Ministère de l'Enseignement
République du Mali
Supérieur et de la Recherche Scientifique
Un Peuple-Un
But-Une Foi
......................................
Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest
.......................................
Unité Universitaire de BAMAKO
![](La-protection-penale-des-suspects-et-des-personnes-poursuivies1.png)
MEMOIRE DE FIN DE CYCLE
THEME : LA PROTECTION PENALE DES SUSPECTS ET DES
PERSONNES POURSUIVIES
PRESENTE ET SOUTENU PAR :
SAMBA BABA N'DIAYE
Pour l'obtention du Master 2 en Droit
Privé
Option : Recherche en Droit Privé
Général
Sous la Direction de :
Dr. Moussa Berthé
Membres du jury:
1. Dr. TOGOLA Fousseyni, Président du
Jury
2. Dr. BERTHE Moussa, Directeur de
Mémoire
En Date du 10/12/2013
Année Universitaire 2012/2013
Promotion 2008/2013
DEDICACE :
Je dédie ce mémoire à mon neveu
Diam Sidibé.
REMERCIEMENTS :
Aux termes de cette formation, il est primordial pour moi de
rendre grâce à Dieu le miséricordieux, ainsi qu'à
son prophète MOHAMED (Paix et Salut sur lui).
Mes chaleureux remerciements vont à l'endroit de mon
Père Demba N'Diaye et de ma Mère Henriette Dembélé
qui ont fait tout leur possible du début jusqu'à nos jours pour
la réussite de mes études.
Je remercie également mes frères Bakary N'Diaye et
Noël N'Diaye et mes soeurs Sanè N'Diaye et Kadiatou N'Diaye ainsi
que tout le reste de ma famille pour leur soutien moral.
Mes remerciements vont également à l'endroit de
tous mes amis.
J'adresse un remerciement particulier à Kalifa
Traoré et Kadidia Sidibé pour leur soutien matériel.
Enfin j'adresse un remerciement spécial à
l'administration de l'Université Catholique de l'Afrique de l'Ouest
ainsi qu'à tout le corps professoral de l'établissement, à
mon Directeur de mémoire le Dr. Moussa Berthé pour son ouverture
d'esprit, sa bonne foi, sa disponibilité malgré ses multiples
préoccupations.
TABLEAU DES ABREVIATIONS :
A.J Pén : Actualité Juridique
Pénale.
A.M.D.H : Association Malienne des Droits de
l'Homme.
A.P.J : Agent de Police Judiciaire.
Art : Article.
B.C : Bulletin Criminel français.
BICE : Bureau International Catholique de
l'Enfant.
C. civ : Code Civil.
CLP : Comite Locaux de Protection des
enfants.
C.N.D.I.F.E : Centre National de Documentation et
d'Information sur la Femme et l'Enfant.
Conv. E.D.H : Convention Européenne des
Droits de l'Homme (ou Cour de Strasbourg).
C.E.D.H : Cour Européenne des Droits de
l'Homme.
C.P.P : Code de procédure pénale.
C.P : Code Pénal.
Crim : Chambre Criminelle
française.
D.U.D.H : Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme.
Dr. Pén : Droit Pénal.
J.L.D : Juge des Libertés et de la
Détention.
M.P : Ministère Public.
O.P.J : Officier de Police Judiciaire.
Ord : Ordonnance.
P.G : Procureur Général.
P.I.D.C.P : Pacte International des Droits Civils et
Politiques.
P.J : Police Judiciaire.
P.V : Procès-Verbal.
R.A.S.J : Revue Annuel de Science
Juridique.
SOMMAIRE :
Introduction.....................................................................................................................6
1ère Partie : Les garanties
procédurales accordées aux suspects et aux personnes
poursuivies......................................................................................................................11
Chapitre 1 : Les garanties procédurales
accordées pendant la garde à
vue.......................12
Section 1 : Le régime de la garde à
vue.............................................................................13
Section 2 : Les sanctions de la garde à
vue........................................................................24
Chapitre 2 : Les garanties procédurales
accordées pendant la détention provisoire..........30
Section 1 : Les conditions générales
de la détention
provisoire.........................................32
Section 2 : La détention provisoire dans la
pratique et le système réparateur en cas de préjudice
subi...................................................................................................................50
2ème Partie : Les droits
fondamentaux reconnus aux suspects et aux personnes
poursuivies.......................................................................................................................66
Chapitre 1 : Le principe de la présomption
d'innocence....................................................67
Section 1 : Les fondements du principe de la
présomption d'innocence............................69
Section 2 : Les atteintes au principe de la
présomption d'innocence.................................78
Chapitre 2 : Le principe du respect des droits de la
défense..............................................82
Section 1 : La consécration des droits de la
défense..........................................................83
Section 2 : Les composantes des droits de la
défense........................................................89
Conclusion........................................................................................................................97
INTRODUCTION :
L'impunité encourage un climat de comportement non
éthique, de fraude et de corruption. Les procédures judiciaires
permettent de traduire devant une juridiction les personnes
soupçonnées d'une infraction et de voir à ce qu'elles
reçoivent une sentence si elles sont trouvées coupables. Les
poursuites et les peines font assumer aux coupables la responsabilité de
leurs actions et servent à décourager ceux qui voudraient se
prêter à des activités illégales. En effet l'une des
fonctions de l'institution judiciaire pénale est de traduire devant les
tribunaux les présumés délinquants1(*).
« Ubisocietas, Ubi-jus »2(*) dit-on. Le droit de punir dans
la société humaine a comme une évolution remarquable de la
justice privée instituée dans la société primitive
à travers les mécanismes du verdict du chef de la famille,
l'abandon et la composition, l'institutionnalisation de l'appareil judiciaire
dans les Etats modernes. Ceci en vue d'assurer la défense de la
société en infligeant des sanctions contre les transgresseurs des
lois et parer ainsi à la vengeance privée jadis établie en
règle.
Partant, le droit de punir, mieux d'arrêter, de
restreindre ou de priver la liberté reconnu aux autorités
judiciaire ne peut être conçu sans limite. Car, à la
commission de l'infraction, deux intérêts à concilier
à tout prix entrent en ligne de compte : la défense de la
société dont le rétablissement de l'ordre troublée
est recherché et la protection de l'individu, auteur, co-auteur ou
complice de l'infraction disposant des droits garantis par la loi au cours de
toute la procédure judiciaire. Ainsi la mission redoutable de poursuivre
et de punir se trouve assortie du pouvoir adéquat tandis que les
garanties protègent les justiciables contre les excès que
pourraient commettre les magistrats imbus de leur ministère et nantis
des pouvoirs exorbitants. Ce qui explique la mission de l'Etat qui est
d'accomplir avec plus d'efficacité cette tâche de recherche,
d'instruire et de punir les coupables.
Dans cette optique, pour un équilibre dans
l'établissement des règles de droit, tout comme le soleil brille
sur les hommes méchants, comme bons, la constitution du 25
Février 1992, ainsi que les instruments judiciaires internationaux des
Droits de l'homme dans leurs dispositions, établissent des règles
visant à protéger l'auteur de l'infraction. Il échait
dès lors de dire qu'au moment où un citoyen commet un acte
délictueux, il bénéficie de l'application d'une
série des principes fondamentaux de la procédure pénale.
En effet, d'un point de vue chronologique, ces principes
fondamentaux traitent d'abord de l'enquête préliminaire de la
police avant toute information du parquet. Le délinquant est
appelé suspect à ce stade. Mais au vue des différentes
preuves, la police judiciaire en dressant un P.V, informe le juge
d'instruction. D'où la phase préparatoire du procès
pénal. Le suspect devient une « personne poursuivie3(*) » avec l'investigation
du juge d'instruction et les preuves qu'il a pu rassembler contre le suspect.
Et durant tout ce long processus, le délinquant dispose d'un certain
nombre de systèmes protecteurs dans le procès pénal.
Ainsi le suspect est un terme générique
désignant une personne soupçonnée d'avoir
participé à la commission d'une infraction et qui n'est pas
encore poursuivie4(*).
Ni la loi interne ni la jurisprudence et pas davantage les
instruments internationaux les plus importants ne proposent en effet de le
définir.
On désigne parfois le suspect comme étant la
«personne soupçonnée d'avoir participé à la
commission d'une infraction sans que l'action publique ait été
encore déclenchée». Comme dans les romans noirs, le suspect
serait cantonné à la phase purement policière de la
procédure pénale. Il disparaît si l'action publique venait
à être déclenchée et qu'on diligentait des
poursuites répressives à son encontre. Habituellement,
l'arrestation et l'inculpation d'un suspect exigent qu'il existe une preuve qui
peut relier la personne accusée à l'infraction. À moins
que la police n'intercepte une personne sur le fait, les arrestations exigent
généralement un mandat d'arrestation.
Il faut comprendre qu'indépendamment du stade de la
procédure, c'est toujours d'une personne suspecte qu'il s'agit,
c'est-à-dire toujours d'une personne à l'encontre de laquelle
pèse simplement une probabilité d'agissement infractionnels, en
vertu du principe de la présomption d'innocence.
La condition juridique du suspect est soumise à la
fluctuation des preuves, qu'elles soient à charge ou à
décharge. La situation personnelle du suspect va témoigner de ces
évolutions, jusqu'à ce qu'une décision juridictionnelle
définitive y mette un terme (par une déclaration d'innocence ou
une condamnation).
Lorsque les poursuites sont engagées contre le suspect,
ce dernier devient personne poursuivie. A ce stade la dénomination de
suspect change en inculpé, prévenu ou accusé.
Ainsi l'inculpé est l'ancien nom d'appellation du mis
en examen en droit français5(*). Mais le mot inculpé est toujours
d'actualité dans le système juridique malien6(*).
En gros la mise en examen est prononcée lorsqu'il
existe à l'encontre d'une personne des « indices laissant
présumer qu'elle a participé, comme auteur ou complice, aux
faits ». Dès lors, cette personne ne peut plus être
seulement entendue comme témoin et doit bénéficier des
droits qui sont reconnus à la personne mise en examen, notamment la
possibilité d'organiser sa défense et de demander la
communication des actes d'instruction. C'est de cette manière qu'elle
aura accès au dossier.
Le mot « inculper » vient du latin
« inculpare » signifiant « blâmer,
accuser » et dont la racine est « culpa », qui
veut dire « faute ». C'est le fait de mettre en cause une
personne qui est soupçonnée d'avoir commis une action contraire
à la loi. Et donc l'inculpation déclenche un processus
judiciaire. Elle précède le jugement. L'inculpé, en
principe, il est considéré comme innocent jusqu'à ce que
le jugement soit rendu.
Le prévenu, quant à lui, est une personne qui
est accusée d'un délit et qui n'a pas encore été
jugée. C'est donc une personne contre laquelle est exercée
l'action publique devant les juridictions de jugement en matière
correctionnelle et contraventionnelle.
Au sens strict, l'accusé est une personne
soupçonnée d'un crime et traduite, pour ce fait, devant la cour
d'assises, afin d'y être jugée. Au sens large de la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l'homme, l'accusé est toute
personne soupçonnée d'une infraction et traduite devant un juge
pour être entendue et jugée. Dans la plupart des systèmes
judiciaires, les autorités qui arrêtent un accusé l'avisent
de ses droits et lui demandent s'il les comprend. L'accusé est
généralement convoqué dans un délai raisonnable,
pour que soient précisés les chefs d'accusation qui pèsent
contre lui. Il peut alors plaider coupable ou non coupable. Ce processus est
connu sous le nom d'acte d'accusation. Un acte d'accusation rapide peut
protéger contre les arrestations arbitraires, la détention
prolongée ou des tactiques policières non éthiques.
Le suspect tout comme la personne poursuivie, disposent des
garanties tout au long du procès pénal. Ces garanties sont des
droits accordés au délinquant pour l'équilibre de la
procédure pénale et de la justice.
Il est très important que l'administration de la
justice soit intègre. Cela signifie que les lois soient
équitables et justes, que les procédures respectent les
règles de droit et qu'elles protègent les droits civils et
politiques. Les procureurs, les juges et les jurys doivent suivre les
procédures, en faisant preuve d'un niveau très
élevé de professionnalisme et de comportement éthique. Les
accusés doivent bénéficier de droits procéduraux.
L'intégrité dans l'administration de la justice
garantit que la police et autres responsables de l'application de la loi
n'agiront pas pour des raisons politiques ou personnelles, et que les
accusés jouiront de la possibilité de présenter une
défense.
Ainsi pour pallier aux abus des autorités
compétentes, ces droits sont reconnus au délinquant. Dès
lors, il apparait évident et nécessaire pour la stabilité
sociale ainsi que l'équilibre juridique, que ces droits soient reconnus
et exercés dans le procès pénal.
Il nous parait juste au Mali démocratique une justice
impartiale et non dépendant qui puisse être à même de
garantir les droits des citoyens. Enoncer les droits et libertés dans la
constitution c'est choisir les droits et les libertés opposables au
pouvoir public. Droit et libertés ayant de ce fait reçus une
consécration et une garantie constitutionnelle. Ainsi le peuple malien
proclame dans la constitution du 25 Février 1992 son attachement au
principe de la démocratie pluraliste et au respect des droits de
l'homme. L'élaboration révolutionnaire de cette constitution
confère la protection juridique des droits et libertés. Cette
protection est assurée par des organes, qui de nos jours et surtout dans
la pratique, présentent une capacité d'indépendance
douteuse.
A notre niveau, nous estimons que ce travail pourra permettre
de lutter contre certains cas d'abus de pouvoir des O.P.J et O.M.P et
contribuerait à la protection des droits et des libertés de la
personne humaine.
Il est donc nécessaire que cette étude soit
délimitée dans le temps et dans l'espace pour mieux cerner son
contenu et son application en droit procédural pénal malien.
Notre étude a pris comme espace de recherche la
République du Mali. Mais comme le droit malien s'inspire des
institutions juridiques de l'étranger, l'apport du droit comparé
nous permettra de formuler les hypothèses sur son évolution.
Quant à la protection des droits individuels pendant la
phase procédurale du procès pénal, l'accent sera mis
particulièrement sur la protection du délinquant, d'abord lors de
la garde à vue, de l'arrestation et de la détention
préventive (stades pendant lesquels se manifestent toutes sortes
d'émotions de la part des autorités judiciaires) ; ainsi que
par le biais de la présomption d'innocence et des droits de la
défense qui sont des droits fondamentaux.
Ainsi, nous espérons par notre étude, pouvoir
donner notre contribution à la science juridique, les praticiens du
droit et autres curieux scientifiques y trouverons leurs parts.
Mais il faut aussi noter les difficultés qui ont
été rencontrées et la plus grande qui nous a
constitués d'écueil pour la finalité de cette oeuvre
n'était que la carence de documentation relative à ce sujet, et
c'est par ici que nous pouvons exposer l'ossature de notre travail.
Tout système juridique se doit d'être probe,
aussi l'inégalité, les abus d'autorité et l'injustice
méritent d'être réparés par les juristes
d'aujourd'hui et de demain.
C'est dans cet ordre d'idée qu'il convient de soulever
la problématique suivante :
Comment les suspects et les personnes poursuivies
peuvent-ils être protégés
pénalement ?
De quels droits bénéficient-ils ?
Pour mieux cerner la pertinence de ces droits accordés
au délinquant, il serait judicieux d'analyser les garanties
accordées aux suspects et aux personnes poursuivies
(Première Partie), puis les droits fondamentaux
reconnus aux suspects et aux personnes poursuivies7(*) en (Deuxième
Partie).
PREMIERE PARTIE : LES GARANTIES PROCEDURALES
ACCORDEES AUX SUSPECTS ET AUX PERSONNES POURSUIVIES :
La liberté d'aller et de venir, de mouvement
conditionne l'exercice serein des autres droits de la personne. Sans elle, tous
les autres droits sont vains. C'est pourquoi le droit à la
sûreté garde de nos jours une valeur symbolique
éminente8(*), la contrainte étatique avant jugement devant
avoir une assise légale.
Strictement appliqué, le droit à la
sûreté conforté par la présomption publique
d'innocence, qui ici se décline en un droit fondamental, en l'occurrence
celui de ne pas à être arbitrairement traité9(*),
conduirait à refuser toute incarcération pré sentencielle.
Il ne peut cependant pas toujours en être ainsi : les
nécessités des investigations policières et judiciaires
comme la préservation de l'ordre public peuvent justifier certaines
privations de liberté. Le droit à la sûreté doit
dès lors être concilié avec les impératifs
destinés à assurer la sécurité de tous10(*). Le
législateur a songé à mieux encadrer les traditionnelles
mesures restrictives de liberté devant lesquelles la présomption
d'innocence peut plier11(*).
Aussi le législateur, tout en exprimant son
désir de punir les coupables d'une infraction, exprime aussi son
désir d'éviter d'éventuels préjudices. Ce faisant
il a établi tout un régime pour mieux protéger l'individu
au cours du procès pénal.
C'est pourquoi la garde à vue (Chapitre
1) et la détention provisoire (Chapitre 2),
ont été formellement encadrées.
CHAPITRE 1 : LES GARANTIES PROCEDURALES
ACCORDEES AUX SUSPECTS PENDANT LA GARDE A VUE :
La garde à vue est une mesure privative de
liberté qui s'exerce dans le cadre d'une enquête judiciaire.
C'est donc la détention d'une personne suspecte, aux
fins d'audition dans les locaux de la police judiciaire. Elle existe à
la fois dans l'enquête préliminaire et dans l'enquête de
flagrance12(*). Si sa
légitimité n'est pas contestée dans le cas de
l'enquête de flagrance, il n'en va pas toujours de même en cas
d'enquête préliminaire. Il paraît étrange à
certains avocats que, mis à part l'hypothèse de flagrance, un
policier puisse attenter à la liberté individuelle d'un citoyen
et procéder à son interrogatoire sans la présence d'un
conseil. Cependant, la garde à vue a toujours été
pratiquée au Mali et elle existe partout ailleurs. En privant une
personne de sa liberté physique, on l'empêche parfois de prendre
la fuite ou de détruire des preuves. En outre, l'interrogatoire policier
est plus efficace que l'interrogatoire judiciaire puisqu'il est effectué
sans la présence d'un avocat.
Pour les besoins d'une enquête, un
officier de police judiciaire peut convoquer toute personne susceptible de lui
fournir des informations. La loi lui permet également de garder à
sa disposition des témoins ou des suspects dans des locaux appartenant
à la police ou à la gendarmerie, afin d'obtenir leurs
déclarations ou de les soumettre à un interrogatoire.
Privé de sa liberté d'aller
et venir, l'individu placé en garde à vue subit donc une atteinte
grave à sa liberté individuelle. C'est pourquoi, afin de
prévenir d'éventuels abus et de protéger les droits des
particuliers, le législateur a soumis la mise en oeuvre de la garde
à vue à des conditions strictes, prévues par le code de
procédure pénale (notamment ses articles 63 à 65).
Un individu peut ainsi être maintenu,
parfois contre son gré, sous la vue des représentants de la force
publique. En France le régime de la garde à vue a
été modifié par les lois portant réforme de la
procédure pénale des 4 janvier et 24 août 1993
puis par la loi Debré de 1997, notamment quant à la durée
de la garde à vue et concernant les garanties qui l'entourent.
Ainsi pour mieux appréhender la protection du
délinquant en garde à vue, il convient d'analyser le
régime de la garde à vue (Section 1) puis les
sanctions de la garde à vue (Section 2).
SECTION 1 : LE REGIME DE LA GARDE A VUE :
L'article 76, alinéa 1er du code de
procédure pénale dispose que : « Pour les
nécessités de l'enquête, l'officier de police judiciaire
peut être amené à garder à sa disposition une ou
plusieurs des personnes (...) ». Il découle de cet article que
l'O.P.J peut garder à vue une personne suspectée de la commission
d'une infraction.
Ainsi pour qu'une personne puisse être mise en garde
à vue, il existe un certain nombre de conditions relatives au placement
en garde à vue (Paragraphe 1). Mais aussi le
délai de la garde à vue ainsi que son exécution sont
strictement régis par la loi pour permettre une bonne protection du
suspect (Paragraphe 2).
Ces garanties permettent à la personne gardée
à vue d'être protéger des abus qui pourraient être
exercées contre elle par les autorités compétentes.
PARAGRAPHE 1 : LES CONDITIONS DE PLACEMENT EN
GARDE A VUE :
Dans un souci de protection des libertés, la
matière est réglementée par la loi. Ainsi la loi
protège le suspect à travers cette réglementation de la
garde à vue.
Il existe de ce fait des conditions de placement d'une
personne en garde à vue. Ces conditions sont relatives à l'auteur
de la garde à vue (A), ainsi qu'à la personne
concernée par la garde à vue (B).
A. L'auteur de la garde à
vue :
Il faut noter qu'en France seuls les O.P.J peuvent
décider un placement en garde à vue. Sont donc exclus le
procureur de la république13(*) et les agents de police judiciaire. A ce monopole des
O.P.J, il faut toutefois ajouter une réserve. L'article 9 de la loi du
27 Novembre 194314(*)
décide : « il appartient aux officiers de police
judiciaire, aux fonctionnaires et agents de la police et de la gendarmerie
d'assurer par tous moyens la conservation des traces et indices, soit en
faisant exercer une surveillance autour des lieux, soit en faisant apposer les
scellés sur les locaux où l'acte délictueux a
été commis ». De ce texte, on peut déduire la
légalité d'un bouclage qui, il est vrai, n'est pas exactement une
garde à vue.
Par contre au Mali, le régime diffère car
l'O.P.J n'est pas le seul à pouvoir décider d'une mesure de garde
à vue. En effet le code de procédure pénale malien
n'évoque l'interdiction de décider d'une mesure de garde à
vue que pour les A.P.J15(*). L'article 80 dispose que :
« L'arrivée du procureur de la République sur les lieux
dessaisit l'officier de police judiciaire.
Le Procureur de la République accomplit alors tous
actes de police judiciaire prévus au présent chapitre.
Il peut aussi prescrire à tout officier de police
judiciaire de poursuivre les opérations ». De cet article, on
peut en déduire que la décision de placement de mise en garde
à vue provient du Procureur de la République. Mais il peut aussi
effectuer tous les actes de P.J et donc agir en qualité d'O.P.J donc
d'enquêteur. A côté du Procureur de la République, le
C.P.P évoque aussi le juge d'instruction, qui, lui aussi, peut
décider du placement en garde à vue d'une personne.
Enfin il est à noter que depuis la constatation de
crime ou délit flagrant, l'O.P.J en informe le Procureur de la
République. En résumé, les O.P.J, le Procureur de la
République, le juge d'instruction, et le Juge de paix à
compétence étendue peuvent placer une personne en garde à
vue. En dehors de ces personnes, aucune autre autorité ne peut placer
une personne en garde en vue. Mais au cas français, seuls les O.P.J
peuvent placer en garde à vue.
Le régime de la garde à vue est aussi
spécifique à la personne concernée car toutes les
personnes ne peuvent être mises en garde en vue (B).
B. La personne concernée par la garde
à vue :
En second lieu les lois des 4 Janvier et 24 Août 1993
ainsi que celle du 15 Juin 2000 ont sensiblement réglées la
question de la personne concernée par la garde à vue. En effet,
en enquête préliminaire, seule peut être placée en
garde à vue la personne « à l'encontre de laquelle il
existe des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de
commettre une infraction ». Ainsi un simple témoin ne peut
être « retenu que le temps strictement nécessaire
à son audition », et il ne peut donc pas être mis en
garde à vue16(*).
Cette réforme française de 1993 nous met en accord avec l'article
5-3c, conv. E.D.H., qui subordonne la garde à vue à l'existence
de soupçons ou d'un risque de fuite. En outre, si cette personne
suspecte refuse de déférer à la convocation de l'O.P.J,
celui-ci peut en aviser le Procureur de la République qui peut la
contraindre par la force publique17(*). Cette possibilité évite d'avoir
à ouvrir une information uniquement pour contraindre un témoin
rétif. En enquête de flagrance, l'O.P.J peut interdire à
toute personne de s'éloigner du lieu de l'infraction jusqu'à la
clôture de ses opérations18(*). Mais il ne s'agit pas d'une garde à
vue19(*). Pour le reste,
les règles sont les mêmes qu'en enquête préliminaire.
D'un côté, le simple témoin ne saurait être
gardé à vue, pouvant seulement être retenu « le
temps strictement nécessaire à son audition ». De
l'autre, l'O.P.J « peut, pour les nécessités de
l'enquête, placer en garde à vue toute personne à
l'encontre de laquelle il existe des indices graves et concordants de nature
à motiver son inculpation »20(*). En somme, les suspects et seuls suspects peuvent
être gardés à vue. Mais une plus grande protection de
l'individu réside dans le délai et au cours de l'exécution
de cette garde à vue (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 2 : LES CONDITIONS RELATIVES AU
DELAI ET A L'EXECUTION DE LA GARDE A VUE :
Les prérogatives reconnues à la P.J peuvent
l'amener à garder une personne dans ses locaux arbitrairement et pour
des délais souvent illégaux. En considérant l'aspect
sociologique des pays, ce serait un truisme de dire que des comportements
négatifs sont à la base de la régression des
systèmes judiciaires. Sur l'exemple de notre pays, la pauvreté
étant un facteur de développement, des comportements antisociaux
comme la corruption poussent certains O.P.J à ignorer la loi et à
procéder à des actes contraires à la loi. Ce dernier ayant
un caractère général et impersonnel, certains O.P.J,
agissant en son nom, souvent dans le but de s'enrichir, sont amenés
à garder des suspects pour un délai indéterminé
sans informé les supérieurs. C'est pour pallier à ces abus
que la loi intervient.
En effet une des protections du suspect en garde à vue
intervient dans le délai de détention (A). Afin
de ne pas empiéter les libertés individuelles, la loi impose des
délais concernant la garde à vue. En plus de cela pour
prévenir des abus de la part de la police judiciaire, des exigences sont
inscrites pour protéger le suspect dans l'exécution de cette
garde à vue (B).
