à cette vision
simpliste de la question. En effet, nous intéressent d'une façon
particulière ici, le taux de chômage, le taux d'individus de la
population active, le taux d'alphabétisation, car il s'agit d'une
question complexe dont la compréhension nécessite l'application
d'un système simple de compréhension. « Pour comprendre
le simplifié, il faut le compliquer et pour comprendre le
compliqué, il faut le simplifier 115». Ce qui veut
dire que nous n'allons pas rester sur le chômage dans le pays, ce serait
trop à notre travail mais, le mentionner faciliterait la
compréhension des défis du régime politique
haïtien.
Haïti est un pays dans lequel le taux de chômage
est de 35% sur les 2.9 millions de personnes de la population
active116. Ce qui nous a retenu l'attention c'est que le taux de
chômage avancé ici est réalisé sur la population
active. La population active est celle qui, est en âge de travailler, a
une profession et recherche un emploi. Nous avons donc une idée de la
quantité de personnes qui n'ont pas pu assurer leur survie en
Haïti.
114Touraine Alain, Critique de la
Modernité, 1992, chapitre V- Qu'est-ce que la
démocratie. P 375.
115Rochet Claude, professeur à
l'université Paris Nord. Manager dans la complexité.
P3
116 LOUIS Fritz-Gérald, un expert en analyse
économique et développement international au cours de l'atelier
de travail sur la problématique de la mesure de l'emploi, la semaine
écoulée, Le Nouvelliste, [En Ligne]. In :
http://www.lenouvelliste.com
disponible sur
http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/124222/Le-chomage-evalue-en-chiffres.htm
, novembre 2013, (page consultée le 15 janvier 2014)
84
La Constitution garantit la gratuité de
l'éducation pour permettre à tous de jouir d'une certaine
égalité, mais le taux d'alphabétisme de la population de
dix ans et plus est de 61.0% sur l'ensemble du pays. Et ce pourcentage est plus
élevé chez les hommes que les femmes : 63.8% contre 58.3%. Le
taux d'alphabétisme est de loin acceptable en milieu urbain qu'en milieu
rural (80.5% contre 47.1%)117. Dans un pays où la population
est dans l'impossibilité de se débarrasser des contingences
matérielles et ne peut prendre conscience de sa situation, il ne faut
pas s'attendre à la jouissance consciente et effective des droits civils
et politiques.
Tout développement est une suite de libertés ou
de droits. Le premier droit donne la possibilité d'accéder
à un second et ainsi de suite. La première capacité de
l'individu lui donne les moyens d'en développer une deuxième. Ce
n'est pas le cas du citoyen haïtien qui ne peut se débarrasser de
la nourriture et de sa santé précaire. Il se trouve alors dans
l'impossibilité de jouir de ses droits politiques.
Tout cela constitue un ensemble de défis juridiques
auxquels le régime politique haïtien s'affronte.
Section II.- Souhaits sur le devenir du régime
politique
Le régime parlementaire bi-représentatif
instauré par la Constitution de 1987 fonctionne depuis plus d'un quart
siècle. D'aucuns pensent qu'il est à la base de toutes les crises
de la société, loin de là, nous-même, nous avons
relaté les cas dans lesquels il constitue une cause d'instabilité
dans le pays et les défis juridiques auxquels il fait face. Dans un
régime où la nomination d'un Premier Ministre suscite tant de
remous, tant de contestations, tant de négociations, tant de perte de
temps, cela constitue en quelque sorte une source d'instabilité.
En parlant de Premier Ministre, il est important de voir ce
dernier tant au niveau de sa nomination qu'au niveau des conséquences de
son renvoi ou de sa démission. Comme nous venons tout juste de le dire,
sa nomination implique beaucoup de négociations. Demeurer en fonction
pendant plus de deux ans l'est aussi sur la base de négociations. Quand
nous disons négociations, nous faisons allusion à l'argent et aux
portefeuilles ministériels à donner. Il joue le
117 Rapport national de la République d'Haïti.
Tendances récentes et situation actuelle de l'éducation et de
la formation des Adultes. (EDFoA, Avril 2008).
85
rôle fusible du pouvoir Exécutif, il
reçoit tous les chocs que doit subir ce dit pouvoir. Il est le
responsable politique de tous les actes de ce pouvoir.
En cas de démission ou de renvoi, le Gouvernement ne
peut rien faire pour l'État que d'en liquider les affaires courantes.
Les programmes déjà élaborés par le Gouvernement
renvoyé sont susceptibles de rester dans les tiroirs ou dans les
poubelles pour toujours si le nouveau Gouvernement ne s'y identifie pas pour
une quelconque raison que ce soit. Et dès lors, tous les deniers qui ont
été dépensés à cette fin sont
dilapidés. Un pays pauvre ne peut se permettre de se baigner dans le
gaspillage économique. Jamais, il ne doit se lancer dans des
activités dont les conséquences seront néfastes à
sa propre économie.
La bonne marche d'un régime dépend aussi de sa
relation avec le peuple. Nous l'avons dit plus haut que le niveau de
participation du peuple dans les sphères politiques est aussi
déterminant dans le fonctionnement d'un régime politique. Si le
choix du candidat ne se fait pas par la voie des urnes, cela a une
conséquence sur la nature du régime. La représentation
politique implique que le peuple participe aux décisions politiques par
le choix des représentants. Si les représentants vont diriger au
nom du peuple, ce dernier doit choisir librement et consciemment les personnes
capable d'apporter le mieux ses revendications.
Par rapport à toutes ces considérations, nous
entendons proposer un régime présidentiel qui charrie avec lui
les moeurs et us du peuple haïtien (A) et d'un coup, nous nous attendons
à des résultats possibles(B).
A.- Un régime présidentiel à
l'haïtienne
Sans autorité que nous sommes, un régime
présidentiel serait bienvenu pour pallier à une série de
problèmes auxquels confronte la République d'Haïti. Dans
lequel, l'Exécutif monocéphale est doté d'une
administration pour conduire la politique sur la base de laquelle a
été élu le Chef de l'État au suffrage universel
direct. D'où une sécurité de choix du programme politique.
Le candidat sera élu sur la base d'un programme politique, et le choix
du peuple serait respecté parce qu'il n'y aurait pas un Premier Ministre
pour présenter une politique générale dont la ratification
dépendrait de la volonté d'un parlement.
86
Il n'y aurait pas de Gouvernement jouant le rôle de
fusible dont l'absence constituerait un handicap majeur pour le fonctionnement
du pays. L'administration présidentielle serait pourvue de
Secrétaires d'État compétents pour appliquer la politique
de ladite administration dans un domaine bien spécifique. Plus le peuple
est proche du pouvoir, plus il lui est facile d'exercer son influence sur les
grandes décisions nationales118. On aurait, en effet, dix
administrations périphériques placées sous le
contrôle de l'administration centrale ayant à sa tête
l'Administrateur Centrale ou Générale nommé par le
Président de la République, après avis facultatif des
Présidents des deux chambres.
Cet Administrateur Central pourrait être
questionné par le parlement sur l'application de la politique
générale du Président et en cas d'insatisfaction, il
demande, par une résolution, au Président de la République
de choisir un autre Administrateur sans que les administrateurs
périphériques ne sont pas obligés de partir. Et le
Président peut décider, de son propre gré, de mettre fin
au mandat de cet Administrateur Central. Et dans les deux cas, cela ne peut se
faire une seule fois par an.
Dans lequel régime, la place d'un parlement dont les
membres seront élus à la majorité des suffrages
exprimés, serait tout à fait de mise, car il remplirait
normalement sa mission principale de faire des lois sur toutes les questions
d'intérêt général. Légiférer est une
fonction politique moderne119. La loi est au coeur de la politique
moderne, elle doit contribuer au recul des conceptions séculaires qui
font de la politique une simple affaire de pouvoir en Haïti. A cet
égard, les parlementaires n'auraient pas l'envie d'être porteurs
des programmes de développement pour leur département ou leur
circonscription, car l'administration départementale y serait
présente et prendrait connaissance de tous les problèmes y
relatifs.
a) Régime respectant les valeurs
démocratiques
Un régime démocratique moderne est nanti d'un
ensemble de mécanismes et d'exigences différents de ceux qui ont
été retenus pour expliquer la démocratie
athénienne. Il n'est plus
118 Ici, nous nous situons dans la même position que
Jean Rénol Elie, qui veut que le peuple soit plus proche du pouvoir,
in Participation, Décentralisation, Collectivités
territoriales en Haïti. Bibliothèque nationale, P-au-P, Mars
2008, p 63-75.
119 Castagnède Bernard, La politique sans
pouvoir, puf, 2007, p49.
***Aux yeux de Castagnède, cette fonction ne peut
être entre les mains de n'importe qui, mais entre les mains des
représentants élus. La loi est le reflet de la volonté
générale, elle doit être votée par les
représentants de la majorité.
87
question d'un assemblage de textes théoriques
dépourvu d'application ou l'éloge d'un ensemble de valeurs dont
le respect est minime. Ce n'est pas non plus un régime de vingt mille
personnes dont douze milles sont des hommes citoyens pouvant participer
à la vie politique, et les autres sont écartés du champ
politique parce qu'ils n'ont pas la qualité de citoyen. Il est
plutôt un régime d'inclusion de plus de citoyens possible dans la
vie sociale et dans les sphères du pouvoir.
L'un des plus grands accrocs à l'implémentation
de la décentralisation dans ce pays à rêve
démocratique, en plus de l'absence de la volonté de
l'État, est un déficit de cadres administratifs compétents
existant dans les autres villes du pays. L'État doit procéder,
avant tout, à la formation des citoyens pour remplacer la
médiocrité par l'excellence, la corruption et la
malhonnêteté par l'intégrité, la
lâcheté par la bravoure. D'où un véritable processus
de décentralisation du pouvoir au profit de la collectivité.
Ce régime doit être pourvu d'un ensemble de
mécanismes pour le respect de la Constitution et de la loi, comme valeur
démocratique. Les règles constitutionnelles doivent être
d'application stricte. Les lois ne doivent pas être bafouées au
moment voulu. A titre d'exemple, nous pouvons considérer la violation
très récente et flagrante enregistrée le 24 Octobre 2011,
relative à l'arrestation du député en fonction Anel
Belizaire. Le corps des membres du parlement est inviolable du jour de leur
prestation de serment jusqu'à l'expiration de leur mandat. Les
parlementaires jouissent tous de l'immunité, c'est-à-dire qu'ils
ne sont pas l'objet d'arrestation pour les crimes de droit commun sauf en cas
de flagrant délit pour les cas emportant une peine afflictive et
infamante (art 115). Le côté politique de la question ne nous
intéresse guère mais l'arrestation d'un parlementaire doit se
faire dans le respect de la loi.
Les punitions pour les violations constitutionnelles doivent
être juridiques et non politiques. Toute violation juridique
nécessite une sanction juridique et non politique. A la politique de
sanctionner les violations politiques mais au Juridique de réglementer
ou de sanctionner les pratiques illégales ou non-juridiques.
En somme, ce régime politique doit se préoccuper
de la participation active du citoyen dans la prise de décisions
politiques dont la première possibilité est les élections.
Un représentant peut
88
être légal sans être légitime et
tout pouvoir, dans un État moderne, doit être à la fois
légal et légitime. Le non-respect de la loi comme boussole
conduit à une entité chaotique ingouvernable.
b) De l'encadrement du régime
souhaité
Le parlement ne serait plus un organe fondamentalement
négociateur, mais toujours est-il, nous n'écartons pas la
possibilité que ces deux pouvoirs établissent des relations
réciproques. Le Président pourrait toujours utiliser son droit de
veto sur les lois votées par le parlement, et celui-ci peut toujours
mettre en accusation le Chef de l'État en cas d'abus de pouvoir sur une
question donnée, et le pouvoir judiciaire serait normalement l'organe de
contrôle principal des actes de ces deux pouvoirs. Les membres du pouvoir
judiciaire seraient nommés par le Président sur une liste
envoyée par le parlement en consultation avec les conseils communaux et
départementaux. Passé le délai de trois mois sans faire
ces nominations, l'assemblée nationale serait de plein-pouvoirs de le
faire à sa place sur une majorité aggravée ou
surqualifiée.
La fortification de ce régime politique en Haïti
nécessite un système de partis dynamique. Le système de
partis réduit au système de clans doit tirer sa
révérence pour faire place à un système constant et
dynamique. Dans une démocratie, limiter le nombre de partis n'est pas
recommandé. Mais, la Constitution doit établir les grands
principes concernant la naissance d'un parti politique. Et chaque parti doit
être le véhicule de transport de formation juridique de ses
membres et non pas porteur d'un discours démagogique conjoncturel.
Un parti politique doit atteindre un certain niveau
d'âge avancé et de maturité avant de participer aux
élections législatives et présidentielles. Un parti
politique a un rôle très important à jouer dans un
régime politique. La majorité que demande la Constitution pour
voter une loi ou ratifier une convention doit être issue d'un parti ou
plusieurs partis politiques. Donc, ces derniers doivent avoir juridiquement une
certaine maturité, soit 5 ans ou dix ans d'existence.
Il est anormal, de se sentir bien dormir un soir, de se
réveiller dans la matinée et décider de camper un parti
politique sans objectif aucun et sans avoir la prétention de respecter
les valeurs démocratiques. On ne peut décider de faire un parti
politique sans connaître en réalité son rôle qui
n'est pas uniquement la prise du pouvoir. Les partis jouent un rôle
multiple dans la vie politique. Ils sont le moteur qui fait atterrir ou
respecter le principe de la séparation des pouvoirs.
89
L'on peut même dire que le degré de
séparation des pouvoirs dépend beaucoup plus du système de
partis que des dispositions constitutionnelles.
B.- Résultats attendus de ce nouvel agencement
politique
Tout régime politique devait être un outil de
bien être au profit de tous. Il ne suffit pas de passer de tel
régime à autre mais il est important qu'il apporte en son sein un
mieux-être à la population. Ce mieux-être peut venir
indirectement de la relation que tissent les pouvoirs entre eux ou directement
des prescrits constitutionnels en matière de respect de la
dignité humaine.
D'un côté, la liberté
généralement, est un ensemble de droits individuels et collectifs
reconnus et garantis par l'État120. Elle n'est pas
exclusivement la liberté de choisir des représentants par le
biais d'élections mais elle doit s'étendre au respect des moeurs
et les cultures de chaque individu et de la collectivité. D'un autre
côté, l'égalité doit déborder
l'égalité politique qui prône l'adage un homme, une
voix pour s'étendre vers l'égalité de chance et des
conditions de réussite et vers l'égalité devant les
services publics et de la fonction publique.
L'égalité est le fait particulier et dominant
qui singularise les siècles modernes, elle est la passion principale qui
agite les hommes dans ces temps. Aux yeux d'Alexis de Tocqueville, «
la démocratie est l'égalisation des conditions
121 ». Et une société est
démocratique dans la mesure que les distinctions des ordres et des
classes ne subsistent plus où tous les individus qui composent la
collectivité sont socialement égaux. Il exige une
égalité sociale entre les membres de la société.
Autrement dit, il ne doit pas exister de différences
héréditaires de conditions et que toutes les professions, toutes
les dignités, tous les honneurs sont accessibles à tous. Tout
État moderne doit avoir l'égalité comme loi sociale et la
démocratie comme caractère de l'État.
Le régime politique démocratique doit placer
tous les citoyens sur le même pied d'égalité sociale et
juridique. Et dans ce régime politique souhaité, nous aimerions
qu'il y ait un liquide symbiotique dans la relation entre les pouvoirs publics
de l'État haïtien (a) et que cette harmonisation
est profitable pour le peuple au niveau plusieurs compartiments
(b).
120 Microsoft® Encarta® 2009. (c) 1993-2008 Microsoft
Corporation. Tous droits réservés
121Tocqueville Alexis de, De la
démocratie en Amérique, tome II, col folio, histoire,
éditions Gallimard, France 1961, p139.
a) 90
Harmonisation des relations entre les pouvoirs
publics
L'organisation du pouvoir constitue l'essence même d'un
régime politique122. Le pouvoir doit être
séparé et constitué en un frein pour lui-même,
c'est-à- dire qu'il ne soit plus détenu par un seul homme
puisqu'une telle pratique est le propre des régimes tyranniques. La
séparation des pouvoirs est vitale pour une démocratie. Mais elle
doit être une séparation harmonisante et structurante.
Aucun pouvoir ne peut décider de vivre en vase clos
constitutionnellement, encore moins pratiquement. Le premier nous
intéresse davantage car la constitution doit établir une
meilleure relation possible entre les pouvoirs. Elle peut être née
des actes de contrôle réciproque, de nomination et des grandes
décisions nationales portant par exemple sur la déclaration de
faire ou non la guerre.
La relation entre le Législatif et l'Exécutif
peut être toujours existée sans l'être forcément par
l'existence d'un gouvernement responsable devant le parlement. Cette
responsabilité édifie une sorte d'instabilité politique en
Haïti même quand la séparation stricte n'est pas sans effets
négatifs. L'important est d'établir une sorte d'harmonie
constitutionnelle entre les pouvoirs sans que l'un soit responsable devant
l'autre mais que chacun contrôle l'autre dans la mise en oeuvre de leurs
objectifs. Quand dans une société, les conjonctures de crises et
les périodes d'instabilité sont peu fréquentes, cette
situation est porteuse de bienfaits pour le peuple.
b) Bienfaits pour le peuple
Le régime politique souhaité doit être
porteur de bienfaits pour le peuple tant en matière de la jouissance de
sa liberté qu'en son exercice. Le niveau de liberté dont
jouissent les individus est le degré de démocratie existant dans
un pays123. Certes, on ne doit pas arriver à un niveau de
jouissance qui laisse parler de libertinage, Il faut freiner par des lois les
libertés des gens pour éviter que cette liberté ne
constitue un problème au régime politique.
122 Dupuis-DERI Francis, qu'est-ce que la
démocratie ? [En ligne]. In :
http://www.erudit.org disponible sur
:
http://www.erudit.org/revue/hphi/1994/v5/n1/800967ar.pdf
(Page consultée le 10/27/2013).
123Chantebout Bernard, Droit constitutionnel et
institutions politiques, 10e éd. Armand Colin, p280.
91
L'État démocratique est l'association volontaire
de citoyens libres et égaux selon la conception de Jürgen
Habermas124. Une nouvelle façon de comprendre la
démocratie est nécessaire, il faut qu'elle tienne compte de la
complexité la société haïtienne. La presse doit jouir
de toute sa liberté pour informer des citoyens libres. Un régime
est démocratique dans la mesure qu'il fasse une considération
simultanée de l'agencement interne des libertés et des pouvoirs,
le degré de libération des individus et des groupes à
l'égard des dominations économiques et sociales125.
La dynamique démocratique se prolonge dans la
reconnaissance des « droits culturels 126» qui
englobe les libertés de l'individu à posséder et à
développer éventuellement en commun avec d'autres au sein d'un
groupe défini par des valeurs et des traditions partagées, sa
propre vie culturelle, correspondant à une identité culturelle
distincte de celle d'autres individus ou d'autres groupes. L'État
démocratique doit être capable de gérer cette
diversité culturelle (ethnique, religieuse) de ses citoyens.
Et de surcroit, les financements électoraux ne doivent
pas boycotter la liberté des citoyens. Autrement dit, il est important
d'empêcher que les dirigeants deviennent tributaires des bailleurs de
fonds des propagandes électorales. Cela constitue une source liberticide
car les représentants n'appliquent pas le programme politique sur la
base duquel ils ont été élus.
124 Habermas Jürgen, Droit et Démocratie, Entre
les faits et les normes, nrf, Gallimard, p22.
125Lavau Georges et Duhamel, Olivier, La
démocratie, in Traité de sciences politiques, vol2
de Madeleine Grawitz, puf, Paris, 1985, p31.
126Dominique Schnapper, la démocratie
providentielle, folio actuel, éditions Gallimard, Paris 2002,
p178.
92
Conclusion
Le régime politique haïtien est cadré
à la démocratie. Dans la volonté de rompre avec le
passé terrifiant sous lequel le pays a vécu pendant environ
trente ans, les constituants ont voulu doter le pays d'un régime
politique démocratique. Et ce n'est pas raté
constitutionnellement. La Constitution a établi un ensemble de
mécanismes pouvant conduire à l'atteinte de l'idéal
démocratique tant dans la relation des pouvoirs entr'eux que dans
l'attribution des prérogatives à l'être haïtien.
Cependant, le mode d'agencement de la relation existante entre
les pouvoirs, déterminant pour trouver la nature du régime, est
vraiment un maquis. Cette situation suscite beaucoup de recherches et de
débats. Dès la naissance de ce régime, des travaux sont
réalisés en la matière. A notre avis, même les
constituants de 1987 ne connaitraient pas la vraie nature du régime ou
ils pensaient lors de l'élaboration de la Constitution qu'ils allaient
instituer tel ou tel régime mais au cours de route ou à la fin,
ils ont perdu le contrôle de la nature de ce qu'ils voulaient
faire127.
Les questions ou les débats sur les régimes
politiques sont loin d'être terminés et le régime politique
haïtien n'en est pas exempt parce qu'il est une petite partie dans ce
cadre général et universel. Autrement dit, autant qu'il y ait de
débats sur les régimes politiques dans le monde, autant le
régime politique haïtien offre de nouvelles pistes de
réflexions. Donc, il est une question interminable à laquelle
chacun peut apporter un élément de réponse dans le but de
contribuer à son évolution.
Le régime politique haïtien n'est pas
semi-parlementaire semi-présidentiel. Il n'est non plus un régime
parlementaire exacerbé ou absolu malgré la diminution
considérable des pouvoirs du Président. A notre avis et dans la
perspective de la constitutionnaliste, professeure agrégée de
droit public à l'université Paris I, panthéon Sorbonne,
Marie-Anne Cohendet, la Constitution de 1987 a instauré un régime
parlementaire bi-représentatif. Il est parlementaire
parce qu'il existe le Gouvernement, responsable devant le Parlement. Il est
bi-représentatif parce que les membres du Parlement sont élus
à la majorité des suffrages exprimés et le
Président est élu au suffrage
127 Ce que Morin Edgar aurait appelé écologie de
l'action. Voir
https://www.youtube.com/watch?v=BMhL9CCRIb4,
conférence donné par Morin Edgar et Ramadan Tariq
l'Éthique aujourd'hui, entre théories et pratiques,
université Georgetown, le 29 octobre 2013.
93
universel direct. Les deux sont élus aux suffrages
directs. Donc, le peuple est doublement représenté, ce qui fait
du régime politique haïtien un régime parlementaire
bi-représentatif.
Nous rejetons du même coup les arguments qui font de
l'élection du Président de la République au suffrage
universel direct un élément essentiel du régime
Présidentiel. Dans le monde et dans le cas d'Haïti, en 2014, cet
argument est tout à fait dépassé. L'élection du
Parlement et du Président au suffrage universel fait que le peuple
jouisse d'une double représentation politique. Il choisit à la
fois les parlementaires et le Président pour le représenter et
diriger à sa place.
Dans les régimes parlementaires proprement dit ou
classique, il n'existe pas forcément un Président élu au
suffrage direct mais plutôt un roi ou une reine, le cas de l'Angleterre
qui a un Parlement élu, et un Gouvernement responsable devant eux mais
le Chef de l'État, la reine n'est pas élue par le peuple. Aux
États-Unis, il s'agit d'un régime Présidentiel parce que
fondamentalement il n'existe pas un gouvernement responsable devant le
Congrès.
Le régime politique haïtien n'est pas à
notre sens une cause essentielle de la pérennisation de la transition
démocratique. Il a prévu largement un ensemble de droits civils
et politiques, sociaux, économiques et culturels dont la jouissance
ferait réellement du citoyen haïtien un être humain.
Néanmoins, ce régime a joué un rôle dans la
misère du pays. La relation entre le Parlement et l'Exécutif est
trop compliquée. Dans la majorité des cas, les acteurs
fonctionnent comme si tout a été prévu d'avance. Ils ne
tiennent pas compte de l'époque si tel acte serait déstructurant
pour le pays ou pas. La ratification ou le renvoi du Gouvernement
soulève trop de conjonctures de crises dans le pays.
Autrement dit, quand le pays est sans Gouvernement, les
affaires de l'État sont dysfonctionnelles et dérangent tout le
programme politique sur la base duquel a été élu le Chef
de l'État. En plus, le renvoi du Premier Ministre implique d'office la
démission de tous les autres Ministres, ce qui conduit à un
problème de continuités dans les projets de l'État. Loin
de vouloir nier les contrepouvoirs, mais dans ce cas-ci, les moments de crise
sont redoutables pour la stabilité politique. Un pays instable est un
pays dysfonctionnel, car les principales activités de l'Administration
Centrale sont quasiment boycottées.
A l'époque moderne, il serait très
considérable si tous les acteurs de ce pays décidaient de rejeter
toutes les pratiques destructrices de la démocratie, et s'adonner
à une politique de redistribution
94
des richesses accumulées depuis plus de deux
siècles au profit de tous. Changer l'État, n'est pas un
changement de gouvernement, ni de régime, mais il s'agit de la
modernisation des institutions publiques pour surmonter le mode de
fonctionnement féodal, patrimonial128 et archaïque
où chaque branche de l'Administration Publique se trouve
déconnectée des autres pour arriver dans les coins les plus
reculés du pays.
C'est ce niveau d'efficacité que doit atteindre
l'Administration Publique haïtienne, pour apporter les biens et services
le plus proche possible du peuple, et de le mettre dans une situation où
il peut réellement participer et influencer sur les décisions
politiques si l'on veut instaurer réellement un régime
démocratique. Et c'est dans cet objectif que nous proposons un
régime présidentiel à l'haïtienne. Lequel
régime qui sera composé d'un Parlement, d'un Président
élu au suffrage universel direct et d'un Administrateur Central. Ce
dernier coiffera les autres Administrateurs Départementaux et sa
nomination se fera par le Président de la République après
avis facultatif des Présidents des deux Chambres mais ne peut être
demis ou renvoyé que par la même autorité de nomination.
Telles, ont été les raisons de ce long voyage
dans l'univers scientifique. Toutefois, le meilleur des régimes
politiques, n'est pas forcément le parlementarisme ou le
présidentialisme, encore moins le parlementarisme
bi-représentatif et tant d'autres mais celui qui puisse satisfaire au
plus haut niveau les besoins vitaux de l'État et de l'être
humain.
128 A l'instar de Hector Michel, in Crises et Mouvements
Populaires en Haïti, 2éd. Presses nationales, P-au-P 2006,
p100.
95
Bibliographie
I- Ouvrages
1- ARDANT, Philippe, Institutions politiques et Droit
constitutionnel, 18è éd, LGDJ, Paris 2006, 616
p.
2- BARTHELEMY, Gérard, Les Duvaliéristes
après Duvalier, l'Harmathan, Paris, 1992,
144 p.
3- BOULAD-AYOUB, Josiane, Légitimité,
légalité et vie politique, collection Classique des sciences
sociales, Québec 2003, 13 p.
4- BURDEAU, Georges, Droit constitutionnel et
institutions politiques, 6e éd. LGDJ, Paris
1974, 660 p.
5- CASTAGNEDE, Bernard, La politique sans pouvoir, puf,
Paris 2007, 168 p.
6- CHAGNOLLAUD, Dominique, Droit Constitutionnel
contemporain, tome 1, théorie générale, les
régimes étrangers, 4e éd. Armand colin, Paris 2004 390
p.
7- CHANTEBOUT, Bernard, Droit constitutionnel et
institutions politiques, 10e éd. Armand
Colin, Paris 1991, 280 p.
8- CHANTEBOUT, Bernard, Droit constitutionnel, Sirey
université, 23e éd. Paris Aout 2006, p 290 p.
9- DEBBASCH, Charles et al. , Droit Constitutionnel et
institutions politiques, 3e éd. augmentée et
corrigée, ECONOMICA, Paris 1990, 977 p.
10- COHENDET, Marie-Anne, La cohabitation, leçons
d'une expérience, Puf, Paris 1993, 76 p.
11- DESHOMMES, Fritz, Et si la constitution de 1987
était porteuse de refondation, éd. cahiers universitaires,
P-au-P 2011, 88 p.
12- DIEDERICH, Bernard, le prix du sang, la
résistance du peuple haïtien à la tyrannie,
tome 1 ; François Duvalier (1957-1971), traduction de
l'anglais par Jean-Claude Bajeux, Ed Henri Deschamps, P-au-P, oct. 2005, 414
p.
13- DORVAL, Monferrier, La place de la loi et de la
coutume en Haïti, in de la place de la coutume dans l'ordre juridique
Haïtien, Bilan et perspectives à la lumière du
droit comparé de Gilles Paisant (dir), PUG, Grenoble, 2003, 221
p.
14- DORVILIER, Fritz (dir), Introduction, in
l'Amendement de la constitution de 1987, Enjeux, limites et
perspectives. Ed. Group, P-au-P, février 2012, 205 p.
15- DUVERGER, Maurice, Les partis politiques, essais
1992, Armand Colin, Paris 565 p.
16-
96
ETIENNE, Sauveur Pierre, Haïti : misère de la
démocratie, l'Harmattan, Paris, 1999, 285 p.
17- FARNSWORTH, Allan, E. Introduction au système
juridique des USA. Nouveaux horizons, Paris 1976, 282 p.
18- GRAWITZ, Madeleine et LECA Jean, Traité de
science politique, tome II, Vol2, les régimes politiques
contemporains, puf, Paris, 1985, 714 p.
19- HAMON, Francis et TROPER, Michel, Droit
constitutionnel, 28è éd. LGDJ, Paris 2003, 824
p.
20- HECTOR, Michel, Crises et Mouvements Populaires en
Haïti, 2e éd. Presses nationales P-au-P 2006, 243
p.
21- HOBBES, Thomas (1651), Léviathan, chap.
XVI, coll. : "Les classiques des sciences sociales, Édition
réalisée le 3 janvier 2004, revue et corrigée le 12 juin
2012 à
Chicoutimi, Québec, 143p.
22- JACQUÉ, Jean Paul, Droit constitutionnel et
institutions politiques, 8è éd. Dalloz, Paris
2010, 246 p.
23- JEAN JACQUES, Fritz, Le régime politique
haïtien (l'Etat oligarchique 1930-1986) les éd. Oracle,
Québec, 2003, 329 p
24- LATORTUE, Youri, Le devoir de servir, éd.
group, P-au-P 2012, 187p.
25- LECLERC, Claude, Institutions politiques et Droit
Constitutionnel, 3è éd, litec droit, Paris 1989,
423 p.
26- Les Éditions Fardin, Deux Siècles de
constitutions haïtiennes 1801-1987, P-au-P, 2010, 327 p.
27- MADISTIN, Samuel, Coopération et
développement : le rôle du pouvoir législatif dans le
fonctionnement moderne de l'État, bibliothèque nationale,
P-au-P, 2001, 263 p
28- MANIGAT, Mirlande, Manuel de droit
constitutionnel, uniq, Imprimeur II, P-au-P octobre 2004, 235 p.
29- MANIGAT, Mirlande, Plaidoyer pour une nouvelle
constitution, éd, Zemes, Canada
2010, 237 p.
30- MANIGAT, Mirlande, Entre les normes et la
réalité. Le parlement Haïtien (1806-2007),
université Quisqueya, Presses de l'imprimeur II, P-au-P, 2007, 540 p.
31- MASCLET, Jean Claude et VALETTE, Jean Paul, Droit
constitutionnel et Institutions politiques, 2e éd.
Dalloz, Paris 1997, 287 p.
32- MICHEL, Georges, La constitution de 1987 : souvenir
d'un constituant, éd Henri Deschamps, P-au-P 1991, 237 p.
33- MICHEL, Georges, La constitution de 1987 : le
point, Presses de Kopirapid, Port-au-Prince, Nov. 2007, 16 p.
34-
97
MOISE, Claude, Constitutions et Luttes de pouvoir en
Haïti, la faillite des classes dirigeantes 1804-1915, tome 1,
2e éd. éd. UEH, P-au-P, 2009, 413 p.
35- MOISE, Claude, Constitutions et Luttes de pouvoir en
Haïti, la solution américaine 1915-1946, tome 2, 1ère
édition, Editions CIDHICA, Montréal, 1990,340 p.
36- MOISE, Claude, Un pas avant, deux pas de
côté. Chronique des années 2004-2008, Éd. UEH,
P-au-P 2011, 419 p.
37- MOISE, Claude et HECTOR, Cary, rapport sur la
question constitutionnelle et annexes, Presses nationales d'Haïti,
P-au-P 2010, 92 p.
38- MONTESQUIEU (1748), Esprit des lois, livre XI,
chapitre IX, coll. : "Les classiques des sciences sociales, Québec, mai
2002, 127 p.
39- PACTET, Pierre, Institutions politiques et Droit
Constitutionnel, 11e éd. Masson, Paris 1992, 567 p.
40- PIERRE-CHARLES, Gérard, Radiographie d'une
dictature, éditions NOUVELLE
OPTIQUE, Montréal, 1973, 205 p.
41- PIERRE LOUIS, Patrick et VERNET, Jacques, Diagnostic
de la politique législative en Haïti, Canada 2008, 133 p.
42- QUERMONNE, Jean-Louis, L'alternance au
pouvoir, Col. Clefs, L.G.D.J, Paris, mai 2003, 160 p.
43- QUERMONNE, Jean Louis, Les régimes politiques
occidentaux, Éditions du Seuil, Paris, Février 1986, 316
p.
44- REMOND, René, Histoire des
États-Unis, coll., Que sais-je ? puf, Paris 1961, 127p
45- ROY, Jean Claude H. Entre la lettre et l'esprit de la
constitution de 1987. Ed. Henri Deschamps, P-au-P 1992, 149 p.
46- ROY, Jean Claude H. Les pouvoirs : la constitution de
1987 et la fin de l'arbitraire. Ed. Henri Deschamps, P-au-P 1991, 183
p.
47- TOCQUEVILLE, Alexis de, De la démocratie en
Amérique, tome II, col folio, histoire, éditions Gallimard,
Paris 1961, 139 p.
48- ZARKA, Jean Claude, Introduction au Droit
Constitutionnel, 4e éd., ellipses Toulouse, 172 p.
98
II- Documents Officiels
1- LE MONITEUR, Journal Officiel de la République
d'Haïti, Arrêté du 19 juin 2012 publiant la loi
constitutionnelle portant amendement de la Constitution de 1987(Reproductions
pour erreurs matérielles) correspondances y attachées,
Numéro extraordinaire, Mardi 19 Juin 2012, 167ème année,
No 96.
2- LE MONITEUR, Journal Officiel de la République
d'Haïti, Décret du 17 mai 2005, portant révision du
statut général de la fonction publique, P-au-P, Vendredi 22
Juillet 2005, 160ème année, spécial no 7.
3- LE MONITEUR, Journal Officiel de la République
d'Haïti, Constitution de la République d'Haïti 1987,
numéro extraordinaire, P-au-P, Mardi 28 Avril 1987,
142ème année, No 36.
4- LE MONITEUR, Journal Officiel de la République
d'Haïti, Constitution de la République d'Haïti 1964
amendée- Reproductions pour erreurs matérielles P-au-P,
jeudi 25 fév. 1971, 126ème année, No 16.
5- LE MONITEUR, Journal Officiel de la République
d'Haïti, Constitution de la République d'Haïti 1964,
Numéro Extraordinaire P-au-P, lundi 22 juin 1964, 119ème
année, No 62-A.
6- LE MONITEUR, Journal Officiel de la République
d'Haïti, Constitution de la République d'Haïti 1957,
Numéro Extraordinaire P-au-P, dimanche 22 décembre 1957,
112ème année, No 144.
7- LE MONITEUR, Journal Officiel de la République
d'Haïti, Constitution de la République d'Haïti 1950,
P-au-P, Novembre 1950, 105ème année.
III- Revues ou journaux
1. La chronique judiciaire d'Haïti. MATHE, Vladimir
Yvon, Le parlement, contrepoids de l'arbitraire, No 163, 14
années, Avril 1994. P17.
2. Le Matin, document pour l'histoire, Original
de l'acte de l'indépendance d'Haïti. Vendredi 2- jeudi avril
2010, no 34212.
IV-Mémoires Consultés
1- BERNABE Jean Claude, Les pouvoirs exorbitants du
parlement haïtien dans le cadre de la Constitution du 29 mars 1987,
Mémoire FDSE, 000718j, mai 1997, 93p.
2- CHARLES Odilien, Le régime politique
haïtien sous l'empire de la Constitution de 1987 : une source
d'instabilité gouvernementale, Mémoire FDSE, 002186,
Port-au-Prince 2011, 91 p.
3- DESROSIERS Daniel, la constitution de 1987 et de la
théorie de la séparation des pouvoirs, Mémoire FDSE,
000632, DES-J Port-au-Prince 1996, 77 p.
4-
99
TASSY, Elide Gina, Le régime politique
instauré par la constitution de 1987 dans la typologie des
régimes démocratiques FDSE, Mémoire de sortie, TAS-j,
Pau-P, mars 1994, 121p.
5- JACQUES, Hans Berry, La Crise de la
représentation démocratique libérale et l'imbroglio du
régime politique haïtien, FDSE, mémoire de sortie,
Avril 2012, 108p.
6- JEAN Destin, La puissance
quasi-illimitée du parlement et la fragilité de la
suprématie de la Constitution de 1987, Mémoire FDSE,
001948j, Port-au-Prince 2009.
7- JEAN-PIERRE Gary Frantz cy, La constitution de 1987,
une charte fondamentale contre le Président de la République,
Mémoire FDSE, 001216 JEA-j Port-au-Prince 2002, 78p.
8- MIROLD Edmond, De l'originalité du
régime politique instauré par la constitution de 1987 au regard
des régimes contemporains et des constitutions haïtiennes
antérieures?, Mémoire FDSE, 000833 MIR, Port-au-Prince,
avril 1998, 109p.
9- PIERRE Yvon, Evolution du pouvoir exécutif et
du pouvoir législatif dans le droit constitutionnel de l'état
d'Haïti, Mémoire FDSE, 000870j, Port-au-Prince, Juillet1998,
138p.
10- PIERRE LOUIS, Jean Eugene, Le Président de la
République dans le nouveau régime politique institué par
la Constitution de 1987, une pyramide renversée, Mémoire
FDSE, 000607 PIE-J oct. Port-au-Prince 1996, 93p.
11- PIERRE LOUIS Wilford, La Constitution de 1987 et le
nouveau régime politique haïtien, Mémoire FDSE, 000629
PIE-j, Port-au-Prince, 1996,84p.
12- THELUSMA, Jean Corvington, Equilibre difficile entre
l'exécutif et le législatif, Mémoire FDSE, 000626
THE-j Port-au-Prince, juillet 1996, 115p.
V- Sites internet (Articles)
1- AMAR Céline, Le président de la
République dans les régimes parlementaires bi
représentatifs européen, Thèse de Doctorat, 2003 -
Université Lumière Lyon 2, Marie Anne Cohendet, directrice de
thèse. Disponible sur :
http://theses.univ-lyon2.fr/documents/lyon2/2003/amar
c (page consultée le 21/03/3014).
2- AMAR Céline, Le président de la
République dans les régimes parlementaires bi
représentatifs européen, Titre 3, La puissance variable du
Président. Thèse de Doctorat, 2003 - Université
Lumière Lyon 2, Marie Anne Cohendet, directrice de thèse.
Disponible
sur :
http://theses.univ-
lyon2.fr/documents/lyon2/2003/amar
c/pdfAmont/amar c titre03.pdf (page consultée le
21/03/3014).
3- Constitutions de Zimbabwe de 2013 et de 1980.
http://www.parlzim.gov.zw/attachments/article/56/constitution.pdf
et
http://aceproject.org/ero-en/regions/africa/ZW/Constitution%20of%20Zimbabwe%201980.pdf/at
download/file (page consultée le 21/03/3014).
4-
100
DUPUIS-DERI, Francis, qu'est-ce que la démocratie
? [En ligne]. In :
http://www.erudit.org disponible sur
:
http://www.erudit.org/revue/hphi/1994/v5/n1/800967ar.pdf
(Page consultée le 10/27/2013).
5- LOUIS, Fritz-Gérald, un expert en analyse
économique et développement international au cours de l'atelier
de travail sur la problématique de la mesure de l'emploi, la semaine
écoulée, Le Nouvelliste, [En Ligne]. In :
http://www.lenouvelliste.com
disponible sur
http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/124222/Le-chomage-evalue-en-chiffres.html
, novembre 2013.
6- MORIN, Edgar et RAMADAN, Tariq, l'Éthique
aujourd'hui, entre théories et pratiques, Conférence,
université Georgetown, le 29 octobre 2013, disponible sur :
https://www.youtube.com/watch?v=BMhL9CCRIb4,
In
http://www.youtube.com (page
consultée le 10 novembre 2013).
7- Guillaume - groupe Durruti (Lyon), La
démocratie participative ou l'art d'absorber la contestation
sociale, disponible sur
http://kropot.free.fr/demopart.htm
(page consultée le 15 février 2014).
8- GRIGNON, Philippe, Le peuple et ses
représentants. [En ligne]. In :
www.la vie des
idees.fr disponible sur :
http://www.laviedesidees.fr/Le-peuple-et-ses-representants.html
(page consultée le 17/02/2013).
9- JACQUES Ndjoku wa Ndjoku, Problématique du
régime politique en RDC : cas de la Constitution du 18 février
2006, Licence en Droit 2011, Université libre de Kinshasa,
disponible sur :
http://www.memoireonline.com/02/12/5380/m
Problematique-du-
regime-politique-en-RDC-cas-de-la-Constitution-du-18-fevrier-200614.html
(page consultée le 21/03/3014.
10- MONTESQUIEU, De l'Esprit des lois, Gallimard,
Paris, 1995 (sic) cité par Cédric Milhat, La
souveraineté du/des peuple(s) : utile/ultime contre-pouvoir face
à l'État et à
l'Union européenne ? [En ligne].disponible sur
:
http://www.droitconstitutionnel.org/congresParis/comC6/MilhatTXT.pdf
(page consultée le 04/02/2014)
11- ROSANVALLON, Pierre, L'universalisme démocratique
: histoire et problèmes. [En
ligne]. In :
www.la vie des
idees.fr disponible sur
:
http://www.laviedesidees.fr/IMG/pdf/20080128_rosanvallon.pdf
(page consultée le 10/27/2013).
12- Site consacré au rôle des contre-pouvoirs !,
Le rôle des contres pouvoirs. [En ligne].disponible sur :
http://role-contre-pvrs.e-monsite.com/ (page consultée le
04/02/2014)
13-
101
ESTINVIL, Succès, Haïti/ amendement
constitutionnel : le pays est désormais sous l'égide de la
constitution amendée : dixit Simon Dieuseul Desras, P-au-P, 20 juin
2012
[En ligne]. In
http://www.radiovision2000haiti.net,
disponible sur :
http://radiovision2000haiti.net/public/haiti-amendement-constitutionnel-le-pays-est-desormais-sous-legide-de-la-constitution-de-1987-amendee-dixit-dieuseul-simon-desras/.
(page consultée le 19 oct. 2012)
14- VAN HAUTE, Emilie, Les rapports entre droit et
politique dans un contexte d'instabilité Institutionnelle : Effet de
contagion ? [En ligne]. In
http://www.lex-electronica.org
disponible sur
http://www.lex-electronica.org/docs/articles
39.pdf (page consultée le 26 mars 2014).
102
Table des matières pages
Avant-propos i-ii
Liste des sigles et abréviations iii
Introduction générale .1-12
Première partie
Le pouvoir politique haïtien : Entre une
institutionnalisation manquée et une personnalisation
destructrice 13
Chapitre I
|
|
Les premières tentatives d'institutionnalisation
du pouvoir politique
|
..16
|
Section I.- De la présomption d'un pouvoir
démocratique
|
.17
|
A.- Une institutionnalisation en gestation
|
.18
|
a) De l'élection au suffrage universel
|
19
|
b) A l'esquisse d'une réforme du pouvoir
|
20
|
B.- Un régime à contre-pouvoirs
|
..21
|
c) Questionnement du Cabinet Ministériel
|
. ..22
|
d) Dissolution du corps législatif
|
.23
|
Section II.- Vers l'amorce d'une personnalisation
|
24
|
A.- Un monocaméralisme provoqué
25
c) Une attaque par le haut 26
d) Chambre unique et sans coéquipiers
.27
B.- Moyens de concentration du pouvoir ..28
c) Une présidence renforcée
.29
d) La Constitution de 1957, assise du Président
de la République de 1957 .30
Chapitre II
|
|
La résurgence de la personnalisation du pouvoir
politique
|
32
|
Section I.- Un pouvoir accaparé et
personnalisé
|
..33
|
A.- Un pouvoir sans possibilités d'alternance
|
..34
|
c)
103
L'alternance politique sous Duvalier ..36
d) Une alternance immatérielle
.37
B.- Un Président-Roi de la République
38
c) Le fameux droit de désignation de son
successeur 39
d) La mort et le Président de la
République 40
Section II.- De la consolidation de la
personnalisation 41
§2. - Un pouvoir infantilisé
42
c) De la gouverne du pays .43
d) De la législation du pays 44
§ 1.- Création d'un gouvernement : une
feinte institutionnelle .46
c) Un bicéphalisme inopérant
.47
d) Fin du temps des constitutions dictatoriales
Seconde partie
La Constitution de 1987 : un acte de rupture et de
divorce
|
48
.49
|
Chapitre I
|
|
De l'essence du régime politique haïtien
|
51
|
Section I.- Pour une catégorisation du
régime politique haïtien
|
52
|
A.- Le parlement et ses compétences
|
52
|
c) L'unité du bicaméralisme haïtien
|
53
|
d) Le parlement dans l'exercice de ses compétences
|
....54
|
A.- Le bicéphalisme de l'Exécutif
haïtien instauré par la Constitution de 1987.......55
c) Un président-mineur
|
56
|
d) Un gouvernement-majeur et responsable
|
58
|
|
Section II.- Motifs pour une qualification du
régime
|
.59
|
A.- Modalités d'accession au pouvoir
|
....60
|
c) Election du corps législatif haïtien
|
61
|
d) Election du Président de la République
d'Haïti
|
63
|
|
104
B.- Le système de contrôle
|
64
|
a) Un mode de contrôle exceptionnel
|
.65
|
b) Nouveauté constitutionnelle : de la double
négociation à l'unité
|
.67
|
|
Chapitre II
|
|
Le régime politique haïtien : sa
réalité et son devenir
|
70
|
Section I.- Section I.- La réalité du
régime politique haïtien
|
..71
|
A.- Substitution de la politique au Droit
|
..72
|
a) Un parlement en dépendance
|
.73
|
b) Un exécutif-négociateur
|
.74
|
B.- Les défis juridiques du régime
politique haïtien
|
75
|
a) Du non-exercice des droits civils et politiques
|
.76
|
b) Une citoyenneté handicapée
|
..77
|
|
Section II.- Souhaits sur le devenir du régime
politique
|
.78
|
A.- Un régime présidentiel à
l'haïtienne
|
79
|
a) Régime respectant les valeurs
démocratiques
|
..80
|
b) De l'encadrement du régime souhaité
|
82
|
B.- Résultats attendus de ce nouvel agencement
politique
|
.83
|
c) Harmonisation des relations entre les pouvoirs
publics
|
84
|
d) Bienfaits pour le peuple
|
84
|
|
Conclusion
|
..86
|
|