CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Dans cette première partie, nous avons vu que la
protection des droits de l'homme est affirmée dans le cadre
institutionnel des OMP. Sur le plan normatif, les OMP ont pour mandat la
protection des droits de l'homme. Ce même cadre normatif contraint
également les contingents Onusiens au respect des droits de l'homme et
du droit international humanitaire. Sur le plan organique, les contingents des
OMP renferment des organes ayant explicitement et implicitement la mission de
protection des droits de l'homme.
Les OMP ayant un volet opérationnel, il est
impératif d'évaluer le sort des droits de l'homme dans la mise en
oeuvre de ces opérations. Comme l'a déclaré un auteur,
« les mesures concrètes sont indispensables, car les mots
couchés sur du papier ne sauvent pas ceux qui sont en danger
»204. Le déploiement des OMP entraine-t-il une
amélioration de la situation des droits de l'homme sur le terrain des
conflits ?
204 Ayissi (A), « protéger les enfants dans les
conflits armés : concrétiser les engagements pris », op.cit,
p.11
78
SECONDE PARTIE :
UNE PROTECTION MITIGEE DES DROITS DE L'HOMME DANS LE
CADRE OPERATIONNEL DES OPERATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX
Les OMP ont au-delà de leur aspect formel, un aspect
matériel qui se manifeste par leur mise en oeuvre. En ce qui concerne la
protection des droits de l'homme, ces opérations doivent sur le terrain
des conflits assurer une protection des droits de l'homme telle que
prévue par leurs mandats. Le fait est que les bonnes intentions des
Nations Unies telles qu'exprimées dans les résolutions du Conseil
de sécurité créant les OMP, ne sont pas toujours
concrétiser dans la réalité des conflits. C'est pourquoi
des auteurs estiment que « le déploiement des forces
internationales pour lutter contre la violence multiforme est une
réponse improvisée qui comporte autant de succès que
d'échecs »205. Il existe un contraste entre les
mandats des OMP tels que exprimés dans les résolutions du CS et
leurs réalisations dans les zones de conflit. Ainsi la protection des
droits de l'homme dans le cadre opérationnel des OMP de l'ONU est
mitigée, car les violations des droits de l'homme persistent
malgré la présence des Casques bleus (chapitre 1), même
s'il faut reconnaitre une évolution légère de la situation
des droits de l'homme du fait du déploiement des OMP (chapitre 2).
79
205 MONUC : Flawed mandate limits success, refugees
International, May 2003
80
CHAPITRE 1 :
LA PERSISTANCE DES VIOLATIONS DES DROITS DE L'HOMME
MALGRE LE DEPLOIEMENT DES OPERATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX
Au début des années 1990, l'on a parlé de
la « trilogie funeste »206, pour désigner
les échecs des OMP en Bosnie, en Somalie et au Rwanda. En somalie,
l'ONUSOM I et l'ONUSOM II n'ont pas pu protéger les populations contre
les violations des droits de l'homme, tandis qu'au Rwanda, la MINUAR a
été incapable de stopper le génocide et la
détérioration de la situation sur le plan
humanitaire207. Ces échecs ont entrainé une prise de
conscience au sein des Nations Unies de la nécessité de revoir la
politique des OMP dans son ensemble. C'est ainsi qu'a été
publié un rapport d'étude sur toutes les questions concernant les
OMP. En ce qui concerne les droits de l'homme, cette étude fait des
recommandations afin que les OMP puissent remplir efficacement leurs mandats
dans ce domaine208. Malgré cette prise de conscience, les
violations des droits de l'homme persistent toujours dans les zones
d'intervention des OMP. Comme l'affirme un auteur, « la persistance des
conflits en dépit du déploiement des forces de maintien de la
paix est désormais chose commune »209 toute chose qui
affecte l'image des Nations Unies dans les zones de conflit. Il sera question
dans ce chapitre de présenter les causes (section 1) et les
manifestations des violations des droits de l'homme (section 2) malgré
le déploiement des OMP de l'ONU.
SECTION 1 : LES CAUSES DES VIOLATIONS DES DROITS DE
L'HOMME MALGRE LA PRESENCE DES OMP
Les violations des droits de l'homme malgré la
présence des contingents onusiens ont des causes non imputables aux OMP
(paragraphe 1), mais aussi des causes qui leur sont imputables (paragraphe
2).