A. Le délai de la garde à
vue :
Dans le silence de la loi, la jurisprudence a posé des
règles. Ainsi c'est le cas si la personne est interpellée par les
O.P.J, sa garde à vue débute aussitôt21(*). Si, au contraire, la personne
s'est présentée spontanément, sans contrainte, au poste de
police ou à la brigade de gendarmerie et si à l'issue de son
audition, les O.P.J décident de la placer en garde à vue,
« la durée de cette mesure est calculée à
compter de l'heure d'arrivée dans le service de
police »22(*).
En somme le point de départ est fixé rétroactivement au
moment où débute une perquisition23(*). La solution est favorable à
l'intéressé car au moment où lui est notifiée sa
mise en garde à vue, le temps d'audition déjà
écoulé compte dans le délai de garde à vue. La
solution est pourtant discutable car la personne qui arrive au poste de police
y arrive librement par hypothèse et n'est donc pas contrainte, la garde
à vue impliquant la contrainte24(*).
Face à un régime ordinaire dit de droit commun,
il existe un régime plus répressif pour certaines formes de la
criminalité organisée.
En droit commun l'O.P.J ne peut retenir la personne que
pendant 24 heures25(*)
pour la France et 48 heures pour le Mali26(*). Ces délais sont considérés
comme étant normalement suffisants pour permettre aux O.P.J de mener
à bien leurs investigations.
Cependant, en cas de besoin, une prolongation de 24 heures est
possible27(*).
L'autorisation est accordée par le Procureur de la République ou
le juge d'instruction. En cas d'enquête préliminaire, la personne
doit en principe être présentée à ces magistrats qui
décideront s'ils accordent la prolongation. En cas de flagrance, la
prolongation n'exige pas cette présentation28(*).
Le régime d'exception concerne le trafic de
stupéfiants et le terrorisme où la durée de la garde
à vue peut atteindre une durée maximale de 96 h,
après prolongations autorisées par un magistrat.
L'on ne saurait terminer sans évoquer la garde à
vue des mineurs. Ainsi, en France, avant 1993, les mineurs étaient
soumis au droit commun. Des règles particulières leur sont
aujourd'hui applicables depuis la loi du 4 Janvier 199329(*).
Alors que la loi du 4 janvier
1993 avait réaffirmé la prohibition de toute garde à vue
pour le mineur de moins de treize ans, la loi du
1er février 1994 prévoit qu'un mineur de 10
à 13 ans peut être mis en garde à vue à titre
exceptionnel, lorsqu'il existe des indices graves et concordants laissant
présumer qu'il a commis ou tenté de commettre un crime ou un
délit puni d'au moins sept ans d'emprisonnement.
La garde à vue nécessite
l'accord préalable d'un juge des enfants ou d'un magistrat du M.P.
Sa durée est limitée au temps
nécessaire à la déposition du mineur et à sa
présentation devant le magistrat compétent ou à sa remise
à ses parents. Elle ne doit pas excéder 10 heures. Elle peut
néanmoins être prolongée d'un nouveau délai de 10
heures par décision motivée du magistrat, après que le
mineur lui a été présenté.
Le mineur de 13 à 16 ans
peut être gardé à vue pendant la même
durée qu'un adulte, en revanche, la prolongation n'est possible que si
le délit est puni d'une peine supérieure à 5 ans
d'emprisonnement, après présentation au Procureur de la
République ou au juge d'instruction. Ces derniers peuvent décider
de différer l'information aux parents de 12 h au maximum, ou de
24 h en cas de prolongation.
Par contre entre 16 et 18 ans, le mineur est
soumis à un régime proche de celui des adultes.
Il existe une série de règles visant à
régulariser la procédure de garde à vue. En cas
d'inobservation de ces règles, la procédure sera
entachée.
Au Mali il faut noter l'instauration d'une structure qui a
permis la réalisation de plusieurs actions dans le domaine de la garde
à vue des mineurs. Il s'agit du BICE (Bureau International Catholique de
l'Enfance) qui défend la dignité et l'intérêt
supérieur de l'enfant. Il a été fondé en 1948 et
promeut les droits et responsabilités de l'enfant dans le respect
inconditionnel de sa personne, sa famille, sa culture, sa communauté
d'appartenance et sa religion. Il est présent au Mali depuis 1996
à travers une structure locale : le BICE Mali. Il mène des
actions d'appui en faveur des enfants en conflit avec la loi et/ou
privés de liberté. Ainsi pour promouvoir et défendre les
droits de ces enfants, le BICE Mali intervient au niveau politique, au niveau
de la société civile et directement sur le terrain et ceci
à Bamako, Sikasso, San, Ségou et Mopti. De 1996 jusqu'à
2008, des avancées considérables ont été
enregistrées par rapport au respect des droits des enfants au Mali,
surtout au niveau de la police et de la justice. Par exemple on constate de
plus en plus, une réelle observation des délais de garde à
vue ou la création des comités locaux de protection des enfants
(CLP)30(*). On note
également la construction d'un quartier pour mineurs dans les maisons
d'arrêts de Ouélessebougou, Sikasso, Mopti et Ségou, la
construction d'un quartier pour mineurs à la Brigade des moeurs à
Bamako, l'ouverture de 4 centres de protection d'enfants à
l'intérieur du Mali en 200731(*).
L'art. 1er de la Loi sur la minorité
pénale et institution des juridictions pour mineurs32(*), l'art. 95 du Code de
protection de l'enfant et l'art. 26 du Code pénal fixent la
majorité pénale à 18 ans. Plus précisément,
concernant la garde à vue des mineurs, l'art. 20 de la loi du 24
Août 2001 repris par les articles 106 et 107 du code de protection de
l'enfant sont plus explicites. A la lecture de ces articles, on note tout
d'abord que le mineur de moins de 15 ans ne peut être placé en
garde à vue. Ensuite celui de plus de 15 ans contre lequel ont
été réunis des indices graves et concordants de
culpabilité d'un crime ou d'un délit peut être retenu
à la disposition de l'O.P.J « avec l'accord préalable
et sous contrôle du Procureur ou du juge des enfants. Cette
détention ne saurait excéder 20 heures sauf en cas d'autorisation
expresse du Procureur de la République ou du juge des enfants pour une
durée qui ne pourra excéder 10 heures. Donc au total une
durée de 30 heures. Mais sur les lieux de cette garde à vue, le
mineur sera séparé des adultes. L'article 52, al. 1 du C.P.P
stipule qu'à la fin de cette garde à vue, le mineur doit
être conduit devant le Procureur de la République ou le juge de
paix à compétence étendue qui avisera de la ligne de
conduite à tenir. Ainsi si le Procureur décide de poursuivre sous
réserve de ses attributions en matière pénale, une
information judiciaire étant obligatoire, il saisira le Président
du Tribunal qui à son tour saisira le juge des enfants. Il a aussi
l'opportunité de classer sans suite l'affaire devant lui
déférée s'il le souhaite. Mais on note des
difficultés rencontrées par les enfants dans la garde à
vue qui sont notamment l'absence ou l'insuffisance des moyens et/ou mesures
d'accompagnements par rapport à leur prise en charge33(*) et le manque ou l'insuffisance
de spécialisation de l'O.P.J lequel met en danger le respect du droit
des mineurs lors de la garde à vue34(*) et l'exécution de la mesure dans des
conditions en harmonie avec les normes internationales.
En somme le mineur bénéficie du respect des
garanties procédurales et des droits fondamentaux lors d'une garde
à vue. Cela s'opère lorsque celui-ci est arrêté.
L'O.P.J doit l'informé promptement, dans les détails, des faits
qui lui sont reprochés ainsi que de ses droits fondamentaux. Il ne doit
être entendu qu'en présence de son répondant (parent,
tuteur, gardien ou conseil). L'article 10, al. 3 des règles de Beijing
stipule que « les contacts entre les services de
répression et le jeune délinquant sont établis de
manière (...) à favoriser son bien-être et à
éviter de lui nuire (...) ». En aucun cas les
autorités compétentes ne doivent porter atteinte
l'intégrité physique et morale du mineur en le soumettant
à « la torture ou des traitements ou châtiments
inhumains ou dégradants ». Malheureusement ce principe n'est
pas toujours respecté dans la pratique et il arrive que les enfants
arrêtés au sein des commissariats de police ou des brigades de
gendarmerie soient soumis à des pratiques traumatisantes et humiliantes
telles que les sévices corporels, les violences verbales, les brimades,
les intimidations, etc... Concernant les garanties procédurales, le
mineur a le droit de ne pas être arrêté de manière
arbitraire35(*), le droit
à la présomption d'innocence, le droit d'être
informé des charges pesant contre lui, le droit à une assistance
juridique, le droit d'être présenté sans délai
à une autorité judiciaire compétente, le droit
d'être entendu au cours de la procédure, le droit de ne pas
s'avouer coupable, le droit de garder le silence lors de l'interrogatoire, le
droit à la protection de sa vie privée. Concernant les droits
fondamentaux, le mineur a le droit d'être traité avec
humanité et respect par les services de répression, le droit
d'être séparé des majeurs dans les lieux de garde à
vue, le droit d'être détenu au sein des locaux respectant les
conditions d'hygiène et de dignité humaine, le droit à une
alimentation saine, bien préparée, suffisante et servie
régulièrement. L'article 109 du code de protection de l'enfant
dispose que : « Tout manquement aux dispositions des
articles 104 à 108 expose son auteur à des sanctions
administratives ».Les articles 104 à 108
contiennent les garanties judiciaires et spécifiques de l'enfant
contrevenant privé de liberté.
Notons, enfin, que la garde à vue, mesure privative de
liberté, dans le but de rendre le suspect accessible à la P.J est
devenu de nos jours une mesure de contrainte et de pression sur les suspects.
Cela souvent de façon arbitraire et dans des conditions
défavorables aux suspects. Mais fort heureusement le législateur
a institué un régime de protection de ces derniers quant à
l'exécution de cette garde à vue (B).
B. L'exécution de la garde à
vue :
La loi ne prévoit pas de quelle manière les
témoins ou les suspects seront contraints de déposer, il faut
entendre par là, non seulement faire d'eux-mêmes des
déclarations, mais aussi répondre aux interrogations qui leur
sont adressées. Ainsi il suffisait de permettre à la police, pour
provoquer déclaration et réponses des témoins ou des
suspects, de garder ceux-ci à sa disposition pendant un certain temps.
L'individu qui fait l'objet d'une garde à vue est privé de sa
liberté d'aller et venir, il est maintenu au besoin contre son
gré, et sous la vue (d'où le nom) des représentants de la
force publique, dans les locaux qui sont en général ceux de la
police. La garde à vue est alors réglementée d'une
manière qui s'efforce d'éviter les abus. L'exécution de la
garde à vue intervient pour prévenir les abus de la part de la
P.J ainsi que pour la consécration de droits au profit de la personne
privée de liberté.
En premier lieu, l'O.P.J qui place une personne en garde
à vue « en informe dès le début de la garde
à vue le Procureur de la République ou le juge de paix
à compétence étendue»36(*). On retrouve également cette exigence dans la
loi du 15 Juin 2000 dans ses articles 63 à 77. Il existe aussi une
série de précautions visant à ce que soit conservée
la trace des diligences faites par les O.P.J. Ainsi ils sont tenus de
mentionner sur le P.V d'audition le jour et l'heure à partir desquelles
la personne est gardée à vue, ainsi que le jour et l'heure
à partir desquelles la personne est libérée37(*). Ces mentions doivent
être émargées par la personne intéressée et,
en cas de refus, il en est fait mention. Doivent être indiqués,
enfin, les motifs de la garde à vue. En pratique cette motivation est
rapide et stéréotypée38(*). Et de plus ces mentions doivent figurer sur un
registre spécial où sont consignées toutes les gardes
à vue. Ainsi, les magistrats peuvent s'assurer des conditions dans
lesquelles les opérations ont été et, le cas
échéant, mieux apprécier les déclarations.
En second lieu la personne gardée à vue a des
droits. Ces droits sont pour les principaux au nombre de trois. Ainsi il y a
d'abord le droit de faire prévenir un proche, ensuite le droit de se
faire examiner par un médecin, et enfin le droit de demander à
s'entretenir avec un avocat. L'existence de ces droits est immédiatement
notifiée à l'intéressé par l'O.P.J et dès le
début de la garde à vue. Mention de cette formalité est
portée au P.V39(*).
Le premier droit accordé à l'intéressé est celui de
« faire prévenir sans délai une personne avec laquelle
il vit habituellement ou l'un de ses parents, ou son employeur ». En
pratique, les O.P.J appliquent cette prescription. La loi40(*) ajoute que si l'O.P.J estime
ne pas devoir faire droit à la demande de l'intéressé, en
raison des nécessités de l'enquête, il en
réfère au Procureur de la République qui prend la
décision. S'agissant des mineurs, l'O.P.J est tenu d'informer les
parents, le tuteur, la personne ou le service auquel est confié le
mineur, sauf décision contraire du parquet et seulement pour vingt ou
douze heures, selon que la prolongation de la garde à vue est possible
ou pas41(*).
Le second droit, celui de se faire examiner par un
médecin, peut être demandé par l'intéressé au
cours de la phase initiale de garde à vue, puis lors de la prolongation.
Le Procureur de la République et l'O.P.J disposent du même droit.
En l'absence de demande de la personne, du Procureur ou de l'O.P.J, un membre
de la famille peut exiger un examen. Le médecin est toujours
désigné par l'intéressé42(*).
Le troisième droit, enfin, le droit le plus important,
est celui de se faire assister par un avocat. Naguère, les personnes
libres pouvaient librement contacter un avocat, mais pas celles qui
étaient en garde à vue. Cette situation était très
critiquée par les avocats. Les deux arguments essentiels invoqués
en faveur de la présence de l'avocat à la garde à vue sont
l'exemple des droits étrangers qui sont nombreux à admettre la
présence de l'avocat sous des formes variables du reste, l'existence
d'irrégularités graves commises par les O.P.J comme il en est
apparu à l'occasion de l'affaire TOMASI où la France fut
condamnée pour des sévices occasionnés à un
suspect43(*). Il en
résulte que la loi du 4 Janvier 1993, légèrement
modifiée par celle du 24 Août 1993 consacra la présence de
l'avocat. Mais on peut ajouter un autre droit sur lequel il y a moins
à dire. L'individu est « immédiatement informé
qu'il a le droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront
posées par les enquêteurs » (ce qui consacre par
imitation de certains droits étrangers une espèce de droit au
silence44(*)). Face
à ces conditions édictées, le législateur
prévoit de sanctionner la garde à vue (Section 2).
SECTION 2 : LES SANCTIONS DE LA GARDE A VUE :
Lorsque les conditions évoquées ne sont
respectées, la loi prévoit des sanctions. Cela traduit le souci
de mettre sous le regard d'un juge la défense des libertés et
d'assurer le jugement dans un délai raisonnable. La garde à vue
comportant des risques d'abus, c'est pourquoi le législateur a tenu
à la réglementer strictement.
Les sanctions de la garde à vue peuvent être
appréhendées sous deux aspects essentiels. Il s'agit de la
sanction attachée à la non-information des suites d'une garde
à vue (Paragraphe 1), et des sanctions
découlant d'une irrégularité de la garde à vue
(Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : LA SANCTION ATTACHEE A LA
NON-INFORMATION DES SUITES D'UNE GARDE A VUE :
La loi du 15 Juin 2000, soucieuse d'une bonne information des
justiciables, a imaginé une procédure spéciale concernant
les individus qui ont été placés en garde à vue
dans le cadre d'une enquête préliminaire ou de flagrance et qui au
bout de six mois à compter de la fin de cette mesure n'ont pas fait
l'objet de poursuites45(*).
Ainsi les intéressés peuvent saisir le Procureur
de la République sur la suite de la procédure (A) mais aussi le
juge des libertés et de la détention peut procéder
à des enquêtes (B).
A. La saisine du P.R sur la suite de la
procédure :
Ces individus peuvent interroger le Procureur sur la suite
donnée ou susceptible d'être donnée à la
procédure. Ils saisissent ce magistrat par lettre recommandée
avec demande d'avis de réception.
Dans le mois suivant la réception de la demande, le
Procureur est tenu soit d'engager des poursuites contre
l'intéressé, soit de lui notifier le classement sans suite, soit
s'il estime que l'enquête doit se poursuivre, de saisir le juge des
libertés et de la détention, à défaut de quoi
serait nul tout acte d'enquête qui serait fait postérieurement au
délai d'un mois à compter de la réception de la
demande.
Le système français, comme évoqué
ci-dessus, est très clair en la matière. Mais par contre au Mali,
la non-information des suites d'une garde à vue n'est pas
évoquée dans le C.P.P. En effet le législateur malien n'a
prévu aucune sanction en cas de garde à vue indue ou de
régime d'indemnisation en cas de garde à vue indue.
L'insuffisance de la loi et le pouvoir d'appréciation du juge ont pour
conséquence des abus au niveau de cette procédure de garde
à vue. La loi a prévu la garde à vue et instauré le
délai, mais n'évoque pas de sanctions lorsque la personne
gardée à vue a subi un préjudice et qu'il demande
réparation.
Mais le juge des libertés et de la détention
procède à une enquête (B).
B. L'enquête du JLD :
Le J.L.D va procéder à une sorte d'enquête
caractérisée par un débat contradictoire au cours duquel
il entend le Procureur de la République et l'intéressé
assisté le cas échéant par son avocat.
Après quoi, de deux choses l'une :
- Ou bien le juge décide que l'enquête ne doit
pas être poursuivie, le Procureur doit dans les deux mois engager des
poursuites, ou notifier à l'intéressé un classement sans
suite, ou encore d'une mesure de type « troisième
voie » ;
- Ou bien le juge autorise la continuation de l'enquête
en fixant un délai qui ne peut dépasser six mois à l'issue
duquel l'intéressé peut adresser au parquet une nouvelle
demande.
Ce système traduit le souci de mettre sous le regard
d'un J.L.D et d'assurer le jugement dans un délai raisonnable. A cet
égard, il s'inspire du droit italien avec le juge de l'enquête
préliminaire qui peut lui aussi prolonger une enquête. Mais il est
horriblement lourd, notamment avec le débat contradictoire. En outre, il
est inefficace car il ne permettra pas d'accélérer le cours des
affaires compte tenu de l'insuffisance des moyens de la police en personnels.
Il est même impossible que le système des articles 77-2 et 77-3 du
C.P.P français entraine « l'enterrement » d'affaires
complexes, notamment financières.
Il faut noter que le J.L.D est l'équivalent du juge
d'instruction au Mali, c'est-à-dire qu'ils ont à peu près
les mêmes compétences46(*). Et cela est regrettable car l'institution d'un J.LD
au Mali serait un énorme pas contre l'arbitraire dans les cas de
privation de liberté.
Mais il y a aussi d'autres sanctions, notamment
découlant d'une irrégularité de la procédure
(Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 2 : LES SANCTIONS DECOULANT D'UNE
IRREGULARITE DE LA GARDE A VUE :
Il y a d'abord une série de sanctions que l'on peut
qualifier de secondaires car elles ne présentent guère
d'intérêt pratique47(*). On peut y ajouter la liberté pour la
juridiction de jugement d'attacher le prix qu'elle veut aux aveux recueillis au
cours d'une garde à vue et donc d'écarter ceux qui
découleraient d'une garde à vue irrégulière :
ainsi le veut le principe de l'intime conviction. Cependant les deux
premières sanctions n'ont pas directement d'incidence
procédurale, et, la troisième est sans valeur lorsque
l'irrégularité n'est pas flagrante et lorsqu'il y a d'autres
preuves que l'aveu.
Il existe ensuite une sanction que l'on peut appeler
principale car essentielle : c'est l'annulation de la procédure et
spécialement des P.V établis pendant la garde à vue et
contenant des aveux. A cet égard, la jurisprudence (B)
apporte plus que la loi (A).
A. La loi :
Aussi étonnante que paraisse la chose à
première vue, la nullité d'une garde à vue conduite au
mépris des règles précitées n'est pas
prévue. Sans doute, à plusieurs reprises, le législateur
français avait-il prévu la nullité dans des cas
particuliers48(*). Plus
près de nous la loi du 4 Janvier 1993 avait rattaché une
nullité textuelle automatique à la violation des nouveaux droits
du gardé à vue49(*). Mais la loi du 24 Août 1993 a supprimé
ces dispositions, l'article 171 notamment se bornant à décider
désormais qu'il y a nullité « lorsque la
méconnaissance d'une formalité substantielle... a porté
atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne ».
De la même manière, le C.P.P malien
n'évoque pas textuellement cette nullité. Aussi
l'évoque-t-il de manière implicite car certaines obligations sont
imposées pour la régularité de la procédure. Ainsi
on serait tenté de dire que l'exécution de ces obligations sont
subordonnées à la nullité des actes de procédure.
Lorsque l'O.P.J ne notifie pas par exemple les droits du suspect ou lorsqu'il
ne mentionne pas la durée de la garde à vue, cela pourrait
entrainer la nullité du P.V de garde à vue.
Mais la jurisprudence est plus abondante en la matière
(B).
B. La Jurisprudence :
Le point de la jurisprudence sur la question peut être
scindé en deux formes : il y a ce qu'on peut appeler les droits de
la première génération et les droits de la seconde
génération.
S'agissant des premiers, qui ont été
imaginés en 1959, la jurisprudence n'était pas favorable à
la nullité, même si les décisions sont anciennes. La
chambre criminelle française a d'abord considéré que le
moyen tiré de la nullité était mélangé de
fait et de droit, et par conséquent irrecevable50(*).
Elle décida ensuite que « les règles
légales ne sont pas prescrites à peine de nullité et que
leur inobservation ne saurait par elle-même entrainer la nullité
des actes de la procédure lorsqu'il n'est pas démontré que
la recherche et l'établissement de la vérité s'en sont
trouvés fondamentalement viciés ». Par la suite, aux
« règles légales », la chambre
criminelle ajouta « les dispositions de l'article 5, de la Conv.
E.D.H », la formule étant conservée et, en
conséquence rien ne changeant51(*).
On peut aussi évoquer la nullité pour d'autres
raisons : il s'agit des droits de seconde
génération52(*). Dans un premier temps, la chambre criminelle se
refusa à annuler la procédure dans des hypothèses
où la tardiveté de la notification des droits n'avait pas nui
à l'intéressé53(*).En effet, aujourd'hui la chambre criminelle
française fait preuve de beaucoup plus de sévérité
à propos de l'obligation de notifier immédiatement. Dans une
formule très nette, elle considère que « tout retard
injustifié dans la notification des droits porte nécessairement
atteinte aux intérêts de la personne qu'elle
concerne »54(*).
On ne peut pas dire qu'il s'agisse d'une nullité d'ordre public et il
vaut mieux considérer qu'il y a présomption de grief. Ce sont
donc seulement des cas de force majeure qui justifient le retard à
notifier les droits à partir du début de la garde à
vue55(*) ces cas
étant appréciés souverainement par la chambre
d'accusation.
Même sévérité dans le cas de la
prolongation de la garde à vue qui, en cas d'enquête
préliminaire, suppose normalement la présentation de la personne
au Procureur de la République. L'absence de présentation
exigée, entraine la nullité de la procédure.
Tous ces propos ci-dessus font état du régime
protégeant un suspect pendant une garde à vue. Mais dans la phase
de poursuite, le régime est presque le même car l'inculpé
tout comme le suspect dispose de la protection de la loi.
Ainsi lorsque l'inculpé est privé de sa
liberté c'est la détention provisoire. Cette privation de
liberté est aussi réglementée par la loi dans le but de
prévenir les abus d'autorité et de préserver les droits de
l'individu dans le procès pénal.
Ainsi l'analyse suivante portera sur les garanties
accordées à l'individu pour sa protection dans la
procédure pénale notamment en cas détention
préventive (Chapitre 2).
CHAPITRE 2 : LES GARANTIES PROCEDURALES
ACCORDEES PENDANT LA DETENTION PROVISOIRE
Le droit à la liberté et à la
sûreté est un droit fondamental inhérent à la
personne, inscrit dans les instruments internationaux de la protection des
droits de l'homme et dans la Constitution56(*). Il prévoit la
protection de l'individu contre les arrestations arbitraires et contre la
détention illégale.
La détention provisoire est une mesure
d'incarcération d'un mis en examen (inculpé) pendant
l'information judiciaire, ou d'un prévenu dans le cadre de la
comparution immédiate. De caractère exceptionnel, elle ne peut
être prise en compte que dans le cadre des cas déterminés
par un magistrat du siège après un débat contradictoire au
cours duquel il entend les réquisitions du M.P, puis les observations du
mis en examen et le cas échéant celles de son conseil.
Selon J. PRADEL « la détention provisoire
est l'incarcération d'un inculpé en maison d'arrêt pendant
tout ou partie de l'instruction préparatoire jusqu'au jugement
définitif sur le fond de l'affaire »57(*). Au-delà de la
définition, l'essentiel est de percevoir que la détention
provisoire dépasse le cadre de l'instruction préparatoire
même si les principales difficultés se rencontrent en son
sein58(*). Dans le même sens, selon J. Leblois-Happe,
« la détention provisoire constitue un moment clé
de l'instruction, durant lequel des principes contradictoires doivent
être conciliés : respect de la liberté et du principe
de la présomption d'innocence et en même temps
nécessité de préserver les besoins de
l'instruction »59(*).
Comme son nom l'indique, la détention provisoire va
entraîner l'incarcération de l'intéressé pendant
tout ou partie de l'information. Elle prend fin soit par une décision de
mise en liberté, prise d'office par le juge d'instruction, soit parce
qu'aucune ordonnance de prolongation n'est intervenue en temps voulu ou parce
que la loi a prévu une durée maximum insusceptible de
prolongation60(*).
