UNIVERSITE GASTON BERGER DE
SAINT-LOUIS DU SENEGAL
UFR DE SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES
LA FISCALITE DU
COMMERCE ELECTRONIQUE
Mémoire en vue de l'obtention d'un Master
Professionnel II en Droit du Cyberespace
Africain Rédigé et présenté
par . ·
M. MOTTO Maurice Didier Sous la
Direction de . ·
M. TAMSIR TANDINE Ousmane Assistant en
droit privé, UFR de Sciences Juridiques et Politiques, UGB de
Saint-Louis du Sénégal Tuteur en droit bancaire, fiscal et
douanier au DESS Cyberdroit
Année académique 2007-2008
DEDICACE
+ A SHARON, + A NATHAN
REMERCIEMENTS
Au seuil de ce mémoire, je voudrais d'emblée
remercier le Seigneur Tout Puissant qui m'a permis de réaliser ce
travail, malgré mon état de santé précaire.
Ensuite, ma gratitude va à M. TANDINE TAMSIR Ousmane,
qui a bien voulu encadrer mon travail et qui par ses précieux conseils
et orientations, a permis sa réalisation optimale.
Je ne saurais dans cette mouvance, oublier Mademoiselle
Laurice T. BONA, qui de par sa sollicitude et sa
générosité habituelle, m'a amené à me
surpasser chaque fois que je pensais ne pas pouvoir y arriver.
C'est aussi le lieu ici de remercier tous les enseignants et
le staff administratif de l'Université GASTON BERGER de Saint-Louis du
Sénégal, en particulier M. Abdoulaye DIOP, qui n'ont
ménagé aucun effort pour nous apporter les connaissances et nous
faire partager leurs expériences.
Ma gratitude va également à tous mes camarades
de promotion, pour l'ambiance bon enfant qui a régné tout au long
de notre cursus. C'était exaltant de penser le droit du cyber-espace
avec eux.
Enfin, mes sentiments profonds vont à Messieurs ESSOME
P. Prosper et AMAH Côme Damien.
A tous, je dis tout simplement Merci.
LISTE DES ABREVIATIONS
AGCS/GATS : Accord Général sur le
Commerce des Services
B2C : Business to Consumer
CEDEAO : Communauté Economique des Etats
d'Afrique de l'Ouest
CEMAC : Communauté Economique et
Monétaire d'Afrique Centrale
GAFI : Groupe d'Action Financière sur le
blanchiment des capitaux
GATT : General Agreement on Tariffs and Trade
(Accord Général sur les Tarifs
et le Commerce)
OCDE : Organisation de Coopération et de
Développement Economique
OMC : Organisation Mondiale du Commerce
TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutée
UEMOA : Union Economique et Monétaire de
l'Afrique de l'Ouest
« La fiscalité repose sur un certain nombre de
principes fondamentaux qui sont totalement ébranlés par le
commerce électronique »1
iv
1 « La fiscalité directe du commerce
électronique (approche internationale) », Revue fiscalité
européenne et droit international des affaires, n°1999/4, P.50.
v
TABLE DES MATIERES
DEDICACE i
REMERCIEMENTS ii
LISTE DES ABREVIATIONS iii
TABLE DES MATIERES v
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : LA FISCALITE INTERNE APPLICABLE AU
E-COMMERCE 3
CHAPITRE Ier : LA FISCALITE DIRECTE DU COMMERCE
ELECTRONIQUE :
L'IMPOSITION DES REVENUS 4
SECTION 1 : PRINCIPES DE FISCALITE DES ACTIVITES TRANSNATIONALES.
4
Paragraphe 1 : La notion de la source 5
A) Principe général 5
B) Aménagement au principe 5
Paragraphe 2 : Le lieu de la résidence 5
A) Principe Général 5
B) Critères d'identification 6
Paragraphe 3 : La notion d'établissement stable 6
A) Principe général 6
B) Critères d'identification 6
SECTION 2 : DIFFICULTES D'ADAPTATION AU E-COMMERCE 6
Paragraphe 1 : La qualification des revenus 6
A) Le problème de qualification 7
B) Les solutions 7
Paragraphe 2 : Difficultés liées à la
taxation des revenus 8
A) Réinterprétation du concept
d'établissement stable. 8
B) Le Principe de taxation à la résidence 11
CHAPITRE 2 : LA FISCALITE INDIRECTE DU COMMERCE
ELECTRONIQUE :
L'IMPOSITION DE LA CONSOMMATION 13
SECTION 1 : PRINCIPES DE TVA SUR LES OPERATIONS TRANSFRONTALIERES
13
Paragraphe 1 : Les livraisons de biens. 13
A) Définition 13
vi
B) Règles de perception 13
Paragraphe 2 : Les prestations de services 14
A) Définition 14
B) Règles de perception 14
SECTION 2 : DIFFICULTES D'APPLICATION AU E-COMMERCE 15
Paragraphe 1 : Le système européen de la TVA
applicable au commerce électronique. 15
A) L'ancien système de la TVA applicable au E-commerce
dans l'Union Européenne. 15
B) Le nouveau régime 16
Paragraphe 2 : Le système américain : l'Internet
Tax Freedom Act 17
DEUXIEME PARTIE : LA FISCALITE DE PORTE APPLICABLE AU
E-COMMERCE ET
ELEMENTS DE PERSPECTIVE 19 CHAPITRE 1
: LA REMISE EN CAUSE DES EDIFICES DU DROIT DOUANIER
CLASSIQUE 20 SECTION 1ere :
INADEQUATION ENTRE LE COMMERCE ELECTRONIQUE ET LE
PRELEVEMENT DE L'IMPOT DOUANIER 20
Paragraphe 1er : Inadéquation quant au fait
générateur de la fiscalité de porte 20
A-) Imprécisions sur l'effectivité de
l'importation et sur la nature des transmissions 20
B-) Difficile appréhension de territoire et de
frontière 23
Paragraphe 2 : L'inadéquation quant à
l'évaluation de l'assiette fiscale 24
A) Un classement tarifaire problématique 24
B) La détermination malaisée de l'origine 26
C) La détermination approximative de la valeur
28 SECTION 2 : LES RISQUES INHERENTS A LA NON FISCALISATION OPTIMALE DES
PRODUITS NUMERISES. 30
Paragraphe 1 : Perte d'un instrument de politique fiscale 30
Paragraphe 2 : Erosion des recettes fiscales 30
CHAPITRE 2 : LES PERSPECTIVES 32
SECTION 1 : LA REDEFINITION DU DROIT DOUANIER ET DU
DROIT FISCAL A L'AUNE
DU E-COMMERCE. 32
Paragraphe 1 : Les préalables 32
A) La définition d'une politique générale
des TIC en Afrique 32
B) La prise en compte des principes devant régir le
E-Commerce adoptés lors de la
Conférence d'Ottawa de 1998 33
vii
Paragraphe 2 : Ajustement des fondements du
prélèvement de l'impôt douanier au
E-Commerce. 35
A) Redéfinition des éléments constituant le
fait générateur de l'impôt douanier à l'aune du
E-Commerce. 35
B) Redéfinition de l'assiette de l'impôt
douanier 36 SECTION 2 : LE RENFORCEMENT DE L'EFFICACITE DE L'ADMINISTRATION
FISCALE
ET DES DOUANES. 36
Paragraphe 1 : La coopération et la formation 36
A) La coopération entre les administrations 37
B) La formation des cadres aux TIC 37
Paragraphe 2 : La technologie au service de l'impôt. 37
A-) Amélioration au service du contribuable 38
B-) Amélioration du recouvrement et du contrôle
fiscal par l'usage des TIC 38
CONCLUSION GENERALE 40
BIBLIOGRAPHIE 42
1
INTRODUCTION GENERALE
Le monde d'aujourd'hui est un monde globalisé. C'est un
truisme que de le dire. En effet, L'espace économique mondial est en
pleine restructuration depuis plus de trois décennies, grâce
notamment aux progrès réalisés par les Technologies de
l'Information et de la communication (TIC). Celles-ci ont entraîné
dans leur évolution d'importants bouleversements et créé
de nouvelles habitudes dans les relations économiques internationales.
Cette restructuration se caractérise sur le plan économique par
une globalisation dans laquelle les diverses économies tendent à
s'intégrer et à former une entité marquée par un
renforcement des interconnexions et une unification des marchés qui
s'homogénéisent par de-là les Etats nations2.
Ce mouvement d'intégration des marchés par les TIC interpelle
tous les acteurs économiques et sociaux à se préoccuper
des changements internationaux et à adapter leurs structures, leurs
modes de fonctionnement et surtout leur législation à un
environnement en perpétuelle mutation.
Un de ces changements majeurs est notamment constitué
par le l'avènement du commerce électronique. C'est un nouveau
mode d'échanges économiques difficile à cerner. Sa
complexité et son étendue rendent en effet malaisé le
choix d'une définition unique. Nous pouvons cependant
l'appréhender avec le Comité Technique Permanent de
l'OMD3 comme étant un « moyen de gérer les
affaires en utilisant l'informatique et les télécommunications
afin de faire circuler les données entre les systèmes
informatiques propres aux organisations en présence pour effectuer une
transaction commerciale ». Il peut en outre être défini comme
« l'ensemble des échanges numérisés liés
à des activités commerciales, que ce soit entre entreprises,
entre entreprises et particuliers ou encore entre entreprises et
administrations4 ».
Il recouvre en réalités deux formes : D'une
part, le commerce électronique direct qui se déroule
entièrement dans la toile d'araignée mondiale. En effet, de la
commande jusqu'à la livraison, tout se passe dans le circuit
fermé du cyberespace. D'autre part, le commerce électronique
indirect quant à lui, comporte deux phases bien distinctes. Une
première étape qui se réalise entièrement à
travers les réseaux de communication électroniques, comme
c'est
2 BEKOLO EBE, Bruno : « La restructuration
bancaire en zone franc face au défi de la mondialisation »,
Mondialisation de l'économie camerounaise, Friedrich Ebat Stif Long,
Yaoundé, 1988, 530 p.
3 Organisation Mondiale des Douanes.
4 Guinchard et alii, Internet pour le droit,
Monchrestien, 2e ed. 2001 P.219.
2
le cas en matière de commerce électronique
direct. Ensuite, une seconde étape, marquée par la livraison
physique de marchandises. La transaction n'est donc pas directe en ce sens
qu'Internet n'est utilisé que pour commander des marchandises.
Par ailleurs, parler de la fiscalité du commerce
électronique revient à considérer les modalités de
perception des impôts et taxes issus des opérations de ce type de
commerce.
D'emblée, cette fiscalisation s'avère
hypothétique du fait du caractère « insaisissable » du
commerce électronique. De par ses caractéristiques, l'espace
d'échanges économiques devient dématérialisé
et transnational. Ses mécanismes ignorent la notion de territoire
stato-national et, ce faisant, érodent la souveraineté des
Etats-nations, notamment sur le plan fiscal. En effet, les administrations
fiscales tirent leur pouvoir de l'Etat dont elles sont l'émanation, la
souveraineté de celui-ci étant soumise à des limites
territoriales auxquelles le droit fiscal fait sans cesse
référence dans ses concepts. Bien plus, les concepts fiscaux
eux-mêmes, définis bien avant l'avènement du commerce
électronique, perdent de leur pertinence dès lors qu'ils sont
confrontés aux nouveaux objets commerciaux issus du développement
des technologies de l'information et de la communication5.
