UNIVERSITE DE YAOUNDE I
THE UNIVERSITY OF YAOUNDE I
FACULTY OF ARTS, LETTERS
AND SOCIAL SCIENCES
*********
DEPARTMENT OF SOCIOLOGY
FACULTE DES ARTS, LETTRES
ET SCIENCES HUMAINES
*********
DEPARTEMENT DE SOCIOLOGIE
PIRATERIE OU CONTREFAÇON DES OEUVRES MUSICALES :
FACTEURS EXPLICATIFS, MODES OPERATOIRES ET IMPACT SUR LES ARTISTES-MUSICIENS A
YAOUNDE
MEMOIRE PRESENTE EN VUE DE L'OBTENTION DU DIPLOME
DE MASTER EN SOCIOLOGIE
OPTION : POPULATION ET DEVELOPPEMENT
PAR :
JOËL CHRISTIAN NKENG à NKENG
SOUS LA DIRECTION DE :
JEAN NZHIE ENGONO
CHARGE DE COURS
MAI 2010
« La musique est peut-être l'exemple
unique de ce qu'aurait pu être - s'il n'y avait pas eu l'invention du
langage, la formation des mots, l'analyse des idées - la communication
des âmes ».
Marcel PROUST, A la recherche du temps perdu, (Tome 1,
Du côté de chez Swann), Paris, Gallimard, 1913.
DEDICACES
- A mes chers
parents, pour leur incessante attention et tout le prix qu'ils
attachent à notre éducation.
-A tous les artistes-interprètes
camerounais, dont le géni créateur et les droits sont
quotidiennement spoliés par des quidams sans scrupule. Plusieurs parmi
eux, contraints de vivre dans une paupérisation extrême, en sont
morts dans le dénuement total et sous le regard parfois
indifférent de la communauté nationale. A travers cet
écrit, qu'ils trouvent des raisons de croire en leur immense talent, la
force de vaincre le vol effronté de leurs oeuvres, et surtout l'espoir
de vivre de leur noble art.
REMERCIEMENTS
Le présent travail doit beaucoup à plusieurs
personnes qui nous ont apporté leur précieuse contribution. Nous
trouvons ici l'occasion d'assurer quelques-unes de notre reconnaissance, et
implorons l'indulgence de tant d'autres que nous laissons dans
l'ombre :
- Merci à mon encadreur, Dr. Jean NZHIE
ENGONO, de l'accueil enthousiaste qu'il a réservé
à notre sujet de recherche, de son aide précieuse et de la
réflexion qu'il a suscitée, de ses conseils édifiants,
ainsi que de la liberté d'action et de rédaction qu'il nous a
accordées tout au long de la concrétisation de ce travail ;
- Merci à tous les enseignants
du Département de Sociologie de l'Université de
Yaoundé I, pour les énormes sacrifices consentis depuis de
nombreuses années, afin de nous laisser en héritage leur immense
savoir ;
- Merci à Mr et Mme ZAE, pour leur
soutien et leur assistance sans faille ;
- Merci à Bienvenu MOULIOM,
Abel FEHOU, Mustapha NSANGOU, Placide AKOA OWONA, Jean-Bosco NDJOCK,
Collins SOP TAFEN, Sandrine NOUBISSI et Léa NDEME, pour leurs
critiques et suggestions amicales ;
- Merci à tous mes frères et toutes mes
soeurs, pour leurs encouragements et leur disponibilité sans
borne.
- Merci au Dr. Christophe SEUNA,
Chargé de l'enseignement du Droit de la propriété
intellectuelle et des nouvelles technologies à l'Université de
Yaoundé II, pour les discussions fertiles sur l'aspect juridique de cet
écrit ;
- Merci, enfin, à Gaëlle BIRENG,
pour son support constant et son oreille toujours attentive et toujours
intéressée, qui ont contribué à apaiser les
douleurs inhérentes à la parturition de ce travail.
LISTE DES TABLEAUX ET ILLUSTRATIONS
1- LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Récapitulatif de
l'échantillon..... 33
Tableau 2 : Distribution des vendeurs des
oeuvres musicales pirates selon l'âge 84
Tableau 3 : Distribution des vendeurs
d'oeuvres musicales selon le niveau d'études 84
Tableau 4 : Répartition des actifs
de moins de 25 ans selon le statut par secteur d'activités 88
Tableau 5 : Indice de perception de la
corruption au Cameroun 100
Tableau 6 : Etude comparée des prix
de vente entre oeuvres musicales pirates et oeuvres musicales originales 118
Tableau 7 : Etude comparée des prix
de vente entre oeuvres téléchargées pirates et oeuvres
musicales originales 119
2- LISTE DES ILLUSTRATIONS
Photo 1 : Un étal de CD devant la
cathédrale de Yaoundé 62
Photo 2 : Un étal de CD devant un
magasin de Yaoundé 62
Photo 3 : Un vendeur ambulant de CD pirates
au quartier Nkol-Eton à Yaoundé 62
Photo 4 : Pancarte indiquant un lieu de
téléchargement des sons au centre ville de Yaoundé
63
Photo 5 : Pancarte indiquant un lieu de
téléchargement des sons au quartier Olézoa 63
Photo 6 : Distribution des CD pirates au
quartier Briqueterie à Yaoundé 67
Photo 7 : Distribution des CD pirates au
centre commercial de Yaoundé 67
Photo 8 : Un hangar dressé par un
pirate au quartier Ngoa-Ekelle à Yaoundé 68
Photo 9 : Une image osée de
l'artiste-musicienne K-TINO 107
LISTE DES SIGLES, ABREVIATIONS ET ACRONYMES
ACM : Association Camerounaise des
Métiers de la Musique.
BIRD : Banque Internationale de
Reconstruction et de Développement.
BIT : Bureau International de
Travail.
CCF: Centre Culturel Français.
CD: Compact Disk
CD-Rom: Compact Disc - Read only memory.
CEDIC: Centre d'Etudes et de Recherche en
Droit International et Communautaire.
CMC : Cameroon Music Corporation.
CMLCP : Comité Musical de Lutte
contre la Piraterie.
CNLP : Commission Nationale de Lutte
contre la Piraterie.
CPMC: Commission Permanente de
Médiation et de Contrôle.
CREPLA: Centre Régional de Promotion
du Livre en Afrique au sud du Sahara.
DSAS : Dimension sociale de l'ajustement
structurel.
DSCE : Document de Stratégie pour
la Croissance et l'Emploi.
DSCN : Direction de la Statistique et de
la Comptabilité Nationale.
DVD : Digital Versatile Disk.
ECAM : Enquête camerounaise
auprès des ménages
FNE : Fonds National de l'Emploi.
GICAM : Groupement
Inter patronal du Cameroun.
IFORD: Institut de Formation et de Recherche
en Démographie
IFPI: International Federation of
Phonographic Industry
INS : Institut National de
Statistiques.
ISSEA : Institut Sous-régional de
Statistiques et d'Economie Appliquée.
MINEFI : Ministère de l'Economie
et des Finances.
MP3: Motion Picture Experts Group, Audio Layer
3.
MP4: Motion Picture Experts Group, Audio Layer
4.
MP5: Motion Picture Experts Group, Audio Layer
5.
OIT: Organisation Internationale du Travail
OMD : Organisation Mondiale
des Douanes.
OMPI: Organisation Mondiale de la
Propriété Intellectuelle
PAS : Programmes d'Ajustement
Structurel.
PCA: Président du Conseil
d'Administration
PIB : Produit Intérieur Brut.
PNUD : Programme des Nations Unis pour
le Développement.
PVD : Pays en Voie de
Développement.
RGPH : Recensement Général
de la Population et l'Habitat.
SCAAP : Société Civile des
Arts Audiovisuels et Photographiques
SNI : Société Nationale
d'Investissements.
SOCADAP : Société Civile
Camerounaise des Droits d'auteur et droits voisins des Arts graphiques et
Plastiques.
SOCAM: Société Civile
Camerounaise de l'Art Musical.
SOCILADRA : Société Civile
de Littérature et des Arts Dramatiques
SOCINADA : Société Civile
Nationale des Droits d'Auteur.
TIC : Technologies de
l'Information et la Communication.
UCAC : Université Catholique d'Afrique
Centrale.
UNESCO: Organisation des Nations Unis pour
l'Education, la Science et la Culture.
GLOSSAIRE
Artistes-interprètes : Ce sont
les acteurs, chanteurs, musiciens, danseurs et autres personnes qui
représentent, chantent, récitent, jouent ou exécutent de
toute autre manière des oeuvres littéraires ou artistiques, y
compris les expressions du folklore;
Bootlegging : Enregistrement de la
prestation en direct (« live ») d'un artiste lors de
concerts publics ou d'émissions de radio et de télévision
auxquels ce dernier a participé, sans son consentement.
Droit d'auteur : Branche
du droit permettant aux personnes qui composent, écrivent,
réalisent des films, bref aux auteurs, de protéger deux
choses : leur droit moral et leur droit patrimonial.
Droit moral : C'est un ensemble de
règles qui permettent que le nom d'un auteur d'une oeuvre de l'esprit
soit associé aux oeuvres qu'il a créées (droit de
paternité) et que n'importe qui ne puisse pas modifier ces oeuvres
n'importe comment (droit à l'intégrité de la prestation de
l'artiste-interprète).
Droit patrimonial : C'est un ensemble de
règles qui donnent la possibilité à un auteur ou ses ayant
droits, de choisir les personnes qui exploitent par représentation,
reproduisent, transforment ou distribuent ses oeuvres, et les modalités
de la rétribution qui en découle.
Droits voisins : Droits des
artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes ou de
vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle.
OEuvre
contrefaisante ou pirate :
OEuvre musicale ayant subit un acte de contrefaçon ou qui est
exploitée sans le consentement de son auteur, en violation de la loi.
OEuvre contrefaite ou piratée :
OEuvre originale à partir de laquelle les pirates ont reproduit l'oeuvre
contrefaisante, clonée ou imitée.
P2P : Diminutif de Peer-to-Peer, qui
peut grossièrement être traduit par particulier à
particulier, Peer signifiant ``pair''
Phonogramme : Toute fixation de sons
provenant d'une interprétation ou d'autres sons, ou d'une
représentation de sons autre que sous la forme d'une fixation
incorporée dans une oeuvre audiovisuelle;
Vidéogramme : Toute fixation
d'images accompagnées ou non de sons sur un support physique.
RESUME
Le présent travail porte sur la piraterie ou la
contrefaçon des oeuvres musicales. Il a pour modeste ambition d'exposer
une vision synthétique et panoramique de ce phénomène dans
la ville de Yaoundé. Notre question principale porte sur les facteurs
explicatifs de sa vitalité dans la métropole politique
camerounaise. Pour examiner cette question, nous avons formulé des
hypothèses auxquelles l'enquête sur le terrain, menée
à Yaoundé, nous a permis de récolter des
témoignages et des données à partir d'un
échantillon de quarante personnes, composé de pirates ou
contrefacteurs, d'artistes-musiciens, producteurs et distributeurs, de
consommateurs, des autorités et autres personnes-ressources. À
partir d'une méthodologie qualitative, notre étude s'appuie sur
un corpus d'informations issues d'une série d'observations directes,
d'observations documentaires, d'observations participantes et une quarantaine
d'entretiens non-directifs et parfois semi-directifs auprès des pirates
et des personnes ressources. Le travail se structure en deux principales
parties. La première dresse une approche globale du droit d'auteur,
à travers une vision condensée sur les concepts de droit
d'auteur, droits voisins, propriété intellectuelle et tente de
présenter l'état des lieux de la piraterie à
Yaoundé, d'en décrire les modes opératoires à
travers ses formes concrètes, les typologies de pirates, la localisation
du phénomène, les origines des oeuvres pirates et la pratique
quotidienne de l'activité. La deuxième partie, elle, voudrait
restituer ce phénomène dans son contexte de production,
c'est-à-dire dans l'environnement social, économique et politique
dans lequel il s'enracine et qui à la fois l'éclaire et
l'explique. Privilégiant une perspective dynamiste et critique, ainsi
qu'une approche stratégique, le constat global qui se dégage de
notre étude est que la piraterie des oeuvres musicales peut-être
expliquée par la démographie galopante, la crise
économique, le développement des TIC. Toutefois, au-delà
de ces explications qui restent insuffisantes, l'une des causes principales de
la vitalité de ce phénomène est l'anomie dans laquelle
semble évoluer et se complaire la société camerounaise. La
prostitution, l'homosexualité, le faux et l'usage du faux ainsi que la
corruption, observées dans notre société aujourd'hui,
participent de cette anomie et expriment bien le malaise ou la crise des
valeurs morales. La recrudescence de la piraterie des oeuvres musicales est
surtout le reflet des mentalités d'une société en pleine
dérive morale.
MOTS CLES : Contrefaçon, Piraterie,
OEuvre contrefaisante, OEuvre pirate, OEuvre contrefaite, OEuvre
piratée, Pirate, Droit d'auteur, Droits voisins.
ABSTRACT
The present work focuses on piracy or counterfeiting of
musical works. It has modest ambition to expose a synthetic and panoramic
vision of this phenomenon in the city of Yaoundé. Our main issue is the
factors underlying its vitality in the cameroonian political metropolis. To
examine this question, we have made assumptions, that the survey on the ground
conducted in Yaoundé has allowed us to reap the testimony and data from
a sample of forty persons, composed by pirates or counterfeiters,
artists-musicians, producers and distributors, consumers, authorities and other
resource persons. From a qualitative methodology, our study is based on a
corpus of information from a series of direct observations, documentaries
observations, participant observations and some 40 participating interviews
non-direct and sometimes semi-structured beside pirates and resource persons.
The work is structure in two main parts. The first provides a comprehensive
approach to the copyright, through a condensed vision on the concepts of
copyright, neighboring rights, intellectual property and attempts to present
the situation of piracy at Yaoundé, to describe the procedures through
its concrete forms, typologies of pirates, the location of the phenomenon, the
origins of pirate's works and the everyday practice of this activity. The
second part restores this phenomenon in its production context, it is to say in
the social, economic and political environment in which it is rooted and which
both elucidates and explains it. Emphasizing a dynamist and critical approach,
as well as a strategic approach, the overall findings which emerges of our
study is that piracy of musical works can be explained by population growth,
economic crisis, the development of Information and communication technologies.
However, beyond these explanations which remain inadequate, one of the main
causes of the vitality of this phenomenon is the anomy in which Cameroonian
society seems to thrive. Prostitution, homosexuality, the false and use of
false, as well as corruption, observed in our society today, are part of this
anomy and express clearly the malaise or the moral values crisis. The
resurgence of piracy of musical works is mainly a reflection of the mentalities
of a society in moral drift.
KEY WORDS: Counterfeiting,
Piracy, counterfeiting works, pirates works, counterfeited works, pirated
works, Counterfeiter, Copyright, neighboring Rights.
SOMMAIRE
INTRODUCTION 1
PREMIERE PARTIE : APPROCHE GLOBALE ET MODES OPERATOIRES DE
LA PIRATERIE AU CAMEROUN 43
Chapitre I : Approche globale de la piraterie des oeuvres
musicales 44
Chapitre II : Les modes opératoires de la piraterie
52
DEUXIEME PARTIE : FACTEURS EXPLICATIFS ET IMPACT DE LA
PIRATERIE DES OEUVRES MUSICALES AU CAMEROUN 71
Chapitre I : Démographie galopante, crise
économique, développement des TIC et crise des valeurs morales au
coeur du phénomène 72
Chapitre II : Portée antinomique du
phénomène 115
Chapitre III : De la répression de la piraterie ou de
la contrefaçon 127
CONCLUSION 139
Bibliographie 145
Table des matières 153
Annexes 159
INTRODUCTION
I- Présentation et justification du choix du
sujet
L'idée de mener une étude portant sur le
thème : « Piraterie ou contrefaçon des
oeuvres musicales : facteurs explicatifs, modes opératoires et
impact sur les artistes-musiciens à
Yaoundé », vient de deux constats précis.
En effet, le visiteur qui débarque pour la première fois à
Yaoundé est frappé par une image forte et saisissante : les
trottoirs de la capitale politique sont littéralement pris d'assaut par
des vendeurs qui y installent leurs marchandises, au grand dam des passants
souvent obligés de se frayer péniblement un passage. Ces
marchandises sont constituées d'articles divers, avec en bonne place des
CD1(*) et DVD2(*). D'autres parcourent les rues
à longueur de journée, exhibant les sorties artistiques les plus
récentes. En dépit de la décision de la Communauté
urbaine de Yaoundé de prohiber tout encombrement des trottoirs par les
vendeurs ambulants, ainsi que toute exposition de marchandises en dehors des
lieux de marché, ces vendeurs usent de tous les subterfuges pour
écouler leurs produits. L'autre image qui ne manque pas de retenir
l'attention, est cette multitude de pancartes visibles un peu partout dans la
ville et sur lesquelles on peut lire : «
téléchargement de sons et sonneries ». Il s'agit du
transfert de musique ou de vidéo, d'un support à un autre. Ce
transfert du vendeur au client n'est pas gratuit, car il faut débourser
une certaine somme d'argent pour recevoir la musique ou la vidéo
souhaitée.
Ces images illustrent bien le dynamisme du ``secteur
informel'' au Cameroun, qui est sans l'ombre d'un doute le règne de
``la débrouille'' 3(*) et de l'imagination des populations à la
base qui usent d'inestimables trésors d'ingéniosité pour
échapper à l'indigence et au besoin. Ce secteur constitue presque
à lui seul, « une porte de sortie et souvent une source
d'espoir pour ceux qui, contraints ou tout simplement par commodité, y
travaillent avec pour objectif commun d'améliorer leurs conditions de
vie ou de survie 4(*)». Toutefois, en dépit de ces
mérites, nous observons que le secteur informel est également
perçu comme le lieu de prédilection du commerce illicite et des
trafics en tout genre se développant en marge de la
légalité. Toutes choses qui lui valent souvent les critiques les
plus acerbes et des malencontreux amalgames. En effet, les deux images
présentées plus haut (le commerce des CD pirates ou
contrefaisants et le téléchargement des sons et sonneries) sont
des phénomènes qui minent le monde de la musique au Cameroun. Des
supports de musique sont intégralement reproduits et vendus sans le
consentement des auteurs, de ses ayants-droits ou ayants-causes. Par
conséquent, cette activité est illicite et constitue un
délit réprimé par la loi camerounaise.
C'est donc dire qu'au cours de ces dernières
années, la problématique de la propriété
intellectuelle en général et du droit d'auteur et des droits
voisins en particulier, est incontestablement sous les feux de
l'actualité au Cameroun. Cette réalité n'est pas
démentie par l'ardeur des débats régulièrement
organisés dans nos médias, et portant sur la question de la
piraterie ou la contrefaçon des oeuvres musicales. Le
phénomène a pris une ampleur considérable dans la
société et ses effets néfastes cristallisent chaque jour
les revendications des artistes-musiciens, qui appellent à une prompte
et impérieuse intervention des pouvoirs publics, seuls capables
d'imposer et de faire respecter la légalité, selon eux.
Ainsi, la recrudescence de ce phénomène a fait
germer en nous l'envie fervente de mener une étude sur cette question. A
son tour, cette envie a mûri lorsque nous avons assisté en tant
qu'observateur, à une opération de saisie et destruction des
supports musicaux, audio et vidéo de contrefaçon, doublée
d'une interpellation des vendeurs de ces supports par une équipe
d'artistes de la Cameroon music corporation (CMC)5(*) bien encadrée par les forces de l'ordre.
Pendant quelques semaines, cette action avait été à
plusieurs fois reprise. Cependant, elle s'est rapidement estompée, au
grand bonheur des pirates qui avaient aussitôt repris leur
activité, et de plus belle encore. La principale raison de
l'échec de cette opération anticontrefaçon avait
été révélée quelques jours plus tard par
l'artiste musicien Sam MBENDE, qui était par ailleurs président
du Conseil d'administration de la CMC. Ce dernier, invité à
intervenir dans un débat diffusé sur les ondes de la radio Magic
Fm qui émet à Yaoundé, avait avoué sans ambages
qu'à chaque fois qu'on interpelle des pirates et que des cartons de CD
et VCD et DVD de contrefaçon sont saisis :
Des individus les plus insoupçonnés et bien
en phase avec les contrefacteurs, interviennent dans l'ombre pour contraindre
les forces de l'ordre et les autorités judiciaires à relaxer les
coupables et annuler toute action en justice (...) C'est donc dire que
notre combat est celui du pot de terre contre le pot de fer.
Face à une telle situation où les droits
d'auteurs des oeuvres de l'esprit sont quotidiennement bafoués, il
devenait intéressant pour nous de comprendre la réalité
qui se profile derrière la vitalité de la piraterie, qui est
pourtant réprimée par la loi camerounaise.
La deuxième raison qui nous a motivés à
nous intéresser au phénomène de la piraterie et la
contrefaçon des oeuvres musicales est liée à la condition
sociale des Artistes-musiciens camerounais. En effet, aujourd'hui, plusieurs
parmi eux sont confinés dans une paupérisation ou une
précarité préoccupante. Abandonnés à leur
triste sort, ils ne bénéficient souvent d'aucune attention
même lorsqu'ils sont dans la détresse. Aussi, est-il
récurrent de voir plusieurs parmi eux, dont les albums sont pourtant les
mieux vendus sur le marché discographique, trépasser des suites
de maladies parce que n'ayant pas eu des moyens pour recevoir des soins de
santé de qualité. Nous étions donc mu par l'idée de
comprendre pourquoi en dépit des cris de détresse lancés
par ces artistes-musiciens, les pouvoirs publics n'arrivent pas à
réprimer véritablement la contrefaçon, autrement
appelée piraterie, qui est un délit répréhensible,
au regard de certaines dispositions du Code civil, du Code pénal et de
la loi n° 2000/011 du 19 décembre 2000, relative au droit d'auteur
et aux droits voisins.
S'il est clair, au regard de ce qui précède,
que la piraterie ou la contrefaçon des oeuvres musicales sévit
avec acuité dans notre société aujourd'hui, il n'en
demeure pas moins vrai qu'il paraît souvent étrange de la
présenter comme un fait social ; surtout lorsqu'on sait qu'en
l'absence de toute répression, elle s'est véritablement
enracinée dans notre société, laissant croire qu'elle est
un phénomène normal. A la vérité, il faut dire que
la piraterie ou la contrefaçon des oeuvres musicales, à l'instar
de toutes les autres formes de fraudes, est un délit,
c'est-à-dire une infraction passible de peine correctionnelle. En effet,
cette pratique résulte de comportements anormaux. Et aujourd'hui, son
ampleur, son étendue géographique, son effet dévastateur
et sa résistance aux attaques ou aux remèdes mobilisés
pour freiner sa croissance dans notre société, font qu'on le
qualifie de phénomène ou de fléau. Cela permet d'affirmer
que la piraterie est un fait anomique 6(*) et pathologique, c'est-à-dire un fait qui
procède d'un dérèglement social, d'un délitement ou
d'une évanescence des normes tant régulatrices que
légistiques. Et c'est précisément pour cette raison qu'il
faut dire que la piraterie des oeuvres musicales est une
déviance7(*).
Selon AKOUN et ANSART, partant du principe que toute
collectivité sociale est associée à :
Un répertoire de représentations et de
comportements, explicitement ou implicitement prescrits, recommandés,
désapprouvés ou prohibés, donc à des normes plus ou
moins contraignantes, plus ou moins nouées à des sanctions
positives (approbation tacite, éloge, récompense ... ou
négatives (signes de réprobation, châtiment corporel ...la
déviance peut se définir - par opposition à la
conformité - comme transgression des normes, violation des interdits,
manquement aux obligations ou du moins adoption de postures contrevenant aux
usages, esquivant ou défiant les injonctions des foyers
d'autorité, déjouant les attentes de l'entourage.8(*)
Cette idée est largement partagée par FERREOL,
G., qui affirme que la déviance est un ensemble de
« comportements qui, s'écartant de la norme, créent
des dysfonctionnements et donnent lieu à une sanction 9(*)». En tant que
telle, la piraterie interpelle au premier chef le sociologue, mais
également le juriste, l'historien, l'économiste, le politique, le
géographe, le religieux, etc. Dans cette mesure, la piraterie des
oeuvres musicales est un « fait social
total »10(*). Il revient donc au sociologue de
comprendre, d'expliquer, de décrypter cet ensemble de faits et de
conduites qui ne peuvent être étudiés
isolément ; car les pirates ou les contrefacteurs et leur
activité se déploient dans toutes les dimensions
sus-citées.
II- Problématique
Le phénomène de la contrefaçon en
général prend de l'ampleur dans le monde. Il n'épargne
guère le continent africain, et encore moins le Cameroun. Malgré
l'existence des lois qui le répriment et en dépit des
stratégies déployées par les pouvoirs publics pour le
juguler, il ne cesse de s'enraciner profondément dans notre
société. Les chiffres sont suffisamment évocateurs pour
démontrer cet état des choses. En effet, d'après une
estimation de l'Organisation mondiale des douanes (OMD) :
Plus de deux fois le PIB de l'Afrique du Sud,
autrement dit plus du double du PIB du Maroc, de la Tunisie et de
l'Algérie réunis, soit 500 milliards d'euros (un peu plus de
327 500 milliards de FCFA). C'est le manque à gagner pour
l'économie mondiale dû à la contrefaçon 11(*).
En Afrique, les méfaits de la contrefaçon
s'étendent dans tous les secteurs de la vie quotidienne. Aucun produit
n'est épargné : textile et maroquinerie, médicaments,
produits d'hygiène et cosmétique, pièces
détachées automobiles, appareils électroménagers,
cigarettes, produits alimentaires, oeuvres de l'esprit (logiciels
informatiques, oeuvres musicales, oeuvres littéraires, oeuvres
cinématographiques, audio visuelles et multimédias ...), etc.
Rien n'échappe au faux. La contrefaçon est en plein boom au point
où l'on constate avec amertume qu'il y a plus de faux que de vrais sur
les marchés africains aujourd'hui. Ainsi, selon les mêmes
sources : « Après la Chine, l'Afrique est la
deuxième zone d'exportation de faux vers l'Europe ». Et
en la matière, certains pays ont acquis une réputation qui n'est
plus à démontrer. C'est notamment le cas du Maroc pour le cuir et
le textile, du Nigeria pour les médicaments, pour ne citer que
ceux-là. Et il n'en fallait pas plus pour montrer du doigt le continent
lors de la Journée mondiale anticontrefaçon
célébrée le 11 juin 2009.
Au Cameroun, à l'instar de nombreux autres pays
africains, le phénomène de la contrefaçon qui est
incontestablement sous les feux de l'actualité a atteint la côte
d'alerte. Pour illustrer cela, le GICAM 12(*) a organisé un dîner-débat le 18
décembre 2008 à Douala, portant sur le commerce illicite, dont
la l'ambition majeure était de réfléchir pour
définir les axes stratégiques pouvant permettre de sortir de
l'ornière. Au cours de cette rencontre, un rapport sur le
phénomène dans les trois régions septentrionales du pays a
été rendu public. Selon ce rapport :
Le carburant à lui seul entraîne une perte de
près de 13 milliards de FCFA de chiffres d'affaires par mois. Ce qui
induit une perte en recettes fiscales de l'ordre de 5 milliards FCFA.
Annuellement, c'est près de 156 milliards FCFA perdus pour les
distributeurs des produits pétroliers et plus de 60 milliards FCFA aux
caisses de l'Etat.
Une autre enquête du GICAM portant sur une quinzaine
d'entreprises camerounaises, démontre que les pertes de celles-ci sont
estimées à : « Près de 73 milliards
FCFA (taxes et droits de douane pour l'Etat), et près de 184 milliards
FCFA pour les entreprises concernées (chiffres d'affaires). Les emplois
supprimés étant évalués à
237 ».
Dans le domaine de la production musicale
particulièrement, la même enquête précise que :
« L'Etat et la SOCAM perdent environ 700 millions de FCFA par
mois, soit 8 milliards 400 millions par an. Les artistes et producteurs en
perdent davantage, à cause de la piraterie des oeuvres de
l'esprit ; soit 90%de pertes de parts de marché par ces
artistes»13(*) . Les chiffres du Comité musical de
lutte contre la piraterie (CMLCP) ne sont pas loin des
précédents. Dans une de ses publications, il estime les pertes
économiques dues au fléau de la contrefaçon au Cameroun
à un peu plus de 10 milliards de francs CFA par an14(*).
A l'échelle mondiale, les statistiques sont davantage
éloquentes. En effet, selon l'IFPI15(*), en matière musicale, 4,5 milliards $ USA de
vente (soit environ 3 150 000 000 000 FCFA) sont des produits
pirates. Ce qui revient à dire qu'un CD sur trois vendus dans le monde
est piraté et que 40% de tous les produits musicaux vendus dans le monde
sont piratés. Il convient d'ailleurs de comparer ces chiffres à
ceux des pertes mondiales estimées à 1,6 milliards de dollars USA
l'année précédente, après 4,3 milliards de dollars
USA pour l'année 2001.
Au regard de ces statistiques saisissantes et
alarmantes, il appert que la contrefaçon ou la piraterie des oeuvres
musicales constitue une gangrène et un véritable goulot
d'étranglement pour l'économie camerounaise. Toutefois,
au-delà de sa dimension juridique et économique, il faut dire que
ce phénomène comporte aussi une approche sociale qu'il importe de
décrypter et même de conceptualiser. La surprise est que
jusqu'ici, cette dernière approche n'ait pas véritablement fait
l'objet d'études spécifiques de sociologues. Pourtant, l'analyse
sociale de la piraterie ou de la contrefaçon des oeuvres musicales
présente un intérêt heuristique et pragmatique certain.
Au plan théorique, la piraterie des oeuvres musicales
qui est un fait clandestin, relève de ce que THUILLIER, G. appelle
« les zones obscures » 16(*) de l'activité quotidienne des individus,
et que les sociologues du travail qualifient de « travail au
noir ». A ce titre, elle s'inscrit au coeur des
préoccupations de la sociologie des quotidiennetés, dont elle
contribue à montrer l'importance dans la saisie des
« faits et gestes jusque-là volontairement
délaissés car considérés comme mineurs, anodins ou
accessoires »17(*). A partir des faits banals, il est possible de lire
la réalité d'une société. L'approche
microsociologique est donc le champ de recherche qui sied le mieux à
cette étude sur la piraterie des oeuvres musicales.
En effet, comme l'affirme NZHIE ENGONO, J. :
Plutôt que de s'occuper seulement de ce qui est
très visible dans notre vie sociale, et qui peut occulter
malheureusement d'autres attitudes plus significatives des acteurs, la
sociologie du quotidien entend donc rendre compte, entre autres, de tout ce qui
constitue « les poubelles de la réalité
sociale », qui, elle-même, reste entendue comme un
résidu de l'histoire communautaire et de l'ordonnancement
sociétal : toutes actions qui rendent la société
compréhensible. 18(*)
Pour MAFFESOLI, M., cette approche permet de :
« faire ressortir tous les micro-événements, les
imperceptibles anecdotiques qui, de bout en bout font culture,
c'est-à-dire servent de substrat, de terreau, à cette
création qu'est toute vie sociale 19(*)». Ainsi, graver
une musique sur un support physique, acheter des CD ou DVD de
contrefaçon, télécharger des musiques ou des sonneries,
paraissent tout à fait banal, familier, singulier ou anodin. Or,
à y regarder de près, on découvre un ensemble de pratiques
sociales qu'il est important de comprendre et d'expliquer. Le champ de la
microsociologie s'intéresse aux réalités sociales
« secondaires », ordinaires et qui ne mobilisent
qu'un regard périphérique, « boudé par la
recherche technocratique »20(*). C'est donc une « une sociologie
de la banalité »21(*), ou mieux, une sociologie qui accorde
la primauté de son observation au « monde d'en bas
»22(*).
Au plan pratique, cette étude veut rendre compte de
l'émergence au Cameroun d'un phénomène social induit par
un ensemble de facteurs inhérents au politique, au juridique, au social
ainsi qu'à l'économique, et qui interpellent au premier chef le
sociologue, afin qu'il comprenne, explique et analyse ses manifestations et son
impact. En outre, elle veut tirer la sonnette d'alarme sur ce
phénomène qui a pris une ampleur considérable dans notre
société, créant des dysfonctionnements réels au
sein de celle-ci. L'impact de la piraterie, notamment sur les plans
économique et socio-culturel, mérite d'être relevé,
afin que l'Etat qui brille par une inertie et un laxisme inexplicable prenne
véritablement ses responsabilités en faisant prévaloir les
droits des artistes-musiciens, confinés dans une précarité
sans précédent et victimes d'une exclusion sociale.
De ce fait, dès lors que nous mettons la piraterie ou
la contrefaçon en relation avec le fonctionnement de la
société globale, la question que nous sommes en droit de nous
poser et qui structure finalement notre travail, est celle de savoir :
- A quoi tient la vitalité de la piraterie ou de la
contrefaçon des oeuvres musicales au Cameroun, et principalement dans la
ville de Yaoundé ?
De cette question centrale, découlent deux questions
spécifiques :
Q.1- Quels sont les logiques sociales qui
sous-tendent la croissance constante du phénomène de la piraterie
ou de la contrefaçon des oeuvres musicales ?
Q.2- Quels sont les modes opératoires,
les acteurs, les enjeux et l'impact de la piraterie des oeuvres musicales sur
les artistes-musiciens ?
III - Hypothèses de recherche
Avant d'énoncer nos hypothèses, il est utile
de préciser au préalable que l'hypothèse est
étymologiquement formé de deux racines : hypo, qui
signifie : sous, en dessous, en deçà de ..., et de
thèse, qui signifie : proposition à soutenir, à
démontrer. Par conséquent, l'hypothèse est :
« une proposition provisoire, une présomption, qui demande
à être vérifiée »23(*). En d'autres termes, elle
désigne « une réponse provisoire à la
question de départ de la recherche »24(*), qu'il faut en quelque sorte
soumettre à l'épreuve des faits. En bref, et d'une façon
très générale, on peut dire qu'une hypothèse est
une supposition que l'on fait d'une chose possible ou non et dont on tire une
conséquence. Son rôle étant d'indiquer les voies possibles
de réponse aux questions que pose le problème de la recherche. En
tant que telle, elle constitue le soubassement, la fondation
préliminaire de ce qui est à démontrer ou à
vérifier sur le terrain. Elle établit un lien entre deux concepts
ou deux phénomènes et devrait être exprimée sous une
forme observable afin d'indiquer le type d'observation à rassembler. Le
questionnement qui précède nous inspire donc deux types
d'hypothèses, qui se déclinent précisément en une
hypothèse générale appuyée par deux
hypothèses secondaires. En guise d'hypothèse
générale, nous posons que :
- La vitalité de la piraterie ou la
contrefaçon des oeuvres musicales à Yaoundé,
résulterait des facteurs pluriels, inhérents au juridique, au
politique, à l'économique et au social.
De cette hypothèse générale,
découlent deux hypothèses spécifiques que nous formulons
de la manière suivante :
H.1- La récession économique et
ses corollaires, la croissance démographique
asymétrique, l'insuffisance de la législation en
matière de protection, le développement des TIC, combinés
à la crise des valeurs morales, seraient des facteurs explicatifs de la
croissance de la piraterie.
H.2- La piraterie des oeuvres musicales
est une activité qui épouse les contours de la mafia. Son enjeu
serait important et son impact sur la vie des artistes-musiciens est
très considérable.
IV- Revue de la littérature
Il est unanimement admis que :
Lorsqu'un chercheur entame un travail, il est peu
probable que le sujet traité n'ait jamais été
abordé par quelqu'un d'autre auparavant, au moins en partie ou
indirectement (...) Tout travail de recherche s'inscrit dans un continuum et
peut être situé dans ou par rapport à des courants de
pensée qui le précèdent et l'influencent. Il est donc
normal qu'un chercheur prenne connaissance des travaux antérieurs qui
portent sur des objets comparables et qu'il soit explicite sur ce qui rapproche
et sur ce qui distingue son propre travail de ces courants de pensée.
25(*)
Fort de cela, nous pouvons, sur la base de l'abondante
documentation en rapport avec le champ thématique que nous entreprenons
d'analyser, affirmer que la question de la piraterie des oeuvres musicales a
fait l'objet d'études antérieures. La particularité de
celles-ci est qu'elles sont dans leur grande majorité, l'oeuvre des
chercheurs des pays occidentaux. En effet, en Europe et aux Etats-Unis, ce
phénomène se caractérise nettement par son
indéniable ancrage dans la configuration sociale actuelle de ces pays.
Intimement liée au développement des Technologies de
l'information et la communication, la piraterie des oeuvres musicales se
présente comme un défi aux enjeux considérables. Il suffit
de se référer à la problématique causée par
la démocratisation de l'Internet et de la mise à disposition par
les utilisateurs mêmes, de fichiers musicaux protégés,
outrepassant de la sorte l'autorisation préalable de l'auteur ou de
l'artiste. Cet aspect du piratage ou de la contrefaçon a largement
inspiré de nombreux auteurs, qui pensent que :
La numérisation et la mise en réseau
d'oeuvres est désormais à la portée de tout un chacun qui
peut devenir du jour au lendemain un éditeur de contenus informationnels
et culturels. La copie est facile, rapide, de bonne qualité et sa
communication est potentiellement mondiale et illimitée.26(*)
Internet s'est donc mis au service des activités les
plus hétéroclites, et en l'espèce, le domaine musical n'a
pas été en reste. C'est pour cette raison que la toile27(*) est assimilée par
certains à un ``septième continent'' ou bien encore une
``terre de crimes''.
Si l'avènement des TIC et plus
généralement de l'informatique a bouleversé la perception
classique du droit d'auteur et des droits voisins, et changé la
configuration du problème, il faut dire que plusieurs auteurs ont
travaillé sur l'organisation juridique du droit d'auteur et sa
protection, les brèches sur l'application des prescriptions
légales (BERENBOOM, A.28(*), LIPSZYC, D.29(*), KELLENS, G.30(*)), ou sur l'évolution historique ainsi que les
mutations du droit d'auteur et droits voisins (DE BORCHGRAVE, J.). D'autres
auteurs ont voulu cerner « les circonstances des violations au
droit d'auteur et leur ancrage contextuel », en adoptant une
grille de lecture criminologique. C'est le cas de COLANTONIO, F.,31(*) qui considère la
piraterie comme un crime, et fait une analyse de la personnalité des
pirates ou des contrefacteurs. En outre, il détermine les motivations et
explications potentielles du passage des contrefacteurs à l'acte de
piratage, et formule des « hypothèses prophylactiques
susceptibles d'être appliquées en vue d'une meilleure protection
du droit d'auteur »32(*). Les effets néfastes de la piraterie ou
de la contrefaçon des oeuvres musicales ont également fait
l'objet de recherches, à l'instar de celles menées par
PANETHIERE, D.33(*) Dans
un article publié en 2005 par l'Organisation des Nations Unies pour
l'Education, la Science et la Culture (UNESCO), cette dernière montre
que la persistance de la piraterie musicale a des conséquences
considérables sur l'industrie de la production musicale, la
créativité des artistes et le développement durable.
Toutefois, il faut dire que le phénomène de la
piraterie tel que vécu en Europe ou en Amérique, n'a ni la
même ampleur, ni la même configuration qu'en Afrique. En raison de
la très faible accessibilité à l'outil informatique et aux
supports numériques (Mp3, Mp4, Ipod, Iphone, etc.), la piraterie est
beaucoup plus visible chez nous à travers la commercialisation des CD et
DVD de contrefaçon, et dans une certaine mesure, à travers le
téléchargement illégal des musiques. Malgré
l'ampleur de ce phénomène, il faut avouer que la question est
restée un domaine à explorer par les chercheurs des pays en
développement, notamment ceux de l'Afrique subsaharienne. La question de
la piraterie des oeuvres musicales ne bénéficie que d'un regard
furtif ou d'une attention périphérique. C'est la raison pour
laquelle le chercheur qui s'y engage est toujours confronté à une
indigence documentaire qui constitue un véritable écueil pour la
réalisation de son travail. La piraterie livresque a certes
suscité l'intérêt de certains chercheurs. C'est le cas
notamment de Dieudonné ATCHANG34(*) qui fait une incursion dans l'univers de la
photocopie en milieu universitaire, afin de décrypter et analyser les
éléments incitatifs à la progression de cette
activité. Pour ce qui est plus spécifiquement de la
contrefaçon des oeuvres musicales, il existe très peu de
recherches approfondies sur la question. On note beaucoup plus la publication
d'articles parus dans des journaux locaux, qui décrivent ce
phénomène pourtant en plein boom dans ce continent devenu cible
privilégiée des contrefacteurs, depuis le renforcement des
contrôles douaniers aux frontières de l'Europe.
Le peu d'intérêt suscité par
l'étude de ce phénomène au Cameroun pourrait s'expliquer
par le fait que la piraterie des oeuvres musicales, considérée
à juste titre comme un délit ou une infraction passible de peine
correctionnelle, a laissé croire à plus d'un chercheur qu'elle
relève exclusivement du domaine du droit. Par conséquent, cela
légitime, d'une part, l'abondance de la littérature juridique en
la matière ; D'autre part, cela justifie l'absence manifeste de
renseignements sur ce sujet, produits par des chercheurs autres que ceux
d'obédience juridique, notamment les sociologues, les statisticiens, les
économistes, etc., qui sont tout aussi interpellés par ce
phénomène.
Après un tour d'horizon sur les différentes
approches du phénomène de la piraterie abordées par un
certain nombre d'auteurs, il est question pour nous maintenant, et comme le
recommandent si bien QUIVY, R. et CAMPENHOUDT, L. de :
« (...) dépasser les interprétations
établies qui contribuent à reproduire l'ordre des choses afin de
faire apparaître de nouvelles significations des phénomènes
étudiés qui soient plus éclairantes et plus
pénétrantes que les
précédentes »35(*).
Eu égard à ce qui précède et
contrairement aux travaux sus-cités, ce travail se veut plutôt une
étude exploratoire sur ce phénomène qui s'illustre par son
caractère banal. Nous n'allons pas nous étendre dans les arcanes
des développements juridiques en déroulant in extenso le contenu
du cadre légistique en matière de violation des droits d'auteur ;
nous n'allons non plus chercher à cerner les circonstances des
violations au droit d'auteur ainsi que leur ancrage contextuel ; et encore
moins à déterminer la typologie des délinquances et les
motivations potentielles des infracteurs, ou à proposer des
stratégies prophylactiques. Le but de notre étude est d'aller
au-delà des approches antérieures, en adoptant une grille de
lecture sociologique pour analyser les facteurs explicatifs, les modes
opératoires et l'impact de ce phénomène dans la ville de
Yaoundé. Notre approche se veut plus pragmatique et voudrait nous amener
à saisir les raisons sociologiques qui expliquent que les dispositions
légales et judiciaires organisant la protection des oeuvres musicales au
Cameroun soient dramatiquement ébranlées aujourd'hui, sous le
regard indifférent des pouvoirs publics, à qui incombe pourtant
la responsabilité de garantir les droits des citoyens sans distinction
aucune.
V- Méthodologie
Selon AKTOUF Omar, la méthode est :
La procédure logique d'une science,
c'est-à-dire l'ensemble des pratiques particulières qu'elle met
en oeuvre pour que le cheminement de ses démonstrations et de ses
théorisations soit clair, évident et irréfutable. Elle est
constituée d'un ensemble de règles qui, dans le cadre d'une
science donnée, sont relativement indépendantes des contenus et
des faits particuliers étudiés en tant que tels. Elle se traduit,
sur le terrain, par des procédures concrètes dans la
préparation, l'organisation et la conduite d'une recherche.36(*)
Fort de cette définition, la méthodologie peut
être définie comme étant :
« L'étude du bon usage des méthodes et
techniques ». En effet, le problème n'est pas de
connaître les différentes méthodes et techniques.
L'important est de savoir les utiliser comme il se doit, c'est-à-dire de
savoir comment les adapter, le plus rigoureusement possible, d'une part
à l'objet précis de la recherche ou de l'étude
envisagée, et d'autre part aux objectifs poursuivis. D'une importance
fondamentale dans tout travail de recherche, elle constitue la clé de
voûte de tout travail de recherche. A la vérité, les
méthodes et techniques retenues dans une recherche donnée doivent
être les plus aptes à rendre compte du sujet étudié
et à mener le chercheur vers les buts qu'il s'est fixés en termes
d'aboutissement de son travail. Selon CHINDJI-KOULEU, F., la
méthodologie comporte : « à la fois la
structure de l'esprit et de la forme de la recherche et les techniques
utilisées pour mettre en pratique cet esprit et cette
forme »37(*). Dans le cadre de ce travail, la méthodologie
est scindée en quatre points essentiels, à savoir : le cadre
théorique d'analyse, les techniques de collecte de données,
l'analyse des interviews et enfin le cadre et la population d'étude.
V.1 - Cadre conceptuel de l'étude
V.1.1 - Les variables
V.1.1.1- Variable dépendante ou
expliquée
C'est le phénomène que l'on se propose
d'étudier afin d'en expliquer les variations. Elle dépend, dans
ses variations, d'autres phénomènes ou variables que l'on peut
étudier ou manipuler. Dans le cadre de cette étude, la variable
dépendante est la piraterie ou la contrefaçon des oeuvres
musicales.
V.1.1.2- Variables indépendantes ou
explicatives
Ce sont les facteurs qui expliquent et permettent de
comprendre le phénomène étudié, c'est-à-dire
la variable dépendante. Elles influencent la modification de la variable
dépendante. Dans le cadre de notre étude, il s'agit
précisément de quatre facteurs : La récession
économique et ses corollaires, la croissance démographique
asymétrique, le développement des Technologies de
l'Information et de la Communication (TIC) et la crise des valeurs morales.
V.1.2 - Les indicateurs des variables
indépendantes
Les indicateurs sont des données observables permettant
d'appréhender les dimensions, la présence ou l'absence de tel
attribut dans la réalité étudiée.
V.1.2.1- Les indicateurs de la récession
économique
La baisse du niveau de vie des populations, la faiblesse du
revenu par habitant, la pauvreté, la misère, le chômage,
l'essor du secteur informel, etc.
V.1.2.2- Les indicateurs de la croissance
démographique
Forte augmentation de l'effectif de la population au fil des
années.
V.1.2.3- Les indicateurs du développement des
TIC
Démocratisation de l'Internet, ouverture de nombreux
cybercafés, accessibilité facile aux supports numériques.
V.1.2.4- Les indicateurs de la crise des valeurs
morales
Forte montée des comportements
déviants dans la société : homosexualité, faux
diplômes, corruption, détournements des fonds publics,
délinquance, etc.
V.2- Cadre théorique d'analyse
La spécificité des phénomènes
sociaux est qu'ils sont généralement très complexes et
difficiles à appréhender à la fois dans leur ensemble et
dans leurs mouvements par l'esprit humain. Eu égard à cela, le
chercheur, dans son effort d'explication, d'analyse et d'intelligibilité
de la réalité sociale, doit nécessairement faire recours
à des grilles d'explication en vue de leur meilleure saisie. C'est donc
en procédant par « analogie » ou en
réduisant les phénomènes concrets très
compliqués à des phénomènes théoriques
beaucoup plus « simplifiés et en quelque sorte
stylisés » 38(*) , qu'il peut découvrir ce que
PARETO, V., cité par ROCHER, G., appelle des «
uniformités expérimentales » 39(*) dont la pertinence et la
validité sont légitimées par des
« vérifications expérimentales
» 40(*).
Autrement dit, une telle ambition requiert du chercheur, qu'il procède
du mieux connu au moins connu, en partant « des
réalités plus familières et plus simples, qui (lui)
servent de point d'appui pour appréhender par analogie, des ensembles de
phénomènes plus complexes et, par conséquent, plus
difficiles à percevoir et à analyser dans leur totalité
» 41(*).
L'étude d'une réalité sociale aussi complexe que la
piraterie des oeuvres musicales qui ne se laisse pas décrypter
aisément, ne saurait déroger à cette exigence
méthodologique.
Plusieurs théories sociologiques se
révèlent à même de fournir une compréhension
valable, plausible et même satisfaisante des facteurs explicatifs, des
modes opératoires et de l'impact de la piraterie des oeuvres musicales
à Yaoundé. Aussi, allons nous mobiliser deux modèles
théoriques : l'approche dynamiste et critique, ainsi que l'approche
stratégique. Cette pluralité de modèles est
justifiée par l'extrême ``complexité'' de ce
phénomène et exige pour plus de précision et de logique
dans l'analyse, une multiplicité d'approches ou une pluralité des
modèles explicatifs qui, selon GURVITCH, G., interpelle le chercheur
pour une interdisciplinarité. Et ceci, principalement pour un souci de
saisie « en profondeur » de la
réalité étudiée.
V.2.1 - L'approche dynamiste et critique
L'approche dynamiste se revendique de
l'héritage de l'école de Frankfurt dans les années 1930.
Forgée en Occident et portée par des figures de proue de la
sociologie à l'instar de TOURAINE, A. et BALANDIER, G., elle est connue
dans l'histoire de la sociologie pour sa vocation à rendre compte des
changements, des mobilités, des bouleversements sociaux, des
transformations et l'inachèvement essentiel de tout agencement social.
C'est une école qui accorde une place primordiale aux dynamiques
sociales et, « est particulièrement attentive à
déceler tout ce qu'une société recèle de
potentialités, de peu visible, de latent, qui échappe aux formes
visibles »42(*).
Elle veut donc saisir les phénomènes à deux niveaux :
« le niveau officiel » 43(*)et « le
niveau officieux » 44(*) à travers la recherche du latent ou
du caché des pratiques sociales, qui permet
de comprendre et d'expliquer « l'apparent »45(*). Car, à la
vérité, et pour reprendre BALANDIER, G :
Les sociétés ne sont jamais ce qu'elles
paraissent être ou ce qu'elles prétendent être. Elles
s'expriment à deux niveaux au moins ; l'un superficiel,
présente les structures `` officielles'', si l'on peut dire ;
l'autre, profond, assure l'accès aux rapports réels les plus
fondamentaux et aux pratiques révélatrices de la dynamique du
système social.46(*)
Il a été relevé plus haut que la
piraterie des oeuvres musicales est un phénomène complexe, qui ne
se laisse pas décrypter avec souplesse et aisance. La
réalité qui y est contenue, est en partie voilée,
cachée, sinon clandestine. Or, c'est précisément dans
cette vérité voilée que se trouve son pouvoir causal. La
piraterie procède d'une violation du droit de la propriété
intellectuelle, et plus précisément du droit d'auteur et des
droits voisins. Ce qui suppose que sa pratique telle que vécue
aujourd'hui dans la ville de Yaoundé relève simplement de la
clandestinité ou de l'illégalité. Or, la
vérité du fait clandestin ou illicite est
généralement dissimulée, tue, voilée ou
cachée.
Transposée dans notre étude, cette approche
s'avère d'une grande importance. En effet, elle permet de déceler
quelques facteurs saisissants qui expliquent la vitalité de la piraterie
des oeuvres musicales. Autrement dit, elle permet de comprendre les logiques
qui sous-tendent le mutisme des pouvoirs publics face à la croissance
constante de ce phénomène à Yaoundé. Il est donc
question de repérer les dynamiques « du
dedans » et les dynamiques « du
dehors »47(*) qui expliquent la propension de ce
phénomène. Selon BALANDIER. G., ce sont ces deux types de
dynamiques qui sont porteuses de mutations sociales. D'une part, les dynamiques
« du dedans » résultent des contradictions
dues à la coexistence de plusieurs entités au sein d'un groupe
social. Ces contradictions placent ledit groupe social dans une situation de
perpétuel mouvement. D'autre part, les dynamiques « du
dehors » sont des forces ou des éléments externes
à un groupe social. Ces éléments porteurs de
contradiction, du fait de leur extériorité par rapport au groupe
social en question, impulsent, au contact des dynamiques internes, des
mutations sociales.
Par ailleurs, l'approche critique qui découle de
l'analyse dynamiste, permettra de ne pas limiter les observations, les analyses
et les explications, strictement au niveau institutionnel du visible qui lui,
est superficiel. La piraterie des oeuvres musicales ne peut mieux être
cernée et comprise qu'à partir du dépassement du niveau
formel des lois et autres réalités ayant un caractère
mystificateur et fallacieux, pour atteindre le niveau caché et implicite
des non-dits où repose l'essence même des causes de la persistance
de ce phénomène. Or, « Dès l'instant
où les sciences sociales appréhendent ces deux niveaux
d'organisation et d'expression, et où elles déterminent leur
rapport, elles deviennent nécessairement
critiques »48(*).
Il est donc question de faire une lecture et une analyse de la
piraterie des oeuvres musicales au second degré ; car ce
phénomène découle de plusieurs facteurs bien
imbriqués entre eux. Plus précisément, il s'agit d'aller
au-delà de ce qui se donne à voir dans la pratique de la
piraterie ou la contrefaçon des oeuvres musicales et, selon ZIEGLER, J.,
de « révéler la société
derrière les écrans déformateurs des
représentations que les idéologies imposent aux
hommes »49(*) ; mieux, de décrypter et
dévoiler les facteurs qui inhibent la lutte contre la piraterie ou la
contrefaçon, de démasquer « le décalage
entre les apparences de la réalité sociale et cette
réalité même » 50(*), parce que :
« Ce qui est montré est à expliquer par ce qui ne
se montre pas» 51(*).
En somme, l'approche dynamiste et critique nous semble utile
pour lire et analyser en profondeur comme cela est l'ambition de cette
étude, afin de dé-« mythifier »,
dévoiler dénoncer, et « regarder ce qui est
caché, (...) dire ce qui est tu, (et) faire apparaître la faille
d'un discours, la distance de la parole à l'action »52(*). Au total, cette
démarche est assimilable à celle d'un espion voulant
« dé -couvrir tout ce qui est dévoilé -
voilé par la langue ordinaire »53(*), afin de montrer les aspects
cachés et parfois déconcertants du phénomène.
D'où la nécessité de critiquer l'aspect formel du
fonctionnement de la société, et de rendre compte des
réalités cachées derrières la vitalité des
phénomènes de la piraterie et de la contrefaçon.
En refusant de nous limiter aux discours officiels qui
soutiennent avec force que la société camerounaise se porte bien,
que notre pays est un Etat de droit où les autorités attachent du
prix au respect des droits et libertés de tous les citoyens, que l'Etat
est encore à l'étape de la sensibilisation des camerounais sur la
piraterie (alors que la persistance de celle-ci confine les artistes-musiciens
dans la paupérisation depuis des années) et que la phase
répressive est imminente, nous ne pouvons que être critique, car
le même discours est tenu depuis des lustres.
