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La lutte contre la criminalité financière au Cameroun

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par Arsène Gérard ESSONO EDOU
Université de Yaoundé II - Diplôme dà¢â‚¬â„¢Etudes Approfondies 2012
  

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INTRODUCTION GENERALE

« Vous savez mieux que moi, quels que soient nos efforts, que l'argent est la clef de tous les grands ressorts, et que ce doux métal qui frappe tant de têtes, en amour comme en guerre, avance les conquêtes»

MOLIERE, L'école des femmes, Acte I, Scène 4

« Ne t'appuies pas sur des richesses injustement acquises, elles ne te serviront de rien au jour de la détresse »

SIRACIDE 5 :8

Le développement du capitalisme et l'érection de l'argent au seuil de seul moyen pour s'en sortir et se faire respecter dans la vie ont amené les individus à rechercher de manière de plus en plus ardue les moyens pour obtenir plus d'argent, beaucoup plus, encore plus. De plus, les différentes crises économiques qu'a connues le monde au cours du 20e et du début du 21e siècle ont renforcé dans l'imaginaire populaire ce désir de rechercher de l'argent, par quelque moyen que ce soit. Ces crises économiques ont entrainé la nécessité de protéger certaines activités économiques et commerciales, surtout privées, l'organisation des marchés et la création des comités de surveillance des prix. Cependant, alors que les activités économiques connaissaient un réel essor sur la scène internationale et que leurs mesures de protection se renforçaient, un nouveau type de criminalité s'est organisé autour des activités génératrices de revenus, et connait chaque jour une évolution de plus en plus sophistiquée.

Sur la scène internationale, l'actualité juridique et judiciaire est de plus en plus marquée par de grands scandales financiers, tels l'affaire Enron1(*) qui a défrayé la chronique aux Etats-Unis dans les années 80. Les scandales financiers se multiplient de plus en plus, au fil de l'évolution des économies nationales, mettant à jour un nouveau type de criminalité, appelé criminalité financière. Cela entraine l'organisation de colloques et conférences internationales, afin de sensibiliser les Nations et d'harmoniser la lutte contre ces nouvelles formes de criminalité.

Au Cameroun, face à la situation économique du pays, rendue encore plus difficile par la crise économique des années 90, le gouvernement a dû prendre des mesures permettant de limiter au maximum la sortie frauduleuse du pays, de capitaux de toutes natures. C'est dans ce contexte que se situe la lutte contre la criminalité financière dans ce pays dont l'actualité judiciaire nationale a été marquée ces derniers temps par une médiatisation forte des procès engagés par l'Etat contre les criminels financiers. Afin de nous permettre de comprendre la lutte engagée par les autorités camerounaises, il s'avérait intéressant d'étudier le système camerounais de lutte contre la criminalité financière.

Pour comprendre le sens de la criminalité financière, il faut au préalable procéder à une délimitation du sujet. Ainsi donc, l'étude de la répression de la criminalité financière s'inscrit dans le cadre plus vaste du Droit pénal des affaires, qui désigne« la branche du droit ayant pour objet la prévention et la répression des infractions »2(*) touchant à la réglementation de la vie économique. La criminalité financière est donc un type de criminalité, dont la particularité est de s'exercer essentiellement dans le cadre des diverses composantes de la vie économique.

Pour mieux comprendre la criminalité financière, il est nécessaire de la distinguer de notions voisines telle la criminalité en col blanc. Cette dernière désigne, selon Geneviève GIUDICELLI-DELAGE, « l'acte d'une personne d'un statut socio-économique élevé, respectable et respectée, qui viole une règle, légale ou pas, relative à ses activités professionnelles, cet acte consistant en l'exploitation de la confiance et de la crédulité des autres et étant réalisé de manière ingénieuse excluant presque sa découverte. »3(*) Ainsi donc, alors que la criminalité financière désigne un type de criminalité s'exerçant dans un domaine déterminé et pouvant être commis par tout le monde, celle en col blanc fait plus référence à un type de criminalité commis par une catégorie de personnes.

Selon ce même auteur, la criminalité financière présente certaines caractéristiques principales qui en font un type de criminalité à part entière, parmi lesquelles on pourrait citer :

- Une représentation forte des dirigeants des sociétés commerciales les plus fragiles ;

- Une répartition différente des cas de commission des infractions selon les classes sociales, par rapport à la criminalité en général ;

- Une forte représentation de la petite bourgeoisie et des dirigeants d'entreprises ;

- Une sous représentation des ouvriers, employés et des marginaux.4(*)

Parler de la lutte contre un type de criminalité entraine l'étude de la prévention et de la répression de cette criminalité. Considérée comme étant« l'action de réprimer incluant l'incrimination des faits délictueux, la poursuite de leurs auteurs et l'infliction des peines. »5(*), la répression se distingue de la prévention, qui est « l'ensemble de mesures et institutions destinées à empêcher - ou au moins à limiter - l'accomplissement d'actes nuisibles, en s'efforçant d'en supprimer les causes et les moyens. 6(*)»La criminalité financière en revanche« s'entend de toutes les infractions qui violent les normes légales faites par l'Etat pour réglementer la vie des affaires. »7(*) Elle désigne aussi « les activités financières illégales, échappant aux lois des différents pays. »8(*) On peut enfin l'appréhender comme étant l' « ensemble des agissements antisociaux punis de peines criminelles » et ayant trait « aux capitaux, à leur gestion, aux activités et opérations qui s'y rapportent, spécialement aux mouvements et placements de fonds. »9(*)Notre devoir s'attellera donc à faire l'étude du système mis en place au Cameroun afin de poursuivre et sanctionner les auteurs d'actes antisociaux dirigés contre la fortune privée ou publique.

Pour arriver à élaborer notre travail de recherche, nous nous sommes servis de plusieurs éléments bibliographiques, dont chacun a eu à jouer un rôle déterminant dans l'évolution de ce travail. Afin de réussir à délimiter notre sujet, plusieurs ouvrages généraux ont été mis à contribution, tels le Traité de Droit Criminel, Tome 1 : problèmes généraux de la science criminelle10(*), éd. CUJAS de Messieurs Roger MERLE et VITU, ou encore l'ouvrage de Droit pénal général11(*), éd. CUJAS de Jean PRADEL. Ces ouvrages ont permis de mieux aborder des notions générales de Droit pénal telles que la peine, la sanction, l'infraction, ou encore des principes comme celui de l'irresponsabilité pénale des personnes morales. Parmi ces ouvrages généraux, nous ne saurions manquer de signaler le rôle du traité Des délits et des peines12(*) du marquis Cesare BECCARIA, qui nous a permis d'avoir un autre regard sur le principe de la légalité criminelle Cet ouvrage, bien que n'étant pas très souvent cité et qui est présenté comme étant l'avènement du principe de légalité criminelle, nous a particulièrement enseigné sur l'utilité de certaines peines, la nécessité de faire connaître les comportements qualifiés de criminels avant d'en punir les auteurs.

A côté de ces ouvrages généraux, d'autres, plus spécifiques au domaine étudié, telle la publication du Syndicat de la Magistrature ATTAC, En finir avec la criminalité économique et financière13(*), ou encore l'article du Professeur NCHIMI MEBU Jeanne, « la problématique répression de la corruption en Droit camerounais »14(*), nous ont aidé à proposer une étude complète et détaillée de la criminalité financière. Ils nous ont aussi permis de mieux comprendre les problèmes posés par cette criminalité et d'en proposer des solutions adéquates.

Notre travail portant essentiellement sur l'analyse d'un corpus juris, il était nécessaire, voire obligatoire de nous appuyer sur l'ensemble de textes juridiques réglementant la lutte contre la criminalité financière. Cela a été fait, à travers une étude de textes nationaux tels le Code pénal camerounais et la Loi N°2003/008 du 10 juillet 2003 portant prévention et répression des infractions contenues dans les Actes uniformes OHADA.Ces différents textes ont été utiles dans la définition apportée aux infractions financières par les autorités nationales, ainsi que dans la présentation du système mis en place pour les sanctionner.

La répression de la criminalité financière telle qu'elle est organisée au Cameroun subissant l'influence des mesures internationales, nous n'aurions pas pu travailler sans situer notre devoir dans un cadre international, avec les textes tels la Convention des Nations Unies du 31 Octobre 2003 contre la corruption, qui élabore un cadre international de coopération en matière de lutte contre la corruption.

Au-delà de tous ces ouvrages et textes, nous avons aussi bénéficié de l'aide de la documentation de l'Université de Yaoundé II, avec diverses thèses et mémoires, telles la thèse du Docteur Simon Pierre MFOMO sur la lutte contre la corruption au Cameroun15(*). Celle-ci propose des améliorations possibles, permettant d'avoir une lutte efficiente contre l'infraction de corruption au Cameroun. Enfin, à travers l'outil internet, il nous a été facile de visiter des sites qui nous ont proposé plusieurs articles intéressant notre sujet, ainsi que d'autres informations. Le résultat de tout ce travail de recherche a conduit à la rédaction de ce mémoire de fin d'études.

L'exploitation des documents et ouvrages suscités nous a conduits à nous poser la question de savoir : comment est organisée la lutte contre la criminalité financière au Cameroun ? Quels sont les moyens mis en oeuvre par les autorités camerounaises pour y parvenir ?

Pour apporter des réponses à ces questions, notre hypothèse de recherche était la suivante : le système de lutte contre la criminalité financière mis en place par les autorités camerounaises porte des fruits mais gagnerait à être amélioré, afin de répondre de manière optimale aux attentes qui sont placées en lui. Afin de confirmer cette hypothèse générale, nous sommes partis des deux hypothèses secondaires suivantes : Le système de répression de la criminalité financière tel qu'il se présente au Cameroun a des résultats positifs, et le système de répression de la criminalité financière applicable au Cameroun connait des difficultés auxquelles il est possible de pallier. Notre première hypothèse secondaire a été vérifiée partiellement et la deuxième a été confirmée, ce qui nous a permis de démontrer que le système de lutte contre la criminalité financière mis en place par le Cameroun apporte certes de bons résultats, mais rencontre des difficultés auxquelles il est possible de pallier.

