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Croissance et mutations du système financier au cameroun

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par Yves Lionel MEFO'O NGO'O
Université de Yaoundé II - Master Professionnel II en Relations Internationales 2012
  

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Abstract:

This survey aims to analyze the effects of the financial mutations on the economic growth in Cameroon. Indeed in the setting of plans of structural adjustment recommended by the institutions of Bretton Woods, the Cameroonian government has since October 16, 1990 liberalized the financial sector, softened the monetary policy, restructured the banks and adopted of new prudential regulations. Thus, we will analyze the effect of the financial system reform's on the performances of Cameroonian economy on the period 1990-2012. The gotten results put in evidence an effect mitigated of the relation between the monetary reforms and the economic growth of long term. What lets think about the possibility of setting in work of the necessary conditions to the success of the monetary reforms.

Keys words: Financial mutations, Economic growth, Financial system.

Croissance et mutations du système financier au Cameroun. IRIC/BMFI

MEFO'O NGO'O Yves Lionel ~ xi ~

PREMIERE PARTIE: DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE

ECONOMIQUE 11

Chapitre 1: Les fondements théoriques et empiriques des origines des mutations

financières 16

Section I : La globalisation financière .17

Section II : L'accélération des innovations financières 23

Chapitre 2: Degré de développement financier et croissance : analyses empiriques 33

Section I : La crise de l'intermédiation financière 34

Section II : Les mesures d'ajustement financier au Cameroun 45

DEUXIEME PARTIE: EFFICIENCE DU SYSTEME FINANCIER SUR LA

CROISSANCE ...62

Chapitre 3: La libéralisation et la répression financières 61

Section I : Évaluation de la compétitivité financière du système bancaire ..62

Section II : Évaluation de la politique de crédit de 1972 à 2012 .72

Chapitre 4: Innovations financières et croissance économique du Cameroun 83

Section I : Les caractéristiques actuelles de l'intermédiation bancaire au Cameroun .85

Section II : Émergence de la microfinance ..96

Croissance et mutations du système financier au Cameroun. IRIC/BMFI

INTRODUCTION GENERALE

«L'erreur ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit.»

GANDHI

Croissance et mutations du système financier au Cameroun. IRIC/BMFI

Traditionnellement, lorsqu'on parle de « système financier », on a toujours une vision trop duale de celui-ci. En effet, une distinction est faite entre les économies de marché de capitaux, où la plupart des transactions financières s'effectuent directement sur le marché et les économies d'endettement, où prédominent les banques comme intermédiaires. Il faut souligner également que le système financier englobe les intermédiaires financiers, les marchés et l'ensemble des institutions et mécanismes institutionnels (réglementations, systèmes de compensation, régime de change, etc.)qui rendent possibles les échanges financiers et qui participent à leur bon déroulement.

De plus, le système financier international a connu au cours de ces trois dernières décennies de sérieuses mutations. Celles-ci sont accélérées notamment par l'essor des technologies de l'information et de la communication, lesquelles ont contribué profondément au bouleversement des modalités de formulation et de mise en oeuvre des marchés des capitaux. Ces mutations désignent la profonde évolution des systèmes financiers amorcée dès les années 1970 dans les pays anglo-saxons, les années 1980 pour les pays européens et les années 1990 pour beaucoup de pays émergents (Romey, 2004). Il s'agit d'une évolution relative à la conjoncture actuelle qui trouve son interprétation dans le rétablissement des équilibres macroéconomiques et l'ajustement financier. A cet effet, le passage aux changes flottants à partir de 1973, le changement de contexte macroéconomique (chocs et contre chocs énergétiques, ralentissement de la croissance, gonflement de la dette publique des pays industrialisés, abandon des politiques d'encadrement du crédit) ont conduit à partir du début des années 1980, la communauté internationale à modifier le cadre institutionnel mis en place au lendemain de la seconde guerre mondiale. C'est ainsi que les missions des banques centrales, des banques de second rang, mais également des institutions financières internationales se sont modifiées progressivement à travers l'adoption de nouvelles réglementations prudentielles, la libéralisation du secteur financier et l'assouplissement de la politique monétaire. Dès lors, on est passé dans de nombreux pays, d'un système financier centralisé à un système financier décentralisé. Cette évolution s'est traduite dans les pays en voie de développement par l'apparition des marchés émergents et la libéralisation financière d'une part et dans les pays développés par la désintermédiation d'autre part.