V.2.2 - L'approche stratégique
Issue des relations de pouvoir
empruntée à DAHL, R., l'analyse stratégique des
organisations impersonnelles, à l'instar des bureaucraties, est promue
par CROZIER, M. et FRIEDBERG, E. Ce courant est principalement fondé sur
le diptyque pouvoir-jeu et sur des concepts tels que : marge de
liberté, calcul, stratégie, rationalité (limitée),
enjeu, projet et règles du jeu, qui constituent son cadre
théorique. Fille de la sociologie des organisations, cette
épistémologie propose une analyse générale du
système observé, des rôles et des stratégies qu'on
peut discerner derrière les comportements. En d'autres termes, elle
étudie comment les individus agissent à l'intérieur
d'organisations caractérisées par des relations de pouvoir. Dans
leur approche stratégique des comportements au sein des entreprises,
CROZIER et FRIEDBERG font de chaque membre de l'organisation un acteur jouant
son rôle selon ses propres finalités. Mieux, l'interaction entre
l'individu-acteur et l'organisation est perçue comme un jeu dans lequel
chaque acteur-joueur tente de maximiser son gain en minimisant sa mise ;
ce qui est le propre du comportement rationnel. Même les relations de
pouvoir sont envisagées comme un système réglé, tel
un jeu au sein duquel les acteurs jouent leur partie selon leur place et leurs
moyens. Dans les relations de pouvoir, la notion de pouvoir est entendue comme
« la capacité de A d'obtenir que B fasse quelque chose
qu'il n'aurait pas faite sans l'intervention de A »54(*). Ainsi, A dispose d'une
certaine liberté d'action et s'appuie sur un ensemble de règles
qui codifient le comportement de B et qui limitent sa marge de manoeuvre.
L'acteur n'est donc pas totalement contraint, il dispose
d'une marge de liberté qui lui permet de choisir entre plusieurs
solutions, celle qui est la plus apte à servir ses projets ou celle
qu'il juge satisfaisante compte tenu de son information, de la situation et de
ses exigences. Par conséquent, son comportement est le résultat
d'une stratégie rationnelle, et dont la rationalité n'est pas
pure, mais plutôt « limitée ».
De manière plus précise, on peut retenir que
cette approche :
donne à voir que les conflits
d'intérêts, d'autorité, poussent à l'invention des
stratégies gagnantes aidant à l'accomplissement des desseins
propres à un individu, stratégies destinées à la
satisfaction des ambitions personnelles dont l'interface peut s'avérer
nuisible au bon fonctionnement de la structure d'ensemble pourtant au service
de l'homme. 55(*)
CROZIER a ensuite tenté de transposer à
l'ensemble de la société, les résultats acquis au cours de
son analyse microsociologique.
Dans le cadre de notre étude, cette approche semble
intéressante, en ceci qu'elle paraît plus susceptible de rendre
compte des différentes stratégies déployées par ces
acteurs sociaux que sont les pirates ou les contrefacteurs des oeuvres
musicales, pour se détourner de la législation sur le droit
d'auteur et les droits voisins. Elle conduira à déterminer les
stratégies de ces acteurs, à s'interroger sur les logiques
d'acteurs pour montrer comment, en fonction des conditions organisationnelles
et de la conjoncture économique actuelle, ils répondent en
adoptant des conduites qui leur sont favorables. En d'autres termes, cette
approche permettra de montrer comment chaque acteur ménage sa zone
d'incertitude et choisit en fonction des conditions qui lui sont favorables,
une stratégie qu'il estime gagnante. A travers cette marge de manoeuvre,
chaque individu poursuit ses propres objectifs, lesquels ne sont pas
nécessairement compatibles avec ceux de certains membres de la
communauté qui ont une condition de vie plus acceptable.
Les pirates disposent d'une marge de liberté qui leur
permet de tirer profit de leur position en saisissant les opportunités
diverses qui s'offrent à eux dans l'exercice de leur activité.
Une telle décision est rationnelle en ceci qu'elle est basée sur
le calcul des chances de gain des pirates et des clients (gagner de l'argent ou
obtenir à moindre coût les musiques qu'on aime) en fonction des
atouts (grande disponibilité des produits piratés et
facilité d'obtention de ces musiques), des règles du jeu
(discrétion, clandestinité...) et de l'intérêt
porté à l'enjeu (trouver des moyens de survie ou bien
acquérir à moindre coût les musiques de son choix et
trouver du plaisir à les écouter). Les pirates ne sont pas des
sujets passifs qui subissent les affres de la misère et la
pauvreté. Ils inventent des stratégies gagnantes en vue de
s'extirper de cette pauvreté dans laquelle ils sont confinés.
En outre, l'approche stratégique va mettre
en exergue les conflits d'intérêt et les relations de pouvoir qui
existent entre les autorités chargées de faire respecter la
législation sur le droit d'auteur et les pirates ou contrefacteurs des
oeuvres musicales.
V.3- Nécessaire recours à
l'interdisciplinarité
L'analyse de la question de la piraterie des oeuvres
musicales, impose au chercheur le recours à une
interdisciplinarité. La nécessité d'une telle approche
dans ce travail répond essentiellement à un souci de saisie
exhaustive, ou encore « en profondeur » du
phénomène étudié. L'approche interdisciplinaire,
recommandée dans la sociologie contemporaine, mobilise autour de la
sociologie d'autres disciplines qui permettent de saisir dans la
totalité la réalité sociale.
Selon PIAGET, J., la recherche interdisciplinaire implique la
confrontation, l'échange des méthodes, des concepts voisins et
des points de vue, et se distingue nettement de la recherche pluridisciplinaire
dans laquelle plusieurs sciences coopèrent ou collaborent, chacune
conservant sa spécificité. Toutefois, la recherche
interdisciplinaire se rapproche de la recherche transdisciplinaire qui se situe
à un niveau d'abstraction élevé, utilisant des
théories et concepts communs à toutes les sciences
sociales56(*). Et comme le
relève NGA NDONGO, V. (2003) :
L'interdisciplinarité constitue l'une des
principales exigences de la sociologie aujourd'hui. Elle vise à une
sociologie en profondeur, à une saisie globale de la
réalité sociale, à une sorte de ``sociologie totale''.
[elle] est de moins en moins respectueuse des frontières
artificiellement dressées entre les sciences humaines, au nom de la
nécessité pour chacune d'elles d'avoir, en propre, leur objet,
leur méthode et leur système de concepts (...) Cette
démarche préconise, par contre, une collaboration, voire une
intégration des théories, des méthodes, des approches et
des résultats entre les sciences humaines, entre les sciences tout
court. 57(*)
Cette collaboration, cette intégration ou cette
complémentarité entre les sciences, permet à la sociologie
de bénéficier des apports fécondants ou enrichissants
d'autres disciplines, notamment certains concepts et certaines dimensions, qui,
utilisés dans un cadre nouveau, peuvent permettre de poser de nouvelles
questions ou de mieux comprendre, analyser et expliquer la
réalité sociale étudiée. Cette considération
de la multiplicité des approches est d'ailleurs fortement
recommandée par TOURAINE, A., lorsqu'il affirme que :
« Une discipline qui s'en tient à la reproduction de ses
méthodes et de ses principes originaires se condamne à la
sclérose. Et souvent à la mort quand elle n'emprunte pas à
d'autres régions du savoir des éléments capables
d'élargir son champ d'analyse ».58(*)
Il est donc question dans ce travail, de franchir les
frontières disciplinaires, ou mieux, d'opérer une
« fracture des murailles disciplinaires » 59(*) en faisant un
détour nécessaire vers d'autres domaines de la connaissance, afin
d'éviter de tomber dans le piège de la parcellisation et la
``superficialisation'' de la réalité sociale complexe.
Au nom du polymorphisme de la sociologie, le fait-contrefaçon ou le
fait-piraterie va franchir la muraille juridique dans laquelle il était
jusque-là confiné, pour être appréhendé selon
une approche interdisciplinaire, ou encore selon une « approche
intégrée » 60(*), qui se veut non seulement
« solidaire d'autres formes de savoirs et de
sciences »61(*), mais également et surtout
« attentive à toutes les suggestions utiles qui peuvent
s'affirmer bénéfiquement, dans leur contribution, à
l'étude de notre objet »62(*).
Aussi, la piraterie des oeuvres musicales recèle des
aspects sociologique (car, elle prend corps dans un groupe
social qui réagit soit en le réprimant, soit en le
perpétuant) ; philosophique (car, elle
soulève un certain nombre de questions d'ordre éthique et moral),
historique (la genèse de ce fait social qui s'est
construit au fil du temps permet de le comprendre ),
statistique (dans la perspective où elle
s'intéresse à la quantification de la réalité
sociale), économique (dans sa partie descriptive),
géographique (notamment dans sa
spécificité urbaine), démographique (dans
la mesure où il n'est guère de phénomènes sociaux
qui n'aient un aspect démographique63(*)), juridique (en ce qui concerne la
violation des lois et les sanctions y afférentes) et politique
(parce qu'il dénote un manque de volonté de la part des
autorités en place, pour ce qui est de la mise en application des lois
et textes en vigueur sur la contrefaçon). Il est donc utile de
connaître ces différents aspects et de les conjuguer parfaitement,
afin de mieux cerner ou comprendre les contours et les méandres de cette
réalité sociale dont l'intelligibilité est complexe,
fuyante, et difficilement saisissable.
V.4 - Techniques de collecte des données
Les faits sociaux sont à la fois «
constatés, conquis et construits ». Et dans ce
dispositif, figure en bonne place la collecte des informations destinées
à être traitées, analysées et
interprétées, ainsi que la sélection des
données. Selon QUIVY, R. et CAMPENHOUDT, L., la collecte des
données « constitue la mise en oeuvre de l'instrument
d'observation [et] consiste à recueillir ou rassembler
concrètement les informations prescrites auprès des personnes ou
unités d'observation retenues dans
l'échantillon »64(*). Les techniques de collecte des données
à utiliser pour cette étude, doivent permettre de recueillir des
informations pertinentes en vue d'une saisie des modes opératoires et de
l'impact de la piraterie des oeuvres musicales au Cameroun. En outre, elles
doivent permettre de décrypter quelques facteurs sociologiques
expliquant la vitalité de ce phénomène. Aussi allons nous
mobiliser des techniques classiques dans les sciences sociales, notamment
celles qui recourent à l'échange verbal et celles qui permettent
la saisie des phénomènes in situ tout en essayant de
révéler le non-dit, le caché, le voilé ou le
latent.
V.4.1- La pré-enquête
Dans le cadre d'une recherche, avant de mettre sur pied un
dispositif plus étendu en vue de collecter les données, il est
important que le chercheur procède d'abord à une
pré-enquête. GRAWITZ, M. affirme que la pré-enquête
« consiste à essayer sur un échantillon
réduit les instruments (questionnaires, analyses de documents)
prévus pour effectuer l'enquête »65(*). Par conséquent,
ajoute-t-elle : « Si l'on a des doutes sur telle ou telle
variable, ou sur le rendement de telle technique, on peut explorer de
façon limitée le problème à étudier, avant
même de préciser définitivement ses
objectifs »66(*). C'est certainement ce qui amène ANSART,
P. à faire cette précision importante : « Cet
exercice préparatoire vise à vérifier la
faisabilité de l'enquête projetée et,
éventuellement, à améliorer les objectifs, les
formulations, les moyens de réalisation »67(*). Ainsi, à travers la
pré-enquête, le chercheur explore et sonde le terrain
d'étude, teste ses instruments de collecte des données. En outre,
la pré-enquête permet non seulement de relever les diverses
dimensions de la recherche, à savoir la population cible, les
hypothèses, les concepts, les variables, mais aussi et surtout d'affiner
la définition des objectifs, des hypothèses et l'orientation de
la recherche en général.
Partant de ces considérations d'ordre
général, nous pouvons dire dans le cadre de notre étude
que la pré-enquête a permis d'avoir un premier contact avec notre
terrain d'enquête et d'essayer sur un échantillon réduit
nos instruments prévus pour effectuer l'enquête. Nous avons
également eu des entretiens avec quelques spécialistes du droit
d'auteur, des producteurs, distributeurs, artistes et vendeurs de Cd
contrefaisants. Ces entretiens ont permis de recueillir leurs avis sur la
question de la piraterie. Toute chose qui nous a amené à
réorienter nos hypothèses. Cet essai a également
suscité en nous quelques doutes, notamment sur le questionnaire que nous
comptions adopter comme instrument de collecte des données. En effet, la
pré-enquête a mis en évidence l'inadéquation de cet
instrument pour cette recherche, car nous avons constaté que la plupart
des enquêtés nous assimilaient à des agents de
renseignement et refusaient de se prêter à une interview.
V.4.2 - L'observation et ses variantes
Selon CAPLOW, T., « il est difficile d'imaginer
une étude de comportement sérieuse où l'observation ne
jouera aucun rôle »68(*). Aussi allons-nous faire recours à
l'observation dans ses trois principales modalités, à
savoir : l'observation documentaire, l'observation directe et
l'observation-participation.
V.4.2.1 - L'observation documentaire
Par définition, l'observation documentaire ou
« l'étude des traces »69(*) est une forme
d'observation différée ou encore une « observation
médiatisée par les documents »70(*). D'une importance
fondamentale en sciences sociales, elle est effectuée par le truchement
des documents71(*), et
vise à compléter les insuffisances de l'observation directe. A la
vérité, elle constitue la première étape dans la
réalisation d'un travail scientifique et consiste pour le chercheur
à dépouiller plus ou moins l'ensemble des documents relatifs
à son sujet d'étude. Elle lui permet en outre de constituer sa
bibliographie. L'observation documentaire s'est avérée importante
dans le cadre de ce travail, dans la mesure où elle a permis de tirer
des documents de diverses natures, une mine d'informations et autres
connaissances relatives à la question de la piraterie des oeuvres
musicales au Cameroun et dans d'autres pays. L'attention a notamment
été portée sur des documents écrits ou non et en
rapport avec notre thème, afin d'analyser leur contenu et d'en tirer les
informations utiles. Au nombre des documents écrits, nous avons
procédé à la lecture des ouvrages généraux
et spécialisés, les mémoires et thèses, les
articles de presse, les revues, les magazines, les sites d'actualité en
ligne, etc. Ces documents ont été disponibles grâce aux
bibliothèques et aux archives de certaines administrations (UCAC,
UNESCO, IFORD, CEDIC, CREPLA, CCF, SOCAM, Ministère de la culture,
Cercle Philo-Psycho- socio-Anthropologie de l'Université de
Yaoundé I), ainsi que sur Internet. Pour ce qui est des documents non
écrits, nous avons exploré des documents iconographiques
(caricatures, photos) et phonétiques (les émissions
télé et radiophoniques) portant sur notre thème. La
consultation de tous ces documents nous a davantage édifiés sur
notre thème et permis de réorienter quelques aspects de notre
projet de recherche.
Toutefois, si la recherche documentaire est indispensable
dans l'étude des phénomènes sociaux, il faut
reconnaître qu'elle ne rend pas totalement compte de la
réalité sociale. D'où le recours à l'observation
directe
V.4.2.2- L'observation directe
Les techniques d'observation directe sont
considérées comme étant « des modes
d'enregistrement, par notes descriptives ou analytiques, d'actions ou
d'observations perçues sur le terrain, dans un contexte naturel
»72(*). C'est
précisément pour cette raison que DURAND, J.P. et WEIL, R.
précisent que : « L'observation demeure souvent
un préalable obligé pour construire une bonne enquête par
entretiens ou par questionnaire »73(*). Dans notre étude,
l'observation directe a été dans un premier temps non
structurée, et dans un deuxième temps, structurée.
a)- L'observation directe non
structurée
Elle peut être faite par tout le
monde. Elle est appréhendée comme étant le fait pour tout
individu, sans but précis, d'exercer sur une surface sociale
donnée ou sur des conduites sociales précises, son sens de la
vue. Dans cette perspective, tout est vu, même les attitudes les plus
banales. Ce type d'observation n'est ni élaboré, ni
sélectif, ni dirigé. Dans le cadre de notre travail, elle s'est
déroulée pendant deux mois, de septembre à novembre 2009.
Tout au long de cette période, nous avons observé une foule de
faits utiles à la concrétisation de cette étude. Et notre
regard a été porté sur les vendeurs de CD, DVD, les
personnes qui téléchargent les sons et sonneries, les acheteurs
d'oeuvres musicales contrefaisantes, ainsi que sur la vie des
artistes-musiciens. Pour cela, il a fallu nous familiariser avec les vendeurs
en devenant un client fidèle.
b)- Observation directe structurée
Ce type d'observation fait appel à une construction
plus rigoureuse. Nous l'avons réalisé avec l'aide d'un canevas ou
d'un schéma d'observation, sur la base desquels les informations ont
été rassemblées. A travers l'observation directe
structurée, nous avons porté notre regard sur la pratique de la
piraterie des oeuvres musicales au quotidien, notamment l'exercice de
l'activité de vente des CD pirates, le comportement des clients,
l'attitude des autorités administratives, le fonctionnement des maisons
de production et de distribution, puis la vie des artistes-musiciens. Cela nous
a permis de collecter des informations pertinentes, grâce à une
grille d'observation. Cette tâche prenait de ce fait par moment la forme
d'entretiens clandestins ou informels avec les différents acteurs de la
piraterie. Aussi, il était question de :
Recueillir des informations sur les agents en captant
leurs propos au moment où ils se manifestent. L'avantage est de saisir
les phénomènes sur le vif et de ne pas dépendre des
réponses voire des interprétations des enquêtés,
comme dans le cas de l'entretien ou du questionnaire. [Dans ce sens, elle a
permis de] saisir des activités (...), des comportements (...), des
relations, des rites...74(*)
Cette opération qui a commencé en février
2009 et s'est poursuivie tout au long de l'étude (aussi bien pendant la
phase exploratoire que pendant la collecte des données proprement dite),
nous a permis de recueillir un ensemble d'informations sur la pratique de la
piraterie des oeuvres musicales et sur ses modes opératoires. Toutefois,
cette technique n'a pas pu véritablement garantir une connaissance
approfondie de notre objet d'étude. C'est la raison pour laquelle nous
avons également fait recours à l'observation participante, qui
s'est révélé plus à même de nous fournir des
informations encore plus pertinentes sur cette activité clandestine et
illicite qu'est la piraterie des oeuvres musicales.
V.4.2.3 - L'observation-participation
Expérimentée par les ethnologues et
anthropologues, l'observation-participation, selon l'expression de GRAWITZ, M.,
75(*) requiert une plus
grande implication ou un séjour prolongé du chercheur chez ceux
auprès de qui il enquête, afin de gagner leur confiance, au point
de s'intégrer dans leur groupe, de se faire oublier en tant
qu'observateur, mais en restant présent en tant qu'individu.
L'observation a lieu sinon « de
l'intérieur », au sens strict, du moins au plus
près de ceux qui la vivent et en interaction permanente avec eux. Il se
frotte à la réalité étudiée en chair et en
os. Le but ici étant de gagner la confiance des hommes, de se faire
adopter par eux, de faire admettre sa présence comme naturelle et
d'acquérir « un rapport de familiarité avec
l'objet »76(*) d'étude. A la vérité :
« les techniques d'observation se rapprochent finalement du
travail ethnographique qui requiert une longue familiarité avec le
terrain, la prise de notes, l'attention à l'imprévu, la
constitution d'une grille d'observation afin de classer les
données »77(*).
Cette technique s'est avérée utile pour cette
étude, dans la mesure où la piraterie des oeuvres musicales reste
un phénomène qui comporte une face cachée, invisible,
latente qu'il convient de découvrir. Cette réalité est
d'autant plus complexe et fuyante qu'elle paraît, pour la
familiarité de ses pratiques, s'ouvrir à l'enquêteur qui
risque d'être abusé et qui se laisse trop souvent enfermer dans la
collecte d'éléments superficiels ou secondaires. Et pour parvenir
à bien cerner la piraterie, il était nécessaire de
« s'immerger dans le groupe que l'on veut
étudier »78(*), dans le monde de la rue, afin de voir,
écouter et partager ce que les différents acteurs de la piraterie
des oeuvres musicales vivent, car : « Il est clair en effet que
si -sous le prétexte de l'objectivité - on veut observer une
institution, un groupe ou une communauté en lui demeurant
extérieur, on risque de laisser échapper des informations
essentielles »79(*). Ainsi, nous avons partagé le vécu
quotidien des pirates ou contrefacteurs des oeuvres musicales, afin de mieux
saisir les aspects cachés et les plus complexes de leur activité.
L'observation-participation, autrement appelée observation participante,
n'a duré que sept mois en raison des contraintes de temps, et s'est
déroulée entre mars et octobre 2009. Nous avons dû nous
passer pour vendeur de CD originaux et CD contrefaisants à la fois,
grâce à un espace obtenu en face de la SNI80(*) par le canal d'un ami,
lui-même vendeur de CD de contrefaçon. Cette présence
permanente en ces lieux avait pour but d'essayer de comprendre qui sont les
acteurs de la piraterie ou la contrefaçon des oeuvres musicales, quelles
sont les raisons du choix de cette activité, quelle est leur
géographie ethnique, quels sont les modes opératoires de leur
activité, quelles sont leurs moyens et leurs conditions de
ravitaillement en supports musicaux, les conditions d'obtention d'un
emplacement au centre ville, les retombées de l'activité, la
gestion des bénéfices issus de leur activité, les
difficultés rencontrées dans l'exercice de leur activité,
etc. En outre, cette position de vendeur de CD nous a grandement ouvert les
portes des grossistes qui opèrent dans un autre cadre qui, lui, requiert
la plus stricte discrétion. Par là, nous sommes parvenus à
saisir les méandres de ce phénomène « en
profondeur », pour reprendre GURVITCH ; et surtout de
déceler des contradictions et des écarts entre ce que l'on dit
sur l'activité et ce qui se passe dans la réalité. En
d'autres termes, cette technique a permis de « cerner la
réalité formalisée et la réalité
expériencée »81(*).
En somme, l'observation-participation nous a permis de
recueillir des données ou des informations essentielles, permettant de
comprendre le quotidien des pirates et leur activité, et surtout de
donner du crédit à l'affirmation selon laquelle :
« Rien ne peut remplacer un contact direct de l'enquêteur
avec son terrain, et aucune autre technique n'est capable de suggérer
autant d'idées nouvelles »82(*).
V.4.3 - Les entretiens
Le terme ``entretien'' semble représenter en
français la traduction la plus littérale du mot anglo-saxon
interview. Ce procédé d'investigation scientifique utilisant un
processus de communication verbale pour recueillir des informations83(*), a été
présenté par BLANCHET et al., comme mettant face à
face : « (...) deux personnes, un interviewer et un
interviewé, conduit et enregistré par l'interviewer ; ce
dernier ayant pour objectif de favoriser la production d'un discours
linéaire de l'interviewé sur un thème défini dans
le cadre d'une recherche »84(*). Cette technique de collecte des données
qualitatives, encore appelée « conversation avec but
»85(*), est
d'une pertinence avérée, car elle permet au chercheur
d'accéder à de nombreuses informations nécessaires
à la recherche. Elle est donc appropriée pour la production des
données discursives et permet l'approfondissement d'un domaine
d'étude86(*), comme
le soulignent GHIGLIONE, R. et MATALON, B. Pour mener un entretien (suivant ses
différentes modalités : entretien libre ou non
directif ; semi directif ; directif ou standardisé), le
chercheur se munit généralement d'un guide d'entretien qui est
une liste des questions ou des thèmes qui doivent nécessairement
être abordés, soit spontanément parce que
l'enquêté parle de lui-même, ou alors sur la demande de
l'enquêteur.
Dans le cadre de notre étude, nous avons fait recours
simultanément aux entretiens non directifs suivis d'une phase
semi-directive, avec les pirates, les producteurs et les distributeurs, les
consommateurs d'oeuvres musicales pirates, les responsables de la
société de gestion des droits d'auteur et des droits voisins, les
forces du maintien de l'ordre, les hommes de loi (Magistrat, Avocat et Huissier
de justice), les responsables du ministère de la culture, les membres
des comités mis sur pied pour lutter contre la piraterie des oeuvres
musicales, ainsi que les artistes musiciens qui nous ont fait partager leur
quotidien fragilisé par la piraterie de leurs oeuvres musicales.
V.5- L'exigence d'une recherche qualitative
Il convient de ranger toutes les techniques de collecte des
données auxquelles nous faisons recours dans le cadre de ce travail dans
le registre des techniques dites qualitatives. La recherche qualitative est un
ensemble de techniques d'investigation qui donnent un aperçu du
comportement et des perceptions des gens. Elles permettent d'étudier
leurs opinions sur un sujet particulier de façon approfondie. La
recherche qualitative se caractérise par une approche qui vise à
décrire et analyser la culture et le comportement des humains. Par
conséquent, elle insiste sur la connaissance complète
ou « holistique » du contexte social dans
lequel est réalisée la recherche. Ici, la vie sociale est
perçue comme une série d'événements liés
entre eux. Elles génèrent des idées et des
hypothèses pouvant contribuer à comprendre comment une question
est perçue par la population cible. En effet, l'emploi des
méthodes quantitatives rencontre des difficultés logiques
considérables dans l'étude du phénomène de la
piraterie des oeuvres musicales. Loin d'accorder une priorité à
la recherche des régularités statistiques, les
méthodes qualitatives qui ont toute notre estime dans cette recherche,
consistent « à chercher la cause d'un
phénomène sans faire intervenir des données statistiques
(...) [A travers elle], il s'agit de montrer qu'il existe une relation logique
entre deux phénomènes (...) On peut alors établir une
relation de cause à effet entre eux »87(*).
Le recours aux seules approches qualitatives pour la collecte
des données relatives à ce travail, traduit non seulement la
volonté de saisir en profondeur cette catégorie de faits, mais
également et surtout, le souci de les saisir dans leur totalité
et leur complexité tout en les contextualisant. Il faut noter que les
études en sciences sociales sortent peu à peu de la
« quantophrénie 88(*)» dans laquelle elles ont été
confinées durant de longues années, et empruntent progressivement
une démarche qualitative qui est plus apte « à
rendre compte de la participation des acteurs à la production de la
société et à la construction dynamique de
l'historicité de celle-ci »89(*). Ceci, en raison du fait que
les enquêtes quantitatives occultent généralement
« les représentations symboliques, les sens, les pratiques
illogiques, les effets pervers, qui semblent pertinents pour une approche
contextuelle constructiviste »90(*), alors que les techniques qualitatives
permettent la saisie du social en profondeur et dans toute sa
complexité.
Dès lors, il est clair que notre enquête s'appui
sur des techniques de collecte des données qualitatives. Elles
permettent une collecte de données intensives, riches en sens et
significations, et limitent toute éventualité de perte
d'informations due à la taille réduite de l'étendue
statistique de notre échantillon. A la vérité :
Les méthodes qualitatives sont des méthodes
des sciences humaines qui recherchent explicitement, analysent des
phénomènes visibles ou cachés. Ces
phénomènes, par essences, ne sont pas mesurables (une croyance,
une représentation ...), ils ont les caractères des faits
humains. 91(*)
V.6 - L'échantillonnage
Selon VARKEVISSER, C. et al.,
« l'échantillonnage constitue la sélection d'un
certain nombre d'unités faisant partie de la population servant de
support à l'étude » 92(*). Dans
l'impossibilité d'étudier exhaustivement toute une population, en
raison notamment des contraintes de temps et de financement imposées par
l'enquête, le chercheur est amené à focaliser son attention
sur « des modèles réduits »93(*), c'est-à-dire
sur un sous ensemble représentatif de la population de recherche.
Au bout de ce travail, il va inférer les tendances
générales à partir d'observations particulières.
Mieux, il va faire une extrapolation ou une généralisation des
résultats à l'ensemble de la population. Et pour cela, il faut
nécessairement que l'échantillon présente les mêmes
caractéristiques que la population. Selon le cas, le problème de
la représentativité de l'échantillon se décline
soit en termes de variables contrôlées observables dans la
population cible, soit en termes d'importance numérique des
éléments interrogés en rapport avec l'ampleur de la
population totale ; on parle alors respectivement d'échantillon
statistique et d'échantillon sociologique. Pour ce qui concerne notre
travail, nous avons fait recours à un échantillon sociologique.
Son objectif n'est pas de généraliser les résultats
à l'ensemble de la population, mais plutôt de découvrir
l'éventail de pratiques, de comprendre les actions, les faits et gestes
quotidiens des acteurs sociaux. Il est clair que « la
qualité, la validité des résultats d'une enquête
dépendent de la taille de l'échantillon
interrogé »94(*). Ainsi, selon Ghiglione et Matalone :
Essayer de constituer un échantillon
« représentatif » de la population
étudiée n'a guère de sens puisque, de toute façon,
on ne fera pas d'inférence globale, et que le nombre de sujets
interrogés sera faible. Ce qui est important, c'est de s'assurer de la
variété des personnes interrogées, de vérifier
qu'aucune situation importante pour le problème traité n'a
été omise lors du choix des sujets.95(*)
A partir des quatre composantes que sont : la composante
autorités et personnes-ressources, la composante artistes-musiciens,
producteurs et distributeurs des oeuvres musicales, la composante pirates ou
contrefacteurs, ainsi que la composante consommateurs des oeuvres
piratées, notre échantillon obéit à des mobiles
compréhensifs, car s'inscrivant dans la perspective
wébérienne qui est, elle-même, de facture purement
qualitative et donc sociologique. Dans ce cadre, 40 personnes seront
interrogées et sont reparties de la manière suivante :
§ La composante autorité et
personnes-ressources, notamment les fonctionnaires
chargés de faire respecter la législation sur le droit
d'auteur : 06 personnes interviewées, ainsi qu'il
suit : 01 Magistrat ; 01 responsable de la préfecture du
Mfoundi (1er Adjoint préfectoral) ; Un responsable du
ministère de la Culture (le Directeur des Affaires juridique et du
contentieux et par ailleurs responsable de la Commission Nationale de lutte
contre la piraterie) ; 01 responsable de la SOCAM ; 01 Huissier de
justice et 01 Avocat.
§ La composante artistes-musiciens, producteurs
et distributeurs des oeuvres musicales, constituée de 07
auteurs compositeurs et interprètes, 01 producteur et 01 distributeur
sont interviewés dans cette catégorie ;
§ La composante pirates ou
contrefacteurs des oeuvres musicales, constituée de 15 vendeurs
des CD et DVD de contrefaçon, ainsi que de 05
« téléchargeurs » des sons et
sonneries ;
§ La composante Consommateurs des oeuvres de
contrefaçon, constituée de 10 personnes qui se
ravitaillent en oeuvres musicales auprès des pirates ou qui
téléchargent les musiques sur Internet elles mêmes.
Notre observation va donc porter sur un très petit
nombre de cas à partir desquels il sera, toutefois, possible
d'énoncer quelques propositions convaincantes ou probantes. Les
interviewés, notamment les vendeurs de CD et leurs clients ont
été accostés au hasard, dans un nombre suffisant
d'endroits différents, car il n'existe pas une liste exhaustive de
pirates ou une base de sondage au sens strict. C'est pour cette raison que nous
avons choisi de nous poster là où les produits sont vendus et
accoster tous ceux qu'on verra les acheter. Nous avons à certains
endroits, remarqué les acheteurs fréquents. Certaines personnes
pourraient se poser la question de savoir quelle est la
représentativité réelle d'un tel découpage de notre
échantillon, au regard de la multitude des éléments
susceptibles d'intervenir dans cette problématique. S'il est vrai qu'une
telle préoccupation n'est pas dénuée de fondement, il faut
souligner, comme le pensent d'ailleurs MATALON et GHIGLIONE, que :
Il est rare qu'on travaille avec un
échantillon parfaitement représentatif. (D'ailleurs), se poser la
question de la représentativité en soi, et vouloir à tout
prix un échantillon parfaitement représentatif, c'est s'imposer
une contrainte difficile à satisfaire, et souvent inutile.
96(*)
A ce propos, cette affirmation arrive à point
nommé, car elle a le mérite de trancher net ce débat sur
la représentativité d'un échantillon. Il faut dire que le
choix de notre échantillon n'est pas fantaisiste, dans la mesure
où il comporte en son sein des acteurs intervenant dans la longue
chaîne de la piraterie ou la contrefaçon des oeuvres musicales
à Yaoundé. C'est dans le même ordre d'idée que
d'autres pourraient penser qu'un échantillon de 40 personnes, au vue de
la grande ampleur du phénomène étudié, est
insignifiant. Dans ce cas, ce serait perdre de vue la réalité
selon laquelle notre travail s'inscrit dans une perspective
compréhensive et donc qualitative. En tout état de cause, il
s'appuie sur des outils de collecte qualitatifs, et en l'occurrence, sur
l'entretien semi-directif. Sur cette question, MATALON et GHIGLIONE
précisent que :
Lorsqu'on utilise des
méthodes non standardisées, entretiens non directifs ou
entretiens structurés, il est inutile d'interroger un très grand
nombre de sujets. La lourdeur de l'analyse rend difficile l'exploitation
systématique d'un nombre important d'entretiens. D'ailleurs,
l'expérience montre que, pour les thèmes habituellement
abordés par ces méthodes, il est rare qu'on voie apparaître
des informations nouvelles après la vingtième ou la
trentième interview. 97(*)
Tableau 1 : Récapitulatif de
l'échantillon
Catégories des répondants
|
Mode d'entretien
|
Nombre de répondants
|
pirates ou contrefacteurs
|
Non directif
|
15
|
Artistes-musiciens, producteurs et distributeurs
|
Non directif
|
9
|
Autorité et personnes- ressources
|
Semi directif
|
6
|
Consommateurs
|
Non directif
|
10
|
Total
|
-
|
40
|
Sources : Nos données de
terrain.
V.7- Dépouillement, analyse et interprétation
des entretiens
L'analyse et la vérification des
interviews a porté précisément sur trois
étapes : la vérification, le rassemblement des questions et
le codage. Le dépouillement des guides d'entretien a été
effectué manuellement en vue d'une analyse de contenu. Les
données qualitatives obtenues dans cette étude ont
été traité de la manière suivante : Lecture
d'ensemble des transcriptions issues des entretiens, le repérage des
mots clés retenus, la classification des discours en fonction des
niveaux explicatifs de la problématique. Les informations recueillies
après nos entretiens ont été analysées. A cet
effet, l'analyse thématique a été requise. Ici, nous
sommes partis de la singularité du discours pour reconstruire ce qui se
réfère à la problématique de notre recherche. Cette
analyse a donc été opérée sur la base de la
variable dépendante, en la découpant en indicateurs. Les
informations recueillies ont été analysées et
interprétées à l'aide de l'analyse de contenu qualitatif
et direct. Précisons que l'analyse de contenu est une méthode
d'observation et de traitement des communications. Elle a pour
intérêt d'accroître la compréhension du
matériel analysé à un niveau différent de celui
d'une simple lecture de sens commun. Elle porte sur des messages aussi
variés que des oeuvres littéraires, des articles de journaux, des
documents officiels, des comptes-rendus d'entretien semi-directifs. Elle
accorde une importance aux thèmes, aux mots et aux concepts.
1-La vérification
Elle a consisté, lorsque nous avons terminé les
entretiens, à rassembler les comptes-rendus pour analyser ce
matériel pour en tirer des conclusions et établir la concordance
ou l'uniformité des réponses.
2-Le rassemblement des questions
Nous avons procédé à l'examen des
réponses par enquêté, pour déceler celles qui font
apparaître des contradictions, ou alors le lien entre certaines questions
qui se complètent. Après cet examen, nous avons
étudié toutes les réponses, en prenant question par
question.
3-Le codage
Pour GRAWITZ, M. : « l'opération de
``codage'' consiste à établir les catégories d'une analyse
de contenu »98(*). Sur la base de ce principe, nous avons tour
à tour procédé à l'établissement des
catégories, à l'analyse de contenu d'interviews, à la
définition du nombre de catégories et au classement des
réponses.
a)- Etablissement des
catégories
Ici, il s'est agi de classer en catégories, les
diverses positions ou attitudes que reflètent les réponses, afin
de permettre une présentation quantifiée des résultats.
L'établissement des catégories a été suivi du
classement des réponses en fonction de celles-ci.
b)- Analyse de contenu d'interviews
Le matériel symbolique recueilli pendant les interviews
est constitué pour l'essentiel des réponses diverses,
variées et souvent hétéroclites, à une même
question. Le problème a donc consisté à analyser les
conversations ordinaires avec les pirates, les clients et les
personnalités ressources. En outre, il s'est agi de découvrir
au-delà de ce matériel verbal, quelques facteurs explicatifs de
la contrefaçon et à saisir ses modes opératoires et son
impact.
c)- Nombre de catégories
Du fait de la variété des réponses
possibles, s'est posé le problème du nombre de catégories,
tant et si bien qu'il n'y a pas de règles générales pour
les déterminer.
d)-Le classement des réponses
A ce stade, nous avons procédé à la
vérification des catégories. Elles ont été
indiquées sur un tableau, en prenant question par question. Chaque
enquêté ayant un numéro d'ordre, nous avons rangé ce
numéro sous la catégorie correspondante.
VI - Clarifications terminologiques
Eu égard au principe selon lequel toute recherche
scientifique porte toujours sur des phénomènes qui
répondent à une définition, DURKHEIM, E. met le chercheur
en garde contre les mots de la langue usuelle, ainsi que les concepts
véhiculés à travers ceux-ci. Selon lui, il y a un grand
danger à les employer tel qu'on les reçoit de l'usage commun,
sans leur faire subir d'autre élaboration : le chercheur
s'exposerait alors aux plus graves confusions99(*). D'où cette prescription cruciale qu'il fait
au chercheur : « La première démarche du sociologue
doit donc être de définir les choses dont il traite, afin que l'on
sache bien de quoi il est question. C'est la première et la plus
indispensable condition de toute preuve et de toute
vérification »100(*).
Nous ne saurons déroger à ce principe cardinal
qui contribue à assurer une meilleure compréhension des concepts
inducteurs et opératoires utilisés dans le cadre de notre
étude ; mais également, ce principe durkheimien permet de
dissiper d'éventuels malentendus susceptibles de créer des
équivoques. Il est donc nécessaire de circonscrire le champ de la
vision sémantique que nous proposons d'utiliser tout au long de ce
travail. Pour ce faire, nous allons procéder à l'explication des
concepts centraux de notre thème, à savoir : piraterie,
contrefaçon et oeuvres musicales. Toutefois, DURKHEIM, E. ajoute
qu' « on n'explique qu'en comparant »101(*). Il s'agit donc de
comparer les diverses approches conceptuelles liées à la
piraterie ou la contrefaçon, et de substituer aux conceptions usuelles
qui sont confuses, des conceptions plus claires et plus distinctes qui
serviront de clé de voûte à ce travail.
-Piraterie et contrefaçon : Une
même réalité ?
Qu'entend-on par ``contrefaçon'' ? Le mot
est employé dans des contextes variés pour désigner des
réalités différentes. Il est aussi fréquemment
associé au terme piraterie et piratage. Le Livre vert concernant la
lutte contre la contrefaçon et la piraterie dans le marché
intérieur, proposé par la Commission européenne,
n'opère pas de distinction entre ces deux termes, et se contente
simplement de signaler que :
Les notions de contrefaçon et de piraterie
utilisées dans le Livre vert porteront sur tous les produits,
procédés ou services qui sont l'objet ou le résultat
d'une violation d'un droit de propriété intellectuelle,
c'est-à-dire d'un droit de propriété industrielle (marque
de fabrique ou de commerce, dessin ou modèle industriel, brevet
d'invention, modèle d'utilité, indication géographique) ou
d'un droit d'auteur ou d'un droit voisin (droit des artistes
interprètes ou exécutants, droit des producteurs de
phonogrammes, droit des producteurs de première fixation de films, droit
des organismes de radiodiffusion), ou encore du droit "sui generis" du
fabricant d'une base de données. 102(*)
Cette approche globalisante est justifiée par le fait
que le mot piraterie est simplement une métaphore ou une allusion faite
à la contrefaçon par analogie implicite, et qui sert
habituellement à désigner celle-ci autrement ; même si dans
leurs travaux, GUILLOTREAU, V.103(*) et VAN WIN, J.104(*) conviennent de distinguer : le piratage ou la
piraterie, la contrefaçon, la copie totale, la copie partielle et le
bootlegging. Toutefois, les notions de piraterie et de contrefaçon
désignent la même réalité.
- La piraterie ou le
piratage
A l'origine, le terme piraterie (qui vient du latin
Pirata, qui signifie voler) sert à désigner un type de
banditisme caractérisé par des actes de dépravations, de
pillage des richesses ou des violences commis en mer contre un navire marchand,
son équipage ou sa cargaison par des pirates, c'est-à-dire des
bandits ou marins aventuriers pour les piller. Par similitude, il
désigne aussi l'action des bandits qui détournent un avion en
utilisant la menace (pirate de l'air). Et les personnes qui se livrent à
des actes de piraterie sont alors appelées des pirates.
En matière musicale, l'on se trouve également
confronté à des actes de piraterie. Ici, le terme est
générique et hérité en droite ligne de la piraterie
maritime ci-dessus définie. Selon l'explication de GUILLOTREAU, G.,
« Vers la fin des années 50 et le début des
années 60, des hommes d'affaires ont en effet organisé la
diffusion non autorisée des programmes musicaux, à partir des
bateaux ancrés en dehors des eaux
territoriales »105(*).
Aujourd'hui, dans son sens courant, le mot
``piraterie'' n'a plus la « connotation
légèrement romanesque qui évoque l'image des
flibustiers des caraïbes hauts en couleur »106(*), parcourant les hautes
mers et pillant les navires de commerce. La piraterie de la
propriété intellectuelle recouvre un ensemble d'actes
attentatoires au droit d'auteur et aux droits voisins et affecte tous les
domaines de la création intellectuelle, de la production musicale
à celle des programmes d'ordinateur en passant par le matériel
imprimé, les phonogrammes, les vidéogrammes et les
émissions de radiodiffusion et de télévision. A cet effet,
Le Glossaire du Droit d'Auteur et des Droits voisins de l'OMPI, indique
que :
Dans le domaine du droit d'auteur et des droits voisins,
[la piraterie] s'entend généralement comme la reproduction
d'oeuvres publiées ou de phonogrammes par tout moyen approprié
aux fins de la mise en circulation, ainsi que de la réémission
des émissions radiodiffusées d'autrui sans l'autorisation y
relative.107(*)
Cependant, en parcourant la plupart des législations
sur le droit d'auteur et les droits voisins, on constate que le terme
``piraterie'' n'est pas du tout usité. La
préférence est plutôt portée sur le terme
``contrefaçon'', qui est employé et désigne les
actes délictuels liés à l'exploitation des oeuvres
littéraires et artistiques. Par conséquent, la piraterie n'est
pas une notion juridique.
- La
contrefaçon
Le terme contrefaçon vient du latin
contrafacere, qui signifie imiter, copier, falsifier.
D'après la loi n° 2000/011 du 19 décembre 2000 relative au
droit d'auteur et aux droits voisins, est constitutive de
contrefaçon :
Toute exploitation d'une oeuvre littéraire ou
artistique faite en violation de la présente loi, par
représentation, reproduction, transformation ou distribution par quelque
moyen que ce soit; toute reproduction, communication au public ou mise à
la disposition du public par vente, échange, location d'une
interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme,
réalisées sans l'autorisation lorsqu'elle est exigée, de
l'artiste-interprète, du producteur de phonogramme ou de
vidéogramme, ou de l'entreprise de communication audiovisuelle; toute
atteinte au droit moral, par violation du droit de divulgation, du droit
à la paternité ou du droit au respect d'une oeuvre
littéraire ou artistique; toute atteinte au droit à la
paternité et au droit à l'intégrité de la
prestation de l'artiste-interprète.108(*)
En droit commercial ou en droit pénal, la
contrefaçon est :
Le fait pour un autre que le titulaire d'un droit de
propriété intellectuel ou son licencié d'exploiter ce
monopole, portant aussi atteinte aux droits de son titulaire. La
contrefaçon est un délit correctionnel. Elle constitue aussi un
fait générateur de responsabilité civile.109(*)
En d'autres termes, la contrefaçon, au sens juridique,
signifie l'usurpation du droit de propriété intellectuelle
d'autrui. C'est la reproduction frauduleuse d'une oeuvre littéraire,
artistique, d'un produit manufacturé, d'une monnaie, etc.
Au Cameroun et en vertu de l'articles 80 de la loi n°
2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d'auteur et aux droits
voisins, sont constitutives de contrefaçon : les atteintes au droit
patrimonial (exploitation par représentation, reproduction et
communication au public, transformation ou distribution par quelque moyen que
ce soit, et notamment par vente, échange, location sans autorisation des
ayants-droits..., faites en violation de la loi), au droit moral (par violation
du droit de divulgation, du droit à la paternité et au droit
à l'intégrité de la prestation de
l'artiste-interprète. Selon l'article 81 de la même loi, sont
assimilés à la contrefaçon, l'importation, l'exportation
et la vente des objets contrefaisants, la fabrication, l'importation,
l'installation ou l'exploitation d'équipements destinés à
capturer frauduleusement des programmes télédiffusés ainsi
que le défaut ou le retard de versement des redevances, la suppression
des informations relatives au régime des droits (identification,
conditions et modalités d'utilisation).
Au regard de ce qui précède, il ressort que la
contrefaçon des oeuvres musicales, communément appelée
piraterie, est un acte consistant en la reproduction ou duplication d'une
oeuvre musicale, entreprise en vue d'en retirer directement ou indirectement un
avantage commercial ou financier. Autrement dit, la piraterie est :
« l'activité consistant à fabriquer des exemplaires
non autorisés (``exemplaires pirates'') de matériels
protégés et à distribuer ou vendre ces
exemplaires »110(*). Et en tant que telle, elle porte atteinte
non seulement aux intérêts des titulaires de droits sur les
oeuvres contrefaites, mais aussi à ceux des industriels culturels. Dans
le cadre de notre étude, nous utiliserons indifféremment les
termes piraterie, piratage, contrefaçon.
- OEuvres musicales
Etymologiquement, le mot oeuvre vient du latin
opera, qui signifie travaux. Dans le domaine de la musique, il renvoi
à l'ensemble des productions musicales avec ou sans paroles, quelque
soit le mode, la valeur, le genre ou la destination de l'expression. Les
oeuvres musicales consistent donc en des oeuvres artistiques
réalisées grâce à la personnalité, au talent
ou au génie inventif de leur(s) auteur(s), qui ont un droit de
propriété exclusif opposable à tous et reconnu par la loi.
Dans le cas d'espèce, une oeuvre musicale est un album de musique, une
chanson enregistrée sur un support, quelle que soit sa nature et qui
permet que l'écouter.
VII - Champ d'observation
En vue d'effectuer un travail de recherche crédible, le
chercheur doit délimiter l'espace dans lequel porte sa recherche et
circonscrire la population de son étude. C'est précisément
en cela que consiste le champ géographique et le champ social.
VII.1- Champ géographique
Le chercheur doit limiter ses ambitions heuristiques dans
l'espace. Avoir des ambitions démesurées et inscrire sa recherche
dans un cadre géographique trop vaste est une erreur qu'il doit
absolument éviter. Pour cette raison, il importe de concentrer ses
analyses sur une communauté de dimension réduite, dont on
étudiera avec soin et en profondeur le phénomène sur
lequel porte la recherche.
La ville de Yaoundé est la sphère de travail que
nous avons retenue pour notre étude. En effet, le choix a
été porté sur Yaoundé, parce qu'elle est la
capitale politique du Cameroun. D'après son sens étymologique,
capitale vient du latin caput, qui signifie la tête, le sommet,
le point culminant. Autrement dit, c'est une zone d'intelligence, un centre
puissant, un pôle de décision. La capitale est le pouvoir, la
capitale a le pouvoir. C'est donc le siège du pouvoir d'Etat. La
capitale incarne l'Etat, elle le symbolise, le représente et lui donne
vie. C'est sans doute ce qui faisait dire au président Paul BIYA, chef
de l'Etat du Cameroun, lors d'une visite à Douala
que : « Quand Yaoundé respire, le Cameroun
vit ». En tant que centre d'impulsion des décisions qui
engagent la vie de la nation, c'est à Yaoundé que les mesures
visant à garantir la protection des droits d'auteur et droits voisins
sont prises ; et c'est à Yaoundé que résident les
plus hautes autorités de l'Etat. Ce qui suppose que la lutte contre la
piraterie ou la contrefaçon des oeuvres musicales devrait y être
davantage intensifiée. Mais, à l'observation, l'on se rend compte
du contraire. Les lois sont foulées au pied sous la barbe et le nez de
ces hautes autorités de la République. Le laisser-aller frise
même parfois l'anarchie et s'étend dans plusieurs domaines de la
vie sociale : constructions anarchiques, indiscipline
généralisée, insécurité inquiétante,
délestage intempestifs, etc. au point où l'on se demande si
Yaoundé respire encore ou s'il étouffe tout simplement. En outre,
Yaoundé est un cadre où se produisent en permanence de nouvelles
manières de faire ; C'est le point d'intersection d'une multitude
de cultures, une agglomération qui se caractérise par la
diversité ou l'éclectisme de sa population. Par
conséquent, cette ville est un terrain favorable à l'observation
et à l'analyse des faits sociaux tels que la piraterie des oeuvres
musicales qui est une pratique sociale contemporaine. C'est donc en raison de
sa position comme siège des institutions républicaines et vitrine
du Cameroun, que nous avons choisi de circonscrire notre étude sur cette
ville.
VII.1- Champ social
Dans tout processus de recherche, il n'est pas possible de
faire des mesures ou des observations sur l'ensemble des objets ou des
personnes concernées par le sujet ; il est nécessaire d'en
extraire un échantillon, c'est-à-dire choisir, selon des
critères définis à l'avance, un certain nombre d'individus
parmi les individus composant un ensemble défini, afin de
réaliser sur eux des mesures ou des observations qui permettront de
généraliser les résultats à l'ensemble premier. Par
champ social donc, nous entendons définir précisément la
population cible de notre recherche. Celle-ci est un ensemble
indifférencié des éléments parmi lesquels seront
choisis ceux sur qui s'effectueront les observations. C'est en son sein que
sera tiré notre échantillon, défini comme étant
« une portion représentative de l'ensemble de cette
population, un spécimen » 111(*) de cette population,
qui servira de support à l'étude que nous réalisons. Notre
population cible est constituée des vendeurs de CD et DVD de
contrefaçon, des personnes qui pratiquent le
téléchargement des sons et sonneries, des artistes-musiciens, des
producteurs et distributeurs d'oeuvres musicales, des consommateurs d'oeuvres
pirates ou contrefaisantes, des autorités et autres personnes ressources
dans la protection du droit d'auteur et des droits voisins.
VIII - Plan de l'étude
Ce travail est structuré en deux principales
parties : la première propose une approche globale du droit
d'auteur et une présentation des modes opératoires de la
piraterie des oeuvres musicales à Yaoundé. A travers cette
approche globale du droit d'auteur (Chapitre I), notre souci est de clarifier
les notions de droit d'auteur et de propriété intellectuelle (I)
en dégageant leur évolution historique (I.1) et leur lien (I.2).
Il s'agit en outre, de déterminer les différentes composantes du
droit d'auteur (I.3), puis de s'intéresser spécifiquement sur les
droits voisins (I.4). Après tout cela, il nous semble judicieux de
montrer ce qui fait la spécificité des oeuvres musicales (II),
notamment en présentant leurs caractéristiques
générales (II.1) et les différentes atteintes qui leur
sont portées (II.2). Après la présentation de ces
principes généraux du droit d'auteur, il semble important de
dérouler les modes opératoires de la piraterie des oeuvres
musicales (Chapitre II), qui nous amènent à faire une incursion
dans l'univers de la piraterie à Yaoundé en essayant de saisir
les contours de la pratique de cette activité. Cette première
partie constitue le préalable nécessaire à la bonne
appréhension de la seconde partie du travail, qui insiste sur les
facteurs explicatifs et l'impact de la piraterie des oeuvres musicales à
Yaoundé.
Cette optique analytique englobe d'abord la
détermination de quelques facteurs qui expliquent la vitalité de
la piraterie (Chapitre I), notamment la démographie galopante (I), la
récession économique des années 80 (II), le
développement des TIC et la crise des valeurs morales (III). Ensuite,
l'impact de la piraterie sont relevés, à travers la portée
antinomique du phénomène (Chapitre II), qui se décline
sous les deux aspects que sont : sa portée positive (I) et ses
effets pervers (II). Enfin, l'aperçu général de
l'organisation juridique du droit d'auteur et des droits voisins, ainsi que
leur protection au Cameroun (Chapitre III) sont présentés. Le
cadre juridique (I) pourtant bien étoffé, souffre de la
difficulté de son application effective et nous amène à
nous interroger sur l'efficacité de la lutte contre ce
phénomène (II).
PREMIERE PARTIE
APPROCHE GLOBALE DU DROIT D'AUTEUR ET
MODES OPERATOIRES DE LA PIRATERIE AU
CAMEROUN
CHAPITRE I
APPROCHE GLOBALE DU DROIT D'AUTEUR
« Le droit d'auteur est le salaire de
l'auteur »
Leitmotiv de la SABAM (Société des Auteurs
Belge[s] - Belgische Auteurs Maatschappij), in A.N., SABAM, Au service de
l'auteur, brochure éditée par le service des Relations Publiques
de la SABAM, première page.
I-DROIT D'AUTEUR ET PROPRIETE INTELLECTUELLE
Dans cette partie, il ne s'agit aucunement de nous
étendre sur les arcanes des développements juridiques. Notre
souci est simplement, à travers cette vision condensée sur les
concepts de propriété intellectuelle et de droit d'auteur qui
sont proposés, de procéder à une approche transversale de
la matière, dans le but de lever l'équivoque sur certains aspects
complexes de la discipline. Le but ultime étant de permettre une
meilleure compréhension et un approfondissement du
phénomène de la piraterie ou de la contrefaçon des oeuvres
musicales. Les prolégomènes de ce premier chapitre de notre
travail sont nécessaires à la bonne compréhension du
propos qui va suivre. Par les précisions sémantiques et
contextuelles qu'ils établissent, ils vont permettre de situer à
la fois l'enjeu et la complexité du droit d'auteur entendu au sens
juridique.
I.1- Evolution historique de la propriété
intellectuelle et des droits qui en découlent
L'évolution conceptuelle de la propriété
intellectuelle et des droits y afférents s'est faite en deux principaux
temps. Pendant l'antiquité, on note une absence de reconnaissance
juridique de la propriété intellectuelle et des droits qui en
découlent. En effet, le pragmatisme des besoins sociaux, couplé
avec le caractère matérialiste de la vie à cette
époque, justifient l'absence des droits octroyés à
l'auteur sur son oeuvre. Ce n'est pas parce que l'on a refusé à
cette époque de concéder de tels droits à l'auteur, mais
simplement parce qu'on en voyait pas l'utilité. Par ailleurs, dans ces
temps reculés, où l'autorité supra-naturelle pesait de
tout son poids sur l'organisation de la vie humaine, l'homme était
considéré comme le traducteur d'une volonté
supérieure ; sa tâche artistique était dès lors
plutôt perçue comme la simple matérialisation des
injonctions divines. Ainsi, comme le pense BERENBOOM, « les
artistes n'avaient pas besoin de protection car leur talent était au
service, non des hommes, mais du pouvoir, des puissances divines (et, surtout,
leurs représentants sur terre) »112(*). Cette première
période précède donc toute reconnaissance et toute
protection en matière de création d'oeuvres de l'esprit. Il faut
attendre la Révolution française pour voir la notion de
propriété intellectuelle faire son apparition. A cette
période, naissent des formes de protection, diversement reconnues et
mises en place, notamment à travers la forme du privilège
accordé par le Prince113(*). Au travers d'une longue réflexion sur le
concept même et sur les évolutions corollaires liées aux
débats qui lui sont dévolus, l'existence de la
propriété intellectuelle est finalement reconnue,
instituée et consacrée.
I.2- La propriété intellectuelle et la
localisation du droit d'auteur en son sein
Il n'est pas envisageable de parler du droit d'auteur en
l'absence de la notion de la propriété intellectuelle. C'est dire
qu'il existe un rapport de consubstantialité entre ces deux notions et
leur filiation est perceptible, même intuitivement. Il est utile de
clarifier, en premier lieu, la notion de propriété
intellectuelle, afin de localiser en deuxième lieu celle du droit
d'auteur en son sein. De manière classique, trois pôles juridiques
subdivisent la propriété intellectuelle en autant de parcelles
que recouvrent les mécanismes légaux de protection des
créations: la propriété industrielle, la
propriété littéraire et artistique et, dernière en
date, la propriété sui generis.
a)- La propriété industrielle
La propriété industrielle englobe la protection
des marques de fabrique ou de commerce, des dessins et modèles
industriels, et des brevets d'invention. Les marques sont définies comme
« tous signes pouvant être représentés de
façon graphique, servant à distinguer les produits ou les
services d'une entreprise »114(*).
b)-La propriété littéraire et
artistique
Le terme ``propriété littéraire et
artistique'' est hérité directement de la Révolution
française, et englobe aujourd'hui ce qui constitue la pierre angulaire
de ce travail, puisque c'est au sein de la propriété
littéraire et artistique que sont reconnus les droits d'auteur et les
droits voisins.
c)- La propriété sui generis
Les dernières prouesses technologiques, notamment avec
l'émergence du réseau Internet et la révolution du
numérique, ont conduit inéluctablement à de nouvelles
formes de créations, dont la spécificité requérait
d'accorder une protection particulière à ces oeuvres d'une nature
inédite. De nouveaux droits d'auteur ont donc ainsi été
reconnus en matière de topographie et une protection juridique a
été accordée aux bases de données.
Comme on peut le constater, le spectre de la
propriété intellectuelle et très large. La
propriété littéraire et artistique y occupe une place
respectable et conséquente. Le droit d'auteur y a inscrit ses lettres de
noblesse, tant par la richesse de ses principes que par le caractère
unique de sa traduction en termes légistiques. Toutefois, quels sont les
grands principes du droit d'auteur qui prévalent, en matière
musicale notamment ?
I.3 - Le droit d'auteur
Le droit d'auteur correspond à l'ensemble des
prérogatives dont dispose une personne sur les oeuvres de l'esprit
qu'elle a créées. Dans le cadre de ce droit, la
législation reconnaît à l'auteur d'une oeuvre
littéraire ou artistique des prérogatives dont il ne pourrait
bénéficier par la protection qu'offrent les autres droits
intellectuels115(*).
L'un des éléments qui le différencie des autres droits de
propriété intellectuelle est l'absence de toute formalité
préalable à l'ouverture de la protection ; contrairement
à la marque, au brevet ou aux dessins et modèles où le
dépôt ou la publication est préalablement requise. Ainsi,
ce critère qui lui est propre lui confère véritablement un
caractère tout à fait particulier.
Cependant, du point de vue de la pratique, il soulève
souvent des difficultés d'ordre juridique, notamment en matière
de preuve, qui rendent délicate la jouissance de ce privilège
octroyé au créateur de l'oeuvre de l'esprit. A la
vérité, il s'agit davantage d'une réalité formelle
que réellement applicable. C'est pour cette raison que les oeuvres
« supposent (...) une publication et, dans la pratique, le besoin
se fait sentir de ``s'assurer des preuves'' avant ce stade, ou même
ensuite lorsque la présomption est attaquée par celui qui se
prétend véritable auteur »116(*). L'enregistrement d'une
oeuvre - son dépôt- sert bien souvent à en prouver la
naissance, supposée chronologiquement antérieure à celle
de l'oeuvre attaquée (en cas de plagiat par exemple). Il semble bien
qu'en pratique, ce soit véritablement le dépôt qui se
révèle le point de départ de la reconnaissance de l'oeuvre
en droit. Même si la protection est accordée, par principe, avant
cette admission juridique, « (...) la protection par le droit
d'auteur ne se présume pas, mais se démontre à l'issue
d'une analyse qui devrait être d'autant plus rigoureuse que la protection
conférée (...) est longue et riche
d'implications »117(*).
Les deux principales composantes du droit d'auteur sont :
le droit moral et le droit patrimonial. Ainsi, le droit d'auteur comporte des
attributs d'ordre moral et des attributs d'ordre patrimonial. Les droits
patrimoniaux se prescrivent 70 ans après le décès de
l'auteur, alors qu'en revanche, le droit moral, lui, est imprescriptible.
I.3.1- Le droit moral ou droit de la
personnalité
Dès lors que l'oeuvre musicale d'un auteur est
distribuée ou mise à la disposition du public, à travers
elle, ce dernier ne communique pas seulement au public le fruit
d'un travail, mais aussi l'expression unique de sa personne, de son
individualité. L'existence des droits moraux a donc pour vocation de
pallier ce que BERENBOOM, A., appelle « la dépossession
intellectuelle »118(*). Ainsi, les attributs d'ordre moral
confèrent à l'auteur, indépendamment de ses droits
patrimoniaux et même après la cession desdits droits, le droit :
de décider de la divulgation et de déterminer les
procédés et les modalités de cette divulgation; de
revendiquer la paternité de son oeuvre en exigeant que son nom ou sa
qualité soit indiquée chaque fois que l'oeuvre est rendue
accessible au public; de défendre l'intégrité de son
oeuvre en s'opposant notamment à sa déformation ou sa mutilation;
de mettre fin à la diffusion de son oeuvre et d'y apporter des
retouches. Les attributs d'ordre moral, directement attachés à la
personne de l'auteur, sont perpétuels, inaliénables et
imprescriptibles. Dans la loi camerounaise du 19 décembre 2000, les
droits moraux sont consacrés par l'article 14.
I.3.2- Le droit patrimonial
Les attributs d'ordre patrimonial du droit d'auteur emportent
le droit exclusif pour l'auteur d'exploiter ou d'autoriser l'exploitation de
son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d'en tirer un profit
pécuniaire. Selon VERBIEST, Th. et WERY, E., « les droits
patrimoniaux permettent à l'auteur de retirer le bénéfice
économique de l'exploitation de son oeuvre »119(*).
I.4- Les droits voisins du droit d'auteur
Les droits voisins du droit d'auteur
« comprennent les droits des artistes-interprètes, des
producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes et des entreprises de
communication audiovisuelle »120(*). Ainsi, ils visent essentiellement à
assurer le respect des droits de l'artiste-interprète, du producteur de
phonogrammes, de vidéogrammes, de films, du radiodiffuseur ainsi que des
entreprises de communication audiovisuelle.
II- LA SPECIFICITE DES OEUVRES MUSICALES ET
LEURS PRINCIPALES ATTEINTES
Pour qu'une oeuvre musicale soit protégée par le
droit d'auteur, il faut qu'elle soit originale, c'est-à-dire qu'elle
soit le reflet de la personnalité de l'auteur ou d'une activité
créatrice propre. Les simples idées ne sont pas
protégées par le droit, qui protège en revanche
l'expression, la mise en forme des idées. Une simple
matérialisation suffit.
`
II.1- Caractéristiques générales de
l'oeuvre musicale susceptible d'être protégée
Pour bénéficier de la protection reconnue par le
droit d'auteur, aucune formalité n'est exigée. Aucune
considération n'est accordée au mérite (valeur
esthétique de la création ou quantité de travail fourni
pour créer l'oeuvre) ; Encore moins aux genres musicaux (Bikutsi,
Makossa, Assiko, Bend skin, etc.) ; ni à la forme d'expression et
à la destination de l'oeuvre. L'oeuvre musicale est
protégée du seul fait de sa création. Dès-lors
qu'elle est créée, elle doit satisfaire aux conditions
d' « originalité et de mise en
forme »121(*), qui sont les critères de sa protection.
1)- L'originalité
« L'originalité constitue l'âme de
l'oeuvre, la forme étant son corps »122(*), affirmait GAUTIER.
Elle s'entend comme étant « le reflet de la
personnalité du créateur »123(*) et exprime le fait que
l'auteur se soit personnellement investit dans sa création en y
apportant sa touche, son inspiration, et en y laissant les stigmates de son
activité créatrice. L'originalité ne saurait donc se
confondre à la nouveauté (par exemple lorsque l'auteur
procède à l'adaptation d'une chanson ancienne). Les simples
idées ne sont pas protégées par le droit d'auteur, qui
protège en revanche l'expression, la mise en forme des idées. Une
simple matérialisation suffit.
2) - Nécessité d'une mise en forme de la
création
Pour qu'une création prétende à une
véritable protection par le droit d'auteur, elle doit
nécessairement dépasser le stade de l'idée, du concept, du
thème, pour atteindre celui de la matérialisation ou de la
concrétisation. Elle doit être quelque chose de palpable, de
vérifiable, de tangible ou de concret. L'auteur de l'oeuvre doit donc
marquer sa volonté de communiquer ou de transmettre des idées,
des messages, en coulant sa création dans une certaine forme ; tant
et si bien qu'une simple idée n'est pas protégeable. Une oeuvre
musicale est formée de trois principaux éléments : la
mélodie, l'harmonie et le rythme. Selon COLANTINIO, F., la
mélodie est « le thème, c'est-à-dire
l'assemblage de notes permettant l'identification de l'oeuvre (par exemple
l'air qui accompagne le refrain d'une chanson) »124(*). L'harmonie quant à
elle, est constituée « des accords qui soutiennent la
mélodie »125(*), alors que le rythme est
précisément « la cadence de
l'oeuvre »126(*). L'harmonie combinée avec la
mélodie, sont les éléments qui donnent une certaine
couleur, permettant de qualifier une oeuvre d'originale, et de
bénéficier de la protection du droit d'auteur.
II.2- Atteintes portées aux oeuvres musicales
Pour qu'un acte de piraterie ou de contrefaçon des
oeuvres musicales soit réprimé, il faut au préalable qu'il
y ait eu atteinte méchante ou frauduleuse au droit d'auteur et aux
droits voisins, notamment le fait de vendre, louer, mettre en vente ou en
location, télécharger pour revendre, tenir en dépôt
pour être loués ou vendus ou importer sur le territoire
camerounais des oeuvres musicales contrefaisantes, ou bien encore en exporter
dans un but commercial. La contrefaçon est donc entendue ici comme le
fait d'utiliser l'oeuvre musicale d'un tiers, sans avoir obtenu son
consentement préalable, lorsque cette oeuvre est protégée
par la loi. En utilisant cette oeuvre ainsi, le pirate porte atteinte à
deux types de droits auxquels devraient jouir les auteurs des oeuvres de
l'esprit sur celles-ci, du seul fait de leur création dont ils disposent
d'un droit de propriété exclusif et opposable à tous. Ce
droit comporte donc des attributs d'ordre moral et des attributs d'ordre
patrimonial, évoqué dans l'article 13 de la loi camerounaise sur
le droit d'auteur et les droits voisins.
II.2.1- Atteintes aux droits moraux
La reconnaissance de ces droits a pour vocation de pallier ce
que BERENBOOM, A. appelle « la dépossession
intellectuelle » que subit l'auteur une fois que son oeuvre a
été distribuée. Ces droits autorisent l'auteur à
garantir la préservation de son oeuvre. Ils lui confèrent,
indépendamment de ses droits patrimoniaux et même après la
cession desdits droits, le droit de divulgation et de détermination des
procédés et des modalités de cette divulgation ; le droit
au nom, le droit de revendication de la paternité de son oeuvre en
exigeant que son nom ou sa qualité soit indiquée chaque fois que
l'oeuvre est rendue accessible au public; de défendre
l'intégrité de son oeuvre en s'opposant notamment à sa
déformation ou à sa mutilation; de mettre fin à la
diffusion de son oeuvre et d'y apporter des retouches.
II.2.2- Atteintes aux droits patrimoniaux
Ils emportent le droit exclusif pour l'auteur d'exploiter ou
d'autoriser l'exploitation de son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d'en
tirer un profit pécuniaire (Article 15 de la loi camerounaise). Il
comprend le droit de représentation, le droit de reproduction, le droit
de transformation, le droit de distribution et le droit de suite. VERBIEST, Th.
et WERY, E. expliquent que « les droits patrimoniaux permettent
à l'auteur de retirer le bénéfice économique de
l'exploitation de son oeuvre »127(*).
Ce sont donc là, les deux principales atteintes qui
sont régulièrement portées aux droits d'auteurs et aux
droits voisins. Il s'agit à présent de voir comment les pirates
traduisent dans leurs activités quotidiennes, ces atteintes en actes.
CHAPITRE II
LES MODES OPERATOIRES DE LA PIRATERIE
« L'observateur doit être le photographe
des phénomènes, son observation doit représenter
exactement la nature. Il faut observer sans idée
préconçue ; l'esprit de l'observateur doit être
passif, c'est-à-dire se taire ; il écoute la nature et
écrit sous sa dictée ».
Claude BERNARD, Introduction à l'étude de la
médecine expérimentale, Paris, Garnier-Flammarion, 1865, p.
55.
I- LES VISAGES DE LA PIRATERIE A YAOUNDE
Il s'agit à présent de montrer le sort qui est
réservé aux oeuvres musicales aujourd'hui dans la
société camerounaise, ou mieux, de montrer comment, en marge des
principes généraux du droit d'auteur et de la
propriété intellectuelle, le public de la nouvelle
société de l'information dont le statut passif de consommateur
s'est progressivement mué, grâce à l'avènement des
TIC, en une position d'ambivalence face au processus de mondialisation des
échanges et au mode d'inclusion dans la configuration sociale
émergeante. En effet, il semble que le consommateur devienne de plus en
plus acteur de sa propre consommation, acteur auquel on demande d'opérer
des choix dans les produits consommés (culturels, alimentaires ...) et
dans leur mode de consommation, (notamment, pour ce qui nous concerne, dans le
choix de l'optique licite ou non).
Nous entrons par là même de plein pied dans
l'aspect sociologique de ce travail et de la réflexion qui en
découle. En effet, pour cerner les modes opératoires de ce
phénomène et leur ancrage contextuel, ses facteurs explicatifs
ainsi qui ses implications, il convient d'opter pour une approche pragmatique
et d'adopter une grille de lecture sociologique. Cet angle d'attaque nous
conduira en premier lieu à opérer une typologie des pirates et
une catégorisation des formes de piraterie observées à
Yaoundé.
I.1- Typologie des pirates ou des contrefacteurs
A la question de savoir qui pirate ou contrefait les oeuvres
musicales à Yaoundé, notre observation du phénomène
sur le terrain a permis d'établir une typologie des contrefacteurs
à trois niveaux spécifiques, à savoir : le niveau
individuel, le niveau micro-social et le niveau macro-social.
I.1.1- Niveau individuel
Le niveau individuel constitue le premier degré de la
piraterie, en ce sens que les personnes qui sont identifiées dans cette
catégorie de pirates sont des infracteurs, du fait qu'ils ne respectent
pas les prescriptions légales relatives au droit d'auteur : soit
parce qu'elles empruntent les supports auprès des connaissances afin
d'en réaliser des copies destinées à leur usage personnel,
soit parce qu'elles téléchargent illicitement des fichiers
musicaux via des sources diverses (Internet, graveurs, MP3, MP4, Ipod, Ipad,
clé USB, etc.). Ce qu'il y a lieu de retenir ici, c'est que l'on se
situe à un niveau particulier qui concerne la personne individuelle.
Généralement, la copie dans ce cas, n'est pas
réalisée dans un but mercantile, mais plutôt pour
satisfaire un intérêt personnel, qui est notamment le plaisir
d'écouter des musiques que l'on aime. Il faut noter que le pirate ici
n'a souvent pas conscience que son comportement porte sérieusement
préjudice à l'auteur de l'oeuvre musicale concernée.
Toutefois, dans cette catégorie, figurent également des individus
qui agissent en connaissance de cause, et qui considèrent que leur acte
aussi illégale soit-il, n'en est pas moins légitime. Pour eux, de
tels comportements relèvent simplement des ``incivismes
quotidiens''128(*),
pour reprendre l'expression de KELLENS, G.
Le niveau individuel de la piraterie a été
exacerbé avec l'émergence rapide des TIC, qui a pratiquement
consacré l'ère du ``tout gratuit'', en ne parvenant plus
à montrer la limite entre ce qui est permis et ce qui est
prohibé. La conséquence en est que les utilisateurs des graveurs
de CD ont pensé que toutes les formes d'utilisation de ceux-ci
étaient possibles.
I.1.2- Niveau micro-social
Ce niveau de piraterie nous invite à considérer
l'individu dans son contexte relationnel, ou mieux dans un réseau
d'interactions. C'est précisément au sein de ce réseau que
les actes délinquants s'inscrivent. Le pirate réalise des copies
de CD à l'aide d'un graveur et les propose à son entourage contre
rémunération. A terme, son activité donne lieu à la
mise sur pied d'un véritable cercle commercial, où il
réalise des commandes à la demande du client et à des prix
modiques. Généralement, dans ce niveau de piraterie,
l'étendue du marché est plus ou moins vaste et la finalité
est clairement économique, car l'activité est source de revenus
pour le pirate ; Une certaine organisation est mise en place, tant pour ce
qui concerne la production que la distribution des supports musicaux. Les
individus qui agissent dans ce cadre sont conscients de ce que leur pratique
est illégale, mais ne savent pas souvent quelle(s) loi(s) ils violent.
I.1.3- Niveau macro-social (global)
C'est le niveau le plus élevé de la piraterie.
Au-delà du réseau de relations, l'on est ici en présence
de réelles organisations criminelles et mafieuses. Nous insistons sur
les vocables criminelle et mafieuse, parce qu'au cours de notre enquête
sur le terrain, nous sommes parvenus à pénétrer dans
l'enceinte d'une usine dont la principale activité est la production des
CD pirates. Ceci a été rendu possible par l'entremise d'un
livreur avec qui nous entretenons une relation de familiarité. Etant
devenu l'un de ses meilleurs clients, nous lui avons fait la proposition de
vouloir étendre notre réseau de distribution dans les zones de la
haute-Sanaga et la frontière entre le Cameroun, le Gabon et la
Guinée Equatoriale. En lui proposant des prix très bas, il a
plutôt souhaité que nous nous rapprochions de son patron pour en
discuter. Après deux premiers contacts au téléphone,
contacts au cours desquels il s'est véritablement assuré de notre
sincérité, nous sommes convenus de nous rencontrer, surtout en
raison de grandes quantités de marchandises que nous voulions acheter.
Les portes de l'usine nous ont donc été ouvertes pour nous
assurer que notre commande peut être entièrement livrée
dans les délais. Cette visite a été l'occasion pour nous
d'observer leur mode de fonctionnement et leur organisation. Ainsi, ils
opèrent dans des entrepôts ou des usines bien clos. L'accès
y est strictement prohibé aux personnes étrangères. Les CD
pirates y sont produits de façon industrielle grâce à des
graveurs de forte capacité (avec une production de 100 CD en 15
minutes), empaquetés dans des cartons et discrètement
chargés dans des camions qui les acheminent dans la nuit vers les
différentes villes du pays. Il est généralement difficile
d'identifier les endroits où ces CD sont produits, car les pirates ont
bien conscience de ce que leur activité est illégale. Le
délit est donc commis en connaissance de cause du point de vue
pénal. Mais, du fait de l'impunité, ils tirent profit de leur
activité illégale, au détriment des véritables
auteurs des oeuvres musicales qu'ils piratent. Ce niveau de piraterie se
distingue nettement des deux niveaux précédents. MONET, J.C.
dresse à ce propos un tableau révélateur de ce contraste
en affirmant :
Ce qui caractérise peut-être le mieux la
différence de nature entre la délinquance individuelle et le
crime organisé, c'est que la nature stratégique de l'action du
premier est loin d'être toujours évidente. Par contre, dès
qu'il y a crime organisé, c'est-à-dire qu'il y a dans un ensemble
humain repérable : division des tâches,
hiérarchisation des niveaux de compétence, procédures de
coordination, contrôles et sanctions, et ce pour assurer la circulation
de flux économiques illicites, la mise à profit de
facilités fiscales, douanières, policières, politiques,
etc. pour réaliser avec le minimum de risques de gains
illégitimes au regard de la ``saine'' morale, sociale, il ya
nécessairement, en oeuvre, rationalité instrumentale et conduite
stratégique.129(*)
I.2- Formes de piraterie ou de contrefaçon
Si l'on prend en compte le domaine de la production musicale,
avec notamment l'enregistrement du son et/ou de l'image, la piraterie musicale
comprend plusieurs formes distinctes et fondamentalement différentes de
contrefaçons apparues à des périodes diverses. Toutefois,
elles peuvent être regroupées en trois principales formes :
la forme analogique, la forme numérique et celle qui porte sur les
signaux de radiodiffusion ainsi que sur les images distribuées à
travers le câble. A l'origine, la piraterie se définissait
essentiellement sous deux formes : La copie d'enregistrements
préexistants sans l'accord de leur producteur légitime ;
L'enregistrement clandestin (« bootleg ») de la prestation
en direct (« live ») d'un artiste lors d'un concert ou d'une
émission radiodiffusée. Ces formes de piraterie sont aujourd'hui
connues sous l'appellation de « piraterie traditionnelle ».
A côté de celles-ci, il y a de nouvelles formes de piraterie
apparues avec au lendemain de l'avènement des TIC.
I.2.1- La forme analogique
C'est celle qui consiste en la copie physique des oeuvres
accomplies ou d'enregistrements préexistants sans l'autorisation du
titulaire du droit d'auteur, dans un but lucratif ou non commercial. La copie
pirate présente généralement soit une allure
différente de l'enregistrement original, soit alors une allure qui
ressemble le plus possible à l'enregistrement original. Cette forme
porte également sur l'enregistrement non autorisé des prestations
d'un artiste (en direct d'un concert public) en vue de sa reproduction et vente
ultérieure. Les CD, les DVD et dans une moindre mesure les cassettes,
sont les principaux supports de cette forme de piraterie ou de
contrefaçon des oeuvres musicales. Il existe deux
catégories distinctes de copies illicites : la copie totale (1) et la
copie partielle (2).
A- La copie d'enregistrements existants
1- La copie totale
Elle consiste en la reproduction rigoureusement
identique d'un produit original trouvé dans le commerce (musicassette ou
vidéocassette, disque vinyle ou disque compact), sans l'accord du
producteur légitime de ces enregistrements. L'objectif des
contrefacteurs est de faire passer ces copies totales pour des produits
authentiques. La présentation des copies totales (jaquette, nom du
producteur, marques, logos) reprend intégralement celle des produits
licites correspondants. Sont également reproduits dans leur ensemble,
tous les enregistrements ou « titres » de l'artiste ou du groupe
d'artistes apparaissant sur les supports d'origine. Pour cette catégorie
de piraterie, les indices matériels sont parfois difficiles à
repérer (grain de l'image, épaisseur du papier, qualité de
l'impression, police de caractère différente, etc.), même
si le prix de vente des copies totales, logiquement moins élevé
que celui des produits licites correspondants, constitue un premier indice
significatif. Par ailleurs, les pirates encourent des sanctions plus
importantes que pour d'autres formes de piraterie sonore. En effet, en cas de
copie totale, il y a non seulement atteinte aux droits des producteurs et des
artistes-interprètes, mais également contrefaçon au titre
des droits d'auteurs et du droit des marques. Les différents ayants-
droit ont alors la possibilité d'agir conjointement sur des fondements
respectifs différents (droits voisins du droit d'auteur, droit d'auteur
et droit des marques), les pirates étant quant à eux
également passibles des peines prévues au titre de la
contrefaçon de marque.
2- La copie partielle
Il s'agit de la reproduction sans l'autorisation de leur
producteur légitime, d'un ou plusieurs enregistrements d'un artiste,
généralement extraits de supports originaux du commerce
(musicassette, disque compact...) ou de bandes studio, qui sont ensuite
illicitement commercialisés sous le nom et la marque du contrefacteur.
La présentation des copies partielles est entièrement
différente de celle du ou des support(s) licite(s) d'origine (nouvelle
jaquette, nom et logos du fabricant ou distributeur pirate). Il n'y a donc pas
pour cette catégorie de piraterie, contrefaçon au titre du droit
des marques. L'objectif des pirates est de « masquer »
l'infraction commise, et d'exploiter en toute impunité sous «
un habillage différent » des enregistrements pour lesquels ils
ne disposent d'aucun droit. La particularité de cette catégorie
de piraterie réside aussi dans le choix du répertoire musical
copié. Il s'agit le plus souvent d'enregistrements anciens, dit de
« fonds de catalogue », d'artistes renommés dont le
potentiel commercial est indépendant des modes (Johnny HALLYDAY, Manu
DIBANGO, EKAMBI Brillant, MESSI Martin, etc.).
Les copies partielles reprennent ainsi
généralement les plus grands succès de la carrière
d'un artiste célèbre ("standards"), ou bien ceux d'une
sélection d'artistes notoirement connus ("compilations"). Il
peut s'agir également de copies illicites d'enregistrements dits
« de début de carrière », et qui
bénéficient de la gloire obtenue ultérieurement par
l'artiste concerné. Les pirates essaient de jouer en la matière
sur des situations contractuelles anciennes (musiciens et artistes souvent
décédés), faisant parfois intervenir des titulaires de
droits successifs. Ils n'hésitent pas non plus à arguer de
fausses chaînes contractuelles pour semer le trouble auprès des
tribunaux.
Par ailleurs, ces contrefaçons, sur lesquelles bien
entendu aucune rémunération n'est versée aux ayants droit
(producteurs et artistes-interprètes), sont fabriquées et
commercialisées à des prix dérisoires, et constituent de
ce fait d'excellents produits d'appel, dont la plupart des distributeurs sont
naturellement friands.
B- L'enregistrement clandestin (« bootleg »)
Contrairement aux copies totales ou partielles, le bootleg
n'est pas une reproduction d'un enregistrement préexistant. Il s'agit
plutôt de l'enregistrement de la prestation en direct («
live ») d'un artiste lors de concerts publics ou
d'émissions de radio et de télévision auxquels ce dernier
a participé. Le bootleg est réalisé, bien entendu, sans
l'autorisation de l'artiste concerné ni celle de son producteur. Cette
catégorie de piraterie porte directement atteinte aux droits des
artistes-interprètes, qui seuls peuvent autoriser la fixation et la
reproduction de leurs prestations. Qui plus est, la qualité des
enregistrements effectués est souvent médiocre. Ces
enregistrements clandestins sont également constitutifs d'actes de
concurrence déloyale envers le producteur exclusif de l'artiste. Outre
l'appât du gain, l'objectif des fabricants et distributeurs de bootlegs
est de se démarquer des produits commercialisés par les
producteurs des artistes. Ils proposent au public pour un prix
généralement élevé, des enregistrements «
inédits » d'artistes confirmés, assortis d'une
présentation (jaquette et packaging) personnalisée. Ces produits
apparaissent donc particulièrement attractifs pour un public de fans et
concernent principalement un répertoire musical récent. La
présentation des bootlegs (nouvelle jaquette, livret
personnalisé, nom et logo du fabricant du bootleg), ne correspond jamais
à celle de produits licitement commercialisés pour les artistes
correspondants. Pour cette catégorie de piraterie, il n'y a donc pas
contrefaçon de marque. C'est à nouveau l'absence du nom du
producteur de l'artiste, de son logo et de ses marques de commercialisation,
qui permet d'identifier les bootlegs. De même, à contrario, la
mention du nom d'un producteur, d'un distributeur, de marques ou de logos
inconnus ou fantaisistes, constitue un indice déterminant pour
déceler l'existence de ces contrefaçons. Si les droits d'auteurs
ont été régularisés, la procédure en justice
contre les fabricants ou distributeurs de bootlegs interviendra sur le
fondement des droits des artistes-interprètes, ou bien dans le cadre
d'une action en concurrence déloyale initiée par les
producteurs.
I.2.2- La forme numérique
Au début des années 1990, les bootlegs
constituaient la part prépondérante des produits pirates vendus
au Cameroun, les copies partielles s'avérant plus limitées en
quantité. Quant aux copies totales, elles n'ont fait leur apparition sur
le marché camerounais qu'à la fin des années 1990,
essentiellement dans les circuits de vente des CD de contrefaçon qui
prenait de l'ampleur. Le développement rapide des nouvelles technologies
a ouvert de nouvelles opportunités aux pirates, augmentant ainsi de
manière significative le taux de piraterie musicale. L'avènement
d'Internet a permis l'émergence de nouvelles formes de piraterie telles
que la vente ou l'échange de copies sur CD-R par le biais de newsgroups
ou de sites web et la mise à disposition par
téléchargement d'enregistrements musicaux sur des sites web ou
des réseaux « peer to peer », faisant de la piraterie
sur Internet la forme de contrefaçon la plus répandue à ce
jour.
La forme numérique de la piraterie porte donc
essentiellement sur le téléchargement des fichiers de partages
par le Peer-to-Peer (échange de fichiers entre internautes, ou encore
P2P). A travers cette échange directe de fichiers musicaux et
audiovisuels en dehors des circuits de distribution traditionnels, il y a copie
ou recel illicite de contenus, avec pour conséquence de porter atteinte
aux intérêts des auteurs des oeuvres en question. En effet, depuis
quelques années, la piraterie sur Internet a connu une expansion
phénoménale et représente aujourd'hui la forme de
piraterie prédominante.
Cette forme de piraterie des oeuvres musicales est bien
visible à Yaoundé. En effet, en parcourant les rues de la ville
de Yaoundé, il est difficile de ne pas remarquer l'abondance des
pancartes suspendues à l'entrée des cybercafés ou sur des
petites tables installées sur les trottoirs, et sur lesquelles l'on
peut aisément lire des inscriptions telles que : «
téléchargement de sons, sonneries et images ». Ces
pancartes invitent le mélomane à venir faire le transfert d'une
musique ou d'une vidéo d'un support à un autre.
Toutefois, ce transfert du vendeur au client n'est pas
gratuit. Ce dernier doit débourser la modique somme de 50 ou 100 FCFA
par chanson téléchargée, ou encore 150 et 200 FCFA pour
une vidéo. Le problème qui se pose avec cette forme d'acquisition
de musiques est que l'auteur de l'oeuvre musicale qui est ici
téléchargée, ne perçoit rien en retour de la part
des pirates. Ce téléchargement des musiques se fait donc via
Internet, sur des sites bien connus des pirates, et n'est
généralement pas exempt de désagréments. Il est
quelques fois préjudiciable aux pirates eux-mêmes. En effet, un
pirate faisant partie de notre échantillon a par exemple relevé
la présence de nombreux virus qui circulent dans ces sites, et qui
l'obligent très souvent à adopter des méthodes ardues.
Pour parer à ce type de désagrément, la nouvelle
méthode de partage des fichiers de musique consiste notamment à
« récupérer les musiques et vidéos sur CD et DVD,
les conserver sur un ordinateur pour ensuite les transférer ou les
graver sur le support du client », ajoute notre interlocuteur.
Au cours de notre enquête sur le terrain, nous avons
observé que les supports les plus répandus chez les clients de
ces pirates sont : les téléphones portables, les MP3, les
MP4, MP5, les Iphone, les Ipod et les clés USB. Pour passer du vendeur
au client, la musique ou la vidéo sollicitée est
transférée dans une carte mémoire du
téléphone portable ou encore par Bluetooth. L'autre moyen de
transfert de musiques consiste à connecter les MP3, MP4, MP5, Ipod et
Iphone à un ordinateur à travers un câble, ou alors
d'insérer directement une clé USB dans un ordinateur. Les
personnes qui sollicitent les services des «
téléchargeurs » savent pour la plupart qu'il s'agit
d'un acte illégal. Cependant, elles évoquent des raisons diverses
pour justifier leur acte. L'un des interviewés a par exemple
affirmé: « on n'aime pas forcement toutes les chansons d'un
artiste. Alors, il ne sert à rien d'acheter tout un CD pour
écouter juste une ou deux chansons. Je préfère
sélectionner uniquement les chansons qui me plaisent ... ». Et
un autre d'ajouter : « le téléchargement me revient
moins cher. Avec 1000 FCFA, je peux avoir 10 chansons de 10 musiciens
différents, alors que s'il fallait acheter leurs Cd, je
dépenserais au moins 10.000 FCFA pour acquérir les 10 CD
». Un autre encore, lui, affirme : « je veux bien acheter
les CD originaux mais je ne sais où les avoir. Alors, je me contente de
ce que je trouve sur le marché ».
I.2.3- La piraterie des signaux de radiodiffusion et la
piraterie par câble
Il y a quelques années, apparaissait au Cameroun, le
phénomène de la câblodistribution. Il s'agit là d'un
mode de distribution des images Tv dans les ménages, qui permet aux
abonnés de recevoir sur leurs petits écrans et à peu de
frais, des images de nombreuses chaînes de télévision
étrangères. Alors qu'on était encore à se
réjouir de cette prouesse technologique et de cette
ingéniosité de certains câblodistributeurs, de nombreuses
dérives ont été signalées dans cette nouvelle
manière de faire. En effet, il est reproché aux
câblodistributeurs, dont le rôle est exclusivement de distribuer
des images Tv, de s'être tous versés aujourd'hui dans la
production. Ils font de la télévision sans avoir reçu au
préalable l'autorisation des autorités compétentes. Inter
Tv, Tv câble, Net pictures, scaviex, etc. sont autant de chaînes de
télévision créées et diffusées par les
sociétés de câblodistribution à Yaoundé. Leur
programmation est ``colorée'', pour parler ici dans leur
jargon : récitals de musique, films, documentaires, feuilletons,
sont proposés aux abonnés, quelquefois à la demande de ces
derniers. Ainsi, créer sa propre chaîne de
télévision sur un bouquet est devenu un phénomène
de mode chez les câblodistributeurs.
Toutefois, il faut relever que tous ces programmes
diffusés, ou tout au moins, la plupart de ceux-ci proviennent des CD
pirates, achetés généralement en bordure de route.
Certains câbleurs acquièrent des CD d'émissions, de
documentaires et autres téléfilms, avec l'aide des techniciens
exerçant dans des chaînes de télévision locales.
Certains vont jusqu'à filmer des concerts de musiques et les diffuser au
lendemain de ceux-ci.
II- LES PRATIQUES DE L'ACTIVITE
II.1- Localisation de la piraterie à
Yaoundé
Un tour dans les rues, les bars, les restaurants, les
établissements scolaires, les églises, les hôpitaux, les
domiciles privés, les administrations et autres lieux publics les
marchés de la ville de Yaoundé, permet de juger de l'ampleur du
phénomène de la piraterie des oeuvres musicales, dont la
visibilité est manifeste. Les CD et DVD pirates d'artistes camerounais
et étrangers ont envahi le marché du disque. Ils sont vendus
partout et aucun espace n'échappe à cette réalité.
Le centre ville de Yaoundé est le lieu de prédilection des
pirates, car le marché central était la principale source des
pirates, jusqu'à il y a quelques mois. C'est dans ce marché que
des cartons de CD étaient nuitamment débarqués des camions
par des grossistes en provenance de Douala. Au petit matin, les revendeurs
venaient s'approvisionner et envahissaient les artères de la ville avec
leur marchandise.
Aux alentours de la poste centrale (Avenue Kennedy,
Cathédrale, Marché central, montée SNI, Ministères,
etc.), les CD sont mis en exergue sur des étals.
http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=4702
http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=4702Photo
1 Photo 2
Photo 3
Photo 1 : Un étal de CD
devant la Cathédrale de Yaoundé
Photo 2 : Un étal de CD
devant un magasin de Yaoundé
Photo 3 : Un vendeur ambulant de
CD pirates au quartier Nkol Eton à Yaoundé
Source : Nos enquêtes sur le
terrain.
Le client n'a pas besoin de marchander, car les prix sont
écrits au sol. Les CD sont vendus à la modique somme 250 francs
pour certains et 300 francs pour d'autres. L'on peut constater qu'aujourd'hui,
les prix ont chuté. Il y a moins d'un an (juin 2009) que les CD pirates
étaient vendus à 500 francs. Chamberlain NGNINTEDEM, un grossiste
de CD pirates depuis huit ans et faisant partie de notre échantillon,
affirme qu'au départ les CD pirates étaient vendus au prix de
1500 ou 2000 francs. « J'achetais les CD ``Singapour'' aux
grossistes qui venaient du Nigeria à 750 francs la pièce. Je
livrais les CD à 1000 francs aux revendeurs qui les plaçaient
à 1500 francs ou 2000 francs », se souvient-il,
nostalgique. Mais, notre interlocuteur poursuit en disant que cette
époque est révolue, car aujourd'hui la marge
bénéficiaire des vendeurs de CD a considérablement
baissé. Selon lui, « il n'y a que 50 ou 100 francs de
bénéfice par CD vendu. Je suis obligé de venir vendre
moi-même les CD en détail à 300 francs pour avoir un
bénéfice acceptable, car je livre ces CD aux revendeurs à
200 francs ». Cette baisse abrupte des prix du matériel
d'enregistrement des CD et autres supports vierges en a fait des produits
"grand public", donnant lieu à une recrudescence d'actes de
reproduction et de mise à disposition illicites. Selon notre
interlocuteur : « Il y a un graveur qu'on appelle ``Turbo''
qui permet de graver 100 CD à la fois en trente minutes. Il coûte
300 000 francs et beaucoup de personnes aujourd'hui au Cameroun en
possèdent. C'est pour cela que le prix du CD a
baissé ». Les CD pirates sont vendus aux
détaillants par carton. Un carton contient exactement 200 CD et
coûte 30 000 frs. Ce qui revient à dire que le prix de
revient du CD est de 150 frs la pièce.
Au centre ville, ainsi que dans les grands carrefours de
Yaoundé, les vendeurs sont en perpétuel sursis en raison du coup
de force mené en ce moment par la Communauté urbaine. Ce n'est
qu'à partir de 18 heures que les vendeurs peuvent commencer leur
activité. « TSIMI EVOUNA nous fait dur ! Il n'y a que
les dimanches que nous pouvons vendre ici en journée, car la police
veille à ce que aucune marchandise ne soit exposée à la
poste centrale », soutient Dieunedort KAMDEM, un vendeur
ambulant de CD.
En ce qui concerne le téléchargement des sons et
sonneries, il est également très visible à Yaoundé.
A tous les coins de la rue, on remarque une multitude de pancartes sur
lesquelles on peut lire : « téléchargement de sons
et sonneries ». Il s'agit du transfert de musique ou de vidéo,
d'un support à un autre. Ce transfert du vendeur au client n'est pas
gratuit, car il faut débourser la somme de 50 ou 100 francs pour une
musique, et 150 ou 200 francs pour une vidéo. A l'aide de cordon et
autres câbles de connexion, le pirate connecte votre
périphérique à son ordinateur et y fixe la chanson,
l'image ou la vidéo demandée.
Photo 4
Photo 5
Photo 4 : Pancarte indiquant un
lieu de téléchargement des sons au centre ville de
Yaoundé
Photo 5 : Pancarte indiquant un
lieu de téléchargement des sons au quartier Ngoa-Ekelle
à Yaoundé
Source : Notre enquête sur
le terrain
Quant à la piraterie des signaux, elle se vit
quotidiennement, à travers les images que les câblodistributeurs
donnent à leurs nombreux abonnés. Tous les quartiers de la ville
sont desservis. Les nombreux fils enchevêtrés entre eux le long
des rues, et souvent maladroitement mêlés à ceux du courant
électrique ou à ceux du téléphone en sont une
parfaite illustration. Parfois, ils sont suspendus sur des arbres, des toitures
ou tout autre support de fortune. Etre
« câblé » semble devenu une mode
aujourd'hui. Au regard des programmes que les câbleurs proposent à
leurs téléspectateurs, leurs chaînes sont parmi les plus
prisées, car les clients peuvent même aller jusqu'à
commander des films, des documentaires et mêmes des musiques
auprès de leurs distributeurs.
II.2- Origine et distribution des oeuvres musicales
contrefaisantes
Il est question ici de voir quels sont les principaux canaux
que les oeuvres musicales contrefaisantes empruntent pour envahir les
marchés de la ville de Yaoundé. En outre, nous voulons saisir les
stratégies qui sont adoptées pour distribuer ces oeuvres, ou pour
qu'elles atteignent facilement les consommateurs.
II.2.1- Pistes des oeuvres pirates ou contrefaisantes
Concernant les lieux de fabrication des produits pirates, ils
se situent principalement à l'étranger. Bien évidemment,
l'on ne saurait négliger le marché intérieur, qui
s'affirme de plus en plus grâce à l'apparition des graveurs de CD
et DVD de grande capacité, notamment le graveur appelé
« pondeuse » ou encore
« Turbo »130(*). Les pirates les acquièrent et les
installent dans leurs « labos »131(*) qui sont
généralement des pièces aménagées dans des
domiciles privées, avec des équipements tels que des ordinateurs
sur les quels sont installés des logiciels de montage et de gravure tels
que : Xpress, Photoshop, Coreldraw, Nero, Roxio, Power DVD. A
côté, il y a des stocks de Cd vierges, des étuis ou
pochettes, des imprimantes et des scanners. Bref, ce sont des mini imprimeries.
Ici, la connexion Internet est une exigence, car c'est à travers elle
que les pirates retrouvent des photos ainsi que d'autres informations sur les
artistes, et qui peuvent figurer sur les pochettes des albums pirates.
II.2.1.1- Le marché intérieur
Certaines oeuvres musicales contrefaisantes sont produites au
Cameroun. C'est précisément ce qui constitue le marché
intérieur. Il faut relever que cette production se fait à une
petite échelle, car les pirates ne disposent pour la plupart que d'un
matériel de production de faible capacité. C'est
généralement des gravures des CD, VCV et DVD faites à
partir d'ordinateurs. Il est clair que ce type de piraterie ne peut permettre
de produire que quelques dizaines de CD par jour. Ils sont
insérés dans des pochettes de fortune, et les étiquettes
sont fabriquées de façon peu professionnelle et sont très
souvent grossièrement découpées, sans esthétique ni
précaution. Toutefois, les villes de Bafoussam, Douala et Limbé
sont à juste titre considérées comme des laboratoires de
la piraterie artistique au Cameroun.
II.2.1.2- Les pays étrangers
La grande partie des oeuvres musicales
contrefaisantes qui sont vendues au Cameroun viennent des pays étrangers
et transitent inévitablement par le port de Douala ou par les
frontières terrestres avec les pays voisins.
a)- Le port de Douala
Au Cameroun, le port de Douala, est l'une des principales
portes d'entrée des marchandises provenant des pays étrangers. Il
faut relever que ce port est le lieu par excellence du commerce illicite, qui
se manifeste beaucoup plus ici par la fraude douanière. Celle-ci
consiste soit à tromper la vigilance des douaniers sur la valeur, les
positions tarifaires, la destination et la nature des marchandises
déclarées, soit à négocier directement avec les
douaniers qui font passer la marchandise sans la déclarer, contre une
certaine somme d'argent. Dans d'autres cas, les valeurs des marchandises sont
minorées, afin de réduire les droits de douane à payer. Il
existe aussi des cas de dissimulation de certaines marchandises qui ne sont
détectées que par le scanner. La contrebande est donc un
phénomène qui décrit le trafic douanier des biens et des
services non autorisés, non réglementé par les
autorités. Elle favorise l'entrée sur le territoire national des
produits qui sont vendus de façons clandestines.
Ainsi, de grandes quantités d'oeuvres contrefaisantes
transitent par le port de Douala pour inonder les marchés
intérieurs. La plupart de ces oeuvres viennent de la Chine, du Nigeria,
de Dubaï, de l'Indonésie, bref certains pays émergents se
sont illustrés comme étant des lieux à partir desquels la
contrefaçon tire véritablement ses racines. Ce sont là
quelques pays dans lesquels les TIC ont réalisé des prouesses
remarquables depuis ces dernières décennies, et qui ont
trouvé d'importants débouchés sur le marché
africain.
b)- La frontière avec les pays
voisins
La frontière avec le Nigeria constitue la plus grande
entrée terrestre qui permet aux contrebandiers d'acheminer les oeuvres
musicales pirates au Cameroun. Des cargaisons de CD contrefaisants entrent dans
des camions. Toute fouille véritablement satisfaisante n'étant
pas toujours envisageable, ces marchandises sont ensuite acheminées dans
les différentes villes du pays à travers divers moyens de
transport.
Cette situation remet sur la sellette le problème
très préoccupant de la porosité des frontières
camerounaises, qui sont des mailles à travers lesquelles transitent des
produits divers (produits cosmétiques, pharmaceutiques,
pétroliers et d'autres produits de grande consommation). En plus de la
frontière terrestre, les produits venant du Nigeria transitent
également par le port de Limbe, et passent par les villes de Kumba et
Bamenda pouir atteindre les autres villes du pays.
II.2.2- Distribution des oeuvres musicales
contrefaisantes
La distribution des oeuvres musicales contrefaisantes
obéit à une organisation minutieuse et précise. Cela en
raison du fait que les distributeurs ont la pleine connaissance du fait qu'ils
opèrent dans l'illégalité.
a)- Organisation de la filière de
distribution
Les réseaux de distribution sont constitués des
grossistes, les détaillants ou vendeurs ambulants des CD, des
``téléchargeurs'' qui sont à des points fixes. Les
grossistes achètent les CD et DVD dès qu'ils sont
débarqués du Port. Ils organisent la distribution à
travers les principales villes où la demande est assez importante. C'est
auprès d'eux que les détaillants viennent s'approvisionner.
Ceux-ci à leur tour marchent à travers les principales
artères des villes et autres lieux publics, ou étalent leurs
marchandises sur les trottoirs. Certains n'hésitent pas à aller
jusque dans les recoins des villages enclavés.
Leurs clients se recrutent parmi toutes les couches de la
population. Hautes autorités de la Républiques, forces de
l'ordre, hommes d'Affaires, ménagères, élèves et
étudiants et tout autre mélomane consomment avec
insatiabilité les oeuvres de contrefaçon. Les commerçants
qui s'investissent dans ce trafic font à coup sûr des bonnes
affaires. Certains artistes, ne pouvant pas supporter de voir vilipender leur
travail de créativité abattu pendant des années, se
retrouvent parfois à faire des rixes avec des petits revendeurs.
b- La distribution des supports physiques
pirates
Adossés à la rambarde qui jouxte l'enceinte de
la SNI, quelques vendeurs de CD et DVD surveillent les alentours faisant mine
de ne rien vendre, pendant que des clients fouillent dans des grands sacs en
plastique posés entre leurs pieds, à la recherche des albums de
leurs artistes-musiciens préférés. D'autres sont
alignés le long des murs de magasins du centre commercial, et s'activent
à héler les passants en leur proposant les albums de musique les
plus récents. Ainsi, on peut par exemple entre des phrases telles
que : « Ma chérie, j'ai le dernier Lady
Ponce », « Grand-frère, on vous donne quoi
là ?», « Le père, il y a des anciens
succès », « Boss, il y a les musiques des
responsables ici », etc. Les phases permettant d'approcher le
client sont fonction de l'âge, du sexe ou de la tenue arborée par
le client. Les produits sont étalés soit sur des nappes, soit sur
des cartons qu'ils nouent ou plient rapidement et emportent dès que
l'alerte signalant l'arrivée des agents de la Communauté urbaine
est donnée.
Photo 6 : Distribution des CD pirates au
Photo 7 : Distribution des CD pirates au
quartier Briqueterie à Yaoundé
Centre commercial de Yaoundé
Source : Nos enquêtes sur le
terrain.
Ce sont là quelques unes des astuces adoptées
par les vendeurs de CD et DVD pirates pour continuer d'écouler leurs
marchandises. Ils sont sur le qui-vive, craignant de subir à tout moment
les assauts de ces agents de la Communauté urbaine, car les visites
surprises de ceux-ci sont régulières. Ici, la méfiance est
de rigueur. On se méfie même de certains clients qui pourraient
être des espions de la Communauté urbaine. Il faut donc toujours
être vigilant et aux aguets. Chaque passage d'un homme en tenue
créé la panique chez les vendeurs. Depuis qu'ils ont
été déguerpis, tous les vendeurs de supports musicaux
pirates sont désormais soumis à cet exercice difficile. Ils se
débrouillent, chacun à son niveau, pour continuer à
écouler leur marchandise. Ce qui signifie que la vente des CD et DVD au
centre ville de Yaoundé se fait essentiellement de manière
ambulante et à la criée. Dans les quartiers, certains pirates
dressent des hangars de fortune, construits essentiellement avec du
matériel provisoire, le long des trottoirs pour accoster facilement les
passants à qui ils proposent les dernières sorties musicales de
l'heure.
Photo 8 : Un hangar
dressé par un pirate au quartier Ngoa-Ekelle à Yaoundé
Source : Nos enquêtes sur le
terrain.
Ces vendeurs ambulants ont leur marchandise sur eux et
généralement en petite quantité, afin de se
déplacer facilement à travers les artères de la ville. On
les voit déambuler dans tous les sens, des sacs au dos et des CD ou DVD
à la main. C'est dire que la distribution des oeuvres musicales pirates
n'est pas une tâche facile. Elle se fait même dans la nuit. Cela
peut être justifié par les propos de ces jeunes
débrouillards, notamment lorsqu'ils reprennent presque tous de
manière redondante, les mêmes expressions telles que :
« le dehors est dur », « le dehors a les
dents », « c'est caillou », « c'est
fort », « c'est mauvais », « c'est
dur », « on supporte », « on se
bat », on va faire comment ? », « On se
défend », « on se
débrouille », etc. Selon MANGA LEBONGO, si ces verbes et
expressions « sont hérités en droite ligne du
vocabulaire militaire »132(*), il faut surtout dire qu'ils :
Sont devenus une véritable transcription symbolique
dans la mesure où ils exposent, d'une manière schématique,
et en le résumant, le vivre-au-monde-concret d'une frange importante de
la jeunesse urbaine camerounaise dans un tournant de leur existence où
subsister est une gageure quotidienne.133(*)
Certains clients sont également
désemparés par cette nouvelle physionomie du commerce des
supports musicaux de contrefaçon et ont souvent de la peine à
trouver facilement les CD et DVD de leur choix. C'est ce qui justifie par
exemple cette plainte d'un acheteur de CD : ``Avant le
déguerpissement, il était beaucoup plus facile d'acheter des CD,
car les vendeurs avaient des points fixes de vente. Depuis qu'il y a la
répression, nous ne savons plus exactement où sont nos amis
pirates''. D'autres vendeurs préfèrent venir vendre aux
premières heures de la matinée, généralement avant
huit heures, ou alors en fin de journée, jusqu'à une heure assez
avancée de la nuit. Pour Jean NGOUFO, un vendeur des oeuvres musicales
contrefaisantes au centre ville de Yaoundé : « A cette
heure là, les contrôleurs de la communauté urbaine sont
généralement partis. Nous profitons de ce moment pour
écouler paisiblement nos produits afin de trouver un peu d'argent pour
la ration du lendemain ». Cette activité met en
lumière un processus d'innovation par lequel les acteurs du secteur
informel adoptent des nouvelles manières d'inventer leur quotidien
fragilisé par la crise économique. Ils déploient des
« arts de faire » pour faire face à cette
crise. De simple alternative au chômage, cette activité est
devenue un métier définitif pour certains qui la pratique depuis
une vingtaine d'année, et qui n'entendent plus faire autre chose, en
dépit des multiples risques qu'ils encourent chaque jour : accident
de circulation, erreurs de comptabilité entrainant un manque à
gagner, intempéries, agressions, bastonnades par des
propriétaires d'oeuvres musicales vendues, etc.
Au moment où nous commencions notre enquête sur
le terrain, le marché central de Yaoundé s'est
révélé comme étant le lieu par excellence de la
vente des CD et DVD de contrefaçon. C'est dans le hall du dernier
étage de ce marché que les grossistes stockaient leurs produits
nuitamment débarqués dans de gros cartons. Les détaillants
des CD et DVD pirates se ravitaillaient dès les premières heures
de la journée. C'est également au marché central que les
des graveurs de grande capacité (communément appelés
Turbo ou Pondeuse) étaient vendus à
300 000 francs l'unité, aux personnes désirant se lancer
dans la production en masse des CD de contrefaçon.
c- Des points fixes de
téléchargement
Le téléchargement des sons et sonneries, lui, se
fait à ciel ouvert. Les pirates n'ont pas besoin de se cacher. Ils
opèrent en toute quiétude, laissant croire que leur
activité est légale. Une pancarte suffit pour informer le client
qu'il peut faire télécharger des musiques de son choix à
cet endroit précis. Ce dernier n'a plus qu'à se rapprocher de son
distributeur, afin de savoir dans un premier temps si la musique qu'il
désire est disponible, et dans un deuxième, pour débattre
du prix en fonction du nombre de chansons qu'il voudrait faire
télécharger. Pour télécharger les sons, il faut
généralement débourser entre 50 et 100 francs, et la somme
de 150 ou 200 francs pour la vidéo.
DEUXIEME PARTIE
FACTEURS EXPLICATIFS ET IMPACT DE LA PIRATERIE
DES OEUVRES MUSICALES AU CAMEROUN
CHAPITRE I
DEMOGRAPHIE GALOPANTE, CRISE ECONOMIQUE, DEVELOPPEMENT
DES TIC ET CRISE DES VALEURS MORALES AU COEUR DU PHENOMENE
« La cause déterminante d'un fait social
doit être recherchée parmi les faits sociaux
antécédents, et non parmi les états de conscience
individuelle ».
Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode
sociologique, Paris, P.U.F, « Collection Quadrige »,
1981, (1ère éd.1895), p.109.
I- DEMOGRAPHIE GALOPANTE, RECESSION
ECONOMIQUE
DES ANNEES 80 ET PAUVRETE
Il existe un rapport de consubstantialité entre la
croissance constante de la population, la crise économique et la
pauvreté au Cameroun.
I.1- La démographie galopante
Cette analyse, sans avoir la prétention de
procéder à une étude quantitative de la population humaine
de la ville de Yaoundé, ou encore de vouloir saisir l'évolution
et les mouvements de la population camerounaise dans son ensemble, voudrait
simplement montrer que la demande en biens et services de cette population va
crescendo au fil des ans. Il s'agit en effet de montrer que la croissance
rapide de la population a accru la demande des biens dans la
société, et partant celle de l'offre de services. Ainsi, la
demande des oeuvres musicales par une population devenue de plus en plus
nombreuse, n'a pas tardé à se faire ressentir.
