B- L'enregistrement clandestin (« bootleg »)
Contrairement aux copies totales ou partielles, le bootleg
n'est pas une reproduction d'un enregistrement préexistant. Il s'agit
plutôt de l'enregistrement de la prestation en direct («
live ») d'un artiste lors de concerts publics ou
d'émissions de radio et de télévision auxquels ce dernier
a participé. Le bootleg est réalisé, bien entendu, sans
l'autorisation de l'artiste concerné ni celle de son producteur. Cette
catégorie de piraterie porte directement atteinte aux droits des
artistes-interprètes, qui seuls peuvent autoriser la fixation et la
reproduction de leurs prestations. Qui plus est, la qualité des
enregistrements effectués est souvent médiocre. Ces
enregistrements clandestins sont également constitutifs d'actes de
concurrence déloyale envers le producteur exclusif de l'artiste. Outre
l'appât du gain, l'objectif des fabricants et distributeurs de bootlegs
est de se démarquer des produits commercialisés par les
producteurs des artistes. Ils proposent au public pour un prix
généralement élevé, des enregistrements «
inédits » d'artistes confirmés, assortis d'une
présentation (jaquette et packaging) personnalisée. Ces produits
apparaissent donc particulièrement attractifs pour un public de fans et
concernent principalement un répertoire musical récent. La
présentation des bootlegs (nouvelle jaquette, livret
personnalisé, nom et logo du fabricant du bootleg), ne correspond jamais
à celle de produits licitement commercialisés pour les artistes
correspondants. Pour cette catégorie de piraterie, il n'y a donc pas
contrefaçon de marque. C'est à nouveau l'absence du nom du
producteur de l'artiste, de son logo et de ses marques de commercialisation,
qui permet d'identifier les bootlegs. De même, à contrario, la
mention du nom d'un producteur, d'un distributeur, de marques ou de logos
inconnus ou fantaisistes, constitue un indice déterminant pour
déceler l'existence de ces contrefaçons. Si les droits d'auteurs
ont été régularisés, la procédure en justice
contre les fabricants ou distributeurs de bootlegs interviendra sur le
fondement des droits des artistes-interprètes, ou bien dans le cadre
d'une action en concurrence déloyale initiée par les
producteurs.
I.2.2- La forme numérique
Au début des années 1990, les bootlegs
constituaient la part prépondérante des produits pirates vendus
au Cameroun, les copies partielles s'avérant plus limitées en
quantité. Quant aux copies totales, elles n'ont fait leur apparition sur
le marché camerounais qu'à la fin des années 1990,
essentiellement dans les circuits de vente des CD de contrefaçon qui
prenait de l'ampleur. Le développement rapide des nouvelles technologies
a ouvert de nouvelles opportunités aux pirates, augmentant ainsi de
manière significative le taux de piraterie musicale. L'avènement
d'Internet a permis l'émergence de nouvelles formes de piraterie telles
que la vente ou l'échange de copies sur CD-R par le biais de newsgroups
ou de sites web et la mise à disposition par
téléchargement d'enregistrements musicaux sur des sites web ou
des réseaux « peer to peer », faisant de la piraterie
sur Internet la forme de contrefaçon la plus répandue à ce
jour.
La forme numérique de la piraterie porte donc
essentiellement sur le téléchargement des fichiers de partages
par le Peer-to-Peer (échange de fichiers entre internautes, ou encore
P2P). A travers cette échange directe de fichiers musicaux et
audiovisuels en dehors des circuits de distribution traditionnels, il y a copie
ou recel illicite de contenus, avec pour conséquence de porter atteinte
aux intérêts des auteurs des oeuvres en question. En effet, depuis
quelques années, la piraterie sur Internet a connu une expansion
phénoménale et représente aujourd'hui la forme de
piraterie prédominante.
Cette forme de piraterie des oeuvres musicales est bien
visible à Yaoundé. En effet, en parcourant les rues de la ville
de Yaoundé, il est difficile de ne pas remarquer l'abondance des
pancartes suspendues à l'entrée des cybercafés ou sur des
petites tables installées sur les trottoirs, et sur lesquelles l'on
peut aisément lire des inscriptions telles que : «
téléchargement de sons, sonneries et images ». Ces
pancartes invitent le mélomane à venir faire le transfert d'une
musique ou d'une vidéo d'un support à un autre.
Toutefois, ce transfert du vendeur au client n'est pas
gratuit. Ce dernier doit débourser la modique somme de 50 ou 100 FCFA
par chanson téléchargée, ou encore 150 et 200 FCFA pour
une vidéo. Le problème qui se pose avec cette forme d'acquisition
de musiques est que l'auteur de l'oeuvre musicale qui est ici
téléchargée, ne perçoit rien en retour de la part
des pirates. Ce téléchargement des musiques se fait donc via
Internet, sur des sites bien connus des pirates, et n'est
généralement pas exempt de désagréments. Il est
quelques fois préjudiciable aux pirates eux-mêmes. En effet, un
pirate faisant partie de notre échantillon a par exemple relevé
la présence de nombreux virus qui circulent dans ces sites, et qui
l'obligent très souvent à adopter des méthodes ardues.
Pour parer à ce type de désagrément, la nouvelle
méthode de partage des fichiers de musique consiste notamment à
« récupérer les musiques et vidéos sur CD et DVD,
les conserver sur un ordinateur pour ensuite les transférer ou les
graver sur le support du client », ajoute notre interlocuteur.
Au cours de notre enquête sur le terrain, nous avons
observé que les supports les plus répandus chez les clients de
ces pirates sont : les téléphones portables, les MP3, les
MP4, MP5, les Iphone, les Ipod et les clés USB. Pour passer du vendeur
au client, la musique ou la vidéo sollicitée est
transférée dans une carte mémoire du
téléphone portable ou encore par Bluetooth. L'autre moyen de
transfert de musiques consiste à connecter les MP3, MP4, MP5, Ipod et
Iphone à un ordinateur à travers un câble, ou alors
d'insérer directement une clé USB dans un ordinateur. Les
personnes qui sollicitent les services des «
téléchargeurs » savent pour la plupart qu'il s'agit
d'un acte illégal. Cependant, elles évoquent des raisons diverses
pour justifier leur acte. L'un des interviewés a par exemple
affirmé: « on n'aime pas forcement toutes les chansons d'un
artiste. Alors, il ne sert à rien d'acheter tout un CD pour
écouter juste une ou deux chansons. Je préfère
sélectionner uniquement les chansons qui me plaisent ... ». Et
un autre d'ajouter : « le téléchargement me revient
moins cher. Avec 1000 FCFA, je peux avoir 10 chansons de 10 musiciens
différents, alors que s'il fallait acheter leurs Cd, je
dépenserais au moins 10.000 FCFA pour acquérir les 10 CD
». Un autre encore, lui, affirme : « je veux bien acheter
les CD originaux mais je ne sais où les avoir. Alors, je me contente de
ce que je trouve sur le marché ».
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