Ainsi, elle se distingue des autres incarcérations
ordonnées dans le cadre de la procédure pénale. Elle ne
doit pas être confondue avec la garde à vue, mesure qui permet
à un O.P.J de tenir à sa disposition, pour les besoins de
l'enquête, un suspect.
La détention provisoire soulève des
interrogations en raison des intérêts qui entrent en jeu. Il y a
de ce fait, opposition entre l'intérêt de la société
et celui de l'individu.
Vu sous l'angle social, la détention provisoire est un
instrument répressif par anticipation, ce qui donne à la
collectivité, un sentiment de protection et de
sécurité.
Sous l'angle individuel la détention provisoire ne peut
être ordonnée qu'à raison des nécessités de
l'instruction ou à titre de mesure de sûreté et selon les
règles et conditions énoncées par la loi61(*).
C'est ainsi qu'en matière correctionnelle, si la
sanction encourue comporte une peine d'emprisonnement la détention
provisoire peut être ordonnée lorsque la détention
provisoire de l'inculpé est l'unique moyen de conserver les preuves ou
les indices matériels ou d'empêcher soit une pression sur les
témoins soit une concertation entre inculpés et complices ;
lorsque cette détention est nécessaire pour préserver
l'ordre public du trouble causé par l'infraction ou pour protéger
l'inculpé, pour mettre fin à l'infraction, pour prévenir
son renouvèlement ou pour garantir le maintien de l'inculpé
à la disposition de la justice ; ou lorsque l'inculpé se
soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire62(*).
Au regard de tout ce qui précède, on se demande
s'il est possible de concilier le maintien de l'ordre public et les principes
de la liberté avec la détention provisoire. L'ordre public et les
principes de liberté étant deux notions constitutionnelles qui
doivent être respectées.
Ainsi notre démarche nous conduira à
étudier les conditions générales de la détention
provisoire (Section 1). Il conviendra ensuite d'envisager la
détention dans la pratique et le système réparateur en cas
de préjudice subi (Section 2).
SECTION 1 : LES CONDIONS GENERALES DE LA DETENTION
PROVISOIRE :
Au stade de la détention provisoire, plane sur le
suspect une présomption de culpabilité. On parle alors
d'inculpé ou de mis en examen.
Cela fait ainsi peser sur la personne mise en examen cette
présomption de culpabilité entraînant sans doute, une
augmentation des risques de condamnation et bafoue un principe inscrit dans la
déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en vertu duquel,
« Tout homme est présumé innocent jusqu'à ce
qu'il soit déclaré coupable ». Et, c'est dans le
même esprit que Faustin Hélie a pu écrire à ce
propos que « la détention préalable inflige un mal
réel, une véritable souffrance, à un homme qui non
seulement n'est pas réputé coupable, mais qui peut être
innocent, et le frappe, sans qu'une réparation ultérieure soit
possible, dans sa réputation, dans ses moyens d'existence, dans sa
personne »63(*). Le placement du prévenu en maison
d'arrêt avant jugement est une négation pure et simple de cette
garantie fondamentale. L'incarcération jette le discrédit sur la
personne concernée, considérée désormais comme
coupable par la société.
Lorsque le juge d'instruction décerne mandat
d'arrêt, de dépôt ou d'amener contre un inculpé,
celui-ci est détenu provisoirement.
Et même avec cette inculpation du juge d'instruction,
l'inculpé sera toujours présumé innocent. Et avec cette
présomption d'innocence, il dispose d'un certain nombre de droits qui
lui garantissent sa protection64(*).
Mais il faut relever et regretter la banalisation de
l'inculpation par le C.P.P. Le législateur français s'est
efforcé de proscrire l'inculpation hâtive et tardive. Son
homologue malien semble cautionner l'inculpation hâtive. En effet,
plusieurs dispositions du C.P.P instituent une inculpation automatique. C'est
le cas des articles 114, alinéa 5, 116, alinéa 1, et 118,
alinéa 2. L'analyse de ces textes démontre à suffisance
l'automaticité du statut d'inculpé. Tout se passe comme si la
simple dénonciation emporte l'inculpation. Cette inculpation automatique
doit-elle exister dans une procédure pénale qui se veut
respectueuse de la présomption d'innocence ? L'interrogatoire ne
doit-elle pas précéder l'inculpation ?65(*)
Ce faisant, nous aborderons les conditions de placement en
détention (Paragraphe 1) puis de la durée de la
détention (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : LES CONDITIONS DE PLACEMENT EN
DETENTION :
Seuls peuvent faire l'objet d'une détention provisoire
les mis en examen, soit les personnes à l'encontre desquelles il existe
des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu
participer à la commission des infractions dont le juge d'instruction
est saisi (article 80-1 du code de procédure pénale).
Depuis la loi du 15 juin 2000, renforçant le principe
de la présomption d'innocence, a été élevé
le seuil de peine des délits à raison desquels la
détention peut être décidée : la privation de
liberté n'est possible qu'autant que le mis en examen encourt une peine
d'emprisonnement supérieure ou égale à trois ans66(*). Ces
conditions se tiennent de part et d'autre sur le fond (A) et
sur la forme (B).
A. Les conditions de fond du placement en
détention :
Pour assurer le caractère exceptionnel de la
détention provisoire, hormis le recours au terme
« toutefois », le législateur a
prévu un nombre important de conditions d'application. Plus elles sont
nombreuses, moins il est aisé de mettre en oeuvre une disposition
relative à la détention provisoire.
Ainsi, le législateur s'assure que cette mesure ne
s'applique que dans certains cas précis et que le risque d'y recourir
dans les hypothèses injustifiées est moindre.
Poursuivant l'oeuvre de ses prédécesseurs, le
législateur du 15 juin 2000 a voulu astreindre l'autorité
judiciaire à n'ordonner le placement en détention provisoire que
s'il apparaît réellement nécessaire à la poursuite
de l'information ou à la représentation en justice de
l'intéressé, alors que le nombre des détentions
provisoires était considéré comme trop important en
France67(*). Ce qui implique que les juges pratiquent la
détention provisoire comme moyen de contraindre les mis en examen
à parler au mépris de leur droit de se taire et que la recherche
de l'aveu, conforme à la tradition inquisitoriale paraissait bien
présente dans la mise en détention provisoire.
C'est pourquoi, le placement en détention doit
être justifié par deux ou trois sortes d'arguments selon les
circonstances. D'abord dans un premier temps, le maintien en détention
et l'ordonnance de placement doit dans son affirmation, énoncer en
principe le caractère insuffisant des obligations du contrôle
judiciaire68(*). Cette
motivation ne s'impose pas, en principe, pour les décisions qui refusent
de mettre en liberté la personne mise en cause69(*). Ce
qui nous parait logique puisqu'il ne s'agit pas de justifier le placement mais
au contraire de refuser sa cessation ce qui postule que les raisons du
placement continuent à exister. La chambre criminelle estime cependant
que l'arrêt de la chambre de l'instruction qui infirme une ordonnance de
mise en liberté doit se référer à l'insuffisance du
contrôle judiciaire70(*), solution moins
justifiée que dans le cas où l'arrêt se borne à
restaurer le mandat de dépôt initial entraînant logiquement
que les raisons qui l'ont justifié subsistent. A ce titre, la
juridiction concernée doit énoncer par rapport aux faits de la
cause, les circonstances qui le démontrent et non pas l'affirmation que
le contrôle judiciaire est insuffisant.
Ensuite, Sauf lorsque le placement en détention
provisoire se justifie par la violation des obligations d'un contrôle
judiciaire71(*), Le réquisitoire du Procureur de la
République qui réclame un placement ou un maintien en
détention et les titres qui l'opèrent doivent
nécessairement en justifier la nécessité72(*). La
motivation n'est pas nécessaire dès lors que le point en
discussion n'est pas directement la détention provisoire, le maintien de
celle-ci n'étant que la conséquence d'une autre disposition.
Dans un troisième temps, il s'agit de conserver les
preuves ou les indices matériels ou d'empêcher soit une pression
sur les témoins soit une concertation frauduleuse entre inculpés
et complices73(*) ;
de préserver l'ordre public du trouble causé par l'infraction ou
pour protéger l'inculpé, pour mettre fin à l'infraction,
pour prévenir son renouvellement ou pour garantir le maintien de
l'inculpé à la disposition de la justice74(*). Concernant l'ordre public
troublé, Le bon sens populaire ne comprendrait pas que l'auteur d'un
assassinat ou d'un viol crapuleux rentre directement chez lui après son
arrestation pour y attendre des mois ou des années son châtiment.
Le risque, c'est qu'en admettant ce cas de détention, les juges
apparaissent comme des justiciers plutôt que des instructeurs. Si les
juges doivent apaiser l'opinion, ils ne doivent pas en revanche céder
aux instincts de la foule, à l'esprit vengeur. La
détention dans l'intérêt de l'ordre public est en
vérité un cas d'état de nécessité, les juges
devant choisir entre la liberté individuelle et la paix publique.
Quant au critère de renouvellement, on voit à
l'évidence que ce critère présuppose que l'infraction
poursuivie est avérée, ce qui n'est pas le cas puisque l'affaire
est en train d'être instruite. La présomption d'innocence est-elle
alors une fiction ?
En somme, la détention provisoire ne peut intervenir
que si elle présente de l'utilité aux yeux de la justice, de la
personne mise en examen, des témoins ou plus généralement
de l'opinion publique.
Sous réserve de répondre aux conditions
précédemment citées, la détention provisoire doit
constituer l'ultima ratio des mesures nécessaires à la
poursuite de l'information et doit en outre, constituer l'unique moyen
d'atteindre les conditions ci-dessus énumérées.
Aujourd'hui, le juge d'instruction et la chambre d'accusation
ne doivent pas omettre, à peine de censure, d'expliquer dans leur
motivation en quoi le contrôle judiciaire ne suffit pas aux objectifs
recherchés. Parce que ces mesures sont graves, y compris celle du
contrôle judiciaire. En revanche, la personne mise en cause
bénéficie d'un régime plus favorable que pendant la phase
d'enquête, qui lui donne notamment la possibilité d'être
assistée d'un avocat et de ne faire aucune déclaration qu'en
présence de ce dernier. L'inculpation peut également
résulter de la délivrance d'un mandat d'arrêt lorsque la
personne soupçonnée est en fuite ou d'un mandat de
dépôt à l'audience par le tribunal correctionnel, sauf
décision motivée contraire de ce dernier en cas de
récidive d'infractions.
La C.E.D.H ne connaît pas « la
détention provisoire » à proprement parler. Pour
elle, la détention provisoire est une forme de « privation
de liberté » mentionnée dans son article 5, lequel
envisage cinq cas légitimes de privation de liberté (article
5-1-a à 5-1-f)75(*). Les cas de placement en détention provisoire
prévus par le C.P.P ne sont pas en contradiction avec les textes de la
convention.
En effet, le placement en détention provisoire suppose
que la personne soit mise en examen. Or, la mise en examen nécessite des
indices graves et/ou concordants de culpabilité. Ces indices constituent
des « raisons plausibles » au sens de l'article
5-1c de la C.E.D.H. Par ailleurs, deux motifs de placement en détention
provisoire visés par l'article 123 du C.P.P se rapprochent des cas
prévus par l'article 5-1c de la Convention susvisée :
« mettre fin à l'infraction ou (...) prévenir son
renouvellement ».
La loi prévoit que toute personne arrêtée
soit informée dans le plus bref délai des raisons de son
arrestation et de ses droits, ce qui est conforme aux dispositions de la
C.E.D.H (article 5-3).
Certes la détention provisoire présente des
avantages, lesquels correspondent aux causes juridiques de la mesure que nous
avons exposée ci-dessus. Mais ses inconvénients sociaux sont
considérables (perte d'emploi, désocialisation du détenu
et sa famille, coût etc.). Nous pouvons citer à ce titre,
l'exemple le plus marquant du procès d'Outreau, où des
pères et des mères de familles ont été
détenus pendant des années leur causant un énorme
préjudice physique et psychique.
En réalité c'est tout le régime de la
détention provisoire qui est conçu et doit l'être dans
l'avenir de manière à la limiter ou de manière à
atténuer ses conséquences.
Cependant, s'il s'agissait depuis lors de mettre en exergue le
caractère exceptionnel de la détention provisoire, l'usage est
précisément conditionné afin de le limiter. C'est à
ce titre qu'un rigoureux formalisme s'impose et ne peut que modérer cet
usage (B).
B. Les conditions de forme du
placement :
La détention provisoire illustre, si l'on peut le dire,
l'extrême rigidité entraînée par le formalisme
qu'elle exige. Le renforcement des droits des citoyens implique que le
contentieux relatif à la détention provisoire soit
réservé à un juge du siège, en position d'arbitre
impartial et « paraissanttel aux yeux de tous »
selon les termes de la Conv. E.D.H.
Pour que les mesures de détention fassent l'objet d'un
examen rigoureux, plus sérieux et soient réduites au strict
nécessaire, leur prononcé doit être confié à
un juge distinct du juge d'instruction. Tel sera le rôle du Procureur de
la République76(*)
que le juge d'instruction doit saisir, s'il entend placer le mis en examen en
détention provisoire. Le Procureur est donc désormais
compétent et examine les conditions préalables pour le placement
en détention.
Mais, en France, la procédure diffère du cas
malien. Ainsi le nouveau contentieux de la détention provisoire
(placement, prolongation et décision sur les demandes de mise en
liberté)77(*) est désormais de la compétence du J.L.D
qui ne peut statuer que s'il a été saisi par une ordonnance
motivée du juge d'instruction compétent, lequel aura
été préalablement saisi ou non du réquisitoire de
placement en détention de la part du M.P. L'objectif est la recherche
d'une meilleure protection de la liberté du mis en examen se traduisant
par la création d'un J.L.D qui hérite de tout le contentieux de
la détention provisoire, jusque-là géré par le juge
d'instruction, considéré comme suspect d'user de cette mesure
pour faciliter l'obtention de l'aveu78(*).
Dans toutes ces hypothèses, le juge de la
détention sera saisi par ordonnance motivée du juge d'instruction
chargé de l'information. Ce n'est en effet que dans le cas où le
magistrat instructeur estimera la détention nécessaire que le
juge de la détention provisoire devra se prononcer. Ce dernier ne peut
pas être directement saisi par le M.P, de même que les demandes de
mise en liberté sont adressées au juge d'instruction, et ce n'est
que si celui-ci refuse d'y faire droit qu'elles seront soumises au juge de la
détention provisoire.
Quant au délai pour préparer sa défense,
c'est une innovation de la loi du 9 juillet 198478(*). Il vise à renforcer
les garanties de la personne mise en examen au moment où une
décision essentielle va être prise à son égard. Lorsque cette disposition est mise en oeuvre, le moment
du placement en détention provisoire se trouve repoussé de fait.
Mais, face à cette situation, le juge d'instruction n'est pas
désarmé pour autant. En effet, il peut ordonner
l'incarcération provisoire de la personne concernée : il
s'agit d'une mesure privative de liberté qui résulte comme nous
l'avons dit précédemment, d'une ordonnance motivée par
référence aux exigences de la défense.
Mais au regard de tout ce qui précède, beaucoup
de question se posent quant au rôle et l'efficacité du J.L.D
d'après Outreau. De prime bord, on peut dire que c'est un juge
amputé de par la loi de pouvoir prendre une décision pleinement
éclairée puisqu'il ne peut pas poser de questions sur les faits.
La création de ce juge en 2000 a été une excellente
idée du législateur mais il ne lui pas donné les moyens
procéduraux pour qu'il exerce ses fonctions, donc une oeuvre
inachevée.
Seulement voilà le J.L.D a déçu
d'après Outreau pour des raisons liés à son statut, il n'a
pas suffisamment connaissance de la personnalité du mis en examen mais
également ne dispose que d'un délai court pour prendre
connaissance du dossier. Il y a autant de raisons pour revoir totalement le
rôle du J.L.D, lui permettant d'avoir accès au dossier du mis en
examen, de l'interroger et de pouvoir parler avec son avocat. Philippe Houillon
estime que la question du maintien du J.L.D judiciaire pour statuer à la
place du J.I se posera inévitablement79(*).
L'ordonnance de placement en détention provisoire est
susceptible d'appel de la part du M.P comme du mis en examen. Mais cet appel
n'est pas suspensif de l'exécution et le mis en examen est
incarcéré pendant la durée de la procédure
d'appel.
En effet, pour lutter contre des placements en
détention provisoire abusifs, la loi du 24 août 1993 a
créé sous le nom de
« référé-liberté » une
modalité particulière d'appel ayant pour effet de suspendre
l'efficacité du mandat de dépôt pendant la durée de
la procédure d'appel.
Tous ces instruments juridiques expriment la volonté du
législateur de rendre la justice équitable. Ainsi ils formulent
la protection de l'inculpé contre des détentions arbitraires et
abusives.
Cependant, malgré toutes les reformes entreprises en la
matière pour adapter les textes à la réalité
sociale, la décision de placement en détention provisoire doit
être faite dans le délai imparti par la loi et la jurisprudence.
La détention provisoire a pour principal effet, la
privation temporaire de liberté et le caractère
éventuellement préjudiciable de cette privation de
liberté.
La privation de liberté du détenu
s'exécute au sein d'une maison d'arrêt ou dans un quartier
spécial selon un régime distinct de celui applicable au
condamné. Le juge d'instruction peut donner des ordres relatifs à
la détention mais c'est l'administration pénitentiaire qui
définit les conditions de la détention.
Mais il est aisé de constater que, dans la
réalité, les magistrats ne jouissent pas d'une grande marge de
manoeuvre quant aux ordres donnés au détenu dans
l'établissement pénitentiaire. Ils ne peuvent pas modifier le
régime tel que défini par l'administration pénitentiaire
conformément au code de procédure pénale. Par exemple, il
leur serait impossible de modifier les horaires des activités du
prévenu, lui accorder ou retirer la permission de faire du sport, etc.
On constate qu'ils ne peuvent intervenir que sur certains points
édictés par le code de procédure pénale. C'est par
exemple le cas de l'interdiction de communiquer, ou d'accorder ou non les
permis de visite, etc...
Certes, le C.P.P aménage des conditions meilleures pour
les prévenus et les condamnés, il n'est pas surprenant que, bien
que présumés innocents, leur sort s'avère peu enviable.
En effet, surtout pour un pays tel que le nôtre, les
conditions des détenus sont déplorables. Et on oublie que le
détenu est un citoyen, tout spécialement lorsqu'il
bénéficie de la présomption d'innocence. S'il est de
principe que les prévenus soient seuls en cellule, cela n'est pas
toutefois respecté car les maisons d'arrêt qui les
reçoivent, sont surpeuplées.
Et la durée de la détention provisoire comme son
nom l'indique est provisoire et n'est pas sans limite (Paragraphe 2)
PARAGRAPHE 2 : LA DUREE DE LA DETENTION :
Le législateur a été animé du
souci de régir la durée des détentions provisoires. Il l'a
fait dans le cadre d'un système qui allie la complexité et
l'hypocrisie.
La complexité tient au fait que les prolongations
répondent à des critères multiples tenant non seulement
à la limitation dans le temps, de l'efficacité des instruments de
la détention mais aussi, d'une prise en considération de la
durée de la peine encourue, de la nature de l'infraction, du
passé de l'intéressé etc.
L'hypocrisie est formelle dans la mesure où le
législateur affirme à chaque fois catégoriquement que tel
délai ne peut être dépassé pour ajouter
aussitôt qu'il peut l'être, à titre exceptionnel80(*).
Mais quelle que soit la matière (criminelle ou
correctionnelle), la détention de la personne mise en examen doit se
limiter dans une certaine durée.
Il convient d'examiner la durée légale de la
détention et de sa prolongation pour les détenus majeurs
(A) d'une part, et d'autre part, la durée légale
et sa prolongation pour les détenus mineurs (B).
A. La durée légale de la
détention et sa prolongation pour les détenus majeurs :
En matière criminelle, la durée maximale normale
de la détention est d'un an. Mais il ne s'agit là que d'un
principe81(*). Toutefois,
le juge d'instruction peut, à l'expiration de ce délai, prolonger
pour une durée qui ne peut excéder trois ans par ordonnance
motivée et dans les huit jours qui suivent l'expiration dudit
délai ; cela conformément aux dispositions de l'article 135
du C.P.P.
En matière correctionnelle, si le maximum de la peine
prévue par la loi est inférieur ou égale à deux
ans, l'inculpé régulièrement domicilié au Mali ne
peut être détenu plus d'un mois après sa première
comparution devant le juge d'instruction82(*). Par contre si le maximum de la peine encourue est
supérieur à deux ans, la détention provisoire ne peut
excéder six mois. Toutefois, à l'expiration de ce délai,
le juge d'instruction peut la prolonger par ordonnance motivée de
maintien en détention dont la durée ne peut également
excéder six mois. Dans ce cas le titre d'écrou demeure le mandat
in initialement décerné par le juge d'instruction83(*). La détention ne peut
être renouvelée qu'une seule fois au cours de l'information.
Comparée au cas européen, il y a une très
grande différence car la détention provisoire est plus
encadrée par le régime français, par exemple, que le
régime malien.
La loi du 15Juin 2000 est l'exemple le plus illustrant sur la
question. Ainsi elle a ajouté un alinéa à l'article 145 du
C.P.P français selon lequel « la personne mise en examen
ne peut être maintenue en détention provisoire au-delà de
deux ans lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de
réclusion ou de détention criminelle et au-delà de trois
ans dans les autres cas »84(*). Les délais sont
portés respectivement de trois à quatre ans lorsque l'un des
faits constitutifs de l'infraction a été commis hors du
territoire national. Elle peut également être de quatre ans
lorsque le mis en examen est poursuivi pour plusieurs crimes contre les
personnes ou contre la nation, l'Etat et la paix publique, ou pour trafic de
stupéfiants, terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds
ou crime en bande organisée. Si en cours d'instruction, la qualification
correctionnelle des faits objet de la saisine du juge d'instruction est
abandonnée, ce dernier doit saisir le J.L.D aux fins du maintien en
détention provisoire de la personne mise en examen pour les mêmes
faits requalifiés de crime85(*). C'est la durée prévue en
matière criminelle qui doit être appliquée.
Dans tous ces cas, et à titre exceptionnel, une
dernière prolongation de quatre mois peut être ajoutée
à ces deux ans par une décision de la chambre de l'instruction au
motif que les investigations du juge doivent encore être poursuivies
lorsque la mise en liberté causerait un risque d'une particulière
gravité à la sécurité des personnes et des biens. Cette prolongation peut être renouvelée une
fois.
Il faut le noter, ces délais concernent uniquement la
durée de l'information et n'entrent pas en ligne de compte après
la décision de clôture de l'instruction par le juge d'instruction
à partir de laquelle, courent de nouveaux délais pour que la
personne détenue soit jugée.
Lorsque la détention provisoire intervient en
conséquence de la révocation d'un contrôle judiciaire alors
que la personne mise en examen avait déjà été
placée en détention, pour les mêmes faits, la durée
cumulée de ces deux détentions ne peut excéder de plus de
quatre mois, les maxima ordinaires en matière criminelle86(*).
En revanche, la durée maximale d'un an peut être
prolongée pour une durée de six mois maximum, par une ordonnance
du juge rendue après débat, l'avocat ayant été
convoqué, et motivée par les considérations de droit et de
fait qui la fondent. A cet effet, l'ordonnance du J.L.D doit contenir les
éléments particuliers qui justifient la poursuite de
l'information et le délai prévisible de son achèvement.
Lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans, la
durée de la détention ne peut excéder deux ans, elle est
de trois ans dans les autres cas.
En définitive, depuis longtemps, le souci de la
chancellerie et du législateur était de faire baisser la
durée de la détention provisoire. Parmi les moyens
utilisés, l'un consistait à fixer des périodes qui ne
peuvent être dépassées que par la procédure de
renouvellement périodique et l'autre, des limites infranchissables
au-delà desquelles la personne mise en examen est automatiquement remise
en liberté.
Mais imposer une limite maximum à la détention
peut générer de grandes difficultés dans l'instruction de
certains dossiers, en particulier lorsqu'il s'agit de faits complexes commis
par une personne n'ayant jamais été condamnée. Cependant,
les limites imposées ne peuvent être qu'approuvées si l'on
considère la gravité de la mesure coercitive que constitue la
détention avant jugement et les multiples répercussions qu'elle
engendre. C'est également une manière d'inciter, voire de forcer,
les juges d'instruction à terminer les dossiers de détenus dans
un délai que le législateur a pensé raisonnable.
Par contre en matière correctionnelle, l'article 145-1
du C.P.P français prévoit deux hypothèses
principales :
- si la personne mise en examen n'a pas déjà
été condamnée pour crime ou pour délit de droit
commun à une peine criminelle ou à une peine d'emprisonnement
sans sursis d'une durée supérieure à un an et qu'elle
encourt une peine inférieure ou égale à cinq ans, sa
détention provisoire ne peut excéder quatre mois et n'est pas
susceptible de prolongation ;
- dans les autres cas, en considération du passé
judiciaire de la personne et/ou de la peine qu'elle encourt, sa
détention provisoire ne peut excéder en principe quatre mois. A
titre exceptionnel, une prolongation d'une durée ne pouvant
excéder quatre mois peut être faite. Cette prolongation peut
être renouvelée pour la même durée qu'une seule
fois.
Cependant, ces prolongations sont bien sûr
accordées par le J.L.D par ordonnance motivée prise après
débat contradictoire87(*).
La durée maximale de la détention provisoire est
donc d'un an (durée initiale de quatre mois à laquelle s'ajoute
une prolongation de quatre mois plus un renouvellement de prolongation de
quatre mois)88(*).
Quant à la durée de la procédure de
comparution immédiate, c'est une procédure qui permet au
Procureur de la République de traduire sur le champ la personne mise en
examen devant le tribunal correctionnel. Le tribunal peut décider de
renvoyer l'affaire à une audience ultérieure et ordonner le
placement en détention provisoire. Dans ce cas, le jugement sur le fond
doit être rendu dans un délai de deux mois à compter de la
première comparution. Ce délai est porté à quatre
mois, à la demande du mis en examen, lorsque la peine encourue est
supérieure à sept ans d'emprisonnement. En cas d'appel sur le
jugement de condamnation et si la personne reste détenue, la Cour
d'appel doit statuer dans les quatre mois.
La donne change tout de même si la détention
provisoire concerne les mineurs quant au délai et à la
prolongation (B).
B. La durée légale et sa prolongation
pour les détenus mineurs :
Ici, il nous convient d'analyser la durée de base en
matière criminelle ainsi que sa prolongation et ensuite en
matière correctionnelle et sa prolongation.
Au Mali la justice des mineurs est régie par plusieurs
textes, dont la loi no 01-081 du
24
avril
2001 portant sur la
minorité pénale et institution de juridictions pour mineurs,
ainsi que l'ordonnance no 02-062/PRM du
5
juin
2002 portant code de
protection de l'enfant. Ces textes transposent dans le droit national les
engagements internationaux pris par le
Mali, notamment par la
ratification de la
Convention
relative aux droits de l'enfant89(*).
Comme évoquée au-dessus, la majorité
pénale est fixée à 18 ans.
Le mineur de 13 ans jouit d'une présomption
d'irresponsabilité pénale en raison de son manque de
discernement. S'il commet un crime ou un délit, il sera relaxé ou
acquitté et remis soit à ses parents, soit à une
institution spécialisée. Seuls les inculpés
âgés de plus de 13 ans peuvent être placés
provisoirement en détention par le juge des enfants90(*).
Pour le mineur âgé de 13 à 18 ans, c'est
la juridiction de jugement qui décide si le mineur a agi sans
discernement (irresponsabilité pénale) ou avec discernement et le
mineur peut faire l'objet d'une peine, d'une mesure appropriée de
protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation.
Ainsi les délais légaux de détention
provisoire sont 3 mois en cas de délit et 1 an en cas de crime91(*). Mais dans la pratique ces
délais de détention provisoire ne sont pas toujours
respectés. Par exemple sauf à Bamako où il existe un
Tribunal pour enfants, les juges de paix à compétence
étendue appliquent souvent aux mineurs les délais de
détention provisoire prévus pour les majeurs. Il y a donc abus
à ce niveau. Mais cette situation n'est pas seulement due à la
mauvaise volonté des juges. Très souvent, elle résulte
tout simplement de la lourdeur et des dysfonctionnements de l'appareil
judiciaire : faute d'enquête social, d'expertise mentale ou encore
en raison des négligences des parents dans leur rôle de tuteur du
mineur, l'instruction se trouve bloquée bien qu'entre-temps, le
délai continue à courir.
En 2007, 2% des enfants de moins de 13 ans étaient en
détention, 29% des enfants de13 à 15 ans, et 69% des enfants de
16 à 18 ans.
Une étude a été menée en 2005 par
le CNDIFE92(*) sur les
« enfants en situation difficile y compris ceux en conflit avec la
loi ». Elle a recensé 1 001 garçons et
recensé 401 filles en conflit avec la loi. Les principales
infractions étaient le vol (38 %), les coups et blessures
(18 %), le vagabondage (11 %), le viol (10 %).
Les centres de rééducation et de
réinsertion pour mineurs sont des établissements accueillant des
jeunes âgés de 13 à 17 ans. Ces jeunes sont placés
dans ces centres suite à des vols ou blessures involontaires, ou en
assistance éducative. Des centres existent dans plusieurs
localités au
Mali :
Bollé,
Ouélessébougou,
Bougouni,
Sikasso,
Koutiala,
Kimparana,
Mopti et
Ségou93(*).
Dans les prisons maliennes, la majorité des enfants ne
bénéficient pas de programmes d'éducation. Seules
11 structures sur 54 pratiquent la
scolarisation des
enfants, ce qui place le système pénitentiaire en
contradiction avec l'obligation scolaire reconnue par la loi et la
Convention
relative aux droits de l'enfant
87.
Dans 35 établissements, les enfants
bénéficient d'activités de loisirs et dans 33 d'un soutien
social et psychologique94(*).
En France, selon la lettre de l'article 11 de l'ordonnance du
2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, le J.L.D
est saisi par le juge des enfants ou par le juge d'instruction. L'article 11 de
l'ordonnance précitée a été réécrit
par la loi « Perben » du 9 septembre 2002 (article
18).
En matière criminelle, la détention provisoire
des mineurs de moins de treize ans peut être décidée dans
les conditions de droit commun des majeurs, sans pouvoir dépasser une
durée de deux ans ou s'ils se sont volontairement soustraits des
obligations du contrôle judiciaire. Pour les mineurs de plus de 13 ans et
de plus de 16 ans ne peut excéder six mois, mais à titre
exceptionnel, une unique prolongation de six mois maximum est possible par une
ordonnance motivée d'après les considérations de droit et
de fait qui la fondent, rendue après débat contradictoire.
S'agissant des mineurs de 16 à 18 ans, la durée maximale de la
détention provisoire reste de deux ans (un an puis deux prolongations de
six mois) pour les crimes.
Ce cas particulier visant les mineurs, est abordé par
les textes de manière précise et restrictive. C'est à ce
titre que J. Pradel évoquait à ce sujet d'un
« étranglement de la détention
provisoire ».
En effet, quelle que soit l'infraction reprochée au
mineur, ou dans l'hypothèse de non-respect des obligations du
contrôle judiciaire, la décision de placer en détention
provisoire est subordonnée à des conditions. C'est pour cette
raison que l'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945 qui en fixe
les règles est modifié en vue d'énoncer plus clairement
les cas dans lesquels, un mineur peut être placé en
détention provisoire. Il dispose désormais que le mineur
âgé de 13 à 18 ans mis en examen par le J.I ou le juge des
enfants ne peut être placé en détention par le J.L.D
qu'à deux conditions particulières :
D'abord s'il apparaît que cette mesure est
« indispensable » ou qu'il est
« impossible » de prendre toute autre
disposition ;
Ensuite les obligations du contrôle judiciaire doivent
être insuffisantes.
Quant au lieu de la détention, quel que soit
l'âge du mineur, la détention provisoire doit être
effectuée soit dans un quartier spécial de la maison
d'arrêt, soit désormais dans un établissement
pénitentiaire spécialisé pour mineur95(*). Le
mineur doit être, autant que possible, être soumis à
l'isolement de nuit. Par ailleurs, dans une même affaire, en cas de
révocation des obligations du contrôle judiciaire pour un mineur
précédemment placé en détention provisoire, la loi
du 15 juin 2000 a prévu que la durée de la détention ne
peut excéder de plus d'un mois. Cette durée constitue une
limitation par rapport à l'interprétation qui
prévalait96(*).
Pour les mineurs de 13 à 16 ans, la détention
provisoire n'est, en outre, autorisée que dans les établissements
garantissant l'isolement complet avec les détenus majeurs et
prévoyant la présence d'éducateurs.
Enfin, la loi met en place une procédure de suivi ayant
pour objet d'éviter la détention provisoire du mineur en cause.
Ce mineur doit faire l'objet dès sa libération, des mesures
éducatives ou de liberté surveillée adaptée
à sa situation.
Par contre, la situation est différente en
matière correctionnelle.
Pour le mineur de 13 ans révolus, il ne peut être
placé en détention provisoire que si la peine encourue est
supérieure ou égale à trois ans d'emprisonnement. Si la
peine encourue est inférieure ou égale à sept ans
d'emprisonnement, la durée de la détention provisoire est d'un
mois au maximum et à titre exceptionnel, elle peut être
prolongée une seule fois d'un mois. Si la peine est supérieure
à sept ans d'emprisonnement, la détention obéit au droit
commun des majeurs dans la limite de la durée d'un an. Le placement est
également possible quand le mineur se serait volontairement soustrait
aux obligations du contrôle judiciaire97(*).
Dans une décision du Conseil d'Etat, il a
été jugé que n'est pas contraire à la Constitution
le placement en détention provisoire d'un mineur réitérant
voire récidivant et ayant manqué aux obligations du
contrôle judiciaire en matière correctionnelle98(*).
C'est pour cette raison que G.Hages,
député communiste du Nord, déclarait dans le journal
Humanité que le « mineur de moins de seize ans ne devait
jamais être placé en garde à vue ni en détention
provisoire en matière correctionnelle »99(*).
Pour le mineur de 13 à 16 ans, en cas de
révocation du contrôle judiciaire, la durée de la
détention ne peut excéder 15 jours et renouvelable une fois
(article 11-2 de l'ordonnance de 1945). Si le délit est puni de 10 ans,
la durée est de un mois renouvelable une fois.
Pour le mineur de 16 ans au moins (art. 11 ord. 1945), la
durée est de 1 mois si la peine encourue ne dépasse pas 7 ans
avec une seule prolongation et à titre exceptionnel pour 1 mois maximum.
Dans les autres cas, 4 mois comme les majeurs avec possibilité de
prolongation après débat contradictoire, mais avec un maximum
d'un an en tout100(*).
Pour le mineur de 18 ans, la détention provisoire ne
peut excéder deux mois (un mois plus un mois avec débat
contradictoire) lorsque la peine encourue n'est pas supérieure à
7 ans d'emprisonnement. Dans les autres cas, les dispositions de
l'alinéa premier de l'article 145-1 du code de procédure
pénale s'applique (ord. 2 fév. 1945, art. 11, al. 2).
Mais il faut le rappeler, à titre exceptionnel, une
unique prolongation d'un mois maximum est possible, par une ordonnance
motivée d'après les considérations de droit et de fait qui
la fondent et rendue après débat contradictoire.
Lorsque la détention provisoire est ordonnée en
conséquence de la violation d'un contrôle judiciaire et que l'intéressé a déjà
été placé en détention pour les mêmes faits,
la durée cumulée de ces deux détentions ne peut
excéder plus d'un mois, les maxima ordinairement prévus en
matière criminelle ou correctionnelle.
De ce fait il convient d'analyser ce régime de la
détention provisoire dans la pratique ainsi que le système
réparateur en cas de préjudice subi (Section 2).
SECTION 2 : LA DETENTION PROVISOIRE DANS LA
PRATIQUE ET LE SYSTEME REPARATEUR EN CAS DE PREJUDICE SUBI :
Dans la pratique, les garde-fous édictés par le
législateur se révèlent-ils suffisants ? L'usage
effectif de la détention provisoire demeure-t-il réellement
modéré malgré son caractère efficace ?
A ces diverses problématiques, il est à noter
que malgré les efforts consentis par le législateur, le nombre
des détenus provisoires n'a pratiquement cessé d'augmenter. Ainsi
il conviendra d'analyser la détention dans la pratique
(Paragraphe 1) ainsi que le système réparateur
en cas de préjudicie subi (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : LA DETENTION PROVISOIRE DANS LA
PRATIQUE:
La conciliation textuelle entre protection des libertés
individuelles et les nécessités de la justice apparaît donc
dans la pratique comme brisée. Les moyens mis en place par le
législateur pour limiter le recours à la détention
provisoire se révèlent insuffisants. On peut déduire de
cela que le système juridique mis en place est à présent
lacunaire et flou.
De plus, il est aisé de remarquer que dans la plupart
des cas, les détentions sont prononcées, voire
exécutées au détriment des libertés individuelles
(A). On peut se poser la question, comment et pourquoi la mise
en détention provisoire, mesure exceptionnelle, est dans la pratique
abusivement usitée (B).
A. La conciliation brisée au
détriment des libertés individuelles:
Ce pouvoir est voulu restreint par le législateur. Mais
au vu de l'imprécision des textes, même si les conditions
d'application sont déterminées, les notions qu'elles recouvrent
sont floues, ce qui donne au juge, un pouvoir d'interprétation.
Le flou caractérise le système dès lors
que les normes ne sont pas déterminables, leurs règles
supérieures étant elles-mêmes affectées
d'ambiguïté et d'imprécision. Le flou se constate dans les
textes relatifs à la détention provisoire.
Ainsi, P. CHAMBON met en exergue la lacune suivante :
celle concernant la gravité des indices nécessaires au placement
en détention. Si cette condition n'est pas prévue par les textes,
il n'en demeure pas moins qu'elle est nécessaire à la mise en
oeuvre de la détention provisoire, condition prétorienne mais
également floue. Qu'entend-t-on précisément par seuil de
gravité ?
Le juge d'instruction se contente en pratique d'indiquer
« attendu que les faits sont graves ; attendu que le
prévenu est de mauvaise moralité et a déjà
été condamné ». Ces éléments
isolés sont pourtant insuffisants pour motiver un placement en
détention provisoire. Que le fait poursuivi soit grave n'implique pas
que la personne mise en examen l'ait commis ; il en est de même si
le juge d'instruction se contente d'indiquer que la personne mise en examen a
mauvaise réputation. Il faut des indices suffisamment graves pour la
désigner comme auteur de l'infraction. Il est donc à
révéler que la lacune et le flou propres à cette condition
sont d'autant plus critiquables que dans les autres cas le degré de
gravité des indices sont précisés.
Un autre exemple illustre parfaitement le flou des
textes : la notion d'ordre public causé par l'infraction (article
123 du C.P.P). Ce motif est le plus discuté. On pourrait même
songer à sa suppression en matière correctionnelle. La raison en
est de ce qu'il n'a pas de consistance claire et que ses limites sont
particulièrement floues. Ce qui permet au magistrat instructeur une
utilisation abusive. Il est en effet possible de considérer que toute
infraction trouble plus ou moins l'ordre public du fait même de sa
réalisation et qu'il convient de préserver cet ordre par une
mesure de détention. Mais, la détention provisoire étant
considérée comme une mesure d'exception, elle doit être
décidée en considération d'un juste équilibre entre
deux impératifs :
D'abord le respect de la liberté individuelle,
Ensuite la nécessité de la recherche de la
vérité judiciaire.
En faisant référence à l'ordre public, la
détention ou la prolongation d'une détention ne doit pas
être motivée par le critère de l'ordre public sauf en
matière criminelle et pour les délits punis de moins de dix ans
d'emprisonnement. Le critère de trouble à l'ordre public ne peut
justifier la détention que s'il s'agit d'un trouble exceptionnel et
persistant, résultant de la gravité de l'infraction, des
circonstances de sa commission ou de l'importance du préjudice qu'elle a
causé.
Or, il est de règle par la jurisprudence de la chambre
criminelle de la Cour de cassation française, qui exige par application
stricte du texte, que le juge expose en quoi l'ordre public est troublé
par les faits objectifs du dossier.
Une autre lacune concerne celle du contrôle judiciaire,
qui n'impose pas au juge qui use de la privation de liberté à
montrer dans son ordonnance en quoi cette mesure est insuffisante101(*).
Ayant ainsi constaté que le législateur recourt
assez facilement à la technique du placement en détention
provisoire, sa mise en application par les interprètes du droit est
inquiétante.
En ce qui concerne l'interprétation du juge, il est
nécessairement amené à faire subir à la norme large
une certaine interprétation qui la rapproche de la norme la plus
concrète. Le rapprochement de la norme générale et du fait
concret se réalise nécessairement par la perception subjective du
juge. A ce propos, on peut évoquer un risque d'arbitraire.
En tout état de cause, le juge ne peut que prendre le
soin d'adapter l'interprétation des règles au résultat
social recherché. En cherchant à éviter des solutions
manifestement déraisonnables ou iniques, le juge apprécie selon
la justice et l'intérêt général. Pour éviter
ce risque d'arbitraire, de nombreuses théories ont été
élaborées sur le pouvoir d'interprétation des juges.
Ce pouvoir d'interprétation des juges a fait l'objet de
nombreuses controverses, les théories de l'interprétation
oscillant entre la primauté donnée au souci de
fidélité à l'égard du législateur et celui
d'adaptation aux besoins sociaux du moment.
A l'origine, selon l'idéologie de la décision
« déterminée », les mesures prises
par le juge sont le résultat d'opérations à
caractère logique ou mécanique. C'est la position du formalisme
juridique. Les estimations du juge n'existent pas ou ne jouent pas de
rôle dans la prise de décision ; les règles
appliquées forment un système complet et suffisent pour prendre
des décisions et le juge n'est que, selon Montesquieu, «la
bouche qui prononce les paroles de la loi ».
La liberté des justiciables est ainsi garantie par le
principe de la séparation des pouvoirs. « Les tribunaux ne
peuvent s'immiscer dans l'exercice du pouvoir législatif ». Ou encore « il est défendu au
juge de se prononcer par voie de dispositions générales et
réglementaires sur les causes qui leur sont soumises ».
Diverses écoles ont prôné cette
idéologie : l'école de l'exégèse, le
positivisme juridique.
Ensuite, l'idéologie de la libre décision
judiciaire naît comme une critique radicale à l'idéologie
précédente et exprime les tendances anti-formalistes.
L'application du droit est basée sur les estimations des juges et les
textes ne peuvent pas la déterminer : le juge doit faire une libre
recherche des sources de sa décision par-delà le droit positif et
peut décider non seulement praeter legem mais aussi contra
legem.
L'idéologie de la décision légale et
rationnelle est basée sur l'analyse des caractères du
raisonnement judiciaire, de la législation et du système de
droit. C'est l'esprit actuel du C.P.P français : ni
décision mécanique, ni liberté non
contrôlée.
En effet, compte tenu du flou de certains textes, les juges
ont un large pouvoir d'appréciation, ce qui signifie surtout que
même l'usage des exceptions est voulu comme restreint dans les textes.
Mais dans la pratique, ces organes peuvent en abuser. Il faut préciser
tout de même que les abus relatifs à la détention
provisoire ne sont pas seulement dus à la souplesse des textes mais
aussi aux échecs législatifs. En effet la volonté du
législateur était de réduire le nombre des placements en
détention. Mais à présent, le nombre des détentions
provisoires est encore considérable en car, « la
détention provisoire concerne en réalité plus du tiers de
ceux qui sont sous les
verrous »102(*)
Cependant, il est logique de penser et d'espérer un
impact de la part du législateur sur le nombre actuel des
détentions, car désormais, dans le cas français, la mesure
nécessite deux juges ; il y a de fortes chances que la
procédure, se trouvant ainsi quelque peu alourdie et ralentie, dissuade
la mise en détention103(*). Depuis le 12 juillet 1996,
« la réforme Badinter, qui a obligé le juge
d'instruction à réorganiser un débat contradictoire avant
tout placement en détention, semble avoir été
bénéfique : depuis son adoption, la part des prévenus
est tombée de 52% à 40% »
à nos jours.
Malgré les réformes104(*) et les tentatives
d'assouplissement de la détention, il n'en demeure pas moins, que son
usage est parfois excessif (B).
B. L'usage excessif de la détention
provisoire :
Malgré des conditions d'application nombreuses, le flou
de certaines notions et l'insuffisance des réformes permettent un usage
excessif de la détention provisoire en raison de son apport efficace
à la justice. Le recours excessif de cette mesure est pernicieux car
attentatoire aux libertés individuelles. S'il est compréhensible
que le juge y recourt dans un souci d'efficacité de la justice, ceci ne
doit pas entraîner le mépris systématique des droits
individuels : la conciliation entre ces deux impératifs
constitutionnels devrait être, malgré tout, respectée. On
peut se poser la question, comment et pourquoi la mise en détention
provisoire, mesure exceptionnelle, est dans la pratique abusivement
usitée et que cet abus manque de sanctions.
La population carcérale est en augmentation croissante
en France105(*). Ces
dernières années, elle a doublé en France. Elle atteignait
59 197 personnes le 1er mars 2006, dont 19 368
prévenus (détenus en attente d'un jugement
définitif)106(*). Le nombre de mineurs détenus est de 658, ce
qui représente 1,1% des détenus. Les raisons de cet accroissement
sont entre autre :
1) l'allongement des peines prononcées : entre
2002 et 2005, la durée moyenne de la détention a
doublé ;
2) le nombre de libérations conditionnelles a seulement
augmenté et passe de 5013 au 1er avril 2002 à
5866 au 1er avril 2005;
3) un recours trop important de la détention
provisoire : 35% des détenus sont des prévenus, donc
présumés innocents, le placement en détention semble
souvent utilisé comme un moyen de pression, dans le seul objectif de
conduire le prévenu à passer aux aveux, selon l'Observatoire
Internationale des Prisons et l'administration pénitentiaire;
4) la détention de personnes qui ne devraient pas
être en prison : des étrangers détenus pour motifs
administratifs (des sans-papiers), les toxicomanes, parfois de simples
consommateurs ou de personnes ayant « dealé »
pour acheter leur dose personnelle etc. Des mesures appropriées peuvent
être prises à chacun de ces cas pour éviter des
procédures inutiles et souvent onéreuses.
Au Mali, en Septembre 2007, la prison centrale de Bamako
prévue pour 400 prisonniers en hébergeait 1.668, dont 1.092 en
détention provisoire. La prison de Sikasso conçue pour accueillir
50 prisonniers en détenait 615 dont 209 en détention provisoire.
Dans l'ensemble du pays, les prisons des huit régions et de la capitale
hébergeaient 5.817 prisonniers dont 2.522 en détention
provisoire107(*). Par
ailleurs, l'alimentation y était insuffisante, si tant qu'elle soit
disponible, et les installations médicales et sanitaires étaient
médiocres, posant de graves risques de santé.
Si la détention doit être théoriquement
subie dans des conditions moins difficiles que l'emprisonnement prononcé
à titre de peine, cette théorie est
cependant inexacte en pratique. On constate avec aisance le surpeuplement
pénitentiaire qui frappe tout particulièrement les maisons
d'arrêt, ce qui interdit en pratique le respect des règles
prévues par la loi.
Au regard de ces constatations, on observe que les textes qui
régissent la détention provisoire sont vagues, entraînant
un usage parfois illimité du placement en détention.
Pour pallier cet usage, les mesures alternatives doivent
être prises, applicables aux détenus non dangereux et non
récidivistes en fonction de l'infraction commise.
La détention ne doit pas entraver la réinsertion
et la réadaptation sociale du mis en examen. Un détenu en attente
de jugement doit se sentir et doit demeurer un citoyen pour respecter la
présomption d'innocence. En outre, des mesures adéquates doivent
être envisagées pour les détenus mineurs, les jeunes de
moins de 21 ans. L'insertion sociale et professionnelle doit être une
priorité, à défaut, la prison peut rendre plus dangereux
qu'on ne peut l'imaginer. La détention doit correspondre à une
nécessité réelle et non une simple utilité. Tous
les abus et les excès doivent être sanctionnés.
Le juge d'instruction n'agit pas sans contrôle, mais
malgré les recours qui peuvent paralyser sa décision, les abus
relatifs à la détention provisoire demeurent. Ainsi, la
détention apparaît comme une mesure grave puisqu'elle
entraîne l'incarcération d'une personne dont la culpabilité
n'est pas certaine, et fait peser sur lui un discrédit parfois
injustifié. Mais il convient qu'une mesure aussi grave ne soit jamais
décidée à la légère, ou par routine108(*).
Cependant, en France, la loi du 15 juin 2000, voulant mieux encadrer le pouvoir
conféré au juge d'instruction pour procéder à une
mise en examen et mieux garantir la présomption d'innocence, les
parlementaires ont tout mis en oeuvre pour que le J.I ne recourt à la
mise en examen que lorsque celle-ci est justifiée109(*).A
cette fin, ils ont, à l'instigation des sénateurs,
réformé la mise en examen en réaménageant les
conditions et la procédure de sa mise en oeuvre.
En revanche, malgré un contrôle insuffisant des
acteurs de la détention provisoire, il n'en demeure pas moins que des
sanctions peuvent être prises à l'encontre des décisions
édictées par ces acteurs en la matière.
Ainsi, la sanction la plus radicale et la plus essentielle est
la censure de la décision et même de la procédure obtenue
par voie d'appel. Une ordonnance du J.L.D ou du juge d'instruction n'acquiert
le caractère définitif que si elle n'a pas fait l'objet d'une
voie de recours.
Les ordonnances de placement en détention, de
prolongation, de refus de mise en liberté, de mise en liberté
sous contrôle judiciaire peuvent être frappées d'appel, par
la personne mise en examen ou son avocat dès notification de la
décision. De même, le M.P qui est partie au procès a un
droit d'appel sur toutes les ordonnances du juge d'instruction ou du J.L.D en
la matière110(*).
Mais malgré l'appel interjeté, la décision du juge en
matière de détention est immédiatement exécutoire,
ce qui implique que l'appel n'a pas d'effet suspensif111(*).
Quant à la chambre de l'instruction (ou chambre
d'accusation), elle examine le bien-fondé de la décision
frappée d'appel et vérifie la régularité de la
procédure de placement ou du maintien en détention provisoire,
autrement dit la régularité du titre de détention. Elle
confirme ou infirme l'ordonnance du J.L.D ou du juge d'instruction selon les
cas.
Faute pour la chambre de l'instruction de statuer sur les
moyens régulièrement soulevés dans le mémoire
déposé par le mis en examen ou son avocat et les
réquisitions formulées par le M.P, sa décision peut se
voir sanctionnée par la Cour de cassation. Les décisions de la
chambre de l'instruction sont donc susceptibles de pourvoi devant la chambre
criminelle de la Cour de cassation. Pour pouvoir exercer ce recours, il est
nécessaire que les parties aient connaissance de la décision de
la chambre de l'instruction, celle-ci étant notifiée par lettre
recommandée dans les trois jours aux avocats du mis en examen et des
parties civiles et, dans le même délai, au P.G. En règle
générale, le délai du pourvoi et le pourvoi lui-même
sont suspensifs jusqu'à la décision de la Cour de cassation. Le
contentieux de la détention provisoire échappe à cette
règle. Ainsi, la chambre de l'instruction qui décide de maintenir
le mis en examen en détention est immédiatement exécutoire
nonobstant pourvoi en cassation. On se demande jusqu'ici, pourquoi une telle
mesure à l'encontre du mis en examen ? Cela ne peut être
qu'une violation de la présomption d'innocence.
