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Reflexions sur la fonction consultative de la cour internationale de justice (CIJ)

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par Kpatcha Lazare EWAROU
Université de Lomé -Togo - Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA), Droit public 2012
  

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SIGLES ET ABREVIATIONS

AC : Avis Consultatif

AFDI : Annuaire Français de Droit International

AIEA : Agence internationale de l'énergie atomique

BM : Banque Mondiale

CERDIA : Centre d'Etudes, de Recherche et de Documentation

sur les Institutions Africaines

CIJ : Cour Internationale de Justice

CJCE : Cour de Justice de la Communauté Européenne

CPJI : Cour Permanente de Justice Internationale

CS : Conseil de Sécurité

FMI : Fonds Monétaire International

FUNU : Force d'Urgence des Nations-Unies

IMCO : Organisation Internationale Consultative de la

Navigation Maritime

LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

MARC : Modes Alternatifs de Règlement des Différends

OI : Organisation Internationale

OIT : Organisation International du Travail

OMS : Organisation Mondiale de la Santé

ONUC : Opération des Nations-Unies au Congo

ONU : Organisation des Nations-Unies

OSCE : Organisation pour la Sécurité et la Coopération en

Europe

RADIC : Revue Africaine de Droit International et Comparé

2

RBSJA : Revue Béninoise des Sciences Juridiques et

Administratives

Rec. CIJ : Recueil de la Cour Internationale de Justice

SDN : Société des Nations

TAOIT : Tribunal Administratif de l'Organisation International

du Travail

TANU : Tribunal Administratif des Nations-Unies

TPIY : Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie

UNESCO : Organisation des Nations-Unies pour l'Education et la

Culture

UPU : Union Postale Universelle

URSS : Union des Républiques Socialistes et Soviétiques

USA : United States of America

3

SOMMAIRE

INTRODUCTION 07

PREMIERE PARTIE : UNE FONCTION CONTRIBUTIVE .. 13

CHAPITRE I : CONTRIBUTION AU DEVELOPPEMENT DU DROIT

INTERNATIONAL CLASSIQUE

14

Section I : Contribution au développement du droit international général 14

Section 2 : Contribution au développement du droit des organisations internationales... 25

CHAPITRE II : CONTRIBUTION AU MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SECURITE INTERNATIONALES

37

..............................................................

Section I : La pacification de la société internationale . 37

Section 2 : La paix et la sécurité internationales dans la jurisprudence de la Cour 44

DEUXIEME PARTIE : UNE FONCTION REVALORISABLE 55

CHAPITRE I : LES LIMITES DE LA FONCTION CONSULTATIVE 56

Section I : Une saisine moins généreuse 56

73

Section 2 : Une fonction consultative ombragée 64

CHAPITRE II : LA NECESSITE DE LA REVALORISATION DE LA

FONCTION CONSULTATIVE

Section I : Les pistes de la revalorisation .. 73

Section 2 : Une réforme incertaine 80

CONCLUSION . 87

4

INTRODUCTION

5

La Cour Internationale de Justice (CIJ) dont le siège se trouve au Palais de la Paix, à La Haye (Pays-Bas)1, héritière de la défunte Cour Permanente de Justice Internationale (CPJI)2, occupe, contrairement à cette dernière, une place non négligeable dans le système général des Nations-Unies plus particulièrement dans le rôle fondamental du règlement pacifique des différends. En effet, la CIJ, bâtie sur les fonts baptismaux depuis 1946, est le fruit d'un vaste courant de réformes et de modernisation du système international vis-à-vis des fluctuations nouvelles qu'a connu et connaît encore la société internationale depuis la fin de la seconde guerre mondiale3. Sa mission consiste à régler conformément au droit international les différends d'ordre juridique qui lui sont soumis par les Etats et donner des avis consultatifs sur les questions juridiques que peuvent lui poser les organes ou institutions autorisés à le faire4.

Continuité dans la rupture ou rupture dans la continuité, il est souvent malaisé de prendre position quand il s'agit de faire une étude comparée entre les deux plus grandes institutions judiciaires étant surtout entendu que le remplacement de la CPJI n'est en aucune façon synonyme de son désaveu ou de son échec5.