À l'observation, deux faits majeurs vont marquer la sphère financière. D'un côté, il y a la globalisation financière qui s'est accompagnée d'une libéralisation des systèmes financiers nationaux traduite, elle-même, par le décloisonnement, la désintermédiation et la marchéisation. D'un autre côté, il y a l'accélération des innovations financières dont le développement ne s'est pas effectué partout au même rythme ; les pays anglo-saxons (États-Unis, Canada, Angleterre) ont été

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leaders en la matière avec notamment la création du Nasdaq1 en 1971, celle des marchés organisés d'options à Chicago en 1973 et à Londres en 1978 (Romey, 2004).Les autres pays européens ont abondé dans le même sens à partir des années 1980, puis les pays émergents dans les années 1990. Aussi, deux types d'initiatives sont à l'origine de cette transformation : l'initiative privée, surtout dans le cas des pays anglo-saxons, avec une accélération sans précédent d'innovations financières introduites le plus souvent par les institutions financières (Silber, 1983)2 ; l'initiative publique ayant dominé notamment dans les pays européens soucieux de rattraper le retard de leur place boursière par rapport aux pays en avance. Progressivement, les marchés financiers se sont développés, les banques ont suivi le même mouvement en formant des conglomérats financiers3 multispécialisés. La banque est ainsi devenue une industrie ne se préoccupant pas seulement de sa fonction d'intermédiation, mais également de la tenue de ses marges et de son taux de profitabilité (Bekolo Ebé, 1998). Elle a grandi et passe de la banque universelle à la banque éclatée incluant à cet effet, la sous-traitance. Par ailleurs, le secteur financier camerounais, jusqu'à la fin des années 70, est caractérisé par une relative stabilité à travers le poids des pouvoirs publics, le non-respect des normes prudentielles et une politique monétaire laxiste. Ce qui va conduire à la première crise bancaire qui va secouer l'ensemble du système économique et financier au milieu des années 80, se manifestant à travers au moins cinq facteurs : les défauts de paiement, les créances douteuses, la suspension des découverts, les pertes financières des agents économiques du fait de l'illiquidité des banques, et les faillites (fermetures d'agences ou de certaines banques).

L'Afrique centrale en général et le Cameroun en particulier n'ont pas été épargnés par cette évolution de la structure financière. En effet, le système financier camerounais, dont les défaillances ont été révélées en 1987 par la crise économique, a subi de profondes mutations au cours des années récentes. Les marchés financiers étant inexistants, ces mutations ont porté essentiellement sur le système d'intermédiation bancaire, comme susmentionnées. Les autorités publiques ont joué un rôle essentiel dans ces changements et cela pour un certain nombre de raisons : la crise économique qui a frappé les pays de la CEMAC4 a eu pour conséquence entre autres, la faillite des banques

1NASDAQ : National Association of Securities Dealers Automated Quotation, créé en 1971, il constitue l'inter-marché des entreprises innovantes aux États-Unis et est divisé en trois étages (baby nasdaq, middle nasdaq, big nasdaq). Il est le deuxième plus important, en volume traité, marché d'actions des États-Unis et le plus grand marché électronique d'actions du monde.

2Silber W. (1983), «The process of Financial innovation », American Economic Review, May.

3Le terme conglomérat financier désigne « Tout groupe de sociétés ayant un actionnariat commun et dont les activités exclusives ou prédominantes consistent à fournir des services significatifs dans au moins deux secteurs financiers différents (banques, titres, assurances) » (Scialom, 1999, p. 40).

4CEMAC : Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique Centrale est née en 1994 sous les cendres de l'Union Douanière et Économique de l'Afrique Centrale (UDEAC). Elle est composée de six (06) pays : Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Équatoriale, Tchad et République Centrafricaine.

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commerciales et des institutions financières spécialisées dans le financement à long terme. Ainsi, pour juguler cette crise, les pouvoirs publics ont mis en place un certain nombre de réformes financières visant à stabiliser et à assainir l'environnement macroéconomique. Ces réformes ont consisté en une redéfinition de la politique monétaire, en une restructuration du système bancaire par le biais des liquidations, de fusions, ou de recapitalisation de certaines institutions bancaires. Une autre politique générale et non la moindre mise sur pied au début des années 1990 a consacré, à n'en point douter, la création de la COBAC5dont l'objectif est de contribuer à l'assainissement du système bancaire par un contrôle régulier et une supervision des établissements de crédit.

