Conclusion de la partie 1 :
Dans cette partie, le cadre empirique de la recherche a
été établi. Pour répondre à la
problématique « les acheteurs production et hors production ont-ils
le même profil de compétences ? », l'enquête
qualitative avec questions semi-directives en entretien face-à-face ou
par téléphone est apparu le plus approprié. Les cibles
interrogées sont tous des acheteurs français mais il a
été décidé de jouer sur la variété
des secteurs d'activité, de l'expérience, de l'âge, de
genre afin d'avoir un périmètre élargi et éviter
les particularités propres à un domaine d'activité.
De plus, l'entretien a été bâti de
manière à comprendre le cursus universitaire, l'expérience
et le rôle de l'acheteur dans l'entreprise, avant de l'interroger sur les
compétences nécessaires pour être un bon acheteur et d'en
arriver aux similitudes et différences entre l'acheteur production et
l'acheteur hors production.
Dans la prochaine partie, les données qualitatives de
ces entretiens seront analysées.
66
II- L'ANALYSE DES DONNEES
Dans ce chapitre sont analysées les données
qualitatives recueillies à la suite des entretiens effectués
auprès des acheteurs. Le recueil de ces données permettra
d'établir une synthèse des similitudes et éventuelles
différences entre le métier d'acheteur production et celui
d'acheteur hors production, répondant ainsi à la
problématique. L'analyse s'effectue en décortiquant chaque partie
de l'entretien ce qui va permettre d'effectuer des comparaisons, en partant du
général pour aller au coeur du sujet. On peut ainsi la classifier
en trois grandes parties correspondantes à la chronologie de l'entretien
:
- Cursus universitaire et formation
- Rôle et missions de l'acheteur production et hors
production
- Les compétences de l'acheteur production et hors
production
2.1 Préalable à l'analyse
La présentation des données sera faite sous
forme narrative afin de retenir les points clés cités par les
acheteurs. En amont de l'analyse des données, la première
étape consiste à synthétiser les entretiens ayant eu lieu
avec les acheteurs. Etant donné les durées conséquentes
des entretiens (entre 45 min et 1H30), l'essentiel des échanges a
été retranscrit et condensé à l'aide de «
fiches de synthèse ». Cette première étape est
essentielle afin de comprendre de manière directe la vision du
métier par chaque acheteur et les compétences nécessaires
pour exercer leur fonction. Les fiches de synthèse de chaque entretien
sont disponibles en annexe de ce travail de recherche.
2.2 Analyse des cursus universitaires et
formations
La première étape amène à
étudier la formation des acheteurs interrogés. L'objectif est de
déterminer comment les acheteurs ont été amenés
à exercer leur fonction actuelle et le lien avec leur formation
initiale. Il s'agit également d'observer s'il existe des
disparités de formation entre les acheteurs production et hors
production.
Les données essentielles sont récapitulées
dans le tableau ci-dessous :
67
|
Nombre
|
Pourcentage
|
Formation initiale
|
Ecole de commerce
|
15
|
75%
|
Ecole d'ingénieur
|
5
|
25%
|
Formation Achats complémentaire
|
Oui
|
6
|
40%
|
Non
|
9
|
60%
|
Avez-vous toujours travaillé dans un service achats ?
|
Oui
|
11
|
73%
|
Non
|
4
|
27%
|
Figure 26 : Récapitulatif de la formation des
acheteurs
Tout d'abord, hormis un junior, tous les acheteurs
interrogés ont une formation minimum Bac+5. 75% d'entre eux proviennent
d'une école de commerce, 25% ont un profil ingénieur
éventuellement complété d'un Master Achats
spécialisé.
40% des acheteurs interviewés ont poursuivi leurs
études ou rejoint la formation de Bordeaux Master des Achats
Internationaux (MAI) à la suite de leur premier emploi. Ce pourcentage
n'est pas forcément représentatif de la réalité, le
réseau de BEM ayant favorisé l'accès aux entretiens avec
les personnes ayant réalisé le MAI. Cela montre néanmoins
la reconnaissance de cette formation permettant d'acquérir des postes
à responsabilité au sein des entreprises. Sur les 9 personnes
n'ayant pas fait de MAI, 5 d'entre elles ont tout de même suivi des cours
spécialisés achats au sein de leur école. Ainsi,
près de 75% des personnes interrogées ont eu des cours sur les
achats au cours de leur scolarité.
De plus, la majorité des acheteurs ont toujours
travaillé dans un service achats, que ce soit des juniors ou des
seniors. Cela montre l'intérêt important que ces acteurs
consacrent au métier d'acheteur. Les autres acheteurs ont
accédé à la fonction par évolution au sein de leur
entreprise. Ainsi, ces statistiques montrent l'importance d'avoir une
connaissance des achats pour un premier poste au sein de l'entreprise. Les
formations achats permettent ainsi d'avoir une connaissance des techniques
d'achats, des processus, du positionnement et des stratégies achats au
sein de l'entreprise. De nombreuses études de cas font également
partie des formations pour mieux appréhender le monde de
l'entreprise.
Enfin, l'un des premiers points importants en réponse
à la problématique est le fait qu'il n'y a pas de distinction
significative entre les parcours des acheteurs production et hors production.
Cependant il est très intéressant de noter que tous les acheteurs
ayant une formation primaire d'ingénieur font tous des achats
production. Ainsi, on peut en déduire que sur certains achats de
production, les compétences techniques, les compétences
d'expertise sur un domaine donné sont nécessaires pour exercer ce
rôle d'acheteur. L'analyse des réponses données sur la
68
partie « compétences » permettra de dire si
oui ou non, les compétences techniques sont primordiales sur les achats
de production, si les compétences se distinguent alors entre production
et hors production.
2.3 Acheteur production et hors production : une
frontière difficile à définir
Dans la revue de littérature, les achats hors
production ont été définis comme les achats « non
directement incorporés dans le service ou produit vendu ». Lors de
l'enquête terrain, il a été volontairement choisi de
laisser le libre arbitre aux acheteurs afin qu'ils donnent leur propre
définition et se catégorisent eux-mêmes en tant qu'acheteur
production ou hors production. Lors de nos entretiens, les acheteurs
interrogés ont dans l'ensemble exprimé leur difficulté
pour classifier de manière nette et précise les achats de
production et les achats hors production. La première variable à
prendre en considération est l'activité de l'entreprise : est-ce
une entreprise industrielle ? Une entreprise de grande distribution ? Une
entreprise de services ? Pour ce qui est des entreprises industrielles, il n'y
a pas de doute en ce qui concerne les achats de matières
premières, de packaging, de tous les composants incorporés dans
les produits qui font ainsi partie des achats de production. Les achats hors
production sont en général résumés par les frais
généraux, les achats informatiques, les achats de papeterie ou
d'intérim. Cependant, certaines catégories portent à
débat telles que l'achat des machines nécessaires à la
production ou encore l'achat d'énergie. On retrouve le débat
ouvert par N. Merminod, matérialisée figure 4 dans la revue de
littérature. Certaines personnes ont ainsi déclaré que les
achats de machines faisaient partie de l'achat hors production. Pour d'autres,
il s'agit d'achat de production. En ce qui concerne une entreprise non
industrielle (banque, achat pour revente, services), il est tout simplement
difficile pour les acheteurs de distinguer ce qui est de l'ordre de l'achat de
production et ce qui est de l'ordre de l'achat hors production.
« J'effectue des achats Telecom pour une banque. Je
ne suis pas sûre de ma réponse mais je pense que je classifierais
mes achats comme des achats hors production. Nous n'utilisons pas ce type
d'appellation au sein de l'entreprise » (Acheteur Senior, secteur
bancaire)
« Selon moi, mon expérience dans le secteur
des Télécommunications me fait dire que les achats de production
dans ce domaine sont les achats réseaux, car c'est là que
réside la
69
stratégie de l'entreprise. Les achats de mobiles,
par exemple, sont pour moi des achats plutôt hors production »
(Acheteur senior, secteur électronucléaire).
Hors, l'acheteur de téléphonie mobile
interviewé, évoluant au sein d'un opérateur
téléphonique, se déclarait comme acheteur production.
Les acteurs interrogés ont mis en lumière la
difficulté de définir une frontière nette et
précise par l'aspect réducteur de l'appellation. Il faudrait
ainsi prendre en compte le secteur d'activité de l'entreprise, ses
enjeux stratégiques, le coeur de son business.
« Plutôt que de définir les achats par
production et hors production, il faudrait définir les achats par ce qui
est « Core Business » ou « Non-Core business ». Il faut se
poser la question suivante : où l'entreprise met-elle son argent ? Il
s'agit ainsi d'étudier sa structure de coût avant de pouvoir
classifier. Pour moi, la classification production et hors production n'est
plus vraiment d'actualité. » (Acheteur Senior, secteur
aéronautique)
« La vision achats production et achats hors
production est un peu réductrice. Il faut prendre en compte
l'environnement de l'entreprise et le positionnement de l'acheteur dans son
organisation. » (Acheteur Senior, secteur pharmaceutique).
Les acheteurs interrogés ont ainsi mis en
évidence ce qui apparaît davantage important à leurs yeux.
L'acheteur doit ainsi se positionner par rapport à sa catégorie
d'achats, tout en prenant en compte le contexte d'entreprise dans lequel il
évolue. Les achats sont-ils stratégiques pour le business de
l'entreprise, pour sa chaîne de valeur et son avantage concurrentiel ?
Cette première dimension est ainsi primordiale et
influe sur la mise en évidence des compétences nécessaires
à l'acheteur. La classification qui a été établie
dans l'étude prend en compte la classification que se donne l'acheteur
lui-même, avec sa part de subjectivité.
2.4 Les rôles de l'acheteur
Cette partie relate les réponses données par les
acheteurs concernant la vision de leur rôle au sein de l'entreprise. On
constate que la majorité des mots-clés décrivant la
fonction de l'acheteur production et hors production est semblable. Cependant,
il existe quelques différences notables.
70
2.4.1 Un rôle commun de transversalité
et d'approche collaborative
Tout d'abord, le rôle le plus cité par les
acheteurs est la notion d'écoute du besoin du client interne, la notion
de fonction support. Le rôle relationnel en interne est ainsi mis en
avant par l'ensemble des acheteurs interrogés. Plus qu'un collaborateur,
l'acheteur se considère comme le partenaire incontournable de ses
clients internes. En plus d'être à l'écoute du besoin,
l'acheteur doit y répondre en y apportant les solutions adaptées.
Ainsi, proposer des solutions, des alternatives, innover, font partie du
quotidien de l'acheteur.
Les acheteurs production ont pour clients internes les
équipes en lien avec la direction industrielle.
« La première étape de tout projet est
l'analyse des besoins » (Acheteur hors production, secteur
pharmaceutique).
« Je dois répondre aux besoins de la direction
logistique et de la direction industrielle » (Acheteur production,
Services)
« Mon rôle est de répondre aux besoins
de l'usine de production située au Maroc et leur proposer des solutions
» (Acheteur production, Industrie chimique).
De plus, on retrouve dans les discours la notion de chef
d'orchestre des processus internes, traité en partie 4.1.2 de la revue
de littérature. La coordination des activités et le rôle
transversal de l'acheteur, qui collabore avec de multiples acteurs en internes,
sont mentionnés dans le rôle principal de l'acheteur. Ainsi,
celui-ci considère son rôle comme stratégique
vis-à-vis de l'entreprise, de par son positionnement en interne. Par
conséquents, cela vient confirmer l'importance prise par les achats au
sein de l'entreprise.
« J'ai un rôle stratégique sur mon
périmètre d'activité et un rôle également
transverse vis-à-vis des autres services de l'entreprise »
(Acheteur production, Telecom)
« Chaque usine développe des produits
spécifiques, en fonction de son positionnement géographique. Mon
rôle est de coordonner les activités liées aux
différents projets » (Acheteur production, industrie
automobile)
La notion d'interface avec le fournisseur intervient dans un
second temps. Elle est moins citée que la notion de partenaire en
interne mais reste néanmoins une part essentielle du rôle de
71
l'acheteur. Plus qu'établir une relation, l'acheteur
met en place et gère des partenariats durables avec ses fournisseurs.
Ainsi les acheteurs production et hors production sont unanimes sur le
rôle transversal et collaboratif de l'acheteur. Cette double-dimension
permet ainsi à l'acheteur production et hors production de se placer au
coeur de la stratégie de l'entreprise.
« Je suis un partenaire d'affaires auprès des
clients internes et des fournisseurs. Mon rôle est d'être
tourné sur les fournisseurs et l'innovation tout en étant
à l'écoute de mes clients internes. Ainsi, je gère une
relation à 360 degrés » (Acheteur production,
Télécommunication)
« Tout d'abord, j'ai un rôle de « tampon
» entre nos clients internes et les fournisseurs permettant d'instaurer
une relation durable avec eux » (Acheteur hors production,
construction).
« Ma stratégie est de limiter le changement de
fournisseurs et bâtir des relations durables avec ceux-ci, notamment pour
des raisons de qualité et de gestion des risques. » (Acheteur
production, Chimie)
2.4.2 L'acheteur production et hors production sont
créateur de valeur
Bien que satisfaire les besoins du client interne demeure le
rôle principal de l'acheteur, celui-ci va de pair avec la création
de valeur pour l'entreprise. Les acheteurs insistent sur la
nécessité de répondre aux besoins du client interne tout
en ayant en tête les objectifs de l'entreprise. L'acheteur doit alors
comprendre les enjeux, l'environnement dans lequel il évolue, afin de
prendre des décisions qui vont dans le sens de la stratégie de
l'entreprise et qui se matérialise dans la stratégie achats. Il
doit avoir une vision globale des besoins de ses clients, des enjeux de son
entreprise, afin de réaliser le sourcing de façon pertinente. 30%
des acheteurs ont ainsi cité la dimension de résultat dans les
priorités de l'acheteur.
Cependant, cette notion de résultat commune se
matérialise différemment lorsque l'on interroge les acheteurs
production et hors production. Par exemple, les acheteurs production vont
insister davantage sur la notion d'optimisation des coûts. De ce fait, la
priorité est d'acheter mieux en provoquant un résultat financier
significatif pour l'entreprise.
72
« Ma priorité est de garder en tête
quelles sont les priorités, quels sont les objectifs. Ainsi, je veux
passer beaucoup plus de temps sur les projets sur lesquels les enjeux
financiers sont importants (Acheteur production, Industrie chimique
»
« La priorité de l'acheteur est l'optimisation
et la réduction des coûts. Il doit donc réaliser un gros
travail de sourcing pour trouver les meilleures opportunités du
marché » (Acheteur production, industrie automobile)
« La priorité de l'acheteur est de satisfaire
le business, en pensant toujours à acheter mieux et de manière
intelligente. Il doit toujours avoir en tête le coût global, ce
qu'on appelle le TCO (Total Cost of Ownership) » (Acheteur
production, Energie)
Cette notion d'optimisation des coûts est
également présente au niveau des achats hors production. Elle
reste néanmoins secondaire et s'inscrit dans un cadre plus
général de protection des intérêts de
l'entreprise.
« Un bon acheteur doit satisfaire ses clients
internes tout en gagnant de la valeur pour l'entreprise » (Acheteur
hors production, Construction)
« Ma priorité est de répondre au besoin
du prescripteur et protéger les intérêts de la boîte.
Ensuite, ma seconde priorité est de faire des gains quand cela est
possible » (Acheteur hors production, Electronucléaire)
« Mon rôle est avant tout de protéger
les intérêts de l'entreprise » (Acheteur hors
production, Pharmaceutique)
La nuance s'explique par l'importance stratégique des
achats réalisés. L'acheteur production achète des
composants du produit final vendu par l'entreprise. Il est alors centré
sur le coeur de métier de l'entreprise, en travaillant sur des produits
qui seront dans les mains des clients de l'entreprise. Les enjeux financiers
seront ainsi très importants. L'acheteur hors production réalise
quant à lui des achats qui ne font pas partie du coeur de métier
de l'entreprise et dont les clients sont les personnes de l'entreprise. Ainsi,
l'approche création de valeur sera différente. L'optimisation des
coûts se matérialisera davantage par le mutualisation des achats
ou le challenge des besoins de l'entreprise.
73
2.4.3 Une matérialisation des priorités
différente
Pour reprendre ce qui a été dit
précédemment, l'acheteur production alimente les besoins
correspondant au coeur de métier de l'entreprise tandis que l'acheteur
hors production alimente des besoins divers et variés de ses clients
internes, qui dans la plupart des cas, resteront au sein de l'entreprise.
Ainsi, les enjeux et priorités ne sont pas les mêmes et cela se
traduit dans les réponses des acheteurs.
Tout d'abord, les acheteurs production ont pour
priorité d'être garant de l'approvisionnement des usines. En
effet, le risque premier est que les usines ne soient pas alimentées
dans le bon délai, sur le bon produit, ce qui aurait pour
conséquence une rupture de stock et une perte de ventes au final. En
conséquence, la maîtrise des risques est orientée risque de
production. L'acheteur est ainsi amené à travailler sur des
dossiers urgents et trouver des solutions aux problèmes liés
à la production, et le respect des délais est primordial pour ne
pas l'enrayer.
« Ma priorité est d'être réactif
et de gérer rapidement les situations de crise » (Acheteur
production, Telecom)
« La question que je dois me poser avant tout :
« Peut-on tout approvisionner ? ». Mon devoir est ainsi d'assurer
l'approvisionnement. Le principal risque est le manque d'approvisionnement. Il
convient donc d'établir des relations quotidiennes avec les plateformes,
qui gèrent la logistique. » (Acheteur production, grande
distribution)
L'acheteur production est garant de la réalisation des
projets en termes de qualité, coût et délai. Il travaille
de manière proche et durable avec ses fournisseurs afin de trouver des
produits et solutions innovantes.
L'acheteur hors production a également des objectifs
qualitatifs et quantitatifs. Cependant, ils se matérialisent de
manière différente. Il oeuvre au service d'une multitude de
clients en interne, et sa priorité est de protéger les
intérêts de l'entreprise. De cette manière, son rôle
va davantage se traduire sur les procédures, la maîtrise des
risques contractuels ou la simplification et mutualisation des achats de
l'entreprise. La dimension de challenge du besoin du client interne va
également être plus importante que pour l'acheteur hors
production.
74
« J'ai un rôle de « challenger » pour
les clients internes : il s'agit de toujours essayer de proposer des nouvelles
possibilités aux clients internes pour changer leurs habitudes, rentrer
dans leur budget et réduire les coûts » (Acheteur hors
production, Construction)
« Si mon client interne me dit qu'il a besoin d'une
BMW. Je vais essayer de comprendre si cela est nécessaire et dans
l'intérêt de l'entreprise. S'il me dit que c'est pour aller faire
ses courses en rentrant du travail, alors je vais challenger son besoin et lui
proposerais une trottinette » (Acheteur hors production, industrie
pharmaceutique)
2.5 Le quotidien de l'acheteur production et hors
production
Comme il a été vu précédemment,
les rôles et les missions de l'acheteur production et hors production
sont globalement les mêmes, mais se matérialisent de
manière différente. Les acheteurs ont également
été interrogés sur leurs tâches quotidiennes.
Acheteurs production et hors production vont ainsi répondre de la
même manière aux questions posées. On peut regrouper le
quotidien de l'acheteur en trois catégories, de manière
chronologique. On retrouve la notion de chaîne de valeur achats qu'avait
identifiée Perrotin en 2007 avec l'achat amont, l'acte d'achat et
l'achat « aval ». Le tableau ci-dessous récapitule les
tâches quotidiennes citées par l'ensemble des acheteurs, en les
regroupant dans les trois catégories du processus achats.
75
Le Processus achats
|
Tâches citées par les acheteurs
|
L'achat « amont »
|
- le sourcing
- le développement de nouveaux
produits
- la recherche d'innovation
- la définition des budgets
|
L'acte d'achat
|
- La consultation des fournisseurs
- La contractualisation
|
L'achat « aval »
|
- L'analyse des données
- Le reporting chiffré
- Le suivi administratif
- Le suivi, la coordination et le contrôle
de l'activité
- Le suivi des dépenses
- Le règlement des litiges
- Vérification de la satisfaction du
client interne
|
Figure 27 : Récapitulatif des tâches
quotidiennes des acheteurs interrogés
Il convient d'ajouter à toutes ces tâches
quotidiennes citées, la négociation et la communication en
interne. Cette mention apparaît tout au long du processus achats, c'est
pourquoi elle n'a pas été classifiée dans le tableau.
Enfin, il y a des tâches propres au management, qui dépendent de
la position managériale de l'acheteur interrogé. Ainsi, les
managers qui ont à la charge une équipe d'acheteurs ont
cité leurs fonctions d'encadrement, d'accompagnement, de remontée
et descente d'information envers leurs équipes.
Ensuite, les acheteurs ont été interrogés
sur les tâches qui leur prenaient le plus de temps. Les réponses
sont variées et indépendantes de l'approche production, hors
production. La communication et négociation en interne arrivent en
tête des tâches qui prennent le plus de temps selon les acheteurs
(cité par 40% des professionnels). Vient ensuite la partie « amont
» de l'achat (cité par 33% des professionnels), puis la
contractualisation et la partie reporting
76
(cités chacune par 20% des acheteurs), sachant que
certains acheteurs ont cité plusieurs tâches.
En résumé, on retrouve dans les tâches
quotidiennes de l'acheteur ce qui a été matérialisé
en tant que processus achats dans la revue de littérature. Il n'y a pas
de distinction entre l'acheteur production et l'acheteur hors production. On
peut ainsi en conclure que les techniques et les processus d'achats sont les
mêmes pour les acheteurs production et hors production.
2.6 Les compétences des acheteurs production et
hors production
Lors des entretiens, il a été demandé aux
acheteurs de définir les compétences qu'ils considèrent
comme essentiels pour exercer leur métier, d'un point de vue subjectif.
Puis, une seconde question leur a été posée sur les
compétences d'un bon acheteur, d'un point de vue objectif.
Pour répondre à la problématique, il est
important de récapituler les compétences citées et
comparer les réponses données entre l'acheteur production et hors
production.
Les compétences sont regroupées en trois grandes
parties : les compétences comportementales, les compétences
métacognitives et enfin les compétences techniques. Il est
important de préciser qu'étant donné que le nombre
d'acheteurs hors production interrogés est inférieur au nombre
d'acheteurs production, les mots clés cités auront plus d'impact
sur le pourcentage.
2.6.1 Les compétences
comportementales
Sont regroupées dans les compétences
comportementales toutes les compétences qui font appel à la
relation à l'autre. Il a été vu qu'il soit production ou
hors production, l'acheteur avait un rôle collaboratif et transversal. Le
tableau ci-dessous relate les compétences comportementales citées
et le pourcentage des acheteurs ayant cité ladite compétence.
77
Principales compétences
comportementales
|
Production
|
% d'acheteurs ayant cité la compétence
|
Hors production
|
% d'acheteurs ayant cité la compétence
|
Sens relationnel
|
40%
|
Force de conviction
|
80%
|
Force de conviction
|
40%
|
Communication
|
60%
|
Curiosité
|
40%
|
Curiosité
|
60%
|
Sens de l'écoute
|
30%
|
Sens de l'écoute
|
60%
|
Diplomatie
|
30%
|
Ethique
|
40%
|
Communication
|
20%
|
Sens relationnel
|
40%
|
Persévérance
|
20%
|
Persévérance
|
20%
|
Figure 28 : Compétences comportementales selon
les acheteurs
On retrouve globalement des compétences
comportementales citées similaires entre l'acheteur production et hors
production.
