La lutte contre la criminalité financière au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Arsène Gérard ESSONO EDOU Université de Yaoundé II - Diplôme dà¢â‚¬â„¢Etudes Approfondies 2012 |
2°) La définition d'un programme de lutte contre la criminalité financière tenant compte des réalités socioéconomiques camerounaisesLa nécessité de la définition d'un programme de lutte contre la criminalité financière n'est pas un impératif nouveau. En effet, le gouvernement camerounais envisage souvent cette méthode, afin de procéder à l'éradication d'un phénomène antisocial. C'est aussi le cas de la Commission nationale anti corruption, qui, dans son Document de Stratégie nationale pour la croissance et l'emploi, dresse le plan d'actions à réaliser dans le cadre de la lutte contre la corruption par secteur et par pilier d'intégrité. Cette exigence a aussi été formulée par le Syndicat de la magistrature ATTAC116(*), qui propose, particulièrement pour le cas de la lutte pour l'éradication des paradis fiscaux, d'envisager une lutte par étapes, à plusieurs niveaux, mais sans perdre de vue que le but final ne peut être que l'éradication des paradis fiscaux. Aussi propose-t-il de : - Définir la notion d'entité juridique fictive, qui permet aux paradis fiscaux d'exercer en toute impunité leur action ; - Ordonner la nullité d'ordre public des rapports juridiques avec les paradis fiscaux ; - Geler les avoir en provenance de ces entités. De même que le groupe ATTAC, nous avons envisagé une lutte contre la criminalité financière, qui suivrait cinq étapes, permettant chacune soit la prévention, soit la répression de la criminalité financière. Ce programme pourrait se dérouler selon le processus suivant : - Amélioration de la prévention des crimes financiers Il s'agit ici de mettre en place un système de prévention suffisamment efficace contre la criminalité financière. A ce niveau, l'on retrouve par exemple la nécessité de la déclaration préalable des biens au moment de l'occupation d'une fonction de gestion des fonds publics. Il sera question pour les autorités camerounaises de mettre l'accent sur des mesures extrêmement dissuasives, dont le but sera de persuader les criminels financiers d'éviter à l'avenir d'avoir l'intention de commettre ce type de crimes. Il faudrait pour cela accentuer le contrôle sur tout gestionnaire de fonds, afin de l'amener à comprendre la nécessité de les utiliser pour l'usage auquel ils étaient destinés. - Amélioration de la détection des crimes financiers Il sera question à ce niveau de mettre l'accent sur des mesures qui permettent de se rendre rapidement compte de la commission des infractions financières. Il faudrait pour cela un processus de détection poussé, comme la déclaration de soupçon de l'ANIF, qui permettrait d'appréhender rapidement les criminels financiers, avant qu'ils n'aient pu véritablement jouir du fruit de leur crime, ou alors avant qu'ils n'aient pu soustraire les fonds détournés à la compétence de la justice camerounaise. Pour cela, il est nécessaire d'avoir un système de détection des crimes financiers assez élaboré. - Meilleure organisation de la répression Une bonne répression des criminels est assez dissuasive pour freiner l'avancée de la criminalité. Pour cela, il est nécessaire que des mesures rudes soient prises à l'encontre des criminels financiers. Ces mesures devraient, pour une bonne répression, être plus économiques que restrictives de liberté. Elles doivent aussi être rendues publiques, et ainsi le rôle des médias apparait bien évidemment, dans la couverture des procès intentés contre les prétendus criminels financiers. Ainsi, l'Etat camerounais pourrait rentrer en possession de fonds distraits illicitement par des délinquants. Pour cela, une véritable coopération policière internationale est indispensable, en appliquant les dispositions des différentes conventions étudiées. La répression de la criminalité financière doit donc mieux s'organiser, afin de répondre surtout aux attentes des populations, qui ont besoin d'exemples de répression pour avoir une confiance plus accrue en l'ordre juridique interne. - Assistance aux victimes de la criminalité financière Souvent négligée dans la lutte contre la criminalité, l'assistance aux victimes est pourtant fondamentale lorsque l'on voudrait mettre fin à la criminalité. En effet, il ne faudrait pas oublier que les victimes d'actes malveillants sont les personnes les plus à même de dénoncer les abus qu'elles subissent. Si celles-ci ne se sentent pas protégées et suffisamment assistées, elles ne seront pas motivées à dénoncer les personnes qui leur ont causé du tort. Au contraire, cela pourrait entrainer la naissance de nouveaux criminels, motivés par le désir de se venger d'un système défaillant. Cette exigence a très tôt été comprise par la CONAC, qui a mis à la disposition des victimes d'actes de corruption tout un système d'assistance. Mais cette assistance, qui commence à être effective en ce qui concerne la lutte contre la corruption, pourrait être aussi copiée pour la lutte contre les autres infractions financières. - Education des mentalités On l'a vu, l'une des raisons qui font en sorte que la lutte contre la criminalité financière tarde à porter rapidement des fruits, est le fait qu'elle semble ancrée dans les mentalités des camerounais. Aussi est-il nécessaire, pour espérer une lutte efficace contre ce phénomène, de procéder à une sensibilisation accrue des populations sur les méfaits de la criminalité financière, comment l'éviter et comment la combattre. Cela est obligatoire, car on saurait difficilement espérer réussir si les mentalités de ceux qui sont sensés arrêter de commettre des crimes financiers n'ont subi aucun changement. Dans le cadre de l'éducation des mentalités, il est urgent de procéder à une réforme du système éducatif. En effet, l'on constate que certaines disciplines telles que la morale, qui doivent faire des jeunes élèves des citoyens modèles, ont tendance à disparaître des programmes scolaires. Au contraire, il est plus qu'urgent aujourd'hui d'insérer dans les programmes éducatifs des disciplines dont l'objet est de former le citoyen, de l'amener à éviter la délinquance et plutôt à la combattre. En procédant à une bonne formation des mentalités des élèves, l'on aura gagné le pari d'avoir des citoyens camerounais prêts à faire face à la criminalité financière. Ainsi donc, à travers l'élaboration et le suivi d'un programme suffisamment élaboré de lutte contre la criminalité financière, le Cameroun pourrait espérer voir régresser ce type de criminalité, et peut-être même pourra y mettre fin. Mais, la criminalité financière n'étant pas qu'un phénomène national, il est nécessaire qu'il y'ait une implication active de la communauté internationale dans la lutte contre ce type de criminalité, afin de voir les répercussions de cette lutte internationale sur la scène camerounaise. Paragraphe 2 : L'IMPLICATION ACTIVE DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALELa lutte contre la criminalité financière est un impératif international. C'est pourquoi, afin de voir ce type de criminalité régresser au niveau national, il est nécessaire qu'il connaisse déjà une baisse sur la scène internationale. Aussi la communauté internationale doit-elle envisager certaines mesures non juridictionnelles de lutte contre ce type de criminalité. Nous en avons recensé principalement deux, la position du principe d'extraterritorialité de la loi pénale pour les atteintes les plus graves au Droit international en ce qui concerne les crimes financiers(A), et la mise en place d'actes plus pratiques que théoriques en matière de lutte contre la criminalité financière(B). * 116 Syndicat de la Magistrature ATTAC, op. cit., p.121 |
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