La Cour de cassation dispose de trois mois à compter de
la réception du dossier pour statuer, faute de quoi le mis en examen est
mis d'office en liberté. La Cour peut soit rejeter le pourvoi, ce qui
implique que la chambre de l'instruction avait respecté les conditions
prescrites par la loi, soit dans le cas contraire casser la décision et
renvoyer le dossier à une autre chambre de l'instruction qui aura
à statuer à nouveau. Le mis en examen peut demander à tout
moment de la procédure une réduction de la durée de la
détention provisoire.
Au regard de tout ce qui précède, il est
nécessaire d'indiquer qu'à côté de ces garanties
procédurales accordées aux suspects et aux personnes poursuivies,
il existe des grands principes qui, en plus d'être érigés
en droits fondamentaux, sont des principes généraux du droit et
protègent l'individu dans le procès pénal. Ainsi dans
notre deuxième partie, il s'agira d'analyser le principe de la
présomption d'innocence et les droits de la défense, qui ne sont
pas de simples garanties procédurales, mais existent et sont reconnus
tout au long de la procédure, depuis la garde à vue
jusqu'à la décision définitif de la juridiction de
jugement.
Mais il existe un système réparateur pour des
cas de détention provisoire indue (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 2 : LE SYSTEME REPARATEUR EN CAS DE
PREJUDICE SUBI :
Il apparaît aujourd'hui normal qu'une personne puisse,
à certaines conditions, obtenir réparation pour le temps qu'elle
a passé en détention provisoire dans le cas où son dossier
ne débouche pas sur une condamnation. Cette détention a pu
entraîner de lourdes conséquences sur la vie familiale du
détenu, lui faire perdre son emploi et le déconsidérer
socialement, surtout si la presse s'est fait l'écho de son dossier.
L'exemple le plus remarquable est les acquittés d'Outreau où, ces
gens ont été considérés parfois par la
société comme des monstres. Une indemnisation juste doit
compenser ces différents préjudices même si, elle n'efface
pas l'affront qu'ils ont eu. Toutes ces personnes auront du mal à
regagner la confiance de la société et d'avoir un travail
digne.
En effet, cette indemnisation est-elle soumise à des
règles où tous les détenus relaxés ou
acquittés peuvent prétendre ? Si la réponse est
affirmative, quel est le régime juridique de cette indemnisation
(A).
Si le régime juridique de l'indemnisation obéit
à des conditions édictées par la loi, les détenus
lésés peuvent-ils exercer des recours pour faire valoir leurs
droits ? (B).
A. Le régime juridique de
l'indemnisation :
La loi du 30 décembre 2000 modifie l'article 149 issu
de la loi du 15 juin 2000 en prévoyant que « sans
préjudice de l'application des dispositions des deuxième et
troisième alinéas de l'article L. 781-1 du code de l'Organisation
judicaire, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au
cours d'une procédure terminée à son égard par une
décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue
définitive a droit, à sa demande, à réparation
intégrale du préjudice moral et matériel que lui a
causé cette détention ».
Le recours aux dispositions des articles 149 et suivants précités
n'exclut pas la mise en oeuvre de la responsabilité des magistrats
à raison de leur faute personnelle dans le cadre d'une détention
provisoire injustifiée112(*).
Par ailleurs, sans que ce point soit nouveau par rapport au
droit antérieur, la réparation d'une détention
injustifiée peut également être sollicitée par la
mise en responsabilité de l'Etat du fonctionnement défectueux du
service de la justice en application de l'alinéa premier de l'article L.
781-1 du code de l'organisation judiciaire. Ce qui implique que le recours
à cette disposition nécessite la démonstration d'une faute
lourde ou d'un déni de justice. Mais les articles 149 et suivants, il
faut le noter, ne trouvent pas à s'appliquer dans l'hypothèse
où la personne a été condamnée à une peine
de prison avec sursis et qui aurait subi une détention provisoire dont
la durée était excessive.
Aussi en droit français cette indemnisation, pour
être accordée, obéît à des conditions par
rapport au requérant. Ainsi Le demandeur doit avoir subi une mesure de
détention provisoire qui s'est soldée, à son égard,
par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue
définitive.
Outre cette mesure de détention, il peut
également s'agir d'une mesure d'incarcération provisoire. Ces
deux mesures ayant pu au demeurant se cumuler. De même, la
détention peut également avoir été subie dans le
cadre d'une procédure d'information judiciaire ou d'une procédure
de comparution immédiate.
Par ailleurs, il n'y a pas lieu de distinguer selon que la
mesure de détention provisoire ait été ordonnée
à titre principal ou qu'elle résulte de la révocation d'un
contrôle judiciaire. La commission nationale de réparation des
détentions113(*) a jugé en ce sens le 28 juin 2002
(n°02RDP012) en considérant que l'article 149 du code de
procédure pénale n'opère aucune distinction entre la
mesure de détention provisoire ordonnée en application de
l'article 144 du même code et celle prononcée sur le fondement de
l'article 141-1 dudit code, à raison de la soustraction volontaire, par
l'intéressé, des obligations de son contrôle judiciaire.
En revanche, l'internement d'un détenu reconnu en
état de démence au temps de l'action et bénéficiant
à ce titre d'un non-lieu ne peut être assimilé à une
détention provisoire114(*).
Cependant, dans l'hypothèse d'une condamnation
partielle, une distinction doit être faite entre la déclaration
partielle de culpabilité fondée sur des faits punis d'une peine
d'emprisonnement autorisant la détention provisoire, cas dans lequel la
demande doit être déclarée irrecevable et la
déclaration fondée sur des faits punis d'emprisonnement mais
n'autorisant pas la détention provisoire, entraînant de ce fait,
la recevabilité de la demande. Cette distinction est notamment une
décision rendue par la commission nationale d'indemnisation de la
détention provisoire115(*). De même, pour pouvoir
prétendre à l'indemnisation, la loi du 17 juillet 1970 avait
posé comme condition que le demandeur apporte la preuve que la
détention provisoire lui ait causé un
« préjudice manifestement anormal et d'une
particulière gravité ». Ainsi, pour
appréhender le caractère « manifestement
anormal » du préjudice, la commission vérifiait les
conditions dans lesquelles la décision de placement en détention
provisoire avait été prise par le juge. Elle recherchait si la
mesure n'était pas due par un laxisme du juge ou encore à un
fonctionnement défectueux du service de la justice. On peut citer par
exemple de l'absence ou le remplacement tardif du magistrat ayant en charge
l'affaire116(*). En ce qui concerne la seconde condition, celle d'un
préjudice « d'une particulière
gravité », celle-ci se déduisait d'elle-même
à partir du moment où le préjudice manifestement anormal
était démontré.
Depuis le 31 Mars 1997, l'article 149 modifié par
l'article 9 de la loi du 30 décembre 2000 ne soumet plus l'indemnisation
à la preuve d'un préjudice manifestement anormal et d'une
particulière gravité. Les conditions sont assouplies puisque
désormais, l'indemnité est octroyée au requérant
lorsque cette détention lui a causé un préjudice.
En revanche, le corollaire du droit à la
réparation intégrale du préjudice subi à la suite
d'une détention provisoire injustifiée prévoit trois cas
d'exclusion de toute réparation, prévus à l'article 149-1
du code de procédure pénale :
1°)- L'irresponsabilité du demandeur.
Est exclue en premier lieu la réparation du
préjudice dans le cas où la décision de non-lieu, de
relaxe ou d'acquittement aurait pour seul fondement la reconnaissance de
l'irresponsabilité du demandeur au sens de l'article 122-1117(*)du
code pénal. Ce qui impose de rechercher dans les motifs de la
décision si la preuve de culpabilité de la personne a
été apportée et si ce n'est qu'en raison de son seul
état mental que la décision a été
prononcée.
2°)- L'amnistie.
Est exclue en deuxième lieu la réparation en cas
d'amnistie lorsque la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement
se fonde sur ce seul motif. L'amnistie doit être par ailleurs
postérieure à la mise en détention provisoire. Toutefois,
dans le cas où l'amnistie intervient postérieurement à la
mise en détention provisoire de l'intéressé et qu'elle
s'applique à l'évidence à la procédure en cours, si
la remise en liberté de l'intéressé n'est pas
décidée dans un délai raisonnable, une réparation
pourrait être envisagée pour la partie de la détention
postérieure à l'amnistie sur le fondement de l'article 781-1 du
code de l'organisation judiciaire.
3°)- Le fait de s'être volontairement et
librement accusé ou laissé accuser à tort en vue de faire
échapper l'auteur des faits aux poursuites
Il s'agit de conditions cumulatives. La personne doit avoir
recherché à faire échapper le véritable auteur des
faits aux poursuites et de cette manière libre et volontaire. Dans
l'hypothèse où une personne se serait accusée à
tort en vue de faire échapper le véritable auteur des faits aux
poursuites, mais, à la suite des pressions ou de menaces sur sa personne
l'ayant contraint à agir de la sorte, il semble qu'elle puisse avoir
droit à réparation. Il en est de même si la personne a
été accusée à tort, par exemple par faiblesse
mentale, sans avoir eu l'intention de faire échapper l'auteur des faits
aux poursuites.
En somme les conditions d'indemnisation ci-dessus
évoquées et les éventuelles exclusions du droit à
réparation. En tout état de cause, la commission conserve
toujours un pouvoir d'appréciation tant sur le principe de la
réparation que sur celui concernant le quantum du préjudice subi.
Force est de constater avec regret que ce pouvoir
d'appréciation a été exercé de façon assez
restrictive puisque la hausse des indemnités allouées par la
commission nationale d'indemnisation a, a priori, régressé par la
suite.
Au cas malien, la détention provisoire est un mal
nécessaire. Pour un bon service public de la justice, les
inculpés devront être mis aux arrêts pour plus de
transparence dans le traitement des dossiers. Cependant, force est de
reconnaître qu'il est inhumain de maintenir un présumé
innocent en prison dans des délais déraisonnables avant de le
faire juger, le libérer et, qui plus est sans indemnisation118(*).
Cette injustice pour la recherche de la justice, concernait,
dans un passé récent, la plupart des détenus au Mali.
Aujourd'hui, en tout cas par rapport aux autres pays comme le
Sénégal, la situation s'est nettement améliorée en
matière de détention provisoire à cause de la tenue
fréquente des assises.
Jadis, l'une des tares au Mali, dans le domaine judiciaire et
en matière criminelle surtout, c'étaient les longues
détentions provisoires.
En effet, pour rendre justice, la machine judiciaire nationale
commettait moult injustices allant d'une détention provisoire
supérieur ou égale à 10 ans à un non- lieu ou
acquittement sans indemnisation. Toute chose qui mettait l'inculpé dans
une situation de condamné.
Conscient que cette situation est une violation des droits de
l'homme, les plus hautes autorités du Mali ont fourni beaucoup d'effort
à travers la multiplication de l'organisation des assises criminelles,
afin d'écourté la durée de la détention provisoire.
Cela se justifie facilement à travers les assises
précédentes et les présentes assises, où toutes les
affaires remontent entre 2007, 2009 et 2010, ce qui fait au maximum 4 ans de
détention pour ceux qui sont détenus. Soulignons à ce
niveau qu'en France, la durée de la détention provisoire est
fixée à 4 ans. Par contre, au Sénégal, des
inculpés peuvent faire 10 ans ou plus en détention provisoire.
En dépit de ces efforts, certains défenseurs des
droits de l'homme trouvent que les autorités judiciaires doivent faire
assez. Ainsi, l'AMDH dans son rapport 2008-2009-2010 recommande entre
autres : que les délais de la garde à vue et de la
détention préventive soient plus courts.
Les détenus lésés disposent de recours
(B).
B. Les recours des détenus
lésés :
En droit français aux termes de l'article 149-3 du code
de procédure pénale, les décisions du premier
président de la Cour d'appel peuvent faire l'objet d'un recours devant
la commission nationale de réparation des détentions. La
procédure doit faire l'objet d'une mise en état du dossier qui
aboutit à la décision de la commission. Le recours peut
être exercé par le demandeur, l'agent judiciaire du Trésor
ou le procureur général de la Cour d'appel (article R. 40-4 du
code de procédure pénale). La déclaration de recours est
remise au greffe de la Cour d'appel en quatre exemplaires et la remise est
constatée par le greffe qui en mentionne la date.
En application de l'article R. 40-6 du code de
procédure pénale, le dossier de la procédure
réparation, assorti de la déclaration de recours et du dossier de
la procédure pénale, est transmis sans délai par le greffe
de la Cour d'appel au secrétariat de la commission nationale. Le
président de la commission peut fixer directement une date d'audience
dans certains cas :
- lorsqu'il apparaît manifestement que l'auteur du
recours a formé celui-ci après l'expiration du délai de
dix jours prévu à l'article 149-3 précité ;
- lorsque le recours a été formé contre
la décision du premier président de la Cour d'appel accordant en
référé une provision au demandeur.
Hormis ces cas, la procédure doit être instruite
par l'échange des conclusions entre les parties comme celle qui se passe
devant le premier président de la cour d'appel. Après
instruction, la commission rend sa décision. La commission nationale
statue souverainement et ses décisions ne sont susceptibles d'aucun
recours, de quelque nature que ce soit. La décision rendue doit
être motivée.
En définitive, une fois la décision rendue, le
dossier de la procédure pénale est renvoyé, avec une copie
de la décision, au premier président de la Cour d'appel pour
transmission à la juridiction qui a rendu la décision de
non-lieu, de relaxe ou d'acquittement.
Au Mali, la situation est plus complexe car même le
régime de l'indemnisation n'est pas spécifié. Il n'existe
pas de commission nationale de détention dans notre pays, donc aucun
organe spécialisé pour le recours des détenus
lésés. Mais l'article 131 du C.P.P stipule que
« l'ordonnance de mise en détention et celle de maintien en
détention sont susceptibles d'appel par l'inculpé et le
ministère public ». Cet appel n'est pas suspensif et
l'inculpé garde prison jusqu'à ce que la chambre d'accusation se
prononce119(*).
C'est dire que le Mali n'a pas pris les dispositions
nécessaire pour assurer le droit des gardés à vue ainsi
que des détenus contrairement à la France. Les
procédés de recours mis à la disposition des
détenus sont très amoindris. Les cas d'indemnisation ne sont pas
indiqués, et peut être même sont inexistants.
Mais malgré tout, en instruction ou en instance, les
droits des justiciables sont garantis par des droits fondamentaux qui sont
attachés à la personne humaine et ne saurait être
ignorés.
C'est l'objet de notre deuxième partie qui analysera
les droits indispensables qui sont reconnus aux suspects et aux personnes
poursuivies dans un procès pénal (Deuxième partie).
DEUXIEME PARTIE : LES DROITS FONDAMENTAUX
RECONNUS AUX SUSPECTS ET AUX PERSONNES POURSUIVIES :
Même s'ils ne sont pas sans limites, parfois
importantes, il existe des principes considérables en faveur du
délinquant. Il s'agit du principe de la présomption d'innocence
qui concerne la personne poursuivie (Chapitre 1) et le
principe des droits de la défense qui concerne la personne poursuivie et
la victime si elle est partie civile120(*) (Chapitre 2).
Si ces principes sont respectés et appliqués
fidèlement à un procès, celui-ci sera dit équitable
au sens de l'article 6 de la conv. E.D.H, et de l'article 1er du
code de procédure pénale du Mali121(*).
En l'espèce la présomption d'innocence signifie
qu'une personne est présumée innocente jusqu'à ce que sa
culpabilité soit établie par un jugement définitif. Il en
découle que cette présomption est assurée dès
l'instruction préparatoire. En plus le débat doit revêtir
un caractère contradictoire dans la procédure pénale
malienne et la défense doit être faite par la personne
lui-même ou par ses conseils. La présomption d'innocence et les
droits de la défense sont des principes fondamentaux du droit qui ne
sauraient être méconnus dans le procès pénal par les
autorités compétentes. En effet ils permettent l'équilibre
dans le procès ainsi que l'égalité des armes. Pour
éviter le maximum d'erreurs judiciaires, ces principes ont
été institués et ils viennent en complément pour la
protection de l'individu. Même s'ils sont reconnus dès les
débuts de la procédure et même s'ils sont des garanties
tout comme les garanties énoncées dans notre première
partie, il n'en demeure pas moins qu'ils diffèrent de ces
dernières. En effet, la présomption d'innocence et les droits de
la défense ont été érigés en droits
fondamentaux et en aucun cas un juge ne peut s'y refuser à les
méconnaitre ou à les bafouer. De nos jours, on ne peut pas parler
de procès pénal sans évoquer ces deux notions. De surcroit
l'équité du jugement en dépend.
CHAPITRE 1 : LE PRINCIPE DE LA PRESOMPTION
D'INNOCENCE
Comme la juridiction de jugement ne peut se fonder que sur des
preuves122(*), il faut
bien savoir qui doit les rapporter : ce que l'on appelle la charge ou le
fardeau de la preuve qui pèse sur le poursuivant (Ministère
Public ou la partie civile), sur la personne poursuivie ou sur le juge.
La règle de principe est nette : c'est au
poursuivant de rapporter la preuve de la culpabilité car le
prévenu est juridiquement innocent aussi longtemps que sa
culpabilité n'a pas été définitivement
démontrée sans le moindre doute. Ainsi le veut le capital
principe de la présomption d'innocence. Mais la solution est la
même en procédure civile où la charge de la preuve incombe
au demandeur123(*),
étant donné que le défendeur devient demandeur s'il
invoque un moyen de défense124(*).
Le principe de la présomption d'innocence implique
l'interdiction de l'affirmation de la culpabilité avant tout jugement et
fait que la charge de la preuve incombe au procureur de la république
(ministère public). Le juge d'instruction en matière
pénale va rassembler d'une infraction à la loi pénale sans
présumer de la culpabilité.
Il doit rechercher les preuves en respectant les
procédures légales et en « instruisant à charge
et à décharge ». La présomption d'innocence ne
cesse qu'en cas de déclaration de culpabilité par un tribunal et
entraîne une sanction.
Comme bien d'autres principes, la mise en exergue de la
présomption d'innocence peut correspondre à un temps de crise
plus qu'a une période d'apogée.
Il convient d'ailleurs de s'entendre sur le sens du terme
« présomption d'innocence ». Les français
considèrent volontiers avec fierté qu'il s'agit d'une
conquête révolutionnaire baignée par les
lumières.
En fait « présomption
d'innocence » renvoie à plusieurs
séries de principes, souvent fort éloignés les uns des
autres, qui, historiquement ont émergé à des
époques différentes. Elle est tout d'abord une règle de
preuve de la culpabilité de la personne poursuivie. La seconde
exception, d'apparition contemporaine, est dans un sens la conséquence
de la première : tant que la culpabilité n'a pas
été établie par le juge, la personne poursuivie doit
être traité en innocent par tous.
Ainsi pour mieux appréhender le principe de la
présomption d'innocence, il doit être considéré
quant à ses fondements (Section 1), mais aussi quant
à ses atteintes, car et curieusement, il est loin d'être absolu
(Section 2).
SECTION 1 : FONDEMENTS DU PRINCIPE DE LA
PRESOMPTION D'INNOCENCE :
La présomption d'innocence est sans doute la traduction
pénale du principe de l'inertie juridique qui veut que celui qui
réclame un changement dans une situation juridique doive justifier sa
demande. Il est toutefois souligner que cette règle qui nous parait de
bon sens est inconnue de certaines
civilisations « FERMEES ». Dans le
premier état du droit romain la prépondérance d'une
procédure comme la sacramentum indique que celui qui est civilement
accusée doit amorcer une justification en jurant d'une manière
sacramentelle que la demande est non fondée. S'il s'y refuse la
prétention du demandeur sera considérée comme
établie.
Signalons qu'à l'époque traditionnelle, aucune
peine n'était appliquée avant le jugement définitif
puisque la prison, en aucun cas n'était une peine avant la
révolution Française de 1789 pas plus que la question
préparatoire. Alors qu'aujourd'hui, on a trouvé la distinction
entre présumée innocent et présumé coupable en
instituant la prison comme peine principale. Désormais quand la
détention préventive est nécessaire le prévenu se
trouve dans une situation exactement semblable à celle de certains
condamnés.
Notons aussi que l'esprit humain est incapable
d'intégrer des raisonnements aussi sophistiques que la
présomption d'innocence sur tout dans la situation de
l'intéressé, renvois à la culpabilité.
Pratiquement, on est coupable parce qu'en prison ou en situation d'y être
mis.
Cette partie a analyser la pertinence et les fondements
théorique de ce principe qui interdit à ce qu'on affirme la
culpabilité avant le jugement définitif et, sera subdiviser
à son tour en deux grands paragraphes contenant en leurs seins quelques
sous - points.
Ainsi cette section traitera des origines historiques de la
présomption d'innocence (Paragraphe 1) puis de ses
conséquences (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1: LES ORIGINES HISTORIQUES DE LA
PRESOMPTION D'INNOCENCE :
Tous les humains possèdent dès la naissance des
droits et des libertés fondamentales inaliénables, les même
pour tous.125(*) C'est
dans cet ordre d'idée que PAINE dit : « quand
je contente la dignité naturelle de l'homme, quand je ressens la
noblesse et la richesse de son caractère, je m'irrite de ce qu'on tente
de gouverner le genre humain par la force et d'imposture comme si les hommes
étaient tous des coquins ou regarder avec écoeurement ceux qui
s'en laissent imposer de cette manière ».
L'organisation des nations unies s'est donnée pour
mission de défendre, de faire prévaloir et de protéger les
droits de l'homme de chaque individu. Cet engagement de la charte des nations
unis, dans laquelle les peuples du monde réaffirment leur foi dans les
droits fondamentaux de l'homme et dans la dignité et la valeur de la
personne humaine.
C'est donc pour contrer l'action barbare et inhumaine de
certains hommes qu'il a été érigé ce grand monument
juridique qu'est la déclaration universelle des droits de l'homme.
Ce principe a été reconnu en 1789 pour mettre
fin aux abus de la justice durant le Moyen Age et sous l'Ancien Régime.
En effet, à cette époque, les personnes accusés ne
bénéficiaient d'aucune protection ni même d'un
véritable procès. Les procès étaient menés
sans enquête préalable car on considérait que
c'était à l'accusé de prouver son innocence. L'affirmation
du principe ainsi que son analyse suppose l'étude de ses origines
historiques.
Ainsi les origines historiques de la présomption
d'innocence peuvent être appréhendé sous deux
aspects : d'un point de vue textuel (A) et d'un point de
vue idéologique (B).
A. D'un point de vue textuel :
La présomption d'innocence a été
affirmée avec éclat dans une déclaration de LOUIS XVI en
date du 1er Mai 1788 selon laquelle : « Le premier de
tous les principes en matière criminelle veut qu'un accusé,
fût-il condamné en première instance, soit toujours
réputé innocent aux yeux de la loi jusqu'à ce que la
sentence soit confirmée en dernier ressort »126(*). Elle est reprise dans la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen d'Août
1789127(*), dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme de l'ONU de 1948128(*), dans la Convention
européenne des droits de l'homme, dans le Pacte sur les droits civils et
politiques, et dans le code de procédure pénale du Mali129(*).
Il existe une loi du 15 Juin 2000 qui affirme notamment :
« Toute personne suspectée ou poursuivie est
présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas
été établie. Les atteintes à sa présomption
sont prévenues, réparées et réprimées dans
les conditions prévues par la loi ». Faut-il ajouter que le
principe est reconnu de longue date par la jurisprudence130(*).
La présomption est presque partout reconnue, soit dans
la constitution131(*),
soit dans le code de procédure pénale, soit dans la
jurisprudence132(*). Et
elle n'a pas que des fondements textuels (B).
B. D'un point de vue idéologique :
La présomption d'innocence se justifie sans peine de
plusieurs façons. D'abord, la présomption d'innocence est une
notion juridique censée correspondre à la vérité
car, dans leur majorité, les hommes sont honnêtes. Ensuite, il
serait scandaleux de condamner un innocent133(*) et c'est pourquoi il faut avantager la personne
poursuivie qui se trouve en état d'infériorité : la
présomption permet donc de rétablir un certain équilibre
entre l'accusateur et l'accusé. L'ordre social exige bien entendu, la
répression mais pas aux dépens des innocents. Comme l'écrivent MERLE et VITU, « il
importe que la collectivité n'abuse pas des prérogatives qu'elle
possède sur les êtres qui la composent : son pouvoir de
maintenir l'ordre doit être contenu dans certains limites, qui
garantissent la liberté et l'indépendance de chacun.
Enfin la présomption est
conforme à la dignité humaine en considérant la personne
poursuivie comme une personne, sujet et porteur de droits individuels.
La reconnaissance de la dignité inhérente
à tous les membres de la famille humaine et leurs droits égaux et
inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice
et de la paix dans le monde. Ainsi nous pensons qu'un Etat qui assure le
respect des droits sacrés de cette personne garantit en même temps
le développement de la nation tout entier. En adoptant la DUDH en 1948,
l'assemblé général des nations unies a placé la
protection de l'homme et de ses intérêts au centre de ses
activités.
La notion de la présomption d'innocence est
quasi-inconnue par les juges, partant de ceci, il n'est pas rare de constater
les pratiques telles que la torture comme modes de preuves, la confiscation des
biens appartenant à la personne présumée auteur d'une
infraction et autres pratiques de ce genre.
Si la torture en tant que telle, comme nous l'avons
signalé doit être envisagée comme mode de preuve, il est
évident qu'elle ne contribue pas à maintenir l'image d'innocence
d'autant plus qu'elle implique un pré jugement.
Il est difficile dans ces conditions de voir un innocent en la
personne d'un prisonnier à la merci du traitement criminel.
Tous ces arguments ne sauraient évidemment conduire
à une conception absolue de la présomption. Mais ils conduisent
à l'affirmer. L'affirmation de la présomption d'innocence produit
des effets à l'égard de la personne impliquée. Ce sont les
conséquences du principe (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 2 : LES CONSEQUENCES DU PRINCIPE DE
LA PRESOMPTION D'INNOCENCE :
Ces conséquences sont de deux ordres notamment quant
à la réputation de la personne impliquée
(A) et quant à au déroulement de la
procédure (B).
A. Quant à la réputation de la
personne impliquée :
La suspicion ou à plus forte raison la poursuite d'un
individu jette une ombre fâcheuse sur sa réputation puisqu'elle
est censée être innocente tant qu'elle n'est pas condamnée,
d'autant plus qu'elle peut ne jamais l'être. Aussi notre droit offre
divers moyens de protéger l'innocence au moins juridique de la personne
impliquée ou qui l'a été.
On distingue deux cas de figure notamment la personne
actuellement impliquée et la personne naguère impliquée.
- S'agissant de la personne actuellement impliquée,
l'article 9-1 du code civil indique : « Lorsqu'une personne est,
avant tout condamnation, présentée publiquement comme coupable de
faits faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction judiciaire, le
juge peut, même en référé, sans préjudice de
la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures telles que
l'insertion d'une rectification ou la diffusion d'un communiqué aux fins
de faire cesser l'atteinte à la présomption d'innocence et ce aux
frais de la personne physique ou morale, responsable de cette
atteinte »134(*). En résumé lorsqu'une personne a
été présenté comme coupable par la presse avant
toute condamnation, le juge civil peut ordonner l'insertion d'une rectification
ou la diffusion d'un communiqué en vue de protéger la
présomption d'innocence de la personne et ainsi sa réputation
sera maintenue jusqu'à une décision judiciaire définitive.
Il existe un équilibre délicat à trouver
entre le droit du public de savoir et le droit des accusés à un
procès juste. La plupart des pays ne censurent pas la presse. Une
couverture médiatique à sensation d'un crime peut rendre
difficile la tenue d'un procès impartial. Certains systèmes
isolent le jury pendant le procès, pour éviter qu'il soit
influencé.
Qu'elle ait lieu à l'audience ou lors d'une
procédure séparée, l'application de la présomption
d'innocence suppose une
instruction. Au
cours de cette procédure, on examine les faits àcharge et
à décharge et l'on confronte les preuves réunies par les
deux parties. Cette instruction peut s'achever par une ordonnance de
non-lieu.
La publicité donnée à l'accusation sans contrepartie dans
les organes de presse imprimés ou audiovisuels est alors
considérée comme une
diffamation sauf
publication d'une information concernant le non-lieu. En France, cette
publication est prévue par la loi du 4 janvier 1993 ; le
juge
d'instruction ou la chambre d'accusation sont à même d'en
préciser les termes.
L'article 9-1 du
code civil
décrit la présomption d'innocence assortie de la possible
réparation de ses atteintes.
Au Mali, l'article 2, alinéa 2 du C.P.P expose les
atteintes en ces termes : « Les atteintes à sa
présomption d'innocence sont prévenues, réparées et
réprimées dans les conditions prévues par la
loi ». Il faut préciser que cette prise en compte des
atteintes de la présomption d'innocence par le C.P.P malien est vague et
il n'y a aucune autre loi malienne spécifique qui prend en compte ces
atteintes.
Il est à noter qu'en France, en matière de
presse, une loi135(*)
introduit la possibilité pour une personne d'insérer un droit de
réponse dans un journal l'ayant présenté comme
coupable.
- Quant à la personne naguère impliquée
deux techniques de protection ont été créées. En
premier lieu, après non-lieu, le juge d'instruction ou la chambre
d'accusation peut, à la demande du bénéficiaire d'une
telle décision, ordonner « soit la publication
intégrale ou partielle de sa décision, soit l'insertion d'un
communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci,
dans un ou plusieurs journaux, écrits périodiques ou services de
communication audiovisuelle qu'il désigne ». Les frais
résultant de la publication sont à la charge de l'Etat.
C'est parce que la décision de non-lieu, comme toute
l'instruction, est secrète que le législateur a prévu
cette mesure de publicité.
En second lieu, en cas de non-lieu, relaxe ou acquittement
devenu définitif, toute personne qui avait été
désignée dans un journal à l'occasion de l'exercice d'une
poursuite peut exercer une « action en insertion
forcée ». Il s'agit plus précisément d'un
droit de réponse destiné lui aussi à neutraliser
après coup les dégâts occasionnés à la
présomption d'innocence. La demande d'insertion doit être assortie
de la demande de la décision de non-lieu, de relaxe ou
d'acquittement136(*). Ce
droit de réponse concerne même les décisions de non-lieu,
de relaxe ou d'acquittement rendues par les juridictions
étrangères137(*). Enfin le refus d'insérer est puni d'une
amende correctionnelle.
Le principe de la présomption d'innocence peut
également subir des atteintes au cours de la procédure (B).
B. Quant au déroulement de la
procédure :
Comme le précise la C.E.D.H., « l'article
6, § 2, Conv. E.D.H. (qui affirme la présomption d'innocence)
régit l'ensemble de la procédure pénale et non le seul
examen du bien-fondé de l'accusation ». C'est dire que la
présomption n'imprègne pas que la preuve.
On peut exiger de la part des autorités publiques une
grande discrétion. Par exemple, un ministre ne saurait, à
l'occasion d'une conférence de presse, présenter comme
l'investigateur d'un meurtre un suspect qui vient d'être
arrêté par la police. On peut citer une foule de règles
comme par exemple la séparation des fonctions judiciaires qui permet
d'assurer l'impartialité du juge, la restriction au port des menottes,
le droit pour l'accusé d'avoir la parole à l'audience, le secret
de l'instruction, l'existence des voies de recours, etc.
La doctrine considère même au juste titre que
lors de la détermination de la peine, le tribunal ne saurait prendre en
considération d'autres infractions commises par le prévenu, mais
non visés dans la poursuite et non encore prouvées avec
certitude138(*).
Les conséquences de la présomption d'innocence
quant au déroulement de la procédure sont relatives d'abord
à règles extérieures à la preuve et ensuite aux
règles relatives à la preuve.
Les règles extérieures à la preuve
concernent le régime de la garde à vue et de la détention
provisoire. Ce régime est strictement entendu, ces deux mesures portant
de fait atteinte à la présomption, ces institutions sont soumises
au principe de la légalité et, surtout la seconde, au principe de
la proportionnalité, la durée de l'incarcération ne
pouvant dépasser la durée de la peine prévisible139(*).
Quant aux règles relatives à la preuve, en vertu
de la présomption d'innocence, la partie poursuivante doit
« établir tous les éléments constitutifs de
l'infraction et l'absence de tous les éléments susceptibles de la
faire disparaître ». Dans ce sillage, il est admis que la
règle reus in excipiendo fit actor ne peut être maintenue
en matière pénale sans méconnaitre la présomption.
En premier lieu, le M.P doit prouver le préalable légal de
l'infraction : par exemple l'absence d'amnistie, la légalité
du règlement sur lequel se fonde la poursuite, ou encore l'absence de
prescription. En second lieu, il doit démontrer l'élément
matériel de l'infraction, y compris les conditions préalables de
celle-ci140(*). Au vrai,
la preuve de l'élément matériel se dédouble. Le
demandeur doit d'abord prouver la commission de tel acte
répréhensible, à la fois dans ses éléments
fondamentaux et dans ses aspects accessoires141(*). Il doit ensuite prouver que l'acte a bien
été commis par la personne poursuivie. En troisième lieu,
le M.P a la charge de démontrer cet aspect de l'élément
moral de l'infraction qu'est la culpabilité142(*). La jurisprudence veille
soigneusement à ce que le juge ne dispense pas le M.P de la preuve qui
lui incombe143(*). En
fait cependant la culpabilité se laisse assez facilement présumer
en cas de dénégation du délinquant, à partir des
indices et témoignages144(*).
En quatrième lieu, le M.P doit prouver que l'infraction
n'est pas prescrite, la citation délivrée à sa
requête comportant d'ailleurs traditionnellement la formule «.... Et
depuis temps non prescrite ».
La pratique judiciaire apporte toutefois un correctif de fait
à ces règles. Loin d'attendre la démonstration
complète de l'accusateur, le prévenu prend souvent les devants et
s'efforce de convaincre le juge de son absence de toute culpabilité ou
participation, fournissant des alibis ou témoignages favorables,
contestant les éléments allégués. C'est la
conséquence du « droit à la preuve » reconnu
à toute partie à l'instance.
Mais si le poursuivant échoue, le doute profite
à l'accusé. Lorsque le poursuivant ne parvient pas à
prouver de manière décisive les faits, le juge doit faire
bénéficier le prévenu du doute145(*) et le relaxer. Lorsque la
culpabilité est « probable », mais lorsque les
éléments présentés au juge « n'entrainent
pas une certitude absolue », celui-ci doit considérer
« qu'il demeure un doute dont le prévenu doit
bénéficier ». Encore faut-il que le juge ne se
contredise pas146(*).
On ne confondra pas le doute et l'intime conviction car si le
premier traduisant l'incapacité intellectuelle du juge à se
décider entraine la relaxe ou l'acquittement, la seconde qui est plus
que la probabilité de la culpabilité permet la condamnation. A
moins que certains juges peu scrupuleux se contentent d'une probabilité
simple de sorte que, par le jeu de la collégialité, une
condamnation sera faite d'un tiers de doute et de deux tiers de
probabilité147(*).
Malgré que la présomption d'innocence soit un
grand principe dans la procédure pénale, elle subit des atteintes
(Section 2).
SECTION 2 : LES ATTEINTES AU PRINCIPE DE LA
PRESOMPTION D'INNOCENCE :
Il est vrai cependant, que la présomption d'innocence
n'est pas un dogme, non seulement à cause de l'existence des
présomptions de culpabilité, mais aussi en raison d'une certaine
publicité de fait dans l'instruction et peut-être encore parce que
l'intime conviction dispense le juge de devoir décrire dans sa
décision son cheminement intellectuel vers la certitude morale.
L'atteinte la plus importante à la présomption d'innocence vient
cependant de l'existence des présomptions de culpabilité. Et
celles-ci sont de deux ordres : les présomptions de
culpabilité propres à certaines infractions
déterminées (Paragraphes 1) et les
présomptions de culpabilités communes à un grand nombre
d'infraction (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : LES PRESOMPTIONS DE CULPABILITE
PROPRE A CERTAINES INFRACTIONS DETERMINEES :
Dans ce paragraphe nous nous bornerons à donner un
certain nombre d'exemples (A) ainsi que le bien-fondé
(B).
A. Exemples :
Il est impossible de toutes les indiquer. On se contentera
d'en rappeler quelques-unes, en matière correctionnelle148(*).
Certaines présomptions concernent
l'élément matériel de l'infraction. Ainsi l'article 418 du
Code des douanes français, présume que les marchandises saisies
dans le rayon douanier, sans titre de circulation valable, ont
été introduites frauduleusement en France. Semblablement
l'article 225-6 du C.P français répute proxénète
tout individu incapable de « pouvoir justifier de ressources
correspondant à son train de vie tout en vivant avec une personne qui se
livre habituellement à la prostitution... ». C'est dire que le
législateur français a voulu inciter, de façon indirecte,
les citoyens à empêcher la prostitution. Le C.P malien va dans le
même sens mais se contente de sanctionner toute personne qui sera
convaincu d'avoir tiré de la prostitution d'autrui tout ou partie de ses
moyens d'existence.
Mais plus souvent ces présomptions de
culpabilité s'appliquent à l'élément psychologique
de l'infraction. C'est le cas en matière de diffamation, où toute
reproduction d'une imputation ayant été jugée diffamatoire
est réputée faite de mauvaise foi.
La jurisprudence, de son côté, institue d'autres
présomptions. Du fait du lien étroit entre
l'élément matériel et l'élément moral, le
second est censé exister dès lors que le premier a
été prouvé. Par exemple, toujours en matière de
diffamation, les imputations diffamatoires « sont
réputées de droit faites avec une intention coupable ».
Jadis, à propos du délit d'excitation du mineur à la
débauche, la cour de cassation avait jugé que
« l'élément intentionnel résultant de la nature
du délit n'avait pas besoin d'être affirmé formellement par
le juge »149(*). Pour la contrefaçon enfin, « la
bonne foi de l'intéressé ne se présume
pas »150(*).
Il faut noter le bien-fondé de ces exemples (B).
B. Le Bien-fondé :
On pourrait à première vue, en douter à
cause de deux dispositions. L'une de droit commun dispose que toute infraction
suppose l'intention, sauf à admettre qu'un délit peut aussi
être constitué par une imprudence ou une mise en danger dans les
cas où la loi le dit. D'où il résulte semble-t-il que le
poursuivant devra toujours prouver l'existence de l'un de ces trois aspects
psychologiques.
La seconde est l'article 6, §2 de la Conv. E.D.H
qui, en posant le principe de la présomption d'innocence, n'admet aucune
exception. Au vrai ces présomptions se fondent d'abord sur la nature des
choses : elles correspondent en général à la
vérité et il serait à peu près impossible au
parquet de démontrer leur existence. Il ne faut pas oublier non plus que
ces présomptions ne sont jamais absolues, le prévenu pouvant
toujours apporter la preuve contraire. Aussi ne faut-il pas s'étonner
que la C.E.D.H admette les présomptions, quitte évidemment
à prévoir des limites.
En conclusion les présomptions de culpabilité ne
doivent pas être absolues et doivent respecter les droits de la
défense, telles sont leurs principales limites.
Aussi, il y a des présomptions de culpabilité
communes à un grand nombre d'infractions (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 2 : LES PRESOMPTIONS DE CULPABILITE
COMMUNES A UN GRAND NOMBRE D'INFRACTIONS :
De façon assez générale, c'est au
prévenu à prouver l'existence des causes d'impunité
appartenant au droit pénal général. La preuve des faits
justificatifs pèse le plus souvent sur le prévenu, tout se passe
comme s'il y avait à la charge du prévenu une présomption
d'absence de justification. C'est très net pour la légitime
défense. Cette sévérité s'explique parce que le
prévenu est mieux placé que le parquet pour démontrer
comment les choses se sont passées.
La preuve des causes subjectives d'irresponsabilité
pèse aussi sur le prévenu. Tout se passe comme si l'agent
était censé, au moment des faits être lucide et libre. Mais
pour le trouble psychique, les juridictions de fond impose bien au
prévenu de prouver sa folie.
Quant aux autres techniques d'impunité, c'est
également au prévenu à en rapporter l'existence. Ainsi en
est-il des immunités.
On citera encore la poursuite des étrangers sur un
autre territoire. Cette poursuite irrecevable si l'intéressé
justifie qu'il a été jugé définitivement à
l'étranger et en cas de condamnation pour les mêmes faits que la
peine e été subie ou prescrite.
En somme, une poursuite pénale pour un fait est
censée être la première pour ce fait. Il est vrai que le
prévenu est mieux placé que quiconque pour démontrer s'il
a déjà été poursuivi et condamné. On peut
considérer que la jurisprudence européenne151(*) sur le bien-fondé des
présomptions de culpabilité s'applique aussi bien aux
présomptions générales qu'aux présomptions
particulières, de par la généralité des formules
utilisées par les cours. C'est que l'on retrouve notamment l'exigence du
respect des droits de la défense (Chapitre 2).
CHAPITRE 2 : LE PRINCIPE DU RESPECT DES DROITS DE
LA DEFENSE :
Les droits de la défense sont les
prérogatives que possède une personne pour se défendre
pendant un
procès. Ils
s'entendent aussi bien au stade de l'enquête que de la phase
d'instruction ou de jugement.
Selon le doyen CORNU152(*) les droits de la défense se
définissent comme : « L'ensemble des prérogatives
qui garantissent à l'inculpé la possibilité d'assurer
effectivement sa défense dans le procès
pénal ».
Les
droits de la défense rassemblent un certain nombre de droits
souscrivant à toute personne de se protéger lors d'un
procès, par exemple le droit d'être averti de la
procédure, le droit d'être condamné par un
tribunal impartial, le droit d'être assisté d'un avocat,
d'avoir le temps nécessaire pour préparer sa
défense. En fait le droit de la défense vise à avoir
une relation juste et équitable entre l'accusation et la
défense.
Pour mieux cerner la pertinence du principe des droits de la
défense, il est nécessaire d'analyser la consécration des
droits de la défense (Section 1), puis les composantes
(Section 2).
SECTION 1 : LA CONSECRATION DES DROITS DE LA
DEFENSE :
La Défense est l'un des piliers de la bonne
administration de la justice et l'une des composantes essentielles de
l'équité des procès.
Concept commun à la procédure civile, à
la procédure administrative et à la procédure
pénale, les droits de la défense jouent un rôle plus
considérable encore dans le cadre de cette dernière discipline
que dans le cadre des deux premières.
En effet l'accusé, pour que le procès soit
équitable, dispose du droit de se défendre. Ce droit de
défense s'entend d'un certain nombre de prérogatives qui sont
accordées à l'accusé pour la défense effective de
son innocence.
En 1808, les rédacteurs du Code d'instruction
criminelle français n'avaient pas imaginé l'existence des droits
de la défense et pendant tout le XIXème siècle, l'avocat
n'apparaissait qu'à l'audience de jugement. La première grande
réforme est opérée par la loi du 8 Décembre 1897,
dite loi Constans : un avocat assiste l'inculpé au cours de ses
interrogatoires et il peut même consulter le dossier 24 heures avant
chaque interrogatoire. Les dispositions de la loi Constans sont reprises en
1959 dans le Code de Procédure pénale française aux
articles 114 et suivants. Ces articles seront modifiés plusieurs fois et
notamment par les lois des 4 Janvier et 24 Août 1993 qui
développent encore les droits de la défense.
Au Mali le Code de procédure pénale de 1962
consacrait les droits de la défense, mais c'est avec le nouveau Code de
Procédure pénale de 2001 que les droits de la défense sont
consacrés dans le chapitre préliminaire.
Ainsi il convient d'analyser la notion de droits de la
défense (Paragraphe 1) puis l'importance des droits de
la défense dans la procédure pénale (Paragraphe
2).
PARAGRAPHE 1 : LA NOTION DE DROITS DE LA
DEFENSE :
Le principe du respect des droits de la défense est une
notion assez floue. La notion de droits de la défense
s'appréhende par sa définition (A) ainsi que son
contenu concret (B).
A. Définition des droits de la
défense :
Les pénalistes sont avares de définition. Le
législateur empile des prérogatives en faveur de défense,
que l'on appelle notamment droits de la défense, mais ne donne aucune
définition générale. La jurisprudence de son
côté parle des « droits de la défense » dans
la plupart des arrêts153(*) ou encore de « libre
défense », de « garanties accordées à
la défense », de « droits essentiels de la
défense », etc...
Reste la doctrine. Elle aussi est très avare d'une
définition154(*).
Le lexique des termes juridiques155(*) définit les droits de la défense en
matière pénale comme « l'ensemble des garanties qui
permettent à un mis en cause, mis en examen, prévenu ou
accusé, d'assurer efficacement sa défense dans l'instruction ou
le procès qui le concerne et qui est sanctionné, sous certaines
conditions, par la nullité de la procédure ». La
définition est précise, avec notamment les mots
« ensembles des garanties » et
« efficacement ». Plus précisément, cette
définition inclut le droit à un avocat, le droit de savoir le
contenu de la poursuite et du dossier, enfin le principe du
contradictoire156(*).
Les droits de la défense sont également
consacrés par les instruments internationaux des droits de
l'Homme157(*), le Code
procédure pénale158(*). Ils se ramènent pour l'essentiel, au droit
à l'assistance d'un avocat, aux principes de la contradiction et de
l'égalité des armes, à l'exercice des voies de recours.
La notion de droits de la défense seule ne permet pas d'établir
la compréhension sur le principe des droits de la défense. Il
faut préciser son contenu concret dans la procédure
pénale.
Ainsi nous analyserons le contenu concret des droits de la
défense (B).
B. Le contenu concret:
Notre procédure pénale consacre très
largement les droits de la défense à titre direct. L'avocat
apparaît sans cesse et dès la garde à vue159(*), puis au cours de
l'instruction160(*) y
compris dans le cadre de la détention provisoire161(*). A l'audience de jugement,
l'avocat est également aux côtés de la personne poursuivie.
La loi consacre également le droit de savoir la nature
de la poursuite162(*) et
le contenu du dossier163(*). A l'audience le changement de qualification doit
être précédé d'un avertissement des parties afin
qu'elles puissent s'expliquer. Enfin, les décisions sont
motivées.
Le principe du contradictoire est lui aussi assuré et
même rappelé à l'article préliminaire du
C.P.P164(*). Selon M. A.
FRISON-ROCHE, le contradictoire est un principe selon lequel « on
sait intuitivement qu'une procédure doit permettre à l'individu
dont les intérêts sont menacés par le jugement qui va en
résulter, de présenter ses observations en
défense ».
La personne poursuivie peut également exercer les voies
de recours.
Enfin, on peut rattacher aux droits de la défense le
principe général de la loyauté dans la recherche des
preuves, le rappel spécial du respect des droits de la défense en
matière de perquisition165(*).
En résumé, par l'effet combiné de la loi
et de la jurisprudence, les droits de la défense constituent aujourd'hui
une théorie extrêmement vivace.
Il n'en fut cependant pas toujours ainsi car l'affirmation des
droits de la défense est l'histoire d'une longue conquête.
On peut également rattacher aux droits de la
défense à titre indirect les prérogatives accordées
à la personne poursuivi, ainsi qu'à la partie civile166(*) en vue de leur permettre de
communiquer avec le juge et les policiers. Il existe deux aspects de cette
question.
En premier lieu, la personne qui ne parle pas la langue
officielle, a droit à un interprète linguiste. Ce droit
résulte des articles 101, alinéa 4, 5 et 102 (pour l'instruction)
et ----. La Conv. E.D.H, de son côté, décide que tout
accusé peut se faire assister gratuitement d'un interprète s'il
ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à
l'audience167(*).
En second lieu, la loi du 15 Juin 2000 a apporté des
précisions concernant l'interprète en langue des signes pour la
personne atteinte de surdité. L'article 102 du C.P.P accorde à la
personne atteinte de cette infirmité, le droit à l'assistance
d'un tel interprète ou de toute personne qualifiée
maîtrisant un procédé permettant de communiquer avec des
sourds.
De par sa définition ainsi que son contenu concret, les
droits de la défense ainsi présentés ont une grande
importance pour l'équilibre du procès pénal (Paragraphe
2).
PARAGRAPHE 2 : L'IMPORTANCE DES DROITS DE LA
DEFENSE :
Soulignant toute l'importance de ces droits, un auteur
(avocat) a écrit : « Dans notre civilisation humaniste et
chrétienne, basée sur le respect de la personne humaine, les
droits de la défense sont un impératif catégorique de la
conscience, un principe fondamental, au premier chef d'ordre
public ». Deux idées vont convaincre du bien-fondé de
cette assertion.
A. Première idée :
D'abord, c'est que la violation du principe des droits de la
défense entraîne la nullité de la procédure. Cette
règle est aussi confirmée par l'article 802 du C.P.P
français qui exclut la nullité lorsque
l'irrégularité n'a pas eu pour effet de nuire aux
intérêts de la personne concernée.
Ainsi le respect des droits de la défense est
indispensable pour la régularité de la procédure
pénale. Le juge doit s'y conformer pour que le procès soit dit
équitable.
Le principe des droits de la défense,
étroitement lié à celui du contradictoire, doit être
respecté tant par le plaideur à l'égard de son adversaire,
que par le juge. Il constitue une exigence fondamentale de toute
procédure. Les droits de la défense postulent, outre le respect
de la contradiction, la liberté pour les parties de présenter
elles-mêmes des observations orales et de choisir librement leur
défenseur. Le principe est si fort qu'il justifie, le cas
échéant, la réouverture des débats ou même la
nullité de la procédure. Il trouve toutefois sa limite en
matière civile dans le pouvoir reconnu au juge qui s'estime
éclairé de faire cesser les plaidoiries ou de mettre un terme aux
explications des plaideurs.
Bref il faut noter que les droits de la défense
constituent un principe protecteur de l'individu. Pour l'équilibre du
procès pénal, ce principe reste inébranlable.
B. Deuxième idée :
Ensuite, les droits de la défense peuvent être
considérés comme un principe à valeur constitutionnelle.
En effet, au sein du « bloc de constitutionnalité »,
figurent les principes fondamentaux reconnus par les lois de la
République dont les droits de la défense font partie. Parmi tous
les arrêts qui le disent, on peut citer celui de la cour de cassation
française du 23 Janvier 1987 qui l'exprime très nettement :
« Considérant que le principe du respect des droits de la
défense constitue un des principes fondamentaux des lois de la
République réaffirmé par le préambule de la
constitution française de 1958 ».
Au cas malien, le principe est reconnu par la constitution du
25 Février 1992 à travers l'article 9, alinéa 4 qui
stipule : « Les droits de la défense, y compris celui de se
faire assister par l'avocat de son choix est garanti depuis l'enquête
préliminaire ».
La conséquence, d'importance, est que le
législateur (français et malien) ne saurait
méconnaître les droits de la défense. Ces droits sont au
fond des droits de l'homme propre au citoyen qui a affaire à la justice,
comme délinquant ou comme victime. Pour la protection de la
société, ainsi que la sauvegarde de l'égalise de la
justice, les droits de la défense font partie intégrante des
principes fondamentaux du droit. C'est dans cet ordre d'idée qu'il
convient d'analyser les composantes des droits de la défense pour une
ample compréhension de la notion (Section 2).
SECTION 2 : LES COMPOSANTES DES DROITS DE LA
DEFENSE :
La personne poursuivie, dès son inculpation168(*), et la victime, dès
sa constitution de partie civile, ont le droit de se faire assister d'un
défenseur ou conseil, qui est un avocat. Celui-ci consulte le dossier,
peut y déposer des notes en défense, et surtout plaide devant le
tribunal ou la cour. Ce rôle est évidemment
considérable : l'oeuvre de justice implique le droit à un
défenseur169(*).
Mais en même temps ce rôle n'est pas toujours bien compris de
l'opinion publique qui saisit mal ce que l'avocat doit faire dans le
procès de répression et qui oublie comment il doit agir dans le
procès de défense sociale.
L'avocat est un auxiliaire de justice exerçant
l'ensemble des attributions antérieurement dévolues à des
professions supprimées170(*). Il cumule actuellement les fonctions de conseil, de
mandataire et de défenseur des plaideurs ou des accusés.
La défense de l'individu faite par l'avocat rend le
procès équitable.
Aussi les droits de la défense se trouvent
étroitement liées à la notion de procès
équitable.
Mais la notion de procès équitable est
malaisée à définir de façon générale,
l'article 6, conv. E.D.H ne faisant qu'en énumérer les principaux
aspects (publicité, présomption d'innocence, droit pour
l'accusé d'apporter ses preuves...) ; le C.P.P Malien
n'évoque que les principes de la procédure pénale
notamment du principe du contradictoire, la séparation des
compétences, d'égalité devant la justice et
d'équité.
Aussi les droits de la défense se résument pour
l'essentiel à l'assistance d'un avocat (Paragraphe 1)
puis au principe de la contradiction et de l'exercice des voies de recours
(Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 1 : L'ASSISTANCE D'UN AVOCAT :
Pour exprimer les droits de l'individu, on parle de droits de
la défense. Cette expression est très souvent utilisée et
elle est susceptible, au point de vue du déroulement de la
procédure, à l'assistance de l'avocat.
Les droits de la défense incluent toutes les
règles qui tendent à protéger le suspect,
l'inculpé, l'accusé ou le prévenu contre l'arbitraire ou
l'excès de zèle des autorités171(*).
Plus généralement les droits de la défense permettent
à la personne poursuivie de répondre à la poursuite qui la
frappe.
L'avocat a le droit d'assister aux interrogatoires
(A) mais le juge a également le devoir d'informer ce
dernier (B).
A. Le droit pour l'avocat d'assister aux
interrogatoires
Ce droit entraine l'obligation pour le juge de le convoquer
par lettre recommandée avec accusé de réception, ou par
avis avec accusé de réception au plus tard quatre jours ouvrables
avant l'interrogatoire172(*). Ais l'avocat peut s'abstenir de venir car c'est sa
convocation seule qui est requise173(*). Il faut noter que lorsque le conseil réside
au siège de l'instruction, il est convoqué au plus tard quatre
jours avant l'interrogatoire comme indiqué ci-dessus, mais lorsqu'il ne
réside pas au siège de l'instruction, ce délai est
porté à huit jours174(*).
Dans le procès de répression, l'avocat n'a pas,
contrairement à une opinion assez répandue, pour mission de
proclamer l'innocence de son client, lorsqu'il ne la croit pas certaine. En ce
cas, il doit seulement discuter les preuves produites quant à leur
valeur psychologique175(*) ou quant à la régularité
juridique de leur administration176(*) afin de rappeler le grand principe de la
présomption d'innocence. Il n'affirme pas l'innocence, mais s'efforce de
montrer que la culpabilité n'est pas prouvée. Loin d'être
le seul défenseur de son client, l'avocat contribue, par la force des
choses, au respect de règles qui sont édictées dans
l'intérêt général. Au
barreau « incombe la haute mission de lutter pour la stricte
interprétation, de maintenir avec fermeté les formes protectrices
de la défense, de ne point laisser affaiblir le respect du droit
individuel... Lorsque l'avocat proteste contre l'extension d'une
définition pénale et la violation d'une forme de
procédure, ce n'est pas seule cause de l'accusé qu'il
défend, c'est la cause de tous les citoyens que menace l'arbitraire, ou
plutôt c'est la cause même de liberté ».
Ces remarques doivent éclairer l'opposition entre
l'avocat et le représentant du M.P. On présente volontiers le
premier comme le défenseur de l'accusé et le second comme un
accusateur uniquement. C'est doublement inexact. D'une part, le
représentant du parquet doit proposer une solution juste, donc faire
ressortir les aspects favorables aussi bien que les aspects défavorables
à l'accusé. D'autre part, l'avocat n'est pas seulement le
défenseur d'un individu puisque son action a pour résultat de
servir le bien commun comme il vient d'être dit. L'avocat,
défenseur d'une partie, est aussi l'auxiliaire de la justice tout
entière. Et ce caractère se développe dans le
procès de défense sociale177(*).
Ainsi donc le juge se trouve dans l'obligation d'informer
l'avocat de l'évolution du dossier de la procédure (B).
B. Le devoir pour le juge d'informer
l'avocat :
Tout d'abord si l'intéressé est détenu,
le juge doit accorder à son conseil, aussitôt après la
première comparution, un permis de communiquer178(*).Et ce permis ne comporte de
restriction qu'à l'égard de tierce personne car le juge peut
prescrire cette interdiction à l'égard de l'inculpé et ce
pour une durée de dix jours renouvelable une fois pour la même
durée. En aucun cas l'interdiction de communiquer ne saurait s'appliquer
au conseil de l'inculpé.
Ensuite, le juge doit communiquer la procédure à
l'avocat selon des règles très libérales, indiquées
par l'article 110, alinéa 4 du C.P.P179(*). Après la première comparution de
l'inculpé, la procédure est également mise à la
disposition des avocats durant les jours ouvrables. Mais dans certains cas, le
juge peut procéder à un interrogatoire immédiat et
à des confrontations si l'urgence résulte soit de l'état
de santé d'un témoin ou d'un co-inculpé en danger de mort,
soit de l'existence d'indices sur le point de disparaitre ou encore s'il se
transporte sur les lieux en cas de flagrant délit180(*). Cela dit, la communication
se justifie parce que l'avocat ne peut utilement remplir son rôle que
s'il connait réellement la procédure, sauf à remarquer que
la recherche de la vérité peut s'avérer difficile puisque
l'intéressé, averti par l'avocat du contenu du dossier, pourra
prévoir les « attaques » du juge. Dans
l'application, selon la jurisprudence, cette communication, comme règle
qui permet à l'avocat d'être présent, ne s'impose que pour
les interrogatoires et confrontations véritables, consistant en un
échange de questions et de réponses, non pour les confrontations
simples où l'intéressé se borne à s'expliquer sur
les déclarations des témoins avec lesquels il est mis en
présence, ni pour les perquisitions-saisies et reconstitutions si
l'intéressé reste muet ou se limite à des
déclarations spontanées ni à plus forte raison pour une
simple présentation de l'intéressé à des
témoins181(*).
Naguère seul l'avocat avait accès au dossier, pas la personne
mise en examen. Cette règle découlait notamment du C.P.P
français en son article 114, alinéa 4, qui décidait que
« les avocats des parties peuvent se faire délivrer, à
leurs frais, copie de tout ou partie des pièces et actes du dossier pour
leur usage exclusif et sans pouvoir en établir de
reproduction ». Le législateur français redoutait
surtout que la personne mise en examen, mise en contact avec le dossier, exerce
des pressions sur les témoins. Et la jurisprudence était
conforme : point de communication au client182(*). Enfin, le juge
avise183(*) dans les
délais les plus brefs le conseil de toutes ordonnances
juridictionnelles. Notamment l'ordonnance motivée par laquelle²il
refuse de procéder aux mesures d'instruction complémentaires qui
lui sont demandées par les avocats. On note aussi que le C.P.P malien
prévoit la possibilité pour le Procureur de la République
d'assister aux interrogatoires et confrontations, aux auditions de la partie
civile, aux dépositions de témoins. Mais il ne pourra prendre la
parole que pour poser des questions et après avoir été
autorisé par le juge d'instruction184(*). Mais les autres composantes viennent en
complément pour affirmer les droits de la défense dans une
certaine effectivité (Paragraphe 2).
PARAGRAPHE 2 : LES AUTRES COMPOSANTES DES DROITS
DE LA DEFENSE :
Le principe du contradictoire est un principe essentiel
commandant toutes les procédures. Il implique la liberté pour
chacune des parties, de faire connaitre tout ce qui est nécessaire au
succès de sa demande ou de sa défense. Il impose que toute
démarche, toute prestation au juge d'une pièce, d'un document,
d'une preuve par la partie adverse soit portée à la connaissance
de l'autre partie et librement discutée à l'audience. Le respect
du principe du contradictoire est la condition indispensable de la
liberté de la défense. Le juge doit en toutes circonstances
observer et faire observer le principe du contradictoire ; il ne peut
retenir dans sa décision que les explications qu'il a recueillies
contradictoirement et ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit
qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité
les parties à présenter leurs observations. Ainsi le principe du
contradictoire constitue l'enchainement des droits de la défense en ce
sens qu'il est l'une de ses composantes.
Quant aux voies de recours ce sont des moyens mis à la
disposition des parties pour leur permettre d'obtenir un nouvel examen du
procès185(*) ou
de faire valoir les irrégularités observées dans le
déroulement de la procédure. Ils permettent à l'une des
parties le droit de demander un nouvel examen de l'affaire. Ce qui constitue
une garantie fondamentale à tout individu dans un procès
pénal ou civil.
Lorsque ces éléments sont reconnus à
l'individu dans le procès, celui-ci est dit équitable. L'article
6 de la Conv. E.D.H. accorde le droit à un procès
équitable à tout individu. Ainsi toute personne a droit à
ce que sa cause soit entendue équitablement. Cela implique que le juge
soit indépendant et impartial tout comme le tribunal chargé de
l'affaire, que l'individu ait le droit à un recours effectif devant un
tribunal, le droit à un procès public dans un délai
raisonnable, le droit à l'exécution effective de la
décision obtenue.
En conséquence le principe du contradictoire doit
être respecter (A) et l'exercice des voies de recours
doit être reconnu (B) pour que le procès soit dit
équitable.
A. Le respect du principe du
contradictoire :
Le principe du contradictoire est assuré et même
rappelé à l'article préliminaire du C.P.P186(*), et également par la
loi du 15 Juin 2000187(*).
Le principe du contradictoire (ou principe de la
contradiction) est un principe de droit existant dans toute procédure,
qu'elle soit civile, administrative, pénale ou disciplinaire, et qui
signifie que chacune des parties a été mise en mesure de discuter
l'énoncé des faits et les moyens juridiques que ses adversaires
lui ont opposés. Ce principe est également invoqué par la
locution latine Audiatur et altera pars188(*).
Le principe du contradictoire est à rapprocher des
notions de droits de la défense, loyauté, équité et
égalité des armes189(*). Le principe du respect du contradictoire s'applique
à tout moment de la procédure. Il implique :
· que le demandeur informe en temps utile le
défendeur de ses prétentions ainsi que des moyens de fait, des
moyens de droit et des éléments de preuve qui sont
invoqués à l'appui des prétentions ;
· que les parties échangent leurs conclusions et
leurs pièces en temps utile (dans les procédures
écrites) ;
· que les mesures de recherche de preuve soient
menées en présence des parties et de leurs conseils190(*) ;
· que le juge, lorsqu'il soulève d'office un moyen
de droit ou lorsqu'il requalifie juridiquement les faits, informe
préalablement les parties afin que celles-ci puissent en
discuter ;
· que les débats soient eux-mêmes
contradictoirement menés dans le cadre d'une audience publique, ou bien
dans le cadre d'une audience de cabinet191(*).
Mais certaines procédures n'ont cependant pas lieu
contradictoirement. C'est le cas où le juge prend une mesure
d'administration judiciaire192(*), ou encore dans le cas des procédures sur
requête, tout au moins provisoirement, car la partie non appelée
dispose d'un recours permettant de rétablir le contradictoire193(*).
Il existe un autre cas notamment celui des procédures
civiles en
matière
gracieuse puisque, par nature, le demandeur n'a pas d'adversaire.
Cependant, comme dans les procédures contentieuses, le juge devra
soumettre au demandeur le moyen qu'il entend soulever d'office.
Cependant le principe du contradictoire reste un principe
sacré en procédure pénale qui assure les droits de la
défense ainsi que la protection des individus. Il sera accentué
par les voies de recours dont disposent les parties pour protester contre une
décision de justice et demander le réexamen du dossier par un
autre tribunal (B).
B. L'exercice des voies de recours :
Les voies de recours sont des procédures permettant de
critiquer ou attaquer une décision rendue afin de lui en substituer une
nouvelle présumée meilleure. Si les voies de recours apportent un
certain retard dans la solution du procès, leur utilité reste
évidente. Quelle que soit la science et la conscience des magistrats, la
décision peut contenir des erreurs de fait et/ou de droit. Les voies de
recours apparaissent alors comme conformes à l'intérêt
général et à celui des justiciables pour lesquels elles
constituent un aspect des droits de la défense. Faisant partie des
droits de la défense, les voies de recours sont aussi une pièce
de la théorie des droits de l'homme. En effet, le protocole n° 7
additionnel à la Conv. E.D.H. dispose en son article 2, § 1,
que : « Toute personne déclarée coupable
d'une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par
une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité
ou la condamnation ». L'emploi du mot « droit »
est révélateur, même si l'article 2, § 2, admet que
« ce droit peut faire l'objet d'exceptions pour des infractions
mineures ». Enfin la loi du 15 Juin 2000 a inséré en
tête du C.P.P français un article préliminaire affirmant
notamment que « toute personne condamnée a le droit de faire
examiner sa condamnation par une autre juridiction ». C'est le cas
également du notre C.P.P en son article 2, § 5, dans les
mêmes termes que le C.P.P français.
Trois principes gouvernent les voies de recours, qui
traduisent un souci de conciliation entre l'exigence d'une justice rapide et la
nécessité d'une bonne justice.
En premier lieu, toute décision rendue par un tribunal
correctionnel ou de simple police peut être en principe l'objet d'une
voie de recours. Même si la loi ne le prévoit pas, un recours
reste possible. Un recours n'est exclu que lorsqu'un texte le décide
expressément, ce qui est fort rare comme on le verra.
En second lieu, les voies de recours sont d'ordre public. Ce
principe appelle d'ailleurs certaines précisions. Le M.P, qui n'est pas
propriétaire de l'action publique, ne peut ni acquiescer à un
jugement, ni se désister d'une voie de recours déjà
intentée, sauf à remarquer la paralysie de son droit d'exercer
une voie de recours en cas de retrait de plainte par la victime dans le cas
où son dépôt est la condition des poursuites194(*). Enfin la partie civile peut
acquiescer ou se désister, car seuls des intérêts
privés sont en cause. En troisième lieu, les voies de recours
exercées contre une décision qui n'a pas acquis l'autorité
de la chose jugée ont un effet suspensif : la décision ne
peut être exécutée ni pendant le délai d'exercice
des voies de recours, ni à plus forte raison après leur exercice,
tant que n'est pas intervenue la nouvelle décision. A cette
règle, sont pourtant apportée des exceptions dans
l'intérêt du prévenu, de la société et de la
partie civile. S'agissant des différentes voies de recours et leur
classification, on notera qu'une classification principale est admise. C'est la
distinction entre les voies de recours ordinaires et les voies de recours
extraordinaires. Les voies de recours ordinaires sont l'opposition et
l'appel ; les voies de recours extraordinaires sont le pourvoi en
cassation et en révision. Cette distinction présente d'ailleurs
de réels intérêts. Ainsi seules les voies de recours
ordinaires n'exigent aucun « cas d'ouverture » et seules
les voies de recours extraordinaires relèvent toutes de la même
juridiction, la cour de cassation.
CONCLUSION :
Dans les représentations mentales, le système
pénal est principalement symbolisé par la prison. Ce qui
sous-entend une conception essentiellement punitive de la peine. Or la peine
n'a pas pour seule fonction de punir le délinquant, elle vise
également à le réadapter afin qu'il se conforme aux
règles qui gouvernent la vie en société. Cependant, l'on
s'est vite rendu compte de par les constats effectués : surpopulation
carcérale, conditions de détention difficiles, voire inhumaines,
érosion familiale, aggravation des inégalités sociales,
etc., que la prison n'était pas toujours la meilleure réponse ou
la seule solution pour punir la commission d'une infraction. De nombreuses
études ont démontré l'efficacité limitée de
l'emprisonnement, en particulier pour les courtes peines. On en a alors conclu
que la prison ne devrait être la solution qu'en cas de stricte
nécessité.
Cela soulève des interrogations qui normalement, avec
une législation respectueuse des droits de l'homme, n'ont pas leur
place.
Pourquoi incarcérer un individu sur simple
soupçon ? La détention provisoire, considérée
comme une mesure exceptionnelle et un substitut du contrôle judiciaire
est-elle un pré jugement ? La détention provisoire et la
garde à vue sont-elles conciliables avec la présomption
d'innocence ? La garde à vue est-elle un moyen de pression pour les
autorités compétentes ? Pourquoi les délais de garde
à vue et de détention provisoire sont longs au Mali alors
même que la loi a institué des délais légaux ?
Les droits de la défense sont-ils respectés au Mali ?
Voilà autant d'interrogations sur l'institution de la
protection des droits et libertés qui peuvent être posés
pour l'harmonisation et l'adaptation à la réalité
sociale.
Tout au long de l'étude que nous avons consacrée
à cette institution, nous avons tenté de répondre à
certaines de ces problématiques.
Sans doute, il ressort que la réglementation de la
mesure se heurte à deux principes fondamentaux consacrés par la
constitution de 1992 et certains textes internationaux : il s'agit de
concilier le maintien de l'ordre public et la protection des libertés
individuelles. Mais dans tout Etat démocratique le principe de la
légalité est une véritable arme contre l'arbitraire.
Malgré tout la situation est encore inquiétante
et déplorable. Nos maisons d'arrêts sont encore gorgées de
personnes en attente de leur jugement qui tarde à venir. Pour
désengorger ces maisons d'arrêt, la détention et la garde
à vue considérées comme des mesures exceptionnelles,
doivent correspondre à une réelle nécessité et non
une simple utilité. Or, on constate dans la pratique le recours
fréquent à ces mesures dont on peut contester. Ce qui est
utilisé par les juges comme principe de précaution pour
protéger les investigations, parer à une éventuelle fuite
ou à un risque de réitération tout en tenant compte du
trouble causé à l'ordre public. Et cela nous parait fort
regrettable.
Les droits de la défense ne sont pas respectés
et certaines personnes ne bénéficient pas de l'assistance
d'avocat. Certes cela est dû à la pauvreté grandissante
dans notre pays, mais la protection des droits et libertés est un
principe à valeur constitutionnelle et les autorités
compétentes doivent tout mettre en oeuvre pour respecter ces droits.
Pourquoi n'est-il pas privilégié le
contrôle judiciaire par rapport à la détention provisoire
si des raisons plausibles ne laissent pas présumer que
l'intéressé a commis ou tenter de commettre l'acte
incriminé ?
Au regard de tout ce qui précède, la personne
qui a subi à tort les mesures de privation de libertés et qui se
sont soldées à son profit par un non-lieu, une relaxe ou un
acquittement, peut, dans le système français, demander dans les
six mois qui suivent, réparation intégrale du préjudice
matériel et moral dont il a été victime.
Dans le but de rendre encore plus efficace le C.P.P malien,
l'instauration du régime d'indemnisation en cas de privation de
libertés indue doit être prise en compte. Cela passerait par
l'instauration d'un organe chargé des questions d'indemnisation en cas
de privation de liberté indue aussi pour la garde à vue que pour
la détention provisoire.
Des sanctions strictes doivent être prévues en
cas d'abus de la part des autorités.
Les
droits de
l'enfant sont une priorité politique affichée au
Mali, où la
moitié de la population a moins de 18 ans. Ainsi, la constitution
adoptée en
1992 proclame dans son
préambule la détermination du peuple malien « à
défendre les droits de la femme et de l'enfant ». Cependant,
les politiques publiques menées pour la protection et la promotion des
droits de l'enfant se heurtent à de nombreux obstacles :
pauvreté,
analphabétisme,
persistance de pratiques coutumières, manque de moyens de l'État
et des
collectivités
territoriales. Malgré les différents programmes mis en oeuvre
et l'investissement de la
société
civile et des
organisations
non gouvernementales maliennes ou étrangères, la situation
des enfants reste difficile dans plusieurs domaines : accès
à la
santé,
éducation
ou encore
travail des
enfants.
Malgré tous les mineurs occupent une place
prépondérante dans le pays, et ils doivent être
protégés sur tous les plans contre les abus.
Si les personnes détenues se plaignent des conditions
de la détention dans nos structures carcérales, les
autorités compétentes doivent se pencher sur la question. Ainsi,
doit être une priorité, la rééducation, la
réinsertion sociale et professionnelle ainsi que le problème du
désengorgement des structures carcérales. Des conditions de
détention insoutenables dans les prisons peuvent aboutir ou provoquer la
dangerosité de certains sujets. Une fois que des solutions
adéquates seront apportées à ces différentes
interrogations, l'institution de la privation de liberté pourrait
répondre aux conditions exigées par la loi, les instruments
internationaux des droits de l'homme ainsi que le respect de la liberté
individuelle.
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CONTE Philipe, CHAMBON Paul-Marie, procédure
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5. WEBOGRAPHIE :
www.fr.news.yahoo.com;
www.humanite.presse.fr;
www.human-rights-convention.org;
www.lecourslessard.com;
www.jurisclasseur.com;
ANNEXES :
Annexe 1 :
Cour de Cassation
Chambre criminelle, 3 décembre 1996
Cassation
N° de pourvoi : 96-84503
Mais, sur le moyen de cassation relevé d'office, pris de
la violation des articles 63-1,
171, 593 et 802 du Code de procédure pénale :
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte de l'article 63-1 du Code de
procédure pénale que l'officier de police judiciaire ou, sous son
contrôle, l'agent de police judiciaire, a le devoir de notifier
immédiatement les droits attachés au placement en garde à
vue ; que tout retard injustifié dans la mise en oeuvre de cette
obligation porte nécessairement atteinte aux intérêts de la
partie qu'elle concerne ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'Ibrahim
El Saidi a été interpellé à Bagnolet le 11
décembre 1995 à 17 heures 15 pour des faits de tentative
d'escroquerie ; que, le même jour à 18 heures, il a
été placé en garde à vue à compter de son
interpellation ; que, l'intéressé ne comprenant pas
le français et l'interprète en langue arabe requis par les
policiers ayant déclaré ne pouvoir se présenter avant le
lendemain, il n'a été procédé, avec l'assistance de
ce dernier, à la notification du placement en garde à vue et des
droits y étant attachés que le 12 décembre 1995,
à
9 heures 15 ;
Attendu que, pour rejeter la requête en annulation
présentée par le demandeur et prise de ce que la notification de
ses droits avait été effectuée sans motif légitime,
plus de 16 heures après son placement en garde à vue, les juges
énoncent que l'irrégularité alléguée n'a pas
porté atteinte à ses intérêts ; qu'ils
relèvent qu'Ibrahim
El Saidi ne peut tirer argument de n'avoir pu s'entretenir avec
un avocat à l'issue de la 20e heure de garde à vue, dès
lors que " le barreau " avait été avisé dans des
délais suffisants de la demande qu'il avait formée
à cette fin ; qu'ils ajoutent que, conformément à sa
volonté, l'intéressé a été examiné
par un médecin avant le terme de la mesure, qu'il a refusé de
faire prévenir sa famille et qu'il n'a été entendu sur le
fond qu'après avoir été informé de ses droits ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que
l'arrêt attaqué n'invoque aucune circonstance pouvant justifier
qu'il ait été impossible, en l'espèce, de faire appel
à un autre interprète que celui qui avait été
requis, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée du
principe sus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt
susvisé de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, en date
du 4 juillet 1996, et pour qu'il soit jugé à nouveau
conformément à la loi :
Annexe 2 :
Cour de Cassation
Chambre criminelle, 6 novembre 2001
Cassation
N° de pourvoi : 01-85803
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des
articles 5 et 6 de la
Convention européenne des droits de l'homme, 137, 144,
144-1, 145-2, 145-3 et 593 du Code de procédure pénale,
défaut de motifs, manque de base légale, violation des droits de
la défense ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale,
ensemble les articles 137-3, 143-1 et suivants dudit Code ;
Attendu que les arrêts des chambres de l'instruction sont
déclarés nuls s'ils ne contiennent pas de motifs ou ne
répondent pas aux articulations essentielles des mémoires des
parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut
à leur absence ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction
rejetant la demande de mise en liberté de Richard Dubrou, l'arrêt
attaqué énonce, au terme du rappel des
faits objet de l'information, que les charges pesant à
l'encontre de la personne mise en examen sont lourdes, que des investigations
sont en cours et que le délai prévisible d'achèvement de
la procédure peut être fixé à un mois ; que les
juges ajoutent que les obligations du contrôle judiciaire, eu
égard à la gravité de l'infraction et aux peines
encourues, sont insuffisantes pour mettre fin au trouble occasionné
à l'ordre public et pour garantir la représentation de
l'intéressé en justice ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans
répondre à l'articulation du mémoire par lequel la
personne mise en examen faisait valoir que sa détention provisoire
excédait une durée raisonnable au regard de l'article 144-1 du
Code de procédure pénale, la chambre de l'instruction n'a pas
justifié sa décision ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions,
l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel
d'AIX-EN- PROVENCE, en date du 5 juillet
2001, et pour qu'il soit à nouveau jugé,
conformément à la loi
Table des matières
Introduction6
1ère Partie : Les garanties
procédurales accordées aux suspects et aux personnes
poursuivies.......................11
Chapitre 1 : Les garanties procédurales
accordées pendant la garde à
vue.....................................................12
Section 1 : Le régime de la garde à
vue..........................................................................................................13
Paragraphe 1 : Les conditions de placement en garde
à
vue..........................................................................14
Paragraphe 2 : Les conditions relatives au
délai et à l'exécution de la garde à
vue.........................................16
Section 2 : Les sanctions de la garde à
vue.....................................................................................................24
Paragraphe 1 : La sanction attachée à
la non-information des suites d'une garde à
vue.................................25
Paragraphe 2 : Les sanctions découlant d'une
irrégularité de la garde à
vue..................................................27
Chapitre 2 : Les garanties procédurales
accordées pendant la détention
provisoire.......................................30
Section 1 : Les conditions générales
de la détention
provisoire......................................................................32
Paragraphe 1 : Les conditions de placement en
détention
provisoire.............................................................34
Paragraphe 2 : La durée de la
détention
provisoire........................................................................................41
Section 2 : La détention provisoire dans la
pratique et le système réparateur en cas de préjudice
subi..........50
Paragraphe 1 : La détention provisoire dans
la
pratique................................................................................51
Paragraphe 2 : Le système réparateur
en cas de préjudice
subi.....................................................................59
2ème Partie : Les droits
fondamentaux reconnus aux suspects et aux personnes
poursuivies..........................66
Chapitre 1 : Le principe de la présomption
d'innocence.................................................................................67
Section 1 : Les fondements du principe de la
présomption
d'innocence.........................................................69
Paragraphe 1 : Les origines historiques de la
présomption
d'innocence.........................................................70
Paragraphe 2 : Les conséquences de la
présomption
d'innocence..................................................................73
Section 2 : Les atteintes au principe de la
présomption
d'innocence..............................................................78
Paragraphe 1 : Les présomptions de
culpabilité propres à certaines infractions
déterminées........................79
Paragraphe 2 : Les présomptions de
culpabilité communes à un grand nombre
d'infractions........................81
Chapitre 2 : Le principe du respect des droits de la
défense...........................................................................82
Section 1 : La consécration des droits de la
défense.......................................................................................83
Paragraphe 1 : La notion de droits de la
défense...........................................................................................84
Paragraphe 2 : L'importance des droits de la
défense....................................................................................87
Section 2 : Les composantes des droits de la
défense....................................................................................89
Paragraphe 1 : L'assistance d'un
avocat........................................................................................................90
Paragraphe 2 : Les autres composantes des droits de
la
défense...................................................................93
Conclusion....................................................................................................................................................97
* 1 J. Pradel, Procédure
Pénale, 10è éd., CUJAS, 2000.