Tout d'abord, les acheteurs ont cité la
nécessité d'être convaincant que ce soit en interne avec
les collaborateurs et en externe avec les fournisseurs. La « force de
conviction » permet ainsi à l'acheteur de gagner en
crédibilité en faisant adhérer ses clients internes
à sa stratégie, et en défendant les intérêts
de l'entreprise vis-à-vis du fournisseur.
« Au niveau stratégique, l'acheteur doit faire
adhérer les clients internes à la stratégie achats. Il est
primordial que les collaborateurs voient un réel bénéfice
pour eux, sinon cela ne fonctionne pas. » (Acheteur production,
aéronautique)
Le « sens relationnel » est indispensable pour
exercer son rôle de collaboration et de transversalité. La
compétence « sens de l'écoute » est essentielle pour
mettre en pratique le premier rôle de l'acheteur qui est de
répondre au besoin de ses clients internes. Ensuite, l'acheteur doit
être curieux et ouvert d'esprit pour comprendre l'environnement dans
lequel il évolue, mieux connaître son marché, son
entreprise, ses fournisseurs, les besoins de ses clients. « La
curiosité » permet ainsi de gagner de l'expertise sur une
catégorie d'achats donnée.
78
« Dans notre métier, il faut avant tout
être ouvert d'esprit et curieux. Il faut s'intéresser aux
produits, aux entreprises, au marché, à l'innovation, à
l'actualité économique, à l'aspect environnemental. Je
pense aussi qu'il faut s'intéresser aux gens. Par exemple, j'aime bien
savoir chez les fournisseurs, le parcours (commercial ou technique) de ceux-ci
pour adapter la discussion et comprendre comment ils fonctionnent. »
(Acheteur Production, industrie chimique).
« La persévérance » est
également une compétence importante de l'acheteur. Elle permet de
faire avancer les dossiers, de faire face aux obstacles, et de protéger
des intérêts cruciaux pour l'entreprise. L'acheteur doit aussi
être « diplomate », notamment lorsqu'il est confronté
à des désaccords avec ses clients internes ou ses fournisseurs.
Cette qualité est essentielle afin d'entretenir des relations cordiales
et s'inscrire en tant que « business partner ».
Ensuite, la notion « d'éthique » est
également citée. Elle se matérialise par exemple par
l'objectivité vis-à-vis des fournisseurs. L'acheteur doit ainsi
traiter tous ses fournisseurs de la même manière, en faisant
preuve de transparence pour instaurer un climat de confiance.
Enfin, l'acheteur doit être un bon communicant. Son
rôle d'interface et de coordination l'oblige à transmettre des
informations en interne et en externe. De plus, ce rôle prend plus
d'importance chez l'acheteur hors production. Cela peut s'expliquer par la
nature moins mature des achats hors production. Cette fonction est plus
récente et les acheteurs doivent ainsi vendre leur valeur ajoutée
auprès de leurs clients internes.
« Dans mon entreprise, les achats hors production
étant nouveaux, nous devons davantage éduquer les clients
internes sur notre rôle, notre valeur ajoutée. Celle-ci est
davantage acquise dans les achats production » (Acheteur hors
production, Construction)
2.6.2 Les compétences
métacognitives
Dans les compétences métacognitives sont
regroupées les compétences qui désignent « la
capacité d'un acheteur à appréhender les problèmes
et leurs solutions dans une dynamique cohérente incluant prise de recul,
réflexion et proposition de solutions nouvelles. » Ce sont ainsi
les compétences qui font appel à un raisonnement, à une
certaine prise de recul. Les compétences métacognitives
citées par les acheteurs sont regroupées dans le tableau
ci-dessous.
79
Principales compétences métacognitives
citées
|
Production
|
% d'acheteurs ayant cité la compétence
|
Hors production
|
% d'acheteurs ayant cité la compétence
|
Prise de recul
|
40%
|
Prise de recul
|
80%
|
Leadership
|
40%
|
Esprit d'analyse
|
80%
|
Esprit d'analyse
|
40%
|
Rigueur
|
60%
|
Force de proposition
|
40%
|
Force de proposition
|
40%
|
Rigueur
|
40%
|
Esprit de synthèse
|
40%
|
Esprit de synthèse
|
30%
|
Réactivité
|
40%
|
Réactivité
|
30%
|
Anticipation
|
40%
|
Anticipation
|
20%
|
Adaptation
|
40%
|
Adaptation
|
20%
|
Organisation
|
20%
|
Organisation
|
10%
|
Productivité
|
20%
|
Figure 29 : Compétences métacognitives
selon les acheteurs
Tout d'abord, on remarque que 90% des compétences
citées l'ont été à la fois par les acheteurs
production et par les acheteurs hors production. Seul le leadership n'a pas
été cité par les acheteurs hors production.
Dans les premières compétences citées, on
retrouve « l'esprit d'analyse » et « la rigueur ». Ces
compétences sont essentielles pour mettre en pratique les techniques
achats, telles que l'analyse du marché, le dépouillement des
appels d'offres et la contractualisation.
Ensuite, on retrouve comme compétence « la prise
de recul ». Les acheteurs insistent sur l'importance d'avoir une vision
globale, de prendre en compte notamment l'environnement dans lequel l'acheteur
évolue et l'orientation stratégique de l'entreprise afin de
prendre les bonnes décisions. De cette prise de recul émanent bon
sens et esprit logique.
« Il faut avant tout du bon sens pour être
acheteur. Lors des négociations, il faut être bien
préparé, prendre du recul pour avoir de la présence
d'esprit et mener à bien les discussions. » (Acheteur hors
production, secteur bancaire)
80
Ensuite, l'acheteur doit être « force de
proposition ». Cette notion va de pair avec le leadership. L'acheteur doit
ainsi assumer son rôle de chef d'orchestre et trouver des solutions pour
répondre aux besoins de ses clients internes. L'acheteur doit être
innovant, trouver des idées pour améliorer la rentabilité
de l'entreprise, contourner les obstacles ou encore régler les litiges.