A la faveur des réformes structurelles (assainissement du système bancaire, émergence des EMF), le système financier camerounais s'est caractérisé par la suite par une forte surliquidité, une forte concentration des activités de crédits et de dépôts. Le marché bancaire est en particulier légèrement développé, avec un faible taux de bancarisation, et les opérations de prêts ne concernent que les banques du même groupe. Les premiers bénéficiaires des crédits accordés sont les entreprises privées, avec environ 65 % du total des crédits. Les entreprises publiques et les particuliers détiennent respectivement 13.2 % et 12.2 % de l'encours des crédits. La répartition des crédits à l'économie selon la durée est dominée par les crédits à court terme qui représentent 64.9 %, les crédits à moyen terme et à long terme représentant 32.9 % et 3.2 %, respectivement. Le marché boursier, faiblement capitalisé (XAF 94 milliards en 2011), est animé par seulement trois entreprises à savoir la SEMC6, la SAFACAM7 et la SOCAPALM8. Pour promouvoir et dynamiser le marché financier, le gouvernement a pris plusieurs mesures dont la création d'un cadre législatif sur les Organismes de Placement Collectif des Valeurs Mobilières (OPCVM) et la finalisation des réformes sur la dématérialisation des valeurs mobilières. En outre, l'émergence de la microfinance est à la fois une conséquence de la faillite du système bancaire traditionnel et le produit de la restructuration bancaire. Aussi, le secteur de la microfinance reste un complément efficace du secteur bancaire traditionnel dans le financement à court terme des activités en faveur des pauvres. Le Gouvernement entend améliorer le rôle de refinancement des établissements de microfinance de la Banque Centrale à travers: (i) la consolidation et l'extension des services financiers de base, ainsi que l'amélioration de la qualité des prestations des Établissements de

5COBAC : Commission Bancaire de l'Afrique Centrale, créée le 16 octobre 1990.

6SEMC : Société des Eaux Minérales du Cameroun, filiale de la Société Anonyme des Brasseries du Cameroun (SABC), créée le 16 Janvier 1979 ; première entreprise introduite à la bourse, enregistrant sa première cotation le 30 juin 2006 au cours de 54 000 FCFA.

7SAFACAM : Société Africaine Forestière et Agricole du Cameroun, introduite en bourse le 09 Juillet 2008. 8SOCAPALM : Société Camerounaise de Palmeraies créée en 1968 par décret présidentiel n° 68/DF/451, introduite en bourse avant la fin du deuxième semestre 2008 au cours de 45 999 FCFA.

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microfinance (EMF) ; (ii) le renforcement du contrôle et de la transparence au sein des EMF, (iii) le partage des rôles entre la Commission bancaire de l'Afrique centrale et la Cellule de contrôle des EMF ; et (iv) le renforcement de la monétisation. Il convient de relever que le système financier s'est enrichi d'un nouvel établissement financier public et de deux établissements spécialisés de crédit, portant ainsi à 15 le nombre des banques en activité. La mise en oeuvre du plan d'action de renforcement de l'intermédiation financière s'est poursuivie avec la signature des textes visant à renforcer le cadre juridique et réglementaire et à diversifier les instruments financiers. Malgré l'assainissement du système financier, les normes prudentielles ne sont pas toujours respectées par toutes les banques. Ainsi, sept (07) banques en activité disposent de fonds propres nets suffisants pour honorer l'ensemble des normes prudentielles. La norme prudentielle respectée par le plus grand nombre d'établissements est celle se rapportant au ratio de liquidité. La norme relative au coefficient de transformation constitue celle à l'égard de laquelle l'on observe le plus grand nombre de banques en infraction. C'est dans ce contexte que nous nous pencherons sur la question suivante : les mutations financières ont-elles dynamisé la croissance de l'économie du Cameroun ?

Sur le plan de l'économie appliquée au développement, le lien « finance-croissance économique » a été étudié plus en détail, notamment avec les travaux de Goldsmith (1969) et McKinnon (1973), à travers l'école dite de la répression financière. Selon les auteurs, le secteur financier joue un rôle important dans le processus de croissance économique mais il peut être limité si les autorités publiques agissent sur le prix ou l'allocation des crédits, c'est-à-dire dans un contexte de répression financière. Les principales suggestions issues de cette école ont largement été mises en place dans plusieurs pays en développement pendant les années soixante-dix et quatre-vingt. Elles visent essentiellement à libéraliser le secteur financier dont l'objectif est de soutenir la croissance des taux d'épargne et d'investissement ainsi que d'améliorer l'efficacité du capital.

Ainsi, de l'interrogation principale susmentionnée découlent deux préoccupations secondaires, à savoir :

Le système financier favorise-t-il la croissance économique au Cameroun ?

Les mutations financières permettent-elles d'améliorer la compétitivité du système financier ?

Ces interrogations revêtent un intérêt à la fois positif et logique. Sur le plan positif, il est à noter que les analyses des effets du système financier restent relativement peu nombreuses.

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Croissance et mutations du système financier au Cameroun. IRIC/BMFI

En outre, malgré la fécondité de la recherche sur le lien entre le développement financier et le développement économique dans le monde (Goldsmith, 1955, 1969 ; Gurley et Shaw, 1955, 1960 ; McKinnon, 1973, 1991 ; Shaw, 1973 ; Fry, 1988, 1989 ; Thornton, 1991, 1944 ; King et Levine, 1992, 1993 ; Bencivenga et Smith, 1991 ;Greenwood et Jovanovic, 1990 ; Pagano, 1993...), relativement peu de travaux semblent s'être intéressés aux pays d'Afrique centrale en général et au Cameroun en particulier en terme de contribution sur la question. L'ambition visant à combler ce vide peut dès lors s'avérer utile. Sur le plan logique, l'évaluation de l'impact des mutations sur la compétitivité du système financier présente un intérêt évident en termes d'analyses sectorielles des questions de performance et de financement de l'économie.

En se basant sur les analyses théoriques sur l'innovation financière qui ont été faites par Silber9(1983), il ressort que l'innovation financière est à l'origine des transformations du système financier. Aussi, deux types d'initiatives peuvent être associés, en l'occurrence l'initiative privée et l'initiative publique. Cette innovation financière est comprise comme le produit d'une contrainte exogène qu'il s'agit de contourner. L'idée était déjà présente chez Gurley et Shaw (1960) pour qui « dans toute économie, la structure financière est continuellement remodelée par les efforts des agents économiques pour échapper aux contraintes déjà existantes ». Les analyses de Silber (1975,1983) et Kane (1983,1988) confèrent d'intéressants fondements théoriques aux innovations de contournements, notamment celles introduites par les institutions financières afin de relâcher la contrainte de la réglementation.

Cette innovation se développe pour attirer la clientèle en mettant à sa disposition des instruments supposés correspondre à ses besoins. Pour Bourguinat (1992), ce développement constitue une conséquence de la mondialisation des marchés et de la globalisation financière. Il va analyser la finance internationale en insistant sur le fait qu'il existe de nos jours un vaste marché financier international dont les parties sont étroitement solidaires et interdépendantes. Dans la même pensée, Bekolo-Ebé (1998) estime que les économies contemporaines s'engagent au renforcement des interconnexions et à une unification du marché qui s'homogénéise par de-là les États-nations.

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9Silber W (1983), « The process of Financial innovation », American Economic Review, May.

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Par la suite, les études de Sandretto et Tiani Keou (1993), Tamba et Tchamambe Djine (1995), et Bekolo-Ebé (1996) relèvent les changements de la sphère financière sur le plan global en s'interrogeant sur l'origine de la crise et sur l'efficacité des mesures correctives. Pour Bekolo-Ebé (2001) et Joseph A. (2001), les reformes ont consisté en une redéfinition de la politique monétaire, avec l'adoption de la programmation monétaire, mais aussi en la mise en place d'un cadre prudentiel et en une restructuration du système bancaire, et en la création du marché monétaire. Ce qui permet aux banques secondaires de recourir à la technique d'Open Market pour se refinancer.

Aussi, Hugon (1996) va analyser les innovations financières de la part des institutions officielles. Ces innovations concernent les nouveaux produits, les nouveaux circuits, les nouvelles organisations mais également les nouvelles réglementations, et les changements de politique économique.

Les travaux de Joseph A. (2000) montrent que la sphère financière n'a pas d'influence sur la sphère réelle. Les canaux de transmission entre ces deux sphères étant la part de l'épargne collectée par les banques et effectivement allouée aux investissements. Les banques vont donc rationnées. Mais ces travaux ne tiennent pas compte de la finance informelle dont l'influence sur la sphère réelle est indéniable au Cameroun. A cet effet, certaines études ont montré que 49% des activités sont financées par le système informel. Aussi, Éboue (1996) estime que c'est le rationnement bancaire de la demande privée de crédit qui explique le dynamisme de la finance informelle.

De même que le concept de finance informelle a émergé pendant les années 1980, le concept de microfinance a émergé pendant la décennie suivante. Lelart (2002) élabore les facteurs à la base de l'essor de la microfinance et pense que l'émergence de la microfinance est une manifestation de la vitalité de la finance informelle. Dès lors, la finance informelle contribue certes au fonctionnement de l'économie, en particulier au sein des familles et de micro-entreprises, et elle le fait efficacement. Mais elle n'y contribue que faiblement, pour des montants limités et pour des durées courtes. De nombreuses études de Nzemen (1988), Lelart (1989) montrent que les mécanismes informels sont de puissants instruments de mobilisation de l'épargne et de financement d'activité tant formelle qu'informelle. Il n'en demeure pas moins vrai qu'ils font face à des contraintes qui en limitent l'incidence positive. Aussi, le partitionnement des circuits financiers relève du dualisme financier dans les pays en développement, composés d'une part, d'un système informel plus adapté aux structures et aux besoins des populations. D'autre part, d'un système financier formel déconnecté des structures économiques internes.

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C'est ainsi aussi que, Lelart (2002) va analyser les conséquences de l'évolution de la finance informelle sur l'évolution des systèmes financiers et trouve qu'il est possible que le système financier ne comporte plus qu'une seule catégorie d'institutions. On serait en présence d'un système unifié. Romey (2004) définit les grands traits de la mutation financière et pense que la globalisation financière et l'accélération des innovations financières en constituent les deux principaux piliers. Demartini (2004) va, quant à lui, analyser les conséquences de la mutation financière et trouve qu'en favorisant une allocation des capitaux, la mutation financière a sans doute contribué à rendre le fonctionnement des systèmes bancaires plus efficient. Seulement, ce gain d'efficience s'est opéré au prix d'une instabilité accrue.

Il faut tout de même noter que, depuis les travaux de Goldsmith (1969), il est reconnu qu'il existe un lien entre le taux de croissance à long terme de l'économie et le niveau d'évolution du secteur financier. Seulement, cette hypothèse est galvaudée dans les économies en développement lorsqu'on tient compte des restrictions réglementaires introduites par les politiques gouvernementales. Aussi Guillaumont et Kpodar (2004) relèvent que l'instabilité du développement financier croît avec le système lui-même, tout en montrant l'effet favorable du développement financier sur la croissance économique et l'effet antithétique des crises financières. Pourtant à l'observation des faits stylisés de la zone CEMAC, la libéralisation ainsi enclenchée a permis dans un premier temps d'améliorer les conditions de dépôts, mais dans un second temps, elle a conduit à la baisse drastique des ratios de développement financier. Ces conclusions que nous pouvons tirer de l'observation des faits nous amènent à nous intéresser davantage au sens de la causalité entre le développement du système financier et le phénomène de croissance de l'activité économique.

L'objectif principal de cette étude est d'analyser l'effet des réformes du système financier sur les performances de l'économie camerounaise.

De cet objectif général découle deux objectifs secondaires :

? Analyser et évaluer l'effet du développement financier sur la croissance du Cameroun,

? Analyser et évaluer l'efficience du système financier sur la croissance de l'économie camerounaise.

L'hypothèse centrale des analyses ici présentées est que les transformations du système financier favorisent la croissance de l'économie du Cameroun.

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De façon plus spécifique :

? Les mutations financières favorisent la croissance économique au Cameroun.

? Les mutations financières permettent d'améliorer les performances du système financier national.

Les données primaires seront collectées auprès des banques et institutions financières non bancaires ayant été profondément restructurées d'une part (unités objets) et celles ayant un statut quo (unités témoins). La méthode des quotas permet de déterminer le nombre de banques et institutions financières bancaires et non bancaires à enquêter.

Le constat général est que les analyses de la croissance au Cameroun sont généralement fondées sur une approche monétaire, or la croissance est un état multidimensionnel relevant à la fois du culturel, de l'économique, du social et du politique. Depuis quelques années, dans l'analyse de la croissance, un consensus se dégage indiquant que l'approche monétaire ne suffit plus pour caractériser ce phénomène complexe. Pour tenir compte de cette critique, l'intérêt scientifique de ce travail est d'utiliser une dimension multidimensionnelle de la croissance dans l'analyse de l'impact des mutations financières sur la compétitivité du système financier au Cameroun.

Ainsi, nous construirons des indicateurs non monétaires de la pauvreté, en utilisant l'analyse des correspondances. Pour finir un indicateur composite de la croissance multidimensionnelle du système financier sera construit.

Dans ce travail, nous allons nous intéresser à l'efficacité du système financier à booster la croissance économique. En effet, en sciences sociales où l'expérimentation n'est pas possible, l'on fait face à une alternative. La première branche de l'alternative cherche à comparer les situations dites « d'avant » avec des situations dites « d'après » pour chacune des unités statistiques retenues (banques et institutions financières). Cela se fait autant que possible en comparant les niveaux d'un ensemble d'indicateurs entre ces deux situations. La deuxième possibilité, souvent la plus utilisée, peut être qualifiée de quasi-expérimentale. Elle procède par comparaison directe entre des unités statistiques cibles ou objets et des unités statistiques témoins ou de contrôle. C'est celle-ci qui sera retenu dans le cadre de ce travail.

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Ainsi, on s'intéressera aux approches théoriques des origines des mutations financières qui nous permettront de poser le cadre théorique. Par la suite, nous analyserons les conséquences des mutations financières sur l'économie camerounaise et sur le système financier dans une démarche empirique. Il s'agira d'abord d'évaluer la solidité financière du système bancaire, laquelle s'appréciera à travers le respect des normes prudentielles édictées par la COBAC, les indicateurs de rentabilité et les autres indices de performance. A cet effet, il sera calculé les ratios de solvabilité, de liquidité et les indicateurs de rentabilité. Ensuite, il sera évalué la politique de crédit entre 1972 et 1990 (années qui marquent le début des réformes). Les résultats seront donnés sous formes de graphiques et de tableaux explicatifs des évolutions observées. Enfin, il sera évalué la politique de crédit élaborée entre 1990 et 2012. A cet effet, il sera décelé l'évolution des tendances. Or, la connaissance des tendances est essentielle à la politique économique dès lors que celle-ci tend à s'appuyer sur des prévisions. L'objectif de la politique économique sera dans cette optique d'inciter ou de déjouer les tendances normalement observées dans l'économie. C'est pourquoi nous tenterons, d'interpréter les évolutions observées et d'en dégager quelques implications.

Par ailleurs, notre étude utilise les données relevées depuis 1972, mais s'étend beaucoup plus sur la période comprise entre 1990 à 2012. Période concentrant à notre avis les récents bouleversements observés sur la sphère financière camerounaise. La recherche d'un cadre illustratif qui puisse aider à l'analyse et l'évaluation de l'effet du développement financier sur la croissance fera l'objet d'une première partie. Cette partie permettra d'éclairer la question des fondements théoriques et empiriques des origines des mutations financières et la justification des analyses empiriques qui constituera la clé de voute dans l'évaluation du degré de développement financier du Cameroun. Dans le premier chapitre, nous examinerons le concept des « mutations financières ». Plus précisément, nous étudierons la nature et les origines des mutations financières en prenant appui sur deux points : la globalisation financière et l'accélération des innovations financières. Dans le second chapitre, nous nous pencherons sur la question du degré de développement financier et croissance. En prenant appui sur ce cadre mis en place, nous proposerons dans la seconde partie du mémoire, deux études empiriques complémentaires qui s'inscrivent dans la lignée des mutations du système financier. Il nous semblera utile dans un premier temps (troisième chapitre), de se familiariser aux techniques variées et complémentaires du système financier nécessaires a l'appréciation de la libéralisation et de la répression financières. Ainsi dans un second temps (quatrième chapitre), nous discuterons des performances des innovations financières sur la croissance économique camerounaise.

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DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE

PREMIERE PARTIE :

«Sois plus sage que les autres si tu le peux, mais ne leur dis pas.»

Lord Chesterfield

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Croissance et mutations du système financier au Cameroun. IRIC/BMFI

rythme tend à s'accélérer et à se propager à l'ensemble des économies. Cette évolution résulte de plusieurs faits majeurs qui ont particulièrement affecté le fonctionnement des systèmes bancaires et financiers nationaux et internationaux, dont deux nous paraissent pertinents pour notre propos.