Le commerce électronique constitue ainsi un défi
pour la fiscalité des Etats. Il se pose en effet la question de savoir
s'il est possible de fiscaliser ce type de commerce. En d'autres termes, quel
peut être l'impact du commerce électronique sur la
fiscalité ? Les règles fiscales actuelles peuvent-elles lui
être applicables ? Sinon, quelles réformes entreprendre?
Pour rendre compte de la fiscalité du commerce
électronique, la réponse à ces questions s'avère
nécessaire. Il faut dire d'emblée ici que notre travail sera
focalisé sur l'Afrique en général et le Cameroun en
particulier. En cela, notre étude sera prospective en ce sens que la
fiscalité du commerce électronique y est encore, sinon
embryonnaire, du moins inexistante. C'est pourquoi, des
références seront faites au droit comparé, notamment
à l'Europe.
Ainsi, au vu de ces considérations, les
développements qui vont suivre seront axés sur la
fiscalité interne applicable au commerce électronique
(première partie). Et compte tenu de l'impératif de proposer de
solutions au vide juridique constaté, des esquisses de réponses
seront apportées conjointement avec l'étude de la
fiscalité de porte (deuxième partie).
5 SAINTRAIN, M : « TIC, nouveaux standards
transactionnels et fiscalité : Défis et perspectives (en
études, Bureau Fédéral du plan, Belgique, Août 2003,
p.1.
PREMIERE PARTIE : LA FISCALITE INTERNE APPLICABLE AU
E- COMMERCE6
La fiscalité interne s'entend de la perception des
impôts et taxes à l'intérieur des limites territoriales
d'un Etat ou d'un espace géographique et économique
donné.
Nous devons dire d'emblée ici que le dispositif fiscal
de la CEMAC au niveau sous régional et du Cameroun au niveau national
n'a pas prévu l'imposition du commerce électronique. On note dans
ces deux espaces en effet, un vide juridique anachronique lié à
l'imposition de ce type de commerce. Néanmoins, nous allons nous atteler
dans cette première partie et en s'inspirant des modalités de
fiscalisations sous d'autres latitudes, à présenter la
fiscalité directe (Chapitre 1er) et la fiscalité
indirecte (Chapitre 2ème) du commerce électronique.
3
6 Les termes e-commerce et commerce
électronique seront indistinctement utilisés dans ce
mémoire.
4
CHAPITRE Ier : LA FISCALITE DIRECTE DU
COMMERCE ELECTRONIQUE : L'IMPOSITION DES REVENUS
Nous avons opté pour le traitement de la
fiscalité directe et indirecte du E-Commerce en s'inspirant des
classifications techniques de l'impôt qui prennent pour critères,
les techniques et modalités administratives de la taxation7.
Et la distinction ici repose sur deux critères définis en France
par un décret du 22 Décembre 1789 et repris par l'Administration
dans son Instruction générale des finances8.
L'incidence de l'impôt et l'établissement d'un rôle. Seul le
premier critère nous intéresse ici. En effet, l'incidence de
l'impôt est « le fait d'atteindre une personne ou une série
de personnes... l'incidence vise exclusivement la personne qui
paie9.
Il s'agit donc de déterminer si l'impôt est bien
supporté par celui qui y est assujetti ou celui-ci en fait reposer la
charge sur les tiers. Dans le premier cas, l'on parle d'un impôt directe
(par exemple l'impôt sur le revenu des personnes physiques), dans le
second cas d'un impôt indirect (par exemple, l'impôt sur la TVA)
qui s'il est bien reversée par l'entreprise est en fait supporté
par le consommateur.
Le E-Commerce étant par essence transnational, ce
chapitre va se décliner en l'étude des principes de
fiscalité des activités transnationales (Section 1), avant celle
de leur applicabilité au E-Commerce (Section 2).
SECTION 1 : PRINCIPES DE FISCALITES DES ACTIVITES
TRANSNATIONALES.
La question de la fiscalité des revenus
d'activités transnationales est réglée par la convention
internationale, bi-ou multilatérale10.
Les pays de l'OCDE11 par exemple s'inspirent du
modèle de convention fiscale12 de l'OCDE, qui
détermine la mesure dans laquelle les revenus d'une activité
constituent
7 Bouvier, Michel : « Introduction au droit
fiscal général et à la théorie
générale de l'impôt, Paris, L.G.D.J, 7e Ed.
8 « La contribution directe s'entend de toute imposition
qui est assise directement sur les personnes et sur les
propriétés, qui se perçu en vertu des rôles
nominatifs et qui passe immédiatement du contribuable cotisé
à l'agent chargé de percevoir. Les impôts indirects sont
ainsi nommés parce que, au lieu d'être établis directement
et nominativement sur les personnes, ils reposent en général, sur
les objets de consommation et sur les services rendus et ne sont, dès
lors, qu'indirectement payés par celui qui veut consommer les choses ou
user des services frappés de l'impôt. » (Instruction
générale des finances citées par R. Stourm, in
systèmes généraux d'imposition, Guillaumin, 1905.
9 STOURM, Systèmes généraux
d'imposition, ibidem.
10 SAINTRAIN, M : op.cit.P 15
5
effectivement des assiettes imposables et établit des
critères de répartition de ces assiettes entre les
différentes juridictions concernées permettant, le cas
échéant, d'éviter les doubles impositions d'un même
revenu.
Le principe général de fiscalité des
activités transnationales surtout en matière de vente commerciale
pose que les revenus d'une entreprise transnationale sont imposables dans un
Etat donné au Prorata des revenus générés par un
établissement stable exploité par l'entreprise dans cet Etat. Si
l'entreprise dispose effectivement d'un établissement stable dans un
Etat où elle n'est pas résidente, une taxation est
appliquée dans l'Etat de la source, c'est-à-dire la juridiction
où l'activité économique a lieu, et une exonération
est appliquée dans l'Etat de la résidence. En l'absence
d'établissement stable à l'étranger, l'Etat de la
résidence impose les revenus mondiaux de l'entreprise et l'Etat de la
source, le cas échéant, exonère.
Le principe ainsi posé, il y a lieu de préciser
les contours des concepts de source (paragraphe 1), de résidence
(paragraphe 2) et d'établissement stable (paragraphe 3).
Paragraphe 1 : La notion de la source
A) Principe général
Le lieu de la source est le lieu où l'activité
économique est réalisée.
B) Aménagement au principe
Le critère essentiel pour déterminer la source
est la nature de l'activité qui produit un revenu. En effet, dans de
nombreux cas, le lieu où l'activité économique est
réalisée n'est pas directement identifiable. C'est notamment le
cas dès lors qu'il s'agit du commerce des biens intangibles :
propriété intellectuelle, services, activités
financières, cas qui donne lieu à la fixation ad hoc du lieu de
la source.
Paragraphe 2 : Le lieu de la résidence
A) Principe Général
Le pays de la résidence est le pays où l'entreprise
a son « Principal Etablissement ».
11 Organisation de Coopération et de
Développement Economique.
12 L'organisation des Nations Unies propose
également un modèle de convention fiscale dont les dispositions
plus favorables aux pays en voie de développement, sont davantage
utilisées dans le cadre des conventions entre ceux-ci et les pays
industrialisés.
6
B) Critères d'identification
Il s'agit d'un ensemble de circonstances de fait, telles que
le siège de la direction ou de l'administration effective (incluant le
lieu des conseils d'administration, Assemblées générales),
voir le siège social.
Paragraphe 3 : La notion d'établissement
stable
A) Principe général
Selon le modèle de convention fiscale de l'OCDE,
« un établissement stable découle du fait qu'une
installation existe, qu'elle est fixe c'est-à-dire qu'elle a un certain
degré de permanence et que l'entreprise exerce tout ou partie de ses
activités principales (autres que préparatoires ou auxiliaires)
par l'intermédiaire de cette installation d'affaires. La notion
d'établissement stable est nécessaire pour établir le lien
entre les revenus et le pays de la source.
B) Critères d'identification
Ce sont des critères de nature tangibles tels que la
présence physique des bureaux, d'un lieu de travail avec présence
de personnel, de dépôts, de stocks, ou la présence d'agents
dépendants qui travaillent pour le compte et au nom de l'entreprise
étrangère et pouvant engager sa responsabilité. Ces
principes étant ainsi posés, il se pose la question de leur
applicabilité au E-Commerce.
SECTION 2 : DIFFICULTES D'ADAPTATION AU E-COMMERCE
Ces difficultés apparaissent notamment lors de la
classification des revenus dans le cadre de l'E-Commerce (paragraphe 1) et de
la réinterprétation de concept d'établissement stable
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La qualification des revenus
Avec l'avènement du E-Commerce, les concepts fiscaux
définis bien avant, perdent de leur pertinence. En clair, on note une
inadéquation entre les normes fiscales préexistantes et le
caractère dématérialisé du E-Commerce.
7
Somme toute, il se pose un problème de classification
des revenus (A), auquel des réponses ont été
apportées (B).
A) Le problème de qualification
D'emblée, on peut se poser la question de savoir,
lorsqu'une information ou un produit digitalisé est transmis en «
ligne » contre paiement, s'il s'agit d'une vente de biens, d'une location
de biens immatériels ou d'une prestation de services ?
D'un point de vue fiscal, la question est essentielle. En
effet, si l'opération est une vente ou une prestation de service, les
revenus seront taxés dans les pays de résidence (ou de
l'établissement stable) du vendeur ou du prestataire de
services13.
Ainsi, les revenus générés pour la vente
d'un CD ou par la constitution payante d'une base de données depuis un
site géré par une société résidente des
Etats-Unis seront soumis à l'impôt américain (ou
éventuellement à l'impôt de « résidence »
du serveur, si celui-ci est assimilé à un établissement
stable).
Si l'opération est une location de biens
immatériels (cession d'un droit d'usage), la convention modèle de
l'OCDE propose de taxer les redevances (royalties) exclusivement dans l'Etat de
résidence du bénéficiaire, l'opérateur du site Web
en l'occurrence14.
B) Les solutions
Nous allons nous inspirer ici encore des orientations
définies en 2001 par un groupe technique consultatif15 (GTC)
de l'OCDE qui a publié un rapport proposant une classification des
différents types de revenus liés au commerce
électronique.
L'approche suivie semble appréhender de façon
plutôt restrictive la notion de redevance. Il est en effet
recommandé dans ce rapport que les paiements effectués pour
obtenir le droit de télécharger et d'utiliser les produits
numériques soient assimilés à des revenus d'entreprise,
pour autant que le paiement soit relatif à ce seul
téléchargement et non principalement relatif à l'usage
d'un droit d'auteur. En réalité, la technologie offre de facto
au
13 Verbiest, Thibault : « Fiscalité
directe du commerce électronique : les nouvelles règles »
(in droit et technologies, 04/10/2001).
14 Verbiest, Thibault, ibidem.
15 Composé des représentants du secteur
public et du secteur privé.
8
client des possibilités d'usage détourné
du droit d'auteur relatif au bien numérique, ce qui aurait pu justifier
un classement en redevances.
Listant une typologie de 28 prestations du E-Commerce en
précisant le type de classement préconisé, le rapport
reconnait « n'avoir pas cherché à couvrir toutes les
catégories de transactions de commerce électronique actuelles et
futures. Il s'est plutôt efforcé de définir les principes
requis pour analyser les diverses questions de classification au regard des
conventions, de façon qu'ils puissent être appliqués en
tant que de besoin aux transactions existantes et nouvelles ».
Il en découle que l'on ne doit pas s'attendre à
ce que soient définis rapidement des principes globaux et
cohérents, prêts à être incorporés dans les
législations nationales, compte tenue de la multitude des types de
transactions de commerce électronique donnant lieu à des
problèmes de caractérisation. La même difficulté
semble prévaloir en matière de taxation.
Paragraphe 2 : Difficultés liées à
la taxation des revenus
Les principes généraux dégagés en
matière de taxation des revenus des activités transnationales
semblent être inadaptés au commerce électronique. Tel est
le cas en matière d'établissement stable (A). Quels concepts
semblent dans ce cas appropriés (B) ?
A) Réinterprétation du concept
d'établissement stable.
Comme les autres principes, le concept d'établissement
stable renvoie à des indicateurs de nature tangible que l'espace «
virtuel » rend obsolètes.
Ce concept qui a été défini avant
l'apparition du commerce électronique (les principes datent de 1963)
doit être reprécisé dans le contexte de circuits
commerciaux faisant intervenir des serveurs informatiques, des sites web ou
d'autres systèmes éventuellement
télécommandés.
Se pose notamment la question de savoir si un site web ou un
serveur peuvent constituer un établissement stable. Cette question est
fondamentale : si un site web ou un serveur constituent un établissement
stable, les entreprises camerounaises, par exemple, auraient tout
intérêt à localiser leur système informatique
d'E-Commerce dans un Etat à fiscalité avantageuse, ce qui est
techniquement très facile et nettement moins couteux qu'une
délocalisation d'activité traditionnelle. S'ils ne constituent
pas un établissement stable, une
9
entreprise d'E-Commerce établie dans un paradis fiscal
peut, par exemple, effectuer des opérations commerciales à
destination des consommateurs Camerounais et même installer son
système informatique d'E-Commerce au Cameroun sans que les
bénéfices qui en découlent n'y soient
imposables16.
Le comité des affaires fiscales de l'OCDE a, en
Décembre 2000, précisé l'interprétation à
donner à la définition de l'établissement stable dans le
contexte du E-Commerce en définissant les principes suivants :
- Un site web (Software et Data), du fait de son
caractère intangible, ne peut pas en lui-même constituer un
établissement stable ;
- Une entreprise de service Internet (Access Provider,
hébergeur, etc.) ne peut généralement pas constituer un
agent dépendant d'une autre entreprise et ne peut donc pas être
considérée comme un établissement stable de cette
dernière ;
- Un serveur (Hardware) qui héberge un site web de
commerce électronique ne peut, à ce seul tire, être
considéré comme un établissement stable de l'entreprise
qui exerce des activités par l'intermédiaire de ce site web car
le fait de stocker le logiciel et les données requises pour le site web
n'ont généralement pas pour effet de mettre le serveur et son
emplacement à la disposition de l'entreprise ;
- Aucun établissement stable ne peut être
réputé exister lorsqu'il concerne des activités
considérées comme auxiliaires ou préparatoires telles que
: assurer un lien de communication entre fournisseurs et clients, faire de la
publicité, relayer des informations à l'aide d'un serveur miroir,
collecter des données sur le marché, fournir des informations,
sauf si ces activités constituent une partie essentielle de
l'activité commerciale de l'entreprise ;
- Cependant, un serveur sera considéré comme un
établissement stable d'une entreprise n'est nécessaire à
cet endroit pour l'exploitation de l'équipement, s'il est
exploité et détenu par le « cybercommerçant »
lui-même et s'il revêt un caractère fixe. Le comité
des affaires fiscales précise à ce propos que ce qui importe
n'est pas la possibilité de déplacer le serveur, mais le fait de
savoir s'il est effectivement déplacé.
16 SAINTRAIN, M : op.cit.P18
10
Cette analyse de l'OCDE est critiquable, et ce au moins pour
deux motifs. En premier lieu, sur le plan des principes, elle s'inscrit
à contre-courant de la directive Européenne sur le commerce
électronique, qui prévoit que ne peuvent constituer un «
établissement » au sens des articles 52 et suivants du
traité de ROME, « la présence et l'utilisation des moyens
techniques et des technologies requis pour fournir le service », à
savoir par exemple l'hébergement des sites web. Ensuite, l'approche
« matérielle » de l'OCDE nous semble dépassé ;
car comme s'interroge Mr SAINTRAIN17, « est-il possible
économiquement ou juridiquement, de déterminer la part de valeur
ajoutée attribuable à un serveur informatique ? Ou alors, peut-on
objectiver le lien entre cette formation de valeur ajoutée et le lien
où se situe le serveur ? Il poursuit en arguant que, «dans le monde
nébuleux, du « cyber-espace », l'activité
économique a lieu à un endroit indéterminé,
à la fois nulle part et partout »18.
Pour pallier ces difficultés, nous pouvons dire avec Mr
Verbiest19 que dans un univers aussi
dématérialisé qu'Internet, il conviendrait de consacrer un
« équivalent numérique » de l'établissement
stable.
En effet, l'Internet est une technique de communication
à distance, ce que sont également le téléphone ou
le fax, mais avec une caractéristique unique : sa faculté de
« vitaliser » tous les types de relations (casinos virtuels,
catalogues en ligne, cyber-banques etc.)
Aussi, nous semble t-il conforme au fondement même de la
notion d'affirmer que, sur l'Internet, les vrais établissements stables
sont les sites de vente en ligne qui sont habilités par des
sociétés établies dans un pays donné mais qui
« ciblent » des résidents d'un ou plusieurs territoires.
En filigrane, il apparait que l'on devrait faire application
du critère de « destination » à «
l'établissement stable électronique », critère au
demeurant préconisé par certaines organisations internationales
notamment en matière de services financiers en ligne ou de marques sur
l'Internet. Aussi, lorsqu'un site web cible on dirige ses activités vers
un territoire donné, il pourrait être considéré que
la société qui l'exploite y a établi un
établissement stable... Les conditions d'application du critère
devraient bien entendu être précisées,
17 SAINTRAIN, M : ibidem.
18 SAINTRAIN, M : ibidem.
19 Verbiest Thibault, op.cit.
11
notamment lorsque le site en question cible une large zone
(toute l'Afrique Centrale par exemple).
Il apparait donc clairement que le concept
d'établissement stable est difficilement applicable sur Internet, quid
de celui de résidence ?
B) Le Principe de taxation à la
résidence
La réinterprétation de l'établissement
stable ne suffisant pas à définir les principes fiscaux
applicables aux revenus des transactions électroniques, il semble, comme
l'estime Mr SAINTRAIN, que la réalité du commerce
électronique pourrait, par contre, pousser les dispositifs
législatifs à généraliser le principe de taxation
à la résidence.
En effet, les contribuables, qu'il s'agisse de
sociétés ou, in fine, des personnes physiques qui en sont
propriétaires, sont nécessairement résidents d'une
juridiction fiscale qui peut, normalement, être clairement
définie.
Le Département du Trésor Américain, dans
son livre blanc de 1996 consacré aux implications fiscales du commerce
électronique suggérait une évolution des principes de
taxation en ce sens : « The growth of new communication technologies and
electronic commerce will likely require that principles of residence-bases
taxation assume even greater importance. In the world of cyberspace, it is
often difficult, if not possible, to apply traditional source concepts to link
an item of income with a specific geographical location. Therefore, source
based taxation could lose its rational and be reordered absolute by electronic
commerce. By contrast, almost all tax payers are resident somewhere. United
States tax policy has already recognized that as traditional principle, lose
their significance, residence-based taxation can step in and take their place.
This trend will be accelerated by developments in electronic commerce where
principles of residence-based taxation will also play a major role».
Le principe de la taxation à résidence semble
ainsi être la voie la plus pragmatique pour assurer l'imposition des
revenus du commerce électronique, tant en terme d'administration fiscale
que de prévention des doubles impositions. Cependant, sa
généralisation de heurte à des fortes réticences
motivées par des questions d'équité internationale.
12
Cette forme de taxation pourrait en effet favoriser les pays
comme les Etats Unis, leader mondial de la production des biens
numériques. Les autres pays, davantage consommateurs que producteurs
dans le contexte de l'E-Commerce en seront réticents, inspirés
par la crainte légitime d'un détournement de leurs assiettes
imposables.
Au demeurant, l'Espagne et le Portugal par exemple se sont
effrayés du fait que le commerce électronique permette la
réalisation d'activités par des entreprises non-résidentes
sans création d'un établissement stable et ont émis des
réserves quant à la réinterprétation du concept
d'établissement stable proposé par le comité des affaires
fiscales de L'OCDE. Il en découlerait de son implémentation dans
les législations que, par exemple, les revenus d'une
société Néerlandaise opérant un site web
hébergé en Turquie, lequel fournit un service de casino on-line
à destination des consommateur Espagnols, seraient taxés, soit
aux Pays-Bas (résidence), soit en Turquie (source éventuelle),
mais pas en Espagne où pourtant le chiffre d'affaires est
réalisé.
Ces craintes sont transposables aux pays Africains ou en
développement en général qui accusent un retard
technologique et qui sont plus consommateurs que producteurs dans le contexte
de l'E-Commerce.
Outre ces problèmes d'équité fiscale
internationale, la taxation à résidence pose également des
problèmes de cohérence et de neutralité des
systèmes fiscaux.
En effet, une généralisation de la taxation
à la résidence des seuls revenus du E-Commerce se heurterait aux
principes généraux selon lesquels l'Etat de la source a le droit
de taxer les revenus produits dans sa juridiction.
Par ailleurs, une taxation uniquement à la
résidence des revenus du commerce électronique pourrait entrainer
des situations non conformes au principe de neutralité de l'impôt,
en ce sens que des activités économiques à finalité
identique pourraient être imposées différemment selon
qu'elles sont menées par voie électronique ou
non20.
L'imposition des revenus en vu de ce qui est
précédé, se trouve profondément perturbée
par le E-Commerce, qu'en est-il de celle de la consommation ?
20 SAINTRAIN, M : op.cit. P. 21
13
CHAPITRE 2 : LA FISCALITE INDIRECTE DU COMMERCE
ELECTRONIQUE : L'IMPOSITION DE LA CONSOMMATION
Nous allons adopter la même démarche qu'au
chapitre précédent en analysant d'une part, les principes de TVA
sur les opérations transfrontalières (Section 1) et d'autre part,
leur applicabilité au E-Commerce (Section 2).
SECTION 1 : PRINCIPES DE TVA SUR LES OPERATIONS
TRANSFRONTALIERES
Nous ferons une distinction entre les livraisons de biens
(paragraphe 1) et les prestations de services (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les livraisons de biens.
La notion de livraisons de biens (A), précédera
l'étude des modalités de taxation (B).
A) Définition
Le Code Général des Impôts21
du Cameroun appréhende ainsi les livraisons de biens en son article 127
alinéa 1 paragraphe 9 : « la livraison des biens consiste en un
transport du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme
propriétaire, même si ce transport est opéré en
vertu d'une réquisition de l'autorisation publique ; l'échange,
l'apport en société, la vente à tempérament sont
assimilés à des livraisons des biens ».
B) Règles de perception
En matière de livraisons intra-communautaires et
même extracommunautaires de biens, le code général des
impôts implique pour l'essentiel un régime de taxation dans le
pays de destination, de sorte à éviter aux Etats à taux de
TVA élevé de subir les effets de la concurrence fiscale qui
découlerait d'un régime généralisé de
taxation dans le pays d'origine.
21 Le Code Général des Impôts
du Cameroun est issu de la loi n°2002/003 du 19 avril 2002 portant Code
Général des Impôts.
14
Ainsi, dans le cas de figure d'une livraison
inter-CEMAC22 d'un assujetti ordinaire à un autre assujetti
ordinaire, le pays d'origine exonère (le fournisseur facture un montant
lors de la TVA) et le pays de destination prélève la TVA (report
de la charge par l'acquéreur qui s'acquitte de la TVA sur base du
principe de l'autoliquidation.
Par ailleurs, les exportations sont taxables aux taux 0. C'est
le même régime qui est appliqué aux livraisons
effectuées pour le compte des entreprises situées en zones
franches et points francs industriels (article 142 alinéa 4 du CGI).
Paragraphe 2 : Les prestations de services
Nous utiliserons la même démarche que
précédemment.
A) Définition
Les prestations de services par contre sont définies
à l'article 127 alinéa 2 a comme « toutes les
activités qui relèvent du louage d'industrie ou du contrat
d'entreprise par lequel une personne s'oblige à exécuter un
travail quelconque moyennant rémunération et, d'une façon
générale, toutes les opérations autres que les livraisons
de biens meubles corporels ».
B) Règles de perception
En règle générale, les services sont
consommés à l'endroit et au moment où ils sont produits,
de sorte qu'un régime de taxation à l'origine n'est pas de nature
à entrainer des situations de distorsions de concurrence.
Ainsi, en droit fiscal Camerounais, les prestations de
services sont taxées à la TVA dans l'Etat où ont lieu ces
prestations de services.
Ces règles de taxation de la TVA ne sont toutefois pas
absolues. En ce qui concerne les transports inter-CEMAC, « les
opérateurs sont réputées faites au Cameroun si le
transporteur y est domicilié ou y a fixé son siège social,
même lorsque le principal de l'opération s'effectue dans un autre
Etat membre ».
On le voit, l'opération est taxable au Cameroun alors
qu'elle se déroule pour l'essentiel dans un autre pays.
22 Communauté Economique et Monétaire de
l'Afrique Centrale.
15
Ces règles générales de perception de la
TVA sur les opérations transfrontalière prévalent dans un
monde matériel, palpable, qu'en est-il dans l'univers
dématérialisé du E-Commerce ?
SECTION 2 : DIFFICULTES D'APPLICATION AU E-COMMERCE
La législation fiscale sur le E-Commerce étant
absente an Afrique Centrale, nous allons à titre du droit
comparé, faire une présentation du moins en ce qui concerne la
TVA, de celle qui a cours dans les pays membres de l'union Européenne
(paragraphe 1) et aux Etats-Unis d'Amérique (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le système européen de la
TVA applicable au commerce électronique.
Nous allons présenter l'ancien système
considéré comme défavorable aux entreprises de l'Union (A)
avant le nouveau institué par la directive du Conseil de l'Europe en Mai
2002(B).
A) L'ancien système de la TVA applicable au
E-commerce dans l'Union Européenne.
Les prestations rendues par des opérateurs
établis dans des pays tiers à des non-assujettis établis
dans la Communauté étaient exemptées de TVA, alors que les
opérateurs établis dans la Communauté devraient appliquer
la TVA à ces services, étant donné que le lieu de
prestation de ces services était normalement l'endroit où le
prestataire était établi.
En ce qui concerne les livraisons de biens (biens corporels),
ils sont soumis à la TVA s'ils sont consommés dans l'Union
Européenne. Ainsi, lorsque la transaction se limite à passer
commande d'un produit qui fera l'objet d'une livraison physique (par exemple un
CD), il s'agira d'une livraison de biens « classique », soumises aux
règles habituelles de localisation pour la perception de la TVA. Pour
être plus précis, la TVA est due à chaque fois que la
livraison a lieu sur le territoire de l'Union
Européenne23.
Pour certains auteurs, cette situation mettait les entreprises
européennes dans une situation désavantageuse, et
représentait en outre pour les Etats membres une perte de revenu
23 Verbiest, Thibault : « TVA et commerce
électronique : quelles règles appliquer ? » (in Droit et
Technologies, 04 Juillet 2001).
16
potentiellement gigantesque. Ces deux motifs ont poussé
la commission à agir et expliquent l'existence de la directive du 7 Mai
200224.
B) Le nouveau régime
Il a été institué par la directive
2002/38/CE du Conseil du 7 Mai 2002 modifiant, en partie à titre
temporaire, la directive 77/388/CEE en ce qui concerne le régime de taxe
sur la valeur ajoutée applicable aux services de radiodiffusion et de
télévision et à certains services fournis par voie
électronique.
Au terme de ce « nouveau » texte, les «
services » fournis par voie électronique sont taxés chaque
fois qu'ils sont rendus « à des preneurs établis en dehors
de la Communauté ou à des assujettis établis dans la
Communauté mais en dehors du pays du prestataire, à l'endroit
où le preneur a établi le siège de son activité
économique ou un établissement stable pour lequel la prestation
de services a été rendue ou, à défaut, le lieu de
son domicile ou de sa résidence habituelle ».
Le nouveau régime ne charge rien à la situation
du prestataire établi dans l'établi dans la Communauté qui
fournit un consommateur final également établi dans l'union. Le
lieu d'une prestation de services est réputé de situer à
l'endroit où le prestataire est établi.
Cette situation est également inchangée pour le
prestataire établi lors de la Communauté qui fournit un assujetti
Européen, la TVA étant versée par l'entreprise
d'importation sur la base du principe de l'auto liquidation.
La véritable originalité de la directive
consiste en la mise en place d'un régime spécial applicable aux
assujettis non établis dans l'Union qui fournissent par voie
électronique des services à des personnes non
assujetties25.
En clair, prenons le cas du téléchargement d'un
fichier musical par un consommateur Européen (non assujetti) sur un site
américain : jusqu'à ce jour, le vendeur américain ne
versait pas de TVA à l'administration US, car depuis des années,
les Etats-Unis appliquent un moratoire fiscal au E-Commerce. Le vendeur
américain ne versait pas non plus de TVA à l'Etat européen
de résidence de son client, car celui-ci, consommateur dans notre
exemple,
24 Wery, Etienne : « Le nouveau système
TVA sur le commerce électronique entre en vigueur aujourd'hui » (in
Droit et Technologies, 01 Juillet 2003).
25 Wery, Etienne : ibidem.
17
n'est pas soumis à la TVA. Bref, cela réduit
sensiblement le coût de la transaction et attire le client. Le comble,
c'est que la situation était différente si le même
consommateur achetait le même fichier chez un vendeur Européen,
puisque là, il y avait perception d'une taxe qui se répercute
évidemment sur le prix payé. Il y avait donc bien un traitement
défavorable aux vendeurs Européens, et une perte fiscale
importante pour les Etats.
Pour corriger ces anomalies, l'idée sous-jacente de la
nouvelle directive est de taxer le commerce électronique au lieu de
consommation.
Le vendeur Américain de notre exemple devra donc,
à partir d'aujourd'hui, reverser la TVA à l'Etat de
résidence de son client Européen.
Inversement, le concurrent Européen de ce vendeur
Américain va dorénavant appliquer la TVA américaine s'il
vend à un consommateur Américain, soit 0% en vertu du moratoire
en vigueur aux Etats-Unis.
Paragraphe 2 : Le système américain :
l'Internet Tax Freedom Act
Les Etats-Unis ont toujours demandé qu'un moratoire
mondial soit proclamé en ce qui concerne le commerce
électronique. Ceci est fort compréhensible quand on sait que les
entreprises américaines sont des exportatrices nettes de services
électroniques, contrairement à leurs homologues des autres
continents, de l'Europe notamment, qui sont des importatrices nettes.
L'internet Tax Freedom Act interdit des taxes sur
l'accès à Internet et interdit des impôts multiples et
discriminatoires sur le commerce électronique. Il faut bien comprendre
que par cet Acte, les Etats Unis ont juste voulu éviter que de nouveaux
impôts soient prélevés, ce qui n'interdit pas toute
imposition du commerce électronique.
D'ailleurs, contrairement au système de la TVA, les
Etats-Unis connaissent celui des « sales tax » que les Etats peuvent
instaurer, mais celles-ci ne doivent généralement pas être
dues par le client si celui-ci est résident d'un autre Etat que le
fournisseur.
Adopté en 199826, un moratoire de trois ans
fut mis en place et celui-ci a été reconduit à deux
reprises. En 2007, le président américain Georges W. BUSH a
signé un texte27 qui
26 Sec. 1101. Moratorium : Extraits : «No
State or political subdivision thereof shall impose any of the following taxes
during the period beginning on October1,1998 ;and ending 3 years after the date
of enactment of this Act
18
prolonge ce moratoire jusqu'en 2014. Ce prolongement a
suscité le satisfecit de certains leaders du secteur des TIC, car pour
eux, « l'Internet constitue le moteur inestimable pour le progrès
économique, social et civique aux Etats-Unis et par conséquent,
ne doit pas être l'objet des régimes fiscaux discriminatoires et
abusifs »28.
On le voit, les règles de la fiscalité interne
classique semblent ébranlées par le e-commerce, auquel elles
peinent à s'adapter. Le même constat semble prévaloir en
matière de fiscalité de porte.
(1) taxes on internet access, unless such tax was generally
imposed and actually enforced prior to October1, 1998; and (2) multiple and
discriminatory taxes electronic commerce»,
www.e-commercecommission.org/ ITFA.htm (4avril2003).
27 HR 3678 : « L'Internet Tax Freedom Act ;
Amendments Act de 2007».
28 Roger COCHETTI (Directeur du groupe de la US
Public Policy de la COMPTIA (Computing Technology Industry Association).
19
DEUXIEME PARTIE : LA FISCALITE DE PORTE APPLICABLE AU
E-
COMMERCE ET ELEMENTS DE PERSPECTIVE
La fiscalité de porte peut être
appréhendée comme la fiscalité perçue au cordon
douanier et qui échoit naturellement à l'administration des
Douanes placée en première ligne aux frontières. Comme
pour la fiscalité interne, elle a été définie bien
avant l'avènement du e-commerce. Ses règles se trouvent donc
fortement ébranlées par ce nouveau mode de commerce (Chapitre
1er). Face à cette situation, il est urgent d'apporter des
réponses pour essayer d'adapter les systèmes fiscaux à la
réalité du e-commerce (Chapitre 2).
20
CHAPITRE 1 : LA REMISE EN CAUSE DES EDIFICES DU
DROIT DOUANIER CLASSIQUE
Cette remise en cause s'analyse en l'inadéquation entre
le e-commerce et prélèvement de l'impôt douanier (section
1), ce qui entraine des risques de divers ordres (section 2).
SECTION 1ere : INADEQUATION ENTRE LE
COMMERCE ELECTRONIQUE ET LE PRELEVEMENT DE L'IMPOT DOUANIER
Cette inadéquation a trait au fait
générateur de l'impôt douanier (paragraphe 1er)
et à sa base (Paragraphe 2).
Paragraphe 1er : Inadéquation quant au fait
générateur de la fiscalité de porte
Le fait générateur est l'évènement
qui crée la créance fiscale. En matière de
fiscalité douanière, celui-ci est constitué de
l'importation ou de l'exportation des marchandises aux frontières d'un
Etat29. Or, ces notions ne cadrent pas toujours avec la
réalité dématérialisée du e-commerce de
sorte qu'on note une imprécision sur l'effectivité de
l'importation et sur la nature des transmissions numérisées (A),
et des difficultés d'appréhension de des notions de territoire et
de frontière (B).
A-) Imprécisions sur l'effectivité de
l'importation et sur la nature des transmissions
La notion d'importation telle que définie par le Code
des Douanes de la CEMAC renvoie à une opération matérielle
de franchissement des frontières de cet espace économique par des
marchandises étrangères.
Au plan international, le G.A.T.T30 adopte une
vision à peu près similaire à celle du Code
précité. L'universalité de l'appréhension de la
notion d'importation basée sur le passage physique de marchandises au
cordon douanier est ainsi consacrée.
29 Article 3 : Code des Douanes de la CEMAC :
Alinéa 1 : « Les marchandises qui entrent sur le
territoire douanier sont passibles des droits d'importation inscrit au tarif
des douanes ;
Alinéa 2 : Les marchandises qui sortent du territoire
douanier sont passibles des droits des douanes ».
30 G.A.T.T. : General Agreement on Tariffs and
Trade, en français, Accord Général sur les Tarifs et le
Commerce, fut signé en 1947 pour harmoniser les politiques
douanières des partis signataires.
21
Or, comme nous le relevions tantôt, l'importation est le
fait générateur de la fiscalité de porte. Ce qui nous
amène à nous pose la question de savoir avec l'avènement
du commerce électronique, s'il est possible de prélever un
impôt douanier sans verser dans l'illégalité la plus
absolue. En effet, avec le commerce on-line, l'espace d'échanges
économiques devient transnational, dématérialisé et
atemporel. De fait, le cyberespace est un « lieu sans lieu
». Les repères classiques d'espace et de temps sont
modifiés par la technique. Il devient donc quasiment impossible de
déterminer avec précision le moment de franchissement du
territoire douanier si tant est que, quelque chose traverse effectivement le
cordon douanier.
En effet, les biens ne sont soumis aux droits et taxes
exigibles en cas d'importation ou d'exportation qu'à partir de leur
introduction ou de leur sortie du territoire si tant est qu'ils sont
déterminés avec exactitude. Il subsiste ainsi un grand flou avec
le commerce électronique, lié à la faillite des
repères classiques qui rejaillit sur la légalité
même d'une éventuelle fiscalité de porte à percevoir
dans ce cas d'espèce31.
Cependant, ce degré d'opacité varie en fonction
du type de commerce électronique en cause. Ainsi, il est plus
marqué dans le cas du commerce électronique direct que dans celui
indirect. En effet, dans le premier cas, comme nous l'avons souligné
plus haut, tout se passe dans le circuit fermé du cyberespace, de la
commande jusqu'à la livraison32. Ce commerce porte en
général sur des biens incorporels comme les logiciels et les
enregistrements musicaux. En l'espèce, dans le processus de
réalisation du commerce électronique direct, l'exécution
des obligations interdépendantes et réciproques du cyber-acheteur
et du cyber-vendeur est réalisée à travers le
réseau. C'est justement ici que la question antérieurement
soulevée garde toute sa pertinence. En l'occurrence, est-il possible de
déterminer avec exactitude quand le transfert immatériel de la
chose a été opéré du cyber-vendeur au
cyber-acheteur ?
En revanche, cette incertitude, même si elle est
également présente dans le commerce électronique indirect,
ne revêt ni la même dimension, ni la même portée. En
effet, dans ce cas l'incertitude est plutôt confinée à la
phase interne au cyberespace, c'est-à-dire à la commande. Elle
est exclue dans l'étape complémentaire de la livraison. Celle-ci
est souvent effectuée par le biais d'envois postaux qui sont
parfaitement contrôlables par le Service des Douanes.
31 FAGOT, Pierre Yves : Commerce électronique
et droit douanier, P.493.
32 Allain, Louis : Du virtuel au concret, tout est
dans la livraison, Le Monde Informatique, n°902, 29 juin 2001, P.16.
22
Ainsi, au Cameroun, en cas de commerce électronique
indirect, par exemple l'achat de logiciels, les droits sont perçus sur
la valeur des supports sur lesquels sont transportés ces logiciels (CD
ou disquettes).
En marge des difficultés sur l'appréhension de
la notion d'importation, on note aussi une confusion sur la nature des
transmissions électroniques. C'est une question qui présente des
intérêts multiples : la question centrale est celle de savoir si
les transmissions électroniques peuvent être
considérées comme des marchandises ou des services ? Au plan
économique, la réponse à cette question est d'autant plus
importante que le choix d'une option donnée peut engendrer des pertes
fiscales énormes pour un pays donné.
En outre, du point de vue juridique, la détermination
de la nature véritable des transmissions électroniques est
essentielle pour la loi applicable. En effet, s'il est avéré que
ces transmissions sont des services, ce sont les dispositions de l'Accord
Général sur les Services « A.G.C.S »33 qui
vont s'appliquer. En revanche, si les transmissions sont
considérées comme des marchandises, alors les dispositions de
l'OMC34 dans le domaine des marchandises, notamment le GATT de 1994
et les accords multilatéraux visés à l'annexe 1A de
l'accord sur l'OMC restent applicables.
Quel serait donc les critères pour distinguer les
transmissions numérisées en marchandises ou en services ?
Serait-ce la matérialité ?
La réponse à ces interrogations n'est pas
évidente tant il existe des éléments qui plaident pour les
deux conceptions :
De prime abord, la tentation est forte de considérer
les transmissions numérisées tout simplement comme des services
compte tenu de leur caractère immatériel. Ainsi, selon cette
vision, les transmissions numérisées obéissent au
régime des services étant donné la nature
dématérialisée des décharges on-line qui en aucun
moment du processus ne présentent une quelconque forme physique. Il
s'agirait donc effectivement, d'un service de livraison qui est
précisément visé par l'A.G.C.S.
Mais, adopter une telle position serait occulter la
réalité selon laquelle, les transmissions
numérisées ne se présentent pas sous une forme unique.
Ainsi, dans certaines
33 Le G.A.T.S : a été conclu en 1994.
Il invite les pays signataires à ouvrir leur marché de services
et à annuler progressivement leurs barrières tarifaires
éventuelles.
34 Organisation Mondiale du Commerce.
23
situations, les contenus numérisés livrés
par des moyens électroniques pourraient être définis comme
des marchandises. En effet, le contenu de certaines transmissions
électroniques ressemblait effectivement à des marchandises ou en
était un proche substitut. C'est le cas de la musique
téléchargée via Internet sous forme de données
numérisées, par opposition aux CD matériels achetés
dans un magasin.
On le voit, l'imprécision sur la nature
véritable des transmissions électroniques et difficile à
surmonter. E n effet, ces produits sont dotés d'un caractère
permanent mais pas de forme matérielle fixe. Ce qui traduit, en
vérité, toute la difficulté pour le droit douanier de
« saisir » le commerce virtuel via l'Internet.
Au demeurant, cette situation révèle une
inadaptation si marquée qu'il est possible de se demander s'il n'est pas
indiqué de s'orienter vers d'autres directions. En l'occurrence, tout
simplement les catégories juridiques classiques obsolètes en la
matière au profit de nouveaux concepts plus dynamiques et aptes à
régir le E-business.
On remarque par ailleurs que les mêmes
difficultés existent pour appréhender à travers
l'Internet, les notions de territoire et de frontière.
B-) Difficile appréhension de territoire et de
frontière
On peut définir le territoire tout simplement comme
étant les limites physiques dans lesquelles s'exerce la
souveraineté d'un Etat. Et les frontières peuvent être
appréhendées notamment comme les limites du territoire ou les
lignes séparant deux Etats.
Il faut dire ici que c'est dans ces espaces qu'est
prélevé l'impôt douanier. En effet, aux termes de l'article
1er du code de la CEMAC, « le présent Code s'applique au
territoire douanier de la Communauté Economique et Monétaire de
l'Afrique Centrale, y compris les eaux territoriales des Etats membres
».
Dès lors, il est loisible de se poser la question de
savoir, à cause de la nature dématérialisée et
transnationale de l'internet, si ces notions peuvent s'appliquer au commerce
électronique ? En d'autres termes, les termes de territoire et de
frontière, essentiellement physiques, sont-ils susceptibles d'être
déterminés avec exactitude lors d'une transaction
électronique pour percevoir l'impôt douanier ?
24
Toutes ces interrogations montrent bien la difficulté
qu'il y a à appréhender les concepts qui ont été
définis bien avant l'avènement du commerce électronique.
Le principe même de la taxation du commerce électronique s'en
trouve remis en cause et tel semble être le cas pour l'évaluation
de l'assiette fiscale.
Paragraphe 2 : L'inadéquation quant à
l'évaluation de l'assiette fiscale
L'assiette fiscale peut être appréhendée
comme la base de perception d'une taxe, c'est encore, la « matière
assujettie à l'impôt »35. En l'espèce,
l'impôt douanier est perçu à partir d'un ensemble
d'éléments qui en constituent la base de perception ou l'assiette
fiscale. Il s'agit de l'origine, de la valeur et de l'espèce. C'est en
fonction de ces trois paramètres que sont liquidés les droits et
taxes au passage du cordon douanier de marchandises d'origine
étrangère.
La détermination de cette assiette ne soulève
pas de difficultés majeures dans le cadre des échanges
économiques traditionnels. Ainsi, à chaque traversée des
frontières physiques de marchandises, les droits et taxes sont
prélevés au titre de l'impôt douanier sur la base d'une
assiette fondée sur les trois éléments constitutifs de la
fiscalité de porte.
Cependant, dans le cadre du commerce électronique des
difficultés vont surgir à cause de la nature
dématérialisée, ouverte et internationale du net. Ces
trois éléments déterminatifs de l'assiette s'en trouvent
ainsi fortement perturbés.
Aussi, le classement tarifaire devient-il problématique
(A), la détermination de l'origine, malaisée (B) et
l'appréciation de la valeur, approximative(C)36.
A) Un classement tarifaire
problématique
Aux termes de l'article 12 du Code des Douanes de la CEMAC,
« l'espèce de marchandises est la dénomination technique qui
leur est attribuée par le tarif des douanes ». C'est en fait le
terme technique utilisé pour l'administration des douanes avec pour
finalité évidente la classification et la codification des biens,
qui constitue l'espèce tarifaire des marchandises.
35 Dictionnaire le Petit Robert 2009, P.46.
36 Voir le cours de M. DIONE ALIOUNE, « Droit
Fiscal et Douanier », P.8.
25
Ainsi, afin de faciliter l'application du tarif
extérieur commun, (application des mêmes droits de douanes quelque
soit le point d'entrée de la marchandise sur le territoire douanier
communautaire), les pays membres de la CEMAC ont adapté un
système harmonisé de désignation et de codification des
marchandises qui circulent de part et d'autre de leurs frontières
respectives. Cette harmonisation aboutit à la création de quatre
catégories de marchandises et précise pour chacune d'elles, le
taux applicable des droits de douane :
- Catégorie I : Les biens de première
nécessité : 5%
- Catégorie II : Les matières premières et
les biens d'équipement : 10% - Catégorie III : Les biens
intermédiaires et divers : 20%
- Catégorie IV : Les biens de consommation courante :
30%
La nomenclature douanière ou nomenclature tarifaire est
le document qui indique à l'importateur la catégorie à
laquelle appartiennent ses marchandises en précisant les taux de droits
et taxes applicables. C'est une structure hiérarchisée de
familles de produits repartis en 21 sections. Chaque section est
constituée de plusieurs sous sections. Dans les sous sections enfin,
sont listées les catégories de marchandises.
Qu'en est-il alors de la classification et de la codification
des données numérisées en cours dans le monde
dématérialisé et virtuel du net ?
Il semble nécessaire de partir encore de la distinction
faite antérieurement entre le commerce électronique direct et le
commerce électronique indirect pour répondre à cette
question.
En l'occurrence, dans cette dernière hypothèse,
la difficulté est moindre. Elle réside particulièrement
dans l'émergence fréquente des produits totalement nouveaux et
sur lesquels la Douane n'a aucune emprise parce que, justement, n'étant
pas prévus par la Nomenclature. En revanche, c'est dans le premier cas,
celui du commerce électronique direct, que le problème est
quasiment insoluble. En effet, pour résoudre le problème de la
classification dans ce dernier cas, il semble qu'il faille d'abord
régler une question préalable qui est incontournable. C'est celle
cruciale de la nature des transmissions électroniques. En l'occurrence
les données numérisées sont-elles
considérées comme des marchandises ou plutôt comme des
services ?
26
Il faut dire qu'il est important de déterminer avec
précision la catégorie juridique à laquelle appartiennent
les transmissions numérisées pour une bonne mise en oeuvre de la
Nomenclature, car comme on peut le deviner, la Nomenclature n'est pas de mise
pour une classification des échanges électroniques, parce que
basé sur un monde physique qui jure avec la réalité
dématérialisée du Net.
Ainsi, si on parvient à déterminer la nature de
bien physique de transmissions numérisées, la Nomenclature
pourrait s'appliquer après quelques aménagements. Tel a
été le cas de l'énergie électrique qui est un
produit intangible comme les transmissions numérisées.
Après moult discussions au niveau des instances internationales, on est
parvenu à procéder à son classement à la position
« 27-16-00 » du système harmonisé37.
En revanche, la Nomenclature est inapplicable si les
transmissions numérisées sont perçues comme des
services.
La détermination de la nature des transmissions
numérisées revêt ainsi une importante décisive, car
celle-ci conditionne son classement dans la Nomenclature. Cependant, face
à l'incertitude qui pèse sur la nature juridique des
données numérisées, le classement de celles-ci devient
problématique et nécessite avant tout de régler cette
question préalable mais aussi préjudicielle.
Ces difficultés induites par le commerce
électronique quant au classement surviennent aussi en matière de
détermination de l'origine des marchandises.
B) La détermination malaisée de
l'origine
L'origine d'une marchandise peut être
appréhendée comme le lien géographique qui unit celle-ci
à un pays donné dont elle est réputée issue. C'est
le lieu de provenance de celle-ci. A ce titre, l'alinéa 2 de l'article
22 du code des douanes de la CEMAC dispose que : « les produits naturels
sont originaires du pays où ils ont été extraits du sol ou
récoltés. Les produits manufacturés sont originaires du
pays où ils ont été fabriqués ».
Dès lors, des problèmes d'une certaine amplitude
se posent relativement aux échanges de données
numérisées via le Net. En effet, les transmissions
électroniques s'effectuent dans
37 Le Système Harmonisé ou Code SH
est le système international de désignation et de codification
des marchandises. Il est aussi utilisé pour l'élaboration des
tarifs douaniers nationaux et les statistiques du commerce extérieur
ainsi que pour la mise en place des règles d'origine, des tarifs de
transport, des contrôles de quota et la surveillance du commerce mondial.
Il est entré en vigueur en 1998.
27
un environnement mouvant marqué par le flux
d'éléments en constante évolution, des
fonctionnalités de traitement et de communication.
Il est vrai que les marchandises dans la production desquelles
sont intervenus plusieurs pays sont considérées comme originaires
du pays où a eu lieu la dernière transformation ou ouvraison
substantielle38, économiquement justifiée,
effectuée dans une entreprise équipée à cet effet
et ayant abouti à la fabrication d'un produit nouveau
représentant un stade de fabrication important39.
Mais il reste que les technologies complexes permettent de
reproduire facilement et de transmettre à l'infini des données
numérisées. D'où la difficulté manifeste pour
déterminer le dernier pays où a eu lieu la dernière
transformation et a fortiori celui où s'est effectué l'ouvraison
substantielle économiquement justifiée.
Ainsi, le problème majeur lié à cette
question d'origine est que les transactions elles-mêmes ne sont pas de
simples opérations d'un point à un autre. Le lieu où ces
transmissions traversaient la frontière dépendait toujours des
caractéristiques spécifiques de la série d'utilisateurs
reliés au réseau ainsi que des caractéristiques tout aussi
changeantes se rapportant au programme et à l'emplacement d'appareils
tels que les serveurs40.
Dès lors, il existe de sérieux doutes dans
l'applicabilité des règles actuelles de détermination de
l'origine. Cela est d'autant plus alarmant que l'origine des marchandises
détermine sensiblement les montants des droits et taxes.
En effet, les produits originaires de certaines
communautés économiques telles que la CEMAC, la
CEDEAO41 et l'UEMOA42 bénéficient d'un
régime de faveurs à l'intérieur des pays qui constituent
ces espaces économiques. C'est notamment le cas du tarif
extérieur commun qui y est institué.
En somme, les activités d'échanges
économiques traditionnelles bénéficient du régime
tarifaire de faveur dans l'espace communautaire, tandis que le E-Commerce en
est
38 C.J.C.E., 23 février 1984, Aff. 93/83, Rec.
1095 ; C.J.C.E., 26 février 1977, Aff. 46/47, Rec. 41.
39 Cass. Crim, 12 novembre 1990, Bull. Crim.
N°376, P.953.
40 Ouvrage collectif dirigé par Daniel Kaplan,
Guide du commerce électronique : votre entreprise sur internet, Paris,
Maisonneuve et Larose, 2000, P.85.
41 Communauté Economique des Etats d'Afrique de
l'Ouest.
42 Union Economique et Monétaire de l'Afrique
de l'Ouest.
28
entièrement exclu. Il importe donc de
sécréter de nouvelles normes qui prennent en charge
entièrement cette réalité du net.
Cela semble également être le cas pour la
détermination de la valeur dont l'appréciation devient
approximative avec l'avènement du Net.
C) L'appréciation approximative de la
valeur.
Le concept de valeur est polysémique. Il est ainsi
possible de recenser une triple conception de la notion.
Dans un premier temps, la valeur est perçue à
partir d'une cotation opérée sur un marché et
résulte du jeu de la loi de l'offre et de la demande. C'est le cas pour
les marchandises faisant l'objet de transactions dans une Bourse de commerce de
valeur. Ensuite, la valeur peut s'établir en fonction du coût ou
du prix de revient ou encore de la capitalisation des revenus. Enfin, elle peut
résulter de l'appréciation purement subjective des parties
à la convention portant sur la chose en question.
Pour sa part, le Code de Douanes de la CEMAC définit la
valeur en douanes des marchandises importées, en son article 24
paragraphe (a) comme « la valeur des marchandises
déterminées en vue de la perception des droits de douane et taxes
d'effet équivalent ad valorem ».
Cependant, l'article 23 précise que « la base
première pour la détermination de la valeur en douane est la
« valeur transactionnelle ». Celle valeur transactionnelle est
définie à l'article 26, comme « le prix effectivement
payé ou à payer pour les marchandises importées
lorsqu'elles sont vendues pour l'exportation à destination de l'Etat
membre d'importation après ajustement conformément aux
dispositions de l'article 27... »
Il en découle de ces dispositions que dans les Etats
membres de la CEMAC, la valeur de la marchandise est déterminée
en ajoutant au prix effectivement payé ou à payer pour les
marchandises importées, des éléments et des produits ou
services qui n'ont pas été inclus dans le prix effectivement
payé ou à payer, de même que des frais accessoires à
l'achat, comme le coût de l'assurance, les frais de transport, de
chargement, de manutention et de déchargement.
A ce niveau, Il est possible de relever une certaine
convergence d'esprit entre cette valeur transactionnelle et le commerce
électronique. En effet, la réalité
dématérialisée et
29
transnationale du Net ouvre au consommateur un marché
mondial dans lequel il règne en véritable maître du jeu des
échanges. Mais l'impression se révèle vite fausse, car la
notion de valeur est, en réalité, des trois
éléments constitutifs de l'assiette fiscale, la plus difficile
à établir43.
L'avènement du commerce on-line n'est pas pour aplanir
ces problèmes dans la détermination de la valeur. En
l'espèce, les produits numérisés sont constitués de
deux éléments bien distincts. D'une part, un
élément matériel que représente le support physique
(bandes magnétiques, disquettes, disques y compris les disques pour
lecture par faisceaux laser, des vidéodisques, des unités de
stockage, etc.). D'autre part, un élément intellectuel
(enregistrements sons, images, données ou instructions).
Dès lors, comment déterminer la valeur de ces
produits numérisés dont la constitution est on ne peut plus
hétérogène ? Faut-il prendre en compte seulement la valeur
du support ? Ou celle du contenu ? Ou les deux à la fois ?
Pour mettre de l'harmonie dans cette fixation de la valeur des
produits numérisés, le Comité d'évaluation en
douane de l'Organisation Mondiale du Commerce détermine un cadre, en
laissant à travers la décision val/8 sur l'évaluation des
supports informatiques et des logiciels, le choix aux administrations des
douanes soit de taxer les supports y compris la valeur du logiciel, soit de
prélever des droits sur le support seul.
Il faut cependant relativiser l'intérêt d'une
telle décision puisqu'elle ne s'applique pas aux transmissions
électroniques, ni aux enregistrements de son et d'images dont le
transport par des moyens électroniques connaît actuellement un vif
succès.
Or, il importe, étant entendu que les produits
numérisés sont divers et variés, qu'une solution globale
soit envisagée par la mise en oeuvre d'un cadre général
qui détermine des règles homogènes de la fixation de la
valeur en domaine de ces produits numérisés. Ce qui va à
coup sûr permettre de réduire les risques inhérents
à la non fiscalisation de ces produits.
43 Cours de M. Dione Alioune, op.cit, P.15.
30
SECTION 2 : LES RISQUES INHERENTS A LA NON
FISCALISATION
OPTIMALE DES PRODUITS NUMERISES.
Les difficultés d'appréhension de la
matière fiscale imposable que nous venons de relever ci-dessus induisent
des conséquences la politique commerciale (paragraphe 1) et sur les
recettes fiscales (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Perte d'un instrument de politique
fiscale
Delporte (1999) note que « Pour ce qui est des droits de
douane, il s'agit, à la différence de la TVA, d'un
élément de la politique commerciale des Etats : elle permet
à l'économie de se développer harmonieusement dans le
cadre des échanges internationaux.
S'il est acquis qu'elle ne peut avoir pour effet d'entraver le
commerce international dans un but protectionniste, il n'en reste pas moins
qu'elle est nécessaire pour garantir une concurrence
équilibrée entre les partenaires commerciaux. Il lui appartient
dans ce cadre d'éviter les distorsions liées au dumping
économique, social ou fiscal. D'autres missions, telles que la
protection des intérêts vitaux des Etats, la protection des
cultures nationales ou régionales ainsi que le maintien d'un outil de
politique internationale (lutte contre les régimes qui violent les
droits de l'homme, etc.) doivent également être prises en
considération ».
A cet égard, l'impossibilité de mener une
politique douanière en matière de flux électroniques pose
un problème majeur. A titre d'exemple, les mesures relevant de
l'exception culturelle, qui permettent aux Etats européens de
contrôler la diffusion audiovisuelle via les médias traditionnels,
sont totalement inopérantes en matière de diffusion on-line dont
la progression est accentuée suite au développement du
Broadband.
Paragraphe 2 : Erosion des recettes fiscales
Le développement du commerce électronique peut
entraîner une érosion des recettes de droits de douane, pour
diverses raisons :
- le commerce de produits numériques fournis par voie
électronique se développe. Or, si ces produits sont
exonérés, les produits équivalents sur support
matériel auxquels ils se substituent ne le sont pas
nécessairement (cfr. par exemple, dans l'UE, les films, jeux
vidéos ou autres produits imprimés relevant de la clause
d'exception culturelle). Ceci entraîne, par ailleurs, des distorsions de
concurrence défavorables à la distribution traditionnelle.
31
- l'on note une tendance à la détaxation de
biens tangibles mais numérisables confortée
précisément par un souci d'éviter les distorsions de
concurrence ;
- le volume des ventes à distance
transfrontalières B2C44 de biens traditionnels va
s'accroître. Or, la perception des droits sur les petits paquets est
très aléatoire, ceux-ci étant difficilement
contrôlables en douane. En outre, certains pays autorisent une franchise
douanière en deçà d'une certaine valeur
importée.
Teltsher (2000) a évalué les pertes fiscales qui
résulteraient du développement de l'e-commerce B2C. Le calcul se
base sur l'hypothèse que l'ensemble des biens numérisables dont
la forme matérielle est soumise aux droits de douane (en 1997) seraient
à l'avenir exclusivement échangés sous forme
électronique via les réseaux de télécommunication.
Il en ressort notamment que :
- les principaux perdants seraient les pays en voie de
développement : ils subiraient près des deux tiers (63 %) de
l'érosion mondiale des recettes douanières. Ces pays sont
importateurs nets de biens numérisables et imposent des droits
d'entrée supérieurs à la moyenne mondiale. Les recettes
douanières y représentent une part importante des recettes
fiscales totales et un glissement vers d'autres sources de revenus y est
malaisé ;
- pour l'Union Européenne, les pertes seraient
négligeables. Teltsher indique que, en 1997, les droits de douane sur
les importations de produits numérisables ne représentaient que
0,5 % de l'ensemble des recettes douanières totales.
L'ampleur de ces risques non amène à proposer un
cadre optimal pour la fiscalisation du E-Commerce.
44 Business to Consumer : Contrats conclus entre
professionnels et consommateurs dans le cadre du e-commerce.
32
CHAPITRE 2 : LES PERSPECTIVES
Pour essayer de résorber les risques inhérents
à la non fiscalisation optimale du commerce électronique, des
actions doivent être entreprises. Celles-ci passent par la prise en
compte du E-Commerce dans la définition du droit fiscal et douanier
(section 1) et par le renforcement de l'efficacité des administrations
fiscales et douanières (section 2).
SECTION 1 : LA REDEFINITION DU DROIT DOUANIER ET DU
DROIT FISCAL A
L'AUNE DU E-COMMERCE.
Cette redéfinition suppose la prise de mesures
concrètes d'ajustement de la législation au E-Commerce
(paragraphe 2). Mais avant phase cruciale, des préalables doivent
être définis (paragraphe 1).
Paragraphe 1 : Les préalables
Ils se déclinent en la prise en compte des principes
adoptés au niveau international pour l'imposition de l'E-Commerce (B)
lesquels iront en droite ligne de la définition d'une politique
générale des TIC en Afrique (A).
A) La définition d'une politique
générale des TIC en Afrique
Le phénomène des TIC est un
phénomène par essence transnational. Aussi, faut-il agir au
niveau continental pour essayer de l'analyser, le comprendre et l'adopter.
La nature internationale du commerce électronique
réduit l'efficacité des initiatives purement nationales et milite
en faveur d'un consensus communautaire ou international à dégager
chaque fois que cela est possible, les objectifs à poursuivre et les
meilleurs moyens de les atteindre. Comme pour le commerce classique, les
législations nationales, dans différents domaines (signatures
numériques, protection des données et respect de la
confidentialité, droit des contrats, nouveaux moyens de paiement
électroniques, etc.) risquent de dresser des barrières
commerciales qui freineront le développement du commerce
électronique à l'échelle sous-régionale si
dès le départ les stratégies ne sont pas
coordonnées. On comprend dès lors que le e-commerce requiert des
gouvernements de la sous-région une concertation pour élaborer
une approche commune afin de créer une synergie entre les
potentialités des Etats au niveau des infrastructures, des ressources
humaines, des produits et services.
33
La politique générale de TIC en Afrique doit
concerner les domaines aussi divers et variés que le politique, le
social, l'économie et l'environnement pour ne citer que
ceux-là.
Les différents acteurs publics doivent donc s'entendre
pour fixer un plan d'action afin de contenir le phénomène des
TIC.
Pour ce faire, ils doivent se fixer des objectifs à
atteindre en identifiant leurs manques, leur retard, les ressources humaines,
matérielles et financières nécessaires.
Le but ici est de sécréter des règles
communes claires et applicables pour toutes les portes les parties
prenantes.
Une telle politique a le mérite d'éviter des
réactions divergentes à ce nouveau phénomène et
d'éviter l'obsolescence des mesures ou règles
préexistantes sans effet sur la nouvelle donne.
Ce serait une pro action comme cela a été le cas
pour l'imposition du e-commerce au niveau mondial.
B) La prise en compte des principes devant
régir le E-Commerce adoptés lors de la Conférence d'Ottawa
de 1998
Fin 1998, la conférence d'Ottawa a réuni, sous
l'égide de l'OCDE, des représentants des pays membres et non
membres ainsi que des représentants de l'industrie. L'Organisation
mondiale des Douanes et la Commission européenne participaient aux
travaux. Les résultats de ce premier grand brainstorming à
l'échelle mondiale, sous la forme de conditions cadres pour l'imposition
du commerce électronique, ont été approuvés par la
communauté internationale et restent aujourd'hui la
référence sur le plan de l'orientation à donner aux
questions fiscale en matière d'e-commerce.
Considérant que « le commerce électronique
est à même de stimuler la croissance et l'emploi » dans le
monde, les conditions cadres rédigées par le comité des
Affaires fiscales de l'OCDE invitent les autorités fiscales à
définir un « juste équilibre » entres deux objectifs:
celui d' « instaurer un climat fiscal favorable dans lequel le commerce
électronique puisse être florissant »et celui de «
disposer d'un système fiscal juste et prévisible qui fournisse
les recettes requises pour combler les exigences légitimes des citoyens
en matière de services fournis par l'Etat ».
34
Le comité estime que « les principes fiscaux qui
guident les gouvernements dans l'imposition du commerce conventionnel devraient
aussi les guider dans celle du commerce électronique ; [...] au stade
actuel d'évolution de l'environnement technologique et commercial, les
règles fiscales actuelles permettent de mettre en oeuvre ces principes
». Il n'est donc pas question d'instaurer une taxation ad hoc.
Dans la mesure où des adaptations des règles
existantes sont nécessaires, elles « devraient être
organisées de manière à préserver la
souveraineté fiscale des pays, à assurer une répartition
équitable de la base d'imposition du commerce électronique entre
les différents pays et à éviter la double imposition et la
non-imposition involontaire ».
Les principes généraux à appliquer en
matière de fiscalité du commerce électronique sont
précisés :
- les adaptations réglementaires ne doivent pas
conduire à « imposer un traitement fiscal discriminatoire des
transactions commerciales électroniques » (principe de
neutralité);
- « le coût de la discipline fiscale pour les
contribuables et l'administration devraient être réduits autant
que possible » (principe d'efficience) ;
- les règles fiscales doivent êtres
prévisibles, « claires et simples à comprendre »
(principe de certitude) ;
- il faut « réduire au maximum les
possibilités de fraude et d'évasion fiscale, tout en veillant
à ce que les contre-mesures soient proportionnées aux risques
encourus » (principes d'efficacité et d'équité) ;
- « les systèmes d'imposition devraient être
flexibles et dynamiques de manière à suivre le rythme de
l'évolution des techniques et des transactions commerciales »
(principe de flexibilité).
Au vu des observations présentées dans les
développements précédents, l'on peut considérer que
les avancées enregistrées sont encore largement insuffisantes ou
alors inexistantes comme c'est le cas en Afrique, eu égard à ces
principes dégagés lors de la conférence d'Ottawa. La
réflexion sur les adaptations à apporter aux systèmes
fiscaux en vue de les rendre adéquats par rapport à la
réalité du commerce électronique doit donc se
35
poursuivre dans les enceintes nationales et internationales,
dans le sens préconisé par les conditions cadres de 1998.
En outre, la question de la fiscalité dans le contexte
de la «société de l'information» n'est pas
indépendante d'autres problématiques qui font l'objet d'une
réflexion à l'échelle internationale comme, par exemple,
la lutte contre le blanchiment de capitaux (parmi les thématiques
abordées par le GAFI figure « les nouvelles technologies de
paiement, leurs statut actuel et leur vulnérabilité potentielle
face au blanchiment de capitaux »45).
Par ailleurs, il est important que le
prélèvement de l'impôt douanier s'arrime au e-
commerce.
Paragraphe 2 : Ajustement des fondements du
prélèvement de l'impôt douanier au E-Commerce.
Cet ajustement passe par une redéfinition des
éléments qui constituent le fait générateur de
l'impôt douanier (A) tout comme celle de ceux qui en constituent
l'assiette (B).
A) Redéfinition des éléments
constituant le fait générateur de l'impôt douanier à
l'aune du E-Commerce.
Il s'agit de redéfinir ici les notions de territoire et
de frontière numériques et celle de l'importation virtuelle.
Le territoire numérique serait ainsi un territoire
ôté de toute substance physique, non rattachable physiquement
à un pays, mais dont celui-ci peut s'en prévaloir dès lors
qu'une activité économique y est effectuée par un agent
économique. En clair, ce qui importe, ce n'est pas l'exercice d'une
activité économique en ligne sur un territoire, mais
l'activité économique elle-même crée le droit pour
un pays de prélever l'impôt.
Ainsi, l'importation ne se définit plus comme le
franchissement des frontières physiques d'un Etat par des marchandises
d'origine étrangère. Il faut pouvoir concevoir une sorte
d'importation virtuelle liée aux « marchandises numériques
» elles-mêmes. La seule
45 La 13eme des recommandations de 1996
du GAFI (Groupe d'Action Financière sur le blanchiment des capitaux),
stipule que : « les pays devraient apporter une attention
particulière aux menaces de blanchiment des capitaux inhérentes
aux technologies nouvelles ou en développement, qui risquent de
favoriser l'anonymat, et prendre des mesures supplémentaires, si
nécessaire, pour éviter l'utilisation de ces technologies dans
les dispositifs de blanchiment de capitaux ».
36
circulation des marchandises sur le web on alors les
échanges économiques virtuels une fois appréhendés
par les Etats doivent suffire pour fonder leur droit au
prélèvement de l'impôt.
B) Redéfinition de l'assiette de l'impôt
douanier
L'assiette traditionnelle de l'impôt douanier
constituée de l'origine, de l'espèce et de valeur doit être
redéfinie pour prendre en compte l'aspect immatériel induit par
les TIC.
Ainsi, le classement tarifaire doit tenir compte des nouveaux
produits digitalisés. Une Nomenclature doit être définie
à cet effet à l'échelle continentale qui définit et
intègre les produits numérisés et leur octroie une
position tarifaire.
L'origine doit être inopérante, compte tenu du
caractère transnational du Net. Aussi, pensons-nous qu'elle doit
être exclue dans la détermination de l'assiette de l'impôt
douanier. Un tarif unique doit être fixé par les marchandises
circulant sur le Net, ce qui exclut les régimes
préférentiels qui ont cours dans certains espaces
communautaires.
En ce qui concerne la valeur transactionnelle, elle doit
être déterminée à la fois en tenant compte des deux
éléments constitutifs des produits numérisés que
sont l'élément matériel que présente le support
physique (bande magnétique, disquettes, disques etc.) et
l'élément intellectuel (enregistrement, sons, images,
données, instructions).
Ces différentes réformes sont indispensables,
mais elles doivent s'accompagner d'un renforcement des administrations fiscales
et douanières pour les rendre plus efficients.
SECTION 2 : LE RENFORCEMENT DE L'EFFICACITE DE
L'ADMINISTRATION FISCALE ET DES DOUANES.
Ce renforcement passe par la coopération et la
formation (paragraphe 1) et par l'usage de la technologie pour améliorer
la gestion fiscale (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La coopération et la
formation
Il s'agit d'instituer une coopération entre les
administrations (A) et de promouvoir la formation des cadres aux TIC (B).
A) 37
La coopération entre les
administrations
Pour marquer leur entreprise sur l'imposition du e-commerce,
les administrations douanière et fiscale doivent travailler en parfaite
symbiose. Il est nécessaire que soit instaurée une
coopération entre elles aux plans international, régional et
même sous régional. Une loi uniforme devrait d'ailleurs être
prise en ce sens au niveau de l'UEMOA-CEMAC.
L'échange d'informations qui résulterait de
cette coopération permettra certainement de lutter contre les
phénomènes tels que la cybercriminalité douanière,
ou l'évasion fiscale.
B) La formation des cadres aux TIC
Les ressources humaines sont à la base de toute
réforme. La réforme nait de la volonté des hommes
d'améliorer un état de fait, de s'arrimer à une nouvelle
donne et elle traduit cette volonté en une réalité
pérenne. Comme le disait pertinemment un contemporain : « Rien
n'est possible sans les hommes, rien n'est durable sans les institutions
».
Dans cet ordre d'idées, pour une fiscalisation optimale
du e-commerce, il est nécessaire que les cadres d'administrations
concernées s'approprient les technologies de l'information et de la
communication. Cela passe par une formation adéquate. Celle-ci doit
figurer au programme de leurs enseignements dans les écoles
d'administration46 au même titre que les autres
disciplines.
Ainsi, seront-ils en mesure de mieux apprécier l'apport
de ces technologies au service de la matière imposable.
Paragraphe 2 : La technologie au service de
l'impôt.
L'usage des TIC est susceptible d'améliorer le service
au contribuable (A), tout comme le contrôle et le recouvrement de
l'impôt (B).
46 A l'Ecole Nationale d'Administration et de
Magistrature (ENAM) du Cameroun, l'enseignement des TIC n'est pas
dispensé. A l'issue de leur formation cependant, les inspecteurs des
impôts stagiaires suivent un stage de perfectionnement en informatique
à la Direction Générale des Impôts pour une
période de 3 mois. Celui-ci ne se limite malheureusement qu'à la
bureautique. Ce qui nous semble insuffisant pour les préparer à
l'imposition des prestations électroniques.
38
A-) Amélioration au service du contribuable
Sur le plan du service au contribuable, les conditions
cadres47 font les recommandations suivantes : «les moyens de
communication et l'accès aux informations peuvent être
renforcés pour aider les contribuables à améliorer les
délais de réponse ; les obligations en matière
d'enregistrement et de déclaration pourraient être
simplifiées et l'on pourrait promouvoir des normes pour l'acceptation du
matériel électronique ; l'évaluation et le recouvrement
électroniques pourraient être encouragés. On pourrait
promouvoir des moyens plus aisés, plus rapides et plus sûrs
d'acquitter l'impôt et d'obtenir des remboursements».
Les nouvelles technologies permettent en effet une
modernisation de la gestion fiscale: communications électroniques se
substituant aux échanges sur support papier, formulaires
électroniques à consulter, compléter et communiquer
à distance, automatisation des déclarations, du
dépouillement, envoi de déclarations préremplies sur base
d'un recoupement de diverses bases de données administratives, etc.
B-) Amélioration du recouvrement et du
contrôle fiscal par l'usage des TIC
En matière de recouvrement et de contrôle fiscal,
les conditions cadres suggèrent que « Les administrations fiscales
devraient maintenir leur capacité d'accéder à des
renseignements fiables et vérifiables afin d'identifier les
contribuables et d'obtenir les informations nécessaires pour
gérer leur système d'imposition ».
Ceci comprend l'adoption de « pratiques d'identification
conventionnelles pour les entreprises pratiquant le commerce
électronique » et l'élaboration de « lignes directrices
acceptables au niveau international sur les niveaux d'identification suffisants
pour permettre que des signatures numériques soient
considérées comme des preuves acceptables de l'identité en
matière fiscale ».
Il existe actuellement des systèmes de certification
des identités de type « signature numérique »
présentant un degré de fiabilité techniquement acceptable.
Leur usage est d'ailleurs systématiquement exigé pour
accéder aux possibilités de déclarations fiscales
électroniques dans les pays qui offrent ces possibilités.
47 Conditions définies pour l'imposition du
e-commerce définies à la Conférence d'Ottawa 1998.
39
Cependant, les risques fiscaux autant que commerciaux
découlant des possibilités de dissimulation d'identité
subsisteront tant qu'une solution à caractère universel ne sera
pas apportée à la question de la certification des
identités.
Le défi est de nature davantage politique que
technique: sera-t-il possible d'instaurer une obligation générale
d'usage d'un système de certification d'identité, non seulement
dans les rapports entre les contribuables et les administrations fiscales mais
également en amont, c'est-à-dire dans le cadre des relations
commerciales susceptibles de donner lieu à des faits
générateurs d'impôt, et ce dans un cadre harmonisé
au niveau mondial?
Par ailleurs, les technologies de l'information ouvrent aux
administrations fiscales de nouvelles possibilités dans le cadre du
recouvrement et du contrôle. D'ores et déjà, les
administrations de nombreux pays, dont la Belgique, implémentent ou
projettent d'implémenter des outils de data mining afin d'exploiter au
mieux les potentialités des bases de données dont elles
disposent.
Le data mining repose sur des technique issues de la
théorie de l'information, de la statistique et de la modélisation
; il vise à mettre en évidence, à l'intérieur de
gros volumes de données inutilisables en tant que tels, des relations
jusque là inconnues, à en extraire des informations originales et
potentiellement utiles et à les analyser.
Il s'agit, par exemple, de vérifier la cohérence
de l'ensemble des données (fiscales, sociales, patrimoniales,
comptables, etc.) recueillies à propos d'un contribuable par
différents départements administratifs et de les confronter aux
profils types ressortant de groupes de contribuables présentant des
caractéristiques similaires. Le data mining doit permettre, à
moindre coût, d'optimiser la détection des situations de fraude,
de mieux cibler les contrôles, de dégager, à partir d'une
opération frauduleuse, la chaîne des contreparties
également frauduleuses qui en découlent, voire de renforcer
l'équité du système fiscal en réduisant les
inégalités catégorielles face au contrôle fiscal.
40
CONCLUSION GENERALE
Au terme de notre analyse et aux différentes questions
de savoir quel pourrait être l'impact de l'avènement du e-commerce
sur la fiscalité, il apparait en toile de fond que la
problématique essentielle tourne autour de la définition des
mesures adéquates de fiscalisation optimale de ce nouveau mode
d'échanges économiques.
En effet, Le commerce électronique est susceptible de
constituer l'un des faits économiques majeurs du 21ème
siècle. Les technologies de l'information et de la communication sur
lesquelles repose ce nouveau moyen d'effectuer des opérations
industrielles ou commerciales offrent des possibilités
d'amélioration de la qualité de la vie et du bien-être
économique à l'échelle mondiale. Le commerce
électronique est à même de stimuler la croissance et
l'emploi dans les pays industrialisés comme dans les pays
émergents et les pays en développement.
Aussi, les autorités fiscales ont un rôle
à jouer pour réaliser ce potentiel. Elles doivent instaurer un
climat fiscal dans lequel le commerce électronique puisse être
florissant, en tenant compte de l'obligation de disposer d'un système
fiscal juste et prévisible qui fournisse les recettes requises pour
combler les exigences légitimes des citoyens en matière de
services fournis par l'Etat. Cela est d'autant plus important pour les pays
africains que l'essentiel de leurs ressources budgétaires est
basé sur les recettes fiscales.
A cet égard, il nous a été loisible tout
au long de ce travail, de présenter la fiscalité du e-commerce
telle qu'elle existe et telle qu'elle devrait s'ajuster à ce nouveau
mode de commerce. Nous avons alors à cette occasion, constaté
l'absence de législation fiscale appropriée à cet effet
dans nos principaux centres d'études ; à savoir, la
sous-région Afrique Centrale et le Cameroun.
Néanmoins, le recours au droit comparé nous a
amené à comprendre que même si sous d'autres cieux, en
Europe notamment, il existe une législation, il subsiste encore des
difficultés à dégager un consensus global en
matière de fiscalité du e-commerce, en témoignent les
divergences de points de vue quant à l'appréhension de la notion
d'établissement stable ou celles liées à la
consécration du principe de taxation à la résidence ou de
taxation au lieu du prestataire ; entres autres exemples.
41
Mais au-delà de cette étude comparative, le but
ultime pour nous était de proposer des solutions pour l'imposition du
commerce électronique en Afrique. En ce sens, plusieurs propositions ont
été faites ; elles passent notamment par la définition
d'une politique générale des TIC en Afrique et par la
redéfinition des concepts fiscaux à l'aune du e-commerce. Ceci
doit être fait dans un laps de temps court, compte tenu des
évolutions de la technologie et des pertes fiscales énormes dues
à la non fiscalisation optimale de ce type de commerce.
En somme donc, la seule solution viable à long terme
consiste en une synergie au niveau africain pour répondre aux
défis posés par la fiscalisation du e-commerce.
42
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES GENERAUX
BOUVIER Michel : « Introduction au droit fiscal
général et à la théorie de l'impôt »
(Paris, LGDJ, 7e éd).
STOURM, R : « Systèmes généraux
d'imposition » (Guillaumin, 1905). FAGOT, Pierre Yves : «
Commerce électronique et droit douanier ».
BEKOLO EBE, Bruno : « Mondialisation de l'économie
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Le Petit Robert 2009
WEBOGRAPHIE
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