Sa capacité de « leadership », son charisme, sa confiance en
lui, sa conviction personnelle vont lui permettre de se montrer convaincant et
de faire adhérer ses idées auprès de ses clients
internes.
« Je pense qu'un acheteur doit avoir un certain
tempérament. Il ne faut pas être introverti. » (Acheteur
production, Energie)
De plus, on retrouve la « capacité à
synthétiser », à faire ressortir l'essentiel des nombreuses
informations manipulées. La synthèse est le résultat de
l'analyse, que ce soit des analyses de chiffres ou bien des analyses d'appels
d'offres. Cette qualité est nécessaire pour avoir « une vue
d'hélicoptère », prendre les bonnes décisions,
faciliter la communication auprès des collaborateurs et des fournisseurs
et être efficace.
« Aujourd'hui, une compétence que je
considère comme importante et qui manque aux jeunes que j'encadre, c'est
l'esprit de synthèse. Cela est important pour être productif
» (Acheteur production, services)
« La réactivité » est également
une notion importante pour trouver des solutions de manière efficace et
dans les meilleurs délais, lorsque l'entreprise est confrontée
à un obstacle.
« La priorité de l'acheteur est d'être
réactif et de gérer rapidement les situations de crise. »
(Acheteur production, Telecom)
« Il faut être réactif pour apporter des
solutions dans les meilleurs délais » (Acheteur production et
hors production, Mécanique)
La capacité d'avoir une vision du futur, «
d'anticiper » et « l'esprit d'adaptation » qui s'explique par la
diversité des sujets traités et des interlocuteurs sont
également des compétences citées par les acheteurs.
81
« Pour moi, un bon acheteur est un acteur capable
d'anticiper les besoins de son entreprise en captant l'innovation de son
environnement » (Acheteur production,
Télécommunication)
Enfin, l'acheteur doit être « organisé
», notamment pour gérer l'ensemble de ses sujets, les
priorités, et les contraintes liées aux les plannings des
projets.
Ainsi, après les compétences comportementales,
on retrouve une similitude de compétences métacognitives entre
les acheteurs production et hors production. Reste à savoir si les
compétences techniques citées sont identiques.
2.6.3 Les compétences
techniques
La dernière catégorie de compétences est
propre au «savoir » et « savoir-faire » du métier
d'acheteur. Il s'agit d'avoir une connaissance des techniques d'achat et une
compréhension de l'environnement dans lequel l'acheteur évolue.
Que ce soit par l'acheteur production ou l'acheteur hors production, ces
compétences ont été très peu citées. Cela
peut notamment s'expliquer par le caractère évident de la
connaissance des techniques d'achat, qui fait que les acheteurs ont, de
manière spontanée, répondu en termes de
savoir-être.
Le tableau ci-dessous regroupe les compétences
techniques citées par les acheteurs :
Compétences techniques citées
|
Production
|
% d'acheteurs ayant cité la compétence
|
Hors production
|
% d'acheteurs ayant cité la compétence
|
Négociation
|
20%
|
Négociation
|
40%
|
Contractualisation
|
20%
|
Technique Achat
|
20%
|
Connaissance de l'organisation
|
20%
|
Outils informatiques
|
20%
|
Connaissance des produits
|
20%
|
|
|
Outils informatiques
|
10%
|
|
|
Maîtrise de l'anglais
|
10%
|
|
|
82
Figure 30 : Compétences techniques selon les
acheteurs
Les compétences des « techniques achats » ont
ainsi peu été citées par les acheteurs car ceux-ci les
considèrent comme évidentes au vu de leur quotidien. On retiendra
que sont citées « la négociation » et « la
contractualisation », la maîtrise de l'anglais pour l'environnement
international et « l'informatique ». Pour ce qui est de la
négociation, pour la majorité des acheteurs, celle-ci s'acquiert
sur le terrain et grâce aux compétences comportementales et
métacognitives. L'aspect négociation dépend davantage du
secteur d'activité de l'entreprise et du positionnement de l'acheteur.
Ainsi, un acheteur en grande distribution aura une forte dominante de
négociation tandis que pour un autre acheteur, elle sera presque
inexistante. « La connaissance de l'organisation et des produits »
est également importante mais elle s'acquiert surtout par
l'expérience et grâce à la curiosité, à
l'ouverture d'esprit des acheteurs.
« Aujourd'hui, dans ma fonction, l'aspect
négociation est presque inexistant » (Acheteur hors
production, électronucléaire)
« La première chose importante est d'avoir une
bonne connaissance de l'organisation. Il s'agit d'une organisation matricielle
et il est important de bien connaître le fonctionnement de l'entreprise
et d'être au courant des évolutions » (Acheteur
production, automobile)
« Dans mon métier, il faut avoir en premier
lieu une bonne connaissance du produit » (Acheteur production, grande
distribution)
2.7 Les similitudes et différences entre
l'acheteur production et l'acheteur hors production selon les
acheteurs
2.7.1 Approche
générale
Il a été vu que les compétences
citées par les acheteurs production et hors production étaient
similaires dans les trois catégories citées.
Il a été décidé ensuite d'aller
plus loin dans la réflexion en sollicitant l'avis des acheteurs sur les
similitudes et différences entre l'acheteur production et hors
production, sans qu'ils aient connaissance des réponses données
par les autres professionnels. La question suivante a été
83
posée : « Pensez-vous que les compétences
des acheteurs production et hors production sont
similaires ? »
La réponse à la question est
- Plutôt oui : 73%
- Plutôt non : 27%
Peu de réponses sont tranchées. Beaucoup de
répondants ont répondu par des « oui mais » ou encore
« oui et non ». Les acheteurs ayant répondu « non »
ont mis en avant les mêmes nuances que les acheteurs ayant répondu
« oui ». En fait, pour la majorité des acheteurs, les
compétences sont les mêmes mais la mise en pratique, les
métiers sont différents. Les acheteurs mettent en avant la
différence d'approche, d'enjeux et d'objectifs.
Ci-dessous quelques citations d'acheteurs :
« Je pense que les compétences sont
différentes car les métiers sont différents. »
(Acheteur production, Automobile)
« Je pense que certaines compétences sont
communes. Par exemple, l'analyse du besoin et la négociation. Ensuite,
il y a des compétences qui sont plus ou moins à mettre en avant
selon le métier. » (Acheteur production,
aéronautique)
« Je dirais que les compétences sont
identiques mais les connaissances sont différentes. »
(Acheteur production, Energie)
« Je pense qu'il y a un socle commun de
compétences mais celles-ci ne sont pas mises en oeuvre de la même
façon. » (Acheteur hors production,
Electronucléaire)
« Je dirais qu'il y a un socle commun de
compétences mais des spécificités propres aux deux
métiers. » (Acheteur production,
Télécommunication)
Il a été vu précédemment que le
rôle de transversalité et de collaboration, le quotidien de
l'acheteur production et hors production, ainsi que les compétences
citées, étaient similaires. Cependant, il semblerait que les
degrés d'utilisation de ces compétences varient. Au-delà
de la différence de catégorie d'achats, il faudrait prendre en
compte les enjeux de l'entreprise, la position de l'acheteur au sein de son
entreprise et l'environnement dans lequel il évolue. Ainsi, les
compétences sont plus ou moins importantes en fonction des situations
données.
84
Comme il a été étudié dans le
paragraphe 2.4.3, le rôle de l'acheteur va se matérialiser
différemment, ce qui explique ces variations.
2.7.2 Les spécificités de l'acheteur
production
Tout d'abord, l'acheteur production se situe sur une
catégorie d'achats stratégiques pour l'entreprise : celle qui est
en lien avec les produits finis, qui vont être dans les mains du client
final. Ainsi les besoins des clients internes sont dépendants des
besoins des clients finaux. L'acheteur production est ainsi confronté
à des enjeux liés à la production, tels que la
décomposition des coûts ou le respect des délais. Il est
garant de l'approvisionnement en termes de qualité, délais et
coûts et son métier est lié au rythme de la production.
« Pour la production, il y a une contrainte en termes
de planification, des délais à respecter, la pression est
différente et la connaissance du produit doit être plus
précise. » (Acheteur hors production,
électronucléaire)
« La principale différence est le rythme.
L'acheteur production est connecté malgré tout au rythme de la
production et ses aléas. Il faut des individus très
réactifs, qui peuvent très vite apporter une solution. »
(Acheteur hors production, ingénierie)
« Je pense que pour l'acheteur production, il y a
davantage la notion de rupture technologique, plus de notion de risques,
d'urgence. » (Acheteur production et hors production,
mécanique)
Ainsi, les compétences telles que la
réactivité, la capacité à prendre des
décisions dans l'urgence ou la résistance au stress sont des
dominantes plus importantes pour l'acheteur production. Les prix sont
décomposables et l'acheteur intervient sur une notion de qualité
et coût global.
Ensuite, la relation au fournisseur est différente. Les
acheteurs production ont en général un nombre de fournisseurs
limité, avec qui la notion de partenariat est très forte.
Fournisseurs et acheteurs vont chercher ensemble à innover pour garantir
l'avantage compétitif de l'entreprise. De plus, dans la plupart des cas,
l'acheteur production va raisonner de manière globale, avec une forte
dimension internationale. Il n'est pas limité
géographiquement.
85
« Pour moi l'acheteur production évolue davantage
dans un environnement multiculturel, gérant plusieurs sites dans une
organisation matricielle.
Sur les achats hors production, il y a davantage une
approche terrain, avec des marchés différents en fonction des
régions et des pays. » (Acheteur production, Automobile)
Une question a été posée pour savoir si
l'acheteur production devait avoir la connaissance technique de type
ingénieur. Comme il en a été parlé dans les
formations, certains acheteurs production ont une formation d'ingénieur
et ont été recrutés notamment en raison de leurs
compétences techniques. La réponse des acheteurs est que la
connaissance technique dépend des missions attribuées à
l'acheteur et du degré technique des achats réalisés.
Ainsi, dans certaines entreprises, l'acheteur aura à sa charge la
rédaction du cahier des charges tandis que dans d'autres entreprises,
l'acheteur aura le support d'un client interne, qui a la connaissance technique
et rédige lui-même le cahier des charges. Lorsque la dimension
technique est très forte, le côté spécialiste
ingénieur sera privilégié car l'acheteur devra être
crédible vis-à-vis de ses clients internes, et sera capable
également de mettre à profit sa spécialité pour
obtenir des meilleurs résultats lors des négociations. Tout ne se
résume donc pas à la simple question : l'acheteur production
doit-il avoir des connaissances techniques ? Tout dépend du degré
de complexité des produits et de la position de l'acheteur
vis-à-vis de ses clients internes. Par exemple, les acheteurs fruits et
légumes d'une enseigne de grande distribution sont tous recruté
pour leurs connaissances sur les produits. Il y a un besoin d'avoir des
spécialistes c'est pourquoi ceux-ci proviennent d'écoles
d'ingénieur agronome. En revanche, sur des produits dont l'aspect
technique est plutôt simple, la curiosité et l'expérience
permettent d'avoir une expertise suffisante des produits.
« Le technique s'apprend sur le terrain, en ayant
cette approche de savoir, en faisant preuve de curiosité pour comprendre
son environnement. » (Acheteur production, chimie)
« Il y a des limites dans certains types d'achats.
