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Piraterie ou contrefaçon des oeuvres musicales: facteurs explicatifs, modes opératoires et impact sur les artistes-musiciens à  Yaoundé

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par Joel Christian NKENG à NKENG
Université de Yaoundé 1 - Master 2 en Sociologie 2010
  

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B- L'enregistrement clandestin (« bootleg »)

Contrairement aux copies totales ou partielles, le bootleg n'est pas une reproduction d'un enregistrement préexistant. Il s'agit plutôt de l'enregistrement de la prestation en direct (« live ») d'un artiste lors de concerts publics ou d'émissions de radio et de télévision auxquels ce dernier a participé. Le bootleg est réalisé, bien entendu, sans l'autorisation de l'artiste concerné ni celle de son producteur. Cette catégorie de piraterie porte directement atteinte aux droits des artistes-interprètes, qui seuls peuvent autoriser la fixation et la reproduction de leurs prestations. Qui plus est, la qualité des enregistrements effectués est souvent médiocre. Ces enregistrements clandestins sont également constitutifs d'actes de concurrence déloyale envers le producteur exclusif de l'artiste. Outre l'appât du gain, l'objectif des fabricants et distributeurs de bootlegs est de se démarquer des produits commercialisés par les producteurs des artistes. Ils proposent au public pour un prix généralement élevé, des enregistrements « inédits » d'artistes confirmés, assortis d'une présentation (jaquette et packaging) personnalisée. Ces produits apparaissent donc particulièrement attractifs pour un public de fans et concernent principalement un répertoire musical récent. La présentation des bootlegs (nouvelle jaquette, livret personnalisé, nom et logo du fabricant du bootleg), ne correspond jamais à celle de produits licitement commercialisés pour les artistes correspondants. Pour cette catégorie de piraterie, il n'y a donc pas contrefaçon de marque. C'est à nouveau l'absence du nom du producteur de l'artiste, de son logo et de ses marques de commercialisation, qui permet d'identifier les bootlegs. De même, à contrario, la mention du nom d'un producteur, d'un distributeur, de marques ou de logos inconnus ou fantaisistes, constitue un indice déterminant pour déceler l'existence de ces contrefaçons. Si les droits d'auteurs ont été régularisés, la procédure en justice contre les fabricants ou distributeurs de bootlegs interviendra sur le fondement des droits des artistes-interprètes, ou bien dans le cadre d'une action en concurrence déloyale initiée par les producteurs.

I.2.2- La forme numérique 

Au début des années 1990, les bootlegs constituaient la part prépondérante des produits pirates vendus au Cameroun, les copies partielles s'avérant plus limitées en quantité. Quant aux copies totales, elles n'ont fait leur apparition sur le marché camerounais qu'à la fin des années 1990, essentiellement dans les circuits de vente des CD de contrefaçon qui prenait de l'ampleur. Le développement rapide des nouvelles technologies a ouvert de nouvelles opportunités aux pirates, augmentant ainsi de manière significative le taux de piraterie musicale. L'avènement d'Internet a permis l'émergence de nouvelles formes de piraterie telles que la vente ou l'échange de copies sur CD-R par le biais de newsgroups ou de sites web et la mise à disposition par téléchargement d'enregistrements musicaux sur des sites web ou des réseaux « peer to peer », faisant de la piraterie sur Internet la forme de contrefaçon la plus répandue à ce jour.

La forme numérique de la piraterie porte donc essentiellement sur le téléchargement des fichiers de partages par le Peer-to-Peer (échange de fichiers entre internautes, ou encore P2P). A travers cette échange directe de fichiers musicaux et audiovisuels en dehors des circuits de distribution traditionnels, il y a copie ou recel illicite de contenus, avec pour conséquence de porter atteinte aux intérêts des auteurs des oeuvres en question. En effet, depuis quelques années, la piraterie sur Internet a connu une expansion phénoménale et représente aujourd'hui la forme de piraterie prédominante.

Cette forme de piraterie des oeuvres musicales est bien visible à Yaoundé. En effet, en parcourant les rues de la ville de Yaoundé, il est difficile de ne pas remarquer l'abondance des pancartes suspendues à l'entrée des cybercafés ou sur des petites tables installées sur les trottoirs, et sur lesquelles l'on peut aisément lire des inscriptions telles que : « téléchargement de sons, sonneries et images ». Ces pancartes invitent le mélomane à venir faire le transfert d'une musique ou d'une vidéo d'un support à un autre.

Toutefois, ce transfert du vendeur au client n'est pas gratuit. Ce dernier doit débourser la modique somme de 50 ou 100 FCFA par chanson téléchargée, ou encore 150 et 200 FCFA pour une vidéo. Le problème qui se pose avec cette forme d'acquisition de musiques est que l'auteur de l'oeuvre musicale qui est ici téléchargée, ne perçoit rien en retour de la part des pirates. Ce téléchargement des musiques se fait donc via Internet, sur des sites bien connus des pirates, et n'est généralement pas exempt de désagréments. Il est quelques fois préjudiciable aux pirates eux-mêmes. En effet, un pirate faisant partie de notre échantillon a par exemple relevé la présence de nombreux virus qui circulent dans ces sites, et qui l'obligent très souvent à adopter des méthodes ardues. Pour parer à ce type de désagrément, la nouvelle méthode de partage des fichiers de musique consiste notamment à « récupérer les musiques et vidéos sur CD et DVD, les conserver sur un ordinateur pour ensuite les transférer ou les graver sur le support du client », ajoute notre interlocuteur.

Au cours de notre enquête sur le terrain, nous avons observé que les supports les plus répandus chez les clients de ces pirates sont : les téléphones portables, les MP3, les MP4, MP5, les Iphone, les Ipod et les clés USB. Pour passer du vendeur au client, la musique ou la vidéo sollicitée est transférée dans une carte mémoire du téléphone portable ou encore par Bluetooth. L'autre moyen de transfert de musiques consiste à connecter les MP3, MP4, MP5, Ipod et Iphone à un ordinateur à travers un câble, ou alors d'insérer directement une clé USB dans un ordinateur. Les personnes qui sollicitent les services des « téléchargeurs » savent pour la plupart qu'il s'agit d'un acte illégal. Cependant, elles évoquent des raisons diverses pour justifier leur acte. L'un des interviewés a par exemple affirmé: « on n'aime pas forcement toutes les chansons d'un artiste. Alors, il ne sert à rien d'acheter tout un CD pour écouter juste une ou deux chansons. Je préfère sélectionner uniquement les chansons qui me plaisent ... ». Et un autre d'ajouter : « le téléchargement me revient moins cher. Avec 1000 FCFA, je peux avoir 10 chansons de 10 musiciens différents, alors que s'il fallait acheter leurs Cd, je dépenserais au moins 10.000 FCFA pour acquérir les 10 CD ». Un autre encore, lui, affirme : « je veux bien acheter les CD originaux mais je ne sais où les avoir. Alors, je me contente de ce que je trouve sur le marché ».

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