CHAPITRE CINQ
DISCUSSION, CONCLUSION ET
RECOMMANDATIONS
5.1 DISCUSSION
Au Cameroun, le paludisme est reconnu comme un problème
de Santé Publique et est placé au centre des
préoccupations en matière de santé. En effet, cette
maladie sévit dans les dix régions du Cameroun, avec près
de deux tiers de la population exposée [46]. L'objectif
visé par la présente étude est de contribuer à
l'amélioration du programme MILDA en vue de réduire le taux de
prévalence du paludisme au Cameroun en général et à
Douala en particulier. Pour cela, nous avons utilisé les données
de l'Enquête de Perception des Populations sur les Effets des Insectes
vecteurs (EPPE IV) dans des villages infestés du Bassin Nyong-Sanaga au
Cameroun, réalisée par l'ONG Yaoundé Initiative Foundation
en décembre 2006. Cette étude est la première
réalisée dans les périphériques de Douala
région du Littoral, Cameroun depuis l'avènement de MILDA.
5.1.1 Les caractéristiques
des sujets de l'étude.
Sur un total de 210 personnes interrogées, 71,42% sont
de sexe masculin 28,57% sont de sexe féminin. Ceci montre que les hommes
sont les plus nombreuses que les femmes au sein de la population de notre
étude.
En outre, ceux qui sont de profession infirmière sont
plus nombreux (60%) que les médecins (40%). Ces personnes occupent une
place de choix dans la gestion et la mise en oeuvre des politiques de
santé permettant de comprendre la nécessité d'utiliser
les MILDA comme moyen privilégié de lutte contre le
paludisme.
5.1.2 Identification des services
de santé.
Dans notre étude on compte un total de 75 formations
sanitaires parmi lesquelles 26 formations sanitaires publiques (34,66%) et 49
formations sanitaires privées (61,33%).Ces données s'apparentent
à celles trouvées lors de l'enquête sur
l'évaluation des indicateurs de base réalisée par le
Comité National de Lutte le Paludisme. En conséquence cette
prédominance des formations sanitaires privées dénote une
forte implication de celles -ci dans la lutte contre le Paludisme. La
différence est significative entre le niveau de distribution des MILDA
dans les deux catégories de formations sanitaires. (p = 0,05).
5.1.3 Perceptions des
répondants sur l'impact de l'utilisation des MILDA.
Cette étude portait sur les personnels de santé
des deux sexes. La population masculine est très largement
représentée avec 71,42% contre 28,57% des femmes, contrairement
aux constats faits dans de nombreuses études : 55% sont des femmes
[47]. Les personnes interrogées appartiennent à
deux catégories professionnelles principales : 40% des
Médecins et 60% des Infirmiers. Ces proportions sont identiques à
celles observées dans la Fonction Public Camerounaise. Presque tous les
professionnels interrogés soulignent que l'utilisation des MILDA a un
impact majeur sur le Paludisme. D'où leur forte implication dans la
lutte contre cette endémie. Cependant, malgré ce taux de
distribution élevé nous constatons dans notre étude un
faible taux d'adhésion à l'utilisation de ces moustiquaires
imprégnées (tableau VI). Ce faible taux d'adhésion
constitue une véritable hantise socialement réelle
exprimée ouvertement par la population, mais voilée par la
culture médicale chez certains acteurs de lutte contre le Paludisme. Ces
niveaux satisfaisants d'appréciation des effets attribués
à la MILDA par les utilisateurs auraient pu faciliter la
sensibilisation, l'adhésion de cette population et son utilisation
à large échelle. Mais la réalité semble montrer que
les autres effets tels que l'inconfort, la toxicité ou la sensation
d'étouffement ou de dormir dans un linceul, l'avortement prennent le pas
pour entraver l'utilisation de ces moustiquaires [48]. Cette
situation pourrait expliquer la grande différence entre le taux de
possession et d'utilisation des moustiquaires au niveau des ménages. La
corrélation est significative au niveau 0.05 (unilatéral).
La distribution gratuite des moustiquaires
imprégnées aux populations ne peut alors suffire à elle
seule pour améliorer son taux d'utilisation [49].
S'agissant des méthodes à conseiller aux
populations (Tableau VII), sur 210 personnes interrogées 26,66%
recommandent les grillages comme méthode de lutte contre les
moustiques ; 30,47% conseillent l'utilisation des MILDA ; 17,61%
optent pour la moustiquaire imprégnée associée à
l'utilisation des bombes d'insecticides. La différence est significative
au niveau 0,5 bilatéral. En outre cette différence dénote
les insuffisances observées à travers l'utilisation des
moustiquaires imprégnées dans la lutte contre le paludisme,
D'où l'ultime recours à d'autres méthodes de lutte.
Parlant de la différence entre la MII et la MILDA
(Tableau V), il faut noter que presque tous répondants toutes
catégories professionnelles confondues reconnaissent que la MILDA est
bien différente de la MII. La relation est donc significative au niveau
0,05 bilatéral. En outre l'ancienneté dans la profession
n'influence pas sur la réponse. Cela montre que ces professionnels sont
convaincus de l'efficacité des moustiquaires imprégnées
d'insecticide à longue durée d'action. Si tel est le cas pourquoi
ne pas partager ce bénéfice avec toute la population par des
campagnes et des séances d'information et de sensibilisation ?
S'agissant des raisons de l'indisponibilité des
MILDA dans les formations sanitaires (Tableau II), quelque leurs postes de
responsabilité, nos répondants reconnaissent que la MILDA est
rare et se retrouvent en vente sur le marché , mise à part
le point focal qui pense en répondant que la MILDA n'est pas rare. La
corrélation est significative au niveau 0,05 bilatéral. Cette
situation est de nature à décourager les potentiels utilisateurs
de MILDA et jeter le doute sur l'efficacité réelle et
l'innocuité de celle -ci.
Pour ce qui est du niveau d'implication (Tableau III) nous
notons que les principaux acteurs impliqués dans le programme MILDA sont
majoritairement les chefs des services de santé de district les
directeurs et les chefs bureau santé La différence est
significative au niveau 0,05 bilatéral. En outre, dans le contexte ou le
Cameroun s'est assigné une lourde mission de couverture universelle en
matière de MILDA, il serait judicieux que les responsabilités
soient étendues dans tous les maillons de la chaine. .
[50].
Parlant de l'efficacité du programme (Tableau IV)
nous remarquons que cette dernière semble remise en cause par certains
personnels de santé notamment les médecins et Infirmiers qui
pensent le programme doit être révisé. La différence
est significative au niveau 0,05 bilatéral. Cette situation montre que
les politiques dans l'élaboration du programme MILDA n'ont pas
planché sur la sensibilisation des populations, préalable
à toute meilleure stratégie de santé publique
[51].
S'agissant des Propositions faites par les professionnels de
santé pour une amélioration de la lutte contre le paludisme
(Tableau IX),100% de nos répondants disent l'accent doit être mis
sur la motivation des personnels en charge de la promotion de MILDA,
l'hygiène individuelle et collective ,la lutte contre la vente illicite
de ces moustiquaires, privilégier la distribution et l'utilisation des
moustiquaires pré-imprégnées Ces mesures rendront
efficaces les autres actions telles que la sensibilisation des population sur
l'utilisation de la MILDA et sur les avantages de la prise en charge et rapide
correcte des cas .Concernant la motivation du personnel de santé ,elle
est plus nécessaire que les charges de travail sont importantes .En
effet, les activités liées d'une part à la
réalisation de tous les programmes de santé du pays et les
activités curatives de routine ,d'autre part les réunions , les
ateliers de formation et le bilan, constituent des charges énormes
voire supplémentaires quotidiennes de travaille des professionnels de
santé. A ce sujet, une enquête menée par Lecocq en 2009
sur la charge des professionnels de santé, montre notamment qu'en
Afrique du Sud comme dans d'autres pays , la plupart des Infirmières
(80%) se déclarent soumises à des contraintes de temps les
empêchant de consacrer à leur patients l'attention qu'elles
estiment nécessaires [52] .Toutefois, il est certain
que le problème de cout des moustiquaires imprégnées se
posait avec acuité aux populations avant 2011. Il se dressait comme un
obstacle infranchissable qui les empêchait d'acquérir ce
matériel de prévention malgré leur volonté. Mais
aujourd'hui l'accès du Cameroun au fonds mondial de lutte contre le
SIDA, la tuberculose et le Paludisme a résolu ce problème
à court terme par la distribution gratuite des moustiquaires
imprégnées d'insecticides à longue durée d'action
et la durée de vie est en moyenne de 4ans .Cette situation a
également résolu le problème de la
ré-imprégnation des moustiquaires . Lorsque les populations
seront habituées à l'utilisation de ces moustiquaires et à
leur gratuité, il faudra que le Ministère de la santé
publique initie un système de pérennisation pour le
renouvellement des stocks des moustiquaires imprégnées lorsque
prendra fin le Fonds Mondial [53]. Les analyses des
résultats de notre étude ont montré que 80% de nos
enquêtés pensent que l'utilisation des MILDA doit être
évaluée tous les mois. D'autres trouvent que cette
évaluation est propice chaque 6 mois
. En outre, une étude documentaire a
révélé que l'utilisation a été
vérifiée par des visites nocturnes effectuées à
l'improviste (entre 21 h et 23 h), chaque mois, pendant trois mois. Les
premières visites d'observation à la fin de la saison
sèche ont relevé des taux d'utilisation de 78 %. Les visites
effectuées au cours des mois suivants ont révélé
des taux d'utilisation plus élevés, variant de 86 à 98 %.
Les chercheurs attribuent cette amélioration à une augmentation
de la densité des moustiques et des taux de piqûres au cours de la
haute saison de transmission. Un comportement semblable d'utilisation
saisonnière a été constaté sur la côte du
Kenya [54].
S'agissant de la question sur l'évaluation de
l'utilisation des MILDA, il convient de souligner que les personnels de
santé sont dans la majorité des cas confrontés à un
certain nombre de problèmes ; il s'agit notamment de l'insuffisance
de moyens logistiques, manques de personnels qualifiés et de
motivation.
En outre ces problèmes sont de nature à remettre
en cause non seulement l'efficacité du programme mais également
la qualité de cet instrument de lutte contre le paludisme qu'est la
MILDA[55]. Il Serait donc urgent que les autorités en
charge de la santé publique mettent un accent particulier sur tous ces
aspects en vue d'une implication forte de tous les personnels de santé
toutes catégories confondues.
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