La première position consiste à déceler une certaine continuité entre les deux institutions judiciaires. Cette continuité s'observe sur plusieurs plans. D'abord, s'agissant du fonctionnement de la CIJ, l'article 92 de la Charte des Nations-Unies dispose qu' « elle fonctionne strictement sur la base du statut de la Cour Permanente de Justice Internationale ».En effet, la nouvelle Cour de justice fonctionne strictement selon le modèle qu'a connu sa devancière ; qu'il s'agisse de sa composition, de sa compétence ou de la procédure suivie. Ensuite, comme pour la CPJI, la CIJ est une institution permanente

1 Pour l'histoire, c'est dans ce palais, sous l'initiative de Sa Majesté Wilhelmine, qu'a été tenue la première conférence de la paix en 1899. Cette conférence déboucha sur l'adoption d'un Traité qui prévoyait entre autres, l'établissement, à La Haye, d'une cour permanente d'arbitrage.

2 La Cour Permanente de Justice Internationale créée depuis 1922 est l'aboutissement d'un processus enclenché par la SDN (Société Des Nations). En effet, selon l'article 14 de son statut « le conseil est chargé de proposer un projet de la CPJI et de le soumettre aux membres de la Société ». Le comité de juristes mis en place à cet effet (10 membres) prépara un avant-projet qui fut examiné par le Conseil le 28 octobre 1920 puis par l'Assemblée le 13 décembre 1920.

3 Pour plus de détails, cf. BENDJAOUI (M.), in RADIC, « La place de la Cour internationale de justice dans le système général de maintien de la paix institué par la Charte des Nations Unies », septembre 1996, n°4, p. 542. 4Article 96 de la Charte des NU.

5 En effet, le remplacement de la CPJI se justifie fondamentalement par des raisons d'ordre technique et politique, Cf. NGUYEN QUOC DINH, DAILLIER (P.), PELLE (A.), Droit international public, Paris, LGDJ, 2002, p. 525.

6

différente des autres institutions judiciaires à caractère éphémère ou ad' hoc. L'avantage de ce caractère permanent est qu'il permet de construire une certaine constance de la jurisprudence6. On peut dès lors affirmer que la CIJ a hérité d'une part belle du capital juridique de la CPJI7.

La discontinuité, ensuite, est largement évidente. D'abord, la CIJ, aux termes respectivement des articles 7 et 92 de la Charte des Nations-Unies, est d'abord un organe principal de l'Organisation des Nations-Unies (ONU) et ensuite l'organe judiciaire principal du système onusien. L'analyse montre clairement que, contrairement à la CPJI qui n'était pas un organe de la SDN, la CIJ est foncièrement attachée à l'ONU. Intégrée pleinement à l'organisation et au fonctionnement des Nations-Unies, la nouvelle Cour de justice se voit, en principe, aux côtés de l'institution mère appelée à la réalisation de l'objectif primordial du maintien de la paix. Ensuite, linéairement, la politique judiciaire8 n'est strictement pas la même que celle rencontrée dans le cadre de la CIJ. On justifie cela très souvent par l'environnement juridico-institutionnel propre à chacune d'elle.

La création de la CIJ a suscité tant d'espoir dans l'échafaudage d'un monde nouveau. Il est, en effet, peu opportun de s'attarder sur les débats préliminaires qui ont présidé à sa création. La toile de fond était incontestablement « la création d'une société internationale entièrement nouvelle, en évolution constante vers le progrès, plus juste, plus égalitaire, plus universelle, dont les membres devaient oeuvrer activement et collectivement à l'avènement d'une paix complète et durable »9. Cette paix était justement la finalité de la création de la CIJ organe principal et surtout comme organe judiciaire principal de l'ONU. Il n'est pas superflu de relever que comme tel, la Cour est considérée comme un rouage essentiel non seulement du mécanisme de règlement pacifique des différends mis au point par la Charte, mais aussi du système général du maintien de la paix.

6 Dans cette optique disait le professeur HEMBRO (E). « Lorsqu'on a songé à constituer la CIJ, une juridiction de caractère permanent, une des idées directrices a été le souci d'assurer, par cette permanence même, la constitution d'une jurisprudence, c'est-à-dire d'un corps de décisions doté d'une certaine unité ». HEMBRO (E.), la jurisprudence de la CIJ, Leyden, 1952, p. V.

7Cf. ARECHAGA (E. J.), « Commentaire de l'article 92 de la charte des Nations Unies » in, COT (P.) et PELLET (A.), Charte des Nations unies commentaire article par article, ECONOMICA, Paris, 1991, p.349.

8 La politique judiciaire résume l'activité d'une Cour de justice. On retrouve pour l'essentiel les fonctions législatives des juges, la position des juges, la technique d'interprétation des textes, la jurisprudence etc. Cf KOLB (Robert), Interprétation et création du droit international, Esquise d'une herméneutique juridique moderne pour le droit public, Bruylant, Bruxelles, 2006, p. 342 - 345.

9 Propos du Président de la CIJ, BENDJAOUI (M.) lors de la cérémonie marquant les 50 ans de la cour en 1990 in RADIC, op. cit., p. 542.

7

Pour parvenir aux côtés des Nations-Unies à préserver la paix mondiale, la Cour dispose de certaines compétences aussi bien en matière contentieuse qu'en matière consultative. Alors qu'en matière contentieuse, la Cour est habilitée à trancher sur la base du droit international général les différends entre Etats, en matière consultative, la saisine de la Cour est l'apanage de certaines entités seulement des Nations-Unies. En cette dernière matière, la compétence de la Cour est strictement liée en ce qu'elle ne peut répondre qu'aux questions qui lui sont posées par les organes et institutions de l'Organisation.

La fonction consultative de la CIJ est encadrée par l'article 96 de la Charte des Nations-Unies et par l'article 65 et suivants de son statut situé dans le chapitre IV intitulé « Avis consultatifs ». Si certains s'obstinent à admettre la conciliation possible de la fonction consultative d'une Cour avec sa vocation d'origine judiciaire10, il ne fait pas de doute qu'entre les deux fonctions, il n'existe aucune dichotomie. Bien au contraire, l'avis consultatif contribue, d'ailleurs efficacement, bien sûr, prononcé sur la base du droit international, à résoudre, freiner une situation susceptible de mettre en mal la paix mondiale. Cette pratique innovante existait déjà dans certaines juridictions anglo-saxonnes et à la Cour suprême des Etats-Unis d'Amérique notamment au Massachussetts11.

Le régime juridique des avis consultatifs est caractérisé par le fait qu'ils sont dépourvus, en principe, d'une force obligatoire ; leur portée est non contraignante. N'étant pas un acte juridictionnel et ne possédant pas une force obligatoire, l'avis consultatif s'analyse non comme une décision mais comme une opinion de la Cour destinée à éclairer l'organe qui la consulte12. Il appartient à l'institution ou à l'organe international qui en fait la demande de décider par les moyens qui lui sont propres de la suite à réserver à ces avis.

10 Certains auteurs ont émis des réserves quant aux effets de la fonction consultative sur l'intégrité judiciaire de la Cour. Si celle-ci prononçait de simples opinions dont il serait loisible de ne tenir aucun compte, elle risque de statuer prématurément en donnant son avis sur une affaire qui pourrait ultérieurement lui être soumise par voie contentieuse. Aussi, la Cour ne court-elle pas le risque de se transformer par le biais des avis consultatifs en un conseiller juridique des organes de l'ONU ?

11 Créée depuis 1692, outre sa compétence en matière d'Appel, la Cour suprême de Massachussetts rend des avis sur demande du Gouverneur et de la Cour générale sur diverses questions légales.

12 Il s'agit là d'un principe qui n'est pas sans exceptions ; voir à cet effet, AC de la CPJI de 1923 sur les décrets de nationalité, série B, n°4 entre la France et le Royaume Uni ; AC de la CIJ du 23 octobre 1959 sur les jugements du Tribunal Administratif de l'Organisation Internationale du Travail (TAOIT) sur requête de l'UNESCO. L'acte constitutif de certaines organisations prévoit que les avis que la Cour émettra sur les questions juridiques qu'elles lui soumettront auront une portée obligatoire. Voir aussi la Convention sur les privilèges et immunités des NU ; Convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées des NU ; l'accord de siège entre l'ONU et les USA.

8

A la lumière de l'intérêt incontestable qu'offrent les avis consultatifs de la Cour dans le cadre de la sauvegarde de la paix universelle par la promotion et le respect du droit international, il est opportun de mener des réflexions sur sa revalorisation face à une société mondiale quasiment instable.

La fonction consultative de la CIJ joue-t-elle le rôle qu'ont voulu lui confier les rédacteurs de la Charte eu égard à son sous-utilisation actuelle ? Il semble que cette sous-utilisation est en partie inhérente à l'organisation même de la Cour notamment du point de vue de sa compétence et de la procédure à suivre. Il ressort inévitablement que la Cour ne fait pas preuve d'une grande générosité en matière de la compétence à la saisir. Comment expliquer par ailleurs l'hésitation des organes et institutions à saisir la Cour par voie consultative malgré l'autorisation qui leur est accordée ? Le caractère permanent de la Cour offre l'avantage de consolidation de sa jurisprudence. A l'analyse de cette jurisprudence, peut-on affirmer que la Cour par le biais des avis contribue d'une part, à la consolidation de la paix et de la sécurité internationales, et d'autre part, à l'édification du droit international ?

Il s'agit, somme toute, de se prononcer sur l'enjeu actuel de la réforme de la Cour notamment en matière consultative face aux exigences nouvelles qu'imposent les relations entre acteurs de la société internationale. L'une des idées essentielles serait sans nul doute la « décentralisation » de la compétence à saisir la Cour en matière consultative. L'inclusion d'autres acteurs dont le rôle au plan régional ou même local est déterminant, constituerait une réelle avancée.

Le travail n'a pas pour ambition de faire une étude exhaustive de la fonction consultative de la Cour vu les difficultés que cela représente mais de partir de simples constatations et analyse des avis rendus par la Cour pour, d'une part, relever les apports et d'autre part, faire ressortir les dysfonctionnements et proposer des pistes de réflexion pour la revalorisation d'une fonction si importante.

La fonction consultative, il est vrai, ne suscite pas un grand intérêt au point d'attirer l'attention des chercheurs. On en veut pour preuve la rareté des études et ouvrages dédiés au sujet. Les raisons sont entre autres le caractère non contraignant des avis et sa très moindre sollicitation. Mais, ceci ne doit en aucun cas mettre en sourdine l'intérêt qui s'y attache. Il est double. D'abord, d'un point de vue institutionnel, l'organisation et le fonctionnement de la

9

Cour en matière consultative permet de faire ressortir les limites inhérentes à la Charte de l'ONU et au Statuts de la Cour qui délimitent sa compétence. Sur un plan purement juridique ensuite, la jurisprudence de la Cour en matière consultative, l'attitude des juges et le droit appliqué sans omettre l'attitude des organisations et des Etats vis-à-vis des avis de la CIJ, permettent de revenir sur les points saillants de la fonction consultative de la CIJ à savoir la sauvegarde de la paix mondiale par le canal de sa diplomatie préventive13 et l'évolution du droit international.

L'étude sur le thème « Réflexions sur la fonction consultative de la Cour internationale de justice » sera abordée sous deux axes. Après avoir relevé les contributions de la fonction consultative de la Cour dans le premier axe (Première partie), nous analyserons dans le second, la nécessité de sa revalorisation (Deuxième partie).

13 Selon l'ex Secrétaire Général de l'ONU GHALI (B. B) (1992-1996), « La démocratie préventive a pour objet d'éviter que les différends ne surgissent entre partie, d'empêcher qu'un différend existant ne se transforme en conflits ouvert et, si un conflit éclate, de faire en sorte qu'il s'étende le moins possible » cf. Agenda pour la Paix, New-York, 1992.

10

PREMIERE PARTIE

UNE FONCTION CONTRIBUTIVE

Les débats préliminaires qui ont prévalu à San Francisco font croire que c'est de haute lutte que la fonction consultative de la CIJ a obtenu droit de cité dans la Charte des Nations-Unies. La Cour, organe principal des Nations-Unies a toujours considéré que sa mission était d'aider l'organisation dans la réalisation des objectifs qu'elle s'est donnés à savoir la sauvegarde de la paix par la soumission sans réserve au droit international par tous les Etats membres.

La paix mondiale ne serait qu'un leurre si au sein de la Communauté internationale il existe des Etats qui se situent dans des zones de « non droit » au détriment d'autres Etats. La loi de la jungle se renforcerait davantage s'il n'existe au sein de cette Communauté internationale d'autorité ou d'organe habilité à dire et faire respecter la règle de droit.

L'étude de la jurisprudence de la Cour en matière consultative laisse apparaître une contribution significative en matière de la consolidation du droit international classique (Chapitre I) et de la sauvegarde de la paix universelle (Chapitre 2).

11

CHAPITRE I : CONTRIBUTION AU DEVELOPPEMENT DU DROIT
INTERNATIONAL CLASSIQUE

« Hors de l'empire du droit, l'humanité ne peut atteindre ni la paix, ni la liberté, ni la sécurité qui lui permettront de poursuivre le développement d'une société civilisée »14.

La primauté du droit international15 doit un devoir de gratitude aux avis de la CIJ. Les contributions des avis au développement du droit international ont été considérables en matière du droit international général (Section 1) et en matière du droit des organisations internationales (Section 2).

Section I : Contribution au droit international général

La politique judiciaire de la Cour aux lendemains des soubresauts mondiaux est empreinte d'une bonne dose du droit humanitaire et du respect des droits de l'homme (Paragraphe 1). Le droit des traités par ailleurs, a connu sous l'impulsion des avis de la Cour, guidés par les vertus de paix, des avancées considérables (Paragraphe 2).

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo