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La fiscalité du commerce électronique

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par Maurice Didier MOTTO
Université Gaston Berger - Master II (pro) Droit du cyberespace africain 2009
  

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Paragraphe 2 : Difficultés liées à la taxation des revenus

Les principes généraux dégagés en matière de taxation des revenus des activités transnationales semblent être inadaptés au commerce électronique. Tel est le cas en matière d'établissement stable (A). Quels concepts semblent dans ce cas appropriés (B) ?

A) Réinterprétation du concept d'établissement stable.

Comme les autres principes, le concept d'établissement stable renvoie à des indicateurs de nature tangible que l'espace « virtuel » rend obsolètes.

Ce concept qui a été défini avant l'apparition du commerce électronique (les principes datent de 1963) doit être reprécisé dans le contexte de circuits commerciaux faisant intervenir des serveurs informatiques, des sites web ou d'autres systèmes éventuellement télécommandés.

Se pose notamment la question de savoir si un site web ou un serveur peuvent constituer un établissement stable. Cette question est fondamentale : si un site web ou un serveur constituent un établissement stable, les entreprises camerounaises, par exemple, auraient tout intérêt à localiser leur système informatique d'E-Commerce dans un Etat à fiscalité avantageuse, ce qui est techniquement très facile et nettement moins couteux qu'une délocalisation d'activité traditionnelle. S'ils ne constituent pas un établissement stable, une

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entreprise d'E-Commerce établie dans un paradis fiscal peut, par exemple, effectuer des opérations commerciales à destination des consommateurs Camerounais et même installer son système informatique d'E-Commerce au Cameroun sans que les bénéfices qui en découlent n'y soient imposables16.

Le comité des affaires fiscales de l'OCDE a, en Décembre 2000, précisé l'interprétation à donner à la définition de l'établissement stable dans le contexte du E-Commerce en définissant les principes suivants :

- Un site web (Software et Data), du fait de son caractère intangible, ne peut pas en lui-même constituer un établissement stable ;

- Une entreprise de service Internet (Access Provider, hébergeur, etc.) ne peut généralement pas constituer un agent dépendant d'une autre entreprise et ne peut donc pas être considérée comme un établissement stable de cette dernière ;

- Un serveur (Hardware) qui héberge un site web de commerce électronique ne peut, à ce seul tire, être considéré comme un établissement stable de l'entreprise qui exerce des activités par l'intermédiaire de ce site web car le fait de stocker le logiciel et les données requises pour le site web n'ont généralement pas pour effet de mettre le serveur et son emplacement à la disposition de l'entreprise ;

- Aucun établissement stable ne peut être réputé exister lorsqu'il concerne des activités considérées comme auxiliaires ou préparatoires telles que : assurer un lien de communication entre fournisseurs et clients, faire de la publicité, relayer des informations à l'aide d'un serveur miroir, collecter des données sur le marché, fournir des informations, sauf si ces activités constituent une partie essentielle de l'activité commerciale de l'entreprise ;

- Cependant, un serveur sera considéré comme un établissement stable d'une entreprise n'est nécessaire à cet endroit pour l'exploitation de l'équipement, s'il est exploité et détenu par le « cybercommerçant » lui-même et s'il revêt un caractère fixe. Le comité des affaires fiscales précise à ce propos que ce qui importe n'est pas la possibilité de déplacer le serveur, mais le fait de savoir s'il est effectivement déplacé.

16 SAINTRAIN, M : op.cit.P18

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Cette analyse de l'OCDE est critiquable, et ce au moins pour deux motifs. En premier lieu, sur le plan des principes, elle s'inscrit à contre-courant de la directive Européenne sur le commerce électronique, qui prévoit que ne peuvent constituer un « établissement » au sens des articles 52 et suivants du traité de ROME, « la présence et l'utilisation des moyens techniques et des technologies requis pour fournir le service », à savoir par exemple l'hébergement des sites web. Ensuite, l'approche « matérielle » de l'OCDE nous semble dépassé ; car comme s'interroge Mr SAINTRAIN17, « est-il possible économiquement ou juridiquement, de déterminer la part de valeur ajoutée attribuable à un serveur informatique ? Ou alors, peut-on objectiver le lien entre cette formation de valeur ajoutée et le lien où se situe le serveur ? Il poursuit en arguant que, «dans le monde nébuleux, du « cyber-espace », l'activité économique a lieu à un endroit indéterminé, à la fois nulle part et partout »18.

Pour pallier ces difficultés, nous pouvons dire avec Mr Verbiest19 que dans un univers aussi dématérialisé qu'Internet, il conviendrait de consacrer un « équivalent numérique » de l'établissement stable.

En effet, l'Internet est une technique de communication à distance, ce que sont également le téléphone ou le fax, mais avec une caractéristique unique : sa faculté de « vitaliser » tous les types de relations (casinos virtuels, catalogues en ligne, cyber-banques etc.)

Aussi, nous semble t-il conforme au fondement même de la notion d'affirmer que, sur l'Internet, les vrais établissements stables sont les sites de vente en ligne qui sont habilités par des sociétés établies dans un pays donné mais qui « ciblent » des résidents d'un ou plusieurs territoires.

En filigrane, il apparait que l'on devrait faire application du critère de « destination » à « l'établissement stable électronique », critère au demeurant préconisé par certaines organisations internationales notamment en matière de services financiers en ligne ou de marques sur l'Internet. Aussi, lorsqu'un site web cible on dirige ses activités vers un territoire donné, il pourrait être considéré que la société qui l'exploite y a établi un établissement stable... Les conditions d'application du critère devraient bien entendu être précisées,

17 SAINTRAIN, M : ibidem.

18 SAINTRAIN, M : ibidem.

19 Verbiest Thibault, op.cit.

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notamment lorsque le site en question cible une large zone (toute l'Afrique Centrale par exemple).

Il apparait donc clairement que le concept d'établissement stable est difficilement applicable sur Internet, quid de celui de résidence ?

B) Le Principe de taxation à la résidence

La réinterprétation de l'établissement stable ne suffisant pas à définir les principes fiscaux applicables aux revenus des transactions électroniques, il semble, comme l'estime Mr SAINTRAIN, que la réalité du commerce électronique pourrait, par contre, pousser les dispositifs législatifs à généraliser le principe de taxation à la résidence.

En effet, les contribuables, qu'il s'agisse de sociétés ou, in fine, des personnes physiques qui en sont propriétaires, sont nécessairement résidents d'une juridiction fiscale qui peut, normalement, être clairement définie.

Le Département du Trésor Américain, dans son livre blanc de 1996 consacré aux implications fiscales du commerce électronique suggérait une évolution des principes de taxation en ce sens : « The growth of new communication technologies and electronic commerce will likely require that principles of residence-bases taxation assume even greater importance. In the world of cyberspace, it is often difficult, if not possible, to apply traditional source concepts to link an item of income with a specific geographical location. Therefore, source based taxation could lose its rational and be reordered absolute by electronic commerce. By contrast, almost all tax payers are resident somewhere. United States tax policy has already recognized that as traditional principle, lose their significance, residence-based taxation can step in and take their place. This trend will be accelerated by developments in electronic commerce where principles of residence-based taxation will also play a major role».

Le principe de la taxation à résidence semble ainsi être la voie la plus pragmatique pour assurer l'imposition des revenus du commerce électronique, tant en terme d'administration fiscale que de prévention des doubles impositions. Cependant, sa généralisation de heurte à des fortes réticences motivées par des questions d'équité internationale.

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Cette forme de taxation pourrait en effet favoriser les pays comme les Etats Unis, leader mondial de la production des biens numériques. Les autres pays, davantage consommateurs que producteurs dans le contexte de l'E-Commerce en seront réticents, inspirés par la crainte légitime d'un détournement de leurs assiettes imposables.

Au demeurant, l'Espagne et le Portugal par exemple se sont effrayés du fait que le commerce électronique permette la réalisation d'activités par des entreprises non-résidentes sans création d'un établissement stable et ont émis des réserves quant à la réinterprétation du concept d'établissement stable proposé par le comité des affaires fiscales de L'OCDE. Il en découlerait de son implémentation dans les législations que, par exemple, les revenus d'une société Néerlandaise opérant un site web hébergé en Turquie, lequel fournit un service de casino on-line à destination des consommateur Espagnols, seraient taxés, soit aux Pays-Bas (résidence), soit en Turquie (source éventuelle), mais pas en Espagne où pourtant le chiffre d'affaires est réalisé.

Ces craintes sont transposables aux pays Africains ou en développement en général qui accusent un retard technologique et qui sont plus consommateurs que producteurs dans le contexte de l'E-Commerce.

Outre ces problèmes d'équité fiscale internationale, la taxation à résidence pose également des problèmes de cohérence et de neutralité des systèmes fiscaux.

En effet, une généralisation de la taxation à la résidence des seuls revenus du E-Commerce se heurterait aux principes généraux selon lesquels l'Etat de la source a le droit de taxer les revenus produits dans sa juridiction.

Par ailleurs, une taxation uniquement à la résidence des revenus du commerce électronique pourrait entrainer des situations non conformes au principe de neutralité de l'impôt, en ce sens que des activités économiques à finalité identique pourraient être imposées différemment selon qu'elles sont menées par voie électronique ou non20.

L'imposition des revenus en vu de ce qui est précédé, se trouve profondément perturbée par le E-Commerce, qu'en est-il de celle de la consommation ?

20 SAINTRAIN, M : op.cit. P. 21

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CHAPITRE 2 : LA FISCALITE INDIRECTE DU COMMERCE ELECTRONIQUE : L'IMPOSITION DE LA CONSOMMATION

Nous allons adopter la même démarche qu'au chapitre précédent en analysant d'une part, les principes de TVA sur les opérations transfrontalières (Section 1) et d'autre part, leur applicabilité au E-Commerce (Section 2).

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