206 Coulon (J), Liégeois (M), Qu'est-il advenu du
maintien de la paix ?, op.cit. p. 12
207 Mouton (J-D), « la crise Rwandaise de 1994 et les
Nations Unies », AFDI, volume 40, 1994, p. 229
208 Rapport du Groupe d'étude sur les opérations
de maintien de la paix des Nations Unies, A/ 305/2000/809 du 21 aout 2000, par.
244-245
209 Bedzigui (Y), « Les conflits en Afrique, une
résolution improbable », AFRI, VOL IX, 2008, p. 168
81
PARAGRAPHE 1 : LES CAUSES DES VIOLATIONS DES DROITS DE
L'HOMME NON IMPUTABLES AUX OMP
Parler de causes non imputables aux OMP en ce qui concerne les
violations des droits de l'homme dans les zones de conflit, revient à
dire qu'il existe des facteurs qui entrainent ces violations et qui ne sont pas
dus à des défaillances des OMP. Il s'agit des nouvelles
réalités des conflits (A), et du comportement des
belligérants (B).
A- Le nouveau visage des conflits
La fin de la guerre froide a donné naissance à
des conflits jusque-là quasi absents dans la société
internationale. À l'opposition des guerres
internationales210, sont nés des conflits internes aux
États ayant pour conséquences des violations flagrantes et
systématiques des droits de l'homme. La persistance des violations des
droits de l'homme dans ce nouveau type de conflit vient de ce que dans ceux-ci,
les civils sont les principales cibles (1), les violations des droits de
l'homme font partie de la stratégie du conflit (2) et enfin la
prolifération des armes légères est une de leur
caractéristique (3).
1- La mutation des cibles du conflit : du militaire
au civil
Dans les conflits africains qui se déroulent depuis la
fin de la guerre froide, les civils sont de plus en plus les cibles les plus
directs. Selon une étude des Nations Unies, au cours de la
première guerre mondiale, 10% des victimes de la guerre étaient
des civils ; le nombre de civiles victimes de la guerre est passé
à 90% à partir des années 1990211. La
transformation des civils en cibles des conflits constitue une grave atteinte
aux violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire, car
ces deux corpus normatifs interdisent le meurtre des civils en période
de conflit. En Afrique, les civils sont cibles des conflits en raison de leur
appartenance ethnique. Ici l'ethnicité est l'élément
déclencheur des violences212. En effet, dans ce continent, le
pouvoir est géré pour la plupart du temps par une ethnie. Cette
situation entraine alors des revendications à base économique et
politique, c'est la raison pour laquelle les auteurs pensent qu'en
210 Guerres opposants des Etats souverains.
211 Nations Unies, les femmes dans les conflits armés,
fiche descriptive N2 5, New York, Département de l'information des
Nations Unies, avril 2000
212 Porteous, Jacquet (C), « l'évolution des
conflits en Afrique subsaharienne » in Politique
étrangère N2 2, 2003, p.314
82
Afrique, l'on assiste à un enchevêtrement des
facteurs de conflit213. Les conflits africains ont donc pour cause
principale la mauvaise gestion des États214qui entraine un
rejet réciproque des différentes ethnies dans ceux-ci. La seule
erreur des victimes dans ce contexte est le fait d'être nées dans
une partie du pays, ou de causer une langue différente.
L'ethnicité des conflits ici entraine la disparition de la distinction
combattants-civils établie par les normes régissant le droit de
la guerre.
2- Les violations des droits de l'homme comme
stratégie des combattants
L'une des raisons pour lesquelles les droits de l'homme sont
bafoués pendant les conflits armés africains résulte du
fait que les violations délibérées des droits de l'homme
font partie des méthodes de combat des belligérants. En effet,
les populations civiles sont « systématiquement utilisées
à la fois comme enjeu et objectif militaires »215. La
mort des civils pendant les conflits ne résulte plus de simples dommages
collatéraux, mais « fait partie intégrante d'une
politique délibérée et stratégique de
contrôle et de victoire totale sur l'ennemi »216.
Dans ce contexte, le meurtre des civils ainsi que l'usage de la terreur
à l'encontre des populations deviennent normaux. Du caractère
sacré des populations civiles en période de conflit, l'on est
passé à une désacralisation de celles-ci dans les conflits
Africains. Il est désormais impossible de ne pas recenser de multiples
meurtres parmi la population civile dans un conflit africain. C'est ainsi que
le viol qui est une atteinte grave aux droits de l'homme s'est trouvé
instrumentalisé dans les conflits du Rwanda et de la RDC. Ici le viol et
les autres formes de violences sexuelles ont été utilisés
délibérément et systématiquement dans un but
politique et militaire en vue de « terroriser, contrôler,
délacer, réprimer, humilier des populations civiles, voire de
détruire tout ou en partie un groupe national, social, racial, ethnique
ou religieux déterminer »217. Ainsi, les violations
des droits de l'homme font partie intégrante de la
213 Hugon (PH), « Les conflits en Afrique : mythes et
limites de l'analyse économique » in tiers-monde, 2003,
tome 44 176, p. 843
214 Voir Badie (B), La fin des territoires, Paris,
fayard, 1995 ; Gonidec (PF), Relations internationales Africaines,
Paris, L.G.D.J, 1995
215 Conoir (Y), « Evolution de la nature des
opérations militaires », dans Conoir Yvan et Gerard Verna (Dir),
L'action humanitaire du Canada, Histoire, concepts, politiques et
pratiques de terrain, Les presses de l'Université Laval, p. 147
216 Dupierreux (A), Quand le viol devient une arme,
étude historico-stratégique du viol et des autres formes de
violences sexuelles comme arme de guerre, Oxfam briefing paper, 9
septembre 2009, P. 1
217 Ibid. p. 4
83
stratégie de guerre dans les nouveaux conflits en
Afrique. Ces violations sont aussi le fait de la prolifération des armes
légères.
3- La prolifération des armes
légères
L'impact négatif de la prolifération des armes
légères sur la sécurité et les droits de l'homme
ont poussé la communauté internationale à prendre des
initiatives dans ce domaine. Ainsi, des mesures ont été prises
sur les plans mondial218 et régional219. Les armes
légères sont les instruments les plus utilisés en Afrique
dans les conflits, car elles sont les armes les plus
préférées de groupes non Étatiques220.
Ces armes sont utilisées pour bafouer les droits de l'homme en
période de conflit221, et elles ont pour conséquences
d'entrainer chaque année la mort de 500 000 personnes, des millions de
blessés et des handicapés222 . Ces armes connaissent
un essor dans les conflits africains à cause de leurs
caractéristiques223 :
- Elles sont disponibles à la fois sur le marché
civil et militaire.
- Elles sont peu coûteuses.
- Leur utilisation est facile et n'exige pas d'entrainement ou
de
capacités physiques particulières.
- Elles sont résistantes et ne demandent pas de
manutention particulière
- Elles sont faciles à dissimuler et se prêtent bien
au trafic.
- Elles ont un pouvoir destructeur important.
En raison de ces caractéristiques, les armes
légères ont inondé l'Afrique et permettent de
perpétrer les violations massives et systématiques des droits de
l'homme. La disponibilité de ces armes cause aux OMP des Nations Unies
de véritables difficultés dans leur mission de protection des
droits de l'homme. Il en est de même du comportement des
belligérants.
218 Voir « un désarmement durable pour un
développement durable », service d'édition de
l'administration générale de la coopération au
développement, 1999.
219 Moratoire sur l'importation, l'exportation et la
fabrication des armes légères dans les Etats membres de la
CEDEAO, signé le 31 octobre 1998 à Abuja
220 Smith (C), « Les transferts d'armes vers les groupes
armés non Etatiques », Les groupes armés non
étatiques, Forum du désarmement, 2008, p.48
221 Frey (B-A), « armes légères et petit
calibres : les outils utilisés pour bafouer les droits de l'homme
», Les droits de l'homme, la sécurité et le
désarmement, Forum du désarmement, 2004, p.41
222 Small arms survey, 2001 : Profiling the problem,
Oxford university press, p.59
223 Gramizi (C), « la prolifération des armes
légères », op.cit
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