Il y a, d'une part, le passage aux changes flottants à partir de 1973. En effet, à partir du moment où les banques centrales non américaines ont été conduites en Février-Mars 1971 à ne plus intervenir aux marges de fluctuation du Dollar Américain telles qu'elles avaient été fixées (#177; 4,5%) par l'accord de l'Institut Smithonian de Décembre 1971, le mouvement était engagé (Bourguinat, 1992). On s'orientait vers l'abandon du « Gold Exchange Standard » au profit d'un système de cours de change déterminé au jour le jour, par le marché. Il y a, d'autre part, le changement du contexte macroéconomique. Il s'est agi ici des chocs et contre chocs énergétiques en l'occurrence, de l'avènement du premier et du second choc pétrolier ; du ralentissement de la croissance ; et du creusement des déficits publics.

En effet, les innovations financières ne se sont pas développées partout au même rythme et, à la même manière. Elles ont initialement été amorcées par le secteur privé surtout dans les pays anglo-saxons, avec une accélération sans précédent d'innovations financières, introduites le plus souvent par les institutions financières (Silber, 1975)10. Elles ont également été initiées par le secteur public notamment dans les pays européens soucieux de rattraper le retard de leur place financière par rapport aux autres pays en avance. Aussi, d'importantes réformes financières ont dès lors été entreprises par les pouvoirs publics, visant à décloisonner les marchés nationaux de capitaux, à les étendre et à en faciliter l'accès, ainsi qu'à libéraliser l'activité des banques et à favoriser l'essor de nouveaux intermédiaires financiers.

Progressivement, à l'échelle internationale, les marchés des capitaux se sont standardisés (mêmes produits, mêmes segments de marchés, mêmes procédés, mêmes intervenants), et interconnectés jusqu'à créer un vaste marché mondial des capitaux (Romey, 2004).

10 Silber W. (1975), Financial innovation, (Ed.) Lexington Books.

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Le rôle des marchés des capitaux s'est ainsi considérablement accru, aussi bien au niveau des modalités du financement des entreprises, qu'au niveau des possibilités de placements des ménages.

A cet effet, à partir du début des années 1980, les pouvoirs publics ont modifié le cadre institutionnel mis en place au lendemain de la seconde guerre mondiale. Les conséquences de cette modification sont allées au-delà du cadre national et, se sont répercutées même dans les pays ayant connu un retard dans leur décollage.

La théorie économique a toujours été partagée entre deux courants concernant l'importance du système financier dans la croissance économique. D'un coté il y a ceux qui, dans la lignée de Bagehot et Hicks, parlent de son rôle actif dans le démarrage de l'industrialisation en Angleterre11. Schumpeter (1911) dans son ouvrage « La théorie de l'évolution économique » précise que le crédit sert le développement industriel et qu'il est une condition préalable à la création et au développement de l'innovation et donc à la croissance économique. A l'inverse, il y a ceux qui ne croient pas à l'importance de la relation entre la finance et la croissance économique. Lucas (1988) affirme que les économistes exagèrent le rôle des facteurs financiers dans la croissance, et les économistes du développement expriment fréquemment leur scepticisme au sujet du rôle du système financier en l'excluant dans leurs analyses.

Les travaux récents qui ont rapproché les théories de la croissance endogène et de l'intermédiation financière se placent dans cette optique. Le rapport sur le Développement dans le Monde de 1989 publié par la Banque Mondiale présente déjà une étude approfondie du lien entre finance et croissance en insistant sur le développement du secteur financier dans les pays en développement pour renforcer la croissance économique. Un des premiers modèles financiers de croissance endogène, celui de Bencivenga et de Smith (1911) montre qu'une meilleure gestion du risque de liquidité par le secteur bancaire permet d'augmenter la part de l'épargne allouée à des placements plus productifs tout en gardant un niveau général d'épargne constant. Ainsi, une relation positive entre le secteur bancaire et la croissance économique est établie de manière théorique. Les articles qui ont suivi prennent en compte les phénomènes de répression financière et de libéralisation monétaire et traitent du secteur bancaire mais aussi des marchés financiers12. En ce

11 En France, la haute banque, avec laquelle les familles Sellières, Vernes et Rothschild ont bâti leur fortune au début du XIXème siècle, a pris une part active dans la révolution industrielle par ses investissements dans l'industrie et des transports. C'est ainsi que la maison Sellière s'associe avec Antoine Schneider, parvient à redresser l'usine métallurgique du Creusot en 1836. Rothschild, Hottinguer et Laffitte financent, en 1845, la Compagnie du Nord, qui reliera, par le chemin de fer, Paris à la région lilloise.