A l'heure actuelle la population mondiale connaît un
accroissement inquiétant. Si la plupart des discours scientifiques et
politiques s'accordent à reconnaître cela, il faut dire que
certaines prévisions indiquaient déjà que :
« la part des africains dans la population mondiale est
appelée à s'accroître : 9% de l'humanité vers
1960, 12% en l'an 2000, 19% vers l'an 2025 » 134(*). Ces chiffres
témoignent à suffisance de la rapidité avec laquelle la
population africaine s'accroît dans le temps. Et le Cameroun n'est pas en
marge de cette dynamique. En effet, à l'issue du premier Recensement
Général de la Population et l'Habitat (RGPH) au Cameroun qui
avait eu lieu en 1976, l'on avait dénombré 7.663.246 d'habitants.
Le deuxième RGPH de 1987 établissait l'effectif total de la
population à 10.493.655 d'habitants.
Toutefois, dans beaucoup de pays africains, compter les hommes
et les femmes est une opération complexe et difficile. C'est ce qui
explique le fait qu'au Cameroun, il a fallu attendre 18 ans pour que le
gouvernement organise le troisième RGPH, notamment en 2005. Entre temps,
l'on s'est contenté de quelques probabilités officielles, dont le
mérite est d'avoir souvent donné des estimations, des projections
ou des approximations assez satisfaisantes de la population. De ces
projections, l'on peut retenir que la population camerounaise qui se
caractérise par son extrême jeunesse, a un taux de croissance
annuel qui est passé de 3,0% en 1976 à 2,87% en 2000135(*). En 2001, la population
camerounaise était estimée à 15,5 millions d'habitants,
avec un taux de 44% de jeunes de moins de 15 ans et 20% qui se retrouvent dans
la tranche d'âge de 15 à 24 ans136(*). Les mêmes sources, s'appuyant sur des calculs
effectués par le FMI en octobre 2000, estimaient que la population
camerounaise est théoriquement passée à plus de 17.106.000
habitants. D'autres projections avançaient respectivement les chiffres
de 18 millions en 2005, 23 millions en 2014 et 25 millions en 2020.
D'après les résultats provisoires de la 3e
enquête camerounaise auprès des ménages (ECAM III),
« la population camerounaise est estimée à 17,9
millions de personnes en 2007, dont 51% de femmes et 49%
d'hommes ». Cette enquête, réitère
l'idée que : « cette population est extrêmement
jeune : 43% de personnes ont moins de 15 ans et 3,5% seulement sont
âgés de 65 ans ou plus»137(*).
L'on a eu quelque idée de la taille exacte de cette
population, lorsque Louis Paul MOTAZE, ministre de l'Economie, de la
Planification et de l'Aménagement du Territoire (MINEPAT),
présidant la cérémonie du lancement des activités
marquant la célébration de l'édition 2009 de la
Journée mondiale de la population, lançait aux
journalistes : « la population camerounaise est
estimée à 18 millions d'habitants. Des résultats qui
n'attendent plus que leur publication officielle par le Chef de
l'Etat 138(*)». C'est finalement le 14 avril 2010
dernier que les résultats du troisième RGPH ont été
connus, au cours d'une cérémonie solennelle de publication
officielle organisée par le gouvernement. Près du double que lors
du dernier recensement en 1987, « au 1er janvier 2010, la
population camerounaise était exactement de 19.406.100
d'habitants », selon Abdoulaye YAOUBA, ministre
délégué auprès du ministre de l'Economie, de la
Planification et de l'Aménagement du Territoire.
Au regard de ces résultats, il se dégage
quelques constats saisissants : Le taux d'accroissement
démographique est de 2,6% en moyenne annuelle, chiffre en retrait
à celui de 2005 qui était de 2,8%. En outre, ajoute le
ministre :
La population camerounaise compte en général
plus de femmes que d'hommes. Elle est composée de 50,5% de femmes et de
49,5% d'hommes. Plus de la moitié de la population a moins de 25 ans et
le nombre des moins de 14 ans dépasse largement la barre des 40%. La
population de notre pays est donc essentiellement une population jeune.
Nonobstant les taux de mortalité infantile qui se sont
dégradés, surtout au cours de la dernière décennie,
la démographie camerounaise reste forte et dynamique, notamment
grâce à un taux de fécondité qui, quoique en baisse
relative, reste au-dessus de cinq enfants par femme en moyenne.139(*)
A la lumière des résultats
publiés, l'on peut également retenir que la densité de la
population varie de 7,4 habitants au kilomètre carré dans l'Est,
à 141,5 habitants au kilomètre carré dans le Littoral. Et
à en croire les projections, au rythme actuel, cette population est
appelée à doubler tous les 25 ans environ. A l'échelle
continentale, « ce qui retient ici l'attention, c'est surtout,
l'extrême jeunesse de la population africaine. 50% des habitants du
continent ont moins de 25 ans ; 3% à peine ont 65
ans »140(*). Les résultats du 3e RGPH
viennent confirmer les données concernant l'extrême jeunesse de la
population camerounaise, qu'une enquête de l'INS avait déjà
évoquée en ces termes :
Les jeunes de moins de 17 ans représentent la
moitié de la population, et les personnes de plus de 65 ans, 3%. La
taille moyenne des ménages se situe à 4,5 personnes et les femmes
chefs de ménage (surtout monoparentaux) sont de plus en plus nombreuses.
Au niveau national, le taux d'activité des personnes de 10 ans et plus
est de 71,5%. Ce taux voile de fortes disparités selon
la région et le milieu de résidence. On observe que les hommes
sont globalement plus actifs que les femmes (74,8% contre 68,3%) et que le pic
d'activité se retrouve dans la tranche d'âge 30 à 49
ans.141(*)
52% de cette population, a par ailleurs
révélé le ministre Abdoulaye YAOUBA, vit dans les centres
urbains ; ce qui témoigne d'un phénomène
d'urbanisation accéléré. L'accroissement de la population
s'est donc inéluctablement accompagné d'une forte urbanisation,
comme l'affirmaient déjà NGUENDO YONGSI, DICKENS et NGALA
NDI :
L'urbanisation de l'Afrique est, après
l'accroissement démographique, le changement le plus spectaculaire qu'a
connu le continent au cours de ces dernières décennies. Aux yeux
de certains, c'est aussi le changement le plus préoccupant car rural
à plus de 80% en 1960, il est aujourd'hui urbanisé à
41,3%. On estime, d'ailleurs, qu'en 2030 le continent affichera un taux
d'urbanisation de 52,9% (...).142(*).
D'après la même enquête, le taux de
chômage (au sens du BIT) se situe à 4,4%. Ce
phénomène est principalement urbain (10,7%). Yaoundé et
Douala affichent les taux les plus élevés avec respectivement
14,7% et 12,5%. Il est de 6,5% chez les jeunes (10 à 29 ans) qui sont
les plus touchés, contre 3,1% pour les 30 à 49 ans et 1,2% pour
les 50 ans et plus. Le taux de chômage croît avec le niveau
d'instruction. Au sens élargi (chômeurs BIT + chômeurs
découragés) le taux de chômage est de 6,2% soit un
écart de 1,8% par rapport au taux de chômage au sens du
BIT143(*). Ce faible
écart traduit un certain dynamisme du marché de l'emploi. Les
chômeurs découragés sont en majorité des femmes.
Quelles sont donc les conditions de vie de cette population
qui s'accroît à une si grande vitesse ?
I.2- La récession économique des
années 80 et ses corollaires
I.2.1- Un contexte économique en
ébullition
Pendant la décennie 70, la majorité des pays du
Sud ont connu d'importants problèmes politiques, sociaux et
économiques : dégradation des termes de l'échange,
endettement croissant, chocs pétroliers, crise économique,
mauvaise gestion et bureaucratie, financement des projets
démesurés, détournements de fonds publics,
prédation généralisée, instabilité et
incuries politiques, affaiblissement progressif du rôle de l'Etat, etc.
Sans oublier les périodes de sécheresse et les conflits
armés qui ont touché plus particulièrement certains pays.
La dégradation de l'environnement international à partir de 1979
est donc le véritable déclencheur de la crise, comme l'affirme si
bien DURUFLE, G. :
L'augmentation des prix du pétrole et des
importations, accompagnée d'une chute des prix des matières
premières et d'une baisse spectaculaire des taux d'intérêt,
a créé des déséquilibres insoutenables des balances
des paiements induisant une envolée de la dette, cette fois directement
pour financer les déficits. (...) Le retournement de tendance de la fin
des années 70 n'a servi que de détonateur et d'amplificateur
à la crise.144(*)
Au début des années 1980, la plupart d'entre
eux sont dans une situation de rupture de paiement et dans l'incapacité
de rembourser le capital et les intérêts des emprunts
contractés, mettant ainsi le système bancaire international en
branle. Pour remédier à cette situation, le Fonds
Monétaire international et la Banque Mondiale proposent une série
d'interventions financières qui devraient permettre aux PVD d'assainir
leur situation économique et de s'inscrire à nouveau dans les
échanges commerciaux au niveau international. Pendant ce temps, la crise
économique s'est révélée au Cameroun et s'est
manifestée par la baisse des salaires des travailleurs, la hausse des
prix des denrées alimentaires, la baisse des cours de matières
premières, la fermeture de nombreuses sociétés
parapubliques, le licenciement des certains personnels de l'Etat, etc. Elle a
installé la pauvreté à travers la baisse du pouvoir
d'achat des camerounais et rendu difficile les conditions de vie des
populations, devenues incapables de satisfaire leurs besoins les plus
élémentaires. Dans un tel contexte, satisfaire les besoins
psychologiques, tel que consacrer son temps à des activités
ludiques ou dans le cas d'espèce, acheter une oeuvre musicale originale
dont le coût oscille entre cinq et dix mille francs, relevait purement et
simplement du superfétatoire. Par conséquent, ces types de
besoins ont été relégués au second plan.
Cette situation de crise économique entraîne que
le prix des oeuvres musicales, converti en monnaie locale et majoré par
les marges bénéficiaires de tous les maillons de la chaîne
commerciale, devient trop important en rapport avec le pouvoir d'achat de la
plupart des utilisateurs de ces oeuvres. En guise d'exemple, un CD qui
coûte 5 000 FCFA en France, a le même prix qu'un sac de riz au
Cameroun. Ainsi, combien de personnes pourront s'acheter ce support de musique
sans que cela ait une incidence significative sur la ration alimentaire du
ménage ? La situation étant devenue préoccupante, il
était urgent de prendre un ensemble de mesures visant à
rétablir les équilibres macroéconomiques et surtout
améliorer les conditions de vie des populations devenues
précaires. C'est donc cette forte mobilisation, impulsée par les
bailleurs de fonds et autres partenaires bilatéraux et
multilatéraux du Cameroun, qui a conduit à la formulation de
nouvelles stratégies et politiques économiques visant à
relever les défis posés par un nouvel environnement
socio-économique. Ceci a résulté en l'adoption des
Programmes d'ajustement structurels (P.A.S).
I.2.2- Les PAS comme voie de sortie de la crise
Dès l'année 1987, la situation économique
et sociale du Cameroun était devenue très déplorable. Face
à l'ampleur de la crise, et comme plusieurs autres pays en
développement éprouvaient les mêmes difficultés
économiques, les Institutions de Bretton Woods ont
préconisé de nouvelles politiques et stratégies permettant
de sortir de l'ornière. Gilles DURUFLE indique que :
« il est très peu de pays d'Afrique noire qui ne soient
ainsi surendettés et engagés dans des programmes d'ajustement
dont on ne voit guère le terme »145(*). Il s'agissait
notamment des Programmes d'ajustement structurels, soumis à un objectif
double : la restauration de l'équilibre budgétaire,
préalable à l'aménagement de la dette et le retour
à la viabilité économique extérieure du pays. Les
moyens à mettre en oeuvre pour atteindre cet objectif font l'objet d'une
négociation entre le pays et les experts du FMI. Les PAS, condition sine
qua non pour obtenir des liquidités accordées sous forme de
prêts à des taux préférentiels des Institutions de
Bretton Woods, sont donc présentés comme une panacée pour
cette crise économique. Toutefois, quel est leur contenu et quelle a
véritablement été leur portée ?
I.2.2.1- Contenu des P.A.S
Conçus comme solutions aux problèmes
économiques, leur principal objectif était de permettre aux pays
en voie de développement de retrouver une situation économique
plus saine. Les P.A.S devraient contribuer à rectifier les
déséquilibres de la balance de paiement. Avec l'inflation peu
contrôlée, les P.A.S veulent amener les pays sous ajustement
à réduire le train de vie de l'Etat, libéraliser
l'économie et procéder à des réformes profondes des
entreprises publiques dans l'optique d'une privatisation. Le suivi d'une
politique d'ajustement structurel permet au pays d'obtenir une facilité
d'ajustement structurel, crédit lui permettant de mener à bien
ses réformes, de retrouver sa santé économique et
d'assurer le développement durable et le mieux être de la
population. Les PAS visaient donc à stimuler le développement
économique et ont été presque exclusivement une
contribution des Institutions de Bretton Woods avec très peu de
participation des administrations locales ; Dès leur mise en
oeuvre, ils font l'objet de plusieurs controverses, en raison de leurs
conditionnalités qui sont contraignantes et pernicieuses pour les pays
en voie de développement. Au nombre de celles-ci, il y a :
1-La dévaluation de la monnaie pour
rendre les exportations plus compétitives ;
2-La promotion des exportations avec pour
objectif l'acquisition des devises, afin d'équilibrer la balance de
paiements et rembourser la dette ;
3-La suppression des subventions de
l'Etat ;
4-La privatisation de l'économie pour
diminuer l'intervention de l'Etat et laisser le champ libre aux entreprises et
à l'initiative privée jugée plus efficace ;
5-La diminution des salaires, du nombre de
fonctionnaires et le contrôle renforcé des dépenses de
l'Etat ;
6-La suppression des barrières
douanières pour permettre une vraie concurrence et obtenir une
économie plus compétitive ;
7-Les taux d'intérêts
« exacts » pour ne plus permettre à des
entreprises dont la rentabilité est insuffisante de continuer à
drainer les ressources financières de la communauté.
Ces programmes, destinés à stabiliser et
à restructurer les économies défaillantes des pays en voie
de développement, ont finalement des résultats mitigés.
C'est ce qui fait dire à DURUFLE, G. que : « En
raison du contexte excessivement serré des contraintes
financières, ce qui est annoncé comme un ``processus
d'ajustement'' tend à devenir une ``gestion de l'enlisement'' dont on ne
voit pas le terme » 146(*). Qui plus est, constate-t-il :
Tous les programmes d'ajustement de la BIRD se doivent
d'être assortis d'un « scénario de sortie de
crise » où, moyennant une enveloppe de financement
extérieur fixée ex ante, on dessine un scénario
macro-économique de retour progressif à l'équilibre des
finances publiques et extérieures accompagné d'un taux de
croissance au moins égal à celui de la population.147(*)
I.2.2.2- Faiblesses des PAS
Les PAS ont mis peu d'accent sur les secteurs réels de
l'économie, et ont ignoré des politiques parfois vitales pour
certains pays en crise, en insistant sur la croissance économique qui
serait impulsée par la maîtrise des dépenses publiques
essentiellement et la libéralisation de l'économie. Ainsi, des
axes importants tels que : le développement rural, le
développement industriel et énergétique, le
développement des infrastructures et surtout le développement
social ont été relégué au second plan. Aucune
allusion n'est faite à la création d'emploi ou tout au moins,
à la conservation des emplois. En outre, les PAS, solution pensée
au Nord pour les pays en voie de développement, s'inscrivent selon ELA,
J-M. dans une logique « d'arrogance et
d'ignorance » à l'égard des besoins fondamentaux
des populations locales. Et, précise DURUFLE, G. :
La faillite est don évidente, mais faillite de
qui ? De quoi ? Faillite des politiques d'ajustement structurels
imposées par les bailleurs de fonds étrangers (FMI et BIRD
principalement, mais également CCCE [Caisse centrale de
coopération économique] dans les anciennes colonies
françaises), qui étranglent les pays et leur imposent des
politiques libérales dévastatrices, dira-t-on d'un
côté ; faillite de politiques économiques et de
gestions nationales mal orientées et mal conduites, lenteur des
réformes, répliquera-t-on de l'autre.148(*)
Les conséquences ne se font pas attendre. N'en
déplaise à Michel CAMDESSUS, alors Directeur de la Banque
Mondiale à cette époque, qui affirme avec un brin d'optimisme
que : « même si les effets positifs se font
attendre, les PAS permettront de lutter efficacement contre la
pauvreté149(*) ». Au Cameroun, les PAS ont
donné lieu à une diminution des salaires des fonctionnaires, dans
les systèmes où la répartition des revenus était
déjà l'une des plus inégalitaires du monde. Pour ce pays
où l'Etat est le principal employeur, on imagine l'effondrement des
budgets familiaux avec les mesures imposées par les PAS. De nombreux
services publics sont totalement désorganisés, les
fonctionnaires sont démotivés et mécontents. L'impact de
l'ajustement structurel sur les différents aspects du marché du
travail en Afrique est considérable, comme le souligne HUGON, P. dans un
article de périodique de l'OIT150(*).
I.2.2.3- Echec des PAS, crise de l'emploi et montée
du chômage
Les résultats des PAS ne sont guère probants.
L'échec retentissant qui sanctionne la mise en oeuvre de ces programmes
s'exprime à travers une crise accentuée sur les plans
économique, financier et surtout social. Même si sur le plan
économique l'on note le retour réussi à certains
équilibres macroéconomiques et une augmentation de la croissance,
il faut cependant reconnaître que cette croissance n'a pas
été de longue durée ; ce qui a entraîné
une dévaluation du franc CFA. Sur le plan social, la restructuration des
entreprises du secteur public et parapublic qui a entraîné la
fermeture de certaines entreprises et le gel des recrutements dans la fonction
publique, et les mesures d'allègement des effectifs, notamment les
compressions et licenciements massifs de la fonction publique, ainsi que des
entreprises privées, ont engendré une forte montée du
chômage. En effet :
Du fait de la crise économique persistante,
nombre d'entreprises publiques et privées camerounaises ont cessé
de fonctionner. Quant aux plus performantes, elles ont réduit le volume
de leurs activités engendrant par là même la
réduction des emplois et de la distribution des revenus qui
découlaient de l'emploi d'un volume important de
main-d'oeuvre.151(*)
Cette montée vertigineuse du chômage et sa
cohorte de conséquences néfastes entraînent
l'``irruption des pauvres152(*)'' et va nécessiter en urgence, la mise
en oeuvre des mesures correctives, encore appelées Dimensions sociales
de l'ajustement structurel (DSAS). Celles-ci sont prises pour juguler cette
pesanteur sociale néfaste des PAS en apportant une vision micro des
objectifs de développement. Toutefois, n'ayant toujours placé la
création des richesses et des emplois au centre de leurs
préoccupations, ces PAS vont à nouveau connaître des
problèmes. La situation va davantage se dégrader avec la monnaie
des pays africains de la zone franc (le franc CFA) qui est
dévaluée en janvier 1994. Avec cette dévaluation, va donc
apparaître un nouveau phénomène : « la
pauvreté ».
Entre 1984 et 1991, le niveau de l'emploi a baissé de
10%153(*), « le
phénomène du chômage touche près de 22% de la
population active, et atteint 24% et 31% dans les grandes métropoles, 4%
dans la zone rurale »154(*). Selon le FNE155(*), entre 1988 et 1992,
45 000 emplois ont disparu du fait des liquidations des entreprises
publiques et parapubliques. Entre 1989 et 1990, les pertes d'emplois dans le
secteur privé se chiffrent à 20 000, d'après la
même source. Les effectifs de la fonction publique sont passés de
188 200 fonctionnaires en 1987 à environ 157 510 en mai 1996.
Soit une perte de près de 30 000 emplois en moins de 10 ans. A cet
égard, les réformes macroéconomiques d'ajustement
structurel mises en oeuvre au Cameroun ont conduit dans un premier temps
à une réduction de l'emploi public et du secteur moderne en
général, puis parallèlement à une augmentation des
services et une informalisation croissante des formes d'insertion des actifs
dans le marché du travail. Si le chômage et le sous emploi restent
en général une préoccupation majeure en matière de
développement au Cameroun, l'accès des jeunes (15-25 ans) au
marché du travail en constitue la problématique la plus sensible.
Au Cameroun, en effet, la moitié de la population des chômeurs est
jeune. Ainsi :
Alors qu'il est évalué à environ 80%
de la population active totale, il touche près de 15% des jeunes actifs,
avec des écarts prononcés selon le sexe et le milieu de
résidence. Les jeunes constituent ainsi la couche de la population qui
tire le chômage vers le haut. Les jeunes chômeurs
représentent près de la moitié du total des chômeurs
avec en milieu rural une proportion avoisinant les 60% du total.156(*)
Selon la Banque Mondiale : « A
Yaoundé, sur dix jeunes de 10 à 29 ans se présentant sur
le marché du travail en 1992, trois sont chômeurs, six passent
dans le secteur informel et un seulement intègre le secteur moderne
(public ou privé) »157(*) . A ce sujet, les deux enquêtes
réalisées respectivement en 1996 (ECAM I) et en 2001 (ECAM II)
sont plus précises à ce sujet. D'après leurs
résultats, le chômage atteindrait le taux de 17% en 1995. Il
reflète surtout une population jeune, car sur près de 35% de la
population active au chômage, 60% sont des jeunes de moins de 30 ans.
L'enquête sur l'emploi et le secteur informel réalisée en
2005 a établi le taux de chômage à 4,4%.
En 2009, la situation de l'emploi au Cameroun est encore plus
préoccupante. L'emploi jeune reste toujours au centre de toutes les
attentions. Une étude récente menée de 2004 à 2008
portant sur « la dynamique d'insertion socio-professionnelle des
jeunes dans la ville de Yaoundé » par l'ISSEA159(*) a démontré que
64% de jeunes ayant reçu une formation professionnelle ont le niveau du
cycle secondaire, que le taux général de non-insertion des jeunes
reste très élevé (plus de 45% en 2006), que les couches de
15 à 20 ans sont les plus touchées par le problème du
chômage et une bonne partie de la population active exerce surtout dans
le secteur informel. Le chômage s'est donc emparé de la
majorité de la population active160(*) du pays, c'est-à-dire les personnes qui
participent ou désirent participer à l'activité
économique ou à la production des biens et services pour obtenir
en retour un revenu monétaire ou en nature.
Le chômage est donc une cause évidente de la
situation de pauvreté induite par des politiques d'ajustement au
coût social élevé. Les privatisations, les
réductions drastiques des déficits publics et les
restructurations du secteur public ont conduit non seulement à une
baisse de l'emploi dans le secteur public, mais aussi une contraction de
l'activité privée et de l'emploi afférent. Cette
conjoncture économique difficile qui prévaut entraine la baisse
du pouvoir d'achat des camerounais et la dégradation des conditions de
vie de la majorité de la population. Dans un tel contexte, il se trouve
que les oeuvres musicales sont devenues trop cher pour ces populations qui
peinent à satisfaire leurs besoins élémentaires. Par
conséquent, le secteur informel reste pour beaucoup la seule issue
pouvant permettre de s'extirper de la pauvreté ou de la misère
dans laquelle ils sont englués, et surtout de retrouver l'espoir perdu.
Et c'est logiquement auprès des vendeurs des CD pirates que tout le
monde se rue désormais.
I.3- Essor du secteur informel
La démographie galopante, le recul des activités
primaires fortement utilisatrices de main d'oeuvre, la flexibilisation du
travail salarié liée à la mondialisation, la crise
économique, les difficultés socio économiques relatives
à cette crise économique avec ses conséquences que sont le
chômage, la pauvreté, la diminution des subventions agricoles et
des marchés noyés par les produits agricoles européens eux
subventionnés, et qui ont induit un exode rural massif de paysans, la
très faible capacité du recrutement de l'Etat, ont
conforté la progression notoire du secteur informel au Cameroun. En
effet, la récession économique des années 80
combinée aux draconiens Programmes d'ajustement structurel (P.A.S) et
leurs effets pervers, aggravés par une croissance démographique
asymétrique, ont donc contribué à dégrader
considérablement les conditions de vie de la population dont la
majorité est démunie, en proie au désoeuvrement,
contrainte dans l'inactivité, et habite les bidonvilles. Toute cette
importante masse de la population n'a plus d'autre choix que de verser dans la
``débrouillardise'', ou dans l'informel. Cette idée est
largement partagée par ELA, J-M., qui affirme que ces jeunes gens
sont : « Condamnés à la débrouille dans
les métiers de rue où certains sont réduits à
survivre en devenant vendeurs à la sauvette traqués par la police
comme on le voit au Cameroun (...) » 161(*).
TABLEAU 2 : Distribution des vendeurs
d'oeuvres musicales pirates selon l'âge
Classe d'âge
|
Effectif
|
pourcentage
|
- 20 ans
|
2
|
10
|
20-24 ans
|
8
|
40
|
25-29 ans
|
7
|
35
|
30-34 ans
|
3
|
15
|
Total
|
20
|
100%
|
Source : Nos enquêtes de terrain
TABLEAU 3 : Distribution des vendeurs
d'oeuvres musicales selon le niveau d'études
N°
|
Noms ou Prénoms
|
Activités
|
Diplômes obtenus
|
1
|
Chamberlain Ngnintedem
|
Grossiste
|
Maîtrise en Droit Privé
|
2
|
Kamdem Jean
|
Vendeur
|
Bac D
|
3
|
Ngoufo Jean
|
Vendeur
|
Bac A4
|
4
|
Magne Adeline
|
Vendeuse
|
CEPE
|
5
|
André
|
Téléchargeur
|
BEPC
|
6
|
FMI
|
Grossiste
|
Licence ès Lettres
|
7
|
Jean De Dieu
|
Vendeur ambulant
|
CEPE
|
8
|
Esprit
|
Grossiste
|
Licence en Informatique
|
9
|
Bertin Kogne
|
Téléchargeur
|
Bac+2
|
10
|
Merlin
|
Vendeur
|
Bac C
|
11
|
Dagobert Gwet
|
Vendeur ambulant
|
|
12
|
Chrysostome
|
Vendeur
|
|
13
|
Ninja
|
Téléchargeur
|
BEPC
|
14
|
Clobert
|
Téléchargeur
|
Licence en Maths-Infos
|
15
|
Vieux
|
Téléchargeur
|
Maîtrise en Sociologie
|
16
|
Chirac
|
Vendeur
|
Bac+2
|
17
|
Onana
|
Vendeur ambulant
|
CEPE
|
18
|
Aloga
|
Vendeur
|
Licence en Histoire
|
19
|
Petit-Pays
|
Vendeur
|
Licence en Psychologie
|
20
|
Le Parisien
|
Grossiste
|
Licence en Chimie organique
|
Source : Nos enquêtes de terrain
Comme cela s'observe sur ces deux tableaux, les jeunes
constituent la catégorie sociale la plus touchée par le
chômage, avec une prédominance des jeunes de la tranche de 20
à 24 ans qui sont généralement des personnes ayant
achevé leurs études universitaires et à la recherche d'un
emploi. Ils sont, pour la plupart, jeunes diplômés de
l'enseignement supérieur, sans emploi, en quête de
dépendance financière et qui se battent pour subvenir à
leurs besoins quotidiens. Dans notre échantillon, nous avons 02
enquêtés titulaires d'un diplôme de Maîtrise, 06
titulaires de Licence, 05 titulaires de Baccalauréat, 02 titulaires du
BEPC et 02 titulaires de CEPE.
Le secteur primaire constituant 80% de l'économie du
pays à cette période, les populations, spontanément, se
sont tournées vers l'informel, d'accès facile et peu
coûteux, en marge de toute régulation, pénale, et sociale,
contrairement à l'économie formelle. En outre, l'État
camerounais au caractère paternaliste et centralisateur ne permet pas au
« bas » d'investir, et de développer la
propriété privée, et donc l'économie formelle. Les
procédures de création d'entreprises et le climat des affaires
sont peu propices à l'investissement légal et au
développement économique. En 2009, le pays se situe à la
116e place en termes de compétitivité162(*). En 2009 toujours, on estime
qu'il faut compter au Cameroun environ 37 jours pour créer une
entreprise contrairement au Rwanda par exemple, où le délai est
de 3 jours. Mais surtout, les coûts à l'investissement dans une
activité formelle représentent 150% du revenu par habitant. Dans
un pays où 50,6% de la population vit avec 2$ par jour, il est
impossible d'investir dans une activité économique formelle si
celle-ci est si coûteuse « par décret ».
Les métiers de rue sont des moyens de survie
imaginés par ces populations pour faire face à la conjoncture
économique devenue insoutenable. C'est certainement ce qui a fait dire
à l'économiste péruvien H. De SOTO en 1989, cité
par Harold LUBELL, que le secteur informel procède de « la
réponse à l'incapacité des Etats à répondre
aux besoins d'une population pauvre »163(*). L'incorporation de
cette nouvelle cohorte d'actifs dans le marché du travail s'est
inéluctablement faite à travers l'extension du secteur informel
qui accueille ces exclus ou ces marginaux. Cette exclusion sociale a donc un
impact dramatique sur la stabilité du tissu social et politique. Et
à partir du moment où l'on affirme que des processus d'exclusion
sont en action, il convient de trouver le moyen de les inverser et, partant, de
favoriser l'intégration socio-économique des exclus à
travers la mise en place des systèmes individuels et collectifs visant
à améliorer leur situation.
En effet, le secteur informel qui est sans aucun doute
« le résultat d'une large exclusion d'importantes
catégories de la société »164(*)est directement
lié aux droits fondamentaux de l'individu. Les travailleurs de ce
secteur sont donc considérés comme exclus ou marginalisés
de la croissance économique, et supposés assurer eux-mêmes
leurs propres moyens d'existence, ou prendre en main leur destin, en
exerçant ces emplois précaires et souvent mal
rémunérés et non couverts par la législation
nationale. Cette notion d'exclusion sociale est davantage marquée au
Cameroun, et est née à la fin des années 80 avec
l'apparition de nouvelles formes de pauvreté et de marginalisation
perçues comme essentiellement structurelles. En outre, elle est
liée à :
Une absence de richesse matérielle, ainsi
qu'à divers phénomènes caractérisés par des
inégalités croissantes et une
« informalisation » des jeunes travailleurs, une
montée du chômage, un relâchement des liens familiaux, une
moindre participation à la vie de la société,
etc. 165(*)
Pour mieux comprendre le contenu et les contours de la
problématique de l'informalisation des économies dans le monde,
il faut se référer à l'abondante recherche qu'elle a
suscitée. La définition du secteur informel est sujette à
controverses. Etymologiquement, le terme vient du vocable anglais
``informal'', qui désigne ``ce qui est officieux'' ou
``non officiel'', ce qui est en dehors des règles ou des
normes.
L'expression « secteur informel »
a fait son apparition dans un rapport de l'OIT sur le Kenya au début des
années 70. Il s'agissait de décrire un secteur
caractérisé par une
hétérogénéité et une diversité des
activités qui le constituent, un ensemble d'activités
économiques en forte progression, se réalisant en marge des
circuits économiques organisés et modernes. Après
plusieurs tentatives de définition, un groupe de travail du PNUD, a
proposé de retenir ce qui suit : « Appartient au
secteur informel, toute affaire ou entreprise non immatriculée
auprès du gouvernement national ou local ». Il s'agit
donc de toutes les activités non enregistrées de manière
directe et régulière. En raison de toute la difficulté
qu'il y a à trouver une description opérationnelle de cette
notion, le BIT propose que le secteur informel soit appréhendé
par les critères suivants : la taille de l'entreprise
inférieure à un niveau donné, le non enregistrement (au
sens statistique ou au registre de commerce), l'inexistence de
comptabilité formelle écrite, etc.
L'usage en langue française de l'expression secteur
informel lui confère plusieurs sens. Pour De VILLIERS, G. :
[...] les activités du secteur informel seraient
[...] des activités pratiquées généralement par des
pauvres, exercées plus ou moins en marge des lois et des institutions
officielles et relevant des normes spécifiques par rapport à
celles de la modernité166(*).
VERHAEGEN, G. le définit comme :
[...] toute activité économique
spontanée, échappant en grande partie au contrôle de
l'administration, souvent en marge des obligations légales, non
recensée dans les statistiques officielles, bénéficiant
rarement des activités promotionnelles de l'Etat167(*).
De ces deux définitions, il se dégage
une constance : la plupart des définitions du secteur informel
insiste sur le manque de contrôle de ce secteur d'activités par
l'Etat et sur l'aspect pratique de l'activité pour les populations qui
font face à l'adversité.
Le secteur informel est donc un secteur d'activité
qui est constitué par :
· Les entreprises informelles de personnes travaillant
pour leur propre compte et n'employant pas de salariés de manière
continue ;
· Les entreprises d'employeurs informels employant des
salariés de manière continue, mais en dessous d'une taille (en
nombre d'emplois) déterminée par les seuils législatifs et
les pratiques statistiques en vigueur dans le pays ou sans enregistrer ces
salariés, ou encore sans être enregistrées en tant
qu'entreprises. Toutefois, les activités agricoles et la production non
marchande sont exclues du champ du secteur informel, mais la
pluriactivité exercée par des travailleurs du secteur formel ou
du secteur agricole dans des entreprises informelles est prise en compte.
I.3.1-Secteur informel comme source d'emplois, de revenus
et d'espoir
L'émergence du secteur informel au Cameroun est
étroitement liée à l'insuffisance d'emplois
créés par le secteur moderne, ou mieux à
l'étroitesse de l'offre d'emploi qui ne permet plus d'absorber le flux
des jeunes diplômés. En effet, au cours des années 1970, on
assiste à des recrutements massifs et incontrôlés dans le
secteur public. Les raisons conjoncturelles évoquées plus haut
(crise économique des années 80, faible croissance
économique, draconiens Programmes d'ajustement structurel) limitent les
possibilités d'investissement productifs dans le « secteur
formel ». Avec la crise de l'emploi et la montée du
chômage, le secteur informel absorbe désormais la majorité
des travailleurs. Selon la deuxième enquête camerounaise
auprès des ménages menée par l'Institut national de la
statistique en 2003, le secteur informel avec 83% des actifs occupés,
est celui qui rassemble le plus de travailleurs. Et comme le souligne
BUGNICOURT, J., ce secteur :
Constitue le seul débouché immédiat
pour la grande majorité des jeunes qui veulent travailler, elle est
génératrice d'emploi à faible rémunération,
et de revenus. Elle répond, même si c'est souvent à un
niveau médiocre, aux besoins essentiels des ``pauvres'' et d'une partie
des catégories sociales moyennes.168(*)
Tableau 4 :
Répartition des actifs de moins de 25 ans selon le statut par secteur
d'activité (%)
Secteur
d'activité
|
Travailleurs
indépendants
|
Travailleurs
dépendants
|
Ensemble
|
Industrie
|
43,3
|
54,3
|
50,4
|
Commerce
|
23,2
|
21,3
|
21,9
|
Services
|
33,5
|
24,4
|
27,7
|
TOTAL
|
100
|
100
|
100
|
Source : INS, EESI 2005, phase
2.169(*)
Au regard de ce tableau, l'on est tenté de se poser la
question de savoir pourquoi retrouve-t-on plus de jeunes dans le secteur
informel ? Face à une telle interrogation, certains arguments nous
semblent à même d'expliquer cette situation, notamment : la
faiblesse du capital nécessaire au lancement de leurs activités,
le recours aux ressources locales, propriété familiale de
l'entreprise, l'échelle restreinte des opérations, l'utilisation
des techniques à forte intensité de main-d'oeuvre et d'adaptation
au milieu, l'acquisition des qualifications en dehors du système
scolaire officiel et la facilité d'opérer sur des marchés
non réglementés, mais ouverts et compétitifs. Evidemment,
tout ceci en marge du facteur très important de la faible
accessibilité au crédit bancaire.
Le Rapport mondial sur la corruption 2009 de Transparency
International évoque clairement l'importance de ce secteur
d'activités :
Le secteur privé peut être une source de
dynamisme en matière d'innovation et de croissance. Il peut
également ne pas se montrer à la hauteur de son potentiel et se
transformer en une force destructrice qui fragilise l'équilibre
concurrentiel, asphyxie la croissance économique et le
développement politique et, à terme, menace sa propre
existence.170(*)
De nombreuses personnes (fonctionnaires compressés ou
déflatés, jeunes diplômés sans emplois) vont donc
basculer dans « l'informel », car l'Etat n'est
plus capable de répondre à leurs besoins essentiels. En revanche,
le secteur informel « assure la survie et, bien au-delà,
répond à des besoins de base, donne du travail,
révèle et met en oeuvre une grande diversité de
ressources, et établit des liaisons multiples et changeantes, y compris
avec la part moderne de l'économie ». En y
basculant, ils vont contribuer à consolider les bases de ce secteur et
lui permettre de s'enraciner véritablement, de devenir un important
levier de lutte contre la pauvreté. Le secteur informel joue un
rôle d'amortisseur de choc en temps de crise. C'est certainement pour
cette raison que BUGNICOURT, J., affirme que : « sans
l'économie populaire, les difficultés des grandes
agglomérations africaines seraient beaucoup plus dramatiques, et les
difficultés des pauvres beaucoup plus angoissantes »171(*). Face à une
situation sociale et économique devenue très préoccupante,
les nombreux désoeuvrés, pour essayer d'échapper à
leurs conditions de vie précaires, vont imaginer des formules de survie.
Beaucoup parmi eux vont s'orienter vers les activités informelles.
Ainsi, à Yaoundé, selon ROUBAUD : « en 1992,
plus de 80% des emplois dans l'année l'ont été par le
secteur informel ; alors que le secteur public ne contribuait qu'à
5% des créations »172(*). Il ressort aussi de l'observation de
l'activité informelle, qu'on y retrouve plus de jeunes personnes.
Pour revenir à notre thème de recherche, nous
pouvons dire que la plupart des jeunes sans emploi de notre pays trouvent comme
solution « temporaire », la vente des CD d'origine douteuse
une activité qui avec le temps devient définitive étant
donné que leur situation de chômeurs ne change pas. C'est ainsi
que dans nos rues il n'est plus surprenant d'être interpellé par
des jeunes proposant des supports contrefaisants à des sommes modiques.
Les
entretiens avec tous les vendeurs de CD de notre échantillon en disent
long sur leurs motivations.
Le secteur informel constitue donc une variable d'ajustement
déterminante tout en restant synonyme de pauvreté : la
productivité et donc les rémunérations y sont plus basses
que dans les emplois formels salariés. Les activités informelles
sont qualifiées de positives, car elles constituent
« l'autre sentier » 173(*) du
développement. Ceci laisse apparaître clairement que le
développement du secteur informel dans les grandes villes de l'Afrique
subsaharienne témoigne plus d'une logique de survie que de
l'émergence d'activités productrices qui offriraient une solution
alternative à la crise du marché de l'emploi. Même si ce
secteur reste synonyme de pauvreté, car la productivité et les
rémunérations y sont plus basses que dans les emplois formels
salariés. Selon certains spécialistes, ce secteur a
facilité la relance de l'économie dans la plupart des pays
où il s'est développé. Au Cameroun, le secteur
informel avec 90,4% des actifs occupés (dont 55,2% dans
le secteur agricole), fournit le plus d'opportunités d'insertion
économique ; même si les conditions de travail y sont
précaires. Tout à côté, le secteur public
suit avec 4,9% et le privé formel avec 4,7%. Le secteur
primaire reste le secteur qui occupe le plus de camerounais
avec 55,7% de travailleurs174(*).
Toutefois, il faut reconnaître que ce secteur, en
dépit de ses mérites, n'est pas exempt de reproches. De nombreux
griefs sont formulés à son endroit, notamment le fait qu'il soit
un lieu où prospère des trafics se développant en marge de
la légalité.
I.3.2- Secteur informel : lieu
privilégié du commerce illicite
Au départ, lorsque le secteur informel prend
véritablement corps, les chercheurs, les décideurs et autres
acteurs du développement exaltent et magnifient ses mérites en le
présentant essentiellement sous un angle positif, voire romantique.
Mais, très vite, l'on va se rendre à l'évidence que ce
secteur d'activités recèle des vices criards, dans la mesure
où il « engendre lui-même, (...) de nouvelles formes
d'inégalités, d'injustices sociales et d'abus175(*) ». En effet,
il se caractérise essentiellement par :
La très forte précarité des
conditions de travail et des emplois créés (plus de 80% des
activités informelles s'exercent dans des installations de fortune
dépourvues d'accès aux principaux services publics (eau,
électricité, téléphone). En outre, la
quasi-totalité des travailleurs employés ne
bénéficie pas de protection sociale, seuls 10% sont
salariés et plus de la moitié n'a aucun contrat avec les
employeurs).176(*)
Les acteurs du secteur informel obéissent à des
impératifs qui les poussent à se soustraire de la loi, ou tout
simplement à ne pas se sentir assujettis à celle-ci (notamment la
lutte pour la survie). Aujourd'hui, les autorités sont face à un
dilemme : contraindre ces acteurs du secteur informel à rejoindre
le « cadre légal », et par ricochet,
prendre le risque de casser les dynamiques de « l'économie
populaire », ou alors, opter pour un laisser faire total, par
tradition et par nécessité de développement ; ce qui
est source de graves difficultés ? Finalement, l'on ne sait plus
qui de la loi ou du secteur informel doit s'accommoder ou s'adapter à
l'autre. Cette situation paradoxale amène Karl KENNETH à dire que
: « Le ``secteur informel'' est aussi perçu comme le lieu de
prédilection des trafics en tout genre se développant en marge de
la ``légalité'' qui lui valent souvent les plus acerbes critiques
et les malencontreux amalgames ». 177(*)
II- INCIDENCE DU DEVELOPPEMENT DES TIC
La problématique de la diffusion en ligne pourrait
à elle seule constituer l'unique objet d'un travail comme le
nôtre, tant la conception historique de la naissance du réseau et
de la musique en ligne que les affres de l'évolution juridique en la
matière peuvent s'avérer intéressants à
étudier. Toutefois, dans le cadre d'un travail comme celui-ci, il ne
saurait être éludé, eu égard à son impact
considérable sur la vitalité de la piraterie aujourd'hui.
Même s'il est vrai que nous nous en tiendrons simplement à une
approche globale ou à un survol ; notre objectif étant
beaucoup plus de situer conceptuellement le problème que de nous
appesantir sur les difficultés particulières qu'il engendre du
point de vue juridique.
II.1- Le développement des TIC
Depuis quelques années, l'émergence du
réseau Internet est venue jeter un pavé dans la mare du domaine
du droit d'auteur et des droits voisins. Nouveau médium, Internet a
révolutionné les habitudes, bouleversé les pratiques
quotidiennes et brisé les frontières entre les peuples et les
nations. En très peu de temps, les Technologies de l'information et de
la communication sont devenues des outils incontournables des échanges
internationaux. Pour Castells Manuel : « L'état
social contemporain est défini par un nouveau mode de
développement, qui remplace les deux modes de développement
antérieurs (agraire, puis industriel) et qui est le mode de
développement informationnel »178(*). Le mode de
développement informationnel prend donc, dans l'univers conceptuel de la
sociologie, la place de la société post-industrielle
développée par Daniel BELL (l'auteur le critique dans les pages
289 et suivantes) et par Alain Touraine.
Toutefois, l'avènement de l'Internet, quoique
apprécié à sa juste valeur, ne suscite pas moins de
nouveaux problèmes, notamment dans les domaines de la
propriété intellectuelle et de l'industrie culturelle. Selon
CHION, M. :
Aucun art traditionnel n'a été autant
bouleversé, dans sa nature et dans ses modes de pratique et de
communication, par les nouveaux médias et par les technologies
d'enregistrement, de retransmission et de synthèse que ne l'a
été la musique.179(*)
II.2- Libéralisation de l'Internet
Avec l'avènement de ce qui est convenu d'être
appelé aujourd'hui les technologies de l'Information et de la
Communication, et plus avec précisément le passage à la
société dite de l'information grâce à
l'accélération des performances technologiques de ces
dernières années, de nombreux auteurs parlent d'une
« véritable révolution »180(*). L'essor que connaissent les
TIC dépasse largement le secteur musical. L'électronique et
l'informatique constituent ce que nous considérons comme un
phénomène universel et globalisant. Réalité
universelle, le développement informatique qui a pris ses racines dans
les années 1960 a connu une véritable explosion dans les
années 1990. L'internet est né, s'est démocratisé
et a banni les frontières matérielles en permettant un
accès quasi instantané à des informations ou à des
particuliers en provenance de l'autre bout de la terre. COLANTONIO, F. pense
à ce sujet que : « L'Internet s'est
indéniablement répandu et constitue désormais un moyen de
communication comparable au téléphone ou au courrier
postal »181(*). Internet offre à ses utilisateurs
plusieurs facilités : facilité de conservation des
données ou des oeuvres, facilité de consultation (l'informatique
permet d'accéder instantanément à un mot ou à une
phrase - le titre d'une chanson, par exemple - parmi plusieurs milliers de
pages), facilité de reproduction ou de duplication à l'identique
sur un nouveau support. Des tâches qui s'avèrent aujourd'hui
aisées, alors qu'elles supposaient autrefois un travail long et
fastidieux. Démultipliée par la révolution du
numérique, jamais la recherche documentaire n'a semblé aussi
facile que sur l'Internet. D'un simple clic, quiconque peut diffuser, consulter
ou télécharger des ressources de tous types dans le monde entier,
et bien souvent entièrement gratuitement. Dans le même ordre
d'idées, DUSSOLIER, S. souligne que :
La numérisation et la mise en réseau
d'oeuvres est désormais à la portée de tout un chacun qui
peut devenir du jour au lendemain un éditeur de contenus informationnels
et culturels. La copie est facile, rapide, de bonne qualité et sa
communication est potentiellement mondiale et illimitée.182(*)
Une telle assertion montre bien les raisons pour lesquelles le
marché de la musique est florissant et a été
infesté par la contrefaçon et les copies illicites. S'il est
clair que la piraterie n'est pas un phénomène récent, il
faut dire que le marché de la musique est dans une situation assez
complexe, car devant livrer, à l'heure de l'Internet, l'un de ses plus
grands combats. Internet est donc un important vecteur de communication. Le
développement des technologies de l'information et la communication et
l'utilisation de masse des oeuvres musicales rend particulièrement
difficile un contrôle individuel par les producteurs, d'exploitations
toujours plus nombreuses et variées de leurs phonogrammes
(radiodiffusion, transmission par satellite ou par câble.....).
Grâce à l'essor des technologies de
reproduction et de communication de masse, les oeuvres musicales et les
prestations des artistes sont instantanément disponibles dans le monde
entier. La disponibilité des oeuvres et des prestations, ainsi que celle
du matériel de reproduction bon marché ont permis à des
individus sans foi ni loi de mettre tout leur génie dans la spoliation
des droits des créateurs et artistes. Il s'agit des pirates dont les
activités s'affichent à l'échelle planétaire, avec
une prédilection pour le continent africain.
II.3- Dérives de la libéralisation de
l'Internet
Sur la toile, on trouve tout ce dont on a besoin et même
plus. Le téléchargement par le peer-to-peer ou P2P change la
donne de la production, de la valorisation et de la diffusion de la
création culturelle sur internet. Contrairement à certaines
idées reçues, les spécificités de l'Internet n'en
font pas une zone de non droit, en particulier vis-à-vis du droit
d'auteur. Le P2P est vecteur de copie, de recel illicite de contenus et a pour
conséquence de porter atteinte aux intérêts des auteurs
définis dans le code de la propriété intellectuelle. Le
développement de ce téléchargement sauvage est lié
à l'idée d'accès gratuit à l'oeuvre. Le
marché de la musique a été infesté par la
contrefaçon et les copies illicites. Il en souffre et livre en ce moment
l'un de ses plus importants combats. Internet n'est pas illicite par nature,
c'est la manière dont on s'en sert qui peut l'être. La
numérisation permet aujourd'hui, à partir des sites
visités, de ne pas se contenter de la consultation des documents, mais
de se les approprier en les ``téléchargeant'', ce qui
signifie techniquement importer au moyen des voies téléphoniques,
la série numérique des données et la recopier
intégralement sur la mémoire de son ordinateur. Ainsi, lorsqu'il
s'agit des oeuvres musicales, leurs auteurs ne perçoivent aucune
redevance, aucun droit. L'évolution des systèmes ``Peer-to-Peer''
a conduit à la connexion directe des disques durs des utilisateurs entre
eux. Cela rend incontrôlable ces oeuvres qui y sont librement
exploitées et diffusées, sans l'autorisation de l'auteur ou du
titulaire des droits. Et pourtant, toute oeuvre de l'esprit est
protégée par le droit d'auteur. Le code de la
propriété intellectuelle prévoit en effet
que : « l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur
cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de
propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce
droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des
attributs d'ordre patrimonial ».
En France par exemple, les téléchargements
contraires aux droits d'auteurs sont passibles de 3 ans d'emprisonnement et de
180 000 000 FCFA d'amende au titre de contrefaçon depuis la
loi Perben II du 9 mars 2004 qui a augmenté ces peines. Celles-ci
passent d'ailleurs à 5 ans de prison et 300 000 000 FCFA
d'amende lorsque le délit est commis en bande organisée. C'est
sur cette base que les maisons de disques et producteurs de phonogrammes
s'appuient pour agir contre les internautes qui téléchargent des
oeuvres. En Afrique en général, et au Cameroun en particulier, le
droit ne s'applique pas encore sur Internet et le téléchargement
de sons n'est pas perçu comme un délit
répréhensible.
III- SOCIETE CAMEROUNAISE ET
DELIQUESCENCE
DES VALEURS MORALES
Quoi qu'il en soit, il est probable que la démographie
galopante, la crise économique et le développement des TIC ne
constituent pas une explication suffisante à la recrudescence de la
piraterie des oeuvres musicales au Cameroun. Il convient de rechercher
plutôt l'explication de ce phénomène dans la
société globale. Ce phénomène est donc davantage
imputable à des comportements dépourvus en grande partie ou
totalement de motivations commerciales. Le Cameroun demeure une terre fertile
où la piraterie prospère aisément, enrichie par une crise
des mentalités, des responsabilités et des structures. La crise
des valeurs morales est l'un des traits caractéristiques de la
société camerounaise aujourd'hui. Cette crise, de grande ampleur,
est généralisée ou multidimensionnelle et s'exprime
à travers la forte montée des comportements anormaux dans la
société. Aucune dimension de la vie sociale n'est
épargnée par elle. Ainsi, c'est la raison pour laquelle nous
convenons avec ELA, J-M. que : « Il est intéressant
de pénétrer dans les arrière-cours de cette
société qui, au-delà de son visage officiel, cache une
réalité plus profonde »183(*), afin de comprendre les
raisons qui expliquent la vitalité de la piraterie des oeuvres
musicales.
D'après son étymologie, le terme crise est un
mot qui résulte du vocabulaire de la médecine. Il est issu du
lexème grec ``Krisis'', qui veut dire ``étape
décisive'', ``moment critique''. Ses sources latines sont
davantage explicites. Ici, ``Crisis'' signifie :
« phase décisive d'une maladie »184(*). La crise serait ainsi une
étape cardinale dans le développement d'une pathologie. Ladite
étape serait, elle-même une période déterminante
pour l'issue que connaîtrait l'évolution de la maladie en
question. Appliqué au domaine social, le terme crise est usité
pour faire référence à un moment de dysfonctionnement, de
difficultés majeures, de turbulences, de tensions ou encore
de conflits. De manière générale, cette crise
engendre une série de déséquilibres, de troubles ou de
« malheurs sociaux ». Le terme crise est
polysémique. Au niveau médical, on parle de crise cardiaque, de
crise d'épilepsie, de crise paludéenne, etc. On a
également des crises d'ordre culturel, familial, scolaire, politique,
économique, etc. L'étendue de la crise qui accable actuellement
la société camerounaise est bien grande et mérite que l'on
s'y attarde, car la tricherie, le faux et usage du faux, la corruption, la
délinquance généralisée, ainsi que d'autres
comportements déviants « ont été
intégrés au modèle de personnalité du camerounais
et constituent désormais des éléments indissociables de la
mentalité de celui-ci »185(*). (NGA NDONGO, 1993). L'heure est à
l'inquiétude, à l'incertitude et même au désespoir
car, relève une fois de plus NGA NDONGO, V. :
Tout cela engendre une situation anomique et de
relâchement de la pression collective se traduisant par une indiscipline
caractérisée, l'affaiblissement de la norme et de la
hiérarchisation sociale, l'instauration d'une véritable jungle
sociale où la force prime le droit. La société n'est pas
loin d'être comparée à une abbaye de Thélème
où chacun fait ce qui lui plaît, avec la complicité de ses
semblables ou contre le gré et les intérêts de ceux-ci.
186(*)
Les répercussions d'une telle situation s'observent
quotidiennement et se traduisent par une multitude de phénomènes
qui illustrent bien l'importance de la pathologie de la société
camerounaise.
III.1- Une crise multidimensionnelle
De l'analyse qui précède, il ressort que le
corps social camerounais est traversé par de nombreuses crises, dont le
nombre est révélateur de l'ampleur du malaise observé au
sein de cette société. Nous allons nous limiter à
évoquer quelques aspects saillants de cette crise que nous choisissons
au hasard, afin d'illustrer notre propos. Il s'agit notamment des
phénomènes tels que : l'homosexualité, la corruption
et la prédation généralisée, puis les faux
diplômes, qui sont les modèles les plus représentatifs, et
qui écornent sérieusement l'image de notre pays.
a)- L'homosexualité
Le phénomène de l'homosexualité en
Afrique en général et au Cameroun en particulier, restait
jusqu'à il y a quelques années, encore mal connu et largement
marginalisé. Dans ces sociétés, dans une large mesure,
l'homosexualité était déniée. Comme argument, on
faisait appel au « Vide conceptuel » (JEAY, cité par
GUEBOGUO)187(*) et
linguistique qui est constaté au niveau des langues locales, pour ce qui
est de la qualification même de l'homosexualité, puisqu'on ne peut
« se sentir quelque chose dont on n'a pas le mot » (JEAY,
Idem, p.64). Bien que très peu étudié, le
phénomène de l'homosexualité n'en est pas moins une
réalité indéniable au Cameroun. Charles GUEBOGUO en
faisait déjà le triste constat. Selon lui :
« L'homosexualité au Cameroun ne relève pas du
mythe, c'est une réalité observable. Les homosexuels forment
aujourd'hui au Cameroun, une sorte de communauté plus ou moins
cohérente, ils ont leur propre marché
sexuel...» 188(*) . Cette pratique sexuelle n'est pas
toujours en accord avec « l'imaginaire social et ses moeurs, ses
règles et ses lois ...»189(*). C'est sans doute pour cette raison que le
regard de la société face à l'homosexualité est
désapprobateur et hostile. La société n'ouvre pas
spontanément ses bras aux individus ayant une telle orientation
sexuelle. A ce niveau, la société est très souvent
inquiète, et ce qui l'inquiète, c'est la transgression de la loi,
la multiplication des partenaires, mais aussi la sodomie (paedicatio) selon
AGACINSKI190(*). C'est
HENDIN qui, longtemps avant, résumait cette situation sociale des plus
sévères, par ces propos :
«Certainly the pain and suffering experienced by
homosexuals is partly the outgrowth of social disapproval, repression, and
discrimination».191(*)
L'activité homosexuelle est condamnée par le
code pénal camerounais, dans l'article 347 bis. Il y est clairement
stipulé qu'est puni d'un emprisonnement de 6 mois à 5 ans et
d'une amende de 20 000 à 200 000 FCFA, toute personne qui a des rapports
sexuels avec une personne de son sexe.