* 2 Locution latine signifiant
« Là où il y a société, il y a
droit ».
* 3 Dès lors que l'action
publique a été déclenchée le suspect devient soit
inculpé (mis en examen), soit prévenu ou accusé selon le
degré de l'infraction et la juridiction devant laquelle il se trouve.
* 4 G. CORNU, Vocabulaire
Juridique, 7è éd., 1998, voir suspect.
* 5 Remplacé depuis 1993
avec la loi n°93-2 du 4 Janvier 1993 portant réforme de la
procédure pénale en France.
* 6 Loi n°01-080 du 20
Août 2001 portant code de procédure pénale au Mali.
* 7 Bien entendu ces droits
fondamentaux sont aussi des garanties mais on ne saurait les confondre avec les
autres garanties de la procédure car ils sont inhérents à
la personne humaine et considérés comme l'essence des droits de
l'homme.
* 8 D. THOMAS, « Le
droit à la sûreté », in Droits et libertés
fondamentaux, 11e éd., Dalloz 2005, p. 325-350.
* 9 S. NGONO, « La
présomption d'innocence », RASJ, vol.2, n°2 2001, p. 151
et s.
* 10 D. THOMAS,
« L'évolution de la procédure pénale
française contemporaine : la tentation
sécuritaire », in Le champ pénal. Mélanges en
l'honneur du Pr.R.Ottenhof, Dalloz 2006, p. 53-69.
* 11 Mais cependant la
présomption d'innocence n'est pas pour autant méconnue et plane
sur l'individu tant que sa culpabilité n'est pas prouvée. Il en
est de même pour les droits de la défense qui sont reconnus
à l'individu dès les débuts de la procédure.
* 12 Ainsi du reste qu'en
exécution d'une commission rogatoire.
* 13 Puisqu'il est amené
à contrôler la mesure comme il va être dit.
* 14 Toujours dans le cadre
français.
* 15 Art. 76, al. 5 du C.P.P
malien.
* 16 Alors qu'il pouvait
l'être avant la législation française de 1993.
* 17 Egalement en accord avec
Art. 74, al. 2 du C.P.P du Mali.
* 18 Art. 73, al. 1 du C.P.P du
Mali ; Art. 61 du C.P.P de la France.
* 19 Depuis la loi du 15 Juin
2000.
* 20 Art. 76, al. 2 du C.P.P du
Mali.
* 21 Crim., 23 Mars 1999, B.C.,
n° 51, « lorsqu'un individu est surpris alors il commet ou vient
de commettre un crime ou un délit, la garde à vue débute
au moment où il est appréhendé ».
* 22 Crim., 4 Mars 1998, B.C.,
n°84.
* 23 Crim., 10 Mai 2000, B.C.,
n° 180, pour un cas où après perquisition effectuée
avec son accord, l'individu avait accepté de suivre les policiers au
commissariat où après audition, ces derniers lui avaient
notifié son placement en garde à vue.
* 24 Crim., 6 Mai 1997, B.C.,
n° 174, n'est pas garde à vue la personne qui se rend dans les
locaux de police sur simple convocation.
* 25 Art. 63, al. 2, et 77, al.
1 du C.P.P de la France.
* 26 Art. 76, al. 1 du C.P.P du
Mali.
* 27 Donc en tout 48h pour le
cas français et 72h pour le cas malien.
* 28 Cassation de l'arrêt
qui avait faussement retenu la qualification de flagrance pour fonder une
prolongation de la garde à vue sans présentation préalable
de la personne, Crim., 11 Février 1998, B.C., n° 55.
* 29 Art. 4, ord. 2
Février 1945 modifiée par les lois des 24 Août 1993 et
1er Févier 1994.
* 30 En autre la
création de 29 CLP à Bamako, Ségou, Sikasso et Mopti.
* 31 A Ségou, San,
Sikasso et Mopti.
* 32 Loi n° 01-080 du 24
Août 2001 portant sur la minorité pénale et institutions
des juridictions pour mineurs.
* 33 Par exemple appui
alimentaire et/ou médical, des locaux spécifiques permettant la
séparation entre mineurs et adultes, l'établissement de contact
entre le parent ou le tuteur.
* 34 Le droit d'être
entendu en présence de ses parents, le droit à la protection de
sa vie privée...
* 35 Art. 9, al. 2 de la
Constitution du 25 Février 1992 : « Nul ne peut
être poursuivi, arrêté ou inculpé qu'en vertu d'une
loi promulguée antérieurement aux faits qui lui sont
reprochés ».
* 36 Art. 77 du C.P.P du
Mali.
* 37 Art. 77, al. 1 du C.P.P du
Mali.
* 38
« Nécessités de l'enquête »
notamment.
* 39 Art. 76, al. 8 du C.P.P du
Mali.
* 40 Art. 63-2 de la loi du 15
Juin 2000.
* 41 Art. 4, II, ord. 2
Février 1945, France.
* 42 Le médecin de son
choix.
* 43 C.E.D.H., 27 Août
1992, TOMASI cl France.
* 44 Malgré le silence
de la Conv. E.D.H., la C.E.D.H reconnait au prévenu un droit au silence
au cours de l'enquête sans qu'il y ait là un droit absolu car le
juge peut prendre en compte le silence de l'intéressé dans des
situations qui appellent une explication de sa part, v. affaires John MURRAY cl
Royaume-Uni, du 8 Février 1996 et CONDRON cl Royaume-Uni, du 2 Mai
2000.
* 45 Art., 77-2 et 77-3 du
C.P.P français.
* 46 Car les compétences
du J.I sont plus nombreuses que celles du J.L.D. En effet le J.L.D n'est
compétent qu'en cas de privation de liberté et en France il y a
un J.I qui n'a pas les mêmes compétences que celui-ci. Mais au
Mali, c'est le J.I qui est compétent dans l'un ou dans l'autre cas.
* 47 Action disciplinaire ou en
dommages-intérêts contre le policier fautif pour l'essentiel.
* 48 Le 17 Juillet 1970 pour
les affaires d'atteinte à la sûreté de l'Etat et le 2
Février 1981 pour certaines infractions de violence.
* 49 Art. 63-1 et 171 du C.P.P
de la France.
* 50 Crim., 15 et 22 Octobre
1959, B.C., n° 435 et 457.
* 51 Crim., 23 Avril 1992, D.,
1992, Somm., 322, obs. J. Pradel.
* 52 Il s'agit des droits
créés à partir de la loi du 4 Janvier 1993 et
énoncé à l'article 63-1, al. 1 du C.P.P
français.
* 53 Crim., 16 Juillet 1995,
B.C., n° 258.
* 54 Crim., 30 Avril 1996,
B.C., n° 182.
* 55 Par exemple cas d'ivresse
de l'intéressé, impossibilité de notifier les droits sur
la voie publique
* 56 Constitution du Mali de
1992 et de la France de 1958.
* 57 J. PRADEL, L'instruction
préparatoire, CUJAS, 4è éd., 1990, p. 587.
* 58 C. GUERY, La
détention provisoire, DALLOZ référence Dr. Pén.,
2001, p. 1.
* 59 J. Leblois-Happe, Le
placement en détention provisoire, AJ Pén., octobre 2003, p.9.
* 60 G. Stefani, G. Levasseur,
B. Bouloc, Précis de procédure pénale, 19e
éd., DALLOZ, 2004, p. 675 et s, n°732 et s.
* 61 Art. 122, al. 2, C.P.P du
Mali.
* 62 Art. 123, C.P.P du
Mali.
* 63 F. Hélie, Tribunal
d'Instruction Criminelle, 1846, IV, n° 1948.
* 64 Notamment la
présomption d'innocence, les droits de la défense, le droit
d'avoir un procès équitable dans un délai
raisonnable....
* 65 M. COULIBALY, La
procédure pénale au Mali, éd. JAMANA, 2009, p. 144 et s,
n° 413 et s.
* 66 E. MATHIAS,
Procédure pénale, 2e éd., Breal, Lexi fac 2005,
p.162.
* 67 S. Guinchard et J.
Buisson, Procédure pénale, 2e édiction LITEC,
P.881, n°1096.
* 68 Art. 123, al. 3 du C.P.P
du Mali.
* 69 Crim, 22 juillet et 2 sept
1997, Procédures, 1998, n°18, 25 mars 1998.
* 70 Crim, 24 sept 1997, Dr.
Pén. 1998, n°13.
* 71 Crim., 13 octobre 1998,
B.C., n° 258.
* 72 Mais
l'irrégularité du réquisitoire n'entraîne pas la
nullité d'une ordonnance de placement correcte (Crim, 3 déc.
1997, Dr. Pén., 1998, n° 42).
* 73 Art. 123, al. 1 du C.P.P
du Mali.
* 74 Art. 123, al. 2 du C.P.P
du Mali.
* 75 F. Fourment, Manuel de
procédure pénale, 6e éd., Paradigme2005-2006,
p.224, n° 492.
* 76 En France c'est le juge
des libertés et de la détention.
* 77 Avant l'entrée en
vigueur de la loi du 15 juin 2000, c'était le juge d'instruction qui
était compétent pour prendre une décision de placement en
détention provisoire.
* 78 Loi sur le recul de la
détention provisoire.
* 79 www.fr.news.yahoo.com, les
réformes de l'après Outreau se dessinent, 13 février 2006.
* 80 M. L. Rassat,
Traité de procédure pénale, 1re édition
PUF, 2001, n° 395, p.624.
* 81 Art. 135, al. 1 du C.P.P
malien ; et Art. 145-2 du C.P.P français.
* 82 Art. 125 du C.P.P du
Mali.
* 83 Art. 127 du C.P.P du
Mali.
* 84 C. Guéry, La
détention provisoire, éd. Dalloz référence Dr.
Pén., 2001, p.78
* 85 Les articles 136 et 137 du
C.P.P malien aussi évoquent les cas de changement de qualification de
crime à délit et de délit à crime.
* 86 PH. Conte, P. M. Chambon,
procédure pénale, 3e éd., LITEC, 2001.
* 87 Le J.L.D peut mettre sa
décision en délibéré ; il suffit en effet que
la prolongation, le cas échéant, soit ordonnée avant
expiration du précédent titre de détention provisoire. Par
ailleurs, ce débat contradictoire peut se tenir à
l'intérieur même d'une maison d'arrêt (Crim., 15 mars 2005,
n°05-80.014).
* 88 F. Fourment, Manuel de
procédure pénale, Op Cit., p. 229.
* 89 Initiative africaine pour
la sécurité humaine, Mali Criminalité et Justice
Criminelle, vol. Monographie 162, Initiative africaine pour la
sécurité humaine, juin 2009, p. Chapitre 7 : La
Justice juvénile.
* 90 Art. 34, al. 1 de la Loi
du 24 Août 2001, et art. 108, al. 1 du code protection de l'enfant.
* 91 Ces délais sont non
renouvelables pour les mineurs.
* 92 Centre National de
Documentation et d'Information sur la Femme et l'Enfant.
* 93 A.M. Cissé,
« Centres de rééducation et de réinsertion pour
mineurs : des enfants plaident pour des enfants »,
L'Essor, 9 septembre 2009.
* 94 République du Mali,
Ministère de la Promotion de la Femme, de l'Enfant et de la Famille,
Rapport final état des lieux de la situation des enfants en conflit avec
la loi au Mali, Bamako, octobre 2009.
* 95 Loi Perben du 9 Septembre
2002.
* 96 C. Crim., 20
décembre 1983, B.C., n° 349, prévoyant que la durée
de la détention s'apprécie à partir de la
réincarcération.
* 97 F. Fourment, Manuel de
Procédure Pénale, op cit, p. 231.
* 98 Décision du Conseil
d'Etat n°2002-461 DC du 29 août 2002a.
* 99 www.humanite.presse.fr
* 100 J. Larguier,
Mémento de procédure pénale, 19e éd.,
Dalloz 2003, p. 172.
* 101 Art. 139 du C.P.P
malien.
* 102 Au Mali, 2.522
détenus sur 5.817 prisonniers au 28 Septembre 2007.
* 103 M. David, La
détention provisoire, mémoire de DEA, défense nationale de
l'université de Lille 2, 2000/2001, p. 49.
* 104 Française
notamment avec la loi du 15 Juin 2000, car au Mali la dernière
réforme du C.P.P n'a pas encore envisagé de mesures
concrètes permettant la réduction des prisonniers détenus.
* 105 Au 1er
octobre 2005, la proportion de prévenus dans l'ensemble de la population
pénitentiaire était de 36,1%. Au 1er janvier 2002,
cette proportion était de 33,2%.
* 106 Chiffres de
l'administration pénitentiaire française de 2005.
* 107 Soit environ 52% de la
population carcérale étaient en détention provisoire au
Mali.
* 108 J. C. Soyer, Manuel
Droit Pénal et procédure pénale, 11e
éd., E.J.A., 1994, p. 332.
* 109 Rapport de M. C.
JOLIBOIS au nom de la Commission des lois du Sénat, n°419
(1998-1999).
* 110 Art. 185, al.
1er du C.P.P français ; et Art. 131, al. 1er
du C.P.P malien.
* 111 Art. 131, al 2 du C.P.P
malien.
* 112 Tel a été
le cas du juge d'instruction F. Burgaud qui a fait la Une des médias et
mis en cause par l'opinion publique dans l'affaire d'Outreau.
* 113 Cette commission a
été créée par la loi du 17 juillet 1970.
* 114 B. CALLE, La
détention provisoire, 1ère éd., « Que
sais-je ? », Mars 1992, p. 101. Dans le cas de l'espèce,
il ne s'agit pas d'une décision judiciaire mais plutôt
administrative.
* 115 En date du 13 octobre
2000, n°99 IDP 148. Dans cette espèce, a été
déclarée recevable la demande du requérant relaxé
du chef d'infraction d'association de malfaiteurs ayant pour objet la
préparation d'un acte de terrorisme, mais condamné à la
peine de 4 mois de prison avec sursis au titre de l'infraction à la
législation sur les étrangers, la commission a relevé
qu'il n'était pas démontré que l'infraction constituait un
délit flagrant au moment de l'interpellation du requérant et
qu'elle n'était donc pas susceptible d'entraîner le placement en
détention en application de l'article 144 du code de procédure
pénale.
* 116 Revue de
l'Actualité Juridique Française, note de P. LINGIBE, Avocat au
Barreau de la Guyane, chargé de cours à l'Institut d'Etudes
Supérieures de la Guyane.
* 117 Cet article
prévoit que « N'est pas pénalement responsable la
personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique
ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses
actes ». Le nouveau code pénal français n'a pas
repris le terme de « démence » en raison de son
imprécision.
* 118 Le régime de
l'indemnisation en raison d'une détention indue n'est pas
spécifié au Mali, en tout cas aucune loi ne l'évoque.
* 119 Art. 131, al. 2 du C.P.P
du Mali.
* 120 On peut rattacher aux
droits de la défense à titre indirect les prérogatives
accordées à la personne poursuivie, ainsi qu'à la partie
civile.
* 121 Art. 1er du
C.P.P du Mali : « La procédure pénale doit
être équitable, contradictoire et préserver
l'équilibre des droits des parties.
Elle doit garantir la séparation des autorités
chargées de l'action publique et des autorités de jugement.
Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et
poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées
selon les mêmes règles. ».
* 122 La preuve peut se
définir comme une démonstration aux fins de persuader de
l'exactitude d'un fait allégué en vue de faire prévaloir
un droit. La preuve est la démonstration de la véracité
d'un fait selon J. LARGUIER (La preuve d'un fait négatif, R.T.D. civ.,
1953.5.)
* 123 Actori incumbit
probatio.
* 124 Reus in excipiendo fit
actor.
* 125 M. PAINE, les droits de
l'homme, Nancy, PUF, 1991, p. 63.
* 126 ISAMBERT,
Procédure Pénale, RASJ, v.28, 2004, p. 526 et s.
* 127 Art. 9 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 :
« Tout homme étant présumé innocent
jusqu'à ce qu'il ait été déclaré
coupable ».
* 128 Art. 11-1 de la
Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 :
« Toute personne accusée d'un acte délictueux est
présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité
ait été légalement établie au cours d'un
procès public où toutes les garanties nécessaires à
sa défense lui auront été
assurées. »
* 129 Art. 2, al. 1 du C.P.P
du Mali : « Toute personne suspectée ou poursuivie
est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas
été établie ».
* 130 Crim., 29 Mai 1980,
B.C., n°164 ; 19 Mars 1986, B.C., n°113 ; 22 Février
1993, B.C., n°84.
* 131 Art. 9, al. 3 de la
constitution du Mali : « Tout prévenu est
présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit
établie par la juridiction compétente ».
* 132 Chambre des Lords,
affaire Woolmington, 1935, « dans la toile du droit pénal
anglais, ce fil d'or se voit toujours, que c'est un devoir du poursuivant que
de prouver la culpabilité du défendeur », J.
SPENCER, R.I.D.P., 1992.85. On notera qu'en Angleterre il n'y a pas ni code de
procédure pénale, ni constitution écrite.
* 133 « Il faut
punir les délinquants et éviter de punir les
coupables ».
* 134 Rédaction due
à la loi du 24 Août 1993, modifiée par celle du 15 Juin
2000.
* 135 Loi sur la
liberté de la presse du 29 juillet 1881
* 136 Crim., 21 Janvier 1997,
B.C., n° 19, l'arrêt exigeant aussi la preuve du caractère
définitif de la décision.
* 137 Crim., 21 Janvier 1997,
précité.
* 138 Recommandation de
l'Association internationale de droit pénal au colloque
préparatoire de Tolède, en Avril 1992.
* 139 On pourrait ajouter que
les magistrats plaçant une personne en détention provisoire ne
doivent inclure dans la motivation aucune affirmation de culpabilité.
* 140 Par exemple la
décision judiciaire dans l'abandon de famille.
* 141 Par exemple la
nationalité du prévenu, son lien de parenté avec la
victime, circonstances aggravantes.
* 142 Faute intentionnelle,
mise en danger, faute d'imprudence ou de négligence.
* 143 22 Février 1993,
B.C., n° 84, cassation d'un arrêt ayant affirmé que le
prévenu ne prouvait pas sa bonne foi.
* 144 L'intention
« peut être déduite de circonstances factuelles
objectives ».
* 145In dubio pro reo.
* 146 Tel serait le cas si
après avoir énuméré des
« éléments apparemment décisifs » ou
« des charges très lourdes de culpabilité »,
il relaxe sur le fondement d'un très léger doute, Crim., 3
Février 1992, B.C., n° 47.
* 147 P. TRUCHE, Le doute sur
le fait ou le problème de la preuve, in Le doute et le droit, DALLOZ,
1994, p. 48.
* 148 En matière
contraventionnelle, on citera la responsabilité pécuniaire du
titulaire de certificat d'immatriculation du véhicule en cas
d'infraction à réglementation sur le stationnement.
* 149 Crim., 10 Janvier 1947,
B.C., n° 23.
* 150 Crim., 4 Mai 1961, B.C.,
n° 236.
* 151 Le conseil
constitutionnel français, la cour de cassation française et la
C.E.D.H.
* 152 G. CORNU, Vocabulaire
Juridique, Op Cit., voir défense.
* 153 Par ex., Crim., 18 Juin
1998, B.C., n° 200 ; Crim., 29 Avril 1998, B.C., n°145.
* 154 Rares même sont
les auteurs qui consacrent à la notion un développement autonome,
v., cependant G. STEFANI, G. LEVASSEUR et B. BOULOC, Procédure
pénale, 17è éd., 2000, n° 35 notamment ; S.
GUINCHARD et J. BUISSON, Procédure Pénale Op Cit., n° 390 et
s, avec une orientation nettement européenne.
* 155 Lexique des termes
juridiques, 17è éd., DALLOZ 2010, sous la direction de S.
GUINCHARD, G. MONTAGNIER.
* 156 Partie essentielle des
droits de la défense car implique la liberté pour chaque partie
de faire connaître tout ce qui est nécessaire au succès de
sa défense. Le respect du principe du contradictoire est la condition
indispensable de la liberté de la défense.
* 157 Pacte international des
droits civils et politiques, art. 14 ; Conv. E.D.H, art. 6, § 2
et 3.
* 158 Code de procédure
pénale du Mali de 2001, art. 1er, al. 1.
* 159 Art. 76, al. 6.
* 160 Art 107, al. 3.
* 161 Notamment à
travers la demande de mise en liberté, art. 148 et 150.
* 162 Art 107, al. 1.
* 163 Art 111, al. 2
* 164 « La
procédure pénale doit être équitable, contradictoire
et préserver l'équilibre des droits des parties ».
* 165 Art 96, al. 3.
* 166 Et cette fois
également au témoin.
* 167 Art 6, § 3.
* 168 On a vu dans la
première partie qu'aujourd'hui la personne gardée à vue a
droit à l'assistance d'un avocat dans des conditions plus
réduites, il est vrai.
* 169 En théorie
l'assistance d'un avocat est nécessaire, voir même obligatoire.
Mais en pratique, et surtout au Mali, ce n'est pas toujours le cas car les
avocats commis d'office sont absents dans les procès.
* 170 En 1971 celle
d'avoué près le tribunal de grande instance,
d'agréé près le tribunal de commerce, et en 1991 celle de
conseil juridique.
* 171 Règles
régissant par exemple, la garde à vue ou interdisant l'obtention
de preuves, ou encore imposant au juge de motiver sa décision.
* 172 Art. 110, al. 1 et 2 du
C.P.P malien ; Art. 114, al. 2 du C.P.P français dont le
délai est de Cinq jours ouvrables avant l'interrogatoire.
* 173 Crim., 30 Septembre
1908, B.C., n° 543.
* 174 Art. 110, al. 3 du C.P.P
malien.
* 175 Le témoignage ou
l'aveu étaient-ils sincères ?
* 176 La perquisition a-t-elle
été opérée conformément aux règles
légales ?
* 177 J. PRADEL,
Procédure Pénale, Op Cit., p. 170.
* 178 Art. 108, al. 1 du C.P.P
malien.
* 179 « La
procédure doit être mise à la disposition du conseil de
l'inculpé deux jours ouvrables avant chaque interrogatoire ou
confrontation ».
* 180 Art. 110, al. 6 du C.P.P
malien.
* 181 Crim., 24 Octobre 1991,
D., 1992, Somm. 323, Obs. J. PRADEL.
* 182 Crim., 26 Juin 1995,
B.C., n° 235.
* 183 Par
l'intermédiaire de son greffier.
* 184 Art. 113, al.
1er du C.P.P.
* 185 Les parties peuvent
également exercer des voies de recours contre une partie de la
procédure. Ces voies de recours sont ordinaires (Opposition,
Appel) ou extraordinaire (Tierce opposition, Recours en révision,
Pourvoi en cassation).
* 186 Art. 1er du
C.P.P malien et français : « La procédure
pénale doit être équitable, contradictoire et
préserver l'équilibre des droits des parties ».
* 187 Le contradictoire est un
principe selon lequel « on sait intuitivement qu'une procédure
doit permettre à l'individu dont les intérêts sont
menacés par le jugement qui va en résulter, de présenter
ses observations en défense ». J.PRADEL, Procédure
Pénale, Op Cit., p. 323 et s.
* 188 Ou
Audi alteram
partem, qui signifie « que soit entendue aussi l'autre
partie ».
* 189 L'art. 6-1 de la C.E.D.H
en est l'exemple.
* 190Les
expertises sont
ainsi contradictoires en principe.
* 191Ex. le débat
devant le juge des libertés et de la détention ou le juge
d'instruction précédant l'éventuelle mise en
détention provisoire.
* 192 Par exemple, renvoi
à une autre audience, ou une décision de jonction de
procédures.
* 193 Par exemple, le
référé-rétractation.
* 194 Art. 8, al. 4 du C.P.P
du Mali ; et Art. 6, al. 3 du C.P.P de la France.
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