Dans notre tentative de confirmer nos hypothèses de recherche, l'objectif escompté était de produire un ouvrage permettant d'appréhender entièrement les institutions camerounaises en matière de lutte contre la criminalité financière, et d'apporter une réponse aux questions pouvant être posées sur l'efficacitédu système camerounaisface aux attentes placées en lui.

Par ailleurs, l'on ne saurait nier l'intérêt certain d'une étude de la répression de la criminalité financière au Cameroun. En effet, d'abord, sur le plan juridique, cette étude permet de comprendre et maîtriser une organisation juridictionnelle et judiciaire, mise en place afin de faire face à un nouveau type de criminalité. Aussi, sur le plan économique, notre étude permet de s'interroger sur les moyens possibles de mettre fin à une situation qui porte gravement atteinte à la vie économique de l'Etat camerounais.

Il est cependant utile de préciser que, pour ce qui est de notre sujet, nous nous sommes contentés d'examiner le cadre camerounais de répression de ce type de criminalité, sans chercher à aller au-delà de ces limites spatiales, sauf lorsque le législateur camerounais fera recours à l'ordre juridique international. De plus, dans l'étude du cadre camerounais de lutte contre la criminalité financière, nous nous sommes limités aux initiatives étatiques, sans envisager les différentes actions privées concourant à la lutte contre la criminalité financière au Cameroun.

Pour ce faire, nous avons adopté une démarche analytique, à travers laquelle nous avons procédé à l'analyse du système juridique camerounais, pour le comprendre et nous permettre de nous interroger de manière adéquate sur son efficacité.

Cette démarche analytique nous a amené à voir qu'avant d'entamer un questionnement sur la réussite ou l'amélioration possible du système de lutte de la criminalité financière au Cameroun (IIe Partie), il était nécessaire d'en faire une présentation détaillée (Ière Partie).

* 1 Fondée en 1985 par Kenneth Lay, la société Enron, devenue en terme de capitalisation boursière la 7e entreprise américaine, était encensée par la presse et les analystes financiers comme étant un nouveau modèle d'entreprise. Cependant, en fait de modèle économique, l'entreprise gonflait artificiellement ses profits tout en masquant ses déficits en utilisant une multitude de sociétés écrans et en falsifiant ses comptes, afin d'augmenter la valeur boursière de l'entreprise. Enron a aussi pleinement profité de la dérèglementation de l'énergie en Californie, exploitant à fond chacune des failles, versant des pots de vin aux membres du gouvernement pour limiter leur droit de regard et supprimer les règlements, et n'hésitant pas à recourir aux arrêts intempestifs pour faire grimper le prix du kilowatt/heure. L'éclatement de la bulle a précipité non seulement l'entreprise Enron mais aussi le cabinet d'audit Arthur Andersen, complice, qui a détruit plus d'une tonne de documents compromettants. 200 000 personnes perdirent leur emploi et plusieurs centaines de millions de dollars constituant l'essentiel de fonds de pension, dont la retraite de milliers d'américains, partirent en fumée.

* 2 Vocabulaire Juridique, Association Henri Capitant, 8e édition, Juin 2009, p.673

* 3 GIUDICELLI-DELAGE (G), Droit pénal des affaires, Dalloz 1989, p. 1-2

* 4 G. GIGUDICELLI DELAGE, op. cit. p. 5

* 5 Vocabulaire juridique, p. 811

* 6 Ibid., p. 717

* 7 XIIIe Congrès de l'Association Internationale de Droit Pénal, 1984

* 8 DE MAILLARD (J), Criminalité financière, www.wikipedia.com

* 9 Op. cit. 2

* 10MERLE (R) et VITU : Traité de droit criminel Tome 1 : problèmes généraux de la science criminelle, Droit Pénal Général ; CUJAS, 6ème Edition, 1988

* 11PRADEL (J) : Droit pénal Général ; CUJAS, 2001/2002

* 12BECCARIA (C) : Des délits et des peines ; GF Flammarion, 1991

* 13Syndicat de la Magistrature ATTAC, En finir avec la criminalité économique et financière, Ed. Mille et Une Nuits, Novembre 2002

* 14NCHIMI MEBU (J. C.), La problématique répression de la corruption en droit camerounais, RASJ, Vol. 4, N°1, 2007, pp. 79-93

* 15MFOMO (S.-P.) : Lutte contre la corruption au Cameroun (1990-2006) : contribution à l'étude de l'élaboration et de la mise en oeuvre d'une politique publique ; Thèse de doctorat en Sciences Politiques, Université de Yaoundé II, 2005-2006

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo