Piraterie ou contrefaçon des oeuvres musicales: facteurs explicatifs, modes opératoires et impact sur les artistes-musiciens à Yaoundé( Télécharger le fichier original )par Joel Christian NKENG à NKENG Université de Yaoundé 1 - Master 2 en Sociologie 2010 |
CHAPITRE IDEMOGRAPHIE GALOPANTE, CRISE ECONOMIQUE, DEVELOPPEMENT DES TIC ET CRISE DES VALEURS MORALES AU COEUR DU PHENOMENE
« La cause déterminante d'un fait social doit être recherchée parmi les faits sociaux antécédents, et non parmi les états de conscience individuelle ». Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, Paris, P.U.F, « Collection Quadrige », 1981, (1ère éd.1895), p.109. I- DEMOGRAPHIE GALOPANTE, RECESSION ECONOMIQUE DES ANNEES 80 ET PAUVRETE Il existe un rapport de consubstantialité entre la croissance constante de la population, la crise économique et la pauvreté au Cameroun. I.1- La démographie galopanteCette analyse, sans avoir la prétention de procéder à une étude quantitative de la population humaine de la ville de Yaoundé, ou encore de vouloir saisir l'évolution et les mouvements de la population camerounaise dans son ensemble, voudrait simplement montrer que la demande en biens et services de cette population va crescendo au fil des ans. Il s'agit en effet de montrer que la croissance rapide de la population a accru la demande des biens dans la société, et partant celle de l'offre de services. Ainsi, la demande des oeuvres musicales par une population devenue de plus en plus nombreuse, n'a pas tardé à se faire ressentir. A l'heure actuelle la population mondiale connaît un accroissement inquiétant. Si la plupart des discours scientifiques et politiques s'accordent à reconnaître cela, il faut dire que certaines prévisions indiquaient déjà que : « la part des africains dans la population mondiale est appelée à s'accroître : 9% de l'humanité vers 1960, 12% en l'an 2000, 19% vers l'an 2025 » 134(*). Ces chiffres témoignent à suffisance de la rapidité avec laquelle la population africaine s'accroît dans le temps. Et le Cameroun n'est pas en marge de cette dynamique. En effet, à l'issue du premier Recensement Général de la Population et l'Habitat (RGPH) au Cameroun qui avait eu lieu en 1976, l'on avait dénombré 7.663.246 d'habitants. Le deuxième RGPH de 1987 établissait l'effectif total de la population à 10.493.655 d'habitants. Toutefois, dans beaucoup de pays africains, compter les hommes et les femmes est une opération complexe et difficile. C'est ce qui explique le fait qu'au Cameroun, il a fallu attendre 18 ans pour que le gouvernement organise le troisième RGPH, notamment en 2005. Entre temps, l'on s'est contenté de quelques probabilités officielles, dont le mérite est d'avoir souvent donné des estimations, des projections ou des approximations assez satisfaisantes de la population. De ces projections, l'on peut retenir que la population camerounaise qui se caractérise par son extrême jeunesse, a un taux de croissance annuel qui est passé de 3,0% en 1976 à 2,87% en 2000135(*). En 2001, la population camerounaise était estimée à 15,5 millions d'habitants, avec un taux de 44% de jeunes de moins de 15 ans et 20% qui se retrouvent dans la tranche d'âge de 15 à 24 ans136(*). Les mêmes sources, s'appuyant sur des calculs effectués par le FMI en octobre 2000, estimaient que la population camerounaise est théoriquement passée à plus de 17.106.000 habitants. D'autres projections avançaient respectivement les chiffres de 18 millions en 2005, 23 millions en 2014 et 25 millions en 2020. D'après les résultats provisoires de la 3e enquête camerounaise auprès des ménages (ECAM III), « la population camerounaise est estimée à 17,9 millions de personnes en 2007, dont 51% de femmes et 49% d'hommes ». Cette enquête, réitère l'idée que : « cette population est extrêmement jeune : 43% de personnes ont moins de 15 ans et 3,5% seulement sont âgés de 65 ans ou plus»137(*). L'on a eu quelque idée de la taille exacte de cette population, lorsque Louis Paul MOTAZE, ministre de l'Economie, de la Planification et de l'Aménagement du Territoire (MINEPAT), présidant la cérémonie du lancement des activités marquant la célébration de l'édition 2009 de la Journée mondiale de la population, lançait aux journalistes : « la population camerounaise est estimée à 18 millions d'habitants. Des résultats qui n'attendent plus que leur publication officielle par le Chef de l'Etat 138(*)». C'est finalement le 14 avril 2010 dernier que les résultats du troisième RGPH ont été connus, au cours d'une cérémonie solennelle de publication officielle organisée par le gouvernement. Près du double que lors du dernier recensement en 1987, « au 1er janvier 2010, la population camerounaise était exactement de 19.406.100 d'habitants », selon Abdoulaye YAOUBA, ministre délégué auprès du ministre de l'Economie, de la Planification et de l'Aménagement du Territoire. Au regard de ces résultats, il se dégage quelques constats saisissants : Le taux d'accroissement démographique est de 2,6% en moyenne annuelle, chiffre en retrait à celui de 2005 qui était de 2,8%. En outre, ajoute le ministre : La population camerounaise compte en général plus de femmes que d'hommes. Elle est composée de 50,5% de femmes et de 49,5% d'hommes. Plus de la moitié de la population a moins de 25 ans et le nombre des moins de 14 ans dépasse largement la barre des 40%. La population de notre pays est donc essentiellement une population jeune. Nonobstant les taux de mortalité infantile qui se sont dégradés, surtout au cours de la dernière décennie, la démographie camerounaise reste forte et dynamique, notamment grâce à un taux de fécondité qui, quoique en baisse relative, reste au-dessus de cinq enfants par femme en moyenne.139(*)
A la lumière des résultats publiés, l'on peut également retenir que la densité de la population varie de 7,4 habitants au kilomètre carré dans l'Est, à 141,5 habitants au kilomètre carré dans le Littoral. Et à en croire les projections, au rythme actuel, cette population est appelée à doubler tous les 25 ans environ. A l'échelle continentale, « ce qui retient ici l'attention, c'est surtout, l'extrême jeunesse de la population africaine. 50% des habitants du continent ont moins de 25 ans ; 3% à peine ont 65 ans »140(*). Les résultats du 3e RGPH viennent confirmer les données concernant l'extrême jeunesse de la population camerounaise, qu'une enquête de l'INS avait déjà évoquée en ces termes : Les jeunes de moins de 17 ans représentent la moitié de la population, et les personnes de plus de 65 ans, 3%. La taille moyenne des ménages se situe à 4,5 personnes et les femmes chefs de ménage (surtout monoparentaux) sont de plus en plus nombreuses. Au niveau national, le taux d'activité des personnes de 10 ans et plus est de 71,5%. Ce taux voile de fortes disparités selon la région et le milieu de résidence. On observe que les hommes sont globalement plus actifs que les femmes (74,8% contre 68,3%) et que le pic d'activité se retrouve dans la tranche d'âge 30 à 49 ans.141(*) 52% de cette population, a par ailleurs révélé le ministre Abdoulaye YAOUBA, vit dans les centres urbains ; ce qui témoigne d'un phénomène d'urbanisation accéléré. L'accroissement de la population s'est donc inéluctablement accompagné d'une forte urbanisation, comme l'affirmaient déjà NGUENDO YONGSI, DICKENS et NGALA NDI : L'urbanisation de l'Afrique est, après l'accroissement démographique, le changement le plus spectaculaire qu'a connu le continent au cours de ces dernières décennies. Aux yeux de certains, c'est aussi le changement le plus préoccupant car rural à plus de 80% en 1960, il est aujourd'hui urbanisé à 41,3%. On estime, d'ailleurs, qu'en 2030 le continent affichera un taux d'urbanisation de 52,9% (...).142(*).
D'après la même enquête, le taux de chômage (au sens du BIT) se situe à 4,4%. Ce phénomène est principalement urbain (10,7%). Yaoundé et Douala affichent les taux les plus élevés avec respectivement 14,7% et 12,5%. Il est de 6,5% chez les jeunes (10 à 29 ans) qui sont les plus touchés, contre 3,1% pour les 30 à 49 ans et 1,2% pour les 50 ans et plus. Le taux de chômage croît avec le niveau d'instruction. Au sens élargi (chômeurs BIT + chômeurs découragés) le taux de chômage est de 6,2% soit un écart de 1,8% par rapport au taux de chômage au sens du BIT143(*). Ce faible écart traduit un certain dynamisme du marché de l'emploi. Les chômeurs découragés sont en majorité des femmes. Quelles sont donc les conditions de vie de cette population qui s'accroît à une si grande vitesse ? * 134. ELA, Jean-Marc, ZOA, Anne-Sidoine, Fécondités et migrations africaines : les nouveaux enjeux, Paris, L'Harmattan, 2006, p.23. * 135. DSCN, 1987. * 136. ECAM 2000. * 137. ECAM III, « Tendances, profil et déterminants de la pauvreté au Cameroun entre 2001-2007 », Yaoundé, juin 2008, p.25. * 138. Cf. Mutations-quotidien, édition du lundi 13 juillet 2009, p.12. * 139. Ces propos sont tirés de l'allocution du ministre Abdoulaye YAOUBA, prononcée lors de la cérémonie solennelle de publication officielle des résultats du troisième Recensement général de la population et l'habitat, organisée par le gouvernement la 14 avril 2010 à l'hôtel Hilton de Yaoundé. * 140. ELA, J-M., et ZOA, A-S., op.cit., p.23. * 141. INS, « Enquête sur l'emploi et le secteur informel (EESI) au Cameroun », Juin 2006. * 142. NGUENDO YONGSI, DICKENS et NGALA NDI, cités par MANGA LEBONGO, op.cit., p28. * 143. Idem. |
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