Au Cameroun, ce phénomène s'est
véritablement révélé sous la forme de rumeurs,
notamment celle faisant état des joueurs d'une certaine équipe de
football camerounais très réputée, qui seraient
homosexuels dans le sens africain du terme, c'est-à-dire qu'ils sont,
officiellement mariés avec des femmes, mais ils entretiendraient
officieusement des rapports homosexuels réguliers avec les individus de
même sexe qu'eux. Il y a aussi cette rumeur qui annonçait qu'un
ancien ministre de la République aurait été surpris en
flagrant délit d'homosexualité avec un diplomate étranger.
Cette information a été relayée par de nombreux journaux.
Qui plus est, un haut responsable d'une certaine grande école du pays,
avait été présenté comme étant amateur de
jeunes garçons ayant la particularité d'être «
bien montés ». Un député de l'Assemblée
nationale camerounaise, serait régulier dans une vente à
emporter, qui sert également de lieu de rendez-vous aux
pédés. L'expression «promotion canapé »
très répandue au pays, renvoie à l'idée selon
laquelle une femme, pour avoir une promotion au sein d'une entreprise
donnée, doit nécessairement coucher avec son ou ses patrons. Au
Cameroun, il était désormais établi que cette promotion
particulière avait pris un caractère homosexualisant.
Les hommes n'en sont plus à l'abri. Charles GUEBOGUO,
dans son mémoire de Maîtrise, estime que l'homosexualité au
Cameroun est une activité qui s'inscrivait exclusivement dans les cadres
rituels ou dans les cadres initiatiques, car elle n'était pas
perçue comme un autre moyen de vivre la sexualité dans un groupe,
puisque ce moyen était stérile, improductif. Or, en Afrique l'un
des buts ultimes de la sexualité, c'était la reproduction sans
laquelle le groupe social ne pouvait se perpétuer. Mais, cette vision
des choses a été dépassée au point qu'aujourd'hui,
au Cameroun, l'homosexualité n'est plus manifestée ou
vécue dans un cadre rituel, donc fermé à tout intrus,
exception faite de certains milieux ésotériques. Au contraire
elle se manifeste de manière de plus en plus visible. Elle est devenue
pour certains un signe qui garantit une ascension sociale, un moyen de sortir
de la misère, une activité faite par mimétisme (à
travers l'influence médiatique) et une sorte de légitimation
à travers l'attitude des détenteurs du pouvoir qui apparaît
comme laxiste.
Au Cameroun, depuis quelques années, le discours sur
l'homosexualité a été rendu sur la place publique.
Quelques journaux de la place (La Météo, L'Anecdote, Nouvelle
Afrique) avaient même poussé l'outrecuidance jusqu'à
publier dans leurs colonnes respectives, des listes de personnalités
(ministres, hommes d'affaires et autres artistes) qui sont, selon eux,
homosexuelles.
Voilà donc un phénomène
repréhensible qui prend véritablement corps et prospère
dans notre société. Son évocation nous rappelle l'exemple
biblique de la ville de Sodome et la cité voisine de Gomorrhe, dans
lesquelles le péché était énorme et où les
habitants vivaient une vie aux moeurs condamnées par la morale
religieuse, en pratiquant notamment la sodomie et l'homosexualité.
L'évocation des exemples qui précèdent et qui sont en
rapport avec ce phénomène, permet de soutenir l'idée selon
laquelle notre société vit un véritable drame. Toutefois,
en marge de l'homosexualité, d'autres phénomènes
méritent d'être aussi évoqués pour montrer l'ampleur
de la décrépitude des valeurs morales au Cameroun.
b)- La corruption et la prédation
généralisée
L'un des discours les plus actuels au Cameroun est
incontestablement celui de la lutte contre la corruption et le
détournement des deniers publics. Thèmes hautement à la
mode, la corruption et le détournement des deniers publics sont
très accentués dans notre société, et leur ampleur
a souvent valu au Cameroun les critiques les plus acerbes de la part de la
Communauté internationale.
Parlant des détournements de fonds, les services du
Contrôle supérieur de l'Etat estiment à plus de 1.845
milliards de F Cfa, le montant total des distractions des deniers publics
opérées entre 1998 et 2004, soit 300 milliards par an192(*). Le constat est implacable.
Cette somme est bien proche du montant du budget de l'Etat pour l'exercice 2006
qui s'élevait à 1 861 milliards F Cfa. Les statistiques
avancées par cette institution se fondent sur quarante et une missions
effectuées par ses agents auprès des collectivités
territoriales décentralisées, des organismes publics et des
entreprises publiques, en l'espace de six années. Celles-ci ont permis
de déceler des irrégularités préjudiciables
à la fortune publique, et qui peuvent se résumer comme suit :
distraction des fonds ; violation de la réglementation dans la passation
des marchés publics ; livraison partielle ou fictive ; déficit de
caisse ; cession irrégulière ou distraction des biens meubles de
l'Etat ; engagement des structures de l'Etat dans les dépenses
manifestement ruineuses ; octroi des avantages indus ; surfacturation ;
certification des états financiers dont certaines prestations se sont
avérées fictives dans les entreprises publiques ; non reversement
à la Cnps des cotisations sociales ; recrutements irréguliers du
personnel ; non prélèvement ou non reversement des impôts
et droits de taxes par les gestionnaires de fonds publics ; dépassements
non autorisés des crédits budgétaires ». Cette
situation justifie parfaitement la détermination des autorités
à éradiquer ces comportements asociaux, à travers des
sanctions sévères prises au cours des derniers mois à
l'encontre de ces nombreuses personnalités suspectées de crime
économique. C'est ce qui a été baptisé
« Opération épervier ». Par
ailleurs, s'agissant de la corruption, elle est définie selon l'Ong
Transparency International, comme étant « l'abus de
pouvoir à des fins d'enrichissement personnel »193(*). Abondant dans le
même sens, AYISSI, L. pense que : « Il y a corruption
lorsqu'un individu place de manière illicite ses propres
intérêts au-dessus de ceux des gens et des idéaux qu'il
s'est engagé à servir (...) Elle fleurit dans le secteur
privé comme dans le secteur public »194(*).
Pendant deux années consécutives, l'organisation
Transparency
International a signalé par deux fois le Cameroun comme le pays
ayant le plus grand indice perceptible de corruption. La pluralité des
noms servant à désigner la corruption témoigne bien de son
importance : Gombo, bière, taxi,
carburant, tchoko, motivation, etc. Et les
nombreuses métaphores utilisées pour l'illustrer, ainsi que sa
caractérisation, sont évocatrices de sa
monstruosité : Pour MONO NDJANA, H. « C'est une
pandémie, comme la peste jadis racontée par
CAMUS »195(*). Pour d'autres, « la corruption
est un fléau à combattre ; la corruption tue, c'est une
épidémie sociale qu'il faut éradiquer, c'est une conduite
à la fois illégale et immorale, etc. ». A tous les
niveaux de l'Etat, les
fonctionnaires
seraient corruptibles. L'ancien Ambassadeur des
États-Unis au
Cameroun, Niels MARQUARDT, jetait le pavé dans la marre, lorsqu'il
dénonçait publiquement ce phénomène
sévissant au
Cameroun en ces termes :
« Les actes de corruption sont devenus si communs et si banals
que certains observateurs se demandent si le sens du mot corruption a une
connotation différente au Cameroun » 196(*). Le phénomène
paraît normal, puisque certains camerounais estiment que la corruption
est entretenue par ceux-là même qui incarnent les institutions
publiques, comme pour dire que « l'exemple vient d'en
haut ». Dans la vie courante, les exemples sont nombreux :
Les contrôles de police où les conducteurs sont parfois
obligés de payer des pots-de-vin ; des usagers souvent
obligés de « mouiller la barbe » de
certains fonctionnaires dans les ministères pour voir leurs actes
d'avancement, de titularisation et autres dossiers aboutir, etc.
TABLEAU 5 : Indice de perception de la
corruption au Cameroun
|
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Année
|
1997
|
1998
|
1999
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
2008
|
2009
|
IPC
|
Non classé
|
1,4
|
1,5
|
2
|
2,2
|
1,8
|
2,1
|
2,2
|
2,3
|
2,2
|
Classement
|
Non classé
|
85/85
|
99/99
|
84/91
|
89/102
|
124/133
|
129/145
|
137/158
|
138/163
|
146/165
|
Source :
www.transparency international.org
Le coût de la corruption est très
élevé et cause un énorme préjudice à notre
pays. Selon Christol Georges MANON, Président de l'Observatoire de lutte
contre la corruption au
Cameroun, 40% des recettes
enregistrées chaque année ne servent pas le développement,
à cause de la corruption. Plus précisément, il
affirme que : « l'État du Cameroun perd en moyenne
par an 400 milliards de francs CFA à cause de la corruption
»197(*) .
Comme le pense si bien AYISSI, L. : « la pauvreté morale
des citoyens qui croyaient pouvoir augmenter leur être par une corruption
prédatrice, entraîne la pauvrté matérielle de l'Etat
et introduit dans le vivre-ensemble des ruptures sociologiques définies
par l'insécurité »198(*).
Au demeurant, il faut dire que la corruption qui sévit
dans notre société tire son origine de la mentalité de
cette société, fondée sur l'idéologie de la
politique du ventre qui soumet toutes les ressources de la
société à la prédation
généralisée. Selon Lucien AYISSI, qui a redigé
« un parfait traité de corruptologie dans lequel il
retourne et explore le phénomène sous toutes ses
facettes 199(*)», pour reprendre MONO NDJANA, H. qui signe
la préface de cet ouvrage, la corruption est synonyme de
« pourriture ». Ainsi, l'auteur affirme :
« Lorsque la corruption des pouvoirs publics est
si endémique qu'elle affecte la justice, les forces de l'ordre et toute
la gouvernance, l'Etat apparaît comme un système maffieux. Il
règne la spéculation de l'argent sale, les rackets et la
spoliation des droits individuels. Un Etat aussi institutionnellement
charançonné, motive le développement de toutes sortes de
délinquance et de criminalité »200(*).
Il identifie les causes de ce phénomène comme
étant d'ordre psychologique, moral, socio-politique et
économique. Pour lui, la corruption pose un problème politique
d'abord, parce qu'elle remet en cause « la légitimité du
pouvoir politique au sein duquel elle a cours »201(*). Ensuite, elle est un
problème moral, parce qu'« elle est assortie du risque de
déchéance totale de l'homme, aliéné que son vouloir
est, par ses appétits, dans cette pratique vicieuse et
avilissante »202(*). Enfin, elle est un problème social,
parce qu'« elle existe en marge des principes ou des lois civiles
qu'elle enfreint cyniquement ou qu'elle nie carrément. La
société ne peut que dysfonctionner si le cynisme s'érige
en son sein en code normatif de conduite »203(*). Et AYISSI, L. de
s'intérroger : « L'espoir est-il encore permis
lorsque la corruption endémique entretient la misère dans les
consciences des citoyens et problématise le développement de
l'Etat et de l'homme ? »204(*). On perdrait davantage espoir, lorsqu'on
évoque cet autre phénomène de faux et usage du faux qui
est sous les feux de l'actualité ces dernières années.
c)- Faux diplômes et faux âges
Un nouveau phénomène s'est
révélé au Cameroun ces dernières années. Il
s'agit de la propension des camerounais à faire usage de faux
diplômes pour s'insérer dans le monde professionnel. Tout est
parti de l'opération de contractualisation du personnel temporaire de
l'Etat en service au ministère de la Fonction publique et de la
réforme administrative. L'opération a connu des lenteurs dans ce
ministère parce qu'il fallait au préalable vérifier
l'authenticité des diplômes des 11.000 temporaires
éligibles à la contractualisation. Les vérifications
faites ont permis de démasquer près de 974 faux diplômes
sur un total de 4 981 dossiers examinés. Ce travail d'identification
était fait par le Comité ad hoc mis sur pied par le
ministère pour l'authentification des diplômes. On se souvient
qu'à la Gendarmerie nationale, 102 élèves gendarmes
avaient été révoqués de ce corps pour y avoir
accédé avec de faux diplômes et de faux actes de naissance.
Il y a aussi l'exemple de cet homme détenteur du Bepc qui vendait, il y
a longtemps de cela, des vivres au marché de Mokolo à
Yaoundé. Un beau jour, il disparaît et réapparait trois ou
quatre ans plus tard détenteur d'un Doctorat en Droit d'une
université française. Grande avait été la surprise
de ses condisciples du secondaire quand ils ont appris un jour dans les ondes
qu'il avait été nommé Directeur dans un ministère.
L'intéressé jouit aujourd'hui de sa retraite depuis quelques
années.
On peut citer à l'infini ces cas de faux diplômes
avérés qui ont défrayé la chronique. A la
vérité, est considéré comme faux diplôme,
tout document qui n'est pas authentique, c'est-à-dire qui n'a pas
été délivré par une institution dans laquelle
l'élève ou l'étudiant a été formé.
Généralement, les réseaux de faux diplômes sont
très bien organisés et huilés. Ces réseaux sont
présents au sein et autour des universités. L'Université
de Yaoundé I à Ngoa Ekelle reste une grande base
opérationnelle. C'est ainsi que, dans les mini-cités, les
cybercafés, les secrétariats informatiques, on peut trouver tout
ce dont on a besoin : Baccalauréat, Licence, Maitrise, tout y
passe. Et les prix varient en fonction du faussaire et même parfois de la
qualité du produit. II y a même des réseaux au sein des
structures officielles. C'est ainsi qu'un réseau très puissant a
fonctionné au sein de l'actuel ministère des Enseignements
secondaires. Ce réseau proposait des baccalauréats à
200.000 FCFA, ainsi que des Probatoires et des Bepc. Il était si bien
organisé que celui qui s'y était procuré un
Baccalauréat n'avait aucune inquiétude si une université
étrangère appelait pour s'assurer que le postulant camerounais
était bel et bien détenteur dudit diplôme. C'est que les
faussaires de ce réseau avaient réussi à
pénétrer le système informatique du ministère et
à y intégrer les coordonnées, les références
du « vrai-faux » Baccalauréat. En dehors
des réseaux locaux, un grand nombre de nos compatriotes
détiennent de faux diplômes qu'ils rapportent de
l'étranger, surtout des Doctorats ou des diplômes
d'Ingénieur.
S'agissant des faux âges, la situation est bien cocasse.
Nous prenons ici plusieurs cas pour montrer que la situation est grave. Lors
d'un recrutement dans nos Forces armées, un candidat s'écroule au
cours de l'épreuve de course. II aurait pu mourir, n'eût
été la prompte intervention des médecins militaires qui
étaient présents. Au cours de l'interrogatoire, le malheureux
candidat avait déclaré être âgé tout au plus
de 22 ans. Mais l'ayant examiné minutieusement, le médecin
déclara qu'il était âgé d'une trentaine
d'années. Il fut reconnu d'ailleurs par certains candidats de son
quartier comme n'étant pas l'adolescent dont il voulait se faire passer.
Le cas le plus criard en matière de manipulation de
l'âge en notre connaissance reste celui d'Hénoch MESSONG Me MVOU
dont le fils avait pris la retraite avant lui. Ce vieillard avait
incontestablement "coupé", comme on le dit en langage vulgaire
au Cameroun, au moins 20 ans sur son âge réel. Ceci nous
renvoie également au cas du Général James TATAW TABE
né officiellement en 1933, la même année que le
président Paul BIYA, mais à la seule différence que le
Général a fait son premier enfant, un garçon en 1945, soit
à l'âge de 12 ans. Avouons tout de même que c'est
très flagrant, car à cet âge très peu de jeunes
filles sont en mesure de procréer. Le problème des faux
diplômes et faux âges est réel. Il gangrène la
société à tous les niveaux, des hautes sphères de
la République jusqu'aux bas-fonds de nos villages et villes. Si l'Etat
et le gouvernement s'y mettent vraiment, ils peuvent l'éradiquer. Mais,
y a-t-il la volonté politique nécessaire ?
A travers l'évocation de quelques
phénomènes qui entravent sérieusement le fonctionnement
normal de la société camerounaise (la liste est loin d'être
exhaustive), nous pouvons conclure que cette société
présente un visage malsain. C'est une société qui connait
une crise permanente qui s'accentue au fil des années, car lorsqu'on
érige « l'éthique marchande en absolu, au point que
tout doive se vendre (plaisirs, organes, talents, sacrements,
etc.) »205(*), lorsque notre société devient
``un méga-marché''206(*), lorsque l'homosexualité tend
à devenir un modèle sexuel normal, lorsque l'on arrive même
à renier son âge, alors, une telle société tend vers
la décadence. Dans un tel contexte marqué par une crise
généralisée, la culture camerounaise ne pouvait pas
être épargnée.
En effet, celle-ci traverse des moments d'incertitude et
connaît en ce moment un tumulte qui nécessite une attention
soutenue des autorités du pays. A titre d'illustration, la musique
camerounaise s'est vampirisée en faisant du sexe son thème majeur
et de l'obscénité l'un des critères saisissants de sa
pérennité. Pendant que certains artistes-interprètes
camerounais transgressent allègrement les valeurs morales dans leurs
différentes chansons, la situation du droit d'auteur n'est guère
reluisante. Les sociétés de gestion collective des droits
d'auteur et des droits voisins ont plongé dans la tourmente et
l'incertitude, du fait de la prédation, de l'insouciance des personnes
qui ont en charge leur gestion au quotidien et qui pêchent par une mal
gouvernance. La conséquence logique en est qu'aucune répartition
des droits des artistes ne fait plus l'unanimité ; les artistes ne
perçoivent pas la juste rétribution de leur génie ou de
leur créativité, et sont confinés dans une
précarité inquiétante, marginalisés ou exclus d'une
société qui devrait pourtant leur assurer protection et
sécurité.
Au demeurant, cette crise des valeurs morales a
généré une délinquance qui, associée aux
effets pervers de la crise économique et du développement des
TIC, a instauré une sorte de jungle sociale où les auteurs et
autres artistes-interprètes perdent totalement la liberté qu'ils
accusent sur leurs créations musicales ou leurs prestations, face aux
produits de la contrefaçon. Cette crise qui affecte la
société camerounaise en général et qui a un rapport
étroit avec l'affaiblissement des normes sociales, aurait sans coup
férir, favorisé une inadéquation entre les demandes des
acteurs sociaux et ce que peut leur proposer leur société. Il
s'en suit alors que les individus tournent pour la plupart, leurs centres
d'intérêt vers des manières de faire, de sentir et d'agir
pouvant leur permettre de résister, de faire face ou de s'extirper de
cette crise économique aux effets dévastateurs. Cette situation
exprime une sorte de relâchement du contrôle social qui, bien que
sanctionnant la piraterie à travers la législation en vigueur
pourtant bien étoffée, n'aboutit pas toujours à des
condamnations qui permettraient de dissuader les contrefacteurs. C'est
précisément cette crise multidimensionnelle que NGA NDONGO, V.
évoque, lorsqu'il affirme :
Décrépitude des valeurs morales, crise des
certitudes et des repères moraux, crise d'identité, crise de la
pensée, crise de l'action, caractérisent le Cameroun
d'aujourd'hui, par delà le marasme économique et l'agitation
politique. C'est donc cette crise qu'il conviendrait d'analyser dans ses
fondements et sous ses diverses dimensions (...).207(*)
A travers notre étude, c'est précisément
l'une des nombreuses dimensions de cette crise que nous abordons. Les
camerounais, comme nous pouvons le constater à travers les exemples
évoqués plus haut, font de plus en plus « recours
à des modèles qui se situent à la marge de ce qui est
permis ou en dehors de ce qui est permis »208(*), dans leurs
comportements quotidiens. Dans notre société, les contre-valeurs
ont été érigées en valeurs fondamentales, et font
déjà partie d'un « corpus culturel et
mental » des camerounais. Ces contre-valeurs sont devenues un
élément constitutif de la personnalité de base, de
l'individualité de ceux-ci. Or, il est clair qu'il existe dans une
certaine mesure, une psychologie des peuples, c'est-à-dire une
manière d'être et de se comporter commune, dans ses grandes
lignes, à tout groupe. C'est ce que la littérature appelle
« l'âme des peuples ». Les anthropologues
parlent de « personnalité sociale de base
», où des modèles de personnalité se
transmettent ou s'inculquent par les mécanismes de contrôle social
(lois, institutions, morale, sanction, interdits) et la civilisation (le
système éducatif, notamment). Sous l'action de diverses
influences (histoire, institutions sociales, notamment le système
politique, l'école, la famille, la tradition, la religion...), la
corruption, l'usage du faux, et pour ce qui nous concerne, la piraterie des
oeuvres musicales, ont été intégrés au
modèle de personnalité du camerounais et constitue
désormais un élément indissociable de la mentalité
de celui-ci. Ce travail met donc en évidence l'existence d'un
dérèglement social ou d'une anomie, ce symptôme
pathologique qui contribue à faire de la piraterie un
phénomène régulier et spécifique de la
société camerounaise.
De ce qui précède, il appert que :
« La mauvaise santé de la société camerounaise
(...) est à rechercher dans un système en faillite, une
société en crise »209(*), comme l'énonce si bien cette
observation pertinente de NGA NDONGO, V. Cette prescription cruciale
était déjà faite par DURKHEIM (1986) qui disait que :
« C'est dans la nature de la société
elle-même qu'il faut aller chercher l'explication de la vie
sociale »210(*), car, ajoutait-t-il :
« L'origine première de tout processus social de quelque
importance doit être recherchée dans la constitution du milieu
social interne »211(*). En d'autres termes, c'est la structure de la
société considérée qui est la cause des
phénomènes dont la sociologie veut rendre compte. Comment la
culture camerounaise pouvait-elle donc être épargnée dans
une telle société ?
III.2- La culture camerounaise dans le tumulte
III.2.1- La musique camerounaise : une musique de la
transgression
(L'exemple du Bikutsi)
a)- Des images souvent osées, lubriques et
obscènes
La musique camerounaise d'aujourd'hui pourrait bien être
qualifiée de musique de la transgression, transgression des valeurs
morales dans une société peut-être hypocrite à
certains égards, mais où l'indignation de la majorité
demeure sincère sur les questions de moeurs. En effet, dans notre
société, arborer une mini jupe, s'habiller en mode DVD212(*) et VCD213(*) ou encore tourner
ostensiblement son postérieur en dansant ne sont plus forcément
obscènes et ne représentent plus des atteintes à la
pudeur. Depuis un moment, on est habitué à voir les femmes
artistes surtout, montrer leurs charmes au niveau de la jaquette de leurs
albums, des affiches, des vidéogrammes, ainsi que lors de leurs
prestations scéniques. L'attitude à travers laquelle elles
montrent des images provocantes où elles mettent leur anatomie en
évidence leur est commune. Cette tendance a été
vulgarisée par K-TINO autrement appelée «la
femme du peuple », qu'une lignée de jeunes chanteuses
de bikutsi a aussitôt suivi, en raison du succès que cette
dernière connaît. En 2003, lorsqu'elle commet son album
intitulé : « Ne pousse pas ... le bouchon trop
loin », elle s'affiche sur la jaquette de cet album dans une
posture assez suggestive, que Thierry Gervais GANGO commente en ces
termes dans les colonnes d'un journal :
Sur la photo ses rastas apparaissent comme un peu
ébouriffés, sa bouche est grand ouverte comme si elle poussait un
cri de douleur. Tout son visage est tendu. Sa poitrine voluptueuse et
généreuse donne l'impression de vouloir exploser. Le corps est
cambré. A cheval dans une instabilité manifeste. La main semble
occupée par quelque chose à l'arrière. Le
postérieur apparaît nu sur le côté. Le pantalon (ou
la jupe, c'est selon) est rabattu vers le bas.214(*)
Photo 9 : Une image osée de
l'artiste-musicienne K-TINO
Source : Notre
enquête de terrain.
Pour MONO NDJANA, H., à travers une telle attitude
l'artiste a choisi là, au lieu d'une expression faciale, d'attirer son
consommateur à travers l'expression
« fessiale ». Cette attitude consistant à
montrer des scènes d'une obscénité des plus insoutenables
et des plus excitantes est également observée lors des spectacles
et autres prestations de ces artistes. Si nous continuons de nous
intéresser à K-TINO, nous pouvons noter que, accompagnée
de ses danseuses appelées ``les Amazones'' ou encore ``les
filles du quartier Poto-Poto'', elles se livrent souvent pendant leurs
différents passages sur la scène, pratiquement à des
séances de strip-tease215(*) ou à des exhibitions libidineuses et à
la limite sataniques, qui à coup sûr, blessent profondément
les âmes sensibles. Sans pudeur, celles-ci n'hésitent pas à
sauter sur des spectateurs même les plus respectables pour en faire les
partenaires de leurs obscénités. Au Cameroun, à l'instar
de K-TINO, de nombreuses autres femmes du bikutsi (Lady Ponce, Biberon Cerveau,
Suzie l'intouchable, Cathy l'Etoile, Arrache-Coeur, etc.) se distinguent
également par des attitudes similaires qui s'écartent
résolument de la norme. Même si cela justifie en partie l'immense
succès qu'elles connaissent. Les images féminines qui sont
proposées par les chanteuses du bikutsi aux consommateurs tendent donc
vers la lubricité et l'obscénité. La sexualité
n'est plus cachée. La musique érotique se démocratise,
quelques textes jusque-là fredonnés lorsque les adultes
étaient entre eux, sont aujourd'hui proposés à un public
large. La production musicale camerounaise s'érotise de façon
inquiétante. Et le succès populaire remporté par ces
chansons indique bien un changement des attitudes face à la mise en
image des gestes de l'intime et des représentations de la
sexualité. Désormais, les scènes érotiques sont
présentées dans toutes les productions musicales. C'est ce qui
fait dire à MONO NDJANA, H. que : « La concentration
du génie esthétique se fait dans la zone sous-diaphragmatique, au
niveau des fesses qui s'expriment sous toutes les formes possibles (...) et
tout laisse croire que l'élément essentiel de notre culture c'est
l'obscénité »216(*).
b)- Des thèmes et des paroles à connotation
sexuelle
Lorsqu'on s'intéresse un temps soit peu à la
chanson camerounaise aujourd'hui, on est impressionné par cette
étrange fertilité de l'imagination de nos chanteurs qui
s'illustrent à travers des textes, des thèmes, des paroles et des
noms d'artistes qui passent en revue tous les contours de la sexualité.
On pourrait même dire qu'ils rivalisent de génie et d'adresse pour
trouver des noms ou des mots qui auront le mérite d'avoir quelques
connotations sexuelles.
Le constat est clair. La chanson camerounaise a perdu non
seulement de son charme mélodieux, mais également de sa
densité poétique, qui étaient autrefois sa principale
caractéristique. Des qualités que des artistes tels que Messi
martin, Talla André Marie ou Francis Bebey, ont contribué
à imposer à travers des textes, des thèmes et des styles
aussi variés qu'enrichissants, qui avaient le mérite de convier
sans cesse l'individu à la quête permanente de la sagesse tout en
lui indiquant les chemins incontournables de l'intelligence et de l'excellence.
« Résolument ouverte sur les préoccupations de la
société et parfois politiquement
engagée » 217(*) et remplissant par là une fonction
éthique et didactique, il y a encore quelques années, les
artistes camerounais semblent avoir perdu « leur ton didactique,
ainsi que leur note lyrique, grave et prémonitoire 218(*)». La musique
camerounaise d'aujourd'hui se porte très mal et brille par une absence
d'authenticité qui la distingue de celle des autres pays qui
possèdent, eux, une forte identité culturelle (Congo,
Sénégal, Côte-d'Ivoire, Brésil, Argentine, etc.).
Notre musique ne peut jouir de l'appréciation d'une
légitimité, car elle ne s'appuie que sur des usages musicaux
déjà entendus, à l'instar du
coupé-décalé ou du Ndombolo. La
production musicale camerounaise s'est dans sa majorité
ivoirisée, congolisée et même
américanisée au gré du transfert
d'universalité qui semble s'être mué en asservissement
culturel. Les musiciens confirment cette logique dans leurs oeuvres musicales
à travers l'obscénité qui y est débitée au
grand bonheur des populations devenues avides de chansons de cette nature.
En effet, dans la musique camerounaise d'aujourd'hui, la
sexualité est banalisée sous le regard innocent, mais curieux des
enfants. Et le public s'est tant bien que mal habitué à ce type
de musique positionnée dans le sillon d'une musique pornographique, et
de plus en plus caractérisée par l'impudence, l'indécence
et la quasi-référence aux fesses ou au sexe. Cela semble
être devenu le gage du succès des albums de musique aujourd'hui ou
encore la seule certitude de leur pérennité. Il y a des artistes
dont la seule évocation du nom dans une manifestation présage un
spectacle torride, tant ils savent embraser le public avec le ``show''
de leurs textes et leurs déhanchements libidineux. On chante et on danse
uniquement au niveau du bassin. Nous choisissons ici d'illustrer notre propos
par le Bikutsi, un genre musical et chorégraphique produit par les
Béti de la forêt du Cameroun, qui est aujourd'hui sujet à
de nombreuses controverses. En marge des débats sur ses
« variations orthographiques » 219(*) et la
« polyphonie sur ses origines » 220(*), l'attention semble
davantage portée ces derniers temps sur l'esthétique et
l'éthique du bikutsi qui sont au coeur de débats contradictoires,
donnant lieu à de véritables procès sans concession autour
des questions de la sexualité, du délire et de la dérive
morale qui caractérisent ce genre musical aujourd'hui. Le bikutsi
s'était originellement et au fil du temps illustré
comme un rythme du lyrisme, de la satire, du dithyrambe,
d'exhortation et d'interpellation. Aujourd'hui, le bikutsi a subrepticement
chaviré vers l'immoralité au point où on commence à
s'indigner contre ces « outrages » ou même
ces « outrances ». Pour MONO NDJANA, H., le
bikutsi surfe « dans une progression qui va des allusions
ambigües des années 50 aux propos et mimiques suggestives des
années 60 à 80, pour culminer dans la pornographie
généralisée dès les années
80 »221(*). Certes, l'histoire du bikutsi veut qu'il ait
eu quelques connotations ou corrélations sexuelles à un moment.
Et celle-ci provient de ce que :
A l'origine, il s'agissait de chansons de moqueries que
les femmes exécutaient en groupe à la pêche ou encore aux
champs, pour railler les petits défauts de l'homme, gourmandise,
faiblesse sexuelle, etc. Les travers moraux comme la gourmandise ont
été plus ou moins abandonnés et on s'est attaché
à l'aspect sexuel ». Et, « les artistes,
eux, semblent guidés par le goût du public,
caractérisé de plus en plus par un voyeurisme, aussi bien dans
l'art qu'en dehors.222(*)
On est donc là dans une circularité
dangereuse ; un cercle vicieux où « les artistes
savent que le public attend cela. Et le public attend cela parce que les
artistes ont pris l'habitude de le leur
donner » 223(*) . Les textes moralisateurs passent
pratiquement inaperçus et les artistes qui s'engagent dans ce registre
restent souvent confinés dans l'anonymat, car ce sont les chansons
« sexuellement épicées »224(*), très
prisées et rentables, qui offrent plus de chance à l'artiste
d'accéder à la gloire ou au rang de méga-star.
Les noms de nos artistes du bikutsi, ainsi que les titres de
leurs chansons, ne sont pas moins évocateurs de cette tendance
poussée vers le sexe. Nos artistes-musiciens, et principalement ceux du
bikutsi, débordent désormais d'imagination dans ce sens. On en
vient même à réduire l'homme au ventre et au bas ventre. On
a coutume de dire que l'artiste est à l'image de la
société. Au cas où une telle sagesse se vérifie, on
aurait de quoi être inquiet.
D'autres se sont singularisés en optant pour un bikutsi
essentiellement pornographique, à l'instar de Pedro du Cameroun, ou
encore K-TINO. A la vérité, et selon Maryse JASPARD :
Très omniprésent dans les médias, le
sexe est un produit de consommation qui se donne à voir, se vend et fait
vendre. La commercialisation des écrits et de la « mise en
images » du sexe a entraîné une dérive
pornographique de la libéralisation sexuelle. Elle a surtout induit une
forme de banalisation de la sexualité.225(*)
C'est fort de cela que MBASSI, B. conclut : « Le
bikutsi est miroir et camera de l'homme et de la société dont il
reflète les multiples visages et les projections, tout en cherchant
à les influencer en profondeur. Ici, Dionysos, Arès et Eros se
côtoient sans que pour autant Athéna soit
absente »226(*). À travers une telle musique où
la trivialité l'emporte sur la subtilité, où la
salacité et la concupiscence ont pignon sur rue et où on peut
retenir l'attention, c'est-à-dire toucher la société en
donnant des leçons, mais aussi en la choquant par le scandale notamment,
par la violation des tabous, on frôle la dérive pornographique.
Une telle crise, comme un ouragan, n'a pas
épargné les structures de protection du droit d'auteur.
III.2.2- Crise des structures camerounaises de protection
du droit d'auteur
Le domaine du droit d'auteur représente un secteur
très important dans l'industrie culturelle d'un pays. Cela étant,
le moins convenable est d'y installer l'instabilité, la mal gouvernance,
la corruption, et bien d'autres comportements malsains. La situation du droit
d'auteur et des droits voisins au Cameroun est, depuis de nombreuses
années, très préoccupante. Toutes les
sociétés camerounaises de gestion collective des droits d'auteur
ont plongé dans la tourmente et l'incertitude. Le cas de la CMC, devenue
plus tard SOCAM, est une parfaite illustration du malaise qui s'est
emparé de ces structures et qui paralyse véritablement leur
fonctionnement. Batailles de pouvoir, gestions litigeuses et problèmes
de recouvrement rythment la vie de ces sociétés.
De par la place qu'elle occupait déjà au sein de
l'ex SOCINADA, la musique et ses sociétés de gestion des droits
d'auteur successives sont considérées comme la vitrine du droit
d'auteur camerounais. C'est ce qui explique, reconnaissent certains artistes
avec qui nous avons eu des échanges, que les conflits, problèmes
de gestion et autres actualités autour de l'ex-Cameroon Music
Corporation (CMC) devenue aujourd'hui SOCAM, ont un écho
médiatique plus fort. Sans doute également parce que, nonobstant
les difficultés de recouvrement qui sont réelles, c'est
également le secteur qui brasse les plus gros sous. Le moins que l'on
puisse dire, c'est que la vie des sociétés de droits d'auteur
musical, depuis l'année 2000, est tout sauf un long fleuve
tranquille.
En effet, agréée en septembre 2003 par les
soins de Manu DIBANGO, autorité morale s'il en est dans la galaxie
musicale camerounaise et internationale, et ceci dans la mouvance de la loi de
2000 sur le droit d'auteur et les droits voisins au Cameroun, la CMC va presque
aussitôt s'empêtrer dans des querelles intestines. La gestion de
l'équipe dirigeante d'alors est vivement contestée par une
faction qui finira par prendre le dessus, lorsque la tutelle de cet organisme,
notamment le ministère de la culture, décèle de lourdes
fautes de gestion. Face à une telle situation, Ferdinand Léopold
OYONO, alors ministre de la culture de l'époque, a été
amené à sévir même si cela lui a valu des
malheureuses accusations d'immixtion dans les affaires internes des
sociétés de gestion collective des droits d'auteur. La tutelle de
la CMC a donc décidé de suspendre l'agrément qu'elle lui
avait accordé. Selon le ministre, en effet :
En dix huit mois, soit de septembre 2003, date de la
création de la société, à février 2005,
l'audit relève que la CMC a reçu 284 millions FCFA de redevances
de droits d'auteurs et réservé aux ayants-droits 44 millions
FCFA. Cela sans préjudice d'autres sommes évaluées
à plus de 50 millions FCFA, prélevées directement
auprès de divers utilisateurs d'oeuvres de l'esprit, et non
reversées au compte de dépôt spécial
créé par le gouvernement à l'effet de sécuriser les
ressources du droit d'auteur. Ce n'est pas acceptable, alors que les textes et
réglementations en vigueur commandent l'affectation de 70% de ces sommes
aux ayants-droits, et 30% au fonctionnement des sociétés
d'auteurs. Le rapport d'audit fait apparaître également que ces
ressources ont été affectées à d'autres
dépenses incongrues comme la location d'un siège à 10
millions de FCFA, l'achat de 3 ordinateurs à 13 millions de FCFA, des
billets d'avion et tutti quanti.227(*)
Dans le cas d'espèce la loi est formelle, et
« prévoit qu'en cas de dysfonctionnement et de mauvaise
gestion des sociétés d'auteurs, la tutelle peut, après
mise en demeure restée sans suite, suspendre leurs activités, aux
fins de normalisation »228(*).
Dans la foulée, et avec un soutien au moins tacite de
la tutelle, une Assemblée générale est convoquée en
avril 2005. Sam MBENDE EBOBISSE, chef de file de la faction dissidente, est
élu à la tête du Conseil d'administration au terme d'un
scrutin pour le moins houleux. Alors que tout semble aller pour le mieux, des
plaintes font de nouveau échos. Les soupçons de
détournements, des relations jugées trop féodales par
rapport à la tutelle, des accusations de management direct des
ressources au détriment d'une direction générale
exécutive, sont autant de griefs qui ont occulté
l'essentiel : la perception et le reversement des droits d'auteurs aux
artistes. Des dissensions apparaissent à nouveau et commencent à
prendre corps à l'intérieur même de la CMC. Et puis donc
l'épisode de retrait de l'agrément à la CMC le 12 mai
2008. Dans la foulée de cet acte administratif, une nouvelle
société de gestion collective des droits d'auteur, la SOCAM, est
créée et une nouvelle Assemblée générale
élective programmée. Il s'en est suivi des batailles
médiatico-juridiques où des querelles pouvoiristes l'ont une fois
de plus emporté sur le reste. La suite de l'histoire va se
décliner en plusieurs épisodes : Saisine du juge
administratif par les dirigeants de la CMC, ordonnance de sursis à
exécution des décisions du ministre de la culture, recours du
ministre de la culture, rejet desdits recours, etc.
Par deux fois, le ministère de la Culture est
débouté, c'est-à-dire que la justice donne raison, pour la
forme, au plaignant qu'est la CMC. Le contentieux est tranché net par la
Cour suprême du Cameroun qui prend l'ordonnance n° 034/OSE/CA/CS
accordant un sursis à exécution à la CMC contre les
décisions du Ministre de la culture, et par la suite deux autres
arrêts qui rendent définitivement applicable l'ordonnance du 17
décembre 2008. La Cour suprême ordonne au ministère de la
Culture de surseoir l'exécution des décisions prises par le chef
de ce département en mai 2008. Tant et si bien que ces décisions
sont nulles et de nul effet.
Ainsi, on revient au statu quo ante, à savoir la
situation en vigueur avant le 12 mai 2008, date de la signature des
décisions querellées. Mais pour autant le problème n'est
pas résolu, et pour une simple raison : pour que la CMC à
qui profitent les arrêts de la Cour suprême reprenne ses
activités, il lui faudra un agrément que seul le ministre de la
Culture peut lui délivrer. Or, en l'état actuel des choses, cela
est quasiment impossible. Au terme de cet imbroglio judiciaire ministère
de la Culture-CMC-SOCAM, on n'aura donc pas beaucoup avancé. Et les
artistes-musiciens sont ceux qui paient le plus lourd tribu de cette situation.
Car, les autres sociétés de gestion collective des droits
d'auteur que sont la SOCADAP, la SCAAP et la SOCILADRA et la SOCADAP, sont
également paralysées et pénalisées.
L'observation de la crise qui s'est emparé de la SOCAM
nous a permis de faire un certain nombre de constats saisissants. Le droit
d'auteur représente un secteur très important dans l'industrie
culturelle d'un pays, de sorte que le moins convenable est d'y installer aussi
bien l'instabilité permanente que la grande corruption. Tous les remous
agitant la bulle du droit d'auteur camerounais ont des causes structurelles. Le
point de départ est la loi de décembre 2000 qui est souvent mal
assimilée par les gestionnaires des sociétés et qui est
à l'origine d'interprétations diverses et contradictoires. Cette
mauvaise assimilation des textes a créé un vide, permettant
à n'importe quel aventurier ou mercenaire attiré par l'odeur de
l'argent à venir s'en mettre plein les poches au grand dam des artistes.
Il y a ensuite le rôle imprécis de la CPMC, qui s'illustre
plutôt comme une structure budgétivore. Selon les textes :
« 1% des revenus des sociétés de droits d'auteur
sont affectés à la CPMC pour la lutte contre la piraterie. Mais,
sur le terrain, ce sont encore les sociétés qui sont
obligées de mener des campagnes, sinon il n'y a rien de ce
côté » 229(*).
Il y a aussi l'assiette financière calculée
à minima, qui fait en sorte que les principaux opérateurs de
téléphonie mobile versent moins de 10 millions de francs chacun
par an, ou encore les entreprises brassicoles dont les redevances sont dix fois
moins que ce qu'elles devraient verser. Entre-temps, les charges de
fonctionnement sont telles qu'il devient difficile d'appliquer la règle
du 30% pour le fonctionnement et 70% pour les répartitions, au moment
où rentre un peu d'argent. Toutefois, des écarts de gestion
existent bel et bien, du fait déjà d'incongruités comme
les engagements financiers qui relèvent des PCA, alors que
« la signature » devrait échoir à un
Directeur Général - un non musicien - chargé de
l'administration de la structure.
A ce stade, l'une des issues porteuses de sortie de crise
reste que les deux parties accordent leurs violons en faisant la paix des
braves, dans l'intérêt des artistes-musiciens. Car, au-delà
de la solution judiciaire, il faut également envisager une solution
administrative et politique. L'on partirait ainsi du procès à un
arrangement à l'amiable, car il est impératif de restaurer
l'indispensable sérénité qui doit régner dans les
corporations dans l'ultime but de rendre aux artistes toute leur dignité
et tout le respect qui leur est dû en tant que grands créateurs
des oeuvres de l'esprit. C'est précisément dans cette optique que
la CPMC, structure ad hoc créée dans le but de veiller à
l'orthodoxie au sein des sociétés de gestion collective des
droits d'auteur, a été mise sur pied en juin 2004. En effet,
l'une des dispositions du Décret d'application n°2001/956/PM du 01
novembre 2001 fixant les modalités d'application de la loi
n°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d'auteur et aux
droits voisins, notamment en son article 3 alinéa (a), dispose :
La commission est chargée de l'organisation
et de la supervision des concertations et négociations entre
les organismes de gestion collective du droit d'auteur et des droits voisins ou
entre ces derniers et les usagers ; assure au nom et pour le compte du
Ministre chargé de la culture, le contrôle général
des organismes de gestion collective et notamment le respect des normes en
matière de perception et de répartition.
CHAPITRE II
PORTEE ANTINOMIQUE DU PHENOMENE
« Il n'y a pas de société sans
normes gouvernant les conduites. Mais les usages, les moeurs et les
contrôles institutionnels peuvent être plus ou moins congruents
avec les valeurs fondamentales ».
Robert King MERTON, Eléments de théorie et
de méthode sociologique, Paris, Plon, 1965, pp.170-171.
I- LE VERSANT POSITIF DU PHENOMENE
I.1- Une importante débouchée pour les jeunes
sans emplois
L'activité de la vente des support musicaux de
contrefaçon, et le téléchargement des sons et sonneries
ont permis à plusieurs jeunes sans emploi de trouver une occupation
quasi quotidienne. Ainsi, comme l'observe ELA, J-M, cette jeunesse
désoeuvrée « se jette à l'eau, avec le
système de la débrouillardise, pour améliorer, jour
après jour, sa vie quotidienne avec les moyens de
bord »230(*). C'est une occasion d'échapper aux
affres de l'inactivité qui confine dans « l'ennui, le vice et
le besoin ». Et c'est précisément à ce niveau
que KENGNE FODOUOP (2002) reconnait toute l'importance du secteur
informel : « A l'heure actuelle, le secteur informel
représente près de 70% de la force de travail et 45% du Produit
intérieur brut (PIB). C'est assez dire son importance dans
l'économie nationale »231(*). Du moment où cette activité leur
offre la possibilité de s'occuper, ils essayent d'y trouver des moyens
nécessaires pour résoudre, même si cela est seulement en
partie, leurs nombreux problèmes.
I.2- Une réponse aux besoins essentiels des
pauvres
De la même manière que le marché de la
drogue alimente une part de l'économie mondiale licite, la piraterie des
oeuvres musicales contribue dans une certaine mesure au fonctionnement de
l'économie globale du pays où elle est pratiquée. Cette
activité génère des revenus substantiels aux personnes qui
la pratiquent, comme l'observe KENGNE FODOUOP : « Sur le
plan des revenus, ils sont très nombreux ceux qui tirent de leur
activité, de quoi se nourrir et nourrir leur famille et parfois
réaliser quelques économies »232(*). Se nourrir, se
vêtir, acquérir ou élargir ses aptitudes et connaissances,
avoir un logis, bénéficier de quelques services vitaux, se
soigner, circuler, communiquer, accéder à un minimum de
convivialité...pour tous ces besoins exprimant une très large
demande des citadins à pouvoir d'achat fort limité, il existe,
à côté de l'offre « moderne »,
une offre « informelle ». L'économie
informelle ou populaire, d'une certaine manière, y répond.
Activité clandestine et tentaculaire à
l'échelle mondiale, la piraterie rapporte des ressources substantielles
aux pirates, à des conditions peu coûteuses de production et de
distribution, au détriment des auteurs, artistes-interprètes et
producteurs, qui en réalité, devraient être les principaux
bénéficiaires de ces oeuvres. Comme le note PANETHIERE, D. dans
son étude sur la piraterie :
Les pirates ne versent pas d'avances aux artistes, pas de
redevances sur les ventes, pas de droits de licence aux compositeurs, aux
paroliers et aux éditeurs de musique, pas de droits de reproduction aux
artistes graphiques et aux photographes et pas de taxes sur leurs
ventes.233(*)
C'est certainement pour cette raison qu'il peuvent vendre
leurs copies pirates à des prix largement inférieurs à
ceux des éditeurs légitimes, puisqu'ils démarrent leurs
activités à partir de produits finis et de meilleure
qualité, surtout d'oeuvres à succès.
I.3- Un moyen efficace de distribution des oeuvres
musicales
Avant que la piraterie ne prospère comme on peut le
voir aujourd'hui, la vente des oeuvres musicales incombait uniquement aux
maisons de distribution. Il existait donc quelques boutiques dans les
principales villes du pays, où le mélomane devait se rendre pour
acquérir des supports musicaux de son choix. Aujourd'hui, avec la
propension de la piraterie, les CD sont disponibles un peu partout, les lieux
de téléchargement de musiques et sons sont visibles à tous
les coins des rues. Aucun lieu n'échappe plus aux pirates. C'est la
preuve que la piraterie a facilité l'acquisition des oeuvres musicales.
Les vendeurs à la sauvette arpentent tous les quartiers munis de leurs
marchandises qu'ils proposent à tout le monde. Les populations ne se
plaignent plus, comme cela était le cas autrefois, de la rareté
des oeuvres musicales.
a)- Du degré de fréquence et de
dépendance de la clientèle à l'égard des oeuvres
musicales pirates
La piraterie, du point de vue de l'offre de service, joue un
rôle fondamental dans la distribution des oeuvres musicales dans la ville
de Yaoundé. A force d'acquérir les oeuvres musicales
auprès des pirates, les mélomanes se sont familiarisés
avec ces produits contrefaisants au point qu'il devient difficile de s'en
passer. Lorsque la lutte contre la commercialisation de ces produits a
été intensifiée dans la ville de Yaoundé, les
populations étaient les premières à se plaindre de cette
situation. Au-delà des plaintes formulées à l'endroit de
ces jeunes personnes qui se battent pour survivre, les populations plaignaient
leur propre sort, car elles étaient conscientes qu'il deviendrait
difficile dorénavant d'acquérir des CD pirates.
b)- Accessibilité de la clientèle aux
oeuvres musicales
Il s'agit ici de comparer le prix de revient entre les
oeuvres musicales pirates ou contrefaisantes et celles originales.
Précisons que les oeuvres musicales qui font l'objet de la comparaison
dans les tableaux ci-dessous, ont été choisies au hasard.
Tableau 6 : Etude
comparée des prix de vente entre les oeuvres musicales pirates et
originales234(*)
TITRE
DE L'ALBUM
|
AUTEURS
|
PRIX
DISTRIBUTEUR
|
PRIX DES
PIRATES
|
DIFFERENCE
DE PRIX
|
Yi Décembre
|
Bisso Solo
|
4 500
|
300
|
4 200
|
Bombe A
|
Lady Ponce
|
6 000
|
500
|
5 500
|
Ingratitude
|
Ama Pierrot
|
5 000
|
300
|
4 700
|
Levez les doigts
|
Aï-Jo Mamadou
|
4 700
|
300
|
4 400
|
Majoie-Ayi
|
Panique à bord
|
3 500
|
300
|
3 200
|
Source : Nos
enquêtes sur le terrain.
Tableau 7 : Etude comparée
des prix de vente entre les oeuvres musicales téléchargées
et les oeuvres originales
NOM DE L'ARTISTE
|
NATURE
|
PRIX DU SON ORIGINAL
|
PRIX DU SON TELECHARGE
|
DIFFERENCE DE PRIX
|
LADY Ponce
|
Vidéo
|
6 500
|
150
|
6 350
|
AMA Pierrot
|
Son
|
3 000
|
100
|
2 900
|
TSIMI Toro
|
Son
|
3 000
|
100
|
2 900
|
Longue Longue
|
Vidéo
|
6 000
|
150
|
6 850
|
Source : Nos enquêtes sur le
terrain.
Il est donc indéniable que la distribution des oeuvres
musicales de contrefaçon permet à de nombreux jeunes
désoeuvrés de s'extirper de la pauvreté et de lutter
contre la misère. Cependant, au-delà de cette portée
positive, la piraterie recèle des effets pervers considérables.
c)- Un moyen de promotion efficace des oeuvres
musicales
L'on a souvent été sidéré
d'entendre certains artistes-musiciens affirmer dans certains médias
qu'ils militent en faveur de la piraterie. La raison est qu'ils estiment que
cette pratique contribue à assurer la promotion gratuite de leurs
oeuvres auprès du grand public. Ainsi, ils n'ont plus le moindre franc
à débourser pour cette opération qui est souvent
très onéreuse. Dès que l'oeuvre musicale est dans les bacs
et que les pirates s'en emparent, c'est eux qui la mettent sur le
marché, et permettent ainsi aux consommateurs de savoir que celle-ci est
déjà disponible. Et, pour ce qui concerne ces contrefacteurs,
PANATHIERE, D. affirme que :
Ils ne prennent aucun risque et surfent sur la vague
promotionnelle et de marketing des producteurs légaux des albums
musicaux qu'ils reproduisent illicitement. Une entreprise qui supporte la
totalité de ces coûts de production obligatoires ne peut
raisonnablement faire concurrence aux CD pirates.235(*)
II - DES EFFETS PERVERS CONSIDERABLES
Le phénomène de la piraterie
des oeuvres musicales a des conséquences significatives. Quantifier ou
mesurer son ampleur et ses dégâts est une entreprise
extrêmement difficile, car il s'agit d'un travail au noir, d'une
activité clandestine et tentaculaire à l'échelle mondiale.
Avant de relever ses conséquences sur les artistes-interprètes,
il convient d'évoquer son impact aux niveaux : politique,
économique, social et culturel.
II.1- Au niveau politique
La piraterie est une activité
répréhensible. Au vu du préjudice qu'elle cause aux
titulaires et ayants droit des oeuvres de l'esprit, l'Etat a bien voulu
définir un certain nombre de lois et règlements qui assurent la
cohésion dans la société, et dans le cas d'espèce,
la protection du droit d'auteur et des droits voisins. Il est donc du devoir de
l'Etat de s'assurer de l'effectivité de l'application des lois en
vigueur. Ainsi, la poursuite du laisser-faire qui permet à la piraterie
de prospérer, la non applicabilité des lois ou le fait que
certaines lois soient foulées au pied, dénotent de
l'incapacité de l'Etat à remplir ses missions régaliennes,
à faire respecter fondamentalement la loi et les droits de
propriété d'autrui. Au niveau politique, la vitalité de la
piraterie des oeuvres musicales pose donc le problème de la
légitimité du pouvoir politique en place. Elle laisse croire que
le pouvoir en place est incapable de faire respecter ses propres lois ou qu'il
est un Etat laxiste, car, il est paradoxal de ne pas amener les citoyens
à respecter les lois, alors que l'on dispose de moyens de dissuasion,
notamment des forces de maintien de l'ordre (police, gendarmerie). La piraterie
ternit sérieusement l'image du pays à l'extérieur. En
effet :
Les investissements dans le secteur culturel de tout pays
peuvent être importants et se maintenir pendant de nombreuses
années si les investisseurs y trouvent à la fois un
système juridique adéquat de protection des droits de
propriété intellectuelle et un respect effectif de ces droits. Si
un des deux éléments de cette formule fait défaut,
l'aptitude industries - ainsi que tous les avantages supplémentaires
représentés par l'accroissement des possibilités d'emploi,
la création de richesses et les recettes fiscales -
disparaît.236(*)
II.2- Au niveau économique
Selon les statistiques de l'IFPI publiées en 2008,
environ 3,3 milliards de copies pirates d'enregistrement sonores (cassettes et
CD) ont été vendues dans le monde. Ces ventes d'unités
pirates ont rapporté 3,7 milliards de dollars US237(*). Les pirates ne payent pas
de taxes sur la distribution ou sur les bénéfices énormes
qu'ils réalisent de manière illicite. L'Etat devient donc aussi
victime de l'activité des pirates. Ils ne prennent aucun risque, sinon
celui d'être interpellés et traduits devant les instances
judiciaires pour répondre de leurs forfaits. Or, dans nos pays où
la législation est encore peu contraignante ou peu enracinée et
où il manque de structures efficaces de répression, la piraterie
ne peut que prospérer.
Au Cameroun, la piraterie vaut à l'Etat des pertes de
gains considérables en termes de revenus fiscaux. MOUMI NGINYA
relève 8 400 000 supports frauduleux qui échappent au
circuit formel camerounais par an et la quantité d'exemplaires de CD
contrefaisants déversés sur le marché informel est
supérieure à ce qui est produit légalement, les points de
vente et de distribution étant plus efficaces et plus nombreux. Dans une
de ses éditions, l'hebdomadaire Jeune Afrique238(*) indiquait que la piraterie
des oeuvres musicales faisait perdre au Cameroun une somme de 700 millions de
francs CFA par an ; ce qui représente 90% de pertes de parts de
marché par ces artistes. La piraterie met en péril l'existence
des industries culturelles, qui sont sources d'emplois, de profit et de
recettes, en marge de leur rôle de vecteur essentiel de promotion de la
diversité culturelle aux niveaux local et international.
A travers leur activité, les pirates installent une
concurrence déloyale, facilitée par le fait qu'ils disposent d'un
matériel de reproduction performant et peu onéreux. Ces
équipements permettent de déverser sur le marché, des
enregistrements de plus en plus fidèles aux copies originales. Et c'est
précisément à ce niveau qu'elle paralyse l'industrie
locale et la réalisation de nouveaux enregistrements.
En 1999, dans un rapport de la Fédération
Internationale de l'Industrie Phonographique (IFPI), il est relevé
(d'après notre traduction) que :
La propagation de la piraterie, à la fois des CD et
via l'Internet, est la plus grande menace qui pèse sur l'industrie
musicale légale. L'avenir de ce secteur créatif dynamique, la
subsistance des artistes et des centaines de milliers d'emplois sont en jeu.
239(*)
II.3 - Au niveau social
Sur le plan social, la piraterie et la distribution des
oeuvres musicales de contrefaçon est à l'origine d'un certain
nombre de désagréments sur le plan social. Elle entraine
l'encombrement de l'espace urbain (1) et contribue à la marginalisation
ou l'exclusion sociale de l'artiste-interprète (2).
1-Encombrement et confrontations dans l'espace urbain
``yaoundéen''
Le centre ville de Yaoundé nous renvoie comme un
miroir, l'expression d'une forme de violence qui s'exprime à travers ces
images d'encombrement des trottoirs. Or, ces trottoirs qui constituent des
espaces apparemment banals de l'habitat urbain, et officiellement
destinés à la mobilité piétonne, sont devenus le
lieu et le facteur de nombreux processus notamment les dynamiques
transactionnelles selon une expression chère à REMY, J. (1981),
conflictuelles et confrontationnelles. Les vendeurs des CD pirates et les
« téléchargeurs » occupent de
manière anarchique et illégale les trottoirs et contribuent
à l'insalubrité de la ville. Ces trottoirs subissent une
détérioration résultant de la pression des
activités qui y sont déployées par les pirates. En outre,
en occupant anarchiquement les trottoirs pour leurs activités, les
pirates vont à l'encontre de l'article 1 de l'arrêté
n°045/87/CU/YDE de la Communauté urbaine de Yaoundé, qui
dispose que toute activité commerciale est proscrite le long des
trottoirs.
Cette situation crée des confrontations permanentes
entre exploitants des trottoirs et gestionnaires de la ville (Communauté
urbaine et forces de l'ordre). Cela donne lieu très souvent à des
évacuations musclées avec destruction et confiscation des biens,
d'une part, et d'autre part la réoccupation progressive et insidieuse
des mêmes lieux malgré les dégâts antérieurs.
La Communauté urbaine étant contrainte de lancer
indéfiniment des opérations de libération musclées
des emprises publiques au centre ville de Yaoundé et même ailleurs
dans la ville. Ces opérations, on en a vu des dizaines depuis plusieurs
années. Mais, elles ont souvent étalé leur vanité.
Parce qu'il suffit de quelques jours pour que le chaos revienne. Les occupants
anarchiques de la voie publique ont presque toujours eu les autorités
municipales à l'usure.
2-Exclusion sociale ou marginalisation des
artistes-interprètes
Toujours sur le plan social, la piraterie des oeuvres
musicales entraîne une marginalisation ou une exclusion sociale des
artistes-musiciens. Clochardisés, appauvris, spoliés dans leurs
droits et dans leur génie créateur, plusieurs parmi eux sont
morts dans le dénuement total et sous le regard indifférent de
personnes pouvant leur venir en aide, incapables de se soigner. Et pourtant,
selon MONO NDZANA, H. :
Ailleurs, ce sont les artistes qui sont millionnaires, et
qui donnent de petites enveloppes aux fonctionnaires. Ici [au Cameroun], c'est
le contraire, les choses étant faites pour que les artistes courent
plutôt derrière de petits fonctionnaires véreux comme des
mendiants.240(*)
Leurs droits sont bafoués sous le regard
indifférent des autorités et sous le regard méprisant des
pirates. Ils paraissent ainsi comme marginalisés, mis au ban de la
société qui n'a plus de compassion à leur égard, et
qui ne manifeste aucune solidarité pour eux nonobstant leurs incessantes
lamentations. Lorsqu'on fait allusion à un artiste dans notre
société, on voit l'image de ce gueux, du créateur
loqueteux, misérable et abonné à la
précarité. Des clichés aussi tenaces que
dévalorisant.
II.3- Au niveau culturel
La piraterie cause d'énormes préjudices aux
créateurs et auxiliaires de la création musicale au niveau
national et international. Elle occasionne au premier plan un dommage dans le
chef des ayants droit. Celui-ci relève tant du préjudice
matériel que moral, ne serait-ce, à côté des pertes
économiques, que par la perte totale de la liberté qu'accuse, sur
sa création musicale ou sa prestation, l'auteur ou
l'artiste-interprète face aux produits de la contrefaçon. Les
producteurs également ne perçoivent aucun revenu sur
l'utilisation des oeuvres issues de leurs structures et voient diminuer leur
part de revenus provenant de l'exploitation traditionnelle de leur phonogramme
qu'est la vente. Par conséquent, ils ne sont plus en mesure de financer
durablement la création musicale, si un frein n'est pas apporté
au développement de ce marché parallèle.
Il est donc clair que dans ces conditions, aucun
créateur d'oeuvres musicales ne peut continuer de travailler, tant que
son environnement socio-économique le confine dans une situation de
dépendance perpétuelle. A terme, c'est l'humanité qui se
trouve privée d'oeuvres artistiques, pourtant nécessaires
à son épanouissement.
a)- Facteur majeur de la baisse de la
production artistique
Le constat est clair : la piraterie est en train de tuer
la production des oeuvres artistiques au Cameroun. Elle est un facteur de la
baisse de la production tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Plusieurs
producteurs ne savent plus à quel Saint se vouer. Beaucoup parmi eux ont
fermé boutique ou alors produisent des artistes de façon
sporadique, parce qu'il est difficile pour eux d'amortir leurs charges. On se
rappelle que dans les années 1980-1990, la maison de production
``EBOBOLOFIO'' faisait le bonheur des artistes du bikutsi (rythme
local). Cette écurie est inexistante aujourd'hui. La maison de
production ``NKUL NNAM'' qui a longtemps produit les albums de
plusieurs artistes comme K-TINO a à peine un siège à
Yaoundé. La maison de production ``ANGOULA ANGOULA'' est
presque en faillite. Les artistes de cette maison ont dû signer ailleurs.
C'est le cas des artistes Lady PONCE ou AMA Pierrot. La jeune maison de
production ``APPODISK International'' mise sur pied en 2004 par
Appolonie EYEBE est aussi tombée en faillite. Ses artistes comme EBOA
Show, Vincent Paradis, Veronik Fakture, ont dû aller se chercher
ailleurs. JPS production de Jean Pierre SA'A va déménager de
Paris pour s'installer à Douala au Cameroun.
D'autres producteurs comme le célèbre Mc Pop
music ou MENDY Show ont simplement abandonné le secteur pour se
consacrer à d'autres activités. Tous estiment que la piraterie a
fait chuter leurs chiffres d'affaires. Aussi, ne peuvent-ils plus investir
à perte. La plupart des artistes ont aujourd'hui des difficultés
pour trouver un producteur. ABANDA Aviateur, Roger BEKONO, Govinal NDINGA
ESSOMBA, tous des doyens du Bikutsi ont des maquettes qui n'attendent que des
producteurs. Certains artistes sont donc obligés soit de
s'auto-produire, soit d'exercer une autre activité pour pouvoir
survivre. La piraterie est donc en grande partie à l'origine de la
baisse de la production artistique au Cameroun. L'on était
habitué à des sorties massives d'albums en fin d'année,
mais tel n'est plus le cas aujourd'hui car, on compte à peine pour la
fin de l'année 2009, seules quelques parutions artistiques. Et pourtant,
selon PANETHIERE :
La musique enregistrée représente la vie
musicale d'une société à un moment donné. Si les
meilleurs artistes d'une nation ne sont pas enregistrés commercialement,
leurs oeuvres ne sont pas préservées et les pertes subies par la
culture locale sont incurables. Un élément clé de la
mémoire historique de la nation est ainsi perdu.241(*)
Certains grands noms de la musique camerounaise ont presque
rendu le tablier, à l'instar de NKOTTI François, MISSE NGOH,
Grâce DECCA, Dina BELL, SAM FAN Thomas. Ils sont de moins en moins
présents dans le showbiz Camerounais. Tous ces créateurs ont
pourtant essayé de mettre sur pied des mesures visant sinon à
éradiquer, du moins à freiner la progression de la piraterie.
b)- Une entrave à une gestion collective efficace
des droits d'auteurs
La piraterie constitue l'une des entraves - sinon la
principale - à une gestion collective efficace des droits d'auteur et
des droits voisins au Cameroun. Du fait de la piraterie, l'artiste ne parvient
plus à vivre de son art. Dans l'esprit de la loi du 19 décembre
2000, le principal bénéficiaire du droit, c'est l'auteur.
Conformément à l'article 24 de ladite loi, la
rémunération de l'artiste est proportionnelle aux recettes
d'exploitation. Plus l'oeuvre est vendue, plus elle rapporte à son
auteur.
En effet, l'actualité du côté des
sociétés de gestion collective des droits d'auteur est
marquée par des éternelles batailles autour de la gestion de ces
droits depuis quelques années. Ces batailles détournent
l'attention sur la piraterie qui mérite d'être mise au niveau des
priorités. Pendant que les sociétés de gestion des droits
sont dans la tourmente et la piraterie prospère, les
artistes-interprètes sont manipulés, exploités et
finalement marginalisés ou confinés dans une paupérisation
sans précédent.
c)- Une gangrène pour l'art musical
Sur le plan culturel, la piraterie constitue une
véritable gangrène pour l'art musical. La persistance de ce
phénomène affaiblit ou asphyxie les industries culturelles en
entrainant des pertes d'emplois pour les fonctions culturelles ; Ces
industries culturelles sont pourtant sources d'emploi, de profit et de recettes
tout en étant un vecteur essentiel de promotion de la diversité
culturelle aux niveaux local et international. Elles constituent aujourd'hui
des composantes importantes et reconnues du développement
économique et culturel d'un pays. Elles ajoutent considérablement
à la richesse nationale et en conséquence les activités de
piraterie qui affaiblissent ces industries ont un effet négatif sur la
richesse nationale. Selon PANETHIERE, D. :
Partout où la piraterie prospère, il
est pratiquement impossible aux industries locales des logiciels, du
cinéma et de la musique d'être compétitives, de se
développer ou même, dans les économies émergentes,
de prendre leur essor. Toutes ces industries ont besoin d'investissements
importants, et même en l'absence de piraterie elles comportent des
risques considérables pour les investisseurs étant donné
le haut degré de concurrence sur les marchés de ces oeuvres et la
difficulté de prédire les goûts et les désirs des
consommateurs. Lorsque la piraterie sévit plus ou moins sur un
marché particulier, diminuant encore les chances de succès, il
n'est pas surprenant de voir les investisseurs se tenir à
l'écart, avec la conséquence qu'il n'est pas produit de nouveaux
films ou enregistré de nouveaux CD, et toutes les possibilités
d'emploi et d'échanges qui auraient pu résulter de ces
investissements sont perdues.242(*)
La piraterie est aussi la cause de la perte d'identité
et de mémoire culturelle historique et un frein pour la
créativité. Les pirates disposent aujourd'hui de matériels
de reproduction performants. Ces équipements permettent de livrer sur le
marché, des enregistrements de plus en plus fidèles aux
originaux. De sorte que dans de nombreux pays, la piraterie a appauvri ou
paralysé l'industrie musicale locale et la réalisation de
nouveaux enregistrements.
En somme, la piraterie est un frein au développement
durable. C'est pour cette raison que PANETHIERE, D. pense que :
« en laissant vendre librement les produits musicaux pirates
[sic] sur les marchés locaux, on élimine effectivement toutes les
possibilités de développement d'une industrie nationale des
enregistrements » 243(*).
Elle entraîne un manque à gagner substantiel
à l'économie du pays, avec de nombreux emplois perdus dans
l'industrie musicale. Pour les téléchargements, en plus
d'être un délit répréhensible, ils entraînent
avec elle des virus qui occasionnent plus de pertes encore, notamment des
pannes d'ordinateur et même de téléphone.
CHAPITRE III
DE LA REPRESSION DE LA PIRATERIE DES
OEUVRES MUSICALES
« Chacun a droit à la protection des
intérêts moraux et matériels découlant de toute
production scientifique, littéraire ou artistique dont il est
l'auteur ».
Article 27, alinéa 2, Déclaration Universelle
des droits de l'homme, 1948.
Il est, dans le droit de nombreux pays, une maxime selon
laquelle un droit sans réparation n'a rien de droit. Cette maxime trouve
de bons exemples dans le domaine de la propriété intellectuelle
où les auteurs et autres titulaires de droits sont si souvent dans
l'impossibilité de faire respecter les droits que la loi leur accorde.
Certes, plusieurs personnes ne comprennent pas parfaitement les droits des
autres, et peuvent, de ce fait, parfois enfreindre le droit d'auteur en toute
ignorance. Toutefois, il n'en demeure pas moins vrai que dans l'ensemble, la
piraterie telle qu'il faut la comprendre aujourd'hui, résulte d'une
volonté délibérée de ne pas respecter ces droits.
S'il est clair que les droits moraux et les droits patrimoniaux sont les
catégories de droits qui sont affectées par l'acte de piratage,
alors quels sont les éléments constitutifs du délit de
contrefaçon et quelle est la nature du préjudice causé
par la piraterie et comment est défini le cadre juridique de la
piraterie ?
I- CADRE JURIDIQUE DE LA PIRATERIE OU DE LA
CONTREFAÇON
DES OEUVRES MUSICALES
I.1- Eléments constitutifs du délit et
détermination du préjudice causé par l'acte de piratage
L'élément matériel est
très large et peut relever tant du droit patrimonial que du droit moral.
En outre, il concerne tant la reproduction que la communication au public.
Aucune composante du droit violé n'échappe au domaine
pénal. La contrefaction est considérée comme un
délit instantané et permanent dont le délai de
prescription commence à courir avec l'accomplissement du dernier acte
constitutif de l'infraction et introduit une peine d'emprisonnement. Par
ailleurs, la tentative de contrefaçon n'est pas punissable.
I.2- La loi n° 2000/011 du 19 décembre 2000,
relative au droit d'auteur et droits voisins
Les oeuvres musicales sont protégées par la loi
camerounaise. Une protection qui bénéficie au créateur
à qui est octroyé le monopole juridique de son oeuvre. Cette loi
s'articule sur 8 titres et 97 articles. Elle énonce des dispositions
relatives aux droits d'auteur, aux oeuvres protégées ainsi que
sur la titularité des droits, les attributs du droit d'auteur, les
droits voisins des droits d'auteur, la gestion collective, les infractions, les
sanctions et les procédures. Bref, c'est un ensemble de dispositions qui
balaient presque la totalité du domaine du droit d'auteur.
I.3- Sanctions prévues par la loi camerounaise
Il existe au Cameroun, un cadre juridique de la lutte contre
la contrefaçon qui devrait logiquement permettre, à travers une
application scrupuleuse des lois en vigueur, que les contrevenants soient
sévèrement punis et surtout que les effets de la
contrefaçon soient atténués. Par ailleurs, il a
été créé au sein du ministère camerounais en
charge de la culture, une Cellule chargée de la lutte contre la
piraterie. En marge de cette cellule ministérielle, un Comite musical de
lutte contre la piraterie (CMLCP)244(*) a été mis sur pied et des
séries de manifestations (conférences, séminaires,
spectacles et concerts gratuits, marches, etc.) visant à sensibiliser
l'opinion face à cette « gangrène pour la musique
camerounaise » sont régulièrement organisées.
Malgré tout cela, le phénomène prospère de
façon inquiétante, sous le regard indifférent et
même ``complice'' des pouvoirs publics. Sa persistance ainsi que
la difficulté à le combattre, ou tout au moins, à contenir
ses effets désastreux sur le développement économique et
culturel, préoccupe la communauté internationale en
général, et la communauté camerounaise en particulier. La
lutte contre la piraterie repose sur un certain nombre de dispositions
pénales, civiles et même douanières.
I.3.1- Dispositions pénales
De délit correctionnel, la piraterie
des oeuvres musicales est devenue un crime. Ainsi, Les personnes reconnues
coupables d'actes de contrefaçon sont punies par une peine
d'emprisonnement allant de cinq (5) à dix (10) ans et enjoint de payer
une amende allant de 500 000 à 10 000 000 FCFA (tel que
le stipule l'article 82 de la loi de 2000). D'autres peines portent sur la
confiscation des exemplaires contrefaisants et du matériel ayant servi
à la commission de l'infraction et les recettes qu'elles auraient
procurées au contrevenant (Art.84, al.1). En outre, il peut être
procédé à la destruction du matériel utilisé
par les contrefacteurs et les exemplaires contrefaisants (Art.84, al.2). Il est
prévu également la publication des jugements dans les conditions
prévues par l'article 33 du code pénal (Art.84, al 3).
I.3.2- Dispositions civiles
Si l'infraction n'est pas prouvée, le titulaire du
droit d'auteur ou d'un droit voisin ne peut se prévaloir de l'action
pénale. Il pourra donc intenter une action civile sur la base du droit
commun de la responsabilité quasi délictuelle, en vertu de
certaines dispositions du Code civil camerounais.
I.3.3- Autres dispositions (mesures douanières)
Les mesures douanières peuvent également
être prises pour stopper l'action des contrefacteurs. Elles concernent
les interventions des autorités de douane à titre conservatoire,
dans le cadre de la lutte contre la contrefaçon. Celles-ci sont
compétentes pour intercepter et bloquer des marchandises de
contrefaçon. Lorsqu'on soupçonne l'importation ou l'exportation
imminente de marchandises qui violent les droits, les autorités
douanières peuvent faire suspendre la mise en circulation des droits
desdites marchandises. L'intervention a généralement lieu
à la demande du requérant, mais est envisageable d'office. Ces
autorités douanières ne disposent d'aucun pouvoir sur le sort des
marchandises ; elles sont uniquement compétentes pour suspendre la
mainlevée ou retenir la marchandise. Elles ne sont non plus
compétentes pour sanctionner les contrevenants.
II- LUTTE CONTRE LA PIRATERIE AU CAMEROUN
Le piratage est le fait de reproduire, imiter et
commercialiser frauduleusement une oeuvre intellectuelle ou artistique. Le
législateur Camerounais a légiféré en
matière de droit d'auteur en édictant la loi n°
2000
/11 du 19 décembre 2000. Ce texte vise essentiellement la protection
du droit d'auteur. Cependant, l'atteinte de cet objectif parait
s'éloigner à la vue de la recrudescence à une vitesse
exponentielle du phénomène de piratage. Partant de ce constat,
diverses actions sont menées depuis quelques années par le
ministère de tutelle avec la mise sur pied des sociétés de
gestions collectives de droit d'auteur. Concernant l'art musical, la CMC
(Cameroon Music Coorporation) tout d'abord et la SOCAM (Société
Camerounaise des Artistes Musiciens) par la suite appuyer par des corporations
d'artistes notamment le comité musical de lutte contre la piraterie
(CMLCP) de l'artiste musicien PAPILLON. C'est ainsi que, de façon assez
régulière, des stocks de supports musicaux contrefaisants sont
interceptés dans les rues et détruits publiquement.
II.1- Initiatives en faveur de la lutte
Les observateurs s'accordent sur un fait : malgré
les actions menées depuis plusieurs années, le
phénomène de la contrefaçon des oeuvres musicales continue
de sévir contre les créateurs des oeuvres de l'esprit au
Cameroun, et notamment dans le domaine de l'art musical. Jusqu'à
présent, le mal est généralement combattu par des
opérations coup de poing, des « frappes »
ponctuelles. La commission de lutte contre la piraterie de la SOCAM entend
frapper un grand coup, cette fois. A en croire ses responsables, la nouvelle
approche en matière de lutte est innovante. En effet, la lutte va
commencer par une campagne de sensibilisation, destinée aux
détaillants de supports, mais aussi aux pirates. La SOCAM planche sur un
possible partenariat avec ceux qui « sortiront du
maquis », c'est-à-dire ces pirates qui vont se
présenter dans ses structures pour avouer qu'ils arrêtent leur
activité, lesquels pourront au terme de ce partenariat se voir proposer
de vendre plutôt des CD et DVD originaux, afin que tout le monde trouve
désormais son compte. Les responsables de la SOCAM annoncent que les
pirates obstinés courent le risque sérieux de se retrouver au
tribunal, en raison de leur activité persistante de contrefaçon.
Dans sa nouvelle approche répressive, la SOCAM a également un
oeil rivé sur les technologies de l'information et la communication,
dont l'usage à mauvais escient a favorisé l'explosion de la
contrefaçon des oeuvres de l'esprit au Cameroun et ailleurs. Les
tenanciers de cybercafés sont donc visités et
sensibilisés, mais aussi les importateurs de phonogrammes et les
câblodistributeurs.
II.1.1- Initiatives prises par l'Etat
L'Etat camerounais, à travers son ministère de
la Culture, a entrepris de prêter main forte aux artistes dans leur
combat contre la piraterie. Le Décret n°2005/177 du 27 mai 2005
organise les missions du Ministère de la Culture. Il a pour missions,
entre autres, d'élaborer, de mettre en oeuvre et d'évaluer la
politique du gouvernement en matière de promotion et de
développement culturel, ainsi que de l'intégration nationale. A
ce titre, la lutte contre la piraterie incombe au premier chef à ce
département ministériel, car la promotion et le
développement de la culture nationale ne sont possibles que dans un
environnement sain ; ce qui n'est pas encore le cas au Cameroun.
Pour marquer son engagement en faveur de la lutte contre la
piraterie, le ministère de la Culture a créé un
Comité national de lutte contre la piraterie qui a pour vocation de
définir les actions à mener, afin de freiner la persistance de ce
phénomène et surtout d'utiliser les moyens de l'Etat pour mener
ce combat qui n'est pas du tout facile. Aussi, a-t-on souvent vu ce
comité s'investir aux côtés des artistes sur le terrain.
Toutefois, il faut reconnaître que l'action du Comité national de
lutte contre la piraterie n'est pas satisfaisante jusqu'ici. On entend à
peine parler de lui, sinon généralement pour dénoncer son
inertie. C'est pour cette raison que certaines initiatives sont prises par les
artistes eux-mêmes, pour venir à bout du phénomène.
II.1.2- initiatives prises par les artistes-musiciens
Le constat parle de lui-même : la piraterie des
oeuvres musicales a déjà atteint des proportions
inquiétantes. Dans les rues de Yaoundé, les CD de
contrefaçon se vendent sans aucune restriction des pouvoirs publics.
Fort de cela, la loi camerounaise dit clairement en son article 2 que tout
artiste ou groupe d'artistes ou ayant-droits, peuvent se plaindre si leurs
intérêts sont menacés ou en passe de l'être. Dans le
cas d'espèce, il n'y a qu'une seule structure réglementaire au
niveau de l'Etat camerounais et reconnue officiellement, qui lutte contre la
piraterie. Cette structure est le Comité national de lutte contre la
piraterie qui est sous la tutelle du ministère de la culture. Les
responsables de la société de gestion collective des droits
d'auteur ont donc invité les artistes eux- mêmes à prendre
résolument en main leur destin, par des actions concertées pour
venir à bout de cette gangrène qui les clochardise au fil du
temps. Il est question pour ces artistes de rehausser l'image de la musique
camerounaise. Aussi, organise-t-ils régulièrement au siège
de la SOCAM à Bastos, des réunions pour trouver des voies et
moyens susceptibles d'éradiquer ce phénomène Au cours d'un
point de presse accordé par la PCA de la SOCAM, Odile NGASKA
déclare que : « la piraterie est un fléau ; il
faut lutter main dans la main avec les associations, les syndicats et les
pouvoir publics pour pouvoir l'éradiquer ». L'action
des artistes-musiciens porte prioritairement sur la téméraire
décision d'aller affronter les pirates dans la rue, à travers des
descentes sur le terrain. Cette action est à mettre à l'actif des
Brigades de répression mises sur pied par le Comité musical de
lutte contre la piraterie (CMLCP), une ONG dirigée par
l'artiste-musicien PAPILLON. Ces descentes musclées conduisent à
des saisies et même à la destruction d'oeuvres pirates. Toutefois,
au regard des dispositions de la loi de 2000, il faut dire que de telles
actions sont illégitimes, car l'article 81 en son alinéa 1
dispose que :
Lorsque leurs droits sont violés ou menacés
de l'être, les personnes physiques ou morales ou leurs ayants droit ou
ayant cause, titulaires des droits visés par la présente loi,
peuvent requérir un officier judiciaire ou un huissier de justice pour
constater les infractions et au besoin, saisir, sur autorisation du Procureur
de la République ou du juge compétent, les exemplaires
contrefaisants, les exemplaires et les objets importés illicitement et
le matériel résultant, ayant servi ou devant servir à une
représentation ou à une reproduction, installés pour de
tels agissements prohibés.
En choisissant de faire régner la justice par
eux-mêmes, sans contrôle judiciaire, ces artistes-musiciens foulent
aux pieds les dispositions de l'article 81, alinéa 1.
A côté des descentes musclées sur le
terrain, il y a aussi des actions beaucoup plus pacifiques, notamment :
des marches de sensibilisation contre la piraterie, des tables-rondes, des
conférences, des spectacles. La dernière en date remonte au mois
de juin 2009, lors de la journée mondiale de la musique. Elle a
été initiée par l'Association camerounaise des
métiers de la musique (ACM). A cette occasion, près de 300
personnes, au rang desquels l'artiste-musicien DONNY El Wood. Pendant la
marche, les pancartes étaient brandies par des gens solidaires à
l'initiative, avec des messages aussi évocateurs les uns que les autres.
On pouvait par exemple lire des messages tels que :
« Attention pirates, épervier arrive ; La piraterie
tue la production musicale, mélomanes, non aux CD piratés ;
La culture vaincra la piraterie, etc. ». Une action qui n'a
toutefois pas permis d'endiguer le phénomène, car les pirates
restent toujours à l'oeuvre et des albums de musique à peine
sortis sont déjà disponibles à des prix dérisoires.
D'autres actions sont orientées vers la
possibilité de proposer des oeuvres musicales à des prix qui
pourraient amener les mélomanes à se détourner de la
piraterie. C'est le cas notamment du projet Culture MBOA, avec pour têtes
de proue, des artistes comme Ruben BINAM et Manuel WANDJI qui, depuis quelques
années, rend des CD originaux disponibles dans la ville de Douala et
Yaoundé. A côté des points fixes, des vendeurs ambulants de
CD originaux d'artistes camerounais sont désormais sur le terrain. Et
ceux-ci, on peut les acquérir à un prix qui ne va pas
au-delà de 4 500 francs.
En dépit de tous ces efforts cumulés, le
phénomène de la piraterie va grandissant ; ce qui suscite
des interrogations : Qu'est-ce qui favorise la persistance de ce
phénomène ? À quoi est due l'inefficacité des
efforts mis en place pour l'éradiquer ?
II.2- Piraterie des oeuvres musicales au Cameroun:
jusqu'où peut aller la traque ?
Le 12 août 2009, au détour d'un point de presse
que donnaient les responsables de la Commission de lutte contre la
contrefaçon des oeuvres musicales, la guerre a été
déclarée aux contrefacteurs de la ville de Yaoundé. Cette
communication avait également pour but de sensibiliser et
d'informer l'opinion publique contre ce phénomène aux
conséquences fâcheuses, afin que celle-ci soit
définitivement au courant de la loi sur le droit d'auteur et les droits
voisins, et se conforme à ses dispositions. C'était donc le
préalable avant de passer à l'action de répression.
Quelques semaines plus tard, les principaux quartiers de la ville de
Yaoundé, les marchés, les espaces publics et le Centre commercial
ont été pris d'assaut. C'était sous la houlette du
préfet du département du Mfoundi, sous forte escorte
policière, qui venait prêter main forte à la SOCAM par le
biais de la Commission de lutte contre la contrefaçon des oeuvres
musicales. A l'issue de cette opération, de nombreux supports
magnétiques ont été saisis par les forces de l'ordre. Ces
produits de qualité douteuse ont été embarqués dans
des sacs, puis transportés à bord de véhicules
réquisitionnés pour la cause pour le quartier AHALA, où
ils ont été jetés dans les flammes. Un exemple qui montre
la détermination des autorités camerounaises à
éradiquer le fléau.
Toutefois, au Cameroun, on a l'impression que la lutte contre
la piraterie et la contrefaçon des oeuvres musicales ne concerne que les
CD piratées. Aucune attention n'est portée sur la
répression du téléchargement ou du piratage sur Internet,
qui fait pourtant plus de mal aux artistes-interprètes que la vente des
CD. Moumi NGINYA ne soulignait-il pas que 8 400 000 supports frauduleux
échappent au circuit formel camerounais par an et que la quantité
d'exemplaires de CD contrefaisants déversée sur le marché
informel est supérieure à ce qui est produit légalement,
les points de vente et de distribution étant plus efficaces et plus
nombreux. Dans un tel contexte, la lutte contre la piraterie devrait être
non seulement intensifiée, mais également permanente. Tant
qu'elle va se limiter à quelques actions sporadiques, elle ne pourra
jamais être efficace. Sur le terrain, elle devrait se traduire par des
saisies régulières d'oeuvres musicales contrefaisantes, ainsi que
des interpellations non seulement des pirates, mais également des
consommateurs de ces oeuvres. Il doit également être
procédé à leur traduction devant les tribunaux, afin
qu'ils puissent répondre de leurs actes. Cela aurait pour effet de
dissuader les contrevenants.
Les dispositions légales qui organisent la gestion du
droit d'auteur et des droits voisins au Cameroun constituent une avancée
considérable dans la lutte pour la préservation du patrimoine
culturel. Elles arrivent certes en retard, mais ont tout de même le
mérite de régir un domaine qui était jusque là
voué aux oubliettes. L'originalité de cette loi camerounaise est
sans doute la reconnaissance et la protection des oeuvres inspirées du
folklore (Art.5). Une telle protection du folklore est une reconnaissance de la
valeur culturelle des pratiques ancestrales africaines. De plus, à la
lecture de cette loi, il ressort que les auteurs des oeuvres de l'esprit
jouissent sur celle-ci, du seul fait de leur création, d'un droit de
propriété exclusif et opposable à tous (Droit d'auteur),
dont la protection est organisée par la présente loi. Des
attributs d'ordre patrimonial et des attributs d'ordre moral sont
conférés à l'auteur par cette loi. Toutefois, s'il est
incontestable que « Nul n'est censé ignorer la loi »,
il est encore plus vrai que : « une loi ne peut avoir
d'effet que si ceux pour qui elle est promulguée la connaissent et la
comprennent », comme le dit si bien le dicton. Nos entretiens avec
plusieurs acteurs de la piraterie des oeuvres musicales nous ont permis de
constater que cette loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins reste
encore très peu connue par ceux-ci. L'opacité communicationnelle
qui l'entoure et son utilisation comme arme offensive pour condamner ou
fustiger ce phénomène font de cette loi, un support de campagne
destiné uniquement aux acteurs engagés dans la conquête des
postes de responsabilité dans les sociétés de gestion
collectives des droits d'auteur. Qui plus est, cette loi est souvent sujette
à des interprétations contradictoires par plusieurs personnes. Ce
qui nous amène à dire qu'elle devrait faire l'objet d'une
diffusion plus large auprès du public par les professionnels du droit.
Sur un tout autre plan, l'incidence des TIC ou de l'Internet
sur la piraterie impose que de nouvelles dispositions soient
intégrées dans cette loi pour combattre le
téléchargement des oeuvres musicales. En effet, d'après la
Commission Européenne (CE), l'avenir du marché de la musique en
ligne pourra s'élever à 8,3 milliards d'euros d'ici 2010 dans
l'Union européenne (UE), et être multiplié par quatre entre
2005 et la fin de la décennie. Selon ces chiffres, d'ici 2010, les
contenus en ligne représenteront environ 20% des recettes du secteur de
la musique. Bien que le Cameroun ne soit pas membre de l'Union
Européenne (UE), il apparait clairement que le marché de la
musique en ligne est une véritable dimension qui mériterait
déjà d'être organisée et régie par la loi
relative au droit d'auteur et aux droits voisins.
En définitive, au regard du contexte
socio-économique actuel, loin de prétendre éradiquer
définitivement la piraterie, le combat, quelque soit son ampleur, ne
peut en l'état actuel des choses se limiter qu'à réduire
tout simplement les effets de la piraterie et la contrefaçon des oeuvres
musicales. La lutte contre ce phénomène ne devrait pas être
l'affaire des seules sociétés de gestion collective comme semble
être le cas, même si elle leur incombe à titre principal et
dans une moindre mesure, aux artistes eux-mêmes245(*). La loi met à leur
disposition une série de mesures conservatoires ou provisoires (article
85), les mesures correctives civiles (Article 90) et les mesures coercitives
(Article 82). L'Etat avait pourtant déjà pris une sérieuse
option dans ce sens, en acceptant de prêter main forte aux artistes
à travers la mise sur pied de la Commission nationale de lutte contre la
piraterie, par décision n° 02/48/MINCULT/CAB du 11 décembre
2002. Celle-ci comprend une coordination nationale et des comités
provinciaux, et sa composition est plurisectorielle.
II.3- L'Etat camerounais : entre
complicité et inertie
La situation du droit d'auteur et des droits voisins au
Cameroun inspire de la pitié. La détresse est pitoyable à
telle enseigne qu'ARNAUD, G., sur un ton dépité, souligne :
« Je n'ai jamais visité aucun pays où le droit
d'auteur soit aussi bafoué, ignoré, et où les professions
artistiques soient aussi méprisées par un pouvoir qui par
ailleurs sait faire preuve d'une redoutable efficacité policière
dès que sa propre survie est menacée »246(*). Ainsi, l'Etat semble
avoir abandonné la lutte contre la piraterie aux mains des artistes
eux-mêmes, alors que celle-ci ne doit pas leur incomber totalement. Ce
laxisme dénoterait une sorte d'encouragement tacite de la part des
pouvoirs publics et la piraterie serait ainsi devenue une sorte d'exutoire face
à une crise à laquelle ces autorités n'ont aucune solution
pertinente à proposer. Dans un pays, lorsqu'il y a crise, il incombe aux
autorités étatiques de prendre des mesures nécessaires
pour restaurer l'ordre et la paix, face à une menace grave qui
pèse sur la société. L'inefficacité des efforts mis
en place par les pouvoirs publics pour éradiquer ce fléau peut
s'expliquer par la mauvaise application, voire la non application effective de
la loi sur la protection des droits d'auteur, mais aussi la quasi-inexistence
des moyens de répression véritables contre les auteurs des actes
de piratage. La législation camerounaise sur le droit d'auteur n'est pas
suffisamment protectrice. Il y a un écart considérable entre les
pratiques sociales (en avance par rapport au droit) et le droit tel qu'il est
pratiqué au Cameroun. Le laxisme et la complicité de certains
agents publics dans ces activités mafieuses ne sont pas à
négliger, car ils expliquent aussi en partie cet état de chose.
Même si ces dernières années au Cameroun le discours
officiel fait état d'actions engagées en faveur de la lutte
contre la piraterie, même si le ministère de la Culture a
créé la CNLP, il n'en demeure pas moins vrai qu'entre les
discours, les textes et les actes, il y a comme un fossé constant. Le
politique est parfois le premier à transgresser ses propres
prescriptions. Sinon, quel est le contenu véritable du slogan
pompeusement repris dans les discours officiels des autorités
camerounaises, et qui parle du « Renouveau
culturel » ? N'est-ce pas là un slogan vide de
sens ? Peut-on logiquement parler de Renouveau dans un contexte où
rien ne change depuis des lustres ? N'est-ce pas simplement une
manière d'endormir les artistes et de leur donner l'impression que
l'Etat se soucie de leur sort ? Au total, le discours que les
autorités camerounaises prononcent au sujet de la piraterie n'est-il pas
un discours démagogique ? Il est de bon ton de répondre
à cette question par l'affirmative, car on a encore le souvenir frais
de cette cuisine de duplication de cassettes audio détruite publiquement
à Bafoussam en 1994, et qui appartenait à un Commissaire de
police en fonction dans la même ville. Ou encore ce magasin de stockage
des oeuvres musicales pirates découvert à Limbé et dont le
propriétaire était le fils d'un influent membre du gouvernement
dans les années 1990247(*).
Au regard de l'attitude des autorités camerounaises, il
est évident qu'elles pêchent par une attitude démagogique
qu'elles ont souvent manifestée en d'autres circonstances. Ainsi,
lorsque leurs intérêts personnels sont mis à mal, elles
n'hésitent pas à faire des sorties diligentes et souvent
musclées pour imposer l'ordre républicain. Cela a pu s'observer
notamment en mai 2008, lorsque les populations camerounaises,
excédées par une hausse générale des prix des
produits de première nécessité qui a exacerbé la
pauvreté, sont descendues dans les rues pour manifester leur
mécontentement. Il faut préciser que longtemps avant, des voix
s'étaient déjà élevées pour exprimer le
ras-le-bol. En réponse, les autorités ont brillé par un
mutisme étonnant. Il a donc fallu ce soulèvement populaire ou
cette « révolte des pauvres », pour que des
mesures impérieuses soient prises dans le sens d'une baisse des prix des
produits. C'était là une preuve tangible que les autorités
camerounaises s'illustrent par une inertie qu'elles ne cessent pourtant de
décrier à chaque fois qu'elles en ont l'occasion. C'est
précisément la même attitude qui a été
observée dans le cas de la piraterie des oeuvres musicales. Un
soulèvement des artistes aurait-il la même force, lorsque les
populations elles-mêmes trouvent leur compte dans la persistance de ce
phénomène ? Certainement que non. Nous avons donc à
faire à un « Etat voyou », dans lequel la
priorité des élites au pouvoir semble être de se maintenir
au pouvoir le plus longtemps possible. Les problèmes sociaux et
culturels sont relégués au second plan et elles ne leur
prêtent qu'une attention périphérique ou furtive.
Du côté des pirates, les attitudes sont
dictées soit par l'incompréhension, soit par l'inconscience, soit
par la pauvreté, aussi bien morale et intellectuelle que
matérielle. Et enfin, là où le bas blesse, il nous a
été rapporté par de nombreux vendeurs de CD pirates que
certains artistes sont de plus en plus impliqués dans ce business en
tant que fournisseurs ou pirates. Ils viennent livrer eux-mêmes leurs
propres productions aux vendeurs pour, disent-ils, devancer les pirates et
tirer un profit de leur métier. D'où la conclusion : le
poids du piratage ne saurait être porté seulement par le
« marché noir » des CD. Les responsabilités
sont pleinement partagées.
CONCLUSION
Arrivé au terme de ce travail, il est utile de rappeler
à la fois l'objet et l'itinéraire. Il était question de
déterminer les facteurs qui expliquent la forte progression de la
piraterie des oeuvres musicales au Cameroun en général, et
particulièrement dans la ville de Yaoundé. En tant que
sociologue, il nous revenait de comprendre, d'expliquer, de décrypter
cet ensemble de faits et de conduites résultant de comportements
anormaux, en essayant de saisir ses modes opératoires et son impact sur
une catégorie sociale précise, notamment celle des
artistes-musiciens. Nous avons donc posé sur le phénomène
de la piraterie, autrement appelée contrefaçon des oeuvres
musicales, un regard autre que celui auquel nous avons été
habitués, car ce phénomène est souvent
considéré comme un fait ordinaire, banal ou anodin, surtout
lorsqu'on sait qu'en l'absence de toute répression, il s'est
profondément enraciné dans notre société, laissant
croire qu'il est un phénomène normal. A la vérité,
la piraterie des oeuvres musicales est un fait anomique et pathologique,
c'est-à-dire un fait qui procède d'un dérèglement
social, d'un délitement ou d'une évanescence des normes tant
régulatrices que légistiques. C'est à juste titre qu'elle
est considérée comme une déviance, et par
conséquent, favorable à la réflexion sociologique. Le
sociologue devrait donc se sentir interpellé au premier chef par la
piraterie des oeuvres musicales.
Les problématiques antérieures
développées sur ce thème portent entre autres sur :
la démocratisation de l'Internet et son incidence sur la mise à
disposition des fichiers musicaux protégés sans l'autorisation
des auteurs ; l'organisation juridique du droit d'auteur et sa protection,
les brèches sur l'application des prescriptions légales ;
l'évolution historique, ainsi que les mutations du droit d'auteur et des
droits voisins ; les circonstances des violations au droit d'auteur et
leur ancrage contextuel et les effets néfastes de la piraterie sur
le développement durable. Dès lors, en construisant notre
discours à l'opposé des approches précédentes qui
ont longtemps dominé les recherches sur cette thématique, cette
étude a emprunté un chemin différent. Nous nous sommes
résolument démarqués des problématiques
antérieures, en voulant spécifiquement comprendre à quoi
tient la vitalité de la piraterie des oeuvres musicales dans la ville de
Yaoundé. Pour déterminer les facteurs explicatifs de ce
phénomène, nous avons construit notre réflexion sur un
certain nombre de points que nous avons jugé essentiel et qui tournaient
autour de l'hypothèse centrale suivante : La vitalité de la
piraterie ou la contrefaçon des oeuvres musicales à
Yaoundé, résulterait des facteurs pluriels, inhérents au
juridique, au politique, à l'économique et au social.
Fort de cela, notre travail a été
structuré en deux principales parties. Dans la première partie,
nous avons jugé opportun de présenter une approche globale du
droit d'auteur et de la propriété intellectuelle, notamment en
montrant les principes du droit d'auteur et sa localisation dans la
propriété intellectuelle, en déterminant les
caractéristiques générales des oeuvres musicales à
protéger, ainsi que les différentes atteintes qui leur sont
portées par les pirates. A partir de cette connaissance de ce que le
droit d'auteur est, nous avons abordé les modes opératoires de la
piraterie. Ici, il a été question de voir comment les pirates
foulent au pied la loi en copiant et en vendant impunément et sans
l'autorisation des auteurs, les oeuvres musicales d'autrui. Ceci a permis de
dresser une typologie des pirates, les principales formes de piraterie
identifiées à Yaoundé, la localisation de la piraterie,
les origines et la distribution des oeuvres musicales contrefaisantes. De
manière globale, cette première partie propose une vision
condensée sur les concepts de droit d'auteur et propriété
intellectuelle, dans le but de permettre une meilleure compréhension de
la gravité des atteintes qui sont portées aux oeuvres musicales
aujourd'hui au Cameroun.
La deuxième partie de ce travail a porté sur les
facteurs explicatifs de la piraterie. Ici, il ressort que la piraterie,
autrement appelée contrefaçon des oeuvres musicales,
connaît un regain de vitalité du fait de plusieurs facteurs. Au
nombre de ceux-ci, nous avons : la démographie galopante, la crise
économique des années 80, le développement des TIC et la
déliquescence des valeurs morales. En effet, la forte croissance de la
population a considérablement accru la demande en oeuvres musicales et
entraîné en même temps l'exacerbation du chômage, du
fait de la récession économique survenue dans la fin des
années 80. Avec la crise économique, il y a eu une vague de
``licenciés'' et de ``déflatés'' dans la
fonction publique. Cette masse de personnes désoeuvrées est venue
grossir le nombre de chômeurs et de chercheurs d'emplois, notamment les
diplômés de l'enseignement supérieur que l'Etat ne
parvenait plus à recruter. D'où l'essor du secteur informel,
considéré à juste titre par l'économiste
péruvien DE SOTO, H. comme « l'autre sentier ».
Toutefois, l'économie informelle qui était perçue comme un
important débouché pour ces nombreux chômeurs s'est
révélé plus tard comme étant pernicieux, en ce sens
qu'elle est un terrain sur lequel prospère avec aisance le commerce
illicite ou illégal. La commercialisation des oeuvres musicales en est
d'ailleurs une parfaite illustration. Phénomène
réprimé par la loi, il connaît une propension sous le
regard indifférent des autorités qui semblent pris dans une
nasse, car ne sachant pas s'il faut contraindre ces jeunes à
l'inactivité ou les laisser chercher le pain quotidien. Le
développement des TIC a également été
identifié comme étant un facteur important de la propension de la
piraterie. Avec l'avènement de l'Internet et l'amélioration des
formes de technologie de la compression, il est devenu facile pour tout le
monde de copier une chanson ou un album sur un support numérique de son
choix.
Toutefois, nous avons vu que la piraterie des oeuvres
musicales ne peut être lue sous le seul prisme d'une stratégie de
lutte pour la survie, comme certains pourraient si bien le penser. Sa
recrudescence est surtout le reflet des mentalités d'une
société en pleine dérive morale. Dans notre analyse, nous
avons pensé que la déliquescence des valeurs morales est l'une
des causes saisissantes de la piraterie des oeuvres musicales, car le Cameroun
est une terre fertile où ce phénomène prospère
aisément, enrichit par une crise des mentalités, des
responsabilités et même des structures. A la vérité,
la crise des valeurs morales est l'un des traits caractéristiques de la
société camerounaise aujourd'hui. Cette crise de grande ampleur,
généralisée ou encore multidimensionnelle, s'exprime
à travers la forte montée des comportements anormaux dans notre
société, à l'instar de l'homosexualité, de la
corruption, du faux et usage du faux, etc. Aucune dimension de la vie sociale
n'est épargnée. C'est pour cela que la culture camerounaise vit
un véritable drame en ce moment. Celui-ci s'exprime par la crise de
toutes les structures de gestion collective des droits d'auteurs et droits
voisins. La musique camerounaise est devenue aujourd'hui une musique de la
transgression. Cela s'illustre à travers des images souvent
osées, lubriques et obscènes que nous renvoient plusieurs
chanteurs camerounais, ainsi que des thèmes et paroles à
connotation sexuelle développés dans leurs différents
albums. Cette situation est lourde de conséquences. En effet, la
piraterie ternit l'image du pays à l'extérieur, elle est une
gangrène pour le développement de l'industrie musicale et une
entrave pour une gestion saine des sociétés de gestion collective
des droits d'auteur. Bref, elle contribue à tuer l'art musical.
C'est fort de cela que les autorités camerounaises ont
mis en place un dispositif de répression du phénomène,
à travers la loi n°2000/011 du 19 décembre 2000 relative au
droit d'auteur et aux droits voisins. De nombreuses initiatives ont
été mises en place par l'Etat et par les artistes eux-mêmes
pour juguler le phénomène. C'est la preuve que
l'élimination effective de la piraterie est une préoccupation
majeure de l'heure et est l'un des objectifs stratégiques de l'Etat,
ainsi que de la communauté artistique. Toutefois, cet objectif se heurte
à l'insuffisance du cadre juridique qui ne permet pas, en l'état
actuel des choses, d'assurer une protection adéquate contre ce genre de
vol, ainsi qu'à l'inertie de l'Etat et à l'inorganisation des
artistes-musiciens englués dans une crise concernant la gestion de leurs
droits d'auteur.
Tout au long de cette recherche, notre réflexion s'est
fondée sur une méthode essentiellement qualitative. Opter pour
une telle approche ne relève pas du simple hasard ou du pur formalisme.
L'approche qualitative donne un aperçu du comportement et des
perceptions des gens et permet d'étudier de façon plus
approfondie, leurs opinions sur un sujet particulier. Elle se
caractérise par une approche qui vise à décrire et
à analyser la culture et le comportement des humains ou de leurs groupes
du point de vue de ceux qui sont étudiés. Par conséquent,
elle insiste sur la connaissance complète ou
« holistique » du contexte social dans lequel est
réalisée la recherche. Ici, la vie sociale est vue comme une
série d'événements liés entre eux, devant
être entièrement décrits, afin de refléter la
réalité de la vie de tous les jours. Cette approche s'est donc
avérée pertinente pour l'étude de ce
phénomène, en ce sens qu'elle a permis de saisir les causes de la
vitalité de la piraterie des oeuvres musicales à Yaoundé.
Notre méthode a intégré les outils de collecte tels que
l'observation directe, les entretiens non directifs et semi-directifs,
l'observation documentaire en ce qui concerne la collecte des données et
l'analyse de contenu qualitative et direct pour ce qui est des informations
recueillies. Ces données ont été collectées
auprès d'une population composée de quarante répondants de
sexe masculin et féminin, mais avec une forte proportion d'individus de
sexe masculin.
Les informations collectées ont été
interprétées et analysées sous une perspective
théorique combinant l'approche dynamiste et critique, l'approche
stratégique et en prenant appui sur l'interdisciplinarité en vue
d'une saisie globale de cette réalité sociale. L'approche
dynamiste et critique nous a permis de saisir en profondeur la piraterie des
oeuvres musicales, phénomène complexe qui ne se laisse pas
décrypter avec souplesse ou aisance. La réalité qui y est
contenue étant en partie voilée, cachée, sinon
clandestine. Or, la vérité du fait clandestin ou illicite est
généralement dissimulée, tue, voilée ou
cachée. Et c'est précisément dans cette
vérité voilée que se trouve son pouvoir causal. En
incluant la dimension critique, il s'est agi d'aller au-delà de ce qui
se donne à voir dans le fonctionnement de la société
camerounaise, dans la répression de la piraterie par les pouvoirs
publics, pour atteindre les aspects cachés de ce
phénomène. Quant à l'approche stratégique, elle
nous a semblé plus susceptible de rendre compte des différentes
stratégies déployées par ces acteurs sociaux que sont les
pirates ou les contrefacteurs des oeuvres musicales, pour se détourner
de la législation sur le droit d'auteur et les droits voisins. Les
pirates ne sont pas des sujets passifs qui subissent les affres de la
misère et la pauvreté. Ils adoptent des stratégies en vue
de s'extirper de cette pauvreté dans laquelle ils sont confinés.
L'interdisciplinarité sur laquelle nous nous sommes appuyés est
fortement recommandée dans la sociologie contemporaine. Elle implique la
confrontation, l'échange des méthodes, des concepts voisins, des
points de vue et mobilise autour de la sociologie d'autres disciplines qui
permettent de saisir dans la totalité la réalité sociale,
en évitant la parcellisation et la ``superficialisation'' de
celle-ci.
Nous ne pouvons prétendre avoir conduit ce travail
à l'exhaustivité. Il souffre certainement de quelques limites,
tant et si bien qu'il est le fruit de nos premiers pas dans la recherche. Notre
voeu était d'enrichir davantage nos données de terrain, mais nous
n'y sommes pas parvenus en raison de la difficulté qu'il y avait
à les collecter, la plupart des répondants ayant brillé
par une méfiance extrême. Nous étions ainsi obligés
de recourir à l'observation participante, avec le risque de nous faire
identifier comme espion et d'être victime de représailles de la
part des pirates. La descente sur le terrain à première vue nous
semblait aisée, mais il s'est avéré au final
« qu'aucun terrain n'est facile ». Il a fallu
faire preuve d'une patience à toute épreuve pour glaner les
informations utiles. Soulignons également la difficulté que nous
avons eue tout au long de cette étude à trouver des travaux
antérieurs portant sur notre thème ou encore les ouvrages de
référence traitant spécifiquement de la piraterie ou de la
contrefaçon des oeuvres musicales. Cette thématique a beaucoup
plus été développée dans des articles de journaux.
Toutefois, cela ne saurait occulter l'intérêt
sociologique de ce travail. Sur le plan purement théorique, cette
étude s'inscrit dans la perspective des études de la sociologie
des quotidiennetés. A partir d'un fait banal, nous avons essayé
de lire la réalité de la société camerounaise. Sur
le plan méthodologique, cette étude a permis de mettre en exergue
l'efficacité du pluralisme méthodologique en sciences sociales,
avec un échantillonnage qui visait moins une
représentativité statistique qu'une
représentativité qualitative.
Sur le plan épistémologique cette étude
se veut une contribution scientifique à la compréhension d'un
phénomène social qui a pris une ampleur considérable dans
la société camerounaise. Le champ de la piraterie étant
resté jusque-là la chasse gardée des juristes.
En somme, l'ambition de cette recherche a été de
traduire sociologiquement une réalité ordinaire, banale. Il s'est
agi de faire l'examen des conduites les plus banales, les plus
routinières, les plus anodines auxquelles il n'est guère
porté d'attention. Il serait sans doute intéressant d'aller
au-delà de notre orientation en explorant d'autres pistes de recherche,
notamment dans le cadre de la sociologie économique, de faire une
analyse de la dynamique socio-économique de la piraterie des oeuvres
musicales en montrant les mécanismes de l'offre et la demande des
oeuvres pirates et même l'évolution des ventes, ou encore son
ancrage dans la Nouvelle économie structurée par une vision
néolibérale. On pourrait du même coup mener des recherches
sur la crise des sociétés de gestion collective des droits
d'auteur au Cameroun. En outre, et toujours en rapport avec cette question, des
recherches pourraient être menées dans le domaine de la sociologie
de la déviance, la sociologie du droit et la sociologie de la musique.
Chacune de ces disciplines mobilise des cadres théoriques, conceptuels
et d'analyse très pertinents en ce qui concerne la compréhension
de la vitalité de la piraterie. Toutes ces pistes de recherche
pourraient non seulement apporter encore plus d'éléments sur la
compréhension de la piraterie, mais également montrer que
l'idée de mener des recherches sociologiques sur un
phénomène aussi banal que la piraterie n'est pas du tout
dénuée de tout intérêt scientifique. Bien au
contraire.
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TABLE DES MATIERES
EPIGRAPHE i
DEDICACES ii
REMERCIEMENTS iii
LISTE DES TABLEAUX ET ILLUSTRATIONS iv
LISTE DES SIGLES, ABBREVIATIONS ET ACRONYMES v
GLOSSAIRE vii
RESUME viii
ABSTRACT ix
SOMMAIRE x
INTRODUCTION 1
I-Présentation et Justification du choix du sujet 2
II-Problématique 5
III - Hypothèses de recherche 9
IV- Revue de la littérature 10
V- Méthodologie 13
V.1 - Cadre conceptuel de l'étude 14
V.1.1 - Les variables 14
V.1.1.1 -variable dépendante ou expliquée
14
V.1.1.2 - variables indépendantes ou explicatives
14
V.1.2 - Les indicateurs des variables indépendantes 15
V.1.2.1 - Les indicateurs de la récession
économique 15
V.1.2.2 - Les indicateurs de la croissance
démographique 15
V.1.2.3 - Les indicateurs du développement des TIC
15
V.1.2.4 - Les indicateurs de la crise des valeurs morales
15
V.2 - Cadre théorique d'analyse 16
V.2.1 - L'approche dynamiste et critique 16
V.2.2 - L'approche stratégique 19
V.3- Nécessaire recours à
l'interdisciplinarité 21
V.4 - Techniques de collecte des données 23
V.4.1 -L'observation et ses variantes 24
V.4.1.1 - L'observation documentaire 24
V.4.1.2 - L'observation directe 25
a)- L'observation directe non structurée
25
b)- L'observation directe structurée
26
V.4.1.2 - L'observation-participation 27
V.4.2 - Les entretiens 28
V.5 - L'exigence d'une recherche qualitative 29
V.6 - L'échantillonnage 30
V.7 - Dépouillement, analyse et interprétation des
entretiens 34
1 - La vérification 35
2 - Le rassemblement des questions 34
3 - Le codage 34
a) - Etablissement des catégories 35
b) - Analyse de contenu d'interviews 35
c) - Nombre de catégories 35
d) - Le classement des réponses 35
VI - Clarifications terminologiques 35
VII - Champ d'observation 40
VII.1 - Champ géographique 40
VII.2 - Champ social 41
VIII - Plan de l'étude 42
PREMIERE PARTIE : APPROCHE GLOBALE DU DROIT D'AUTEUR ET
MODES OPERATOIRES DE LA PIRATERIE AU CAMEROUN 43
CHAPITRE I : APPROCHE GLOBALE DU DROIT D'AUTEUR 44
I - Droit d'auteur et propriété intellectuelle
45
I.1 -Evolution historique de la propriété
intellectuelle et des droits qui en découlent 45
I.2 - La propriété intellectuelle et la
localisation du droit d'auteur en son sein 46
a) - La propriété industrielle 46
b) - La propriété littéraire et artistique
46
c) - La propriété sui generis 46
I.3 - Le droit d'auteur 47
I.3.1 - Le droit moral ou droit de la personnalité
48
I.3.2 - Le droit patrimonial 48
I.4 - Les droits voisins du droit d'auteur 49
II - La spécificité des oeuvres musicales et leurs
principales atteintes 49
II.1 -Caractéristiques générales de l'oeuvre
musicale susceptible d'être protégée 49
1) -L'originalité 49
2) - Nécessité d'une mise en forme de la
créativité 50
II.2 -Atteintes portées aux oeuvres musicales 50
II.2.1 -Atteintes aux droits moraux 51
II.2.2 -Atteintes aux droits patrimoniaux 51
CHAPITRE II : LES MODES OPERATOIRES DE LA PIRATERIE 52
I - Les visages de la piraterie à Yaoundé 53
I.1 -Typologie des pirates ou des contrefacteurs 53
I.1.1 - Niveau individuel 53
I.1.2 - Niveau micro-social 54
I.1.3 - Niveau macro-social (global) 54
I.2 - Formes de piraterie ou de contrefaçon 56
I.2.1 - La forme analogique 56
A- La copie d'enregistrements existants 56
1) - La copie totale 56
2) - La copie partielle 56
B - L'enregistrement clandestin
(« bootleg ») 58
I.2.2 - La forme numérique 59
I.2.3 - La piraterie des signaux de radiodiffusion et la
piraterie par câble 60
II - Les pratiques de l'activité 61
II.1 - Localisation de la piraterie à Yaoundé
61
II.2 -Origine et distribution des oeuvres musicales
contrefaisantes 64
II.2.1 - Pistes des oeuvres pirates ou contrefaisantes 64
II.2.1.1 - Le marché intérieur 64
II.2.1.2 - Les pays étrangers 65
a) - Le port de Douala 65
b) - La frontière avec les pays voisins 65
II.2.2 - Distribution des oeuvres musicales contrefaisantes
66
a) - Organisation de la filière de distribution
66
b) - La distribution des supports physiques pirates
67
c) - Des points fixes de téléchargement
70
DEUXIEME PARTIE : FACTEURS EXPLICATIFS ET IMPACT DE LA
PIRATERIE DES oeUVRES MUSICALES AU CAMEROUN 71
CHAPITRE I : DEMOGRAPHIE GALOPANTE, CRISE ECONOMIQUE,
DEVELOPPEMENT DES TIC ET CRISE DES VALEURS MORALES AU COEUR DU PHENOMENE 72
I - Démographie galopante, récession
économique des années 80 et pauvreté 73
I.1- La démographie galopante 73
I.2 - La récession économique des années 80
et ses corollaires 76
I.2.1 - Un contexte économique en
ébullition 76
I.2.2 - Les PAS comme voie de sortie de la crise
77
I.2.2.1 - Contenu des P.A.S 78
I.2.2.2 - - Faiblesses des PAS 79
I.2.2.3 - Echec des PAS, crise de l'emploi et
montée du chômage 80
I.3 - Essor du secteur informel 83
I.3.1 - Secteur informel comme source d'emplois,
de revenus et d'espoir 88
I.3.2 - Secteur informel : lieu
privilégié du commerce illicite 91
II - Incidence du développement des TIC 92
II.1 - Le développement des TIC 92
II.2 - Libéralisation de l'Internet 93
II.3 - Dérives de la libéralisation
de l'Internet 94
III - Société camerounaise et
déliquescence des valeurs morales 95
III.1 - Une crise multidimensionnelle 97
a) - L'homosexualité 97
b) - La corruption et la prédation
généralisée 99
c) - Faux diplômes et faux âges 101
III.2- La culture camerounaise dans le tumulte 106
III.2.1 - La musique camerounaise: une musique de la
transgression (L'exemple du Bikutsi) 106
a) - Des images souvent osées, lubriques et
obscènes 106
b) - Des thèmes et des paroles à
connotation sexuelle 108
III.2.2 - Crise des structures camerounaises de
protection du droit d'auteur et droits voisins 111
CHAPITRE II : PORTEE ANTINOMIQUE DU PHENOMENE 115
I - Le versant positif du phénomène 116
I.1 - Une importante débouchée pour les jeunes sans
emplois 116
I.2 - Une réponse aux besoins essentiels des pauvres
116
I.3 - Un moyen efficace de distribution des oeuvres musicales
117
a) - Degré de fréquence et de dépendance
de la clientèle à l'égard des oeuvres pirates 117
b) - Accessibilité de la clientèle
aux oeuvres musicales 118
c) - Un moyen de promotion efficace des oeuvres
musicales 119
II - Des effets pervers considérables 119
II.1 - Au niveau politique 119
II.2 - Au niveau économique 120
II.3 - Au niveau social 121
1) - Encombrement et confrontations dans l'espace urbain
yaoundéen 121
2) - Exclusion sociale ou marginalisation des
artistes-interprètes 122
II.4 - Au niveau culturel 123
1) - Facteur majeur de la baisse de la production
artistique 123
2) - Une entrave à une gestion collective
efficace des droits d'auteurs 124
3) - Une gangrène pour l'art musical 125
CHAPITRE III : DE LA REPRESSION DE LA PIRATERIE 127
I - Cadre juridique de la piraterie ou de la contrefaçon
des oeuvres musicales 128
I.1 - Eléments constitutifs du délit de
contrefaçon 128
I.2 - La loi n° 2000/011 du 19 décembre 2000,
relative au droit d'auteur et droits voisins 128
I.3- Sanctions prévues par la loi camerounaise 129
I.3.1 - Dispositions pénales 129
I.3.2 - Dispositions civiles 130
I.3.3- Autres dispositions (mesures
douanières) 130
II - Lutte contre la piraterie au Cameroun 130
II.1 - Initiatives en faveur de la lutte 131
II.1.1 - Initiatives prises par l'Etat 131
II.1.2 - initiatives prises par les
artistes-interprètes 132
1) - Encombrement et confrontations dans l'espace urbain
yaoundéen 121
2) - Exclusion sociale ou marginalisation des
artistes-interprètes 122
II.2 - Piraterie des oeuvres musicales au Cameroun: jusqu'ou peut
aller la traque ? 133
II.3 - L'Etat camerounais : entre complicité et
inertie 134
CONCLUSION 139
BIBLIOGRAPHIE 145
TABLE DES MATIERES 153
ANNEXES 159
ANNEXES
ANNEXE 1 : GUIDES D'ENTRETIEN
A- Guide d'entretien adressé aux vendeurs des
oeuvres musicales pirates
- Motivations ;
- Statut social ;
- Comportement dans l'activité exercée ;
- Difficultés professionnelles ;
- Revenus et dépenses courantes ;
- Connaissances sur les sanctions à l'encontre des
contrefacteurs.
B- Guide d'entretien adressé aux
artistes-musiciens, producteurs et distributeurs
- Conditions de vie ;
- Difficultés professionnelles ;
- Revenus et dépenses courantes ;
- Investissement et réalisations dans la production
d'albums de musique.
C- Guide d'entretien adressé aux
autorités et personnes-ressources
- Mesures étatiques prises pour juguler la
piraterie ;
- Actions concrètes sur le terrain ;
- Sanctions contre les contrefacteurs ;
- Appréciation du cadre juridique de la contrefaçon
D- Guide d'entretien adressé aux
consommateurs
- Fréquence d'achat des oeuvres pirates ;
- Connaissance des lieux de vente des CD originaux ;
- Motivations pour l'achat des oeuvres pirates
- Connaissances sur l'impact de la contrefaçon
ANNEXE 2 : THEMES D'ENTRETIENS
- Chômage et incidence sur le secteur informel ;
- La répression de la piraterie ;
- Impact socioculturel de la piraterie ;
- Les raisons qui expliquent la persistance de la
piraterie ;
- La pratique quotidienne de la piraterie ;
- Les conditions de vie des artistes-interprètes, des
producteurs et des distributeurs ;
- Les difficultés professionnelles des
artistes-interprètes, des producteurs et des distributeurs ;
ANNEXE 3 : IDENTITE DES PERSONNES INTERVIEWEES
1- Vendeurs d'oeuvres musicales
contrefaisantes.
Noms ou prénoms
|
Age/ans
|
Sexe
|
Statut matrimonial
|
Activité
|
Niveau d'études
|
Catégorie socioprofessionnelle
|
Chamberlain Ngnintedem
|
34 ans
|
M
|
Marié
|
grossiste
|
Maîtrise
|
Informel
|
Kamdem D.
|
21 ans
|
M
|
Célibataire
|
vendeur
|
Bac D
|
informel
|
Ngoufo Jean
|
23 ans
|
M
|
Célibataire
|
Vendeur
|
Bac A4
|
informel
|
MAGNE
|
33 ans
|
F
|
Mariée
|
Vendeuse
|
CEPE
|
Informel
|
André
|
20 ans
|
M
|
Célibataire
|
Téléchargeur
|
BEPC
|
informel
|
FMI
|
31 ans
|
M
|
Marié
|
Grossiste
|
Licence
|
informel
|
Jean De Dieu
|
17 ans
|
M
|
Célibataire
|
Vendeur ambulant
|
CEPE
|
Informel
|
Esprit
|
28 ans
|
M
|
Célibataire
|
Grossiste
|
Licence
|
informel
|
Bertin
|
25 ans
|
M
|
Célibataire
|
Téléchargeur
|
Bac+2
|
informel
|
Merlin
|
23 ans
|
M
|
Célibataire
|
vendeur
|
Bac C
|
Informel
|
Dagobert
|
19 ans
|
M
|
Célibataire
|
Vendeur ambulant
|
_
|
informel
|
Chrysostome
|
27 ans
|
M
|
Célibataire
|
Vendeur
|
_
|
informel
|
Ninja
|
22 ans
|
M
|
Célibataire
|
Téléchargeur
|
BEPC
|
Informel
|
Clobert
|
22 ans
|
M
|
Célibataire
|
Téléchargeur
|
Licence
|
informel
|
Vieux
|
26 ans
|
M
|
Célibataire
|
Téléchargeur
|
Maîtrise
|
informel
|
Chirac
|
24 ans
|
M
|
Célibataire
|
Vendeur
|
Bac+2
|
Informel
|
Onana
|
26 ans
|
M
|
Célibataire
|
Vendeur ambulant
|
CEPE
|
informel
|
Aloga
|
29 ans
|
M
|
Célibataire
|
Vendeur
|
Licence
|
informel
|
Petit Pays
|
24 ans
|
M
|
Célibataire
|
Vendeur
|
Licence
|
informel
|
Le Parisien
|
32 ans
|
M
|
Marié
|
Grossiste
|
Licence
|
informel
|
2- Personnes ressources
Personnes interviewées
|
Lieu de collecte des données
|
Fonction/Profession
|
Date
|
Mme ATANGANA Fannie
|
Palais de Justice
(Yaoundé)
|
Magistrat au parquet du Mfoundi
|
20/09/2009
|
Me Irène MEDEFO
|
Elig-Essono
|
Huissier de justice
|
22/09/2009
|
Me Hélène OTI
|
Mvog-Mbi
|
Avocat, (CPMC)
|
22/09/2009
|
MEYO BIYO'O
|
Préfecture Yaoundé
|
2er Adjoint au Préfet
|
14/08/2009
|
Jean-Marie NDJOCK
|
Musée National
|
Directeur des Affaires juridiques, MINCULT
|
09/10/2009
|
Jean-Baptiste TCHOULA
|
Siège SOCAM
(Bastos)
|
Président de la Commission de lutte contre la piraterie
à la SOCAM
|
02/02/2010
|
3- Artistes-interprètes, producteurs et
distributeurs
Noms ou prénoms
|
Sexe
|
Statut matrimonial
|
Activité parallèle
|
Résidence
|
profession
|
AMA Pierrot
|
M
|
Marié
|
Cabaretier
|
Yaoundé
|
Artiste-musicien
|
AI-JO Mamadou
|
M
|
Célibataire
|
Entraîneur de boxe
|
Yaoundé
|
Artiste-musicien
|
Tonton EBOGO
|
M
|
Célibataire
|
Arrangeur
|
Yaoundé
|
Artiste-musicien
|
Ledoux Marcelin
|
M
|
Célibataire
|
Restaurateur
|
Yaoundé
|
Artiste-musicien
|
AYI Majoie
|
F
|
Célibataire
|
Etudiante
|
Yaoundé
|
Artiste-musicien
|
ANGOULA ANGOULA
|
M
|
Marié
|
Propriétaire chaîne de radio (Sky one radio)
|
Yaoundé
|
(Editions Angoula Records)
|
Jean-Marie
|
M
|
Marié
|
Prestataire de services
|
Yaoundé
|
Distributeur (Melody Diffusion)
|
AI-JO Mamadou
|
M
|
Célibataire
|
Entraîneur de boxe
|
Yaoundé
|
Artiste-musicien
|
4- Consommateurs d'oeuvres musicales
pirates
Noms ou prénoms
|
Age /ans
|
Sexe
|
Profession
|
Résidence
|
Chimène Mbida
|
18 ans
|
F
|
Elève
|
Nsam
|
Mbouemboue H.
|
26 ans
|
M
|
Chômeur
|
Mimboman
|
Njikam faustin
|
47 ans
|
M
|
Agent de l'Etat
|
Olezoa
|
Eloundou B.
|
52 ans
|
M
|
Enseignant
|
Efoulan
|
Magon Lucie
|
24 ans
|
F
|
Etudiant
|
Ngoa Ekelle
|
Abdoulaye
|
21 ans
|
M
|
Etudiant
|
Ngoa Ekelle
|
Messi Nkoa
|
32 ans
|
M
|
Taximan
|
Melen
|
Patrick M.
|
19 ans
|
M
|
Elève
|
Ngoa Ekelle
|
Atangana
|
22 ans
|
F
|
Policier
|
Nkolndongo
|
Pokam Léon
|
33 ans
|
M
|
Fonctionnaire
|
Messa
|
ANNEXE 4
CAMEROUN
Loi n° 2000/011 du 19 décembre 2000
relative au droit d'auteur et aux droits voisins
1er. La présente loi régit le
droit d'auteur et les droits voisins du droit d'auteur au Cameroun.
Titre I
Des dispositions
générales
2. Pour l'application de la présente
loi et des actes réglementaires qui en découlent, on entend par :
1. «oeuvre originale», celle qui dans ses
éléments caractéristiques ou dans l'expression, se
distingue des oeuvres antérieures;
2. «oeuvre de collaboration», celle dont la
création est issue du concours de deux ou plusieurs auteurs, que ce
concours puisse être individualisé ou non;
3. «oeuvre composite», celle à
laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la
collaboration de l'auteur de cette dernière;
4. «oeuvre audiovisuelle», celle
constituée d'une série animée d'images liées entre
elles, sonorisées ou non;
5. «oeuvre posthume», celle rendue
accessible au public après le décès de l'auteur;
6. «oeuvre anonyme», celle qui ne porte pas
le nom de son auteur;
7. «oeuvre pseudonyme», celle qui
désigne l'auteur par un nom fictif;
8. «oeuvre du domaine public», celle dont
la période de protection a expiré;
9. «oeuvre inspirée du folklore»,
celle composée à partir d'éléments empruntés
au patrimoine culturel traditionnel national;
10. «folklore», l'ensemble des productions
d'éléments caractéristiques du patrimoine culturel
traditionnel développé et perpétué par une
communauté ou par des individus reconnus comme répondant aux
attentes de cette communauté, comprenant notamment les contes
populaires, les danses et spectacles populaires ainsi que les expressions
artistiques, les rituels et les productions d'art populaire;
11. «programme d'ordinateur», ou
«logiciel», l'ensemble d'instructions qui commandent
à l'ordinateur l'exécution de certaines tâches;
12. «base de données» ou
«banque de données», le recueil d'oeuvres, de
données ou d'autres éléments systématisés de
manière à pouvoir être recherchés et traités
à l'aide d'un ordinateur;
13. «oeuvre de commande», celle
créée pour le compte d'une personne physique ou morale
dénommée commanditaire, moyennant rémunération;
14. «oeuvre collective», celle
créée par plusieurs auteurs à l'initiative et sous la
responsabilité d'une personne physique ou morale qui la publie sous son
nom, et dans laquelle les contributions des auteurs qui ont participé
à la création de l'oeuvre se fondent dans l'ensemble de l'oeuvre,
sans qu'il soit possible d'identifier isolément la contribution de
chacun des auteurs dans cet ensemble;
15. «artistes-interprètes», les
acteurs, chanteurs, musiciens, danseurs et autres personnes qui
représentent, chantent, récitent, jouent ou exécutent de
toute autre manière des oeuvres littéraires ou artistiques, y
compris les expressions du folklore;
16. «phonogramme», toute fixation de sons
provenant d'une interprétation ou d'autres sons, ou d'une
représentation de sons autre que sous la forme d'une fixation
incorporée dans une oeuvre audiovisuelle;
17. «vidéogramme», toute fixation
d'images accompagnées ou non de sons;
18. «programme», tout ensemble d'images, de sons ou
d'images et de sons, qui est enregistré ou non et qui est
incorporé dans des signaux destinés à être
distribués;
19. «entreprise de communication
audiovisuelle», l'organisme de radiodiffusion, de
télévision ou tout autre moyen qui transmet les programmes au
public;
20. «producteur de phonogramme», la
personne physique ou morale qui, la première, fixe les sons provenant
d'une exécution ou d'autres sons ou d'une représentation de sons,
ou la personne physique ou morale qui a pris l'initiative de ladite fixation;
21. «producteur de vidéogramme», la
personne physique ou morale qui, la première, fixe les images
sonorisées ou non, ou la représentation de telles images, ou la
personne physique ou morale qui a pris l'initiative de ladite fixation;
22. «publication», le fait de rendre
accessible au public l'original ou un exemplaire d'une oeuvre littéraire
ou artistique, d'une interprétation, d'un programme, d'un phonogramme ou
d'un vidéogramme;
23. «réémission»,
l'émission simultanée ou en différé par une
entreprise de communication audiovisuelle d'un programme d'une autre entreprise
de communication audiovisuelle.
Titre II
Du droit
d'auteur
Chapitre I
Des oeuvres
protégées et de la titularité des droits
3. -- 1) Sont protégées par la
présente loi, toutes les oeuvres du domaine littéraire ou
artistique, quels qu'en soient le mode, la valeur, le genre ou la destination
de l'expression, notamment :
a) les oeuvres littéraires, y compris les
programmes d'ordinateur;
b) les compositions musicales avec ou sans paroles;
c) les oeuvres dramatiques, dramatico-musicales,
chorégraphiques et pantomimiques crées pour la scène;
d) les oeuvres audiovisuelles;
e) les oeuvres de dessin, de peinture, de
lithographie, de gravure à l'eau forte ou sur le bois et autres oeuvres
du même genre;
f) les sculptures, bas-reliefs et mosaïques de
toutes sortes;
g) les oeuvres d'architecture, aussi bien les dessins
et maquettes que la construction elle-même;
h) les tapisseries et les objets créés
par les métiers artistiques et les arts appliqués, aussi bien le
croquis ou le modèle que l'oeuvre elle-même;
i) les cartes ainsi que les dessins et reproductions
graphiques et plastiques de nature scientifique ou technique;
j) les oeuvres photographiques auxquelles sont
assimilées les oeuvres exprimées par un procédé
analogue à la photographie.
2) Le droit d'auteur porte sur l'expression par laquelle les
idées sont décrites, expliquées, illustrées. Il
s'étend aux éléments caractéristiques des ouvrages,
tel le plan d'une oeuvre littéraire dans la mesure où il est
matériellement lié à l'expression.
3) Seuls sont protégés par la présente
loi les expressions ou les éléments caractéristiques
originaux qui résultent d'une création.
4) Ne sont pas protégés par le droit d'auteur :
a) les idées en elles-mêmes;
b) les lois, les décisions de justice et
autres textes officiels, ainsi que leurs traductions officielles;
c) les armoiries, les décorations, les signes
monétaires et autres signes officiels.
4. -- 1) L'oeuvre s'entend aussi bien sous sa
forme première que dérivée, ou composite.
2) Outre les oeuvres citées à l'article 3
ci-dessus, sont notamment protégées comme oeuvres composites,
sans préjudice des droits d'auteur sur l'oeuvre préexistante :
a) les traductions, adaptations, arrangements ou
autres modifications d'oeuvres littéraires ou artistiques;
b) les recueils d'oeuvres, y compris ceux
d'expressions du folklore ou de simple faits ou données, tels que les
encyclopédies, les anthologies, les compilations de données,
qu'elles soient reproduites sur support exploitable par machine ou sur toute
autre forme qui, par le choix ou la disposition des matières,
constituent des oeuvres originales;
c) les oeuvres inspirées du folklore.
5. -- 1) Le folklore appartient à
titre originaire au patrimoine culturel national.
2) Est libre la représentation ou la fixation directe
ou indirecte du folklore à des fins privées.
3) la représentation ou la fixation directe ou
indirecte en vue de son exploitation lucrative est subordonnée à
l'autorisation préalable de l'administration en charge de la culture,
moyennant paiement d'une redevance dont le montant est fixé par voie
réglementaire suivant les conditions en usage dans chacune des
catégories de création considérée.
4) La somme perçue est reversée dans un compte
de soutien à la politique culturelle.
6. -- 1) Le titre d'une oeuvre est
protégé comme l'oeuvre elle-même dès lors qu'il
présente un caractère original.
2) Nul ne peut, même si l'oeuvre n'est plus
protégée, utiliser son titre pour désigner une oeuvre du
même genre au cas où cette utilisation serait de nature à
créer une confusion dans l'esprit du public.
7. -- 1) L'auteur est la personne physique
qui a créé une oeuvre littéraire ou artistique. Est
également auteur, la personne physique qui a conçu une oeuvre et
a déclenché la réalisation par un procédé
automatique.
2) L'auteur d'une oeuvre protégée en vertu de la
présente loi est le premier titulaire du droit d'auteur sur ladite
oeuvre.
3) L'oeuvre est réputée créée
indépendamment de toute divulgation, du seul fait de la
réalisation personnelle, même inachevée, de la conception.
Est assimilée à l'oeuvre créée l'oeuvre
photographique ou toute autre oeuvre issue d'une réalisation à
l'aide d'un procédé automatique.
4) Sauf preuve contraire, est auteur celui ou ceux sous le nom
ou pseudonyme desquels l'oeuvre est déclarée à l'organisme
de gestion collective compétente ou est publiée.
8. -- 1) Les coauteurs sont les premiers
cotitulaires du droit d'auteur sur l'oeuvre de collaboration. Cependant, sauf
stipulation contraire entre les coauteurs, si une oeuvre de collaboration peut
être divisée en parties indépendantes, chaque coauteur est
libre d'exploiter la partie indépendante qu'il a créée
tout en demeurant cotitulaire des droits attachés à l'oeuvre de
collaboration considérée comme un tout. Toutefois, cette
exploitation ne doit pas porter préjudice à celle de l'oeuvre
commune.
2) Les coauteurs doivent exercer leurs droits d'un commun
accord. Le coauteur qui prend l'initiative d'agir en justice pour la
défense de ses droits patrimoniaux est tenu, à peine
d'irrecevabilité de sa demande, de mettre en cause ses coauteurs.
3) La mise à jour des éléments de
l'oeuvre due à l'un des coauteurs ne peut être faite sans son
consentement ou sans mise en demeure d'avoir à la faire s'il s'y refuse.
4) Le coauteur qui a volontairement laissé exploiter
l'oeuvre de collaboration sans rien réclamer a ainsi renoncé
à tirer profit de cette exploitation, mais peut exercer pour l'avenir
des droits de coauteurs.
5) Sauf convention contraire, les bénéfices
résultant de l'exploitation de l'oeuvre reviennent à chaque
coauteur proportionnellement à sa contribution dans la création.
6) L'oeuvre de collaboration fait l'objet d'une convention de
collaboration. En cas de désaccord, il appartient à la
juridiction compétente de statuer.
7) Nonobstant les droits découlant pour le coauteur de
sa contribution à l'oeuvre de collaboration, les autres coauteurs d'un
commun accord, peuvent faire terminer une contribution que ce coauteur n'a pas
achevée par suite de refus ou d'un cas de force majeure.
8) L'oeuvre de collaboration est réputée
achevée lorsque la version définitive a été
établie d'un commun accord entre les coauteurs. Pour les oeuvres de
collaboration qui constituent des oeuvres de commande, la version
définitive doit avoir été établie d'un commun
accord entre les coauteurs et le commanditaire.
9. -- 1) Les auteurs des oeuvres pseudonymes
ou anonymes jouissent sur celles-ci des prérogatives
énoncées à l'article 13 ci-dessous. Toutefois, tant qu'ils
n'ont pas fait connaître leur identité civile, ni justifié
de leur qualité, ils sont représentés par l'éditeur
de leurs oeuvres.
2) Les dispositions de l'alinéa précédent
ne sont pas applicables lorsque le pseudonyme ne laisse aucun doute sur
l'identité civile de l'auteur.
10. L'auteur d'une oeuvre composite est le
premier titulaire du droit d'auteur sur celle-ci, sous réserve du
respect du droit d'auteur attaché à chaque oeuvre
préexistante incluse dans l'oeuvre dérivée.
11. -- 1) Le premier titulaire du droit
d'auteur sur une oeuvre collective est la personne physique ou morale à
l'initiative et sous la responsabilité de laquelle l'oeuvre a
été créée et qui l'a publiée sous son nom.
2) Sauf stipulation contraire, chaque auteur d'une oeuvre
incluse dans l'oeuvre collective conserve le droit d'exploiter sa contribution
indépendamment de l'oeuvre collective, à condition de ne pas
porter préjudice à l'exploitation de cette dernière.
12. -- 1) Dans le cas d'une oeuvre de
commande, l'auteur est le premier titulaire du droit d'auteur. Toutefois, sauf
disposition contractuelle, les droits patrimoniaux sur ladite oeuvre sont
considérés comme transférés au commanditaire qui
les exerce dans les limites convenues.
2) L'auteur exerce son droit moral sur l'oeuvre de commande
sans nuire à la jouissance des droits patrimoniaux
transférés.
3) Dans le cas d'une oeuvre de commande utilisée pour
la publicité, le contrat entre le commanditaire et l'auteur
entraîne, sauf clause contraire, cession au commanditaire des droits
patrimoniaux sur l'oeuvre, dès lors que ce contrat précise la
rémunération distincte due pour chaque mode d'exploitation de
l'oeuvre en fonction notamment de la zone géographique, de la
durée de l'exploitation, de l'importance du tirage et de la nature du
support.
Chapitre II
Des attributs du droit d'auteur
13. -- 1) Les auteurs des oeuvres de l'esprit
jouissent sur celles-ci, du seul fait de leur création, d'un droit de
propriété exclusif et opposable à tous, dit «droit
d'auteur» dont la protection est organisée par la présente
loi.
2) Ce droit comporte des attributs d'ordre moral et des
attributs d'ordre patrimonial.
14. -- 1) Les attributs d'ordre moral
confèrent à l'auteur, indépendamment de ses droits
patrimoniaux et même après la cession desdits droits, le droit :
a) de décider de la divulgation et de
déterminer les procédés et les modalités de cette
divulgation;
b) de revendiquer la paternité de son oeuvre
en exigeant que son nom ou sa qualité soit indiquée chaque fois
que l'oeuvre est rendue accessible au public;
c) de défendre l'intégrité de
son oeuvre en s'opposant notamment à sa déformation ou
mutilation;
d) de mettre fin à la diffusion de son oeuvre
et d'y apporter des retouches.
2) L'auteur ne peut exercer le droit de retrait et de repentir
visé à l'alinéa 1) ci-dessus qu'à charge de
l'indemnisation préalable du bénéficiaire éventuel
d'une autorisation.
3) Le redressement judiciaire ou la liquidation des biens
justifie le retrait d'office de l'oeuvre par l'auteur.
4) Les attributs d'ordre moral sont attachés à
la personne de l'auteur. Ils sont notamment perpétuels,
inaliénables et imprescriptibles.
15. -- 1) Les attributs d'ordre patrimonial
du droit d'auteur emportent le droit exclusif pour l'auteur d'exploiter ou
d'autoriser l'exploitation de son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d'en
tirer un profit pécuniaire.
2) Le droit d'exploitation comprend le droit de
représentation, le droit de reproduction, le droit de transformation, le
droit de distribution et le droit de suite.
3) Les créances attachées aux attributs
patrimoniaux du droit d'auteur sont soumises au même régime que
les créances salariales.
16. -- 1) Par
«représentation», il faut entendre la communication d'une
oeuvre littéraire ou artistique au public, y compris sa mise à la
disposition du public de manière que chacun puisse y avoir accès
à l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement. La
représentation comprend notamment :
a) la récitation, la représentation
dramatique et l'exécution publiques de l'oeuvre par tous moyens ou
procédés;
b) l'exposition publique de l'original ou des
exemplaires d'une oeuvre d'art;
c) la télédiffusion,
c'est-à-dire la diffusion soit sans fil, telles la radiodiffusion ou la
télévision, soit par fil ou tout autre dispositif technique
analogue, de sons, d'images, de textes ou de messages de même nature.
2) L'émission d'une oeuvre vers un satellite est
assimilée à une représentation, même si ladite
émission est effectuée en dehors du territoire national
dès lors qu'elle a été faite à la demande, pour le
compte ou sous le contrôle d'une entreprise de communication ayant son
principal établissement sur le territoire national.
17. -- 1) Par «reproduction», il
faut entendre la fixation matérielle de tout ou partie d'une oeuvre
littéraire ou artistique par tous moyens qui permettent de la
communiquer au public d'une manière indirecte, y compris par stockage
permanent ou temporaire sous forme électronique. Elle s'effectue
notamment par photographie, imprimerie, dessin, gravure, moulage,
enregistrement audiovisuel, magnétique ou mécanique.
2) Pour une oeuvre d'architecture, l'exécution
répétée d'un plan ou d'un projet type équivaut
à la reproduction.
18. Par «transformation», il faut
entendre l'adaptation, la traduction, l'arrangement ou une autre modification
d'une oeuvre littéraire ou artistique.
19. La distribution est l'offre de vente, de
location, la vente, la location ou tout autre acte de mise en circulation
à titre onéreux de l'original ou des exemplaires d'une oeuvre
littéraire ou artistique.
20. -- 1) Le droit de suite confère
à l'auteur des oeuvres graphiques ou plastiques ou des manuscrits,
nonobstant toute cession de l'original de l'oeuvre ou du manuscrit, un droit
inaliénable de participation au produit de toute vente de cet original
ou de ce manuscrit faite aux enchères publiques ou par
l'intermédiaire d'un commerçant, quelles que soient les
modalités de l'opération réalisée par ce dernier.
2) Le taux de ce droit et les modalités de perception
sont fixés par voie réglementaire.
3) Ce droit est transmissible à cause de mort.
21. -- 1) La propriété d'une
oeuvre est indépendante de la propriété de l'objet
matériel. Sauf stipulation contraire, l'acquéreur de l'original
ou d'un exemplaire d'une oeuvre n'est investi, du fait de cette acquisition,
d'aucun des droits d'auteurs prévus par la présente loi. Ces
droits subsistent en la personne du premier titulaire du droit d'auteur ou de
ses ayants droit ou ayants cause qui ne pourront toutefois exiger de
l'acquéreur la mise à leur disposition dudit objet.
2) Sauf stipulation contraire et nonobstant les dispositions
de l'alinéa 1) ci-dessus, l'acquéreur légitime d'un
original ou d'un exemplaire d'une oeuvre, jouit du droit de présentation
direct de cet original ou exemplaire au public.
3) Le droit prévu à l'alinéa 2) ci-dessus
ne s'étend pas aux personnes qui sont entrées en possession
d'originaux ou d'exemplaires d'une oeuvre par voie de location ou de tout autre
moyen sans en avoir acquis la propriété.
22. -- 1) L'exploitation de l'oeuvre par une
personne autre que le premier titulaire du droit d'auteur ne peut avoir lieu
sans l'autorisation préalable de ce dernier ou de ses ayants droit ou
ayants cause, donnée par tout moyen laissant trace écrite, y
compris les supports électroniques.
2) L'écrit est exigé à peine de
nullité.
3) L'autorisation d'exploiter une oeuvre peut porter sur tout
ou partie des droits patrimoniaux, à titre gratuit ou onéreux.
4) Lorsque l'autorisation est totale, sa portée est
limitée aux modes d'exploitation prévus dans l'acte.
5) L'autorisation portant sur les droits d'adaptation
audiovisuelle doit faire l'objet d'un écrit distinct de celui relatif
à l'édition proprement dite de l'oeuvre imprimée.
6) L'autorisation est limitée aux droits patrimoniaux
expressément mentionnés dans l'acte. Chaque droit fait l'objet
d'une mention distincte.
7) L'acte d'autorisation détermine les buts
envisagés, le mode, la durée et le lieu dieu d'exploitation est
considéré comme limitant l'autorisation au pays dans lequel elle
est accordée.
8) Le défaut de mention du lieu d'exploitation est
considéré comme limitant l'autorisation au pays dans lequel elle
est accordée.
9) Le défaut de mention du lieu d'exploitation est
considéré comme limitant l'autorisation au mode d'exploitation
nécessaire aux buts envisagés lors de l'octroi de la licence.
23. -- 1) Le contrat de licence peut
être exclusif ou non.
2) Une licence non exclusive autorise son titulaire à
accomplir, de la manière qui lui est permise, les actes qu'elle concerne
en même temps que le premier titulaire du droit d'auteur et d'autres
titulaires éventuels de licences non exclusives.
3) Une licence exclusive autorise son titulaire à
l'exclusion de tout autre, y compris le premier titulaire du droit d'auteur,
à accomplir de la manière qui lui est permise les actes qu'elle
concerne.
4) Aucune licence ne doit être considérée
comme licence exclusive sauf stipulation expresse dans le contrat entre le
premier titulaire du droit d'auteur et le titulaire de la licence.
24. -- 1) La rémunération de
l'auteur est proportionnelle aux recettes d'exploitation.
2) Elle peut être forfaitaire dans les cas suivants :
a) la base de calcul de la participation
proportionnelle ne peut pratiquement être déterminée;
b) les frais de contrôle sont hors de
proportion avec les résultats à atteindre;
c) l'utilisation de l'oeuvre ne présente qu'un
caractère accessoire par rapport à l'objet exploité.
3) Lorsqu'une rémunération forfaitaire est
fixée en violation de la règle prévue à
l'alinéa 1), la rémunération s'élève
à 20 % des recettes d'exploitation.
25. Le bénéficiaire de
l'autorisation doit rechercher une exploitation effective conforme aux usages
de la profession et à la nature de l'oeuvre.
26. L'autorisation d'exploiter l'ensemble des
oeuvres futures de l'auteur est nulle sauf si elle est faite en faveur d'un
organisme de gestion collective.
27. Est réputée nulle la clause
par laquelle l'auteur s'engage à ne pas créer d'oeuvre.
28. Les droits d'auteur sont transmissibles
à cause de mort.
29. -- 1) Lorsque l'oeuvre a
été publiée avec l'autorisation de l'auteur, ce dernier ne
peut interdire :
a) les représentations privées
effectuées exclusivement dans un cercle de famille, à condition
qu'elles ne donnent lieu à aucune forme de recette;
b) les représentations effectuées
gratuitement à des fins éducatives, scolaires ou au cours d'un
service religieux et dans les enceintes réservées à cet
effet;
c) les reproductions et transformations en un seul
exemplaire destinées à un usage strictement personnel et
privé de celui qui les accomplit, excluant toute utilisation collective
ou toute exploitation à des fins lucratives, sauf dans les cas
prévus aux alinéas 2) et 3) ci-dessous;
d) les analyses, les revues de presse, les courtes
citations justifiées par le caractère critique,
pédagogique, scientifique ou d'information de l'oeuvre, à
condition qu'elles soient accompagnées par la mention «source»
et du nom de l'auteur, si ce nom figure dans la source;
e) l'utilisation des oeuvres littéraires ou
artistiques à titre d'illustration de l'enseignement par le moyen de
publication, d'émission de télédiffusion ou
d'enregistrement sonores ou visuels, sous réserve qu'une telle
utilisation ne soit pas abusive et qu'elle soit dénuée de tout
caractère lucratif;
f) la parodie, le pastiche et la caricature, compte
tenu des lois du genre;
g) les reproductions en braille destinées aux
aveugles;
h) la reproduction ou la transformation aux fins de
preuve dans les procédures administratives ou judiciaires.
2) La reproduction temporaire d'une oeuvre est permise
à condition que cette reproduction :
a) ai lieu au cours d'une transmission
numérique de l'oeuvre ou d'un acte visant à rendre perceptible
une oeuvre stockée sous forme numérique;
b) soit effectuée par une personne physique ou
morale autorisée par le titulaire du droit d'auteur ou par la loi,
à effectuer ladite transmission de l'oeuvre ou l'acte visant à la
rendre perceptible;
c) ait un caractère accessoire par rapport
à la transmission, qu'elle ait lieu dans le cadre de l'utilisation
normale du matériel et qu'elle soit automatiquement effacée sans
permettre la récupération électronique de l'oeuvre
à des fins autres que celles prévues aux a) et b)
ci-dessus.
3) La limitation pour copie privée prévue
à l'alinéa 1) ci-dessus ne s'applique pas :
a) à la reproduction d'oeuvre d'architecture
sous forme de bâtiments ou de constructions similaires;
b) à la reproduction reprographique d'un livre
entier ou d'une oeuvre musicale sous forme graphique;
c) à la reproduction de bases ou banques de
données et des logiciels, sauf dans les cas prévus à
l'article 36;
d) à aucune autre reproduction d'une oeuvre
qui porterait atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ou qui
causerait un préjudice injustifié aux intérêts
légitimes de l'auteur.
30. Les oeuvres littéraires ou
artistiques vues, entendues ou enregistrées au cours d'un
événement d'actualité peuvent, dans un but d'information,
et par courts extraits, être reproduites et rendues accessibles au public
à l'occasion d'un compte rendu de cet événement par le
moyen de la photographie ou par voie de télédiffusion ou tout
autre procédé de communication publique.
31. Sauf si le droit d'exploitation est
expressément réservé, les articles d'actualité
politique, sociale, économique ou religieuse, les discours politiques,
les discours prononcés dans les débats judiciaires ainsi que les
sermons, conférences, allocutions et autres oeuvres de même nature
peuvent être reproduits par la presse ou
télédiffusées en version originale ou en traduction.
Toutefois, la source doit toujours être clairement indiquée, ainsi
que le nom de l'auteur.
32. -- 1) Les oeuvres d'art, y compris les
oeuvres d'architecture placées de façon permanente dans un lieu
public, peuvent être reproduites et rendues accessibles au public par le
moyen de la photographie ou de l'audiovisuel.
2) Est illicite toute exploitation à des fins
lucratives de ces reproductions sans l'autorisation préalable de
l'auteur des oeuvres visées à l'alinéa
précédent.
33. -- 1) Lorsque l'autorisation de
télédiffuser a été accordée à une
entreprise de communication audiovisuelle, ladite autorisation couvre
l'ensemble des communications gratuites sonores ou visuelles
exécutées par cette entreprise par ses propres moyens techniques
et artistiques et sous sa responsabilité.
2) L'autorisation visée ci-dessus ne s'étend pas
aux exécutions effectuées dans les lieux publics, tels que les
cafés, les restaurants, les hôtels, les cabarets, les magasins
divers, les centres culturels, les moyens de transport public, les clubs dits
privés pour lesquels une autorisation préalable doit être
sollicitée.
34. Sauf stipulation contraire :
a) l'autorisation de télédiffuser une
oeuvre par voie hertzienne ne comprend pas la distribution par câble de
cette télédiffusion, à moins qu'elle ne soit faite en
simultané et intégralement par l'organisme
bénéficiaire de cette autorisation et sans extension de la zone
géographique conventionnellement prévue;
b) l'autorisation de télédiffuser
l'oeuvre ne vaut pas autorisation de communiquer la télédiffusion
de cette oeuvre dans un lieu accessible au public;
c) l'autorisation de télédiffuser
l'oeuvre par voie hertzienne ne comprend pas son émission vers un
satellite permettant la réception de cette oeuvre par
l'intermédiaire d'organismes tiers, à moins que l'auteur ou ses
ayants droit ou ses ayants cause aient autorisé ces organismes à
communiquer l'oeuvre au public, auquel cas l'organisme d'émission est
exonéré du paiement de toute rémunération.
35. -- 1) Pour leurs émissions
diffusées, il est permis aux organismes de communication audiovisuelle
de procéder par leurs propres moyens à des enregistrements
éphémères des oeuvres en un ou plusieurs exemplaires,
qu'ils sont autorisés à diffuser. Ces exemplaires ne peuvent
être vendus, loués ou prêtés.
2) Les enregistrements éphémères doivent
être détruits dans un délai de trois mois, à moins
que le titulaire du droit de reproduction n'ait expressément consenti un
délai de conservation plus long.
3) Sans préjudice du droit de l'auteur à une
rémunération équitable, les reproductions pourront
être conservées dans les archives officielles.
36. -- 1) Pour les droits de reproduction et
de transformation des logiciels et des bases ou banques de données,
outre les dérogations prévues à l'article 29.2), seules
sont admises les exceptions prévues au présent article.
2) Le titulaire du droit d'auteur ne peut interdire au
détenteur légitime d'un logiciel ou d'une base ou banque de
données :
a) de reproduire les parties mineures de cette base
ou banque de données;
b) de reproduire ou transformer ce logiciel ou cette
base ou banque de données conformément à leur destination,
y compris de corriger les erreurs;
c) de reproduire ce logiciel ou cette base ou banque
de données en vue de les remplacer au cas où ils seraient perdus,
détruits ou rendus inutilisables;
d) de procéder à la
décompilation, c'est-à-dire de reproduire et de traduire ce
logiciel, lorsque ces actes permettent d'obtenir les informations
nécessaires pour réaliser un logiciel compatible avec ce dernier
ou avec un ou plusieurs autres logiciels.
37. -- 1) Les droits patrimoniaux de l'auteur
durent toute sa vie. Ils persistent après son décès,
pendant l'année civile en cours et les cinquante années qui
suivent. Ils persistent également au profit de tous ayants droit ou
ayants cause pendant l'année de la mort du dernier survivant des
collaborateurs et les cinquante années qui suivent pour les oeuvres de
collaboration.
2) Les droits patrimoniaux d'auteur durent pendant les
cinquante années à compter de la fin de l'année civile au
cours de laquelle l'oeuvre a été publiée avec le
consentement de l'auteur. Si une telle publication n'a pas eu lieu dans les
cinquante années à compter de la création, les droits
durent cinquante années à compter de la fin de l'année
civile de la création. C'est le cas :
a) des oeuvres audiovisuelles;
b) des oeuvres d'art appliqué;
c) des oeuvres collectives.
3) Pour les oeuvres anonymes ou pseudonymes, les droits durent
les cinquante années qui suivent la fin de l'année civile de la
publication autorisée. La durée est celle de l'alinéa 1)
du présent article si le pseudonyme ne laisse aucun doute sur
l'identité civile de l'auteur ou si ce dernier révèle
celle-ci avant l'expiration de ce délai. Si une telle publication n'a
pas eu lieu dans les cinquante années à compter de la
création, les droits durent cinquante années à compter de
la fin de l'année civile de la création.
4) Pour les oeuvres posthumes la durée est de cinquante
années à compter de la fin de l'année civile de la
publication autorisée de l'oeuvre. Les droits patrimoniaux appartiennent
aux ayants droit de l'auteur ou aux ayants cause lorsque l'oeuvre est
publiée au cours de la période prévue à
l'alinéa 1) du présent article. Lorsque la publication a eu lieu
à l'expiration de cette période, les droits appartiennent
à l'ayant droit ou à l'ayant cause qui a procédé ou
fait procéder à cette publication.
38. Les oeuvres posthumes doivent faire
l'objet d'une publication séparée, sauf si elles ne constituent
qu'un fragment d'une oeuvre précédemment publiée. Elles ne
peuvent être jointes aux autres oeuvres du même titulaire
précédemment publiées que si les ayants droit ou ayants
cause jouissent encore sur celles-ci du droit d'exploitation.
39. -- 1) À l'expiration des
délais de protection visés à l'article 37 ci-dessus, le
droit exclusif tombe dans le domaine public.
2) L'exploitation des oeuvres du domaine public est
subordonnée au respect des droits moraux, à une
déclaration préalable adressée au ministre en charge de la
culture et au paiement d'une redevance dont le produit est versé dans le
compte de soutien à la politique culturelle prévu à
l'article 5.4) ci-dessus.
3) Le taux de la redevance est fixé par voie
réglementaire.
Chapitre III
Du contrat de
représentation et du contrat d'édition
40. Le contrat de représentation est
la convention par laquelle le titulaire du droit d'auteur autorise un
organisateur de spectacle à exécuter, faire ou laisser
exécuter, représenter, faire ou laisser représenter
publiquement ladite oeuvre, selon les conditions qu'ils déterminent.
41. -- 1) Le contrat de représentation
est conclu pour une durée limitée et pour un nombre
déterminé de communications au public. Sauf stipulation expresse
de droit exclusif, il ne confère à l'entrepreneur de spectacles
aucun monopole d'exploitation.
2) La représentation publique doit se faire dans les
conditions propres à garantir le respect du droit moral du titulaire
visé à l'article 40 ci-dessus.
3) L'organisation de spectacles est subordonnée
à l'obtention d'une autorisation et au paiement par l'organisateur d'une
redevance dans les conditions fixées par voie réglementaire.
L'organisateur de spectacles ne peut transférer le
bénéfice de son contrat sans le consentement écrit du
titulaire du droit d'auteur.
42. Le contrat d'édition est la
convention par laquelle le titulaire du droit d'auteur autorise à des
conditions déterminées, une personne appelée
éditeur, à fabriquer un nombre défini d'exemplaires de
l'oeuvre, à charge pour elle d'en assurer la publication.
43. -- 1) Le titulaire du droit d'auteur est
tenu :
a) de garantir à l'éditeur l'exercice
paisible et, sauf convention contraire, exclusif du droit cédé ou
concédé;
b) de faire respecter ce droit et de le
défendre contre toute atteinte;
c) de permettre à l'éditeur de remplir
ses obligations et notamment de lui remettre dans un délai prévu
au contrat, l'objet de l'édition dans une forme qui permette la
fabrication normale.
2) L'éditeur est tenu :
a) d'effectuer ou de faire effectuer la fabrication
selon les conditions et suivant les modes d'expression prévus au
contrat;
b) de n'apporter à l'oeuvre aucune
modification sans l'autorisation écrite du titulaire du droit d'auteur;
c) de faire figurer sur chacun des exemplaires, sauf
convention contraire, le nom, le pseudonyme ou la marque du titulaire du droit
d'auteur;
d) de réaliser, sauf convention
spéciale, l'édition dans un délai fixé par les
usages de la profession;
e) d'assurer à l'oeuvre une exploitation
permanente et suivie, ainsi qu'une diffusion commerciale, conformément
aux usages de la profession;
f) de restituer au titulaire du droit d'auteur
l'objet de l'édition après achèvement de la fabrication.
44. -- 1) L'éditeur est
également tenu de fournir au titulaire du droit d'auteur toutes
justifications propres à établir l'exactitude de ses comptes.
2) Le titulaire du droit d'auteur pourra exiger, à
défaut de modalités spéciales prévues au contrat,
au moins une fois l'an, la production par l'éditeur d'un état
mentionnant le nombre d'exemplaires fabriqués au cours de l'exercice et
précisant la date et l'importance des tirages, ainsi que le nombre
d'exemplaires en stock.
3) Sauf usages ou conventions contraires, l'état
visé à l'alinéa 2) ci-dessus mentionnera le nombre
d'exemplaires vendus par l'éditeur, ceux des exemplaires inutilisables
ou détruits par cas fortuit ou par force majeure, ainsi que le montant
des redevances dues ou versées au titulaire du droit d'auteur.
45. -- 1) Lorsque, en cas de redressement
judiciaire ou de liquidation des biens, l'exploitation du fonds de commerce est
continuée par le syndic ou le liquidateur, celui-ci est tenu par toutes
les obligations de l'éditeur. Dans le cas contraire et lorsqu'aucune
cession dudit fonds n'est intervenue dans le délai d'une année
à partir du jugement déclaratif de faillite, le contrat
d'édition peut, à la demande du titulaire du droit d'auteur,
être résilié.
2) En cas de vente du fonds de commerce, l'acquéreur
est tenu par les obligations du cédant.
3) Le syndic ou le liquidateur ne peut procéder
à la vente en solde des exemplaires fabriqués ni à leur
réalisation que quinze jours au moins après avoir averti le
titulaire du droit d'auteur de son intention par lettre recommandée avec
accusé de réception. Le titulaire du droit d'auteur
possède, sur tout ou partie des exemplaires, un droit de
préemption. À défaut d'accord, le prix de rachat sera
fixé à dire d'expert.
46. -- 1) L'éditeur ne peut
transmettre, à titre gratuit ou onéreux, ou par voie d'apport en
société, le bénéfice du contrat d'édition
à des tiers, indépendamment de son fonds de commerce, sans en
avoir préalablement obtenu l'autorisation du titulaire du droit
d'auteur.
2) En cas d'aliénation du fonds de commerce de nature
à compromettre gravement les intérêts matériels ou
moraux du titulaire, celui-ci est fondé à obtenir
réparation même par voie de résiliation du contrat.
3) Lorsque le fonds de commerce d'édition était
exploité en société ou dépendait d'une indivision,
l'attribution du fonds à l'un des ex-associés ou l'un des
co-indivisaires, en conséquence de la liquidation ou du partage, ne
peut, en aucun cas, être considérée comme une cession.
47. -- 1) Le contrat d'édition prend
fin, indépendamment des cas prévus par le droit commun ou par les
articles précédents, lorsque l'éditeur procède
à la destruction totale des exemplaires de l'oeuvre.
2) La résiliation a lieu de plein droit lorsque, sur
mise en demeure du titulaire du droit d'auteur lui impartissant un délai
d'épuisement, l'éditeur n'a pas procédé à la
réédition. L'édition est considérée comme
épuisée si deux demandes de livraison d'exemplaires
adressées à l'éditeur ne sont pas satisfaites dans les six
mois.
3) En cas de décès, ou, selon le cas, de
dissolution du titulaire du droit d'auteur, si l'oeuvre est inachevée,
le contrat est résilié en ce qui concerne la partie de l'oeuvre
non terminée, sauf accord entre l'éditeur et les ayants droit ou
ayants cause dudit titulaire.
48. Le titulaire du droit d'auteur peut
accorder à un éditeur un droit de préférence pour
l'édition de ses oeuvres futures, à condition qu'elles soient
relatives à un genre déterminé. Ce droit est toutefois
limité pour chaque genre à cinq ouvrages nouveaux.
49. -- 1) Ne constitue pas un contrat
d'édition :
a) le contrat dit «à compte
d'auteur» par lequel le titulaire du droit d'auteur verse à
l'éditeur une rémunération convenue, à charge pour
ce dernier de fabriquer en nombre, dans la forme et suivant les modes
d'expression déterminés au contrat, des exemplaires de l'oeuvre
et d'en assurer la publication et la diffusion. Ce contrat constitue un louage
d'ouvrage;
b) le contrat dit «de compte à demi»
par lequel le titulaire du droit d'auteur charge un éditeur de fabriquer
à ses frais et en nombre déterminé, dans la forme et
suivant les modes d'expression définis au contrat, des exemplaires de
l'oeuvre, et d'en assurer la publication et la diffusion, moyennant
l'engagement réciproquement contracté de partager
proportionnellement les bénéfices et les pertes d'exploitation.
Ce contrat constitue une association en participation.
2) Les contrats visés à l'alinéa
précédent ne sont réputés conclus qu'après
approbation de l'organisme compétent de gestion collective.
Chapitre IV
Du contrat de production
audiovisuelle
50. Le contrat de production audiovisuelle
est la convention par laquelle une ou plusieurs personnes physiques s'engagent,
moyennant rémunération, à créer une oeuvre
audiovisuelle pour une personne physique ou morale dénommée
producteur.
51. -- 1) Le contrat qui lie le producteur
aux auteurs d'une oeuvre audiovisuelle, autres que l'auteur d'une oeuvre
musicale, emporte, sauf clause contraire et sans préjudice des droits
reconnus à l'auteur, cession au profit du producteur des droits
exclusifs d'exploitation de l'oeuvre audiovisuelle.
2) Le contrat de production audiovisuelle n'emporte pas
cession au producteur des droits graphiques et théâtraux sur
l'oeuvre. Il prévoit la liste des éléments ayant servi
à la réalisation de l'oeuvre qui sont conservés, ainsi que
les modalités de cette conservation.
3) La rémunération des auteurs est due pour
chaque sorte d'exploitation. Sous réserve des dispositions de l'article
24 ci-dessus, lorsque le public paie un prix pour recevoir communication d'une
oeuvre audiovisuelle déterminée et individualisable, la
rémunération est proportionnelle à ce prix compte tenu des
tarifs dégressifs éventuels accordés par le distributeur.
Elle est versée aux auteurs par le producteur.
52. -- 1) Le producteur fournit, au moins une
fois par an, à l'auteur et aux coauteurs, un état des recettes
provenant de l'exploitation de l'oeuvre, selon chaque mode d'exploitation.
À la demande de ces derniers, il leur fournit toute justification propre
à établir l'exactitude des comptes, notamment la copie des
contrats par lesquels il cède à des tiers tout ou partie des
droits à sa disposition.
2) L'auteur garantit au producteur l'exercice paisible des
droits cédés.
53. -- 1) Le producteur est tenu d'assurer
à l'oeuvre audiovisuelle une exploitation conforme aux usages de la
profession et à la nature de l'oeuvre.
2) Le producteur doit consulter le réalisateur avant
tout transfert de l'oeuvre audiovisuelle sur un autre type de support en vue
d'un autre mode d'exploitation.
54. En vue du paiement de la
rémunération qui leur est due au titre de l'exploitation de
l'oeuvre audiovisuelle, les auteurs bénéficient du même
privilège que celui prévu à l'article 15.3) ci-dessus.
55. -- 1) Le redressement judiciaire ou la
liquidation des biens n'entraîne pas la résiliation du contrat de
production audiovisuelle. Lorsque la réalisation ou l'exploitation de
l'oeuvre est continuée, toutes les obligations du producteur à
l'égard des coauteurs doivent être respectées par le
syndic, l'administrateur ou toute personne intervenant dans les
opérations de l'entreprise pendant le redressement judiciaire ou la
liquidation des biens.
2) En cas de cession de tout ou partie de l'entreprise ou de
liquidation, l'administrateur, le débiteur, le liquidateur, selon le cas
est tenu d'établir un lot distinct pour chaque oeuvre audiovisuelle
pouvant faire l'objet d'une cession ou d'une vente aux enchères. Il a
l'obligation d'aviser à peine de nullité, chacun des auteurs et
des coproducteurs de l'oeuvre par lettre recommandée un mois avant toute
décision sur la cession ou toute procédure de liquidation.
L'acquéreur est de même lié par les obligations du
cédant. L'auteur et les coauteurs possèdent un droit de
préemption sur l'oeuvre, sauf si l'un des coproducteurs se
déclare acquéreur. À défaut d'accord, le prix
d'achat est fixé à dire d'expert.
3) Lorsque l'activité de l'entreprise a cessé
depuis plus de trois mois ou lorsque la liquidation est prononcée,
l'auteur et les coauteurs peuvent demander la résiliation du contrat de
production audiovisuelle.
Titre III
Des droits voisins du droit
d'auteur
56. -- 1) Les droits voisins du droit
d'auteur comprennent les droits des artistes-interprètes, des
producteurs de phonogrammes ou de vidéogrammes et des entreprises de
communication audiovisuelle.
2) La jouissance des droits reconnus aux personnes physiques
et morales énumérées ci-dessus ne peut en tout état
de cause porter atteinte aux droits d'auteur, ni en limiter l'exercice.
57. -- 1) L'artiste-interprète a le
droit exclusif de faire ou d'autoriser les actes suivants :
a) la communication au public de son
interprétation, y compris la mise à disposition du public, par
fil ou sans fil, de son interprétation fixée sur phonogramme ou
vidéogramme, de manière que chacun puisse y avoir accès de
l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement, sauf lorsque la
communication au public :
-- est faite à partir d'une fixation ou d'une
communication au public de l'interprétation;
-- est une réémission autorisée par
l'entreprise de communication audiovisuelle qui émet le premier
l'interprétation;
b) la fixation de son interprétation non
fixée;
c) la reproduction d'une fixation de son
interprétation;
d) la distribution d'une fixation de son
interprétation, par la vente, l'échange, la location au public;
e) l'utilisation séparée du son et de
l'image de l'interprétation, lorsque celle-ci a été
fixée à la fois pour le son et l'image.
2) En l'absence d'accord contraire :
a) toute autorisation de télédiffuser
accordée à une entreprise de communication audiovisuelle est
personnelle;
b) l'autorisation de télédiffuser
n'implique pas autorisation de fixer l'interprétation;
c) l'autorisation de télédiffuser et de
fixer l'interprétation n'implique pas autorisation de reproduire la
fixation;
d) l'autorisation de fixer l'interprétation et
de reproduire cette fixation n'implique pas autorisation de
télédiffuser l'interprétation à partir de la
fixation ou de ses reproductions.
58. -- 1) L'artiste-interprète a droit
au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation.
2) Ce droit est attaché à sa personne. Il est
notamment perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est
transmissible à cause de mort.
59. -- 1) Le producteur du phonogramme jouit
du droit exclusif d'accomplir ou d'autoriser toute reproduction, mise à
la disposition du public par la vente, l'échange, le louage ou la
communication au public du phonogramme, y compris la mise à disposition
du public par fil et sans fil de son phonogramme, de manière que chacun
puisse y avoir accès à l'endroit et au moment qu'il choisit
individuellement.
2) Les droits reconnus au producteur du phonogramme en vertu
de l'alinéa précédent, ainsi que le droit d'auteur et les
droits des artistes-interprètes dont il disposerait sur l'oeuvre
fixée, ne peuvent faire l'objet de cessions séparées.
60. Lorsqu'un phonogramme est mis en
circulation à des fins commerciales, ni l'artiste-interprète ni
le producteur ne peuvent s'opposer à sa communication directe dans un
lieu public, dès lors qu'il n'est pas utilisé dans un spectacle,
ni à sa télédiffusion ou à sa distribution
simultanée et intégrale par câble.
61. -- 1) L'utilisation dans les conditions
visées à l'article 60 ci-dessus des phonogrammes publics à
des fins commerciales, quel que soit le lieu de fixation de ceux-ci, ouvre
droit à rémunération au profit des
artistes-interprètes et des producteurs.
2) Cette rémunération est versée par les
personnes qui utilisent les phonogrammes publics à des fins
commerciales. Elle est assise sur les recettes d'exploitation ou, à
défaut, évaluée forfaitairement. Elle est répartie
par moitié entre les artistes-interprètes et les producteurs de
phonogrammes.
62. -- 1) Le barème de
rémunération et les modalités de versement de cette
rémunération sont établis par l'organisme compétent
de gestion collective en concertation avec les personnes utilisant les
phonogrammes dans les conditions visées aux articles 59 et 61 ci-dessus.
2) À défaut d'accord dans les six mois de
l'entrée en vigueur de la présente loi ou dans l'hypothèse
où aucun accord n'intervient à l'expiration d'un
précédent accord, une commission d'arbitrage dont la composition
est déterminée par voie réglementaire statue
définitivement sur la question.
63. -- 1) Les personnes utilisant les
phonogrammes à des fins commerciales sont tenues, lorsqu'elles
s'acquittent de leurs obligations, de fournir à l'organisme
compétent de gestion collective les programmes exacts des utilisations
auxquelles elles procèdent et tous les éléments
documentaires indispensables à la répartition des droits.
2) La rémunération prévue au
présent titre est perçue pour le compte des ayants droit ou
ayants cause et répartie entre ceux-ci par l'organisme compétent
de gestion collective.
64. -- 1) Le producteur du vidéogramme
jouit du droit exclusif d'accomplir ou d'autoriser toute reproduction, mise
à la disposition du public par la vente, l'échange, le louage, ou
la communication au public du vidéogramme, y compris la mise à
disposition du public, par fil ou sans fil, de son vidéogramme, de
manière que chacun puisse y avoir accès à l'endroit et au
moment qu'il choisit individuellement.
2) Les droits reconnus au producteur du vidéogramme en
vertu de l'alinéa précédent, ainsi que les droits
d'auteurs et les droits des artistes-interprètes, dont il disposerait
sur l'oeuvre fixée, ne peuvent faire l'objet de cessions
séparées.
65. L'entreprise de communication
audiovisuelle jouit du droit exclusif d'accomplir ou d'autoriser :
-- la fixation, la reproduction de la fixation, la
réémission des programmes et la communication au public de ses
programmes, y compris la mise à disposition du public, par fil ou sans
fil, de ses programmes de manière que chacun puisse y avoir accès
à l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement;
-- la mise à la disposition du public par vente, louage
ou échange de ses programmes.
66. Les autorisations visées au
présent titre doivent, à peine de nullité, être
données par tout moyen laissant trace écrite, y compris les
supports électroniques.
67. -- 1) Les bénéficiaires des
droits ouverts au présent titre ne peuvent interdire :
a) les représentations privées et
gratuites effectuées exclusivement dans un cercle familial;
b) les reproductions strictement
réservées à l'usage privé de la personne qui les
réalise et non destinées à l'utilisation collective;
c) sous réserve d'éléments
suffisants d'identification de la source :
-- les analyses et courtes citations justifiées par le
caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique
ou d'information de l'oeuvre à laquelle elles sont incorporées;
-- les revues de presse;
-- la diffusion, même intégrale à titre
d'information, d'actualité, des discours destinés au public dans
les assemblées politiques, administratives, judiciaires ou
académiques, ainsi que dans des réunions publiques à
caractère politique et les cérémonies officielles;
d) la parodie, le pastiche et la caricature, compte
tenu des lois du genre.
2) Les artistes-interprètes ne peuvent interdire ni la
reproduction ni la communication publique de leurs prestations si elles sont
accessoires à un événement constituant un sujet principal
d'une séquence, d'une oeuvre ou d'un document audiovisuel.
68. La durée des droits patrimoniaux,
objet du présent titre est de cinquante ans à compter :
-- de la fin de l'année civile de fixation, pour les
phonogrammes, vidéogrammes et les interprétations qui y sont
fixées;
-- de la fin de l'année civile d'exécution, pour
les interprétations non fixées sur phonogrammes ou
vidéogrammes;
-- de la fin de l'année civile de
télédiffusion, pour les programmes des entreprises de
communication audiovisuelle.
Titre IV
De la
rémunération pour copie privée
Chapitre I
De la
rémunération pour copie privée des phonogrammes et
vidéogrammes de commerce
69. Les auteurs et les
artistes-interprètes des oeuvres et interprétations fixées
sur phonogrammes ou vidéogrammes, ainsi que les producteurs de ces
phonogrammes ou vidéogrammes, ont droit à une
rémunération au titre de la reproduction destinée à
un usage strictement personnel et privé.
70. -- 1) La rémunération
prévue au précédent article est versée par le
fabricant ou l'importateur des supports d'enregistrement utilisables pour la
reproduction à usage privé d'oeuvres ou d'interprétations
fixées sur phonogrammes ou vidéogrammes lors de la mise en
circulation au Cameroun de ceux-ci.
2) Le montant de la rémunération est fonction du
type de support et de la durée d'enregistrement qu'il permet.
71. -- 1) Les types de support, les taux de
rémunération et les modalités de versement sont
déterminés par voie réglementaire.
2) La rémunération prévue au
présent chapitre est perçue pour le compte des ayants droit ou
ayants cause par l'organisme compétent de gestion collective.
3) La rémunération pour copie privée des
phonogrammes ou vidéogrammes bénéficie à parts
égales aux auteurs, aux artistes-interprètes, aux producteurs et
au fonds de soutien à la politique culturelle prévu à
l'article 5.4) ci-dessus.
Chapitre II
De la
rémunération pour copie privée des oeuvres
imprimées
72. Les auteurs des oeuvres imprimées
et les éditeurs desdites oeuvres ont droit à une
rémunération au titre de la reproduction destinée à
un usage strictement personnel et privé.
73. La rémunération
prévue au présent article est versée par le fabricant ou
l'importateur des machines et utilisable pour la reproduction à usage
privé, d'une oeuvre imprimée, lors de la mise en circulation au
Cameroun de ces machines.
74. -- 1) Les types de machines assujettis
à la rémunération et le taux de cette
rémunération, ainsi que les modalités de versement sont
déterminés par voie réglementaire.
2) La rémunération prévue au
présent chapitre est perçue pour le compte des ayants droit ou
ayants cause par l'organisme compétent de gestion collective.
3) La rémunération pour copie privée des
oeuvres imprimées bénéficie à parts égales
aux auteurs, aux éditeurs et au fonds de soutien à la politique
culturelle prévu à l'article 5.4) ci-dessus.
Titre V
De la gestion
collective
75. -- 1) Les titulaires du droit d'auteur ou
des droits voisins peuvent, aux fins de l'exercice de leurs droits,
créer des organismes de gestion collective de droits d'auteurs et de
droits voisins.
2) Il ne peut être créé qu'un organisme
par catégorie de droit d'auteur et de droits voisins. Les
catégories sont déterminées par genre et par association
nécessaire.
3) Les dispositions de l'alinéa 1) du présent
article ne portent nullement préjudice à la faculté
appartenant aux auteurs et aux titulaires de droits voisins d'exercer
directement les droits qui leur sont reconnus par la présente loi.
76. Les modalités de contrôle de
la création et du fonctionnement des organismes de gestion collective du
droit d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur sont fixées par
voie réglementaire.
77. -- 1) Peuvent être membres d'un
organisme de gestion collective, les auteurs, les artistes-interprètes,
les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, les éditeurs
ou leurs ayants droit ou ayants cause.
2) Sauf convention contraire, l'acte d'affiliation à un
organisme confère à celui-ci mandat de son membre pour accomplir
tout acte de gestion collective, telles l'autorisation d'exploitation des
oeuvres, la perception et la répartition des redevances, la
défense judiciaire des droits.
78. -- 1) Les organismes de gestion
collective doivent tenir à la disposition des personnes
intéressées le répertoire de leurs membres et des oeuvres
de ceux-ci.
2) Les organismes de gestion collective doivent utiliser leurs
revenus selon un barème déterminé par leurs statuts et
autres textes fondamentaux approuvés par le ministre chargé de la
culture.
79. -- 1) Tout organisme de gestion
collective est tenu de communiquer au ministre chargé de la culture
spontanément ou à la demande de celui-ci :
a) ses comptes annuels;
b) les modifications de ses statuts et autres textes
fondamentaux ainsi que des règles de perception et de répartition
des droits, un mois au moins avant leur examen par l'assemblée
générale;
c) les accords de coopération et autres
conventions conclus avec les tiers;
d) les décisions de l'assemblée
générale;
e) les bilans et compte rendus, ainsi que le rapport
du commissaire aux comptes;
f) les noms de ses représentants.
2) Le ministre chargé de la culture ou son
représentant peut recueillir, sur pièces et sur place, les
informations mentionnées au présent article.
Titre VI
Des infractions, des
sanctions et des procédures
80. Est constitutive de contrefaçon :
a) toute exploitation d'une oeuvre littéraire
ou artistique faite en violation de la présente loi, par
représentation, reproduction, transformation ou distribution par quelque
moyen que ce soit;
b) toute reproduction, communication au public ou
mise à la disposition du public par vente, échange, location
d'une interprétation, d'un phonogramme, d'un vidéogramme,
réalisées sans l'autorisation lorsqu'elle est exigée, de
l'artiste-interprète, du producteur de phonogramme ou de
vidéogramme, ou de l'entreprise de communication audiovisuelle;
c) toute atteinte au droit moral, par violation du
droit de divulgation, du droit à la paternité ou du droit au
respect d'une oeuvre littéraire ou artistique;
d) toute atteinte au droit à la
paternité et au droit à l'intégrité de la
prestation de l'artiste-interprète.
81. -- 1) Est assimilé à la
contrefaçon :
a) l'importation, l'exportation, la vente ou la mise
en vente des objets contrefaisants;
b) l'importation ou l'exportation de phonogrammes ou
vidéogrammes réalisées sans autorisation lorsqu'elle est
exigée, de l'artiste-interprète ou du producteur de phonogrammes
ou de vidéogrammes;
c) le fait de fabriquer sciemment ou d'importer en
vue de la vente ou de la location, ou d'installer un équipement,
matériel, dispositif ou instrument conçu en tout ou partie pour
capter frauduleusement des programmes télédiffusés lorsque
ces programmes sont réservés à un public
déterminé qui y accède moyennant une
rémunération versée à son opérateur ou
à ses ayants droit ou ayants cause;
d) la neutralisation frauduleuse des mesures
techniques efficaces dont les titulaires de droits d'auteur et de droits
voisins se servent pour la protection de leur production contre les actes non
autorisés;
e) le fait de laisser reproduire ou de
représenter dans son établissement de façon
irrégulière les productions protégées en vertu de
la présente loi;
f) le défaut de versement ou le retard
injustifié de versement d'une rémunération prévue
par la présente loi;
g) le fait d'accomplir les actes suivants, en sachant
ou, pour les sanctions civiles, en ayant de justes raisons de croire que cet
acte va entraîner, permettre, faciliter ou dissimuler une atteinte
à un droit prévu par la présente loi :
-- supprimer ou modifier sans y être habilité,
toute information relative au régime des droits se présentant
sous forme électronique;
-- distribuer, importer aux fins de distribution, communiquer
au public sans y être habilité, des originaux ou des exemplaires
d'oeuvres, d'interprétations, de vidéogrammes, de phonogrammes,
de programmes, en sachant que les informations relatives au régime des
droits se présentant sous forme électronique ont
été supprimées ou modifiées sans autorisation.
2) Par «information sur le régime des
droits», il faut entendre des informations qui permettent d'identifier
l'oeuvre, l'interprétation, le vidéogramme, le phonogramme ou le
programme, ou les informations sur les conditions et modalités
d'utilisation de ces productions et tout numéro ou code
représentant ces informations lorsque l'un de ces éléments
d'information est joint à l'exemplaire d'une production ou est
lié à la communication d'une production au public.
82. -- 1) Les infractions visées aux
articles 80 et 81 sont punies d'un emprisonnement de cinq (5) ans à dix
(10) ans et d'une amende de 500 000 à 10 000 000 de Francs CFA ou de
l'une de ces deux peines seulement.
2) Les peines prévues au présent article sont
doublées lorsque l'auteur de l'infraction est le cocontractant du
titulaire du droit violé.
83. Les infractions aux dispositions de
l'article 20 ci-dessus peuvent entraîner une condamnation solidaire
à des dommages et intérêts par le tribunal au profit des
bénéficiaires du droit de suite, de l'acquéreur, du
vendeur et de la personne chargée de procéder à la vente
aux enchères publiques.
84. -- 1) En tout état de cause, le
tribunal peut ordonner la confiscation des exemplaires contrefaisants, du
matériel ayant servi à la commission de l'infraction, de
même que les recettes qu'elle aurait procurées au contrevenant.
2) Le matériel utilisé par le contrefacteur et
les exemplaires contrefaisants peuvent être détruits.
3) La juridiction peut ordonner la publication de la
décision dans les conditions prévues à l'article 33 du
Code pénal.
85. -- 1) Lorsque leurs droits sont
violés ou menacés de l'être, les personnes physiques ou
morales ou leurs ayants droit ou ayants cause, titulaires des droits
visés par la présente loi, peuvent requérir un officier de
police judiciaire ou un huissier de justice pour constater les infractions et,
au besoin, saisir, sur autorisation du Procureur de la République ou du
juge compétent, les exemplaires contrefaisants, les exemplaires et les
objets importés illicitement et le matériel résultant,
ayant servi ou devant servir à une représentation ou à une
reproduction, installés pour de tels agissements prohibés.
2) Le président du tribunal civil compétent peut
également, par ordonnance sur requête, décider de :
a) la suspension de toute fabrication en cours
tendant à la reproduction illicite d'une oeuvre;
b) la suspension des représentations ou des
exécutions publiques illicites;
c) la saisie même les jours non ouvrables ou en
dehors des heures légales, des exemplaires constituant une reproduction
illicite de l'oeuvre, déjà fabriqués ou en cours de
fabrication, des recettes réalisées ainsi que des exemplaires
contrefaisants;
d) la saisie du matériel ayant servi à
la fabrication;
e) la saisie des recettes provenant de toute
exploitation effectuée en violation des droits d'auteur ou des droits
voisins.
86. -- 1) Dans les quinze jours de la date du
procès-verbal de saisie, le saisi ou le tiers saisi peut demander au
président du tribunal d'en cantonner les effets, ou encore d'autoriser
la reprise de fabrication ou celle des représentations, sous
l'autorité d'un administrateur constitué séquestre,
à qui appartiendront les produits de cette fabrication ou de cette
exploitation.
2) Le président du tribunal statuant en
référé peut, s'il fait droit à une demande du saisi
ou du tiers saisi, ordonner à la charge du demandeur la consignation
d'une somme effectuée à la garantie des dommages et
intérêts auxquels l'auteur pourrait prétendre.
87. Faute pour le saisissant de saisir la
juridiction compétente dans les quinze jours de la saisie,
mainlevée de cette saisie peut être ordonnée, à la
demande du saisi ou du tiers saisi, par le président du tribunal
statuant en référé.
88. Lorsque les produits d'exploitation
revenant au titulaire du droit d'auteur et de droits voisins font l'objet d'une
saisie-attribution, le président du tribunal civil compétent peut
ordonner le versement à l'auteur, à titre alimentaire, d'une
certaine somme ou d'une quotité déterminée des sommes
saisies.
89. Lorsque, par des marchandises qui
viennent d'être dédouanées, une partie porte atteinte au
droit d'auteur ou aux droits voisins, le président du tribunal peut lui
ordonner de cesser la violation.
90. -- 1) Lorsque le titulaire du droit
d'auteur ou de droits voisins soupçonne l'importation ou l'exportation
imminente de marchandises qui violent ses droits, il peut demander au ministre
en charge des douanes ou au président du tribunal de faire suspendre par
les autorités douanières la mise en libre circulation desdites
marchandises.
2) Le demandeur devra, à l'appui de sa demande, fournir
une description des marchandises et prouver l'atteinte en vertu de la loi du
pays d'importation ou de la présente loi.
3) Afin de permettre au demandeur d'engager et justifier son
action en justice, l'administration des douanes devra lui fournir toutes les
informations relatives aux marchandises retenues, nonobstant les dispositions
du code des douanes relatives au secret professionnel. Le transporteur, le
transitaire, le déclarant, l'acconier ou toute autre personne est
astreinte à la même obligation.
4) Le juge ou le ministre peut exiger une caution au
demandeur.
5) L'importateur ou l'exportateur et le demandeur sont
informés de la suspension dans les cinq jours qui suivent la
décision.
6) Dix (10) jours après que le demandeur ait
été informé de la suspension, si les autorités
douanières ignorent qu'une personne autre que le défendeur n'a
pas saisi la juridiction compétente quant au fond, ou si
l'autorité compétente a prolongé la suspension, celle-ci
sera levée.
7) Le demandeur doit réparer le préjudice
causé par la détention injustifiée des marchandises.
91. Pour l'application des dispositions
pénales ci-dessus, les délais d'opposition et d'appel sont
respectivement de quinze (15) jours et d'un (1) mois à compter de la
signification du jugement.
Titre VII
Du champ d'application de
la loi
92. Les oeuvres, les interprétations,
les phonogrammes, les vidéogrammes et les programmes des camerounais
sont protégés par la présente loi. En cas de
cotitularité, il suffit que l'un des titulaires soit Camerounais.
93. -- 1) Les étrangers jouissent au
Cameroun du droit d'auteur ou de droits voisins dont ils sont titulaires, sous
la condition que la loi de l'État dont ils sont les nationaux ou sur le
territoire duquel ils ont leur domicile, leur siège social ou un
établissement protège les droits des camerounais.
2) Le droit d'auteur et les droits voisins dont jouissent les
étrangers sont protégés conformément à la
présente loi.
94. Les dispositions de la présente
loi relative à la protection des oeuvres littéraires et
artistiques, aux interprétations, phonogrammes, vidéogrammes et
programmes s'appliquent aux oeuvres qui ont droit à la protection en
vertu d'un traité international auquel le Cameroun est partie.
95. Toute question préalable au
problème principal de la protection des droits des étrangers,
notamment la question de la détermination de la qualité de
titulaire de droits, est réglée par la présente loi.
Titre VIII
Des dispositions
transitoires et finales
96. Les organismes de gestion collective sont
tenus de se conformer aux dispositions de la présente loi dans les douze
(12) mois suivant son entrée en vigueur.
97. La présente loi qui abroge toutes
dispositions antérieures contraires, notamment la loi no 90/010 du 10
août 1990, sera enregistrée et publiée suivant la
procédure d'urgence, puis insérée au Journal Officiel en
français et en anglais.
* 1. Compact disc :
Disque optique utilisé pour stocker des données numériques
musicales destinées à être lues par un lecteur CD de
chaîne Hi-fi ou par un ordinateur. Il est en matière plastique,
d'environ 12 cm de diamètre pour 1,2 mm d'épaisseur et pouvant
contenir entre 650 et 700 Mo de données informatiques, soit
respectivement 74 ou 80 minutes d'enregistrement audio dans le format de
données des disques compacts originaux.
* 2. Digital versatile
disc : Disque optique utilisé pour stocker des données
numériques (musiques, films, etc.) et destinées à
être lues par un lecteur DVD ou par un ordinateur.
* 3 ELA, J-M.,
Innovations sociales et renaissance de l'Afrique noire. Les défis du
monde d'en-bas, Paris, L'Harmattan, 1998, p.123.
* 4 Kenneth KARL :
« Le secteur informel », in Le Courrier ACP-UE,
n°178, Décembre 1999-Janvier 2000, p.53.
* 5. Organisme camerounais de
gestion collective du droit d'auteur du domaine musical, créé le
16 avril 2005, et dont l'agrément a été retiré
à la suite de la décision N° 0088/MINCULT/CAB du 12 mai 2008
de la ministre de la Culture, Ama TUTU MUNA.
* 6. Anomie vient du grec
``anomos'' qui signifie dépourvu de règle, de norme ou de
loi.
* 7. AKOUN, A., ANSART, P. et
al., définissent la déviance comme étant
« le non-respect des modèles idéologiques et
comportementaux institutionnellement agréés », in
Dictionnaire de sociologie, Paris, Le Robert/Seuil, 1999, p.145.
* 8. Ibid.
* 9. FERREOL, G., (sous la
direction de), Dictionnaire de sociologie, 2e
édition, Paris, Armand Colin, 1995, p.59.
* 10.Marcel MAUSS,
Sociologie et Anthropologie, Paris, PUF, 1950, p.147. Selon
lui, les faits sociaux totaux sont « ceux où
s'expriment à la fois et tout d'un coup toutes sortes d'institutions.
Les faits sociaux totaux [...] mettent en branle [...] la totalité de la
société ». En d'autres termes, ici la
compréhension de l'objet d'étude nécessite qu'on
se penche sur tous les domaines de la vie sociale (religion, politique,
économie, histoire, etc.).
* 11. Faïza GHOZALI :
« Contrefaçon : L'Afrique peine à traquer le
faux », in Jeune Afrique l'intelligent, n°2527 du 14 au
20 juin 2009, p 87.
* 12 . Groupement inter
patronal du Cameroun, créé en 1957 et dont les principales
missions sont : la représentation et la défense des
entreprises, ainsi que la promotion de la libre-entreprise et de l'espace
économique camerounais, entre autres. Cette structure organise
régulièrement des dîner-débats pendant lesquels
experts et responsables d'entreprises discutent sur des questions
économiques de l'heure.
* 13. Source :
Synthèse des actions de la Cellule de lutte contre le commerce illicite
du GICAM en 2006, 2007, 2008 et 2009, dans les trois provinces septentrionales
du Cameroun.
* 14. Source :
Dépliant produit à l'occasion de la semaine de la sensibilisation
contre la piraterie, du 16 au 24 mai 2008.
* 15. International
Federation of Phonographic industry : C'est un organisme international qui
regroupe en son sein toutes les 1500 maisons de disques qui existent dans le
monde entier. Ses missions sont centrées autour de quatre secteurs
d'activités, notamment la lutte contre la piraterie, les statistiques de
vente à travers les chiffres de vente des membres pour faire des
estimations de marchés, la représentation des
intérêts des producteurs et distributeurs d'enregistrements
sonores et de vidéomusiques ; Son siège est à Zurich
en Suisse et se compose d'un secrétariat basé à Londres et
de bureaux installés à travers le monde.
* 16. THUILLIER, G.,
Histoire du quotidien au XIXe siècle en Nivernais, Paris,
Mouton, 304 p.
* 17. GOFFMAN, E.,
cité par G., FERREOL et al, Dictionnaire de sociologie, Paris,
A. Colin/Masson, 2e Ed. 1995, p.211.
* 18. NZHIE ENGONO, J.,
Cent ans de sociologie : du positivisme
« dogmatique » à une approche intégrée
du social, Yaoundé, PUY, 2001, p.73.
* 19. MAFFESOLI, M :
La contemplation du monde. Figures du style communautaire, Paris,
Grass et Frasquelle, p.31.
* 20 ELA, J-M,
Innovations sociales et renaissance de l'Afrique noire. Les défis du
``monde d'en bas'', Paris, l'Harmattan, 1998, p.21.
* 21. Ibidem.
* 22. Ibidem.
* 23. QUIVY, R., CAMPENHOUDT,
L., Manuel de recherche en sciences sociales, 2e Ed.,
Paris, Dunod, 1995, p.135.
* 24. Idem., p.136.
* 25. QUIVY, R.,
CAMPENHOUDT, L., op.cit., pp.42-43.
* 26. DUSSOLIER,
S. : « Internet et droit d'auteur», in
Actualité du droit des technologies de l'information et de la
communication, Commission Université-Palais, Formation permanente
CUP, février 2001, vol.45, p.165.
* 27. La toile est une
métaphore couramment utilisée pour désigner autrement
l'Internet.
* 28. BERENBOOM, A. :
Le droit d'auteur - 8e Ed., 2000-01/2, syllabus à l'attention
des Etudiants de l'Université Libre de Bruxelles (U.L.B.), Bruxelles,
Presses Universitaires de Bruxelles (PUB), 2000.
* 29. LIPSZYC, D. :
Droit d'auteur et droits voisins, Unesco, 1997.
* 30. KELLENS, G. :
Punir - Pénologie & droit des sanctions pénales,
Liège, Editions juridiques de l'Université de Liège,
2000.
* 31. COLANTONIO, F. :
« Piratage et contrefaçon : Approche socio criminologique
des violations au droit d'auteur et aux droits voisins en matière
musicale », Travail de fin d'études en vue de l'obtention du
diplôme de Licence en Criminologie, Université de Liège,
Année académique 2000 - 2001.
* 32
* 33. PANETHIERE, D. :
Persistance de la piraterie : conséquences pour la
créativité, la culture et le développement durable,
UNESCO, 2005.
* 34. ATCHANG, D. :
« Les petits métiers de rue en zone universitaire : le
cas de l'activité de photocopie au quartier Ngoa-Ekelle »,
Mémoire présenté et soutenu en vue de l'obtention de la
Maîtrise en sociologie, 2003-2004.
* 35. QUIVY, R. et
CAMPENHOUDT, L., op.cit., p.42.
* 36. Omar AKTOUF, Méthodologie des sciences
sociales et approche qualitative des organisations : Une introduction
à la démarche classique et une critique, Presses de
l'Université du Quebec, 1987, p27.
* 37 -CHINDJI-KOULEU, F.,
Mes premiers pas dans la recherche, Yaoundé, Sagraaph, 2002,
p74.
* 38. Guy Rocher :
Introduction à la sociologie générale, Tome2 :
L'action sociale, Paris, Editions HMH, Point, Ltée, 1968, 258
p, p.160.
* 39. Idem, p.158.
* 40. Ibidem,
p.158.
* 41. Ibidem,
p.148.
* 42. ANSART, P., Les
sociologies contemporaines, Paris, Seuil, 3e éd., 1990,
p.50.
* 43. BALANDIER, G., Sens
et puissance : les dynamiques sociales, Paris, Nathan, 1971, p.11.
* 44. Idem, p.11.
* 45. ANSART, P.,
op.cit., p.37.
* 46. BALANDIER, G., p.7.
* 47. BALANDIER, G.,
op.cit., 1ère partie.
* 48. BALANDIER, G.,
op.cit., p.7.
* 49. ZIEGLER, J.,
Retournez les fusils ! Manuel de sociologie d'opposition, Paris,
Seuil, 1980, p.20.
* 50 BALANDIER, G.,
op.cit., p.7.
* 51. ZIEGLER, J.,
op.cit.,, p.20.
* 52. TOURAINE, A., Pour la
sociologie, Paris, Seuil, Coll. « Points », 1974,
p.88.
* 53. BOURDIEU, P.,
Questions de sociologie, Paris, Minuit, 1984, p.56.
* 54. CROZIER, M., FRIEDBERG,
E., L'acteur et le système, Paris, Seuil, 1977, p.129.
* 55. MBONJI,
Edjenguèlè, L'Ethno-perspective ou la méthode du
discours de l'ethno-anthropologie culturelle, Yaoundé, PUY, 2005,
p.49.
* 56. Lire à ce
sujet : PIAGET, J., Etudes sociologiques, Droz, Genève,
1965, 204p, ou encore GRAWITZ, M., Méthodes des sciences
sociales, Paris, Dalloz, 11e Edition, 2001,.Livre I, Chap.4,
section 12, §3. « La recherche de l'unité »,
pp. 340-343.
* 57. NGA NDONGO, V.,
Plaidoyer pour la sociologie africaine, Yaoundé,
PUY, 2003, p.57.
* 58. TOURAINE, A.,
« Les écoles sociologiques », in La sociologie
en France (ouvrage collectif), Ed. La Découverte, Collection
Reprises, Paris, 1988, pp. 36-37.
* 59. DORGAN, M.,
« Les nouvelles sciences sociales : fracture des murailles
disciplinaires », in Revue internationale des sciences
sociales, Paris, UNESCO/Erès, n°153, septembre 1997,
pp.467-481.
* 60. NZHIE ENGONO, J.,
op.cit. D'après l'auteur, l'approche intégrée permet
à la sociologie de valoriser toutes les formes de pensées en
privilégiant une nécessaire collaboration entre les disciplines
d'origines diverses, afin de mieux connaître, saisir ou cerner son objet
qui est le social.
* 61. Ibidem, p.69.
* 62. Ibidem, p.67.
* 63. DURKHEIM accordait une
grande importance aux phénomènes démographiques, si bien
qu'il leur a attribué le statut d'infrastructure de la vie sociale. Cf.
La division du travail social, oeuvre dans laquelle il reconnaît
l'importance de la répartition et des mouvements de la population.
* 64. QUIVY, R., CAMPENHOUDT,
L., op.cit., p.185.
* 65 GRAWITZ, M.,
Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 11e
Edition, 2001, p.550.
* 66 Idem.
* 67. AKOUN, A., ANSART, P. et
al., op.cit., p.418.
* 68. CAPLOW, T.,
L'enquête sociologique, tr. Française, Paris, A. Colin,
1970, p.149.
* 69. GHIGLIONE, R., MATALON,
B., Les enquêtes sociologiques : théories et
pratiques, Paris, A.Colin, 1992, p.30.
* 70.LOUBET DEL BAYLE, J-L.,
cité par NGA NDONGO, in « L'opinion camerounaise, Tome
I : problématique de l'opinion en Afrique noire »,
Thèse de Doctorat d'Etat ès Lettres et sciences humaines
(sociologie), paris Nanterre, 1999, p.102.
* 71. La notion de document
est prise ici in lato sensu, car il s'agit ici de tout élément
matériel ou immatériel ayant un rapport avec notre thème
de recherche, et qui constitue indirectement une source de données ou
une source d'information sur le phénomène étudié.
* 72. NGA NDONGO, V.,
op.cit., p.300.
* 73. DURAND, J.P. et WEIL,
R., Sociologie contemporaine, Paris, Vigot, Collection
« essentiel », 1994, 644 p, p.307.
* 74. GUIBERT, J. et JUMEL,
G., Méthodologie des pratiques de terrain en sciences humaines et
sociales, Paris, A.Colin, 1997, pp.92-94
* 75. GRAWITZ, M.,
op.cit., p.773.
* 76. GUIBERT, J. et JUMEL,
G., op.cit., pp.92-94 ou encore DURAND, J.P, WEIL, R., op.cit.,
p.307.
* 77. DURAND, J.P. et WEIL,
R., op.cit., p. 307.
* 78. MONTOUSSE, M.,
RENOUARD, G., 100 fiches pour comprendre la sociologie, Bréal,
Rosny, [s.d], p.47.
* 79. BOUDON, R., Les
méthodes en sociologie, (10e édition
corrigée), Paris, PUF, 1995, p.13.
* 80. Société
Nationale des Investissements, dont la direction générale est
située en plein coeur du Centre commercial de la ville de
Yaoundé, et précisément aux environs de la Poste
centrale.
* 81. MIMCHE, H,
« Du nomadisme à la sédentarisation :
immigration, recompositions familiales et enjeux socio-démographique
chez les mbororo des ``Grassfields'' du Cameroun », Thèse
de Doctorat/Ph.D en sociologie, Université de Yaoundé I, 2007.
* 82. CAPLOW, T.,
op.cit., p.149.
* 83. GRAWITZ, M.,
op.cit, p.644.
* 84. BLANCHET, A., et al,
« Interviewer », in Les techniques d'enquête en
sciences sociales, Paris, Dunod, 1987, pp.81-126, p.85.
* 85. GRAWITZ, M.,
op.cit., p.84.
* 86. GHIGLIONE, R.,
MATALON, B., op.cit., p.60.
* 87. MOUNTOUSSE, M. et
RENOUARD, G., op.cit., p.16.
* 88. SOROKIN, P.,
Tendance et déboires de la sociologie américaine
(traduction), Paris, Aubier, 1959, pp.130-221.
* 89. NGA NDONGO, V.,
Plaidoyer pour la sociologie africaine, Yaoundé, P.U.Y, 2003,
p.56.
* 90. DIA, I.A,
« Les méthodes qualitatives : une innovation salutaire
dans les sciences sociales en Afrique », in Revue
électronique de sociologie, Esprit critique, vol.02,
Août 2000, p.1.
* 91. MUCCHIELLI, Alex,
Les méthodes qualitatives, Paris, P.U.F, (Collection ``Que
sais-je ?''), 1991, p.3.
* 92. VARKEVISSER, C. et
al., op.cit., P.200.
* 93. Gilles FERREOL et al.,
Dictionnaire de sociologie, Paris, Armand Colin, 1995, p.69.
* 94. VARKEVISSER, C. et
al., op.cit., P.208.
* 95. GHIGLIONE, R., MATALON,
B., op.cit., p.50.
* 96. GHIGLIONE, R. et
MATALON, B., op.cit., p.53.
* 97 Idem, p.50.
* 98. GRAWITZ, M.,
op.cit., p.697.
* 99 DURKHEIM, E., Le
suicide, Paris, Quadrige/P.U.F., 9e Edition, p.1.
* 100 DURKHEIM, E., Les
Règles de la méthode sociologique, Paris, Quadrige/P.U.F.,
22e Edition, 1986, p.34.
* 101. Idem.
* 102. Livre vert :
« Lutte contre la contrefaçon et la piraterie dans le
marché intérieur », proposé par la
Commission des Communautés européennes, Bruxelles, 1998, 569 p.
téléchargeable sur le serveur de l'Union européenne
à l'adresse :
http://europa.eu.int/comm/internal_market/en/intprop/indprop/lvconfr.pdf Livre
vert précité, p.7.
* 103. GUILLOTREAU, G.,
Art et crime - La criminalité du monde artistique, sa
répression, Paris, PUF, 1999, p.120.
* 104. J. Van Win,
« Piratage : un danger pour les artistes »,
téléchargeable sur le site :
http://www.sabam.be/content_files/PUBLICATIONS%20SABAM%20(FR)/piratage.pdf.
* 105. GUILLOTREAU, G.,
op.cit., p.120.
* 106. De FREITAS, D.,
« La piraterie en matière de propriété
intellectuelle et les mesures à prendre pour la
réprimer », in Bulletin du droit d'auteur de
l'UNESCO, Vol. XXVI, partie 3, Paris, 1992, p.7.
* 107. Glossaire du Droit
d'Auteur et des Droits voisins de l'OMPI, Edition de 1980, p.100.
* 108. Article 80 de la loi
n°2000/011 du 19 décembre 2000, relative au droit d'auteur et aux
droits voisins.
* 109. GUILLIEN, Raymond et
VINCENT, Jean, (Sous la direction de), Termes juridiques,
10e édition, Paris, Dalloz, 1995, p.158.
* 110 PANETHIERE, D.,
op.cit, P.11.
* 111. AKTOUF, Omar,
Méthodologie des sciences sociales et approche qualitative des
organisations. Une introduction à la
démarche classique et une critique. Montréal, Les Presses de
l'Université du Québec, 1987, p.72. Version numérique
disponible sur le Site web:
http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm
* 112. BERENBOOM, A., Le
nouveau droit d'auteur et les droits voisins - Deuxième
édition, De Boeck & Larcier, 1997, p.33.
* 113. Lire à ce
sujet, DE BORCHGRAVE, J., L'évolution historique du droit
d'auteur, Bruxelles, Larcier, 1916, spécialement pp.11 et suite.
* 114. Définition
donnée par la loi Benelux et reprise par F. COLANTONIO,
op.cit., p.2.
* 115. Cf. BERENBOOM, A.,
op.cit., p.38.
* 116. DE VISSCHER, F.,
MICHAUX, B., Précis du droit d'auteur et des droits voisins,
Bruxelles, Bruylant, 2000, p.32.
* 117. BUYDENS, M.,
Quelques réflexions sur le contenu de la condition
d'originalité, Auteurs & Média, Larcier, 1996 (4),
p.383.
* 118. BERENBOOM, A.,
op.cit., p.138.
* 119. VERBIEST, Th. et WERY,
E., Le droit de l'internet et de la société de l'information
- Droit européen, belge et français, Bruxelles, Larcier,
2001, p.58.
* 120. Article 56 de la loi
2000/011 du 19 décembre 2000.
* 121. BUYDENS, M.,
Quelques réflexions sur le contenu de la condition
d'originalité, Auteurs & Média, Larcier, 1996, p.383.
* 122. GAUTIER, P-Y.,
Propriété littéraire et artistique, 3e
édition, Paris, PUF, 1999, p.47.
* 123. FEGUE EKANI, R.,
« La protection des oeuvres de l'esprit sur Internet », in
Culture Infos, n°009, Mai 2006, p.59.
* 124. COLANTONIO, F.,
op.cit., p.8.
* 125. Idem.
* 126. Idem.
* 127. Th. VERBIEST et E.
WERY, op.cit., p.58.
* 128. KELLENS G.,
Punir-Pénologie &droit des sanctions pénales,
Liège, Editions juridiques de l'Université de Liège, 2000,
p.400.
* 129. Cité par
GUILLOTREAU, G., op. cit., p.137.
* 130. Ces noms ont
été donnés à cet appareil par les pirates, en
raison de sa capacité à graver une centaine de copies de CD en
une trentaine de minutes seulement.
* 131. Ce mot est le diminutif
de laboratoire.
* 132. MANGA LEBONGO, Jean
Marcellin, « Jeunesse urbaine camerounaise, créativité
sociale et contestation politique. Analyse de quelques modes d'expression et
d'action d'une catégorie sociale », Mémoire
présenté et soutenu en vue de l'obtention du DEA en Sociologie,
Décembre 2009, p.66.
* 133. Idem.
* 134. ELA, Jean-Marc, ZOA,
Anne-Sidoine, Fécondités et migrations africaines : les
nouveaux enjeux, Paris, L'Harmattan, 2006, p.23.
* 135. DSCN, 1987.
* 136. ECAM 2000.
* 137. ECAM III,
« Tendances, profil et déterminants de la pauvreté au
Cameroun entre 2001-2007 », Yaoundé, juin 2008, p.25.
* 138. Cf.
Mutations-quotidien, édition du lundi 13 juillet 2009, p.12.
* 139. Ces propos sont
tirés de l'allocution du ministre Abdoulaye YAOUBA, prononcée
lors de la cérémonie solennelle de publication officielle des
résultats du troisième Recensement général de la
population et l'habitat, organisée par le gouvernement la 14 avril 2010
à l'hôtel Hilton de Yaoundé.
* 140. ELA, J-M., et ZOA,
A-S., op.cit., p.23.
* 141. INS,
« Enquête sur l'emploi et le secteur informel (EESI) au
Cameroun », Juin 2006.
* 142. NGUENDO YONGSI, DICKENS
et NGALA NDI, cités par MANGA LEBONGO, op.cit., p28.
* 143. Idem.
* 144. DURUFLE, G.,
L'ajustement structurel en Afrique : Sénégal,
Côte-d'Ivoire, Madagascar, Paris, Editions Karthala, 1988, p.13.
* 145. DURUFLE, G.,
op.cit., p.5.
* 146. DURUFLE, G.,
op.cit., p.14.
* 147. Idem.
* 148. DURUFLE, G.,
op.cit., p.5.
* 149. B. DUJARDIN, M.
DUJARDIN, et I. HERMANS, « Ajustement Structurel, Ajustement
Culturel », in Revue de société française de
santé publique, 2004/4, n° 15.
* 150. HUGON Philippe,
« Ajustement structurel, emploi et rôle des partenaires sociaux
en Afrique francophone », in Cahiers de l'emploi et de la
formation, Genève OIT, 1998. (Disponible sur le site :
http://www.ilo.org/public/french/employment/stat/publ.
* 151. Grégoire
TAMO, cité par KENGNE FODOUOP (Sous la dir. de), in Economie
informelle et développement dans les pays du sud à l'ère
de la mondialisation, Yaoundé, PUY, 2000, 392 p, p.182.
* 152. ELA, J-M.,
Afrique : l'irruption des pauvres. Société contre
ingérence, pouvoir et argent, Paris, l'Harmattan, 1994.
* 153. Source: MINEFI 2003,
Document de stratégie de réduction de la
pauvreté, Yaoundé, MINEFI, p.4.
* 154. MENGUE,
Marie-Thérèse, « La pauvreté dans la recherche
en science sociale », in MENGUE, M-T., et BOUKONGOU, J-D., (Dir.),
Comprendre la pauvreté au Cameroun, Yaoundé, Presses de
l'UCAC, 2004, pp.27-45, p.34.
* 155. FNE, 1996, p.16.
* 156. Projet DSRP Jeunesse,
2006, p.1.
* 157158. Banque Mondiale,
« Cameroun : Diversité, croissance et réduction de
la pauvreté », Rapport n°13167-CM, 1995, p.91.
* 159. L'Institut
Sous-régional de Statistique et d'Economie Appliquée (ISSEA), qui
a rendu public les résultats de cette enquête lors d'un atelier de
restitution d'étude, dont les résultats sont repris ici sont
tirés du quotidien Cameroon Tribune, édition du 14 juillet 2009,
p.12.
* 160. Est actif au sens du
BIT, tout actif occupé ou tout chômeur cherchant activement du
travail.
* 161. ELA, J-M.,
Innovations sociales et renaissance de l'Afrique noire. Les défis du
monde d'en-bas, Paris/Montréal, L'Harmattan, 1998, p.123.
* 162. Marie Noëlle
GUICHI, « Economie-compétitivité :
Classement mondial, le Cameroun classé parmi les derniers »,
in Le Messager, Edition du 7 octobre 2009.
* 163. Harold LUBELL, Le
secteur informel dans les années 80 et 90, Paris, OCDE, 1991, p.69.
* 164. DEVELTERE, PATRICK
et VAN DURME, Patrick, « Exclusion sociale, secteur informel et
économie sociale », in Le Courrier ACP-UE, pp. 68-70,
p.68.
* 165. Idem.,
p.69.
* 166. DE VILLIERS, G.,
Le pauvre, le hors la loi, le métis. La question de
l'économie informelle en Afrique, Bruxelles, CEDAF, 1992, p.4.
* 167. VERHAEGEN, G.,
« Le rôle de l'informel dans le développement
économique au Zaïre », cité par OPANGA
EKANGA, in « Approche globale du secteur informel. Concepts et poids
dans l'économie du Zaïre », Communication tenue lors
du Colloque sur l'Informel : survie ou chance pour le
Zaïre ?, Kinshasa, Mai 1995, inédite.
* 168. BUGNICOURT, J.,
« Espoir ignoré : l'économie informelle ou
populaire », in Le Courrier ACP-UE, n°178,
Décembre1999-Janvier 2000, pp.55-57, p.55.
* 169. INS, op.cit.,
p.36.
* 170. Transparency
International, « Rapport mondial sur la corruption 2009 : La
corruption et le secteur privé », Cambridge, Cambridge
University Press, 2009.
* 171. BUGNICOURT, J.,
op.cit., p.55.
* 172. ROUBAUD,
François, « Le marché du travail à
Yaoundé, 1983-1992 », Séminaire sur l'emploi et le
secteur informel, Yaoundé, DIAL/DSCN/MINPAT, pp.24-25.
* 173. ROUBAUD,
François, L'Economie informelle au Mexique. De la sphère
domestique à la dynamique macro-économique, Paris, ORSTOM,
KARTHALA, 1994, 453p, p.49.
* 174. INS,
« Enquête sur l'emploi et le secteur informel (EESI) au
Cameroun », Juin 2006.
* 175. DEVELTERE, P. et VAN
DURME, P., op.cit., p.68.
* 176. IRD,
« Emploi, chômage, secteur informel à Yaoundé et
Antananarivo. Une nouvelle méthode d'enquête sur le marché
du travail appliquée en Afrique subsaharienne », mai 1996.
* 177. KARL, Kenneth,
« Le secteur informel », in Le Courrier ACP-UE,
n°178, Décembre 1999-Janvier 2000, p.53.
* 178. Castells Manuel,
L'ère de l'informatique - Tome 1, La société en
réseau, Paris, Editions Fayard, 1998, 613p, p.43.
* 179. CHION, M.,
Musiques, médias et technologies, Collection Dominos,
n°45, Evreux, Flammarion, 1994, avant-propos.
* 180. P. GRABOSKY,
« Computer crime in a borderless world », Annales
Internationales de Criminologie, vol. 38-1/2, 2000, p.87.
* 181. Fréderic
COLANTONIO, op.cit., p.28.
* 182. DUSSOLIER, S., Internet
et droit d'auteur, in Actualité du droit des technologies de
l'information et de la communication, Commission Université-Palais,
formation permanente CUP, février 2001, vol.45, p.165.
* 183. ELA, J-M.,
Restituer l'histoire aux sociétés africaines. Promouvoir les
sciences sociales en Afrique noire, Paris, l'Harmattan, 1994, p.33.
* 184. ANKOUN, A. et ANSART,
P., op.cit., p.112.
* 185. NGA NDONGO, V.,
op.cit., p.206.
* 186 Idem, p.207.
* 187. GUEBOGUO, C.,
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* 188. GUEBOGUO, C.,
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à Yaoundé et à Douala », mémoire de
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* 189. MENDES-LEITE, R.,
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* 190. AGACINSKI, S.,
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* 191. HENDIN, H., The
age of sensation, a psychoanalytic exploration, New-York, 1975, p.115.
* 192. L'information est
relayée par le journal La Nouvelle Expression, dans un article de
Valentin Siméon ZINGA, paru dans édition du 17 septembre 2007 et
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* 193.Transparency
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http://www.transparency.org/publications/publications/gcr.2007.
* 194. AYISSI, L.,
Gouvernance camerounaise et lutte contre la pauvreté. Interpellation
éthiques et propositions politiques, Paris, l'Harmattan, 2009,
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* 195. MONO NDJANA, dans la
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* 198. AYISSI, L.,
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* 199. AYISSI, L.,
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* 200.Idem, p.52
* 201. Idem, p.17.
* 202. Idem.
* 203. Idem.
* 204. Idem.
* 205. AYISSI, L., (2009),
p.28.
* 206. Idem, p.28.
* 207. NGA NDONGO, V., Les
médias au Cameroun : mythes et délires d'une
société en crise, Yaoundé, PUY, 1993, p.214.
* 208. Guy Rocher,
op.cit., p.66.
* 209. Ibidem.
* 210. DURKHEIM, E.,
op.cit., p.101.
* 211. Idem,
p.111.
* 212. Dos et ventre
dehors.
* 213. Ventre et cuisses
dehors.
* 214. Thierry Gervais
GANGO cité par Jules Romuald NKONLAK, dans un article paru dans le
quotidien Le Jour et intitulé : « Les dessous
des femmes du bikutsi », Edition du 06 mai 2007.
* 215. De l'anglais :
to strip, déshabiller, et to tease, agacer.
* 216. MONO NDJANA, H.,
Les chansons de Sodome et Gomorrhe, Yaoundé, Carrefour,
1999.
* 217. NGA NDONGO, V.,
« La chanson camerounaise », in Notre librairie,
n°99, Octobre-Décembre 1989, pp.86.
* 218. Ibidem.
* 219. MBASSI, B.,
« Le dialogisme du bikutsi : un langage entre Dionysos et
Agon », in Revue camerounaise de Sociologie et
Anthropologie, vol.2, n°1, juin 2005, p.388. Selon lui, le mot
s'écrit tantôt Bikutsi, tantôt Bikudsi, parfois Bikut-si ou
encore Bikud-si en Eton.
* 220. MBASSI, B.,
op.cit., p.388. (Selon cet auteur, l'explication morpho-lexicale et
sémantique du mot ne renseigne pas véritablement sur les origines
de ce genre musical. Celles-ci, pour certains, sont anecdotiques ou
mythologiques, et pour d'autres, socio-historiques et politiques).
* 221 MONO NDJANA, cité
par MBASSI, B., op.cit., p.394.
* 222. MONO NDJANA,
op.cit.,
* 223. Ibidem.
* 224. MBASSI, B.,
op.cit., p.405.
* 225. JASPARD Maryse,
Sociologie des comportements sexuels, Paris, Editions La
Découverte et Syros, 1997, p.112.
* 226. MBASSI, B.,
op.cit., p.409.
* 227. Ferdinand
Léopold OYONO, in Ministère de la culture, Cameroun,
publi-information réalisé par DIFCOM (Régie publicitaire
du Groupe jeune Afrique), 2005, p.2.
* 228. Idem, p.2.
* 229. Entretien avec
l'artiste Ange EBOGO Emérant.
* 230. ELA, J.M., La ville
en Afrique noire, Paris, Karthala, 1983, 219p, p.158.
* 231. KENGNE FODOUOP,
op.cit., p.11
* 232. KENGNE FODOUOP,
Les petits métiers de rue et l'emploi : le cas de
Yaoundé, Sopecam, Idées, 1991, 163 p, p.152.
* 233. PANETHIERE, D.,
op.cit., p.100.
* 234. Barème de
prix des Cd originaux : Melody Diffusion (Face Marché Central de
Yaoundé), Avril 2010.
* 235. PANETHIERE, D.,
op.cit., p.10.
* 236. PANETHIERE, D.,
op.cit, p.11.
* 237. Source: PWC
Entertainment and Media Report (2008), IFPI.
* 238. Jeune Afrique, n°
2 527 du 14 au 20 juin 2009, p.87.
* 239. Rapport annuel ``IFPI
Music - Piracy Report 2000'', publié en juin 2000, première page,
téléchargeable à l'adresse suivante : http //
www.ifpi.org / library /
Piracy2000.pdf.
* 240. MONO NDJANA, H.,
« Les vérités qu'il faut dire sur le droit
d'auteur », Repères, n°008 du 21-02-2007,
p.13.
* 241. PANETHIERE, D.,
op.cit., p.10.
* 242. PANETHIERE, D.,
op.cit., p.10.
* 243. Idem, p.9.
* 244 Cette structure a
été créée le 17 octobre 2004. Basée à
Douala et est dirigée par l'artiste musicien Maréchal Papillon,
elle mène des actions énergique de lutte sur le terrain. A son
actif, la saisie de milliers de CD de contrefaçon.
* 245. Cf. Article 75 de la
loi n° 2000/011 du 19 décembre 2000.
* 246. ARNAUD, G.,
« Le pays qui chante ses fables », in Cameroun :
la culture sacrifiée, Collection Africultures, n°60,
Juillet-Septembre, Paris, Ed. L'Harmattan, 2004.
* 247 Jean-François
CHANNON, « Lutte contre la piraterie : Que peut Ferdinand
Oyono ? », Le Messager, Edition de 6 février 2005.
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