12 Plusieurs articles proposent des revues de cette littérature, voir par exemple Berthélémy et Varouadakis (1996).

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Croissance et mutations du système financier au Cameroun. IRIC/BMFI

qui concerne les analyses empiriques, un certain nombre d'études économétriques sur les déterminants de la croissance montrent que le niveau d'intermédiation financière est un bon indicateur des taux de croissance économique de long terme ainsi que de l'accumulation du capital et des gains en productivité. King et Levine (1993a et b) utilisent quatre indicateurs pour mesurer le développement du secteur bancaire et quatre indicateurs de développement économique. Les résultats qu'ils obtiennent mettent en évidence une relation robuste entre les deux familles d'indicateurs. Les crises financières qui ont secoué successivement ces dernières années les différentes zones du monde renforcent la thèse d'un rôle prééminent de ce secteur et la nécessité d'organiser le mieux possible son fonctionnement. L'étude de la relation entre système financier et croissance sera abordée en deux volets, théorique et empirique. Explicitement ou implicitement, dans toutes les études, on retrouve l'idée qu'un système financier efficient active le développement économique tout en l'orientant. Notons cependant que la corrélation est maintenant largement admise, le sens de causalité reste contesté13 opposant, d'une part, le développement financier exogène (conduit par l'offre de services financiers) et, d'autre part, le développement financier endogène (induit par la demande de services financiers). La principale contribution des systèmes financiers à la croissance repose sur le fait que ces derniers permettent d'assurer le fonctionnement d'un système de paiement efficace et évolutif, mobilisent l'épargne et améliorent son affectation à l'investissement. L'existence d'un moyen d'échange fiable est une condition nécessaire de la croissance. Les systèmes de paiement évoluent en parallèle et en interaction avec la croissance économique. La croissance entraine des gains de productivité, mais aussi une ouverture continue de nouveaux marchés, une complexité croissante des échanges qui renforcent la monétisation des économies, qui est nécessaire à son tour pour soutenir le volume de l'activité économique. Cette association entre le PIB et le degré de monétisation de l'économie a été soulignée dès la fin des années soixante par Goldsmith (1969). Par ailleurs, le développement des marchés financiers ou d'intermédiaires bancaires peut assurer une meilleure mobilisation de l'épargne disponible et soutenir ainsi la croissance économique. Il facilite notamment l'agglomération des ressources financières de l'économie. Ceci permet aux intermédiaires financiers de diversifier les risques associés aux projets d'investissement individuels et de proposer aux épargnants des placements à rendements plus élevés. Ceux-ci favorisent la détention de l'épargne sous forme financière, plutôt que sous forme d'actifs réels peu rentables. Cette réorientation de l'épargne peut à son tour renforcer davantage le développement du système financier. Des modèles basés sur la théorie de la croissance endogène permettent de formuler les interactions entre facteurs financiers et croissance

13 Voir R. I. St Hill (1992) et H. Patrick (1996). On trouvera des éléments de vérification empirique et des tests de causalité chez Jung (1986) et Thornton (1991, 1994).

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Croissance et mutations du système financier au Cameroun. IRIC/BMFI

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en réintroduisant le rôle primordial de l'intermédiation financière dans l'amélioration de l'allocation des ressources.

Ainsi, le système financier camerounais dont, les défaillances ont été observées au milieu des années quatre-vingt a subi de nombreuses mutations traduites par une émergence de nouveaux établissements financiers, un essor remarquable de la microfinance, un passage de l'illiquidité à la surliquidité des banques et l'adoption des réformes financières. Les mutations du système financier camerounais ont été initiées par les pouvoirs publics avec l'appui des institutions financières internationales, BEAC, FMI, Banque Mondiale qui ont mis en place un ensemble de mesures sur le plan financier, monétaire et juridico-institutionnel en vue de rétablir l'équilibre financier des banques et permettre une meilleure allocation des ressources à l'économie.

L'objectif de cette partie est d'apporter des éclaircissements sur le développement du système financier. Pour cela, il sera présenté au premier chapitre les fondements théoriques et empiriques des origines des mutations financières et le deuxième chapitre mettra en exergue le degré de développement financier avec son incidence sur la croissance.

Croissance et mutations du système financier au Cameroun. IRIC/BMFI

CHAPITRE I :

LES FONDEMENTS THEORIQUES ET
EMPIRIQUES DES ORIGINES DES
MUTATIONS FINANCIERES

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