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La lutte contre la criminalité financière au Cameroun

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par Arsène Gérard ESSONO EDOU
Université de Yaoundé II - Diplôme dà¢â‚¬â„¢Etudes Approfondies 2012
  

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B- L'admission d'une responsabilité pénale des personnes morales

En matière répressive, la personne contre qui une peine est prononcée est en principe celle à qui profite la commission de l'infraction. Cette mesure équitable vise la préservation de l'intérêt général. En effet, l'infraction est un acte matériel toujours réalisé dans le but de tirer un quelconque intérêt, qu'il soit matériel, moral, émotionnel ou de toute autre nature. En matière de criminalité financière particulièrement, l'avantage retiré de la commission de l'infraction se compte le plus souvent en termes d'argent, de profit retiré par l'auteur de l'infraction.

Plusieurs infractions financières telles que les infractions d'affaires, l'émission de chèque sans provision, loin de profiter à la personne physique qui est le plus souvent poursuivie pour leur commission, profitent au contraire à la personne morale pour le compte de laquelle l'infraction a été commise. Or, dans l'engagement des poursuites pénales, en vertu du principe de l'irresponsabilité pénale des personnes morales, il devient difficile de poursuivre une société pour une infraction commise dans son intérêt. La victime ou l'Etat se retourneront alors contre des personnes physiques représentant la société, celles-ci devront répondre des engagements de toute une personne morale, et éventuellement subir des conséquences sur leur patrimoine. Ce qui semble créer une certaine injustice, lorsqu'on pense qu'il est possible que la personne morale à qui la commission de l'infraction a profité continue d'exercer son activité sans subir de sanction d'aucune sorte.

Afin d'instaurer un système beaucoup plus juste et équitable, il est nécessaire de procéder à une atténuation, voire même à une révision du principe de l'irresponsabilité pénale des personnes morales. En effet, selon ce principe, il est impossible d'attraire une personne morale en justice pour une affaire relevant du domaine pénal. Or, entité existant juridiquement, la personne morale commet aussi des infractions pénales à travers ses représentants. Ceux-ci le faisant dans l'intérêt de leurs mandants, la responsabilité de ces derniers devrait pouvoir être engagée à travers celle de l'entité juridique qui les englobe tous. Cela reviendrait en quelque sorte à reconnaître une certaine responsabilité pénale aux personnes morales.

Dans le but d'insérer cette mesure dans l'ordre pénal interne, le Cameroun pourrait, à l'instar du Luxembourg, reconnaître de manière véritable une responsabilité pénale aux personnes morales, ceci dans le but de faciliter la réparation des préjudices subits par les victimes desdites sociétés. C'est ainsi que le Luxembourg a, par sa loi N°3611 du 03 Mars 2010, introduit la reconnaissance d'une responsabilité pénale des personnes morales. Cette loi stipule en effet, dans son article 1er alinéa 5110(*), que :« Lorsqu'un crime ou un délit est commis au nom et dans l'intérêt d'une personne morale par un de ses organes légaux ou par un ou plusieurs de ses dirigeants de droit ou de fait, la personne morale peut être déclarée pénalement responsable et encourir les peines prévues par les articles 35 à 38.

La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes infractions.

Les alinéas précédents ne sont pas applicables à l'Etat et aux communes. »

Ainsi donc, la reconnaissance de la personnalité pénale d'une personne morale tiendrait à trois conditions obligatoirement cumulées, portant sur la nature de l'infraction, la personne même de l'auteur de l'infraction et la personne bénéficiaire de cette commission :

S'agissant de la nature de l'infraction, la loi luxembourgeoise prévoit l'application de cette mesure pour les infractions qualifiées crimes ou délits par la loi. Cela pourrait s'expliquer par le fait que la loi, consciente du fait que la reconnaissance d'une responsabilité pénale aux personnes morales est une mesure exceptionnelle, ne voudrait pas l'étendre aux contraventions, souvent jugées comme étant des infractions mineures. La mesure exceptionnelle ne saurait donc être étendue aux circonstances d'une gravité moindre, ne nécessitant pas forcément l'institution d'une mesure particulière.

Pour ce qui est de la personne qui a commis l'infraction, la loi luxembourgeoise dispose que la responsabilité de la personne morale est retenue lorsque l'infraction est commise par « un de ses organes légaux ou par un ou plusieurs de ses dirigeants de droit ou de fait ». Cette disposition appelle nécessairement certaines observations : d'abord, l'on constate que la personne qui commet l'infraction doit avoir un rattachement avec la personne morale. Il s'agit soit d'un lien de rattachement prévu par la loi (organe légal de la personne morale ou dirigeant légal), soit d'un lien de rattachement de fait (dirigeant de fait, reconnu comme ayant le pouvoir de parler et agir au nom de la personne morale). De plus, la personne ayant commis l'infraction doit avoir la possibilité d'accomplir des actes qui engagent l'entreprise par exemple. L'on voit ici l'exclusion de la responsabilité pénale de la personne morale lorsque l'infraction est commise par un simple employé de la société, n'ayant ni le droit, ni le pouvoir de poser des actes engageant la personne morale. Enfin, et c'est peut-être la remarque la plus importante, la loi luxembourgeoise admet que les actes engageant la responsabilité de la personne morale peuvent avoir été commis aussi bien par une personne physique que par une autre personne morale. Cela pourrait s'expliquer par la nécessité pour une personne morale de veiller au respect de la loi par les autres personnes dont elle répond. Par organe légal de la personne morale, on pourrait voir ses filiales, des dépôts, etc.

Enfin, la troisième condition posée par la loi luxembourgeoise confirme l'application de la maxime latine « isfecitcuiprodest »111(*). Il s'agit ici de l'intérêt que doit nécessairement tirer la personne morale dans l'infraction commise. Vu que c'est elle qui tire profit du crime commis, il apparait normal de la punir pour avoir bénéficié de la commission d'une infraction. Il est donc nécessaire, pour engager des poursuites contre une personne morale, de prouver l'intérêt qu'elle retire dans l'infraction commise. En l'absence de cet intérêt, l'on risquerait de poursuivre une personne morale pour tous les actes de la vie courante posés par ses dirigeants, même ceux n'ayant aucun rapport avec l'entreprise. Toutefois, la responsabilité pénale des personnes morales, selon la loi luxembourgeoise, n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs des infractions.

S'agissant des peines encourues, la loi Luxembourgeoise en prévoit quatre qui sont :

« 1) l'amende, dans les conditions et suivant les modalités prévues par l'article 36;

2) la confiscation spéciale;

3) l'exclusion de la participation à des marchés publics;

4) la dissolution, dans les conditions et suivant les modalités prévues par l'article 38. »

On remarquera ici l'absence de la peine privative de liberté qui est la plus encourue pour les personnes physiques, en raison de la difficulté évidente de mettre en prison une personne morale. Néanmoins, l'on note le souci, qui a été celui des autorités luxembourgeoises, de permettre l'application de sanctions pénales à un style particulier d'auteurs d'infractions, qui jusque là échappaient impunément à la justice.

A l'exemple du Luxembourg, le Cameroun pourrait aménager, au sein de son ordre juridique pénal, la reconnaissance d'une responsabilité pénale aux personnes morales. Les conditions de mise en oeuvre de telles dispositions, loin d'être difficiles, pourraient simplement être effectuées sur le modèle luxembourgeois, qui nous parait remplir des conditions d'une bonne mise en oeuvre des poursuites pénales. Lorsque les trois conditions énumérées plus haut seront réunies, le Ministère public pourra engager des poursuites contre les personnes morales responsables d'actes délictueux. Cela pourra beaucoup plus permettre une meilleure indemnisation des victimes, ainsi qu'une juste application du Droit.

