I.1.6.3. Le modèle de Solow
Robert Solow propose un modèle néoclassique de
croissance. Ce modèle repose essentiellement sur l'hypothèse
d'une productivité marginale décroissante du capital dans la
fonction de production. Le modèle est dit néoclassique au sens
où les facteurs de production sont utilisés de manière
efficace et rémunérés à leur productivité
marginale. Solow montre que cette économie tend vers un état
stationnaire. Dans ce modèle, la croissance de long terme ne peut
provenir que du progrès technique (et non plus de l'accumulation du
capital)17.
Si on pense que tous les pays convergent vers le même
état stationnaire, alors le modèle de Solow prédit un
phénomène de convergence : les pays pauvres devraient
croître plus vite que les pays riches.
L'une des faiblesses théoriques du modèle de
Solow vient du fait qu'il considère le progrès technique comme
exogène. Autrement dit, il ne dit rien sur la façon dont le
progrès technique apparaît.
I.1.6.4. Endogénéiser le progrès
technique : les nouvelles théories de la croissance
Les théories récentes cherchent
précisément à rendre ce facteur endogène
c'est-à-dire à construire des modèles qui expliquent son
apparition. Ces modèles ont été développés
à partir de la fin des années 1970 notamment par Paul Romer,
Robert E. Lucas et Robert Barro. Ils se fondent sur l'hypothèse que la
croissance génère par elle-même le progrès
technique. Ainsi, il n'y a plus de fatalité des rendements
décroissants : la croissance engendre un progrès technique qui
permet que ces rendements demeurent constants. La croissance, si elle
génère du progrès technique, n'a donc plus de limite.
À travers le progrès technique, la croissance constitue un
processus qui s'auto-entretient.
16 Jean Arrous : les théories de la croissance,
seuil, P.265
17 Robert Solow, « A
contribution to the theory of economic growth », Quarterly
Journal of Economics,ý 1956
15
Ces modèles expliquent que la croissance engendre du
progrès technique par trois grands mécanismes.
> Le Learning by doing : plus on produit, plus on
apprend à produire de manière efficace. En produisant, on
acquiert en particulier de l'expérience, qui accroît la
productivité ;
> la croissance favorise l'accumulation du capital humain,
c'est-à-dire les compétences possédées par la main
d'oeuvre et dont dépend sa productivité. En effet, plus la
croissance est forte, plus il est possible d'accroître le niveau
d'instruction de la main-d'oeuvre, en investissant notamment dans le
système éducatif. D'une manière générale, la
hausse du niveau d'éducation de la population - par des moyens publics
ou privés - est bénéfique ;
> la croissance permet de financer des infrastructures
(publiques ou privées) qui la stimulent. La création de
réseaux de communication efficaces favorise, par exemple,
l'activité productive.
« La principale des conclusions de ces nouvelles
théories est qu'alors même qu'elles donnent un poids important aux
mécanismes de marché, elles en indiquent nettement les limites.
Ainsi il y a souvent nécessité de créer des arrangements
en dehors du marché concurrentiel, ce qui peut impliquer une
intervention active de l'État dans la sphère économique
». En particulier ce « retour de l'État » se traduit par
le fait qu'il est investi d'un triple rôle :
> Encourager les innovations en créant un cadre apte
à coordonner les externalités qui découlent de toute
innovation (par exemple grâce à la protection qu'offre aux
innovateurs les brevets) ;
> Susciter celles-ci en investissant dans la recherche
(notamment fondamentale) et les infrastructures dont les externalités
dépassent le profit que peuvent en attendre les acteurs privés
;
> Améliorer le capital humain en investissant dans
le système éducatif. D'une manière générale,
c'est le rôle des politiques structurelles de l'État, en
particulier les investissements dans le capital public, qui est ainsi
souligné.
Ces modèles sont toutefois très frustes en ce
qu'ils n'expliquent pas les mécanismes précis qui font que la
croissance économique stimule le progrès technique. En
particulier, chacun des modèles de ces théories ne s'attache
qu'à un seul mécanisme liant progrès technique et
croissance. Comme le notent Dominique Guellec et Pierre Ralle, « Le
modèle général recouvrant l'ensemble des formes du
progrès technique est sans doute trop complexe pour être
élaboré, ce qui limite la portée des résultats
obtenus puisque les interactions entre plusieurs formes existantes sont
ignorées ».
.
16
SECTION.2. QUELQUES INDICATEURS DE LA CROISSANCE
ECONOMIQUE I.2.1. PRODUIT INTERIEUR BRUT
Le produit intérieur brut (PIB) est
l'un des agrégats majeurs des comptes nationaux. Sa dénomination
anglaise est le GDP, pour Gross Domestic Product. En tant qu'indicateur
économique principal de mesure de la production économique
réalisée à l'intérieur d'un pays donné, le
PIB vise à quantifier pour un pays et une année donnés la
valeur totale de la « production de richesse » effectuée par
les agents économiques résidant à l'intérieur de ce
territoire (ménages, entreprises, administrations
publiques)18.
Le PIB reflète donc l'activité économique
interne d'un pays et la variation du PIB d'une période à l'autre
est censée mesurer son taux de croissance économique. Le PIB par
habitant mesure le niveau de vie et, de façon approximative, celui du
pouvoir d'achat car n'est pas prise en compte de façon dynamique
l'incidence de l'évolution du niveau général des prix.
Il diffère du produit national brut (PNB) qui
additionne au PIB (produit intérieur brut) les rentrées nettes de
revenus de facteurs en provenance de l'étranger (revenus de facteurs
provenant du reste du monde diminués des revenus de facteurs
payés au reste du monde).
La composition de cet indice est dans certains cas sujette
à caution ou à suspicion, en particulier lorsque les
gouvernements y voient un outil politique et qu'ils ont la capacité
d'influencer la production de cet indicateur1.
La notion de PIB fait l'objet de contestations
:
? Le PIB comme indicateur de richesse ne
considère qu'une partie de la valeur créée par
l'activité économique2 et de plus qu'une
valeur déterminée de façon comptable.
? Sont ainsi comptabilisées des activités dites
« négatives » (par exemple des dépenses
liées aux accidents domestiques, industriels ou
routiers).
? Sont également comptabilisées des valeurs dont
le statut « productif » mérite question (jusqu'à quel
point, par exemple, la publicité ou le marketing sont-ils des
activités réellement « productives » ?)
? Par contre, ne sont pas comptabilisées les
activités positives à la fois non marchandes et non
administratives, comme l'art ou les activités altruistes (par exemple le
logiciel libre) ou les activités bénévoles ou encore la
production domestique assurée au quotidien au sein de la famille.
I.2.1.1. Origine
À la demande du congrès américain en
1932, Simon Kuznets crée une comptabilité nationale aux
États-Unis, et invente le produit intérieur brut, en 1934 afin de
mesurer l'effet de la Grande Dépression sur l'économie. On ne
dispose en effet à cette époque
d'aucun indicateur synthétique. En France, il
apparaît après la Seconde Guerre mondiale, tout comme la
comptabilité nationale.
18 Notes de cours de macroéconomie,
inédit L1 GFI, Unilu, 2014.
17
19 Idem
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