Par exemple, si les achats sont très techniques, la connaissance peut
être difficile à acquérir et par conséquent, je
pense que je serai moins compétente que quelqu'un qui est
spécialiste sur le sujet. Je serai davantage compétente sur des
produits ou services pas trop complexe dans la technique. » (Acheteur
production, énergie)
« Si le type d'achats est très technique et
que l'acheteur connaît moins le produit que son client interne, il va
perdre en crédibilité. Un spécialiste peut ainsi
s'avérer important. Cependant, ce n'est pas forcément vrai sur
tous les achats. Tout dépend donc du métier et de
86
la manière de matérialiser ses
compétences. » (Acheteur hors production, industrie
pharmaceutique)
2.7.3 Les spécificités de l'acheteur
hors production
L'acheteur production a des spécificités propres
à son métier, à son positionnement dans la chaîne de
production. L'acheteur hors production a également ses
spécificités.
Tout d'abord, dans la revue de littérature, il a
été abordé le fait que le métier d'acheteur hors
production était récent. La fonction achats est en effet devenue
d'abord stratégique sur le coeur de métier de l'entreprise. C'est
seulement de manière récente que les achats hors production se
développent, l'entreprise sous-traitant de plus en plus
d'activités. Les réponses des acheteurs confirment cette
nouveauté. Ainsi, les acheteurs hors production ont un travail de
communication plus important auprès de leurs clients internes, ils
doivent davantage gagner en légitimité pour expliquer leur valeur
ajoutée et acquérir la confiance des clients internes.
« Le métier d'acheteur hors production se
valorise de plus en plus. Il se professionnalise enfin. » (Acheteur
production, aéronautique)
« Dans mon entreprise, les achats hors production
étant nouveaux, les acheteurs doivent plus « éduquer les
clients internes » sur le rôle des acheteurs. C'est acquis dans les
achats production. Il y a donc plus d'esprit d'influence dans les achats hors
production. » (Acheteur hors production, construction)
De plus, contrairement aux acheteurs productions, le client
interne est généralement le client final. Ainsi, leurs besoins
sont indépendants des produits ou services que vend l'entreprise. La
notion de « challenge » du besoin va ainsi être plus
importante. C'est pourquoi, des compétences telles que la communication,
la capacité à convaincre et la persévérance peuvent
avoir un degré d'importance plus élevé chez les acheteurs
hors production.
De plus, l'acheteur hors production achète une
catégorie de produits pour diverses entités de l'entreprise. Ses
clients internes peuvent être aussi bien le marketing que le
département financier alors que l'acheteur production a pour principal
client interne la production. Le degré d'adaptation est ainsi
différent et va concerner la pluralité des clients internes.
87
Ensuite, dans les achats hors production, les prix sont
difficilement décomposables. L'acheteur achète « un tout
», par exemple un ordinateur, des téléphones mobiles, des
voitures, des prestations d'intérim. L'optimisation des coûts se
fera davantage par la mutualisation des achats ou le challenge du client
interne car les produits sont standards. Il est difficile d'avoir une
prestation spécifique, « sur-mesure ».
De plus, la relation avec le marché et les fournisseurs
est différente. Alors que l'acheteur production va discuter davantage de
problématique produit vis-à-vis du fournisseur, l'acheteur hors
production n'a pas cette dominante sur des produits standards et travaille donc
davantage sur d'autres problématiques telles que les contrats ou les
procédures. Souvent, ce sont les clients internes qui vont passer les
commandes, faire un suivi de l'activité lorsque les contrats sont
signés. Les cycles d'achat sont également plus courts et il est
possible de changer de fournisseur plus facilement que dans les achats hors
production, surtout que les marchés sont davantage concurrentiels. Ainsi
la remise en question des achats est quotidienne. Contrairement aux achats de
production, le marché est souvent local. Ce n'est pas le cas pour tous
les produits (par exemple les achats informatiques) mais cela va être le
cas pour l'achat de forfaits mobiles, l'intérim, les assurances qui sont
propres à chaque pays. Les possibilités de l'acheteur sont ainsi
davantage limitées que pour l'acheteur hors production.
Ensuite, l'activité est davantage aléatoire que
pour les achats de production où la visibilité est plus forte et
où il est davantage possible de budgétiser à l'avance ce
qui va être produit durant l'année.
« Je pense que pour l'acheteur production,
l'activité est plus cadrée, on sait où on va, il y a un
process plus global, il faut être plus rigoureux, plus impliqué
dans la qualité, la logistique. En ce qui concerne les achats hors
production, ceux-ci sont plus aléatoires, il y a davantage
d'indépendance puisqu'il n'y a pas d'impact direct sur la production.
» (Acheteur hors production, électronucléaire)
Enfin, la connaissance des produits est moins essentielle que
pour les acheteurs production. Il faut plutôt avoir une bonne
connaissance du marché.
« Aujourd'hui dans mes équipes, j'ai un
acheteur informatique passionné et qui s'est spécialisé
dans ce domaine. Hors les achats informatiques ne sont pas stratégiques
pour l'entreprise. C'est pourquoi, cette passion m'amène à
l'inciter à rejoindre une entreprise où
88
cette dimension est stratégique, pour son
enrichissement personnel » (Acheteur hors production, industrie
pharmaceutique)
2.8 L'évolution des compétences
Enfin, les acheteurs ont été questionnés
sur les compétences qu'ils souhaitaient acquérir pour
évoluer dans leur métier. Les réponses données sont
variables en fonction des individus Certains acheteurs souhaitent
acquérir davantage de compétences comportementales telles que
savoir quelles postures physiques adopter ou encore apprendre à
être ferme ou à être diplomate. D'autres, vont citer les
compétences métacognitives telles que le leadership, les
compétences managériales, la gestion de l'urgence ou encore la
vision stratégique. Enfin, d'autres vont énumérer des
compétences techniques telles que les compétences commerciales,
la connaissance des autres métiers, la connaissance plus approfondie de
la qualité ou de la logistique, des compétences juridiques et
techniques ou bien encore des connaissances sur l'environnement
multiculturel.
Pour l'ensemble des acheteurs, l'évolution de leurs
compétences se fera principalement par l'expérience, les mises en
situation et l'implication de l'acheteur. Cependant, les formations
complémentaires sur divers sujets sont également importantes.
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