La reconnaissance d'une responsabilité pénale aux personnes morales, non seulement aurait pour avantage de permettre l'engagement des poursuites contre elles, mais aussi serait hautement bénéfique pour les organes judiciaires chargés de la mise en oeuvre des poursuites pénales. En effet, en permettant de poursuivre des personnes morales qui se seraient rendues coupables de crimes financiers, l'Etat camerounais contribuerait ainsi à accélérer et améliorer le processus de poursuite et de sanction des criminels financiers. En admettant qu'il est possible qu'une personne morale soit poursuivie pour le crime commis, on donne la latitude au Ministère public d'engager des poursuites contre des personnes à qui profitent des crimes mais qui jusque là sont protégées par la loi. Enlever cette protection, c'est permettre qu'un plus grand nombre de sanctions soient appliquées contre un nouveau type de criminels.

Cependant, il faut noter ici que, à travaers l'introduction dans son ordre juridique interne du Règlement N°01/03/CEMAC/UMAC/CM du 04 Avril 2003 portant prévention et répression du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme en Afrique Centrale, le Cameroun a procédé à la reconnaissance de cette responsabilité pénale en ce qui concerne les infractions concernées. En effet, ledit règlement prévoit la mise en cause de la responsabilité des personnes morales concernées dans l'oeuvre de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. Il devient donc possible, sur la base dudit Règlement, d'attraire en justice une personne morale soupçonnée de coaction ou de complicité dans la commission de l'une de ces infractions.

De plus, il convient de signaler la volonté remarquable des autorités camerounaises d'améliorer dans ce sens l'environnement juridique du pays, à travers le projet de révision du Code pénal camerounais. En effet, ledit texte prévoit, dans ses articles 100-1 à 100-5, diverses dispositions admettant explicitement une reconnaissance de la responsabilité pénale des personnes morales au Cameroun. De plus, afin de permettre une bonne mise en oeuvre de cette responsabilité, le Projet camerounais de Code pénal révisé prévoit, dans ses articles 18 à 20, des peines applicables aux personnes morales. Cela permet une meilleure mise en oeuvre de cette responsabilité et une bonne application de ces innovations, les personnes morales ne pouvant en principe subir exactement toutes les peines applicables aux personnes physiques.

Au-delà des actions à mettre en oeuvre par les autorités camerounaises pour lutter contre la criminalité financière, il est nécessaire d'harmoniser les actions judiciaires internationales afin de permettre une lutte efficace contre la criminalité financière.

Paragraphe II : L'HARMONISATION JUDICIAIRE INTERNATIONALE EN MATIERE DE LUTTE CONTRE LA CRIMINALITE FINANCIERE

Plusieurs actions, on l'a vu, doivent être menées sur le plan interne, afin de tendre vers l'éradication au Cameroun de la criminalité financière. Cependant, ce processus ne saurait être complet si ce type de criminalité demeurait dans d'autres pays, avec la possibilité continuelle de connaître une importation au Cameroun. C'est donc pour cela que, afin non seulement de protéger son ordre juridique interne mais aussi d'assurer une meilleure protection de ses intérêts et de ceux de ses ressortissants, le Cameroun se doit de coopérer activement avec d'autres Etats dans le processus de lutte contre la criminalité financière. C'est ainsi qu'il pourrait par exemple contribuer à la création d'une juridiction internationale spécialisée dans la lutte contre la criminalité financière.

Face aux effets néfastes de la criminalité financière dans la vie de toutes les Nations, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer les limites des juridictions nationales et proposer la création d'une juridiction internationale spécialisée dans la répression de ce type de criminalité. Aussi, avant de procéder à l'étude des infractions financières pouvant ressortir à la compétence d'une juridiction internationale, il faudrait d'abord voir quelles raisons pourraient motiver la création d'un tel système judiciaire.

* 110modifiant le Chapitre II-1 du Livre Ier du Code pénal luxembourgeois, particulièrement les articles 34 à 40 dudit Code

* 111 A commis (le crime) celui à qui il profite

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand