3- Les représentations sociales de la maladie
mentale et des malades mentaux
Pour Chevallier et Dunezat (2007) Les
représentations du travail de l'infirmier en psychiatrie, sa
méconnaissance et sa dévalorisation de la part des soignants en
soins généraux ainsi que les motivations chez les
étudiants en soins infirmiers à choisir cette discipline ont
été ciblées dans une recherche action.
Les résultats ont permis de conclure à des
représentations défavorables chez tous les soignants, avec une
perception comme générateur de perte de savoir technique,
renvoyant à la
violence, avec une charge de travail moindre. Ces
représentations proches de celles du grand public nous interrogent en
termes de formation professionnelle, de vision du soin, de la maladie, comme du
patient en tant que sujet. Nos conclusions s'orientent vers des actions
concrètes dans la formation avec partenariat avec les services de soins
et une réflexion pour aboutir à une véritable
reconnaissance de la spécificité et de l'expertise
nécessaire à l'exercice professionnel infirmier en santé
mentale par la mise en place d'une spécialisation.
CONCEPT DE REPRESENTATION SOCIALE
Le concept de représentation sociale
désigne une forme de connaissance spécifique, le savoir de sens
commun, dont les contenus manifestent l'opération de processus
génératifs et fonctionnels socialement marqués. Plus
largement, il désigne une forme de pensée sociale. Les
représentations sociales sont des modalités de pensée
pratique orientées vers la communication, la compréhension et la
maîtrise de l'environnement social, matériel et idéel.
I) HISTORIQUE DU CONCEPT
Au XIXe siècle
Emile Durkheim (1858-1917) fut le premier à évoquer
la notion de représentations qu'il appelait ''collectives''
à travers l'étude des religions et des mythes. Pour ce
sociologue, " les premiers systèmes de représentations que
l'homme s'est fait du monde et de lui-même sont d'origine religieuse).".
Il distingue les représentations collectives des
représentations individuelles : " La société est une
réalité sui generis ; elle a ses caractères propres qu'on
ne retrouve pas, ou qu'on ne retrouve pas sous la même forme, dans le
reste de l'univers. Les représentations qui l'expriment ont donc un tout
autre contenu que les représentations purement individuelles et l'on
peut être assuré par avance que les premières ajoutent
quelque chose aux secondes.".
Dans la conclusion de son
ouvrage, il pose les bases d'une réflexion sur le concept de
représentation collective.
2) Au XXe siècle Depuis une trentaine
d'années, le concept de représentation sociale connaît un
regain d'intérêt et ce dans toutes les disciplines des sciences
humaines : anthropologie, histoire, linguistique, psychologie sociale,
psychanalyse, sociologie...
II) VARIETE ET RICHESSE DU CONCEPT 1)
L'intérêt de l'étude des représentations sociales
pour les sciences humaines Selon Jodelet, c'est parce
que la représentation sociale est située à l'interface du
psychologique et du social, qu'elle présente une valeur heuristique pour
toutes les sciences humaines. Chacune de ces sciences apporte un
éclairage spécifique sur ce concept complexe. Tous les aspects
des représentations sociales doivent être pris en compte :
psychologiques, sociaux, cognitifs, communicationnels. Il n'est
ni possible, ni même souhaitable pour l'instant, estime l'auteur
ci-dessus, de chercher à établir un modèle unitaire des
phénomènes représentatifs. Il paraît
préférable que chaque discipline contribue à approfondir
la connaissance de ce concept afin d'enrichir une recherche
d'intérêt commun.
2) Les différentes
approches Il existe différentes approches qui
envisagent la façon dont s'élaborent les représentations
sociales ; chacune d'entre elles privilégie une de leurs facettes
Jodelet relève six points de vue sur la construction d'une
représentation sociale : - Une approche qui valorise
particulièrement l'activité cognitive du sujet dans
l'activité représentative. Le sujet est un sujet social, porteur
" des idées, valeurs et modèles qu'il tient de son groupe
d'appartenance ou des idéologies véhiculées dans la
société. " La représentation sociale se construit lorsque
le sujet est en " situation d'interaction sociale ou face à un stimulus
social. " - Un autre point de vue insiste sur " les aspects signifiants de
l'activité représentative. " Le sujet est " producteur
de sens ". A travers sa représentation s'exprime " le sens
qu'il donne à son expérience dans le monde social. " La
représentation est sociale car élaborée à partir
des codes sociaux et des valeurs reconnues par la société. Elle
est donc le reflet de cette société.
- Une
troisième approche envisage les représentations sous l'angle du
discours. " Ses propriété sociales dérivent de la
situation de communication, de l'appartenance sociale des sujets parlants, de
la finalité de leurs discours. "
- La pratique sociale de la
personne, est valorisée dans une quatrième optique. Le sujet est
un acteur social, la représentation qu'il produit " reflète les
normes institutionnelles découlant de sa position ou les
idéologies liées à la place qu'il occupe. "
- Dans
une autre perspective, c'est l'aspect dynamique des représentations
sociales qui est souligné par le fait que ce sont les interactions entre
les membres d'un groupe ou entre groupes qui contribuent à la
construction des représentations.
- Un dernier point de vue
analyse la manifestation des représentations en postulant l'idée
d'une " reproduction des schèmes de pensée socialement
établis." L'individu est déterminé par les
idéologies dominantes de la société dans laquelle il
évolue.
La variété de ces diverses approches
enrichit la recherche sur les phénomènes représentatifs.
Jodelet rappelle que l'étude des représentations conduit à
plusieurs champs d'application comme l'éducation, la diffusion des
connaissances ou encore la communication sociale, aspect sur lequel Moscovici a
particulièrement insisté.
III) CARACTERISTIQUES ET FONCTIONS DES
REPRESENTATIONS SOCIALES Le concept de
représentation sociale est si riche et si complexe qu'il n'est pas
toujours évident de le définir. Pour arriver à cerner
cette notion, il est nécessaire d'ordonner et de schématiser son
contenu. Nous discernerons d'une part les caractères fondamentaux d'une
représentation sociale et d'autre part ses fonctions principales.
1) Les cinq caractères fondamentaux d'une
représentation sociale (d'après Jodelet)
·
Elle est toujours représentation d'un objet : Il n'existe
pas de représentation sans objet. Sa nature peut être très
variée mais il est toujours essentiel. Sans objet, il n'existe pas de
représentation sociale. L'objet peut être de nature abstraite,
comme la folie ou les médias, ou se référer à une
catégorie de personnes (les enseignants ou les journalistes par
exemple).
L'objet est en rapport avec le sujet : la
représentation " est le processus par lequel s'établit leur
relation." Le sujet et l'objet sont en en interaction et s'influencent l'un
l'autre. Dans la préface du livre de Claudine Herzlich, Santé et
maladie, Moscovici écrit : " il n'y a pas de coupure entre l'univers
extérieur et l'univers intérieur de l'individu (ou du groupe). Le
sujet et l'objet ne sont pas foncièrement distincts ... se
représenter quelque chose, c'est se donner ensemble,
indifférenciés le stimulus et la réponse. Celle-ci n'est
pas une réaction à celui-là, mais, jusqu'à un
certain point, son origine. " Dans l'étude des
représentations, on s'intéressera donc au phénomène
d'interaction entre un sujet et un objet. Herzlich définit son
étude par le fait de tenter " de comprendre les attitudes et le
comportement qu'elles (les représentations sociales) engendrent, le
savoir qui circule à leur propos, dans la relation même qui se
crée entre l'individu, la santé et la maladie.
IV) FONCTIONNEMENT DES REPRESENTATIONS
SOCIALES
Il est à présent
nécessaire d'examiner l'organisation et la structure des
représentations, c'est-à-dire la façon dont elles se
forment.
1) L'élaboration des représentations
sociales Une représentation se définit par
deux composantes : ses éléments constitutifs d'une part, et son
organisation, c'est-à-dire les relations qu'entretiennent ces
éléments d'autre part En d'autres termes, il s'agit du contenu
et de la structure de la représentation. Les éléments qui
la composent sont interdépendants et la cohérence de la
représentation est basée sur cette dépendance. En
pratique, pour étudier une représentation sociale, il faut
repérer ces éléments dits ''invariants structuraux'' et
les relations qui les lient entre eux. Lorsqu'une
représentation se crée, deux processus se mettent en oeuvre :
l'objectivation, avec la constitution d'un noyau figuratif et l'ancrage. Ils
ont été décrits par Moscovici.
·
L'objectivation : " Objectiver, c'est résorber un excès de
significations en les matérialisant" Le processus d'objectivation
permet aux gens de s'approprier et d'intégrer des
phénomènes ou des savoirs complexes. Il comporte trois phases :
- Le tri des informations en fonction de critères culturels et
surtout normatifs, ce qui exclut une partie des
éléments.
- La formation d'un modèle ou noyau
figuratif : les informations retenues s'organisent en un noyau " simple,
concret, imagé et cohérent avec la culture et les normes sociales
ambiantes."
- La naturalisation des éléments auxquels on
attribue des propriétés ou des caractères (à propos
de la représentation des éléments de la psychanalyse,
Jodelet cite cet exemple : " L'inconscient est inquiet "). Le noyau
figuratif prend un statut d'évidence et devient la réalité
même pour le groupe considéré. C'est autour de lui que se
construit l'ensemble de la représentation sociale. Nous
développerons plus loin la théorie du noyau central chez Abric
à propos de l'évolution des représentations.
·
L'ancrage : C'est " l'enracinement social de la représentation et de
son objet". Ce processus comporte plusieurs aspects :
- Le sens :
l'objet représenté est investi d'une signification par le groupe
concerné par la représentation. A travers le sens, c'est son
identité sociale et culturelle qui s'exprime.
- L'utilité
: " les éléments de la représentation ne font pas
qu'exprimer des rapports sociaux mais contribuent à les constituer ...
Le système d'interprétation des éléments de la
représentation a une fonction de médiation entre l'individu et
son milieu et entre les membres d'un même groupe" Le langage
commun qui se crée entre les individus et les groupes à partir
d'une représentation sociale partagée, leur permet de communiquer
entre eux. Le système de référence ainsi
élaboré exerce à son tour une influence sur les
phénomènes sociaux.
- L'enracinement dans le
système de pensée préexistant : pour intégrer de
nouvelles données, les individus ou les membres d'un groupe les classent
et les rangent dans des cadres de pensée socialement établis.
Des attentes et des contraintes sont en même temps associées
aux éléments de la représentation, en terme de
comportements prescrits.
- " Le processus d'ancrage, situé dans
une relation dialectique avec l'objectivation, articule les trois fonctions de
base de la représentation : fonction cognitive d'intégration de
la nouveauté, fonction d'interprétation de la
réalité, fonction d'orientation des conduites et des rapports
sociaux. "
1- L'environnement de travail en
psychiatrie
La spécificité de ce service est que les
soins sont faits en équipe, la répartition des personnes malades
étant fonction de leur état de
« dangerosité ». Ainsi un malade violent sera
affecté en salle dite de sécurité par exemple ;
sécurité autant pour lui que pour son entourage.
De ce qui précède, et pour reprendre Kerouac,
la planification des soins, préliminaire aux interventions sont
conséquente des ressources humaines et environnementale ; le ratio
malade_ infirmier pour ce qui est du Cameroun reste très faible (moins
d'un infirmier psychiatre pour 25 000 habitants)
Des enquêtés sur les nombreux accidents
(fugues, agressions, parfois meurtres ou viols) intervenant dans les
hôpitaux psychiatriques ont été menées. Elle a
repéré, au-delà des cas individuels, des problèmes
d'organisation récurrents qui favorisent leur survenue. Dans le
même temps, certains établissements ont mis en oeuvre des
méthodes et des procédures pour prévenir la violence non
sans analyser les facteurs de risque tout en proposant les bonnes pratiques.
2- La motivation
La motivation est à chercher dans l'individu,
mais aussi dans l'environnement (perspective interactionniste). La perception
que l'élève a de l'environnement dans lequel il
évolue est déterminante pour ses acquisitions.
Phénomène intrinsèque à
l'élève, mais qui dépend en grande partie du milieu dans
lequel il apprend (Rolland, 2000). L'Infirmier en formation initial selon le
cas peut être motivé à choisir la santé mentale
comme spécialité
Motivation : « Le concept de motivation
représente le construit hypothétique utilisé afin de
décrire les forces internes et/ou externes produisant le
déclenchement, la direction, l'intensité et la persistance du
comportement » (Vallerand et Thill, 1993).
La motivation désigne les forces qui agissent sur une
personne ou à l'intérieur d'elle pour la pousser à se
conduire d'une manière spécifique, orientée vers un
objectif. Les pulsions, enjeux ou mobiles auxquels obéissent les
salariés dans leur travail affectent leur productivité. A bien
des égards, la fonction de manager vise à stimuler les
motivations individuelles en faveur des objectifs de l'organisation.
Toute motivation est orientée vers un but,
c'est à dire un résultat auquel l'individu veut parvenir.
Néanmoins, les motifs sont difficilement observables (on ne peut que les
supposer). Ils sont nombreux et plus ou moins conflictuels chez une même
personne. La manière dont les salariés choisissent d'obéir
à certains enjeux plutôt qu'a d'autres, et l'intensité avec
laquelle ils y répondent, varie considérablement. (Vallerand et
Thill, op cit).
A) La motivation intrinsèque :
La motivation intrinsèque est
« interne » aux individus. Elle pousse l'individu à agir, ce
qui provoque une activation de son comportement. Une personne motivée
intrinsèquement concevra son engagement dans une activité comme
une fin en soi et non attribuable à des causes externes.
Ces mobiles profonds sont liés à la nature de la
motivation (d'affiliation, hédoniste et d'accomplissement (Durand,
1987).
- La motivation d'affiliation :
Murray, (1964) a dénommé le « besoin
d'affiliation », la tendance de l'homme à établir des
contacts et à rechercher des relations affectives, sociales avec
autrui.
- La motivation hédoniste :
C'est la recherche de sensations agréables avec
l'environnement. C'est chercher à se faire plaisir, (Rousseau, 1762)
- La motivation d'accomplissement :
C'est le besoin de se montrer compétent et/ou
d'éviter de se montrer incompétent, de rechercher une relation
efficace avec l'environnement.
La motivation d'accomplissement peut se manifester de deux
manières différentes (deux types de « buts motivationnels
» ( Famose, 1990)).
B) La motivation extrinsèque :
La motivation extrinsèque a une fonction de
régulation du comportement du soignant. Ces « renforçateurs
extrinsèques » ont un effet immédiat sur la motivation des
ces derniers, mais on peut s'interroger sur leurs conséquences
secondaires à long terme. En effet, on effectue une substitution de
but et on nuit à la motivation sur le long terme (Deci,
1972).
En psychiatrie le problème reste tout aussi
épineux, mais trouve d'autres justifications, conjuguées à
celles qui ont été précédemment exposées.
Travailler en psychiatrie relève d'un choix professionnel "particulier"
qui mérite la réflexion que requiert ce domaine, car très
souvent la folie interroge, fait peur, et les infirmiers s'y épuisent
faute de ressources valorisantes (Garnier, 1999). Nombreux sont par ailleurs
les étudiants qui redoutent leurs stages en psychiatrie, une branche
qu'ils perçoivent très à part de la médecine.
|