UNIVERSITE DE SFAX
FACULTE DE DROIT DE SFAX
L'INTANGIBILITE DES
OUVRAGES PUBLICS
Mémoire
Pour l'obtention du Diplôme de Mastère de
Recherche en Droit Public
******
Préparé par :
Henda EL GHOUL
Sous la direction de :
Mr. Néji BACCOUCHE
JURY :
Président :
Directeur : Mr. Néji BACCOUCHE Suffragant
:
Année Universitaire :
2013 - 2014
Dédicaces
Je dédie ce travail,
A mes parents,
A mes frères,
A mon fiancé.
Peu de choses pour exprimer mon amour et ma
reconnaissance de leurs sacrifices, leurs affections et
leurs
encouragements.
A toute ma famille pour son accueil et sa douce
affection.
Remerciements
,fie tiens à remercier tout particulièrement
mon encadreur Monsieur le Professeur Néji
BACCOUCHE.
,fie voudrais exprimer ma reconnaissance et mes remerciements
à Monsieur Issam BEN HASSEN et Monsieur Mohamed NAIFAR pour leurs
conseils.
Mes remerciements s'adressent également aux agents de
la bibliothèque et aux personnels de la Faculté de Droit de
Sfax.
« La faculté n'entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions émises dans le cadre de
ce mémoire. Ces opinions doivent être
considérées comme propres à leur auteur
».
Liste des abréviations
· Aff : Affaire
· AJDA : Actualité juridique
droit administratif
· AJT : Actualité juridique
tunisienne
· Al : Alinéa
· Ass : Assemblé
plénière
· C : Contre
· Cass : Cassation
· CATU : Code de l'aménagement
du territoire et de
l'urbanisme
· CCP : Code de la comptabilité
publique
· CDR : Code des droits réels
· CE : Conseil d'Etat
· CEDH : Cour Européenne des
Droits de l'Homme
· CERP : Centre d'études, de
recherches et de publications
· CESDH : Convention Européenne
de Sauvegarde des Droits
de l'Homme
· COC : Code des obligations et des
contrats
· Conel : Conclusions
· CPCC : Code de procédure
civile et commerciale
· CPU : Centre de publication
universitaire
· CREA : Centre de recherches et
d'études administratives
· DEA : Diplôme des études
approfondies
· Déc : Décision
· Éd : Edition
· EDCE : Etudes et documents du Conseil
d'Etat
· Fasc : Fascicule
· FDS : Faculté de droit de Sfax
· FDSP : Faculté de droit et des
sciences politiques
· FSJPS : Faculté des sciences
juridiques, politiques et
sociales de Tunis
· GP : Gazette du Palais
· JCA : Juris-Classeur Administratif
· JCP : Juris-Classeur périodique -
La semaine Juridique
· JORT : Journal officiel de la
République tunisienne
· LGDJ : Librairie générale
de droit et de jurisprudence
· LPA : Les petites affiches
· M : Monsieur
· Mél : Mélanges
· N° : Numéro
· P. : Page
· PUF : Presses universitaires de
France
· R.A. : Revue administrative
· RDP : Revue de droit public et de la
science politique en
France et à l'étranger
· Rec : Recueil
· Rec. Leb : Recueil Lebon
· REP : Recours pour excès de
pouvoir
· Req : Requête
· RFDA : Revue française de
droit administratif
· RFFP : Revue française de
finances publiques
· RIDE : Revue internationale de droit
économique
· RISA : Revue internationale des
sciences administratives
· RISE : Revue internationale des
sciences économiques
· RJL : Revue de jurisprudence et de
législation
· RTAP : Revue tunisienne
d'administration publique
· RTD : Revue tunisienne de droit
· T : Tome
· TA : Tribunal administratif
· Vol : Volume
Sommaire
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : L'ambivalence du principe
Chapitre I : La protection des ouvrages publics Chapitre II :
L'affectation des droits des administrés
DEUXIEME PARTIE : L'adaptation du principe
Chapitre I : Les limites du principe Chapitre II :
L'infléchissement du principe
CONCLUSION
INTRODUCTION
1
Introduction
« Le droit administratif a été trop
longtemps enfermé dans une idéologie inégalitaire.
L'administration dans la conception classique est placée sur un
piédestal par rapport aux personnes privées
»1. Les rapports qui
s'établissent entre l'administration et les administrés ne sont
pas placés sous le signe de l'égalité juridique.
Contrairement au droit civil, qui vise des personnes qui sont en principes
égales et indépendantes, le droit administratif est un droit
inégalitaire, dans lequel l'administration, garante de
l'intérêt général, dispose de prérogatives de
puissance publique.
L'administration dispose, au nom de l'intérêt
général, de certains privilèges par rapport aux
particuliers. Son action ainsi que ses propres biens font l'objet d'une
protection particulière. A ce titre, l'ouvrage public se trouve
protégé par le principe d'intangibilité qui ne manque pas
d'avoir des conséquences sur le droit de propriété des
personnes concernées.
Notion difficilement saisissable par le droit
(I), l'ouvrage public est soumis à un régime de
protection particulier de l'intangibilité (II). Par une
application soutenue de cette règle protectrice du bien public,
l'ouvrage public a assurément vu son autonomie se renforcer et son
importance se développer (III).
I. La notion d'intangibilité de l'ouvrage
public
Exprimer à travers l'adage « ouvrage public
mal planté ne se détruit pas »2, le principe
d'intangibilité fait partie intégrante d'un
1 Ch. DEBBASCH, « Le droit
administratif, droit dérogatoire au droit commun ? », in Droit
administratif, Mél. R.CHAPUS, Montchrestien, Paris, 1992, p. 128.
2 CE., 7 juillet 1853, Robin de la Grimaudiére, S.,
1854, II, 113. Il est à noter que seule la jurisprudence a forgé
et appliqué le principe de l'intangibilité des ouvrages publics,
qu'aucun texte ne formule. En fait, Selon ledit principe, le juge ne peut
ordonner ni la destruction, ni le déplacement, ni la modification de
l'ouvrage public mal planté. Cette attitude es t la conséquence
de l'adage « ouvrage
2
Introduction
régime particulièrement favorable aux ouvrages
publics. Dépendance du domaine public3, l'ouvrage public
obéit au régime de ce dernier4 et
bénéficie de la protection la plus rigoureuse de
l'intangibilité puisque les particuliers ne peuvent obtenir la
démolition, le déplacement, la modification de l'ouvrage mal
planté5 quelque soit le bien fondé de leur droit.
L'intangibilité constitue la « qualité de ce qui est
intangible » et le terme intangible s'adresse à une chose
à laquelle « il est interdit de porter atteinte »
6. Le principe d'intangibilité permet
d'éviter toutes les mesures, de quelque nature que ce soit, qui
entraîneraient une atteinte à l'intégrité ou au
fonctionnement normal de l'ouvrage public.
Mais qu'est ce que signifie ouvrage public ?
L'ouvrage public7 est un immeuble
aménagé à un intérêt
général8. De ce fait, la notion d'ouvrage public
repose sur l'application de deux critères, l'un matériel et
l'autre organique9.
public mal planté ne se détruit pas ».
L. DI QUAL, « Une manifestation de la
désagrégation du droit de propriété : la
règle ouvrage public mal planté ne se détruit pas »,
JCP, 1964, I, fasc. n° 1852, § 14.
3 R. CAPITANT, « La double notion de
travail public », RDP, 1929, p. 522 ; J-M. AUBY, «
L'ouvrage public, le régime juridique », CJEG, 1962, p. 6.
4 Les ouvrages publics appartenant au domaine public sont
aussi protégés par les règles régissant le domaine
public. Dans ce cas l'ouvrage public est inaliénable, règle selon
laquelle les dépendances du domaine public ne peuvent être
cédées à des tiers avant d'avoir fait l'objet d'une mesure
de déclassement, et imprescriptible, règle selon laquelle les
personnes publiques ne peuvent être dépossédées,
à leur insu, de certaines dépendances de leur domaine public ;
absence de droit de prescrire. N. ACM, «
L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé
mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1696.
5 M-P. MAITRE, « Le principe de
l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, 22 novembre 1999,
n° 232, p. 5.
6 G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association
Henri Capitant, PUF, 2éme éd., p. 566.
7 La définition d'ouvrage public n'est
inscrit dans aucun texte législatif ni en Tunisie ni ailleurs, et ne
peut être dégagée qu'à partir d'un examen de
l'abondante jurisprudence intervenue en la matière.
8 R. CMAPUS, Droit administratif
général, T.2, Montchrestien, 15ème éd.,
2001, p. 568 ; Ph. GODFRIN, Droit administratif des biens :
domaine, travaux, expropriation, Armand Colin, 5ème éd., p. 223;
M. GUYOMAR, Concl. sur TC, 12 avril 2010, Electricité
réseau distribution de France c/ Michel, « Ouvrage public et
service public de l'électricité », RFDA, mai- juin 2010, p.
553 ; S. PIERRÈ-CAPS, « La notion d'ouvrages
publics tendances de la jurisprudence récente », RDP, n° 6,
novembre- décembre 1938, p. 1672.
9 M. GUYOMAR, Concl. sur CE, 29 avril 2010,
M. et Mme Béligaud, RFDA, mai- juin 2010, p. 562.
3
Introduction
La notion d'ouvrage public renvoie tout d'abord à des
éléments concrets tenant à sa nature matérielle qui
regroupe trois éléments. Il s'agit de caractère immobilier
de l'ouvrage, l'aménagement particulier dont celui-ci a fait l'objet,
enfin son affectation d'intérêt général.
1- Un ouvrage public est avant tout un immeuble. Seul un
bien
immobilier est susceptible de recevoir la qualification
d'ouvrage public. Selon le professeur René CHAPUS,
« il n'ya d'ouvrage public qu'immobilier »10.
L'immeuble, c'est-à-dire, « toute chose fixe qu'on ne peut pas
déplacer sans dommages »11, peut avoir la
qualité d'ouvrage public ou par nature, ou par leur destination.
L'ouvrage public peut être un immeuble par nature. Il
peut prendre la forme d'un fonds de terre, d'un bâtiment ou d'une plante
tant qu'elle n'est pas détachée du sol12. Les
installations13 et canalisations14 qui font partie
intégrante du fonds ou du bâtiment auxquels elles sont
attachées que les récoltes pendantes par les racines et les
fruits non encore cueillis peuvent être qualifiés comme des
ouvrages publics15.
L'ouvrage public est immobilier aussi par destination. Par
ailleurs, le matériel et les autres objets que le propriétaire du
fonds a placés pour le service de l'exploitation de ce
fonds16 prennent cette qualification. De
10 R. CHAPUS, Droit administratif
général, T.1, Montchrestien, Paris, 11ème
éd., 1999, p. 466.
11 Article 3 du CDR.
12 Article 5 du CDR.
13 TA., arrêt n° 16781 du 28 avril 2000,
héritiers Najoua Gadour c/ la commune de Zermdine, Rec. p. 140.
14 TA., arrêt n° 21896 du 26 janvier 2000, chef du
contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de
l'agriculture c/ Neji Mhiri et autres, Rec. p. 281.
15 « Les récoltes pendantes par les racines et
les fruits non encore cueillis sont également immeubles. Dès que
les épis sont coupés et les fruits détachés,
quoique non enlevés, ils deviennent meubles ». Article 7 du
CDR.
16 Article 9 du CDR
4
Introduction
même, les objets mobiliers17 peuvent prendre
la qualification d'ouvrage public lorsqu'elles constituent des
éléments accessoires non dissociables d'un ensemble plus vaste
qui est incontestablement un ouvrage public18.
Toutefois, cette condition, qui s'applique quelle que soit
l'importance de l'ouvrage, est parfois entendue extensivement. La
théorie de l'ensemble technique conduit à un élargissement
non négligeable de la notion de l'ouvrage public19. Certaines
installations complexes, composées d'éléments immobiliers
et mobiliers présentant entre eux un lien fonctionnel, sont
considérées globalement comme des ouvrages
publics20.
2- Le bien immeuble, doit être nécessairement le
résultat d'un
travail de l'homme. La qualification d'ouvrage public est
réservée aux seuls biens immobiliers qui ont fait l'objet d'une
opération d'aménagement21. Le terme même
d'ouvrage public implique que l'immeuble soit, selon la formule
consacrée, oeuvré, c'est-à-dire qu'il soit
nécessairement « le fruit du travail de l'homme
»22. Les ouvrages restés dans
leur état naturel ne peuvent pas être des ouvrages publics. Le
conseil d'Etat français a refusé la qualification d'ouvrage
public pour
17 TA., arrêt n° 21817 du 15 mai 1998, chef du
contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de la
santé publique c/ Mohsen Mabrouk, Rec. p. 342 ; TA., arrêt n°
599, rendu le 12 mars 1990, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le
compte du ministère de télécommunication c/ Monji Ben
Khodhr Balghouthi, inédit.
18 B. STIRN, Concl. sur CE., 15 février
1989, Dechaume, RFDA, 1990, p. 231.
19 F. MELLERAY, « Incertitudes sur la
notion d'ouvrage public », AIDA, 5 juillet 2005, p. 1378.
20 J. DUFAU, Droit des travaux publics, Presses
Universitaires de France, p. 85.
21 J. DUFAU, Droit des travaux publics, Presses
Universitaires de France, p. 88.
22 J-M. AUBY, P. BON et J-B. AUBY, Droit
administratif des biens : domaine public et privé, travaux et ouvrages
publics, expropriation, Dalloz, Paris, 4éme éd., 2003,
p. 210.
Introduction
une piste de ski en elle-même non
aménagée23. En revanche, constitue un ouvrage public
une piste de ski comportant des aménagements24.
3- Un ouvrage ne peut avoir le caractère d'un ouvrage
public
que s'il est affecté à un intérêt
général25, qu'il s'agisse d'affectation à
l'usage direct du public ou d'affectation aux besoins d'un service
public26. L'affectation à l'intérêt
général justifie le régime juridique particulier qui est
appliqué à l'ouvrage public et la situation qui lui est faite par
rapport aux ouvrages privés27.
Le juge administratif28 a considéré
qu'un immeuble ne peut être qualifié comme ouvrage public que s'il
est affecté à satisfaire un intérêt
général29. En revanche, il a refusé la
qualification d'ouvrage public à un mur dans la mesure où il
n'est pas affecté pour satisfaire un intérêt
général30.
Si les trois conditions, le caractère
immobilière, l'aménagement et l'affectation à
l'intérêt général, constituant
l'élément matériel, sont qualifiées par la doctrine
d'«éléments constants de la définition
»31
23 CE., 12 décembre 1986, Rebora, CJEG, J, 1987, p.
601.
24 CE., 27 juin 1986, Grospiron, CJEG, J, 1987, p. 564 ; CE.,
13 février 1987, Viéville, CJEG, C, p. 321.
25 R. CHAPUS, Droit administratif
général, T.2, Montchrestien, 15ème éd.,
n° 680.
26 J-M. AUBY, P. BON et J-B. AUBY, Le droit
administratif des biens : domaine public et privé, travaux et ouvrages
publics, expropriation, Dalloz, Paris, 4éme éd., 2003,
p. 210.
27 J-M. AUBY, « L'ouvrage public »,
CJEG, 1961, p. 535.
28 TA., affaire n° 33162 du 1 juillet 2001, chef des
contentieux de l'Etat agissant pour le compte de ministère de la
santé publique et le ministère du domaine de l'Etat et des
affaires foncières c/ Hechima Dchich et autres, inédit.
"
29
30 TA., arrêt n° 21707 du 10 avril 1998, chef du
contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de la
santé publique c/ Mohamed Mansri et autres, Rec., p. 220.
31 R. CHAPUS, Droit administratif
général, T.2, Montchrestien, 15ème éd.,
n° 677.
5
6
Introduction
d'ouvrage public, l'élément organique, qui
renvoie au propriétaire du bien32 est plus incertain. Est-ce
qu'un ouvrage public peut appartenir à une personne privée sans
pour autant perdre sa qualité d'ouvrage public ?
Pour le juge administratif, un immeuble ne peut être
qualifié d'ouvrage public que s'il est à la
propriété de l'Etat ou d'une autre personne
publique33. Or, cet élément ne constitue pas une
condition indispensable à la qualification d'ouvrage public. Les
ouvrages publics n'appartiennent pas nécessairement à des
personnes publiques.
L'extension d'un régime de droit public à un
ouvrage appartenant à une personne privée recouvre deux
hypothèses34. La première est celle de l'application
de la théorie de l'accessoire35. En effet, la qualité
d'ouvrage public peut être attribuée à un ouvrage
appartenant dans les biens d'une personne privée est incorporé
matériellement à une personne publique dont il devient une
dépendance36. La seconde est celle de l'affectation à
l'intérêt général qui parait impliquer l'application
du régime de l'ouvrage public37.
II. L'autonomie de la notion d'ouvrage public
La spécificité du régime juridique de
l'ouvrage public est liée à l'autonomie de la notion qui baigne
dans le champ du droit administratif
32 M. GUYOMAR, Concl. sur CE, ass., Avis
cont., 29 avril 2010, M. et Mme Béligaud, RFDA, mai-juin 2010, p.
562.
33 Affaire n° 21583 du 4 février 2002, chef des
contentieux de l'Etat agissant pour le compte de ministère de la
santé publique et le ministère du domaine de l'Etat et des
affaires foncières c/ Hechima Dchich, Rec., p. 431.
(...)
34 M. GUYOMAR, Concl. sur CE, ass., Avis
cont., 29 avril 2010, M. et Mme Béligaud, RFDA, mai-juin 2010, p.
563.
35 F. MELLERAY, « Incertitudes sur la
notion d'ouvrage public », AIDA, 4 juillet 2005, p. 1379.
36 J-M. AUBY, P. BON et J-B. AUBY, Droit
administratif des biens, biens : domaine public et privé, travaux et
ouvrages publics, expropriation, Dalloz, Paris, 4éme
éd., 2003, p. 216.
37 J-M. AUBY, P. BON et J-B. AUBY, Droit
administratif des biens, biens : domaine public et privé, travaux et
ouvrages publics, expropriation, Dalloz, Paris, 4éme
éd., 2003, p. 216.
7
Introduction
des biens. Même si la notion d'ouvrage public est
fréquemment rattachée à celles de travaux publics et de
domaine public, l'ouvrage public constitue une notion autonome. Cette autonomie
est désormais affirmée par la plupart des auteurs non seulement
à l'égard de la notion de travail public mais aussi par rapport
à celle de domaine public38.
D'une part, la notion d'ouvrage public est indépendante
de celle de travail public, qui désigne les travaux
réalisés pour le compte de l'Etat et sur le domaine
public39. Le plus souvent, l'ouvrage public est le résultat
d'opérations de travaux publics ; de même que, le plus souvent,
les travaux publics sont réalisés sur des ouvrages
publics40. Mais la corrélation n'est pas systématique
et la dissociation est possible dans tous les sens. Certains travaux publics
peuvent n'aboutir matériellement à aucun ouvrage
public41. Ainsi, le cas par exemple pour les travaux public de
démolition, de déblaiement, ou encore des travaux public
réalisés sur une propriété
privée42. En revanche, l'existence d'un ouvrage public peut
ne pas avoir pour origine des travaux publics43. Un ouvrage public
peut être issu d'un travail privé. Une telle situation
résulte du changement de la nature juridique de l'ouvrage au cours de
son
38 J. MORAND-DEVILLER, Cours de droit
administratif des biens, Montchrestien, 3éme éd.,
2003,
p. 620 ; J-M. AUBY, P. BON et J-B. AUBY,
Droit administratif des biens, biens : domaine public et privé,
travaux et ouvrages publics, expropriation, Dalloz, Paris,
4éme éd., 2003, p. 211.
39 TA., arrêt n° 22315 du 21 mai 2001, chef du
contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de
l'équipement et de l'habitat c/ Meshrgi et autres, cité par :
2005
172
40 M. GUYOMAR, Concl. sur CE, ass.,Avis
cont., 29 avril 2010, M. et Mme Béligaud, RFDA, mai-juin 2010, p.
560.
41
.
28
1999
42 O-D. BEAUREGARD-BERTHIER, Droit
administratif des biens, Gualino éditeur, 2éme
éd., p. 104.
43 J. MORAND-DEVILLER, Cours de droit
administratif des biens, Montchrestien, 3éme éd.,
2003, p. 620.
8
Introduction
existence. Tel est le cas de l'acquisition par les
collectivités publiques d'un immeuble précédemment
construit par des propriétaires privés et affecté à
un objet d'intérêt général44.
D'autre part, même s'il existe des relations
étroites entre la notion de domaine public et celle d'ouvrage public,
cette dernière doit être considérée comme
étant autonome et distincte. La notion d'ouvrage public, peut être
soit plus étroite, soit plus large que celle de domaine
public45. Elle est plus étroite dans la mesure où
contrairement au domaine public, l'ouvrage public ne peut naturellement ni
être un meuble ni n'avoir fait l'objet d'aucun
aménagement46. Elle est plus large, d'abord, du fait que
certaines dépendances du domaine privé sont des ouvrages publics.
Du fait aussi que, contrairement aux dépendances du domaine public, les
ouvrages publics peuvent être l'objet d'une appropriation
privée47.
III. L'importance de l'intangibilité de l'ouvrage
public
Le principe de l'intangibilité des ouvrages publics
n'est consacré, en droit tunisien, par aucun texte. Il n'a retenu
l'attention de la doctrine qu'à titre accidentel. Il s'agit d'un
principe jurisprudentiel48 consacré par les juridictions
administratives et les juridictions judiciaires.
44 J. MORAND-DEVILLER, Cours de droit
administratif des biens, Montchrestien, 3éme éd.,
2003, p. 620.
45 M-P. MAÎTRE, « Le principe de
l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, n° 232, 1999, p.
11.
46 F. MELLERAY, « Incertitudes sur la
notion d'ouvrage public », AIDA, 4 juillet 2005, p. 1378.
47 R. CHAPUS, Droit administratif, T.2,
Montchrestien, 15ème éd., p. 566.
48 Il s'agit par exemple ; TA, arrêt n°
19857, rendu le 26 avril 2003, Mohamed Saka et autres c/ l'office national
d'assainissement, inédit ; TA, arrêt n° 19519, rendu le 29
mars 2003, Nejma Beltifa et héritiérs Chalbia Beltifa c/
Société Tunisienne de l'électricité et de gaz,
inédit ; TA, arrêt n° 1/ 17075 rendu le 1 juillet 2008,
Mohammed c/ SONEDE, Rec. p. 32.
9
Introduction
Il est de tradition de faire remonter l'intangibilité
de l'ouvrage public, selon la doctrine dominante49, à
l'arrêt du CE Français Robin de la
Grimaudiére50. Malgré sa forte assisse historique, ce
principe fait sous l'impulsion de la jurisprudence administrative et
judiciaire, l'objet de nombreuses interrogations quant à son
intérêt et son devenir51.
Née d'un constat de puissance, le principe
d'intangibilité de l'ouvrage public constitue un défi aux
principes qui régissent l'Etat de droit. L'une des «
sujétions les plus fortes pesant de leur fait sur les administrés
»52, le principe de l'intangibilité est un
procédé relevant plus de l'Etat de police que de l'Etat de
droit53. Consacrer l'intangibilité de l'ouvrage public comme
un principe immobile54 équivaut a donné à
l'administration un pouvoir beaucoup trop exorbitant, rompant avec toute
considération de sécurité juridique de
l'administré.
Transposée par le juge dans notre corpus juridique
tunisien55, l'intangibilité des ouvrages publics, principe
toujours d'actualité, ne
49 R. CHAPUS, Droit administratif, T.2,
Montchrestien, 15ème éd., p. 566 ; H. TOUTEE,
« La remise en cause de l'adage : Ouvrage public mal
planté ne se détruit pas », RFDA, n° 8,
janvier-février 1992, p. 59. Toutefois, il existe quelques voix
dissidentes comme celle de Ch. BLAEVOET, « De l'intangibilité des
ouvrages publics », D, 1965, p. 242). Selon cet auteur, le principe
d'intangibilité résulterait d'un arrêt du CE., Lebreton, du
26 janvier 1894.
50 CE., 7 juillet 1853, Robin de la Grimaudiére, S., 1854,
2, p. 213.
51 N. ACH, « L'intangibilité de
l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être
enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1639.
52 J-M. AUBY, « L'ouvrage public »,
CJEG, 1961, p. 535.
53 C. LAVIALLE, Note sur CE., sect., 29
janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et
du gaz des Alpes-Maritimes et communes de clans, RFDA, mai- juin 2003, p.
485.
54 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible
mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public »,
RDP, n° 5, 1999, p. 1447.
55 A titre d'exemple ; TA., arrêt n°
1/13000 du 8 juin 2010, Masaoud El Boubakri c/ le chef du contentieux de l'Etat
agissant pour le compte du ministère de l'agriculture, des ressources
hydrauliques et de la pêche maritime, inédit ; TA., arrêt
n° 1/ 15648 du 1 juin 2007, Mohammed et autres c/ l'office national de
l'assainissement ; TA., arrêt n° 1/ 11535 du 7 juillet 2010, Habib
Ben Amor et autres c/ le chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte
du ministère de l'éducation et de formation, inédit.
10
Introduction
semble plus rester absolue56. Faisant partie du
bloc des grands principes du droit public, l'intangibilité des ouvrages
publics connait une mise à mal qui s'inscrit dans un irrésistible
mouvement consistant pour l'essentiel à améliorer les droits des
administrés face à l'administration.
Dés lors se pose la question de savoir jusqu'à
quelle limite la remise en cause du principe d'intangibilité peut-elle
aller, alors que la multiplication des ouvrages publics très couteux
devraient inciter à les protéger davantage ?
D'un certain point de vue, l'intangibilité de l'ouvrage
public est certes un « principe ébranlé »,
mais il est « loin d'être enterré
»57. L'impératif de concilier des exigences
contradictoires impose une régulation qui tiendrait compte des exigences
en cause et donne ainsi au juge un rôle considérable.
Jusqu'à quel point l'intangibilité des
ouvrages publics garde sa teneur et sa quasi sacralité dictée par
l'intérêt général, face à un mouvement de
prise en considération des droits des administrés face à
une administration toute puissante ?
On verra que le principe de l'intangibilité est
miné par un paradoxe imposé, par les intérêts
contradictoires en présence (Première Partie) et
que l'adaptation du principe s'est imposée sous l'effet des mutations
rapides de notre époque (Deuxième Partie).
56 TA., arrêt n° 1/ 17813 du 16 avril 2009, Khadija
Ghuila c/ L'office national de l'assainissement, inédit. Ce mouvement a
été dégagé depuis longtemps en France dés
1991. On peut citer comme exemple : CE., 19 avril 1991, Epoux Denard, Epoux
Martin, Rec., CE., p. 148 ; CE., 14 octobre 2011, Commune de Valmeinier et
syndicat mixte des lslettes ; CE., 20 mai 2011, Communauté
d'agglomération du lac du Bourget.
57 N. ACM, « L'intangibilité de
l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être
enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1633.
PREMIERE PARTIE
L'ambivalence du principe
11
Première partie : L'ambivalence du principe
Le principe de l'intangibilité des ouvrages publics est
porteur de fortes prérogatives au profit de l'administration,
dépositaire de l'intérêt général.
Néanmoins, il est devenu difficile d'éviter un équilibrage
des droits entre Administration et administrés58.
L'étude des solutions arrêtées par le TA,
dans le cadre du contentieux des ouvrages publics, s'intéresse au
déséquilibre fondamental au profit de l'administration, et au
détriment de l'administration. L'option même pour le contentieux
administratif comme base d'approche des affaires de dépossession
irrégulières n'est pas neutre 59. Elle procède
d'une politique qui privilégié l'intérêt
général même si ce dernier doit désormais composer
avec l'intérêt des particuliers.
Les implications de ce choix vont, en effet, se ressentir sur
le contenu du droit applicable qui est un droit spécial et sur les
prérogatives du juge qui ne peut user à l'égard de
l'administration des pouvoirs qu'il détient envers les
particuliers60. Il est soucieux de ne pas entraver l'action de
l'Etat et de limiter l'arbitraire en protection des administrés.
Le propre des litiges opposant l'administration aux
particuliers est la situation fondamentalement
inégalitaire61. Cette tendance rompt l'équilibre
sollicité entre les deux parties dans le procès en consacrant un
comportement fondamentalement protecteur des ouvrages publics conçus au
service des usagers (Chapitre I) mais au détriment des
droits des administrés (Chapitre II).
58 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible
mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public »,
RDP, n° 5, 1999, p. 1451.
59 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible
mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public »,
RDP, n° 5, 1999, p. 1451.
60 M. LAKHDHAR, « La protection de la
propriété privée immobilière par le tribunal
Administratif », RTD 1983, p. 288.
61 J-P. COLSON, L'office du juge et la preuve
dans le contentieux administratif, LGDJ, Paris, 1970, p. 10.
12
Première partie : L'ambivalence du principe
Chapitre I :
La protection des ouvrages publics
La protection de l'ouvrage public vise à
préserver son intégrité en évitant les
éventuelles entraves qui pourraient être apportées à
son fonctionnement62. A côté de diverses mesures
légales d'ordre essentiellement pénal destinées à
protéger notamment les ouvrages publics de l'atteinte à leur
intégrité portée par des tiers 63, le principe
de l'intangibilité des ouvrages publics constitue au sein du
régime de protection de l'ouvrage public le seul élément
original faisant corps avec la notion d'ouvrage public64. Même
lorsque celui-ci est irrégulièrement implanté, la
protection des ouvrages publics est garantie par la limitation du pouvoir du
juge judiciaire et administratif qu'il ne saurait adresser une injonction
mettant en cause l'intégrité ou le fonctionnement de l'ouvrage
public65.
La règle de l'intangibilité exprime
l'impossibilité pour le juge de mettre en péril les conditions
d'exercice de l'intérêt général auquel se rattachent
les ouvrages publics, et plus précisément, le fonctionnement d'un
service public.
62 M. GUYOMAR, Concl. sur CE., 29 avril 2010,
M. et Mme Béligaud, RFDA, mai- juin 2010, p. 557.
63 Il ne s'agit pas de mesures spécifiques
aux ouvrages publics et qui ne concernent pas, en outre, l'ensemble des
ouvrages publics. Nous pensons en particulier aux mesures relatives à la
répression des infractions de voirie, ou encore aux dispositions de
l'article 321 du code pénal qui incrimine toute atteinte contre la voie
publique. De même, l'alinéa 2 de l'article 320 de même code
incrimine les atteintes aux cours d'eau.
64 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible
mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public »,
RDP, n° 5, 1999, p. 1451.
65 J-M. LE BERRE, « Les pouvoirs
d'injonction et d'astreinte du juge judicaire à l'égard de
l'administration », AJDA, 1979, p. 18.
13
Première partie : L'ambivalence du principe
Le croisement de ces angles d'approche permettra d'opposer la
modalité de la protection à la finalité de celle-ci et de
montrer que si cette protection se trouve garantie dans sa modalité
(Section 1) elle apparaît, en revanche, comme
perfectible dans sa finalité (Section 2).
Section 1 : Une protection garantie dans sa
modalité
Le juge administratif joue un rôle actif dans le
procès administratif. Il est amené à réaliser
l'équilibre entre les intérêts publics et les
intérêts particuliers des citoyens. Pour réaliser cet
équilibre, il est tenu de disposer d'armes nécessaires pour faire
valoir les droits des administrés face à la toute puissante
administration. « L'Etat de droit implique que la liberté de
décision des organes de l'Etat est, à tous les niveaux,
limitée par l'existence de normes juridiques supérieures, dont le
respect est garanti par l'intervention d'un juge. Le juge est, donc, la clef de
voûte et la condition de la réalisation de l'Etat de droit
»66.
Toutefois, le principe d'intangibilité des ouvrages
publics ne contribue pas, assez, à rétablir l'équilibre
sollicité entre l'administration, dépositaire de
l'intérêt général, et les droits et
intérêts des particuliers. En effet, le principe de
l'intangibilité met l'ouvrage à l'abri de toute atteinte
juridique. Il a pour résultat immédiat d'interdire au juge de
prononcer quelque type de mesure que ce soit relativement à la
construction d'un ouvrage public, à son déplacement ou à
son altération67.
66 J. CHEVALLIER, L'État de droit,
Montchrestien, Paris, 4ème éd, 2003. p. 133.
67 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible
mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public »,
RDP, n° 5, 1999, p. 1452.
14
Première partie : L'ambivalence du principe
S'il s'est longtemps imposé avec force aux juges
judiciaire et administratif68, le principe d'intangibilité de
l'ouvrage public ne concerne pas pour autant l'administration
elle-même69. Ce privilège dont bénéficie
la personne publique permet d'ailleurs de tenir partiellement en échec
le principe d'intangibilité70.
La protection des ouvrages publics est alors assurée au
moyen de deux procédés. D'une part, à l'égard du
juge administratif qui se trouve empêché d'ordonner la
démolition et le déplacement d'un ouvrage public (§
2). Mais la protection des ouvrages publics se manifeste avec une
rigueur accrue à l'égard du juge judiciaire et consolide
certainement le principe d'intangibilité qui y puise une forme de
vitalité (§ 1).
§ 1 : Les limites à l'exercice du pouvoir
d'injonction du juge judiciaire
En tant que juge civil, le juge judiciaire est
compétent pour statuer sur les actions possessoires qui ont pour
l'objet, dans la plupart du temps, la reprise des immeubles détenus par
l'administration sans aucun titre légal conformément aux articles
5171 et 5272 du code de procédure
68 L. DI QUAL, « Une manifestation de la
désagrégation du droit de propriété : La
règle ouvrage public mal planté ne se détruit pas »,
JCP, 1964, I, fasc. n° 1852, § 14 ; Ch. BLAEVOET,
« De l'intangibilité des ouvrages publics », Dalloz,
1965, p. 242.
69 L'autorité administrative, chargée
de l'adaptation du service public aux besoins de la société, peut
faire ce qu'elle veut des ouvrages publics. Elle peut à tout moment
altérer l'implantation ou la nature d'un ouvrage public, en modifier
l'affectation ou tout simplement procéder à sa démolition.
J-P. MAUBLANC, Note sous CE., 19 avril 1991, Epoux Denard,
Epoux Martin, « La fin d'un mythe « ouvrage public mal planté
ne se détruit pas ? », RFDA, n° 8, janvier- février
1992, p. 66 ; C. MAUGÜÉ, Concl. sur CE., 29
janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et
du gaz des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, RFDA, 2003, p. 479.
70 C. MAUGÜÉ, Concl. sur CE., 9
janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et
du gaz des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, article
précité, p. 479.
71 « L'action possessoire est celle que la loi
accorde au possesseur d'un immeuble ou d'un droit réel immobilier pour
se faire maintenir dans sa possession ou s'y faire rétablir lorsqu'il en
a été dépossédé ou pour faire suspendre des
travaux ».
72 « L'action possessoire peut être
intentée par celui qui, ayant par lui-même ou par autrui, la
possession d'un immeuble ou d'un droit réel immobilier :
15
Première partie : L'ambivalence du principe
civile et commerciale. Ainsi, aux termes de l'article
3973 du même code ces actions sont de la compétence du
juge cantonal. Celui-ci connaît également, sur la base de
l'article 307 du code des droits réels 74, les actions qui
ont pour objet d'ordonner la cessation de tout trouble apporté à
la jouissance d'un immeuble immatriculé.
Toutefois, le juge judiciaire s'est interdit d'adresser des
injonctions à l'administration. En effet, les dispositions des articles
3 et 4 du décret beylical de 188875 interdisaient toute
action de nature à entraver le déroulement de l'activité
administrative76. Ledit décret a été
abrogé en 1996 et la loi 96-38 a repris la même
interdiction77.
Dans ce cadre, le Professeur Roland DRAGO a
considéré que les interdictions faites au juge judiciaire, dans
le décret de 1888, plaçaient la Tunisie dans le même
contexte que celui connu par la France durant la période
révolutionnaire qui était notamment marquée par les lois
des 16-
1) entend être maintenu dans sa possession ou la
faire reconnaître en cas de trouble ou demande à être
réintégré dans sa possession, lorsqu'il en a
été dépouillé;
2) a intérêt à faire ordonner la
suspension des travaux qui produiraient un trouble, s'ils venaient à
être achevés;
3) demande à être
réintégré dans sa possession ou dans sa jouissance,
lorsqu'il en a été dépouillé par la force
».
73 « (...) Le juge cantonal connaît seul en
premier ressort : (...) 2) des actions possessoires... ».
74 « (...) Le juge cantonal est compétent pour
ordonner la cessation de tout trouble apporté à la jouissance
d'un immeuble immatriculé ».
75 L'article 3 du décret beylical du 27 novembre 1888
relatif au contentieux administratif disposait qu' «il est interdit
aux juridictions civiles d'ordonner, (...), toutes mesures dont l'effet serait
d'entraver l'action de l'administration, (...) », JORT, n° 13,
29 nov. 1888, p. 1.
76 M-S. BEN AISSA, « Le Décret
Beylical du 27 novembre 1888 et le principe de la séparation des
autorités administratives et judiciaires », in Le Centenaire du
décret Beylical du 27 novembre 1888 et le Contentieux Administratif,
Colloque organisé les 28-29 et 30 novembre 1988 par l'Association
Tunisienne des Sciences Administratives avec le Concours des Services Culturels
de l'Ambassade de France, CERP, 1988, p. 59.
77 L'article 4 des dispositions transitoires de la loi
organique n° 96-39 du 3 juin 1996 modifiant la loi n° 72-40 du
1er juin 1972 relative au TA, dispose que « Avec
l'entrée en vigueur de la présente loi, la décret beylical
du 27 novembre 1888, relatif au contentieux administratif est abrogé
», JORT, n° 47, 11 juin 1996, p. 1151.
16
Première partie : L'ambivalence du principe
24 août 179078. « Il n'appartient en
aucun cas à l'autorité judiciaire de prescrire aucune mesure de
nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à
l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public
»79. Il n'est permis au juge judiciaire
d'ordonner ce qui serait de nature à porter atteinte sous quelque forme
que ce soit, à l'unité ou au fonctionnement d'ouvrages publics.
Il s'agit ici de la limite que le juge ne peut pas franchir, de la
frontière à ne pas dépasser en aucune
manière80.
L'existence d'un ouvrage public sur le terrain litigieux
« constitue un obstacle à l'exercice des prérogatives
que la voie de fait confère notamment au juge judiciaire
»81. En effet, « le juge ne saurait adresser une
injonction mettant en cause l'intégrité ou le fonctionnement de
l'ouvrage public »82. Il semble « qu'en
présence de deux notions aux intérêts contradictoires,
ouvrage public et voie de fait, celle de voie de fait s'avère
prééminente »83.
Ni la voie de fait, ni l'emprise irrégulière ne
tenaient en échec le principe d'intangibilité des ouvrages
publics. Le pouvoir d'injonction envers l'administration dont dispose le juge
judiciaire en cas de voie de fait s'effaçait au profit de l'ouvrage mal
planté84. La seule possibilité dont disposaient alors
les juridictions de l'ordre judiciaire consistait dans
78 R. DRAGO, « L'exception
d'illégalité devant les tribunaux judiciaires en Tunisie »,
RTD, 1954, p. 2.
79 TC., 6 février 1956, Cts Sauvy, Rec., CE., p. 586.
80 Les pouvoirs du juge judicaire sont
réduits par l'immunité quasi absolue dont jouit l'ouvrage public.
Cette immunité à l'égard des pouvoirs du juge judiciaire
n'est qu'un aspect d'un régime très protecteur. Même
lorsque l'administration a édifié un ouvrage public suite
à une emprise irrégulière ou encore une voie de fait, le
juge se trouve incapable d'ordonner une quelconque mesure qui peut nuire
à l'intégrité de l'ouvrage public.
81 J-M. LE BERRE, « Les pouvoirs
d'injonction et d'astreinte du juge judiciaire à l'égard de
l'administration », AJDA, 1979, p. 17.
82 J-M. LE BERRE, « Les pouvoirs
d'injonction et d'astreinte du juge judicaire à l'égard de
l'administration », AJDA, 1979, p. 17.
83 L. LAUCCHINI, « Le fonctionnement de
l'ouvrage public », AJDA, 1964, p. 360.
84 N. ACH, « L'intangibilité de
l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être
enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1636.
17
Première partie : L'ambivalence du principe
l'allocation de dommages-intérêts aux
propriétaires dépossédés de leur bien suite
à l'implantation d'un ouvrage public85.
En cas de voie de fait, le juge judicaire dispose normalement
de la plénitude de pouvoirs, puisqu'il peut prononcer des injonctions
à l'encontre de l'administration. Mais, ces pouvoirs d'injonction sont
gelés lorsque la voie de fait met en cause l'ouvrage public. Dans ce
cas, ce n'est nullement la règle de l'interdiction des injonctions qui
restreint de tels pouvoirs, puisqu'elle est ici est inapplicable, mais
exclusivement le principe d'intangibilité86.
L'immunité dont jouit l'ouvrage public remplit un rôle actif
puisqu'elle neutralise les prérogatives du juge judiciaire.
§ 2 : L'autolimitation du pouvoir d'injonction du juge
administratif
S'il appartient au juge de dire le droit87, et en
conséquence, d'ordonner toutes les mesures nécessaires au respect
de ce droit, « le juge administratif n'use pas dans toutes les
hypothèses de ce pouvoir bicéphale qui est pourtant la
manifestation la plus parfaite de l'office de juge »88. En
effet, celui-ci ne dispose pas de pouvoirs équivalents selon que le
litige porte à titre principal sur une personne publique ou une personne
privée. A l'égard de la première, ses pouvoirs sont
fortement
85 J. CHARRET et S. DELIANCOURT, Note sous
CE., 29 janvier 2003, Syndicat interdépartemental de
l'électricité et du gaz des Alpes -Maritimes et commune de Clans
c/ Mme Gasiglia, « Une victoire à la pyrrhus du droit de
propriété sur le principe d'intangibilité de l'ouvrage
public », LPA, n° 113, 6 juin 2003, p. 21.
86 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible
mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public »,
RDP, n° 5, 1999, p. 1467.
87 R. PERROT, Institutions Judiciaires,
Montchrestien, 10ème éd., 2002, p. 37.
88 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible
mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public »,
article précité, p. 1463.
18
Première partie : L'ambivalence du principe
limités en vertu de la consécration du principe
de l'interdiction d'adresser des injonctions à
l'Administration89.
L'absence de contrainte pesant sur l'action administrative
à travers cette interdiction90 a donné lieu
nécessairement à une autre forme d'inhibition, celle de ne pas
interférer dans la décision de l'administration de
réaliser un ouvrage public. La conjugaison des deux règles est si
appuyée qu'elle s'oppose au prononcé d'injonctions même
lorsque l'ouvrage public est irrégulièrement implanté
puisque cette irrégularité juridique n'entache pas
l'intérêt public invoqué. A la lumière de ces deux
principes que le juge administratif refuse de prescrire la destruction d'un
ouvrage public91.
A cet égard, lorsqu'un ouvrage public est
irrégulièrement implanté, le juge administratif ne se
reconnaît pas compétent pour adresser des injonctions à
l'administration, au motif qu'il ne peut faire acte
d'administrateur92. Celui-ci a considéré, à cet
effet, que le principe de l'intangibilité des ouvrages publics lui
interdit « de quelque manière que ce soit (...) d'ordonner des
mesures de nature à porter préjudice aux ouvrages publics ou
à leur fonctionnement »93.
89 Le principe de séparation de la juridiction
administrative et de l'administration active est une invention française
consistant dans le refus d'entraver l'action administrative par le juge
administratif, notamment par les injonctions. Dès lors qu'en adressant
des ordres à l'administration, le juge entreprend sur la sphère
de l'administration active. E. LAFERRIERE, Traité de la
juridiction administrative et des recours contentieux, T.1, LGDJ, 1989, p.
541.
90 Là où commencent les tâches
d'administration, cesse l'intervention juridictionnelle. Y. GAUDEMET,
« Réflexion sur l'injonction dans le contentieux
administratif » », in Mèl. Georges BURDEAU, Le Pouvoir, LGDJ,
Paris, 1977, p. 806.
91 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible
mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public »,
RDP, n° 5, 1999, p. 1464.
92 J. CHEVALLIER, « L'interdiction pour
le juge administratif de faire acte d'administrateur », AJDA, 1972, T. 28,
p. 67.
93 TA., appel, aff. n° 81 du 28 juin 1979,
Municipalité de Tunis c/ Société Maghrébine
d'Etudes et Travaux, Rec. 1979, p. 188.
19
Première partie : L'ambivalence du principe
Or, il se révélait impossible d'assimiler plus
longtemps les deux notions du pouvoir discrétionnaire et
d'immunité juridictionnelle de certains éléments de l'acte
administratif94. La renonciation aux injonctions marque une
véritable autolimitation de la part du juge administratif et une remise
en cause de ses pouvoirs. L'impossibilité d'affecter
l'intégrité de l'ouvrage public est une règle
jurisprudentielle, ne reposant sur aucun texte95. Elle en constitue
une déclinaison qui résulte d'une volonté du juge
d'intervenir dans l'exercice d'activités d'intérêt
général dont est investie l'administration96.
Aucun texte juridique n'impose au juge administratif de
limiter ses pouvoirs à l'égard de l'administration. Le texte
même de la Constitution tunisienne du 1er juin 1959
n'énonçait pas le principe de séparation de la juridiction
administrative et de l'administration active, ni dans le préambule, ni
dans le dispositif de la constitution. Par ailleurs, le choix des constituants
était d'instituer une juridiction administrative qui dispose de larges
pouvoirs « d'investigation, d'injonction et de réformation
»97.
Le TA devrait être un instrument efficace de protection
des droits des administrés contre les éventuels abus de
l'administration. Le
TA., aff. n° 1/15648 du 1 juin 2007, Mohammed et autres c/
l'office national d'assainissement, Rec.,
p. 82.
.
94 J-C. VENEZIA, Le pouvoir
discrétionnaire, LGDJ, Paris, 1958, p. 52.
95 J. CHEVALLIER, « L'interdiction pour
le juge administratif de faire acte d'administrateur », AJDA, 1972, T. 28,
p. 67.
96 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible
mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public »,
RDP, n° 5, 1999, p. 1464.
97 Y. BEN ACHOUR, « L'histoire du
principe de la séparation des autorités en Tunisie », in Le
Centenaire du Décret Beylical du 27 novembre 1888 et le Contentieux
Administratif, Colloque organisé les 28-29 et 30 novembre 1988 par
l'Association Tunisienne des Sciences Administratives avec le Concours des
Services Culturels de l'Ambassade de France, CERP, 1988, p. 385.
20
Première partie : L'ambivalence du principe
rapporteur général de la première
constituante a clairement affirmé que « l'administration
elle-même, par son organisme spécial, tranchera les litiges entre
elle et autrui (...) de sa propre main et non pas par la main de Amr (...), ce
qui signifie que c'est l'administration elle-même, avec son tribunal,
c'est-à-dire son organisme spécialisé dans ce chapitre,
qui modifiera ses actes ou les annulera, les réformera, les
étendra ou les limitera »98. La
préoccupation première de l'Assemblée Constituante a
été de créer des institutions de contrôle et non pas
d'interdire au juge d'entraver par quelconque contrôle, l'action
administrative99.
Section 2 : Une protection perfectible dans sa
finalité
« Le principe d'intangibilité des ouvrages
publics n'a jamais été clairement expliqué ni
justifié »100 à l'instar d'autres principes
du droit administratif. Il est « toujours difficile d'expliquer la
capitulation du droit devant le fait accompli »101.
En outre, comment accepter que cette protection porte atteinte aux droits
des administrés ?
98 Travaux de l'Assemblée Constituante, Rapport
Général de Mr. Ali BELHOUANE, débats de l'Assemblée
Constituante, séance du 6 novembre 1958, JORT du 19 novembre 1958,
n° 8, p. 196.
99 Les discussions de l'Assemblée Constituante sur
l'article 103 du projet de la Constitution tunisienne (l'article 57 ancien de
l'ancien Constitution du 1er juin 1959 relatif au Conseil d'Etat)
tendent à démontrer que la volonté des constituants
était dirigée vers l'admissibilité du pouvoir d'injonction
du juge administratif à l'égard de l'administration.
103
100 M-C. ROUAULT, Note sous OE., 19 avril 1991,
Époux Denard, Époux Martin, JCP, 1992, p. 59.
101 R. CHAPUS, Droit administratif
général, T.2, Montchrestien, 11éme éd.,
1998, n° 688, p. 542.
21
Première partie : L'ambivalence du principe
La doctrine avance traditionnellement des objectifs
légitimant la protection des ouvrages publics. Cette protection
correspond à une certaine forme de la réalité
administrative qui est la préservation de l'intérêt
général, la protection des deniers publics et la
continuité des services publics. Détruire un ouvrage public c'est
aussi détruire tout cela102.
Il convient de reconnaître que la protection exorbitante
des ouvrages publics ne vise pas seulement à préserver
l'intérêt général (§ 1) elle
vise, également, autres finalités non moins importantes et
connexes à l'intérêt général (§
2).
§ 1 : La préservation de l'intérêt
général
La mise en oeuvre d'une protection aussi forte ne peut être
liée
qu'à la poursuite d'un objectif primordial, celui de
préserver l'intérêt général. Ce dernier
s'impose en tant qu'élément essentiel de la notion d'ouvrage
public103. Par conséquent, l'intérêt
général s'oppose à ce qu'il
soit porté atteinte à un ouvrage public. Ainsi,
la jurisprudence du TA souligne avec force le lien étroit entre le
caractère d'intérêt général de l'ouvrage et
l'affirmation de la règle d'intangibilité104.
Néanmoins, ce
fondement n'a jamais été réellement
explicité (A) et l'on peut se demander s'il ne risque
d'avoir une influence sur l'application du principe d'intangibilité
(B).
102 C. LAVIALLE, Note sous OE., 29 janvier
2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz
des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, RFDA, mai- juin 2003, p. 485.
103 L'« un des éléments essentiels de
la qualification juridique d'ouvrage public réside dans l'affectation de
l'ouvrage à une fonction d'intérêt général
». J-M. AUBY, « L'ouvrage public », CJEG,
1961, p. 65.
104 TA, arrêt n° 19776, rendu le 20 juin 2003,
Kefia Bent Hamed Kortas c/ la Société Tunisienne de
l'Electricité et de Gaz, inédit.
22
Première partie : L'ambivalence du principe
A. Un fondement ambigu
La notion d'intérêt général n'est
généralement ni inscrite dans les textes ni définies par
la législation. L'examen de la jurisprudence du TA, intervenue en la
matière, laisse penser que, même en cas d'application du principe
de l'intangibilité de l'ouvrage public, où le juge fonde toujours
son refus de démolir ou déplacer un ouvrage public mal
planté sur la supériorité de l'intérêt
général sur l'intérêt privé105,
sans se soucier de définir cette notion.
Malgré l'absence de définition de la notion
d'intérêt général, certains arrêts du TA
confirment la pérennité des immeubles
irrégulièrement édifiés, au nom de
l'intérêt général qu'ils sont censés
servir106. Ainsi, dans un arrêt datant de 2003, le TA
affirme que même en cas d'irrégularité de
l'opération de l'administration qu'a donné lieu un ouvrage
public, le juge ne peut pas ordonner la démolition de cet ouvrage en
application du principe de l'intangibilité de l'ouvrage public qui
trouve son fondement dans la primauté de l'intérêt
général sur l'intérêt privé107.
La persévération de l'intérêt
général constitue alors « un argument ô bien
confortable lorsque d'autres éléments liés au
contrôle de légalité sont défaillants
»108. Par conséquent, l'assimilation de
l'administration derrière cette notion est devenue très
fréquente puisque « un ouvrage
105 TA, arrêt n° 1/ 13000 du 8 juin 2010, Masaoud
El Boubakri c/ le chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du
ministère de l'agriculture, des ressources hydrauliques et de la
pêche maritime, inédit.
"
.
106 TA., aff. n° 1/17075 du 1 juillet 2008, Mohammed c/
SONEDE, Rec., p. 101 ; T.A., affaire n° 1/15648 du 1 juin 2007, Mohammed
et autres c/ l'office national d'assainissement, Rec. , p. 82.
107 TA., arrêt n° 19519 du 29 mars 2003, Nejma
Beltifa et héritiers Chalbia Beltifa c/ Société Tunisienne
de l'Electricité et de Gaz, inédit.
108 Ch. BOUTAYEB, «
L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de
l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p.1453.
23
Première partie : L'ambivalence du principe
public ne perd aucunement sa qualité d'affectation
à l'intérêt général lorsqu'il est
illégalement implanté »109. Cette position
est critiquable110 en ce qu'elle cache une volonté, de la
part du juge administratif, de protéger l'administration en gardant une
image équivoque de l'intérêt général qui peut
englober toutes les situations.
B. Un fondement fragile
Bien que l'intérêt général soit le
principal fondement de l'immunité bénéficiant à
l'ouvrage public, ce fondement est toutefois fragile pour justifier la
défense du principe d'intangibilité111.
D'un côté, l'intérêt
général et l'intangibilité des ouvrages publics ne sont
pas toujours concomitants. D'ailleurs, « personne ne peut penser en
bon sens que le service que rend un ouvrage public, bien ou mal planté,
ne peut jamais être amélioré, par un aménagement, un
déplacement, voire une destruction suivie d'un remplacement
»112. L'intérêt général
nécessite parfois un déplacement, une modification ou même
une destruction de l'ouvrage public. A ce titre, un ouvrage public jugé
indispensable à un moment donné peut, par la suite, être
considéré comme nuisible. La réciproque peut aussi
s'avérer exacte ; « ce qui n'est pas indispensable aujourd'hui
pourra l'être demain »113. De ce fait, le
refus automatique qu'opère le juge devant toute demande de
109 Ch. BOUTAYEB, «
L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de
l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1461.
110 C. MANSON, Note sous CE., sect., 14 oct
2011, Cne de Valmeinier et syndicat mixte des Islettes, JCP, n° 48, 28
novembre 2011, p. 3 ; H. TOUTÈE, Conclusions sur CE.,
19 avril 1991, Epoux Denard, Epoux Martin, « La remise en cause de l'adage
"ouvrage public mal planté ne se détruit pas" », RFDA,
n° 8, janvier- février 1992, p. 65.
111 Ch. BOUTAYEB, «
L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de
l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1461 ; J. BOUGHRAB,
Concl. sur CE., 29 janvier 2003, Syndicat départemental de
l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et Commune de Clans,
LPA, 2003 n° 101, p. 4.
112 H. TOUTÈE, Concl. sur CE., 19
avril 1991, Epoux Denard, Epoux Martin, « La remise en cause de l'adage
"ouvrage public mal planté ne se détruit pas" », RFDA,
n° 8, janvier- février 1992, p. 63.
113 JOSSE, Concl. sur CE., 30 mai 1930, Rec.,
p. 583, cité par R. HADAS-LEBEL, Rapport public du
Conseil d'Etat, La documentation Française, 1999, p. 305.
24
Première partie : L'ambivalence du principe
déplacement ou modification des ouvrages publics ne
peut pas être toujours pertinent justifié par la
préservation de l'intérêt général.
D'un autre côté, l'intérêt
général qui traditionnellement invoqué pour justifier le
principe d'intangibilité des ouvrages publics peut dans certains cas
commander sa démolition. En effet, par le biais de la théorie
du bilan, le juge peut être amené à
opérer une balance entre « les avantages et les
inconvénients de l'opération, entre son utilité publique
et sa « désutilité »» 114.
Une telle complexité et une telle ambivalence de la
notion115 n'est assurément pas à mettre au
crédit d'une justice objective et prévisible116.
« Lorsqu'une notion aussi importante que la notion
d'intérêt général est à même de
justifier une chose et son contraire, n'y a-t-il pas lieu de craindre, quelle
que soit la sagesse du juge, le danger de l'arbitraire
?»117.
§ 2 : Les connexes finalités
La finalité de l'intérêt
général est efficace mais insuffisant pour justifier, à
lui seul, la persistance de la protection des ouvrages publics118.
D'autres finalités semblent en revanche, plus à même de
justifier, encore aujourd'hui, la protection de l'ouvrage public.
Il s'agit
114 Ph. GHODFRIN, Droit administratif des biens,
Armand Colin, 6éme éd., 2001, p. 380.
115 Pour reprendre l'expression du Commissaire du gouvernement
Dulpat, « on peut [...] s'interroger avec curiosité sur cet
intérêt général, qui dispenserait l'Administration
de respecter le droit. Pourquoi devrait-on alors annuler des actes
administratifs irréguliers, dés lors qu'ils sont justifiés
pas l'intérêt général ». J.
DUPLAT, Concl. sous TC, 6 mai 2002, M et Mme Binet c/ EDF,
JCP G 2002, II, 10170, p. 1966.
116 D. BAILLEUL, Note sous CE., 13
février 2009, Communauté de communes du canton de Saint-Malo de
la Lande, AJDA, du 25 mai 2009, p. 1060.
117 G. TEBOUL, Note sous CE., 19 avril 1991,
Epoux Denard, Epoux Martin, AJDA, 1991, p. 566.
118 Ch. BOUTAYEB, «
L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de
l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1461.
25
Première partie : L'ambivalence du principe
notamment de la protection des deniers publics
(A), et de la continuité des services publics auquel
satisfait l'ouvrage public (B).
A. La protection des deniers publics
La doctrine aussi bien ancienne119 que
contemporaine120 s'accorde à dire que la destruction des
ouvrages publics irrégulièrement édifiés
impliquerait un gaspillage financier des deniers publics dans la mesure
où « l'administration pourrait les rétablir presque
aussitôt, à la suite d'une expropriation régulière.
Cette application judaïque de la loi (que traduirait la destruction de
l'ouvrage) n'aboutirait qu'à imposer au Trésor Public un
sacrifice supplémentaire »121.
« Gardien des deniers publics
»122, le juge, face à une demande de
démolir, de déplacer ou de modifier un ouvrage public, va
réfléchir en termes d'opportunité. Les
considérations d'opportunités sont motivées par un souci
financier qui éviterait par ce « formalisme onéreux
»123 un double gaspillage à la charge de
l'administré124. Cette justification pragmatique
d'économie des deniers publics est expressément
envisagée
119 L. AUCOC, Conférences sur
l'Administration et le droit administratif, T.2, 1886, p. 558, cité
par
R. CHAPUS, Droit administratif
général, T.1, Montchrestien, Paris, 11ème
éd., 1999, n° 688.
120 J-M. AUBY et P. BON, Droit administratif
des biens, Dalloz, 1994, p. 318 ; L. DI QUAL, « Une
manifestation de la déségrégation du droit de
propriété : la règle "ouvrage public mal planté ne
se détruit pas" », JCP, 1964, I, fasc. n° 1852 ; L.
LAUCCHINI, « Le fonctionnement de l'ouvrage public », AJDA,
1964, p. 360 ; Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible
mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public »,
RDP, n° 5, 1999, p. 1461.
121 L. AUCOC, Conférences sur
l'Administration et le droit administratif, op.cit., p. 558,
cité par
S. BRONDEL, « Le principe
d'intangibilité de l'ouvrage public : réflexions sur une
évolution jurisprudentielle », AJDA, n° 15, 2003, p. 766.
122 TA, arrêt n° 17776 du 21 décembre 2001,
héritiers Hmila c/ la commune de Msaken, inédit.
123 G. VEDEL, Droit administratif, Manuel
Thémis, 1961, p. 672, cité par J-M. AUBY, « L'ouvrage public
», CJEG, 1961, p. 7.
124 A ce titre, l'alinéa 3 de l'article 10 de la
nouvelle Constitution de la République tunisienne adoptée le 26
Janvier 2014 dispose que « l'Etat veille à la bonne gestion des
deniers publics et prend les mesures nécessaires pour les
dépenser selon les priorités de l économie nationale et
oeuvre à la lutte contre la corruption et contre tout ce qui porte
atteinte à la souveraineté nationale ».
26
Première partie : L'ambivalence du principe
par la jurisprudence du TA. Le juge administratif fonde
l'intangibilité des ouvrages publics sur la protection des deniers
publics125.
Cependant, l'intérêt financier, si
légitime soit-il, n'est pas exempt de critiques. Il peut s'avérer
totalement inadapté126. Selon le commissaire du gouvernement
DULPAT, « on est en présence d'une explication plus que d'une
justification, car l'intérêt financier n'est pas en principe admis
comme un but valable de l'action administrative, un acte administratif pris
dans ce seul but pouvant être annulé par le juge administratif
pour détournement de pouvoir dans le cadre d'un recours pour
excès de pouvoir »127.
En outre, cette justification souffre d'une limite qui ne fait
pas dés lors l'unanimité au sein de la doctrine128. Il
apparaît que l'administration ne peut pas systématiquement
procéder à la régularisation de la situation
entachée d'illégalité129. En effet, la
régularisation n'est pas possible dans tous les cas. Elle n'est
effectivement permise que dans certaines
125 TA, arrêt n° 1/ 10771 du 20 juin 2003,
Béchir Ben Ali Zweri c/ SONEDE, inédit; TA, arrêt n°
12392 du 12 novembre 2004, Najet Hadar c/ SONEDE, inédit; TA,
arrêt n° 19776 du 20 juin 2003, Kefia Bent Hamed Kertas et autres c/
SONEDE, inédit. Dans ces trois arrêts on trouve le même
considérant où le juge fonde le principe de
l'intangibilité de l'ouvrage public sur la continuité et le bon
fonctionnement de services publics et sur la protection de deniers publics.
.
126 N. ACH, « L'intangibilité de
l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être
enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1702.
127 J. DUPLAT, Concl. sous TC, 6 mai 2002, M
et Mme Binet c/ EDF, JCP G 2002, II, 10170, p. 1967.
128 R. CAVARROC, Note sous Cass. Civ, 27
février 1950, JCP, II, 5517 ; J-M. LE BERRE, « Les
pouvoirs d'injonction et d'astreinte du juge judiciaire à l'égard
de l'administration », AJDA, 1979, p. 18.
129 « On ne peut pas soutenir que la destruction de
l'ouvrage serait toujours, en fait, une réparation coûteuse et
platonique, l'observation d'une procédure régulière
permettant de la rétablir ; il est des hypothèses où
l'administration ne pourrait légalement implanter l'ouvrage au
même endroit ». J-M. LE BERRE, « Les
pouvoirs d'injonction et d'astreinte du juge judiciaire à l'égard
de l'administration », AJDA, 1979, p. 18.
27
Première partie : L'ambivalence du principe
circonstances, c'est-à-dire sous la condition que
l'irrégularité commise par la personne publique repose, en
matière d'ouvrage mal planté sur un manquement aux prescriptions
formelles de la procédure d'acquisition d'un terrain appartenant
à une personne privée130. En revanche, dès
l'instant où l'irrégularité repose sur l'absence d'une
condition de fond, il est impossible pour l'administration de procéder
à une quelconque régularisation au regard du bien-fondé
juridique de l'opération131.
De même, si le juge administratif envisage à
travers ce principe protéger, les deniers publics, il doit se garder de
contrecarrer des projets importants et non pas à tous les ouvrages
publics même d'une faible envergure, comme un canal
d'eau132.
B. La continuité des services publics
L'ouvrage bénéficie de la protection exorbitante
de l'intangibilité parce qu'il est le support nécessaire d'une
activité de service public 133. Un auteur affirmait que « la
notion de service public est à la base de la protection de l'ouvrage
public mal planté. En d'autres termes, le fondement de la règle
se trouve dans les caractères intrinsèques de l'ouvrage public
»134.
La continuité du service public « veut que le
service ne soit pas interrompu tant qu'existe le besoin collectif que ce
service doit
130 J. BOUGHRAB, Concl. sur CE., 29 janvier
2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz
des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, « La relecture du principe
d'intangibilité des ouvrages publics », LPA, n° 101, 2003, p.
7.
131 J. BOUGHRAB, Concl. sur CE., 29 janvier
2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz
des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, « La relecture du principe
d'intangibilité des ouvrages publics », LPA, n° 101, 2003, p.
7.
132 TA., affaire n° 1/16656 du 25 avril 2009, El Fkiri c/
SONEDE, Rec., p. 305.
133 La doctrine définit la notion de service public
comme « une activité assurée ou assumée par une
personne publique en vue d'un intérêt public ».
R. CHAPUS, Droit administratif général, T.2,
Montchrestien, 11éme éd., 1998, n° 748, p.
535.
134 L. DI QUAL, « Une manifestation de
la désagrégation du droit de propriété : La
règle ouvrage public mal planté ne se détruit pas »,
JCP, 1964, I, fasc. n° 1852, p. 9.
28
Première partie : L'ambivalence du principe
satisfaire »135. A cet égard,
une personne publique est tenue d'assurer le fonctionnement régulier du
service public. L'ouvrage public dès lors qu'il est nécessaire
à l'existence et à la continuité du service public, ne
pourra être détérioré de quelque manière que
ce soit, sauf à faire obstacle au bon fonctionnement du
service136. En effet, la démolition de l'ouvrage public
conduirait à porter atteinte au principe de la continuité des
services publics137, principe général du
droit138 et principe constitutionnel139.
Un lien incontestable semble unir la protection de l'ouvrage
public d'une part, et le fonctionnement et la continuité des services
publics d'autre part. Versant administratif du principe de continuité de
l'État140, il semble que le fonctionnement et la
continuité des services publics constituent une priorité dans la
mesure où, le professeur GENEVOIS considère que,
« si le dogme de l'intangibilité de l'ouvrage public a
135 Y. BEN ACHOUR, Droit administratif, Centre
de Publication Universitaire, 3éme éd., 2010, p.
361.
136 TA., arrêt n° 22129 du 26 janvier 1999, chef du
contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de
l'intérieur c/ Alia et Abdelkader et autres, inédit.
"
137 TA., aff. n° 1/17075 du 1 juillet 2008, Mohammed c/
SONEDE, Rec., p. 101.
.
138 TA., arrêt n° 22512, du 27 avril 1999, chef du
contentieux de l'Etat agissant pour le compte de ministère du domaine de
l'Etat et des affaires foncières c/ Mohamed Ben Abda, inédit.
. ( )
139 Y. BEN ACHOUR, Droit administratif, Centre
de Publication Universitaire, 3éme éd., 2010, p.
361.
140 L'article 41 de la constitution Tunisienne de 1959 dispose
que « le Président de la République (...) veille au
fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels et assure
la continuité de l'Etat ».
Première partie : L'ambivalence du principe
vécu, le principe de valeur constitutionnelle de
continuité du service public demeure »141.
29
141 B. GENEVOIS, Note sous TC, 6 mai 2002, JCE G
2002, II, 10170.
30
Première partie : L'ambivalence du principe
Chapitre II :
L'affectation des droits des administrés
La découverte par le juge d'une finalité
d'intérêt général peut justifier, sous certaines
conditions, qu'il soit dérogé à certains principes
fondamentaux qui font partie des droits des administrés. La conciliation
entre le respect de ces principes et la finalité de
l'intérêt général que doit procéder le
juge.
L'une des fonctions les plus importantes de
l'intangibilité des ouvrages publics dans la jurisprudence
administrative est de limiter, au nom des finalités supérieures
qu'elle représente, l'exercice de certains droits, au nombre desquels on
peut ranger notamment le droit de propriété (Section
1), et le droit à la légalité (Section
2).
Section 1 : L'atteinte au droit de
propriété
Lorsqu'un ouvrage public est édifié sur un
terrain appartenant à un particulier, c'est avant tout le droit de
propriété privée qui est bafoué142.
Certains auteurs affirment que le principe d'intangibilité est une
« négation »143, voire une «
désagrégation »144 du droit de
propriété. La règle « ouvrage public mal
planté ne se détruit pas » « paralyse
»145 le droit de propriété. Un tel droit est
alors mis en balance avec d'autres
142 N. ACM, « L'intangibilité de
l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être
enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1686.
143 L. DI QUAL, « Une manifestation de
la désagrégation du droit de propriété : La
règle "ouvrage public mal planté ne se détruit pas"
», JOP, 1964, I, fasc. n° 1852, p 1.
144 L. DI QUAL, « Une manifestation de
la désagrégation du droit de propriété : La
règle "ouvrage public mal planté ne se détruit pas"
», JOP, 1964, I, fasc. n° 1852, p 1.
145 L. DI QUAL, « Une manifestation de
la désagrégation du droit de propriété: La
règle "ouvrage public mal planté ne se détruit pas"
», JOP, 1964, I, fasc. n° 1852, p. 5.
31
Première partie : L'ambivalence du principe
droits ou des intérêts publics et il en ressort
« banalisé », « bousculé »,
réduit à « un droit constitutionnel de second rang
»146.
Les atteintes au droit de propriété, souvent
justifiés et justiciables par l'intérêt
général, se sont multipliées dans un nature
contrasté (§ 1). Ainsi, lorsqu'un ouvrage public
avait été édifié de manière
régulière ou non sur un terrain privé, le
propriétaire de ce terrain pouvait seulement obtenir une
indemnité et ne peut, en aucune manière, faire expulser
l'administration de sa propriété (§ 2).
§ 1 : La nature de la violation du droit de
propriété
La nature de la violation du droit de propriété
se distingue, à travers la jurisprudence du TA, entre deux situations
radicalement différentes. La première concerne le cas où
l'administration porte atteinte légitime à la
propriété privée agissant dans le cadre légal et
réglementée (A). La seconde concerne le cas
où l'administration porte atteinte à la propriété
privée, en dehors du cadre légal de l'intervention administrative
(B).
A. La légalité de l'action de
l'administration
A l'occasion de l'exécution d'activités
d'intérêt général, l'administration dispose d'un
ensemble de prérogatives de puissance publique qui se traduisent par le
recours à des procédés de limitation au droit de
propriété. Il s'agit essentiellement de l'expropriation pour
cause d'utilité publique (1), mais également de
l'occupation temporaire (2).
1. L'expropriation pour cause d'utilité
publique
Une des techniques qui autorisent la puissance publique
à porter atteinte au droit de propriété, l'expropriation
pour cause d'utilité
146 J-F. LACIIAUME et II. PAULIAT, « Le
droit de propriété est-il encore un droit fondamental ? »,
in Droit et politique à la croisée des cultures, Mél.
offerts à Philippe ARDANT, LGDJ, p. 374.
32
Première partie : L'ambivalence du principe
publique peut être définie comme étant la
procédure par laquelle une autorité publique contrainte une
personne privée à céder, à une personne publique,
la propriété d'un immeuble en raison de l'utilité publique
de l'opération147.
L'expropriation pour cause d'utilité publique constitue
une atteinte au droit de la propriété en tant que tel. Les
prérogatives des propriétaires sont sans cesse rognées
à la fois en ce qui concerne, l'usus, fructus, et
l'abusus. Il y a dépossession totale ou atteinte
généralisée à tous les éléments du
droit de propriété. Le droit de propriété est alors
vidé de son contenu.
Or, l'article 9 de la loi du 14 avril 2003148 a
donné de garanties aux expropriés en offrant la
possibilité de demander la rétrocession chaque fois que
« dans un délai de cinq ans à partir de la date du
décret d'expropriation, les immeubles expropriés n'ont pas
été utilisés pour la réalisation des travaux
d'utilité publique mentionnés dans le décret
d'expropriation ».
Cet article permet d'effectuer un contrôle plus
étendu sur le bien fondé de la mesure
d'expropriation149. Une analyse de la jurisprudence du TA ne peut
que confirmer ce choix. Ainsi, dans un arrêt datant du 1983, le juge
administratif a ordonné la rétrocession de l'immeuble
exproprié, puisqu'il a constaté que l'immeuble exproprié
n'a pas été utilisé dans le sens indiqué dans le
décret d'expropriation150.
147 S. GILBERT, « L'expropriation pour
cause d'utilité publique », AJDA, février 2010, p. 113 ;
C. LAVIALLE, « Expropriation et dépossession
», RFDA, n° 6, novembre-décembre 2001, p. 1998.
148 Loi n°2003-26, modifiant et complétant la loi
n°76-85 du 11 août 1976 portant refonte de la législation
relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique, JORT,
18 avril 2003, p. 1033.
149 F. BEN HAMMED, « L'expropriation
pour cause d'utilité publique à travers la jurisprudence du
tribunal administratif » in L'oeuvre jurisprudentielle du TA tunisien,
ouvrage collectif réalisé sous la direction de M. Sadok
BELAÏD, CERP, Tunis, 1990, p. 471.
150 TA., arrêt n° 258 du 14 juillet 1983, Ali Slema c/
la commune de Monastir, Rec., p. 291.
33
Première partie : L'ambivalence du principe
Toutefois, la rétrocession demeure difficile à
obtenir si l'administration a édifié un ouvrage public sur le
bien exproprié151. Le rejet de la demande de
rétrocession est motivé par le principe de l'intangibilité
des ouvrages publics152. En effet, en présence d'un tel
principe, « le droit à la rétrocession n'existera plus,
ne pourra plus exister »153.
Il semble que le juge administratif réduit la solution
du litige à la seule indemnité d'éviction en s'abritant
derrière le principe de l'intangibilité des ouvrages publics.
C'est ainsi que le juge administratif a affirmé qu'« attendu
que (...) l'immeuble litigieux a été intégré dans
des ouvrages publics, ce qui empêche sa rétrocession à ses
propriétaires et transforme leurs droits réels en un droit
à une indemnité »154.
"
1939
9
.
151 N. MEKACHER, « Le Tribunal
administratif et le droit de propriété », Etudes juridiques,
19931994, p. 104.
152 TA., App, Aff. n° 21908 du 10 mars 2003, le Chef du
Contentieux de l'Etat pour le compte du Ministère de l'Intérieur
c/ la Commission Régionale de Solidarité du Gouvernorat de Tunis,
Rec. 2003, p. 313.
1888 27
TA., arrêt n° 18261 du 1er mars 2002,
société Asfic Herneksen et Larson c/ le chef du contentieux de
l'Etat agissant pour le compte de ministère d'équipement et
d'habitat, inédit.
"
.
153 L. DI QUAL, « Une manifestation de
la désagrégation du droit de propriété: La
règle «ouvrage public mal planté ne se détruit
pas» », JCP, 1964, I, fasc. n° 1852, p. 4.
154 TA., appel, aff. n° 81 du 27 avril 1978, Chef du
Contentieux de l'Etat pour le compte du Ministre de l'Economie c/ Hadj Sadok
Ben Mokhtar et autres, Rec. 1978, p. 77.
34
Première partie : L'ambivalence du principe
De même, si l'ouvrage public est
irrégulièrement édifié, la rétrocession de
l'immeuble serait impossible. Dans une affaire récente155, le
juge administratif a considéré que « la prise de
possession, par l'administration, du bien d'autrui, même si elle est
irrégulière, rend impossible sa restitution du moment qu'un
ouvrage public y a été édifié
»156.
2. L'occupation temporaire
La limitation opérée dans le temps en
matière d'occupation temporaire est importante. Elle fait partie de
l'essence même de l'occupation temporaire157.
Néanmoins, contrairement au droit français158, le
décret relatif à l'occupation temporaire n'a limité
l'administration par aucun délai159. La question qui se pose
à cet égard est de savoir si le bénéficiaire de
l'occupation temporaire peut-il construire des ouvrages publics permanents sur
la propriété occupée ?
155 TA., appel, aff. n° 21908 du 10 mars 2003, Le Chef du
Contentieux de l'Etat pour le compte du Ministère de l'Intérieur
c/ La Commission Régionale de Solidarité du Gouvernorat de Tunis,
Rec. 2003, p. 313.
156
1888 27
157 Le droit d'occupation temporaire est « une
prérogative dont dispose l'exécutant du travail public et qui lui
permet d'occuper temporairement un terrain appartenant à un particulier,
soit pour y déposer des outillages, soit pour en extraire des
matériaux nécessaires à son travail, soit pour
procéder à des études préliminaires».
A. DE LAUBADERE, J-C. VENEZIA et Y. GAUDEMET, Traité de
droit administratif, T.2, Paris, 10éme éd., 1992, p.
509.
158 D'après la loi du 29 décembre 1892 relative
à l'occupation temporaire, cette durée ne peut pas excéder
5 ans renouvelables une seule fois.
159 L'article 8 du décret du 20 août 1888 dispose
qu'« après l'achèvement des travaux, et s ils doivent
durer plusieurs années (...) ». JORT du 23 août 1888, p.
2.
Première partie : L'ambivalence du principe
Une réponse négative s'impose, car l'occupation
serait de ce fait permanente et non plus provisoire160. Seule
l'expropriation peut légalement permettre de le faire. Cependant, au
niveau jurisprudentiel, un examen de quelques arrêts rendus par le TA
tunisien démontre que le bénéficiaire de l'occupation
temporaire peut procéder à la construction d'un ouvrage public
sur le terrain occupé provisoirement161.
En revanche, soucieux de soumettre l'administration au droit
et protéger le justiciable contre les abus éventuels, le juge de
l'excès de pouvoir, dans une autre espèce162, a
annulé l'acte autorisant l'occupation temporaire par l'administration du
terrain du requérant. Le TA a considéré que même si
les travaux de creusement d'un puits présentent des travaux occasionnels
qui nécessitent une occupation temporaire du terrain litigieux, le but
de ces travaux étant l'édification d'un ouvrage public peut se
transformer en occupation définitive. Dans ce cas, l'administration
aurait dû suivre les procédures de l'expropriation pour cause
d'utilité publique163.
160 M. LAKHDHAR, « La protection de la
propriété privée immobilière par le Tribunal
Administratif », RTD, 1983, p. 273.
161 TA., arrêt n° 840 du 8 juin 1992, chef du
contentieux de l'Etat agissant pour le compte de ministère de
l'équipement et d'habitat c/ Abdelaziz Ben Amar Jouida,
inédit.
1888 27
1982 17
1888 20
163
1976 11
58
35
162 TA., arrêt, n° 15164 du 24 novembre 1999, Massoud
Ben Ahmed Boubakri c/ ministère de l'agriculture, inédit.
36
Première partie : L'ambivalence du principe
Malgré le fait que l'administration dispose du
procédé légal cela ne l'a pas empêché de
procéder à des dépossessions dans des conditions
d'illégalité164.
B. L'illégalité de l'action de
l'administration
« Puissance inquiétante
»165, l'administration peut porter atteinte à la
propriété privée, sans motif légitime et en dehors
d'un cadre légal, commettant ainsi soit une emprise
irrégulière, soit une voie de fait.
Il y a voie de fait lorsque « dans l'accomplissement
d'une activité matérielle d'exécution, l'administration
commet une irrégularité grossière, portant atteinte au
droit de propriété ou à une liberté publique
fondamentale »166. La voie de fait exige de la part de
l'administration, un agissement irrégulier portant une atteinte grave au
droit de propriété. En Tunisie, à la différence de
l'emprise irrégulière, la notion de voie de fait n'a pas
été reconnue par la loi de 1996167.
L'emprise irrégulière peut être
définie comme la prise de possession irrégulière par
l'administration d'une propriété
164 M. LAKHDHAR, « La protection de la
propriété privée immobilière par le Tribunal
Administratif », RTD, 1983, p. 274.
165 M. BURDEAU, Libertés publiques,
LGDJ, 2éme éd., 1961, p. 56, cité par
J. CHARRET et S. DELIANCOURT, Note sous OE., 29 janvier 2003,
Syndicat interdépartemental de l'électricité et du gaz des
Alpes-Maritimes et commune de Clans c/ Mme Gasiglia, « Une
victoire à la pyrrhus du droit de propriété sur le
principe d'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, n° 113, 6
juin 2003, p. 20.
166 A. DE LAUBADERE, J-C. VENEZIA et Y. GAUDEMET,
Droit Administratif, T.1, LGDJ, Paris, 11ème
éd., 1990, p. 420. V. aussi : G. DUPUIT, M-J. GUEDON et P.
CHRETIEN, Droit administratif, Armand Colin, 8éme
éd., 2002, p. 624 ; J. LEAMASURIER, Le droit de
l'expropriation, Economica, Paris, p. 487.
167 L'article premier de cette loi dispose que « Le
tribunal administratif est compétent pour statuer sur les actions en
responsabilité, portées contre l'administration, telles que
prévues par la loi n° 70-40 du 1er juin 1972, y compris les actions
relatives à l'emprise irrégulière et la
responsabilité de l'Etat, se substituant dans le cadre de la
législation en vigueur, à la responsabilité des membres de
l'enseignement public ». La loi organique n° 96-38 du 3 juin
1996, relative à la répartition des compétences entre les
tribunaux judiciaires et le tribunal administratif et à la
création d'un conseil des conflits de compétence.
37
Première partie : L'ambivalence du principe
immobilière168. « Il y a emprise
irrégulière lorsque l'administration prend possession de
manière irrégulière d'un bien immobilier
»169.
Se distinguant ainsi de la voie de fait, l'emprise
irrégulière à un champ d'application plus étroit
que la voie de fait. Alors que celle-ci concerne, à la fois, la
propriété immobilière et mobilière et les
libertés publiques170, l'emprise irrégulière ne
concerne que la propriété immobilière et ne s'applique, en
aucun cas, aux meubles171.
Même en cas de voie de fait commise par
l'administration, le principe d'intangibilité était voué
à s'appliquer. « Cette attitude jurisprudentielle est
extrêmement dangereuse pour le droit de propriété. Elle
peut inciter l'administration à économiser, à
éviter des procédures régulières d'expropriation
pour cause d'utilité publique »172.
§ 2 : La réparation
Tout en reconnaissant que l'emprise irrégulière
ne constituant pas une expropriation ou une occupation temporaire, le juge
administratif applique les mêmes principes et règles relatifs
à l'expropriation sur l'emprise ou voie de fait173.
Néanmoins, le contentieux indemnitaire se rapportant à l'emprise
irrégulière, sous-tend l'idée principale de soumettre
l'administration à un régime de réparation
sévère quant à la détermination du temps
(A) et qu'à l'étendue de la réparation
(B).
168 G. QUIOT, « Emprise », JCA,
Fasc. 1050, 5 juillet 2009, p. 2 ; P. TIFINE, «
Expropriation », JCA, Fasc. 10, 24 octobre 2010, p. 6.
169 J-M. AUBY, P. BON et J- B. AUBY, Droit
administratif des biens : domaine public et privé, travaux et ouvrages
publics, expropriation, Dalloz, Paris, 4éme éd., 2003,
p. 343.
170 J-M. DE FORGES, Droit administratif, PUF,
Paris, 6ème éd, 1991, p. 346.
171 J. RIVERO et J. WALINE, Droit Administratif,
Dalloz, 19ème éd, 2002, p. 176.
172 L. DI QUAL, « Une manifestation de
la désagrégation du droit de propriété », JCP,
1964, I, fasc. n° 1852, p.4.
173 W. FERCHICHI, « La
responsabilité administrative en matière de construction :
L'embarras des régimes juridiques », RTAP, n° 35, 2003,
1er semestre, p. 69.
38
Première partie : L'ambivalence du principe
A. La détermination du temps
S'agissant du délai du recours, si le décret
d'expropriation a pour effet de transférer la propriété
à l'autorité expropriante174, l'emprise
irrégulière n'opère pas le transfert de
propriété. Le TA a estimé que les délais de recours
en réparation en matière d'emprise irrégulière sont
imprescriptibles. Dans l'affaire Heleoui de 1976, le TA a déclaré
qu'« attendu que la main mise de l'administration sur cet immeuble,
d'une façon illégale, ne produit pas un transfert de la
propriété ». Qu'en conséquence, «
l'administration ne peut se prévaloir de la prescription
»175.
Quant à la date de l'évaluation, le
transfert de la propriété n'aura lieu que par voie de
juridiction. Cette règle à des effets sur la date de
l'évaluation puisqu'il a reporté à la date de
l'introduction de l'action en justice. La date d'évaluation de
l'immeuble est celle de l'introduction du recours en réparation et non
pas celle du jour où l'administration a mis sa main sur l'immeuble. La
technique d'évaluation, vise à garantir une réparation
satisfaisante au propriétaire et par là même à
sanctionner l'administration176. Le juge administratif dans
l'affaire Sotilait a affirmé que « l'un des principes de cette
responsabilité est que l'évaluation de l'indemnité doit
avoir lieu à la date de l'introduction de l'action en justice
»177. La même solution s'applique au cas où
l'administration suit
174 F. BEN HAMMED, « L'expropriation
pour cause d'utilité publique à travers la jurisprudence du
Tribunal Administratif », in L'oeuvre jurisprudentielle du TA tunisien,
ouvrage collectif réalisé sous la direction de M. Sadok
BELAÏD, CERP, Tunis, 1990, p. 477 ; N. MEKACHER, «
Le Tribunal Administratif et le droit de propriété », Etudes
juridiques, 1993-1994, p. 98.
175 TA., assemblée plénière,
décision n° 53, rendu le 18 mars 1976, Mohamed Heleoui c/ chef du
contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère des affaires
culturelles, Note J-C HÈLIN, RTD, 1976, II, p. 202.
176 N. MEKACHER, « Le Tribunal
Administratif et le droit de propriété », Etudes juridiques,
19931994, p. 99.
177 TA., aff. n° 767 du 24 novembre 1988, chef du
contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de
défense c/ la société de transformation du lait Sotilait,
inédit. Voir aussi : TA., arrêt
39
Première partie : L'ambivalence du principe
des moyens légaux ou illégaux puisqu'en cas
d'expropriation ou en cas d'emprise, la date de l'évaluation de
l'indemnité est celle de la date du transfert de la
propriété.
B. La détermination de l'étendue de la
réparation
En matière d'expropriation, l'indemnité doit
être juste et préalable178, et ne doit jamais
être fixée à une somme supérieure à la
demande de l'exproprié, ni inférieure à l'offre de
l'expropriant179. En matière d'emprise
irrégulière, l'indemnité doit être complète.
La réparation doit, alors, recouvrir la totalité des
préjudices subis par le propriétaire. Cette règle a
été suivie par le TA qui a instauré une jurisprudence
constante selon laquelle l'indemnisation doit être équitable et
intégrale en matière d'emprise irrégulière suivie
d'une création d'ouvrage public180.
Pour qu'elle soit complète, la réparation doit,
selon le TA, englober différents éléments. Le TA
reconnaît pour le propriétaire une indemnité de
dépossession ou d'éviction qui présente la contrepartie du
transfert de la propriété181, et une indemnité
de privation de jouissance qui présente la contrepartie de la privation
de jouissance du propriétaire de son immeuble durant la période
de prise de possession par
n° 1425 du 17 juin 1996, chef du contentieux de l'Etat
agissant pour le compte du ministère de l'équipement et de
l'habitat c/ Abdelkarim Ben Abdallah, Rec., p. 218.
"
.
178 Article 2 de la loi n°2003-26, modifiant et
complétant la loi n°76-85 du 11 août 1976 portant refonte de
la législation relative à l'expropriation pour cause
d'utilité publique, JORT, 18 avril 2003, p. 1031.
179 Article 6 de la loi n°2003-26, modifiant et
complétant la loi n°76-85 du 11 août 1976 portant refonte de
la législation relative à l'expropriation pour cause
d'utilité publique, JORT, 18 avril 2003, p. 1031.
180 TA., arrêt n° 481 du 25 avril 1985, commune Mahdia
c/ Hssan Chloeifa, inédit.
181 TA., arrêt n° 919834 du 11 novembre 2003,
héritiérs Essorci c/ Conseil régional du Bizerte,
inédit ; TA., arrêt n° 1/10736 du 3 septembre 2004, Mohammed
Ben SaÏd Ksiksi c/ chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte
de ministère d'éducation et de formation, inédit.
40
Première partie : L'ambivalence du principe
l'administration de cet immeuble jusqu'à la date du
transfert de la propriété182.
En outre, le TA a accepté dans certains cas d'accorder au
propriétaire une indemnisation complémentaire qui a pris
différentes formes. Il a reconnu à un propriétaire d'un
terrain sur lequel
l'administration a édifié un ouvrage public une
indemnisation au titre du préjudice moral suite à une emprise
irrégulière183. Le TA a accepté
l'idée
de soumettre l'administration à une indemnisation pour dol
à condition pour l'administré de le prouver184.
Section 2 : L'atteinte à la
légalité
« Une meilleure application du principe de
légalité revient à dire que le juge applique de
façon plus stricte la règle de droit, que dans le
procès qui lui est soumis, il tend à astreindre
davantage l'administration au respect de cette règle
»185. Le principe de la légalité,
caractéristique
majeur de l'Etat de droit, implique que l'administration doit,
non seulement se conformer à l'objectif de l'intérêt
général, mais aussi et surtout respecter les règles de
droit et les décisions de la justice.
L'intervention du juge dans ce cadre, vise à imposer
à
l'administration le respect des règles qui
régissent l'exercice de ses pouvoirs et à contenir les
privilèges dans les limites que leur assigne la règle de droit.
Le recours au juge constitue pour l'administré un moyen
182 TA., arrêt n° 1404 du 15 juillet 1995, chef du
contentieux de l'Etat agissant pour le compte de ministère de
l'intérieur c/ Raouf Khsir, Rec., p. 335.
183 TA., arrêt n° 19834 du 11 novembre 2003,
héritiers Essorci c/ Conseil régional du Bizerte,
inédit.
184 TA., arrêt n° 19834 du 11 novembre 2003,
héritiers Essorci c/ Conseil régional du Bizerte,
inédit.
185 G. PEISER, « Le développement
de l'application du principe de légalité dans la jurisprudence du
Conseil d'Etat », in Droit administratif, Mél. René CHAPUS,
Montchrestien, Paris, 1992, p. 517.
41
Première partie : L'ambivalence du principe
de sauvegarder ses droits ou ses intérêts dans la
mesure prévue par la règle de droit186.
Néanmoins, Soutenir que « l'ouvrage public mal
planté ne se détruit pas » parce que, quoi que violant
les droits d'un ou des administrés, il sert les intérêts de
nombreux usagers187, conduit à vider le droit à la
légalité de son contenu protecteur. Un tel droit perd tout effet
avec l'existence de principe de l'intangibilité de l'ouvrage public par
l'effet de l'abstention du juge d'annuler les actes administratifs
illégaux (§ 1). De même, il convient de
reconnaître que l'administration reste libre d'exécuter les
décisions juridictionnelles (§ 2).
§ 1 : L'illégalité sans l'annulation
Par l'action administrative, il arrive que les
administrés se trouvent lésés par l'administration
dépositaire de l'intérêt général. La
protection des droits des administrés et le respect de l'ordre
juridique, constituons les principaux éléments de la
théorie de l'Etat de droit, ne peuvent être assurés sans
l'existence d'un contrôle juridictionnel énergique et efficace au
cours d'un procès équitable188. Une condition
même de la reconnaissance de prérogatives de puissance publique,
le contrôle efficace de l'administration est une garantie
donnée aux administrés et une limitation de l'administration.
186 M. LAKHDHAR, « Le droit à la
légalité administrative », Etudes juridique, 1993-1994, p.
10.
187 M. LAKHDHAR, « La protection de la
propriété privée immobilière par le Tribunal
Administratif », RTD, 1983, p. 286.
188 « Le procès équitable suppose que
le requérant doit avoir la possibilité d'exprimer sa cause
vis-à-vis du juge administratif dans des conditions qui ne le
désavantage pas par rapport à l'administration toute puissante.
Le requérant doit avoir la possibilité d'être entendue en
bénéficiant de toutes les règles garantissant le respect
de ses droits conformément à l'article 6 § 1 de la CESDH
». V. HAÎM, « Le contribuable peut-il
prétendre à un procès équitable devant le juge
administratif », RDF, n° 25, 1999, p. 862. Voir aussi ; M.
FABRE, « Le droit à un procès équitable
», JOP, n° 31-35, 1998, p. 1425.
42
Première partie : L'ambivalence du principe
Mais il ne suffit pas de poser le principe de la soumission de
l'administration au droit. Encore faut-il avoir la certitude qu'il sera
respecté et que l'administration sera sanctionnée lorsqu'elle
aura manqué au droit. Pour cette raison, le problème de
contrôle de l'Administration est une question essentielle dans la logique
du droit administratif.
Or, accueillir un argument de la poursuite de
l'intérêt général conduirait non seulement à
exonérer l'administration du respect de la légalité
(A) mais également d'offrir la possibilité de
régulariser les violations de la règle de droit
(B).
A. La violation « autorisée » de la
règle de droit
Le juge administratif est « le gardien de la
légalité administrative »189. De ce fait, la
caractéristique du régime administratif est la soumission de
l'action administrative à un droit fait pour elle, distinct du droit
applicable aux particuliers190.
La spécificité du rôle protecteur du juge
administratif réside dans son domaine de compétence qui est celui
du contrôle de l'action administrative. Ce contrôle se fait
conformément au principe de légalité qui exige que
l'administration conduise son action suivant la dialectique suivante : comment
satisfaire les besoins d'intérêt général tout en
sauvegardant les droits des administrés191?
Or, le juge administratif semble être loin de procurer
une protection suffisante aux administrés. En effet, le principe de
l'intangibilité des ouvrages publics « donne des pouvoirs
exorbitants à
189 J. RIVERO, « Le juge administratif
gardien de la légalité administrative ou gardien administratif de
la légalité », in Le juge et le droit public, Mél.
offerts a Marcel WALINE, T.2, Paris, juillet 1974, p. 701.
190 J. RIVERO, « Le juge administratif
gardien de la légalité administrative ou gardien administratif de
la légalité », Mél. offerts a Marcel WALINE, T.2,
Paris, juillet 1974, p. 701.
191 J. RIVERO, « Le juge administratif
gardien de la légalité administrative ou gardien administratif de
la légalité », Mél. offerts a Marcel WALINE, T.2,
Paris, juillet 1974, p. 702.
43
Première partie : L'ambivalence du principe
l'administration qui peut être incitée
à faire l'économie d'une expropriation régulière
»192. L'application de la règle de
l'intangibilité de l'ouvrage public permet, en effet, à
l'administration d'arriver au même résultat qu'au terme d'une
expropriation pour cause d'utilité publique sans avoir à mettre
en oeuvre cette procédure contraignante193.
Cette violation grave par l'administration de la
procédure légale est autorisée par le juge administratif
qui n'hésite pas à déclarer, à travers une
jurisprudence constante, que la création d'un ouvrage public même
illégalement implanté fait face à toutes mesures qui
peuvent porter atteinte à l'intégrité de cet
ouvrage194. Or, une telle politique jurisprudentielle «
risque d'encourager l'administration à s'engager dans une politique
machiavélique basée sur le principe de la justification des
moyens par la fin poursuivie »195. Car l'effet d'une telle
idée est de légitimer l'illégalité pour le motif
que les intérêts servis sont plus nombreux que
l'intérêt sacrifié196.
Dans ces conditions, le principe de l'intangibilité de
l'ouvrage public acquiert en Tunisie une fonction redoutable de protection des
prérogatives de l'administration et de légitimation de ses
agissements, quel que soit le degré de leurs
inégalités197. « De toute manière, et
du
192 M-P. MAITRE, « Le principe de
l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, 22 novembre 1999,
n° 232, p. 8.
193 M-P. MAITRE, « Le principe de
l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, 22 novembre 1999,
n° 232, p. 8.
194 TA., aff. n° 1/16656, rendu le 25 avril 2009, El Fkiri
c/ SONEDE, Rec, p. 305.
195 M. LAKHDHAR, « La protection de
|
la propriété privée
|
immobilière par
|
le
|
Tribunal
|
Administratif », RTD, 1983, p. 283.
|
|
|
|
|
196 M. LAKHDHAR, « La protection de
|
la propriété privée
|
immobilière par
|
le
|
Tribunal
|
Administratif », RTD, 1983, p. 286.
|
|
|
|
|
197 M. LAKHDHAR, « La protection de
|
la propriété privée
|
immobilière par
|
le
|
Tribunal
|
Administratif », RTD, 1983, p. 287.
44
Première partie : L'ambivalence du principe
moins en ce qui concerne les dépossessions
irrégulières, leur intégration aux matières
administrative est susceptibles de procurer à l'administration une
protection renforcée »198.
B. La possibilité de régulariser la
violation de la règle de droit
Bien connue des pouvoirs publics, la théorie de
l'expropriation indirecte199 permet à ceux-ci d'occuper un
terrain privé et d'y engager des travaux. Dans l'impossibilité de
faire prévaloir son droit, le propriétaire n'a plus qu'à
s'incliner, l'administration pouvant ainsi acquérir ledit terrain sans
qu'aucune décision prononçant le transfert de
propriété ne soit intervenue200. La théorie de
l'expropriation indirecte porte atteinte à la prééminence
du droit.
L'illégalité d'une situation ou d'un acte peut
être corrigée à travers la théorie de
régularisation201. « Marquée du sceau de
réalisme »202, cette théorie
présente sans nul doute l'intérêt de permettre au juge de
couvrir
198 M. LAKHDHAR, « La protection de la
propriété privée immobilière par le Tribunal
Administratif », RTD, 1983, p. 286.
199 On admettant la théorie de l'expropriation
indirecte, « le juge concevait qu'une procédure
particulièrement souple, ignorant les garanties offertes par la
procédure régulière de l'expropriation, puisse
après coup régulariser n'importe quelle possession
irrégulière pouvant même constituer une voie de fait. Le
droit semblant davantage servir le fait accompli que les intérêts
du propriétaire ». C. BOITEAU, Note sous cour
de cassation, assemblée plénière, 6 janvier 1994, Consorts
Baudon de Money c/ Electricité de France, « Les avatars de
l'expropriation dite « indirecte », RFDA, n° 10,
novembre-décembre 1994, p. 1123.
200 R. HOSTIOU, « La Cour
Européenne des Droits de l'Homme condamne la théorie de
l'expropriation indirecte », AJDA, 6 février 2006, p. 225.
201 La régularisation peut se définir en la
correction postérieure d'une illégalité
préexistante. J. CHARRET et S. DELIANCOURT, Note sous
OE., 29 janvier 2003, Syndicat interdépartemental de
l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et commune de Clans
c/ Mme Gasiglia, « Une victoire à la pyrrhus du droit de
propriété sur le principe d'intangibilité de l'ouvrage
public », LPA, n° 113, 6 juin 2003, p. 23 ; P.
SABLIÈRE, Note sous TC, 6 mai 2002, M. et Mme Binet c/
Electricité de France, AJDA n° 19, 18 novembre 2002, p. 1231.
202 L. DI QUAL, « Une manifestation de
la désagrégation du droit de propriété : La
règle ouvrage public mal planté ne se détruit pas »,
JCP, 1964, I, fasc. n° 1852, p. 16.
45
Première partie : L'ambivalence du principe
des irrégularités et de régulariser des
situations souvent complexes203. Elle lui évite d'ordonner
des démolitions qui peuvent apparaître comme inutilement
coûteuses et socialement injustifiables204.
Une telle théorie permet, lorsqu'elle est
possible205, de conformer l'action de l'administration au principe
de légalité. Elle permet d'éviter la qualification de voie
de fait. L'administration, dans un souci de simplification et de
rapidité, peut alors s'affranchir de longues et complexes
procédures d'expropriation, pourtant élaborées dans un
souci de protection des administrés, notamment pour garantir un de leurs
droits les plus fondamentaux, celui du respect de la légalité.
§ 2 : L'annulation sans l'exécution
« Le droit à un recours juridictionnel n'aurait
pas de sens si la
décision juridictionnelle à laquelle doit
donner lieu la saisine du juge n'était pas exécutée
»206. En effet, « l'effectivité
du droit à un recours
juridictionnel suppose un droit à l'exécution
des décisions de justice »207.
Néanmoins, l'exécution des décisions
émanant du juge ne bénéficie pas de techniques
particulières pouvant le garantir, et par la-
203 En vertu de la théorie de l'expropriation
indirecte, « le juge va écarter les irrégularités
commises par l'administration. On va passer l'éponge sur les
irrégularités commises ». L. DI QUAL,
« Une manifestation de la désagrégation du droit de
propriété : La règle ouvrage public mal planté ne
se détruit pas », JCP, 1964, I, fasc. n° 1852, p. 16.
204 R. HOSTIOU, « La Cour
Européenne des Droits de l'Homme condamne la théorie de
l'expropriation indirecte », AJDA, 6 février 2006, p. 225.
205 La régularisation est généralement
admise car d'une part, elle met un terme à l'illégalité,
et d'autre part, elle permet de prévenir le trouble que provoque toute
annulation. L'administration, ainsi que le juge administratif peuvent ainsi
opérer une régularisation d'un acte administratif en
procédant soit à une substitution de motifs (CE., sect., 16
novembre 1962, Société industrielle de tôlerie, Rec., p.
608.), soit à une substitution de base légale (CE., sect., 27
janvier 1961, Daunizeau, Rec., p. 57.), soit à une neutralisation des
motifs illégaux (CE., ass., 13 janvier 1963, Dme Perrot,
Rec., p. 39.).
206 E. CARPANO, Etat de droit et droits
européens, L'Harmattan, 2005, p. 400.
207 E. CARPANO, Etat de droit et droits
européens, L'Harmattan, 2005, p. 400.
46
Première partie : L'ambivalence du principe
même, préserver les droits des justiciables et le
prestige du juge208.
Certes, « l'exécution d'une décision
juridictionnelle par l'administration dépend dans une grande mesure de
sa propre volonté et de sa bonne fois »209. Le plus
épineux problème pour le contentieux administratif est
celui des moyens de contraindre l'administration à se
conformer aux décisions de la justice210. C'est d'ailleurs
à juste titre que M. RIVERO
disait qu'« Il n'y a pas de contrainte contre qui en
détient le monopole légal »211.
Détenant la force publique212, le pouvoir
exécutif pourrait négliger les ordres du juge administratif et
judiciaire. Ainsi, dans un arrêt datant du 1990213, le juge
cantonal a ordonné la cessation de troubles ce qui implique la
démolition de l'ouvrage public. Néanmoins, cette
décision
208 La loi 1996 reste silencieuse sur la question de
l'exécution des décisions de justice. Silence aussi sur la
sanction de l'inexécution, alors même que l'article 10 de la loi
de 1972 qui dispose que, « l'inexécution volontaire des
décisions du Tribunal administratif constitue une faute lourde qui
engage la responsabilité de l'autorité administratif en cause
», a échoué à remplir son office. «
Cette disposition n'a joué aucun rôle effectif dans le sens du
renforcement de l'obligation d'exécution. Elle ne semble avoir jamais
été mise en oeuvre, restent ainsi lettre morte, sans
évidemment tomber en désuétude. Mal conçu et mal
rédigée, son application aurait été et reste
délicate ». H. MOUSSA, «
L'exécution de la chose jugée et la réforme de la justice
administrative en Tunisie », in La réforme de la justice
administrative, colloque organisé du 27 au 29 novembre 1996, FSJPS,
Centre de Publication Universitaire, 1997, p. 76. De même, les
décisions émanant du juge administratif ne
bénéficient pas de techniques particulières pouvant le
garantir étant donné que l'astreinte n'existe pas en Tunisie.
L'astreinte est « une somme d'argent d'un montant
déterminé par jour ou par mois de retard, à laquelle est
condamnée une personne publique qui néglige ou refuse
d'exécuter une décision rendue par une juridiction administrative
quelle qu'elle soit. Elle vient donc sanctionner la violation par
l'administration de la chose jugée ». Ch. GUETTIER,
« Exécution des jugements », JCA, fasc. n° 112,
1995, p. 22.
209 L. LARGUET, « L'exécution des
décisions du juge administratif », in La justice administrative,
colloque organisé le 6-7 décembre 1996, Collection des colloques
des juristes n° 6, faculté du droit et sciences politiques de
Tunis, Tunis, 1996, p. 155.
210 M. WALINE, Le contrôle juridictionnel
de l'administration, Le Caire, 1949, pp. 199-200.
211 J. RIVERO, « Le système
français de protection des citoyens contre l'arbitraire administratif
à l'épreuve des faits », in Mél. Jean DABIN, Sirey,
1963, T.2, p.820.
212 J. CHEVALIERS, « L'interdiction pour
le juge administratif de faire acte d'administrateur », AJDA, 1972, T.28,
p. 77.
213 TC., arrêt n° 44639, rendu le 21
décembre 1977, cité dans l'arrêt du TA., n° 546, appel
du 26 novembre 1990, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du
ministère de l'éducation nationale c/ Tahar Ben Ali
Chérif, inédit.
47
Première partie : L'ambivalence du principe
n'a pas été exécutée par
l'administration214. Les décisions du juge peuvent rester
inexécutées sans engager pour autant la responsabilité de
l'administration215. Alors, « à quoi sert un juge
qui, après avoir mis au point de magnifiques théories pour
réduire l'arbitraire administratif, est incapable de les faire passer
dans les faits ?»216.
Un justiciable à statut particulier217,
l'administration peut toujours désobéir impunément au
juge218. Ce qui risquerait de mettre en cause non seulement la
crédibilité du juge, son prestige et sa
dignité,219 mais encore son existence220.
Dès lors, la doctrine n'a pas manqué de signaler que, sans le
pouvoir de commandement, le juge administratif serait un juge «
défectif »221, voire même «
mutilé »222. L'octroi du pouvoir d'injonction
alors n'est pas souhaitable, étant donné que ce pouvoir
1967
44639
1977
1979
21
20
1967
214
215 Le non exécution d'un arrêt « ne
constitue pas, contrairement à ce qu'un esprit borné pourrait
croire, une raillerie à l'endroit des juges ; c'est l'Etat qui se
corrompt, puis se perd ». Y. BEN ACHOUR, « Les
conséquences de l'annulation juridictionnelle d'une décision
administrative », in L'oeuvre jurisprudentielle du TA tunisien, ouvrage
collectif réalisé sous la direction de M. Sadok BELAÏD,
CERP, Tunis, 1990, p. 507.
216 J. CHEVALLIER, « L'interdiction pour
le juge administratif de faire acte d'administrateur », AJDA, 1972, T.28,
p. 87.
217 B. TEKARI, « L'exécution contre
l'administration », RTD, 1984, p. 360.
218 H. BEN SALAH, La justice administrative
au Maghreb, (étude comparé des systèmes de
contrôle juridictionnel de l'administration au Maroc, en Algérie
et en Tunisie), Thèse pour le Doctorat en Droit, FDSP de Tunis,
1979, p. 462 ; M. VIGROUX-ÈCHÈGUT, «
L'injonction de travaux prononcée contre l'administration », LPA,
n° 75, 14 avril 2000, p. 4.
219 J. RIVERO, « Le huron au palais
royal, ou réflexions naïves sur le recours pour excès de
pouvoir », Revue Dalloz, 1962, Chronique IV, p. 38.
220 B. TEKARI, « L'exécution contre
l'administration », RTD, 1984, p. 365.
221
39 1998
222 F. MODERNE, « Etrangère au
pouvoir du juge, l'injonction, pourquoi le serait-elle ? », RFDA 1990, p.
807.
48
Première partie : L'ambivalence du principe
serait inefficace et ne ferait que développer la crise
de confiance entre l'administration et son juge223. Le juge «
pourrait non seulement étendre ses propres pouvoirs, mais
écarter les protections dont toute décisions
bénéficie. Cela implique que le juge ne se limite pas à
l'annulation, mais qu'il s'adresse des ordres à l''administration pour
indiquer concrètement les mesures d'exécution à prendre
»224.
Il est vrai que le principe d'intangibilité a
été conçu pour servir les administrés en tant
qu'usagers des ouvrages publics. Néanmoins, les droits de certains
administrés se trouvent parfois gravement mis en cause. La gestion des
affaires publiques oblige à procéder par des arbitrages
difficiles et douloureux. L'intérêt général commande
souvent des sacrifices que les administrés se trouvent parfois
obligés de consentir. Mais l'intangibilité est loin d'être
absolue. L'évolution des droits a « désacralisé
» le principe.
223 J. CHEVALIERS, « L'interdiction pour
le juge administratif de faire acte d'administrateur », RTD, 1984, p.
88.
224 Y. BEN ACHOUR, « Les
conséquences de l'annulation juridictionnelle d'une décision
administrative », in L'oeuvre jurisprudentielle du TA tunisien, ouvrage
collectif réalisé sous la direction de M. Sadok BELAÏD,
CERP, Tunis, 1990, p. 514.
DEUXIEME PARTIE
L'adaptation du principe
49
Deuxième partie : L'adaptation du principe
« La règle de l'intangibilité de
l'ouvrage public n'est pas un dogme mais un principe auquel il peut être
raisonnable, dans certains cas, d'apporter des exceptions
»225. La rénovation du principe
s'exprimera à travers deux démarches. D'une part, des
applications jurisprudentielles qui dénoteront avec hardiesse de la
pratique contentieuse dominante au regard des possibilités
désormais offertes au justiciable226. D'autre part, un
environnement juridique qui s'est certainement alimenté de
l'évolution jurisprudentielle. Ce mouvement qualifier d'offensif serein
contre le principe d'intangibilité incarne certainement une quête
d'adaptation du principe227.
Néanmoins, préalablement à ces attaques,
l'instabilité que présentaient les fondements du principe
d'intangibilité annonçait de pareils effets à travers des
quelques exceptions catégorielles, pertinentes, prévues par la
loi ou énoncés par le juge. L'existence de ces limites permettait
de démontrer que le principe d'intangibilité n'offrait pas le
caractère aussi inébranlable qui lui était
communément prêté228. Aussi, il semble opportun
de s'arrêter sur ce principe en se penchant sur ses limites
(Chapitre I) et ses infléchissements (Chapitre
II).
225 C. MAUGUE, Concl. sur CE., section, 29
janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et
du gaz des Alpes- Maritimes et commune de clans, RFDA, mai- juin 2003.
226 Ch. BOUTAYEB, «
L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de
l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1471.
227 Ch. BOUTAYEB, «
L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de
l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1472.
228 Ch. BOUTAYEB, «
L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de
l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1472.
50
Deuxième partie : L'adaptation du principe
Chapitre I :
Les limites du principe
L'ouvrage bénéficie de la protection exorbitante
de l'intangibilité uniquement parce qu'il est le support
nécessaire d'une activité de service public. Mais « tant
que l'ouvrage est en cours d'établissement, il s'agit d'une
opération de travaux publics. Il ne devient un ouvrage public
qu'à partir du moment où il a fait l'objet d'une réception
définitive et que la personne publique dont il dépend a
donné l'autorisation de mise en fonctionnement ou d'ouverture à
la circulation »229. Ainsi, les ouvrages publics
constitués sur une propriété privée dans le cadre
d'une servitude administrative présentent une limite quant aux effets du
principe d'intangibilité des ouvrages publics.
Le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public
souffre de quelques limites apportées à l'applicabilité du
principe concernant les ouvrages publics non achevés (Section
1), et aux effets même du principe (Section
2).
Section 1 : Les ouvrages publics non achevés
L'intangibilité de l'ouvrage public se
caractérise par l'impossibilité pour le juge, une fois l'ouvrage
achevé, d'ordonner sa destruction, même cet ouvrage est
irrégulièrement construit230. Toutefois, face à
une construction irrégulière empiétant sur la
propriété privée, et, si
229 Ch. BLAEVOET, « De
l'intangibilité des ouvrages publics », Dalloz, 1965, p. 242.
230 L. LAUCCHINI, « Le fonctionnement de
l'ouvrage public », AJDA, 1964, p. 360.
51
Deuxième partie : L'adaptation du principe
les travaux sont en cours d'exécution231, le
juge s'autorise à les interrompre232 sur le fondement de leur
illégalité233.
A ce titre, afin d'éviter l'achèvement de
l'ouvrage public, le particulier dispose de deux moyens de défenses pour
lutter contre de pareil abus de l'administration234. Il s'agit de la
technique de sursis à exécution (§ 1) et de
recours en référés (§ 2).
§ 1 : Le sursis à exécution
La technique du sursis à exécution des
décisions administratives235 se présente comme une
exception importante au principe du caractère non
suspensif236 des recours administratifs237. Par le biais
de la procédure de sursis à exécution238,
« les justiciables diligents devraient pouvoir
231 S. BRONDEL, « Le principe
d'intangibilité de l'ouvrage public: réflexions sur une
évolution jurisprudentielle », AJDA, n° 15, 2003, p. 762.
232 A. MESTRE, « Note sous cour de
cassation, civ. 28 janvier 1924 », S. 1924, I, p. 289.
233 N. ACH, « L'intangibilité de
l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être
enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1633 et p. 1667.
234 L. LAUCCHINI, « Le fonctionnement de
l'ouvrage public », AJDA, 1964, p. 360 ; R. JENAYAH,
« Le sursis à l'exécution des décisions
administratives en Tunisie », RTD, n° 1, 1977, p. 61.
235 Le sursis à exécution est défini
comme étant « une décision par laquelle le juge,
à la demande du requérant, décide de suspendre
provisoirement l'exécution de l'acte administratif dont la
légalité est contestée devant lui ». Y.
GAUDEMET, « Les procédures d'urgences dans le contentieux
administratif », RFDA, 1988, p. 420.
236 L'article 39 nouveau paragraphe 1 de la loi n° 72-40
du 1er juin 1972: « Le recours pour excès de pouvoir
n'a pas d'effet suspensif ». Le principe de l'effet non suspensif des
recours signifie que « le recours, dirigé normalement contre
une décision, ne suspend pas l'exécution de cette
dernière. Bien que faisant l'objet d'un recours, et étant ainsi
menacé d'annulation, (...), la décision pourra être
exécuté, et ce, dans le cas même ou son
illégalité serait des plus probables, (...), tel est le principe,
destiné à assurer l'efficacité de l'action administrative
». R. CHAPUS, Droit du Contentieux Administratif,
CREA, Tunis, 1968, n° 457, p. 372. Le principe de l'effet non suspensif
des recours est qualifié comme étant « un principe
fondamental du droit public ». OE., ass, 2 juillet 1982, HUGLO et
autres, Rec. Leb, p. 237. Il serait mal venu que « l'exécution
d'un intérêt privé vienne paralyser l'exécution
d'une décision qui est censée servir l'intérêt
général ». M. TOURDIAS, Le sursis
à exécution des décisions administratives, LGDJ, 1957, p.
1.
237 R. JENAYAH, « Le sursis à
exécution des décisions administratives en Tunisie », RTD,
n° 1, 1977, p. 60.
238 En France, depuis la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000
relative au référé devant les juridictions
administratives, on ne parle plus de sursis à exécution, mais de
référé - suspension. M. WALINE, Note sous
OE., 1er octobre, Ministre des Finances c/ crédit
coopératif foncier, RDP, 1955, p. 378.
Deuxième partie : L'adaptation du principe
échapper de se voir opposer, à terme, le
principe de l'intangibilité de l'ouvrage public, en empêchant
simplement la personne publique de l'achever » 239.
Cependant, la mise en oeuvre de la technique de sursis
à exécution n'a pas toujours été à la mesure
des souhaits des administrés. En effet, l'octroi du sursis à
exécution n'est recevable que si elle satisfait à certaines
conditions240. Reste que l'efficacité de cette
procédure dépend de l'interprétation donnée par le
juge de ces conditions.
239 N. ACM, « L'intangibilité de
l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être
enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1669.
240 Tout en soulignant le caractère exceptionnel de
cette institution, l'article 44 ancien de la loi du 1er juin 1972 subordonnait
l'octroi du sursis à la condition que « l'exécution de
la décision attaquée est de nature à entraîner pour
le requérant des conséquences irréparables ».
Or, la nature et l'ampleur du préjudice que l'on pourrait invoquer
à l'appui d'une demande de sursis, échappent à toute
définition légale.
100 2010
En réalité, le législateur reste
volontairement dans le vague pour permettre au juge d'apprécier «
dans un souci d'opportunité, de rétrécir, comme une
peau de chagrin, le domaine d'application du sursis ». R.
JENAYAM, « Le sursis à l'exécution des
décisions administratives en Tunisie », RTD, n° 1, 1977,
p. 76. En conséquence, cette incertitude permet au juge de
conserver toute sa liberté de décision et de pouvoir, compte tenu
des circonstances de chaque espèce, rejeter ou accepter une demande de
sursis.
Avec l'introduction de l'article 39 (nouveau) de la loi du
1er juin 1972 tel que modifié par la loi organique n°
96-39 du 3 juin 1996, le législateur tunisien a introduit une
réforme de la procédure de sursis à exécution.
D'une part, la seule condition légale exigée à l'octroi du
sursis qui était celle « des conséquences
irréparables » a été remplacée par
l'expression « des conséquences difficilement
réversibles». D'autre part, le législateur a
ajouté la seconde condition légale, à savoir «
les motifs apparemment sérieux ». Alors, pour que le
sursis soit prononcé il ne suffit pas de faire état de
conséquences irréparables, mais aussi, soulever à l'appui
de la requête de sursis des moyens sérieux qui
apparaîtraient de nature à justifier l'annulation de la
décision attaquée.
De même, l'examen de la jurisprudence en la
matière témoigne que l'introduction d'une demande en sursis
à exécution d'une décision administrative suppose
l'introduction d'une action en recours pour excès de pouvoir contre
cette même décision. Cette condition relève de la nature
même de la procédure de sursis à exécution. TA., EP,
aff. n° 349, SAE, 1/26/16 du 15 janvier 1990, Mohamed et autres c/ commune
de Monastir, Rec., p. 285 ; TA., EP, aff. n° 142, SAE, 1/26/16, du 26
décembre 1984, Mohamed Radhoane c/ le ministère
d'éducation nationale, Rec. , p. 492.
44
52
53
Deuxième partie : L'adaptation du principe
Le sursis à exécution est « une arme
mise à la disposition du juge pour assurer, préventivement, une
protection effective des droits des particuliers »241.
Toutefois, l'analyse des arrêts de la juridiction administrative relatifs
à la technique de sursis à exécution démontre que
le juge administratif n'a jamais exploré ce mécanisme pour
atténuer les effets du principe de l'intangibilité des ouvrages
publics.
C'est ainsi que, dans une affaire datant du
1992242, le juge a refusé la demande de sursis à
exécution du jugement en invoquant divers motifs. Pour lui, cette
demande ne répond pas aux conditions d'octroi de sursis à
exécution puisqu'elle ne repose pas sur des motifs apparemment
sérieux et que l'exécution de ce jugement ne peut être
classée dans la catégorie des résultats non
révisables.
Les conditions rigoureuses posées par la jurisprudence
ont considérablement réduit l'utilisation du sursis à
exécution. Cette pratique jurisprudentielle, exacerbée par la
lenteur des procédures devant la juridiction administrative, a conduit,
dans les nombreux cas, à une inefficacité indéniable de la
réponse donnée aux justiciables243.
A titre d'exemple, on peut citer l'affaire concernant
l'installation des canaux des eaux244. Le juge a refusé la
demande de sursis à exécution d'un arrêt autorisant la
Société Nationale d'Exploitation et de Distribution des Eaux
à passer des canaux des eaux potables sur le terrain du requérant
au motif que la demande repose sur des motifs apparemment non sérieux.
« La procédure du sursis à exécution devrait
être rationnalisée, faute de quoi le requérant se trouve
doublement
241 Y. GAUDEMET, « Les procédures
d'urgences dans le contentieux administratif », RFDA, 1988, p. 420.
242 TA., SAE, aff. n° 552, du 24 octobre 1992,
inédit.
243 N. ACH, « L'intangibilité de
l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être
enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1667.
244 TA., SAE, aff. n° 659, 12 janvier 1994, Emna El Rayes c/
SONEDE, inédit.
54
Deuxième partie : L'adaptation du principe
sanctionnée par la lenteur de la justice et le
refus du l'octroi du sursis à exécution
»245.
§ 2 : Le recours en référés
« Le signe extérieur d'une bonne justice,
c'est l'excellence de ses procédures d'urgence
»246. A cet égard, dans le cadre de la protection
des droits des administrés, l'intervention du juge du
référé est indispensable pour remédier à la
lenteur de l'instance et ses inconvénients247.
Visant le même objectif que le sursis à
exécution, le référé permet au juge de faire
statuer rapidement et d'une manière provisoire sur les affaires urgentes
et dans les litiges où les jugements soulèvent des
difficultés relativement à leur
exécution248.
Néanmoins, le problème de la compétence
juridictionnelle de référé s'est posé fortement
avant la promulgation de la loi de 1er juin 1972 relative au TA. Le
juge judiciaire a retenu sa compétence en se basant sur l'article 201 du
CPCC 249. Alors que le juge administratif s'est basé sur une
théorie selon laquelle « l'accessoire suit le principal,
l'accessoire étant le référé le fond étant
l'évaluation de l'indemnité de l'expropriation
»250. Instituant la compétence du TA dans
cette matière, l'article 81 de la loi de 1972 a mis fin à ce
conflit de compétence entre le juge judiciaire (A) et
son homologue administratif dans ce sujet (B).
245 K. FENDRI, « Recours pour
excès de pouvoir, temps et bonne administration de la justice »,
actes de colloque sur : L'évolution contrastée du recours pour
excès du pouvoir, Sfax, les 4 et 5 avril 2008, Imprimerie officielle de
la République Tunisienne, 2010, p. 101.
246 R. CHAPUS, « Rapport de
synthèse », in Actes du Colloque du 30ème
anniversaire des tribunaux administratifs, CNRS, 1986, p. 338.
247
76
1996
122 1998
248 R. DRAGO, « La procédure de
référé devant le Conseil d'Etat », RDP, 1953, p.
303.
249 « Dans tous les cas d'urgence, il est statué
en référé par provision et sans préjudice au
principal ».
250 TA., arrêt n° 107, rendu le 12 juillet 1979, Taja
El Mezghani c/ AFI, Rec., p. 240.
"
1989
22
1989
23
55
Deuxième partie : L'adaptation du principe
A. Le juge judiciaire
En se référant à l'article 201 du CPCC,
le juge judiciaire avait l'occasion de statuer en tant que juge de
référé en matière administrative avant la
promulgation de la loi de 1972 relative au TA251. En effet, à
travers la jurisprudence de référé en matière de
travaux publics, le juge judiciaire n'hésite pas à ordonner
l'arrêt de construction de l'ouvrage public sans se contenter de
l'interdiction de l'article 3 du décret beylical de 1888. Les exemples
sont divers dans ce domaine252. Dans un jugement datant de
1982253, le président du tribunal de première instance
de Tunis a ordonné la cessation des travaux publics entamés par
l'administration dans une ferme à la propriété d'un
agriculteur.
Mieux encore, le juge judiciaire a pu aller plus loin en
ordonnant la cessation des travaux de construction d'un ouvrage public sur un
terrain exproprié. A ce titre, un jugement annonçait en
1986254, la cessation des travaux de construction d'un ouvrage
public.
251 M-E-F. MOUSSA, « Les mesures
d'urgence en matière administrative », in Le Centenaire du
décret Beylical du 27 novembre 1888 et le Contentieux Administratif,
Colloque organisé les 28-29-30 novembre 1988 par l'Association
Tunisienne des Sciences Administratives avec le Concours des Services Culturels
de l'Ambassade de France, CERP, 1988, p. 135.
252 PR du Tr du 1ere instance de Tunis, jugement en
référé n° 16662, rendu le 6 mars 1982, cité
dans un arrêt du TA., n° 281, appel, n° 281, rendu le 24 mars
1983, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte de ministère
de l'équipement c/ Aroussi Essnoussi et autres, inédit ; PR du Tr
de 1ere instance de Tunis, jugement en référé n°
69235, rendu le 16 novembre 1999, cité dans l'arrêt du TA.,
n° 19025, appel, rendu le 30 décembre 1991, STEG c/
société de port de Bizerte, inédit ; PR du Tr de 1ere
instance de Bizerte, jugement en référé n° 1629,
rendu le 10 novembre 1986, cité dans l'arrêt du TA., n° 1156,
appel, rendu le 30 décembre 1991, STEG c/ société de port
de Bizerte, inédit.
253 PR du Tr du 1ere instance de Tunis, jugement en
référé n° 16662, rendu le 6 mars 1982, cité
dans un arrêt du TA, n° 281, appel, n° 281, rendu le 24 mars
1983, chef des contentieux de l'Etat agissant pour le compte de
ministère de l'équipement c/ Aroussi Essnoussi et autres,
inédit.
254 PR du Tr de 1ere instance de Bizerte, jugement en
référé n° 1629, rendu le 10 novembre 1986,
cité dans l'arrêt du TA., n° 1156, appel, rendu le 30
décembre 1991, STEG c/ société de port de Bizerte,
inédit.
56
Deuxième partie : L'adaptation du principe
B. Le juge administratif
S'agissant du juge administratif, la situation est
différente par rapport au juge judiciaire. En se référant
aux articles 81 et 82 (nouveaux) de la loi organique du 1er juin
1972255, on constate d'emblée que le juge de
référé semble disposer d'un véritable pouvoir
d'injonction en la matière, en témoigne l'expression «
peuvent ordonner ».
Néanmoins, le juge administratif statuant en tant que
juge de référé évite d'adresser des injonctions
à l'administration en lui ordonnant d'arrêter les travaux de
construction d'un ouvrage public. Cette position a été maintes
fois réaffirmée par le juge administratif256.
Jusqu'aujourd'hui, le juge administratif tunisien n'a pas
abandonné sa position ferme qui consiste au refus de surseoir à
l'exécution des décisions de rejet, s'abritant derrière le
principe de l'intangibilité des ouvrages publics. Ainsi, dans l'affaire
Sghaier, il a refusé d'ordonner le sursis à
exécution d'un travail public en décidant à cet effet que
« les compétences du juge administratif en matière de
référé ne s'étend pas à
255 L'article 81 (nouveau) de la loi organique n° 72-40
du 1er juin 1972 telle que modifiée par la loi organique
n° 96-39 du 3 juin 1996 dispose que « dans touts les cas
d'urgence, les présidents de chambre de première instance ou
d'appel peuvent respectivement ordonner, en référé toutes
mesures provisoires utiles sans préjuger du fond et à condition
de ne pas entraver l'exécution d'une décision administrative
».
L'article 82 (nouveau) de la loi organique n° 72-40 du
1er juin 1972 telle que modifiée par la loi organique n°
96-39 du 3 juin 1996 dispose qu' « En cas d'urgence, les
présidents de chambre de première instance ou d'appel devant
lesquelles une affaire est déjà enrôlée peuvent
respectivement ordonner d'urgence de contraindre le débiteur de verser
à son créancier une provision. (...). Dans les cas d'urgence,
(...) peuvent ordonner respectivement de procéder à un constat
urgent de tout fait menacé de disparition et pouvant faire l'objet d'un
litige administratif ».
256 TA., aff. n° 711336 du 1 avril 2010, Mohamed Najib El
Bey, Jamil El Bey et Abdelraouf El Bey c/ l'office national d'assainissement,
inédit ; TA., aff. n° 711375 du 10 juillet 2010, Samir Sghaier c/
Ministère d'équipements, d'habitat et d'aménagement
territorial, inédit ; TA., aff. n° 7211, rendu le 10 février
1998, clinique Taoufik c/ ministère de l'intérieur, Rec., p.
46.
57
Deuxième partie : L'adaptation du principe
arrêter les travaux publics, en particulier quand il
s'agit de la création des ouvrages publics
»257.
En France, le juge peut désormais s'appuyer sur la loi
relative au référé devant les juridictions
administratives, promulguée le 30 juin 2000 pour suspendre les travaux
d'une construction irrégulière empiétant sur une
propriété privée sur le fondement de leur
illégalité258. Le justiciable a alors
intérêt à se fonder sur l'article L. 521-2 du code de
justice administrative259, afin de demander au juge la suspension
des travaux. Une telle procédure, dite
référé-injonction, constitue une innovation importante
puisqu'elle permet au juge des référés d'adresser des
injonctions à l'administration lorsqu'une liberté fondamentale
est menacée par une décision ou des agissements de la personne
publique260.
Section 2 : Les servitudes administratives
Prérogatives de puissance publique, les servitudes
administratives ne font l'objet ni d'une définition légale ni
d'un statut d'ensemble.
257 TA., aff. n° 711375 du 10 juillet 2010, Samir Sghaier c/
Ministère d'équipements, d'habitat et d'aménagement
territorial, inédit.
.
Voir aussi : TA., aff. n° 711336 du 1 avril 2010, Mohamed
Najib El Bey, Jamil El Bey et Abdelraouf El Bey c/ l'office National
d'assainissement, inédit
258 N. ACM, « L'intangibilité de
l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être
enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1667.
259 « Saisi d'une demande en ce sens justifiée
par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes
mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté
fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un
organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public
aurait porté, dans l'exercice l'un de ses pouvoirs, une atteinte grave
et manifestement illégale. Le juge des référés se
prononce dans un délai de quarante-huit heures ».
260 N. ACM, « L'intangibilité de
l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être
enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1667.
58
Deuxième partie : L'adaptation du principe
Généralement, les servitudes administratives
sont définies comme des charges prises dans un but
d'intérêt général sur une propriété
privée261.
La servitude administrative s'analyse en une obligation des
servitudes de ne pas faire262, des servitudes de
faire263 et des servitudes de laisser
faire264. Au sein de cette dernière
catégorie, il existe trois types de servitudes de laisser
faire265. A côté de l'obligation de donner accès
à des tiers et l'obligation de subir l'exécution de certains
travaux, ces servitudes peuvent comporter l'obligation de subir l'implantation
de certains ouvrages266. C'est ainsi que, le propriétaire est
« soumis aux servitudes en ce qui concerne l'installation, par l'Etat,
de poteaux indicateurs, moyens de signalisation, travaux de mesure et de
relèvement concernant les eaux »267.
Justifiées par l'intérêt
général, les servitudes sont qualifiées d'ouvrage public
puisqu'elles sont des immeubles résultant d'un aménagement et
bénéficient alors de la règle de
l'intangibilité.
261 M. PIQUEMAL, Droit des servitudes
administratives. Les servitudes traditionnelles, Paris, Berger-Levrault,
Collection « L'administration nouvelle », 1967, p. 17 ; M.
PRIEUR et G.-C. HENRIOT, Servitudes de droit public et de droit
privé, Editions du Moniteur, Collection « Actualité
juridique », Paris, 1979, p. 33; M. SAYARI, Les
servitudes administratives, Centre de Publication Universitaire, Tunis, 2007,
p. 4.
262 La servitude in non faciendo. Cette servitude «
comporte pour l'assujetti l'obligation de s'abstenir de l'exercice de
certains de ses droits à l'égard du fonds ».
J-M. AUBY, Servitudes administratives, JCA, Fasc. 390, 1952,
n° 12.
263 Les servitudes in faciendo.
264 Les servitudes in patiendo. L'assujetti à cette
servitude « est obligé de subir, sur son fonds, certains actes
accomplis par des tiers auxquels son titre lui permettrait, normalement, de
s'opposer ». J-M. AUBY, Servitudes administratives,
JCA, Fasc. 390, 1952, n° 223.
265 Il existe trois catégories principales de
servitudes de laisser faire. En premier lieu, ces servitudes peuvent comporter
l'obligation de donner accès à des tiers. En second lieu, une
propriété peut subir l'exécution de certains travaux et
non seulement de simples passages. En troisième lieu, ces servitudes
peuvent comporter l'obligation de subir l'implantation de certains ouvrages.
M. SAYARI, Les servitudes administratives, thèse pour
l'obtention du doctorat en droit public, FSJPS, Tunis, 20052006, p. 46.
266 M. SAYARI, Les servitudes
administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public,
FSJPS, Tunis, 2005-2006, p. 51.
267 Article 47 du code des eaux.
59
Deuxième partie : L'adaptation du principe
Néanmoins, à la différence de
l'expropriation qui a pour effet d'opérer le transfert forcé de
la propriété d'un bien immeuble, la servitude administrative n'a
pas pour effet le transfert de la propriété. Elle présente
dés lors, une atteinte au principe de l'intangibilité de
l'ouvrage public quant à ses effets (§ 1) et
impose également un régime particulier d'indemnisation
(§ 2).
§ 1 : La négation de transfert de la
propriété
Les ouvrages publics réalisés sur une
propriété privée dans le cadre de servitude administrative
sont toujours protégés par le principe d'intangibilité. A
ce titre, étant donné que, l'accès aux
propriétés des particuliers et l'implantation des supports, par
la STEG, rentre dans le cadre de la réalisation, par celle-ci, d'un
service public consistant dans la distribution d'énergie268,
le juge a eu l'occasion d'affirmer l'immunité absolue de cet
ouvrage269.
Toutefois, l'implantation d'un ouvrage public dans le cadre
d'une servitude administrative sur une propriété privée
présente une limite au principe de l'intangibilité des ouvrages
publics. Certes, à la différence de principe
d'intangibilité qui fait disparaitre entièrement le droit de
propriété, les servitudes administratives ne présentent
pas une atteinte au
268 Voir par ex., TA., aff. n° 21816, appel, du 24 janvier
1997, STEG c/ M. Tlili, Rec., p. 60 ; TA., aff. n° 961, appel, du 29 juin
1992, STEG c/ Lazhar Saâdaoui, Rec., p. 327.
269 TA., arrêt n° 19519 du 29 mars 2003, Nejma Beltifa
et héritiers Beltifa c/ STEG, inédit.
( )
Voir aussi : TA., arrêt n° 1/ 10110, du 6
février 2003, Khadija Chaati c/ STEG, inédit ; TA., arrêt
n° 1261, appel, du 6 juin 1994, STEG c/ Chalbia Mansour, inédit ;
TA., arrêt n° 1022, appel, du 10 mai 1993, STEG c/ Salah Elferhi,
inédit.
(
)
60
Deuxième partie : L'adaptation du principe
droit de la propriété dans son essence, mais
elles présentent une restriction à ce droit270.
Jouir, user et disposer d'un bien immobilier, sont les
attributs du droit de propriété qui doivent être
exercés par son titulaire271. Or l'implantation d'un ouvrage
public dans le cadre d'une servitude administrative sur une
propriété privée ne prive le propriétaire que de
droit d'user librement son immeuble. Elle ne le prive pas de son droit d'en
jouir ou d'en disposer.
Ayant l'avantage de ne pas réaliser le transfert de
propriété, « la servitude administrative met en sommeil,
au profit de la collectivité publique, certains éléments
de ce droit, non le droit lui-même. Elle n'équivaut pas à
une expropriation même limitée »272. La
servitude administrative ne peut faire obstacle au droit du propriétaire
de démolir ou déplacer un ouvrage public273. Dans un
arrêt datant de 2010274, le TA affirme que la servitude de
passage des conduites d'eau, sur le terrain litigieux, dans un but
d'intérêt publique, ne prive pas le propriétaire assujetti
de son droit de propriété275.
270 TA., arrêt n° 22025 du 15 juillet 1998, STEG c/
Adel Ben Hadj Kammoun, inédit.
271 « La propriété confère
à son titulaire le droit exclusif d'user de sa chose, d'en jouir et d'en
disposer ». L'article 17 du CDR.
272 G. LIET-VEAUX, « Servitudes
administratives, théorie générale », JCA, fasc. 390,
p. 5.
273 C. MAUGÜÉ, Concl. sur CE., 29
janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et
du gaz des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, RFDA, 2003, p. 479.
274 TA., arrêt n° 1/13219 du 8 juin 2010, Bechir c/
SONEDE, Rec., p. 680.
"
(...)
(...)
61
Deuxième partie : L'adaptation du principe
La servitude administrative ne constitue qu'un
démembrement de la propriété du bien
grevé276. C'est pourquoi, le juge administratif a
refusé d'accorder une indemnité de dépossession au
propriétaire à cause de l'absence de transfert de
propriété277, puisque l'établissement des
supports de lignes d'énergie électrique sur la
propriété privée ne fait perdre au propriétaire sa
possession278.
»280.
En France279, l'article 12 de la loi du 15 juin 1906
résume tout cela en disposant que la servitude «
n'entraîne aucune dépossession ». Un auteur
constatait que cet article peut servir comme fondement pour le juge qui «
s'est permis d'ordonner la démolition des ouvrages publics de
distribution d'énergie électrique édifiés en
violation de la loi de 1906, et par le même de rejeter l'adage selon
lequel "ouvrage public mal planté ne se détruit
pas"
276 M. SAYARI, Les servitudes
administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public,
FSJPS, Tunis, 2005-2006, p. 173. C'est le cas par exemple pour les servitudes
relatives à l'énergie électrique qui «
constituent un droit, pour l'organisme chargé de la construction et
d'un exploitation d'un ouvrage destiné à assurer un service
public, d'utiliser des propriétés privées sans être
obligé d'acquérir celle-ci. Elles confèrent à
l'organisme bénéficiaire un droit d'usage sans transfert de
propriété ». R. GINOCCHIO,
Législation de l'électricité, Eyrolles, Paris,
1977, p. 72.
277 TA., aff. n° 389, appel, datée le 30 avril
1987, STEG c/ Hassan, Nouri, Abdelaziz, Abdelraouf et descendant hadj Hedi
Walha, inédit.
" 278
."
279 En France, une autre exception doit être
signalée. Il s'agit, du cas des travaux mixtes pour lesquels le juge
judiciaire se retrouve la compétence de porter atteinte à un
ouvrage public. Cette exception ressort de la loi du 29 novembre 1952 relative
aux travaux entrepris à la fois dans le domaine de la défense
national et d'autres administrations civiles. Les articles 6 et 7 de la loi
prévoient que, dans les cas où ces travaux sont
exécutés dans des conditions irrégulières, les
infractions sont constatées par des procès-verbaux
notifiés aux intéressés, qui doivent rétablir
l'ancien état des lieux dans le délai fixé par la
notification. A défaut, le TA saisi par le préfet peut ordonner
la suspension des travaux et le jugement définitif de condamnation,
déterminer le délai pendant lequel le contrevenant sera tenu de
rétablir à ses frais les lieux dans leur état primitif,
faute de quoi il y sera procédé d'office par l'autorité
militaire. S. BRONDEL, « Le principe
d'intangibilité des ouvrages publics : réflexions sur une
évolution jurisprudentielle », AJDA, n° 15, 2003, p. 762.
280 N. ACH, « L'intangibilité de
l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être
enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1656.
62
Deuxième partie : L'adaptation du principe
§ 2 : L'indemnisation des servitudes
administratives
Il est certain que l'existence d'un ouvrage public dans le
cadre des servitudes administratives cause des dommages aux
propriétaires. La question qui soulève l'existence de ces
dommages est celle de l'indemnisation. « C'est probablement, un des
problèmes les plus importants existant dans le droit des servitudes,
puisqu'il permet de compenser les torts causés aux particuliers, mettant
ainsi en lumière le constant compromis entre l'intérêt
général et les intérêts particuliers
»281.
La lecture des textes régissant les servitudes
administratives, permet de constater la multiplicité des dispositions
relatives à l'indemnisation. Cette diversité a
généré une complexité non seulement au niveau du
régime juridique de l'indemnisation (A) mais
également au niveau de l'évaluation de l'indemnité
(B).
A. Le régime juridique de l'indemnisation
Les lois régissant les servitudes administratives ont
adoptés des positions divergentes, sur le problème de
l'indemnisation des propriétaires282. On peut classer les
textes relatifs aux servitudes administratives en trois catégories. Les
textes qui prévoient l'indemnisation283, d'autres qui
l'excluent284 et enfin les textes qui restent
muette285.
281 M. PIQUEMAL, Droit des servitudes
administratives. Les servitudes traditionnelles, Paris, Berger-Levrault,
Collection « L'administration nouvelle », 1967, p. 156.
282 M. SAYARI, Les servitudes
administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public,
FSJPS, Tunis, 2005-2006, p. 341.
283 Telle est la position adoptée notamment par
l'article 10 du décret beylical du 12 octobre 1887 qui disposait que
« lorsque des supports ou attaches seront placés à
l'exécution de murs ou façades, ou sur de toits ou terrasses, ou
encore non clos, il ne sera dû au propriétaire d'autre
indemnité que celle du préjudice résultant des travaux de
construction de la ligne ou de son entretien ». Ainsi, en
matière d'occupation temporaire pour les travaux publics, le
décret beylical du 20 aout 1888 disposait dans son article 7
alinéa 1, que « l'entrepreneur peut occuper le terrain et y
commencer les travaux
63
Deuxième partie : L'adaptation du principe
Le recours à la voie juridictionnelle n'est pas
obligatoire en matière d'indemnisation. De nombreux textes
précisent d'ailleurs que le recours au juge n'a lieu qu'à
défaut d'accord amiable286. En cas de désaccord entre
les parties, l'intéressé peut saisir le juge compétent.
Aucun texte ne prévoit la compétence du juge
administratif. Mais plusieurs textes ne désignent pas la juridiction
compétente287 ou se contentent de confier l'indemnisation des
servitudes administratives à « la juridiction compétente
»288, aux « tribunaux compétents
»289 ou, tout simplement, « aux tribunaux
»290.
Découle du renvoi à la législation
relative à l'expropriation291, l'indemnisation des servitudes
administratives est la compétence de la juridiction
judiciaire292. Le TA a été maintes fois
réaffirmé cette règle293.
autorisés (...) tous les droits du
propriétaire étant réservés en ce qui concerne le
règlement de l'indemnité ».
284 On peut citer en ce sens l'article 23 du CATU qui dispose
que « les servitudes résultant des règlements
d'urbanisme (...) ne donnent droit à aucune indemnité
». C'est le cas aussi de l'article 40 du code des eaux qui dispose
que la servitude de franc bord « ne donne pas droit à une
indemnité ».
285 P-S. DE BIEUSSES, « Le statut des
aisances et des servitudes », AJDA n° 6, 20 juin 1992, p. 400. C'est
le cas par exemple de la loi du 19 août 1998 relative aux chemins de fer
qui ne contient aucune indication concernant l'indemnisation des assujettis aux
diverses servitudes ferroviaires. M. SAYARI, Les servitudes
administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public,
FSJPS, Tunis, 20052006, p. 343.
286 Voir par exemple : l'article 42 alinéa 2 de la loi
du 7 mars 1986 portant refonte de la législation relative au domaine
public routier de l'Etat ; l'article 45 alinéa 3 du Code des
télécommunications.
287 Voir par ex ; Décret du 20 août 1888 relatif
à l'occupation temporaire pour les travaux publics.
288 Article 45 alinéa 3 du code de
télécommunications.
289 Article 48 du code des eaux dispose que « (...)
Les dommages qui résultent des travaux sont fixes, à
défaut d'accord amiable, par le tribunal compétent
».
290 Article 80 du code minier ; Article 86.1 alinéa 2 du
code des hydrocarbures.
291 M. SAYARI, Les servitudes
administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public,
FSJPS, Tunis, 2005-2006, p. 394.
292 C'est ainsi, que l'article 30 alinéa 1 de la loi du
11 août 1976 (nouveau) dispose que « Les actions liées
à l'expropriation pour cause d'utilité publique, à
l'exception du recours pour excès du pouvoir, sont de la
compétence des juridictions de l'ordre judiciaire avec ses
différents degrés prévus au code de procédure
civile et commerciale ». L'article 30 (nouveau) alinéa 1 de la
loi du 11 août 1976 portant refonte de la législation relative
à l'expropriation pour cause d'utilité publique telle que
modifiée et complétée par la loi du 14 avril 2003, JORT,
18 avril 2003, p. 1032.
64
Deuxième partie : L'adaptation du
principe
Toutefois, dans un arrêt datant du 2005, il a
considéré que le juge compétent en matière
d'indemnisation des servitudes administratives est le juge
administratif294.
S'agissant de la question de la prescription de la demande
d'indemnité, l'article 12 du décret de 12 octobre 1887 fixait ses
délais à deux ans295 à partir de la date de fin
de travaux. En contrepartie, le juge administratif adopte une solution
favorable aux assujettis en appliquant, dans tous les cas, le délai de
prescription de droit commun296, prévue par l'article 402 du
COC297, à savoir du délai de quinze
ans298.
B. L'évaluation de l'indemnité
Pour ouvrir droit à réparation, le dommage
occasionné par les servitudes administratives doit présenter, en
plus des caractères spécial et anormal, des caractères
communs à tous les cas de responsabilité, à
293 TA., arrêt n° 1023, du 4 juillet 1994, STEG c/
Abdelwaheb Hermessi, inédit ; TA., appel, arrêt n° 26/ 1000
du 26 octobre 1992, STEG c/ Mohamed Saâdaoui, Rec., p. 363 ; TA., appel,
arrêt n° 22141 du 15 juillet 1999, STEG c/ Jamel Hammami et autres,
Rec., p. 461.
294 TA., arrêt n° 23513 du 22 janvier 2004, STEG c/
Hédi Bahri, inédit.
295 « Est prescrite par un délai de deux ans
à compter du moment où cesse l'occupation
». La même solution se retrouve dans l'article 1 du
décret du 19 mars 1905 fixant le délai de prescription de
l'action en indemnité pour occupation temporaire de terrains.
296 M-S. BEN AÏSSA, « L'action
relative à la responsabilité de l'administration devant le
Tribunal administratif », in La réforme de la justice
administratives, Actes de colloque organisé du 27 au 29 novembre 1996,
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales, Tunisie,
C.P.U., 1996, p. 155 ; M. SAYARI, Les servitudes
administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public,
FSJPS, Tunis, 2005-2006, p. 412.
297 « Toutes les actions naissant d'une
obligation sont prescrites par quinze ans, sauf les exceptions
ci-après, et celles qui sont déterminées
par la loi dans les cas particuliers ».
298 TA., arrêt n° 32103, rendu le 14 janvier 2002,
STEG c/ Mohammed Tlili, inédit.
402
1887 12
402
1888 27
.
Voir aussi : TA., arrêt n° 21816, rendu le 24 janvier
1997, STEG c/ Mohammed Tlili, Rec., p. 61 ; TA., arrêt n° 21787,
rendu le 29 janvier 1998, STEG c/ Sadok Bouhlel, inédit.
65
Deuxième partie : L'adaptation du principe
s'avoir le caractère matériel et le
caractère certain299. Une fois établie l'existence des
divers critères de préjudice, le juge s'attelle à
l'évaluation du montant de l'indemnité due à
l'assujetti.
Le législateur vise, expressément, l'application
des règles de procédures et de fond prévues par la
législation relative à l'expropriation, au règlement des
litiges relatifs à l'indemnisation des servitudes administratives en
cause300. Dans ce sens les servitudes de visibilité au profit
du domaine public routier de l'Etat « sera... fixée comme en
matière d'expropriation »301. De même,
l'indemnisation des servitudes de protection des parcs nationaux «
sera réglée dans les conditions analogues à celles
adoptées en matière d'expropriation pour cause d'utilité
publique »302.
Au niveau jurisprudentiel, le TA considère qu'il est
lié par l'application des règles de fond relatives à
l'évaluation des indemnités d'expropriation, lorsqu'il statue sur
la réparation des conséquences dommageables des servitudes de
passage des canalisations d'hydrocarbures. Ainsi, le juge administratif
apprécie le dommage selon la nature de l'immeuble et l'usage auquel il
était affecté à la date de l'exécution des travaux
et par comparaison avec les prix pratiqués, dans la zone, pour les
immeubles voisins303.
299 M. SAYARI, Les servitudes
administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public,
FSJPS, Tunis, 2005-2006, p. 371.
300 M. SAYARI, Les servitudes
administratives, thèse pour l'obtention du doctorat en droit public,
FSJPS, Tunis, 2005-2006, p. 376.
301 Article 42 alinéa 2 de la loi du 7 mars 1986
portant refonte de la législation relative au domaine public routier de
l'Etat.
302 « Lorsque le territoire classé en "parc
national" conformément à l'article 219 englobe des terrains
privés ou terres collectives, l'indemnisation des propriétaires
sera réglée dans les conditions analogues à celles
adoptées en matière d'expropriation pour cause d'utilité
publique ». Article 220 du Code forestier.
303 TA., appel, arrêt n° 22739, du 10 juillet 2002,
STEG c/ Mohamed Bou Hlel, inédit.
66
Deuxième partie : L'adaptation du principe
Chapitre II :
L'infléchissement du principe
Si la règle de l'intangibilité de l'ouvrage
public apparaît bel et bien désacralisée, elle n'en est pas
moins véritablement préservée. Il semble toutefois que
l'on assiste à une sorte de transformation de ce principe. En effet,
d'« un principe absolu », on est passé à
« un principe relatif »304.
La doctrine assistait à « la fin de plus d'un
siècle et demi d'une jurisprudence bien implantée
»305, à « une alternative possible
» mais « restrictivement encadrée
»306, ou encore à « la fin d'un
dogme »307. Or, ces critiques pour le moins
virulentes du principe d'intangibilité de l'ouvrage public semblent
avoir trouvé un certain écho auprès des juridictions tant
administratives que judiciaires. De même, l'évolution du contexte
juridique spécifique, qui n'est pas propice à un maintien du
principe tel qu'il existe aujourd'hui, affecte la rigidité du
régime de protection de l'ouvrage public.
La paternité du mouvement de modernisation du principe
d'intangibilité revient à l'ordre juridictionnel qui l'a
initié à travers le juge judiciaire et le juge administratif
(Section 1). Mieux encore,
304 M-P. MAÎTRE, « Le principe de
l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, 22 novembre 1999,
n° 232, p. 12 ; C. MANSON, Note sous CE., sect., 14
octobre 2011, Cne de Valmeinier et syndicat mixte des Islettes, « Coup
d'arrêt aux implantations irrégulières d'ouvrages publics ?
», JCP A, n° 48, 28 novembre 2011, p. 2.
305 G. NOEL, « La démolition d'un
ouvrage public mal implanté peut être ordonnée », JCP,
2003, n° 28, p. 1313.
306 J. CHARRET, S. DELIANCOURT, « Une
victoire à la Pyrrhus du droit de propriété sur le
principe de l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, 6 juin
2003, n° 113, p. 20.
307 J. BOUGRAB, Note sous CE du 20 janvier
2003, « La relecture du principe d'intangibilité de l'ouvrage
public », LPA, 21 mai 2003, p. 5.
67
Deuxième partie : L'adaptation du principe
l'émergence d'un certain environnement encourage la
réflexion d'ensemble sur l'évolution du régime de
protection de l'ouvrage public (Section 2).
Section 1 : Un infléchissement du principe
opéré par le juge
L'extension démesurée des pouvoirs dont dispose
l'administration et la faible réglementation juridique, laissent planer
le doute sur la dégénération du pouvoir
discrétionnaire en pouvoir arbitraire308. Face à cet
accroissement accru des prérogatives de l'administration, le juge
administratif et le juge judicaire sont enclins à renforcer leur
contrôle et adapter leurs moyens de censure309.
La tendance qui se dessine a pour ambition d'offrir une
lecture différente des conditions d'application du principe
d'intangibilité en vue de les rendre compatibles avec certains modes
actuels d'exercice de la puissance publique, lesquels suscitent par leur esprit
et leurs méthodes une plus exigence de protection juridictionnelle du
particulier310.
L'orientation jurisprudentielle s'exprime par l'affirmation
d'un contrôle plus approfondi de l'action administrative plus attentive
aux droits des particuliers (§ 1), et par la mise d'un
contrôle plus pointu de l'intérêt général qui
présume toute édification d'ouvrage public (§
2).
308 G. TIMSIT, Gouverner ou juger, Blasons de la
légalité, PUF, Paris, 1995, p. 2.
309 A. MESTRE, Le Conseil d'Etat protecteur
des prérogatives de l'administration, LGDJ, Paris, 1974, p. 229.
310 Ch. BOUTAYEB, «
L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de
l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1472.
68
Deuxième partie : L'adaptation du principe
§ 1 : D'un contrôle plus approfondi de l'action
administrative (...)
Le pouvoir discrétionnaire est la condition
première de toute administration, et en général, de la vie
de l'Etat311. Cependant le pouvoir discrétionnaire ne
signifie pas le pouvoir absolu exempt de tous types de contrôle. Mettre
en oeuvre un contrôle de l'action administrative est incontournable afin
d'assurer la sécurité juridique et éviter tous risques
d'abus ou d'arbitraire. En réalité, « le respect du
principe de légalité contribue à la légitimation de
l'action administrative »312.
Le principe d'intangibilité fait l'objet d'une nette
transformation qui démontre la volonté du juge administratif
(A) et du juge judicaire (B) d'affirmer la
prévalence du principe de légalité sur les
irrégularités commises par l'administration.
A. L'évolution de la jurisprudence
administrative
Face à un ouvrage public irrégulièrement
implanté, le juge administratif, « gardien des droits
individuels »313, était soucieux d'assurer une
protection accrue des droits et libertés des citoyens à travers
l'exercice d'un contrôle plus approfondi de la décision
administrative.
Ainsi, dans une affaire datant du 2000314, le juge
a ordonné la cessation du trouble de l'administration sur l'immeuble
litigieux qui a été utilisé comme un centre forestier et
de remettre les lieux en état avant
311 R. CHAPUS, Droit administratif
général, T.2, Montchrestien, 15ème éd.,
2001, p. 1058.
312 J. CHEVALLIER, « La dimension
symbolique du principe de légalité », RDP, 1990, p. 1664.
313 TA., aff. n° 325 du 14 avril 1981, Pierre Falcon et
autres c/ Ministre de l'agriculture, Rec., p. 115.
314 TA., aff. n° 22155 du 20 février 2000, chef du
contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de
l'agriculture c/ l'office nationale d'hydrocarbures et héritiers Ahmed
Manai, inédit.
69
Deuxième partie : L'adaptation du principe
de les quitter. Le juge s'est basé sur le fait que
l'interdiction de l'article 4 ne s'adresse qu'au juge judiciaire en tant que
tel et sur l'illégalité de l'action de l'administration. Par
conséquent, il a ordonné à l'administration de quitter les
lieux315. Le TA a fait prévaloir, tacitement, la
théorie de voie de fait sur le principe de l'intangibilité de
l'ouvrage public en raison de l'illégalité de l'action de
l'administration.
Le contrôle juridictionnel de l'action administrative
n'est que la contrepartie nécessaire d'un pouvoir aussi exorbitant au
profit de l'administration316. Dans un Etat de droit, même
lorsqu'une autorité administrative dispose d'un pouvoir
discrétionnaire, l'administration n'est pas toute puissante et ne peut
pas agir de manière arbitraire. L'intervention du juge dans ce cadre,
vise à imposer à l'administration le respect des règles
qui régissent l'exercice de ses pouvoirs et à contenir les
privilèges dans les limites que leur assigne la règle de droit.
Le recours au juge constitue pour l'administré un moyen de sauvegarder
ses droits ou ses intérêts dans la mesure prévue par la
règle de droit317.
Dans une affaire récente, le TA, a remis en cause le
principe de l'intangibilité de l'ouvrage public en raison de
l'illégalité de l'action administrative. Le juge a
considéré, à cet effet, que l'existence du terrain
litigieux dans une région exposée aux vents levantins tout au
long de l'année en raison de sa proximité de la mer peut causer
la mort des
315
1888
27
.
.
"
316 G. BRAIBANT, Concl. sur CE., 2 novembre
1973, Société Librairie François Maspero, JCP, 1974, II,
17642.
317 M. LAKHDHAR, « Le droit à la
légalité administrative », Etudes juridique, 1993-1994, p.
10.
70
Deuxième partie : L'adaptation du principe
arbres ce qui fait que le boisement de ce terrain ne peut pas
aboutir aux résultats voulus, qui est l'empêchement de la
désertification de la région318. Le TA, en
conséquence, dans cet arrêt a ordonné à
l'administration de cesser ses troubles sur le terrain litigieux et d'en
enlever les mains et enfin l'enlèvement des arbres
plantés319.
B. L'évolution de la jurisprudence
judiciaire
Les juridictions de l'ordre judicaire s'estiment
compétentes pour ordonner la démolition d'un ouvrage public, qui
aurait été construit sans respecter les règles de droit.
L'examen de certains arrêts de la juridiction judiciaire, démontre
que le juge judiciaire pour sa part n'a pas hésité à
ordonner la démolition d'une école primaire en cours de
construction320 ou un collège321.
Ainsi, dans espèce soumise à son examen en
1993322, le juge judiciaire a ordonné à
l'administration de quitter un immeuble qu'elle a occupé en vue de
l'utiliser comme une école nationale de sécurité
nationale. Le juge judiciaire a même, d'une manière audacieuse,
ordonné
318 TA., aff. n° 22656 du 25 février 2004, chef du
contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de
l'agriculture et des ressources hydrauliques c/ Ezzeddine Ettoumi,
inédit.
(. )
319
320 T. cantonal de Tunis, arrêt n° 1307 du 10
juillet 1990, cité dans l'arrêt du TA. n° 1338 du 15 juillet
1994, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère
de l'éducation c/ Fatma Ataya, inédit.
321 T. cantonal de Tunis, arrêt n° 1904 du 16
décembre 1994, cité dans l'arrêt du TA. n° 2191 du 27
avril 1999, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du
ministère de l'éducation c/ Hssan Elkhlifi, inédit.
322 T. de première instance de Tunis, arrêt
n° 76309/9 du 9 juin 1993, cité dans l'arrêt du TA. n°
21906 du 10 mars 2000, chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du
ministère de l'intérieur c/ comité régionale de
solidarité du gouvernera de Tunis, Rec., p. 314.
71
Deuxième partie : L'adaptation du principe
la démolition d'un poteau électrique
situé prés d'un immeuble privé323 et non pas
sur la propriété elle-même.
En France, la cour de cassation a approfondi la brèche
ouverte au sein de l'application du principe d'intangibilité en rejetant
la théorie de l'expropriation indirecte324. Elle avait
proclamé que « le transfert de propriété, non
demandé par le propriétaire, ne peut intervenir qu'à la
suite d'une procédure régulière d'expropriation
»325. Elle reconnaît dés lors au juge
judiciaire le pouvoir d'ordonner la démolition d'ouvrages publics
construits dans des conditions qui révèlent une voie de
fait326.
§ 2 : (...) Vers un contrôle plus exigeant de
l'intérêt général
Dans le cadre de contrôle de l'intérêt
général, l'examen de l'intérêt général
s'effectuera certainement au regard d'intérêts complexes, qu'ils
soient généraux ou particuliers, à l'instar de la
théorie du bilan laquelle, en revanche, aboutit à un
contrôle normal sur la déclaration d'utilité publique en
matière d'expropriation327. Le principe
bilan-coût-avantages, comme un principe général du droit,
apporte aux administrés une garantie contre le pouvoir
discrétionnaire de l'administration (A). Mais ses
applications dans la jurisprudence récente dénaturent sa
portée (B).
323 T. de première instance de Tunis, arrêt
n° 12703/10 du 2 novembre 2000, cité dans l'arrêt du TA.
n° 24072 du 21 mai 2004, STEG c/ Néji Stanbouli, inédit.
324 R. HOSTIOU, Note sous Cass. Ass.
Plén., 6 janvier 1994, Consorts Baudon de Money c/ EDF, AIDA, 1994, p.
329.
325 Cass. Ass. Plén., 6 janvier 1994, Consorts Baudon de
Money c/ EDF, AIDA, 1994, p. 339.
326 C. BOITEAU, Note sous Cass. Ass.
Plén., 6 janvier 1994, Consorts Baudon de Money c/ EDF, RFDA 1994, p.
329.
327 Ch. BOUTAYEB, «
L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de
l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1474.
72
Deuxième partie : L'adaptation du principe
A. Le principe bilan-coût- avantages : garantie
des administrés
L'idée de mettre en place la technique du bilan
coûts-avantages est née de la jurisprudence328 en
matière d'expropriation afin de mieux contrôler une
procédure qui tendait à beaucoup se développer. Pour
qu'une opération soit jugée d'utilité publique, ses
inconvénients doivent être équilibrés par les
avantages qu'on peut en attendre. L'utilité publique n'est donc plus
appréciée in abstracto. « Une opération peut, par
son objet, être d'utilité publique, mais en raison de ses
modalités d'exécution ou de ses conséquences, ne plus
l'être »329.
Une fois pris en compte les intérêts
opposés, la démolition de l'ouvrage « ne sera
légale que si elle est adéquatement proportionnée aux
faits. C'est-à-dire par là même, que le caractère
excessif de la décision emporte son illégalité
»330. Le nouveau principe apporte de
sérieuses garanties aux administrés331. Il a le
mérite d'accroitre et de restaurer le rôle traditionnel du juge,
gardien de la légalité et protecteur des libertés.
328 CE., Ass., 28 mai 1971, Ministre de l'Equipement et du
logement c/ Fédération de défense des personnes
concernées par le projet actuellement dénommé «
Ville- Nouvelle Est », LONG (M.), WEIL (P.), BRAIBANT (G.),
DEVOLVE (P.) et GENEVOIS (B), Les grands arrêts de la
jurisprudence administrative, Dalloz, 12éme éd., 1999,
p. 639. Par la suite, cette jurisprudence s'est précisée et
développée. D'abord dans un arrêt Société
civile Sainte-Marie de l'Assomption, (CE., Ass., 20 octobre 1972, Rec., p.
657.) une déclaration d'utilité publique est annulée pour
la première fois sur la base des principes du bilan coûts-
avantages. Mais il faudra attendre vingt-cinq ans avant qu'une
déclaration d'utilité publique préalable à la
construction d'une autoroute soit annulée sur la base de la
jurisprudence du bilan (CE., Ass., 28 mars 1997, Association contre le projet
de l'autoroute transchablaisienne, concl., D. LINTON et note
ROUVILLOIS, RFDA, 1997, p. 740.
329 Ph. GODFRIN, Droit administratif des biens,
Armand Colin, 6éme éd., 2001, p. 380.
330 R. CHAPUS, Droit administratif
général, T.1, Montchrestien, 15éme éd.,
2001, n° 1264, p. 1074.
331 J-C. VITRY, « Le contrôle des
opérations d'utilité publique », G.P, 1975, p. 23 ;
J. LEMASURIER, « Vers un nouveau principe
général du droit ? Le principe Bilan- Coût-avantages
», in Le juge et le droit public, Mélanges offertes a Marcel
WALINE, T.2, Paris, juillet 1974, p. 559 ; M. WALINE, Note
sous CE., ass., 28 mai 1971, Ministre de l'Equipement et du Logement c/
Fédération de défense des personnes concernées par
le projet actuellement dénommé, RDP, n° 2, 1972, p. 454.
Deuxième partie : L'adaptation du principe
En raison de la carence notoire du contrôle
juridictionnel sur la légalité de l'utilité
publique332, le juge administratif tunisien a procédé
à un aménagement du principe de l'intangibilité des
ouvrages publics, par l'introduction d'un nouveau contrôle du bilan, afin
de protéger le droit de propriété. Ainsi dans l'affaire
Ghuila333, le juge administratif a insisté sur l'idée
d'équilibre entre l'intérêt général et les
intérêts privés auxquels l'ouvrage public va porter
atteinte. La destruction ne sera ordonnée qu'après
vérification qu'elle n'entraîne pas une atteinte excessive
à l'intérêt général334.
La formule de l'arrêt apparaît comme une rupture
avec la jurisprudence traditionnelle dans la mesure où elle fait
référence à l'orientation récente du contentieux
administratif. Sans doute, les termes employés par le TA dans son
arrêt n'ont pas été choisi au hasard. Ils dénotent
la ferme intention du juge de changer son orientation traditionnelle en faveur
d'une autre moderne. Si l'on considère qu'une telle allusion n'est pas
courante dans sa jurisprudence, il y a tout lieu de penser qu'il entend
opérer un revirement qui ne manquera pas de caractériser pendant
très longtemps le domaine de l'expropriation.
Sans abandonner le principe d'intangibilité, le TA a
précisé les conditions et les limites de sa mise en oeuvre. Il ne
s'agit pas d'«une démolition physique de l'ouvrage mais bien de
la possibilité ou non, à
332 J. LEMASURIER, « Vers un nouveau
principe général du droit ? Le principe
Bilan-Coût-avantages », in Le juge et le droit public, Mél.
offertes a Marcel WALINE, T.2, Paris, juillet 1974, p. 555.
333 TA., arrêt n° 1/ 17813 du 16 avril 2009,
Khadija Ghuila c/ l'office national de l'assainissement, inédit.
334
73
74
Deuxième partie : L'adaptation du principe
travers cette démolition, de perturber ou de mettre
fin à l'activité d'intérêt général que
sert l'ouvrage public »335.
B. La portée du principe Bilan- coût-
avantages
Par le biais de la théorie du bilan, aux avantages de
l'ouvrage public sont confrontés ses inconvénients. C'est
seulement si les seconds l'emportent sur les premiers que le bilan est
négatif. Le juge ordonnera alors la démolition de l'ouvrage
public. Le choix jurisprudentiel est garant de la protection de l'Etat de
droit.
Toutefois, « il convient de ne pas se réjouir
trop tôt de cette évolution jurisprudentielle
»336. En effet, l'examen des décisions de
justice en matière d'expropriation montre que le contrôle
approfondi opéré par le juge n'aboutit que rarement à la
destruction de l'ouvrage public. De plus, les annulations prononcées en
application de la théorie du bilan concernant les projets de faible
importance337 et non des opérations de grande envergure de
portée nationale338.
De surcroît, le principe bilan- coût- avantages,
s'il dote le juge d'une arme efficace pour protéger la
légalité économique contre les abus de l'administration,
s'avère d'un maniement délicat339. Il exige de ceux
qui l'appliquent « circonspection et doigté, faute de quoi, il
risque de
335 Y. GAUDEMET, « Bien public, bien
commun », in Mél. en l'honneur de Etienne FATÔME, 2011,
Dalloz, p. 160.
336 J. BOUGHRAB, Concl. sur CE., 29 janvier
2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz
des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, « La relecture du principe
d'intangibilité des ouvrages publics », LPA, n° 101, 2003, p.
7.
337 A. BERNARD, Concl. sur CE., 26 Octobre
1973, Grassin, AJDA, 1974, p. 34. (Affaire relative à la construction
d'un aérodrome)
338 A. BOCKEL, Note sous CE., 4 mai 1979,
Département de la Savoie, AJDA 1979, p. 38 ; L. RICHER,
Note sous CE., 4 mai 1979, Département de la Savoie, D. 1979, p. 538.
(Affaire relative à la centrale nucléaire de Creys-Malville).
339 J. LEMASURIER, « Vers un nouveau
principe général du droit ? Le principe Bilan-
Coût-avantages », in Le juge et le droit public, Mélanges
offertes a Marcel WALINE, Tome 2, Paris, juillet 1974, p. 562.
75
Deuxième partie : L'adaptation du principe
transformer le juge en administrateur
»340. Certes, la théorie du bilan semble constituer
un moyen très poussé de contrôle du juge. Elle le conduit,
« non seulement à exercer un contrôle normal sur les
motifs de fait, mais à contrôler l'adéquation de la mesure
administrative à ses motifs de fait, c'est-à-dire à
substituer sa propre décision à celle de l'administration
»341.
On peut estimer que « le principe
d'intangibilité dans la forme qu'on lui connaissait semble
disparaître mais pour renaître sous une forme qui tend à
mieux s'accorder avec le principe de légalité
»342. Toutefois, suite à un
infléchissement engendré par l'environnement juridique, que
l'atteinte au principe d'intangibilité de l'ouvrage public va se faire
plus sensible.
Section 2 : Un infléchissement du principe
engendré par l'environnement juridique
Le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public est
tempéré, non seulement en raison du mouvement inauguré par
la jurisprudence, mais aussi sous le poids d'un contexte juridique
spécifique343. Cet environnement réfractaire à
une application infaillible de l'intangibilité se nourrit principalement
de deux séries de facteurs. Le premier ressort de l'environnement
juridique interne (§ 1) alors que le second est
généré par l'environnement juridique européen
(§ 2).
340 J. LEMASURIER, « Vers un nouveau
principe général du droit ? Le principe Bilan-
Coût-avantages », in Le juge et le droit public,
Mélanges offertes a Marcel WALINE, Tome 2, Paris, juillet 1974, p.
562.
341 J. LEMASURIER, « Vers un nouveau
principe général du droit ? Le principe Bilan-
Coût-avantages », in Le juge et le droit public, Mélanges
offerts à Marcel WALINE, T.2, Paris, juillet 1974, p. 560.
342 S. BRONDEL, « Le principe
d'intangibilité des ouvrages publics : réflexions sur une
évolution jurisprudentielle », AJDA, n° 15, 2003, p. 764.
343 Ch. BOUTAYEB, «
L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de
l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1479.
Deuxième partie : L'adaptation du principe
§ 1 : L'environnement juridique interne
Bien que le principe de l'intangibilité des ouvrages
publics ne repose pas sur des fondements susceptibles d'en soutenir sa
pérennité, certains facteurs pourraient tenir lieu de fondement
pour favoriser la possibilité de porter atteinte aux ouvrages publics.
Il s'agit particulièrement du facteur législatif (A)
et de l'irrésistible mouvement d'amélioration des droits
des administrés (B).
A. Le facteur législatif
Si l'administration peut se prévaloir avec
succès de la règle de l'intangibilité tant à
l'égard du juge judiciaire que du juge administratif, la règle de
non- injonction ne reste impérative que pour le juge judiciaire.
D'ailleurs, aucun texte juridique n'impose au juge administratif de limiter ses
pouvoirs à l'égard de l'administration.
En effet, l'article 3 du décret de 1888
désignait expressément et précisément les tribunaux
concernés par la prohibition des injonctions, à savoir les «
juridictions civiles »344. L'interdiction d'adresser
des injonctions à l'administration est faite au juge judiciaire dans un
contexte de séparation totale des ordres judiciaires et administratives
et de renforcement général du TA345. Le juge
administratif n'est pas alors concerné par cette interdiction.
De surcroît, l'article 3 de la loi organique n°
96-38 du 3 juin 1996, qui reprend les dispositions de l'article 3 dudit
décret, prévoit que cette
344 L'article 3 du décret beylical du 27 novembre 1888,
relatif au contentieux administratif, disposait qu'« il est interdit
aux juridictions civiles d'ordonner, (...), toutes mesures dont l'effet serait
d'entraver l'action de l'administration, (...) », JORT n° 13, 29
nov. 1888, p. 1.
345 H. MOUSSA, « L'exécution de
la chose jugée et la réforme de la justice administrative en
Tunisie », in La réforme de la justice administrative, colloque
organisé du 27 au 29 novembre 1996, FSJPS, Centre de Publication
Universitaire, 1997, p.110 ;
.67
2010
76
77
Deuxième partie : L'adaptation du principe
interdiction concerne uniquement « les tribunaux
judiciaires »346. Il est même juridiquement
légitime de penser que ce pouvoir lui est désormais implicitement
et nécessairement reconnu, dans toute la mesure où il ne lui
resterait pas interdit par le principe de séparation de la juridiction
administrative et de l'administration.
Ledit article donnait en quelque sorte une base légale
à la remise en cause du principe d'intangibilité de l'ouvrage
public déjà amorcée par la jurisprudence. Il semble que le
juge administratif, fort de ce pouvoir d'injonction, ait poursuivi le travail
de désacralisation du principe d'intangibilité de l'ouvrage
public.
Ces pouvoirs confiés au juge administratif, sont
susceptibles d'avoir une influence sur la pérennité du principe
d'intangibilité. C'est là une raison juridique qui pousse
à reconnaître au juge administratif au moins le pouvoir d'ordonner
les ouvrages irrégulièrement implantés. A ce titre, le TA
dans un arrêt datant du 2000, a considéré que le juge
administratif n'est concerné par l'interdiction du pouvoir
d'injonction347.
La règle suivant laquelle « ouvrage public mal
planté ne se détruit pas » n'est que l'application du
principe de prohibition des injonctions348. Cependant, sous
l'influence de nouveau contexte international et avec la volonté
d'assurer une plus grande égalité entre
346 L'article 3 de la loi organique n° 96-38 du 3 juin
1996, relative à la répartition des compétences entre les
tribunaux judiciaires et le tribunal administratif et à la
création d'un conseil des conflits de compétences, dispose que
« Les tribunaux judiciaires ne peuvent connaître des demandes
tendant à l'annulation des décisions administratives ou tendant
à ordonner toutes mesures de nature à entraver l'action de
l'administration ou la continuité du service public », JORT
n° 47, du 11 juin 1996, p. 1143.
347 TA., appel, aff. n° 22656 du 25 février 2004,
chef du contentieux de l'Etat agissant pour le compte du ministère de
l'agriculture c/ Ezzeddine, Rec., p. 115.
1996
38
3
1888 27
348 G. VEDEL, Droit administrative, Manuel
Thémis, 1961, p. 673 ; J. GOURDOU, « Les nouveaux
pouvoirs du juge administratif en matière d'injonction et d'astreinte
», RFDA, mars-avril 1996, p. 335.
78
Deuxième partie : L'adaptation du principe
l'administration et l'administré ainsi qu'une meilleure
protection de ce dernier, le législateur français est intervenu
à plusieurs reprises349.
L'étude du droit comparé relève que la
protection des droits des administrés et le respect de l'autorité
de la chose jugée l'emportent sur le principe de la prohibition des
injonctions à l'administration350. Les juridictions
administratives sont désormais dotées du pouvoir d'adresser des
injonctions à l'administration et du pouvoir d'astreinte lorsque la
chose jugée le nécessite351.
349 En France, la loi n° 95-125 du 8 février 1995,
accorde de nouveaux pouvoirs au juge administratif en vue d'assurer
l'exécution de ses décisions. L'article 38 de la loi
insère dans le titre II du livre II de Code des tribunaux administratifs
et des cours administratives d'appel un chapitre VIII nouveau, intitulé
« l'exécution du jugement », comprenant trois articles L.8-2,
L.8-3, L.8-4. Ainsi, afin de prévenir toute inexécution
entêtée et de désobéissance obstinée à
l'injonction adressée par la juridiction à l'une des parties au
litige, le juge peut assortir son jugement d'une astreinte. J-P. LAY,
« Faut-il mieux encadrer le pouvoir d'injonction du juge
administratif ? », RDP, n° 5, 2004, p. 1358.
350 En droit italien, se sont développées
des procédures particulièrement énergiques pour
suppléer à la carence de l'administration dont les connues sont
« les jugements d'obtempération » et « le commissaire aux
actes » pour pallier la carence de l'administration défaillante.
Ainsi, approuvés par le CE. les tribunaux administratifs
régionaux peuvent adresser à l'administration des injonctions
d'obéir par un jugement d'obtempération lorsque leurs jugements
n'étaient pas exécutés spontanément par
l'administration. De même, ils peuvent se substituer à
l'administration. En effet, le juge administratif peut désigner un
commissaire aux actes qui est chargé de prendre, au nom du C.E, les
actes ou les opérations à effectuer que l'autorité
administrative était tenue en application du jugement de se conformer
à la chose jugée. J-P. COSTA, «
L'exécution des décisions de justice», AJDA n° 1, 20
juin 1995, p. 232.
De même, l'Allemagne, qui pratique avec des
nuances le système de dualité de juridiction, admet, devant les
tribunaux administratifs, l'action tendant à l'émission d'un acte
administratif (Verpflichtungsklage) ou au prononcé d'une
injonction générale à l'administration
(Leistungsklage). M. FORMONT, « Les pouvoirs
d'injonction du juge administratif en Allemagne, Italie, Espagne et France.
Convergences », RFDA, 2002, p. 558.
En Angleterre, le juge ordinaire n'hésite pas
à imposer des obligations à l'administration, et le fonctionnaire
récalcitrant risque de se rendre coupable de contempt of court.
En revanche, il existe une vieille règle de la common law selon laquelle
aucune mesure provisoire ne peut être ordonnée contre la Couronne,
c'est-à-dire contre le gouvernement (en particulier pas de sursis
à exécution). Et on sait que, lorsque l'application de cette
règle du droit national heurte le principe de pleine efficacité
du droit communautaire, la cour de justice de Luxembourg a jugé que le
juge britannique devait écarter cette règle. P. LE MIRE,
Note sous l'arrêt de la cour du 19 juin 1990, The Queen v/
Secretary State for Transport », AJDA, 1990, p. 832.
351 M-P. MAÎTRE, « Le principe de
l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, n° 232, 1999, p.
5; F. MODERNE, « Etrangère au pouvoir du juge,
l'injonction, pourquoi le serait-elle ? », RFDA 1990, p. 799.
79
Deuxième partie : L'adaptation du principe
B. L'irrésistible mouvement
d'amélioration des droits des administrés
Face « aux aspirations sociales d'une époque
où le besoin de protection juridictionnelle ne cesse d'être plus
ressenti [il est conforme] qu'un principe comme celui qui nous occupe soit
remis en question »352. La remise en cause du principe de
l'intangibilité de l'ouvrage public « ne fut pas un coup de
tonnerre dans un ciel serein. Elle s'inscrit dans un mouvement de fond plus
général visant à améliorer les droits des
administrés face à l'administration »353 en
délimitant « clairement à l'aune des droits des citoyens
les prérogatives de la puissance publique qui s'est distinguée
par ses excès dans certains domaines »354.
Elle implique que ce passage à une nouvelle
configuration juridique est indissociable d'une série de mutations
sociales plus globales, illustrant l'avènement dans les
sociétés contemporaines d'un droit nouveau, un droit post
moderne, qui serait radicalement différent du droit
classique355. Ce droit classique qui a donné lieu à
des principes tels que le principe de l'intangibilité de l'ouvrage
public a rompu avec des principes fondamentaux du droit. C'est ainsi que «
le principe de légalité a été vidé d'une
partie de sa substance, les lois se présentant de plus en plus comme des
textes-cadre, laissant à l'administration le soin de définir les
conditions de réalisation des objectifs fixés et lui donnant un
très large pouvoir d'appréciation des situations concrètes
»356.
352 R. CHAPUS, Droit administratif,
Montchrestien, T.2, 15éme éd., 2001, p. 569.
353 C. LAVIALLE, Note sous OE., section, 29
janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et
du gaz des Alpes-Maritimes et communes de clans, RFDA, mai- juin 2003, p.
484.
354 Ch. BOUTAYEB, «
L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de
l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1490.
355 J. CHEVALLIER, « Vers un droit
post-moderne ? Les transformations de la régulation juridique »,
RDP, n° 3, 1998, p. 650.
356 J. CHEVALLIER, « Vers un droit
post-moderne ? Les transformations de la régulation juridique »,
RDP, n° 3, 1998, p. 650.
80
Deuxième partie : L'adaptation du principe
Comment, alors, eu égard à la hiérarchie
des normes, un principe jurisprudentiel, certes enraciné dans le droit
mais qui ne revêt au demeurant qu'une origine prétorienne,
pourrait-il contrevenir aux principes élémentaires
régissant le principe de légalité et le droit de la
propriété357, « droit fondamental
inhérent de l'être humain »358?
Avec le développement des principes de la
légalité et la victoire progressive des droits de l'homme, la
raison de l'Etat a reculé. Le juge administratif, chargé de
veiller au respect de la légalité359 et de la bonne
administration de la justice, est contraint à reconsidérer ses
instruments de contrôle pour les adapter au contexte sociologique. Dans
un Etat de droit, tout pouvoir doit être censuré. L'administration
ne doit pas agir d'une manière manifestement
déraisonnable360.
Aujourd'hui, le contexte juridique, social, politique et
économique a été radicalement changé. Le nouveau
contexte est caractérisé par « la montrée de
l'individualisme corrélative des droits des administrés face aux
pouvoirs publics »361. A cet égard, le
principe d'intangibilité des
357 N. ACM, « L'intangibilité de
l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être
enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1633. L'article 14 de la
constitution Tunisienne de 1959 disposait que « le droit de
propriété est garanti. Il est exercé dans les limites
prévues par la loi ». De même, l'article 41 de la
nouvelle Constitution de la République tunisienne adoptée le 26
Janvier 2014 dispose que « le droit de propriété est
garanti et ne peut lui être portée atteinte sauf dans les cas et
avec les garanties prévues par la loi ».
358 TA., arrêt n° 312668 du 15 juillet 2013,
héritières Mohamed Ben Zin c/ commune de Sousse,
inédit.
"
.
359 « Le recours pour excès du pouvoir vise
à assurer, conformément aux lois et règlements en vigueur
et aux principes généraux de droits, le respect de la
légalité par les autorités exécutives ».
L'article 5 de la loi du 1er juin 1972 relative au TA.
360 D. LABETOULLE, « Le pouvoir
discrétionnaire en matière d'urbanisme et d'interventionnisme
économique », in Cahiers de l'Institut française de Science
Administratives, n° 16, Cujas, 1978, p. 33.
361 C. LAVIALLE, Note sous OE., sect., 29
janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et
du gaz des Alpes-Maritimes et communes de clans, RFDA, mai- juin 2003, p.
485.
81
Deuxième partie : L'adaptation du principe
ouvrages publics n'a qu'à disparaître ou se
reformuler pour satisfaire les exigences de ce nouveau contexte.
Le principe d'intangibilité des ouvrages publics n'en a
pas moins besoin d'une reformulation, voire d'un rajeunissement. A cette
condition qu'elle pourra à la fois mieux s'adapter aux enjeux
économiques et sociaux contemporains, mieux s'harmoniser avec les
valeurs de la modernité et mieux répondre aux droits des
administrés.
§ 2 : L'environnement juridique européen
La CEDH a clairement manifesté sa volonté
d'assurer une protection réelle et effective du droit de
propriété, notamment dans le cadre des procédures
d'expropriation362. En matière de protection du droit de
propriété, l'apport des décisions de la CEDH implique
à moyen terme des transformations de plus en plus visibles sur le statut
d'immunité de l'ouvrage public. « L'ordre juridique
européen dans lequel évolue le droit de propriété
instaure un dynamisme appuyé à son profit, qui est en effet
susceptible de fragiliser certains fondements ou principes traditionnels du
droit interne, tel le principe de l'intangibilité
»363. Cet état du droit, certainement
stimulé par l'intérêt grandissant des justiciables à
faire valoir des moyens tirés de la convention
européenne364.
La protection du droit de propriété est
assurée par un statut supra-étatique365. En effet,
l'article premier du premier protocole additionnel à
362 M-P. MAITRE, « Le principe de
l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, 22 novembre 1999,
n° 232, p. 8.
363 Ch. BOUTAYEB, «
L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de
l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1485.
364 R. ABRAHAM, « Les incidences de la
Convention Européenne des Droits de l'Homme sur le contentieux
administratif français », RFDA, 1990, p. 1054.
365 F. SUDRE, « La protection du droit
de propriété par la Cour Européenne des Droits de l'Homme
», D, 1988, p. 71.
82
Deuxième partie : L'adaptation du principe
la CESDH garantit le respect de la propriété
privée366. La première condamnation d'un Etat sur ce
fondement est intervenue en 1982 dans l'affaire Sporrong et
Lönnroth367.
Les implications du droit européen sur le régime
de protection de la propriété privée exigent une prise de
conscience et un regard plus attentif du juge interne. Celui-ci est
appelé à élargir le contrôle de
proportionnalité dans ce domaine, qui s'exprime par la recherche d'un
« juste équilibre entre les exigences de l'intérêt
général et les impératifs de la sauvegarde des droits de
l'individu »368.
La CEDH a manifesté une volonté d'assurer une
protection réelle et effective du droit de propriété
notamment en matière des procédures
d'expropriation369. C'est ainsi que la cour a
considéré que l'expropriation du fait est « incompatible
avec le droit de propriétaire au respect de leur bien
»370. Ce constat s'est confirmé dans une affaire
mettant en cause la France et qui s'apparentait à une hypothèse
d'expropriation indirecte371.
366 À cette fin, il prévoit que « toute
personne physique ou morale a droit du respect de ses biens. Nul ne peut
être privé de sa propriété que pour cause
d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et
les principes généraux du droit international ».
367 CEDH, 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnroth,
série A, vol. 52, p. 61 ; L. SERMET, « Le
contrôle de la proportionnalité dans la Convention
Européenne des Droits de l'Homme : présentation
générale », LPA, 5 mars 2009, n° 46, p. 26 ;
A-F. ZATTARA-GROS, « Le contrôle de
proportionnalité exercé par la CEDH en matière de droit de
propriété », LPA, 5 mars 2009, n° 46, p. 32 ;
F. SUDRE, « La protection du droit de
propriété par la Cour Européenne des Droits de l'Homme
», D, 1988, p. 74 ; M. FROMONT, « Le principe de
proportionnalité », AJDA, juin 1995, p. 156.
368 CEDH, 23 septembre 1982, Sporrong et Lönnroth,
série A, vol. 52, p. 69.
369 Ainsi, l'article 6-1 de la CEDH fonde la nécessaire
remise en cause du principe d'intangibilité sur la définition qui
a été donnée au procès équitable par la cour
européenne de sauvegarde des droits de l'homme : « [elle] a
établi dans un arrêt Hornsby c/ Grèce du 19 mars 1997,
n° 18357/91, que le droit au procès équitable unifiait trois
droit particuliers ; premièrement u droit accéder à un
juge, deuxièment, un droit à un jugement respectant les garanties
de procédures que sont l'équité, la publicité et la
célérité et, enfin, un droit à l'exécution
de ce jugement, ce dernier point constituant la novation de cet arrêt
[...] ». S. BRONDEL, « Le principe
d'intangibilité de l'ouvrage public : réflexions sur une
évolution jurisprudentielle », AJDA, n° 15, 2003, p. 765.
370 CEDH, 24 juin 1993, Papamichalopoulos, DA, 1993, n°
415 ; voir aussi CEDH, 21 février 1990, Hakansson et Sturesson,
série A, n° 171.
371 R. HOSTIOU, Note sous CEDH, 21
février 1997, Guillemin c/ France, AJDA, 1977, p. 399.
83
Deuxième partie : L'adaptation du principe
A cette occasion, l'Etat français fut pour la
première fois condamné pour violation de certaines garanties
relatives à la procédure d'expropriation372. En
application de « ces dispositions supranationales », depuis
quelques années, se dessine un mouvement jurisprudentiel interne, de
plus en plus perceptible, qui tend à rendre les dispositions du droit
interne en matière de privation de propriété compatibles
avec les exigences de la CEDH.
« Ce contexte de contrainte supérieure
atténue nécessairement la portée du principe
d'intangibilité en lui ôtant son caractère
irréversible. L'exigence que prône la jurisprudence
européenne fait naître une nécessité, celle
d'intégrer des principes de dimension européenne en droit interne
»373. Par conséquent, la position du juge à
l'égard de la protection de l'ouvrage public doit aujourd'hui se pilier
aux effets de cet environnement juridique qui ne remet pas ouvertement en cause
le régime de protection spécifique de l'ouvrage public, mais
insiste sur la reconnaissance de certains droits, notamment celui de
propriété374.
372 R. HOSTIOU, Note sous CEDH, 21
février 1997, Guillemin c/ France, article précité, p.
399.
373 Ch. BOUTAYEB, «
L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de
l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1489.
374 Ch. BOUTAYEB, «
L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de
l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1490.
CONCLUSION
84
Conclusion
Faisant appel à des justifications manifestement
ambigües, il est apparu, au fil des décisions jurisprudentielles,
que le principe d'intangibilité, « principe dangereux
»375, voire « choquant »376,
était appelé à évoluer. Un auteur a ait conclu que
de « ses fondements ambigus », le principe
d'intangibilité ne peut pas « tirer une force juridique lui
conférant une portée absolue »377.
Pour continuer à exister et surtout se justifier, le principe est
contraint de traverser une mutation.
S'il était besoin de plaider en faveur de
l'intangibilité, force est de constater que le problème n'est pas
dans le principe lui-même, mais bien plus dans son utilisation assez
souvent abusive. La poursuite de l'intérêt général
ne doit jamais dispenser l'administration de respecter le droit. Les actes
administratifs justifiés par un tel intérêt n'en sont pas
moins annulés par le juge lorsqu'ils sont, par ailleurs,
irréguliers378.
Le contrôle juridictionnel de l'invocation du principe
s'est perfectionné. Il est devenu plus subtil, ainsi qu'en
témoigne l'accent mis, dans la jurisprudence, sur la confrontation
impartiale des intérêts par application de la technique du bilan.
Le juge est particulièrement attentif à garantir une conciliation
rigoureuse entre les droits des individus et les exigences de
l'intérêt général pour que celui-ci ne puisse jamais
devenir un alibi à la mystérieuse raison d'Etat379.
375 P. DUEZ et G. DEBEYRE, Traité de
droit administratif, 1952, p. 856.
376 J-P. GILLI, « L'intervention du juge
des référés en matière d'expropriation
irrégulière», JOP, 1957, I, n° 1364, p. 2.
377 J-P. MAUBLANC, Note sous OE, sect. 19
avril 1991, Epoux Denard et Epoux Martin, « La remise en cause de l'adage
« ouvrage public mal planté ne se détruit pas » »,
RFDA, 1992, p. 66.
378 M. RECIO, Note sous Cass. Civ, 30 avril
2003, Consorts X c/ Commune de Verdun-sur-Ariège, « Un palimpseste
jurisprudentiel : le principe d'intangibilité de l'ouvrage public
», LPA, n° 230, 18 novembre 2003, p. 19.
379 Ch. BOUTAYEB, «
L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de
l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1482.
85
Conclusion
Cependant, le principe d'intangibilité de l'ouvrage
public n'en est pas pour autant abandonné. On peut raisonnablement
parler d'une « tangibilité mesurée
»380 de l'ouvrage public, d'un encadrement accru de
celui-ci dans un souci de légalité et de protection du droit de
propriété privée. L'évolution du principe semble
plutôt se dessiner vers une tangibilité sous condition, en
admettant la possibilité de toucher l'ouvrage, mais moyennant le respect
d'effectuer un bilan coût-avantage.
Les principes fondateurs du droit, parmi lesquels le principe
d'intangibilité, sont amenés à s'adapter progressivement
avec les exigences de notre époque. Le droit administratif
lui-même s'est orienté vers la protection des droits des
administrés.
380 C. LAVIALLE, Note sur OE., sect., 29 janvier
2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz
des Alpes-Maritimes et communes de clans, RFDA, mai- juin 2003, p. 486.
BIBLIOGRAPHIE
86
Bibliographie
V' En langue Française :
+ Ouvrages Généraux et Traites
:
Q AUCOC (L.), Conférences sur l'Administration et
le droit administratif, T.2, 1886.
Q BEN ACHOUR (Y.), Droit administratif,
Centre de Publication Universitaire, 3éme éd.,
2010.
Q BURDEAU (M.), Libertés publiques,
2éme éd., LGDJ, 1961. Q CARPANO (E.), Etat de
droit et droits européens,
L'Harmattan, 2005.
Q CHAPUS (R.), Droit administratif général,
T.1, Montchrestien, Paris, 11ème éd., 1999.
Q CHAPUS (R.), Droit administratif général,
T.2, Montchrestien, 11éme éd., 1998.
Q CHAPUS (R.), Droit administratif général,
T.2, Montchrestien, 15ème éd., 2001.
Q CHAPUS (R.), Droit du contentieux administratif,
Montchrestien, Paris, 11ème éd., 2004.
Q CHEVALLIER (J.), L'Etat de droit, Montchrestien,
Paris, 4ème éd., 2003.
Q DE FORGES (J-M.), Droit administratif,
PUF, Paris, 6ème éd., 1991.
Q DE LAUBADERE (A.), Traité de
Droit administratif, LGDJ, 6ème éd., 1973.
87
Bibliographie
Q DE LAUBADERE (A.), VENEZIA (J-C.) et GAUDEMET
(Y.), Droit Administratif, T.1, LGDJ, Paris,
11ème éd., 1990.
Q DE LAUBADERE (A.), VENEZIA (J-C.) et GAUDEMET
(Y.), Traité de droit administratif, T.2, Paris,
10éme éd., 1992.
Q DUEZ (P.), DEBEYRE (G.), Traité
de droit administratif, 1952.
Q DUPUIT (G.), GUEDON (M-J.),
CHRETIEN (P.), Droit administratif, Armand Colin,
8éme éd., 2002.
Q LONG (M.), WEIL (P.), BRAIBANT (G.), DEVOLVE (P.) et
GENEVOIS (B), Les grands arrêts de la jurisprudence
administrative, Dalloz, 12éme éd., 1999.
Q OBERDORFF (H.), Les institutions
administratives, Armand Colin, 3ème éd., 2002.
Q ODENT (R.), Traité de contentieux
administratif, 1971.
Q PERROT (R.), Institutions Judiciaires,
Montchrestien, 10ème éd., 2002.
Q RIVERO (J.) et WALINE (J.), Droit
Administratif, Dalloz, 19ème éd., 2002.
Q VEDEL (G.), Droit administratif,
Manuel Thémis, 1961.
+ Ouvrages Spécialisés :
Q AUBY (J-M.) et BON (P.), Droit
administratif des biens, Dalloz, 1994.
Q AUBY (J-M.), BON (P.) et AUBY (J-B.),
Droit administratif des biens : domaine public et privé,
travaux
88
Bibliographie
et ouvrages publics, expropriation, Dalloz, Paris,
4éme éd., 2003.
Q BEAUREGARD-BERTHIER (O-D.), Droit
administratif des biens, Gualino éditeur, 2ème
éd.
Q DUFAU (J.), Droit des travaux publics, Presses
Universitaires de France.
Q GINOCCHIO (R.), Législation de
l'électricité, Eyrolles, Paris, 1977.
Q GODFRIN (Ph.), Droit administratif des biens :
domaine,
travaux, expropriation, Armand Colin,
5éme éd.
Q GODFRIN (Ph.), Droit administratif des biens,
Armand Colin, 6éme éd., 2001.
Q LEAMASURIER (J.), Le droit de l'expropriation,
Economica, Paris.
Q MESTRE (A.), Le Conseil d'Etat protecteur des
prérogatives de l'administration, LGDJ, Paris, 1974.
Q MORAND-DEVILLER (J.), Cours de droit administratif des
biens, Montchrestien, 3ème éd., 2003.
Q PEISER (J-G.), Droit administratif : fonction publique
de l'Etat et territoriale domaine public, expropriation, réquisitions,
travaux publics, Dalloz, 9ème éd., 1989.
Q PIQUEMAL (M.), Droit des servitudes administratives. Les
servitudes traditionnelles, Berger-Levrault, Collection «
L'administration nouvelle », Paris, 1967.
89
Bibliographie
Q PRIEUR (M.) et HENRIOT (G-C.),
Servitudes de droit public et de droit privé, Editions
du Moniteur, Collection « Actualité juridique », Paris,
1979.
Q TIMSIT (G.), Gouverner ou juger, Blasons de la
légalité, PUF, Paris, 1995.
Q TOURDIAS (M.), Le sursis à
exécution des décisions administratives, L.G.D.J, 1957.
Q VENEZIA (J.C.), Le pouvoir
discrétionnaire, LGDJ, Paris, 1958.
Q WALINE (M.), Le contrôle juridictionnel de
l'administration, Le Caire, 1949.
+ Thèses :
Q BEN SALAH (H.), La justice
administrative au Maghreb, (étude comparé des systèmes de
contrôle juridictionnel de l'administration au Maroc, en Algérie
et en Tunisie), Thèse pour le Doctorat en Droit, FDSP de Tunis,
1979.
Q SAYARI (M.), Les servitudes administratives,
thèse pour l'obtention du doctorat en droit public, FSJPS, Tunis,
2005-2006,Tunis, 2005-2006,
+ Articles et Chroniques :
Q ABRAHAM (R.), « Les incidences de la Convention
européenne des droits de l'homme sur le contentieux
administratif français », RFDA, 1990, p. 1054.
90
Bibliographie
Q ACH (N.), « L'intangibilité de l'ouvrage public,
un principe ébranlé mais loin d'être enterré »,
RDP, n° 6, 2003, p. 1633.
Q AUBY (J-M.), « L'ouvrage public », CJEG, 1961,
p.535.
Q AUBY (J-M.), « L'ouvrage public, le régime
juridique », CJEG, 1962, p. 1.
Q AUBY (J-M.), « Servitudes administratives », JCA,
Fasc. 390, 1952, n° 12.
Q BAHIA (M.), « Le sursis à exécution des
décisions administratives à travers la jurisprudence du Tribunal
Administratif », In L'oeuvre du Tribunal Administratif Tunisien, ouvrage
collectif réalisé sous la direction de M. Sadok BELAÏD,
CERP, Tunis, 1990, p. 491.
Q BANDRAL (M.), « L'action en justice, droit fondamental
», in Mél. R. PERROT, Nouveaux juges,
nouveaux pouvoirs ?, Dalloz, Paris, 1995, p. 1.
Q BEN ACHOUR (Y.), « Les conséquences de
l'annulation juridictionnelle d'une décision administrative », in
L'oeuvre jurisprudentielle du tribunal administratif Tunisien, ouvrage
collectif réalisé sous la direction de M. Sadok BELAÏD,
CERP, Tunis, 1990, p. 506.
Q BEN AÏSSA (M-S.), « Le Décret Beylical du
27 novembre 1888 et le principe de la séparation des autorités
administratives et judiciaires », in Le Centenaire du décret
Beylical du 27 novembre 1888 et le Contentieux Administratif, Colloque
organisé les 28-29 et 30 novembre 1988 par l'Association Tunisienne
des
91
Bibliographie
Sciences Administratives avec le Concours des Services
Culturels de l'Ambassade de France, CERP, 1988, p. 54.
Q BEN HAMMED (F.), « L'expropriation
pour cause d'utilité publique à travers la jurisprudence du
tribunal administratif » in L'oeuvre jurisprudentielle du tribunal
administratif tunisien, ouvrage collectif réalisé sous la
direction de M. Sadok BELAÏD, CERP, Tunis, 1990, p. 452.
Q BLAEVOET (Ch.), « De l'intangibilité des
ouvrages publics », D, 1965, p. 42.
Q BOUTAYEB (Ch.), «
L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de
l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1447.
Q BOUYSSOU (S.), « L'indemnisation des servitudes
d'utilité public », Droit et ville, 1990, n° 3, p. 124
Q BRONDEL (S.), « Le principe d'intangibilité de
l'ouvrage public : réflexions sur une évolution jurisprudentielle
», AJDA, n° 15, 2003, p. 761.
Q CAPITANT (R.), « La double notion de travail public
», RDP, 1929.
Q CHAPUS (R.), « Rapport de synthèse », in
Actes du Colloque du 30ème anniversaire des tribunaux
administratifs, CNRS, 1986, p.
Q CHEVALLIER (J.), « L'interdiction pour
le juge administratif de faire acte d'administrateur », AJDA, 1972, T.28,
p. 67.
92
Bibliographie
Q CHEVALLIER (J.), « La dimension
symbolique du principe de légalité », RDP, 1990, p. 1664.
Q CHEVALLIER (J.), « Vers un droit
post-moderne ? Les transformations de la régulation juridique »,
RDP, n° 3, 1998, p. 649.
Q CHIFFLOT (N.), « Les prérogatives de puissance
publique, une proposition de définition », in La puissance
publique, actes de colloque organisé du 22 au 24 juin 2011 par
l'association française pour la recherche en droit administratif
à la faculté de droit de l'université Pierre Mendés
France de Grenoble II, Lexis Nexis, Paris, 2012.
Q COSTA (J-P.), « L'exécution des
décisions de justice », AJDA n° 1, 20 juin 1995, p.
227.
Q DE BIEUSSES (S.), « Le statut des
aisances et des
servitudes », AJDA n° 6, 20 juin 1992, p. 397.
Q DEBBASCH (Ch.), « Le droit administratif, droit
dérogatoire au droit commun ? », in Droit administratif,
Mél. René CHAPUS, Montchrestien, Paris, 1992, p. 127.
Q DI QUAL (L.), « Une manifestation de
la désagrégation du droit de propriété : La
règle "ouvrage public mal planté ne se détruit pas"
», JCP, 1964, I, fasc. n° 1852.
Q DRAGO (R.), « La procédure de
référé devant le Conseil d'Etat », RDP, 1953, p.
84.
Q DRAGO (R.), « L'exception
d'illégalité devant les tribunaux judiciaires en Tunisie »,
RTD, 1954, p. 2.
93
Bibliographie
Q FENDRI (K.), « Recours pour excès de pouvoir,
temps et bonne administration de la justice », actes de colloque sur :
l'évolution contrastée du recours pour excès du pouvoir,
Sfax, les 4 et 5 avril 2008, Imprimerie officielle de la République
Tunisienne, 2010, p. 25.
Q FERCHICHI (W.), « La responsabilité
administrative en matière de construction : L'embarras des
régimes juridiques », RTAP, n° 35, 2003, 1er
semestre, p. 59.
Q FORMONT (M.), « Les pouvoirs d'injonction du juge
administratif en Allemagne, Italie, Espagne et France. Convergences »,
RFDA, 2002, p. 558.
Q FROMONT (M.), « Le principe de proportionnalité
», AJDA, juin 1995, p. 156.
Q GAUDEMET (Y.), « Bien public, bien
commun », in Mél. en l'honneur de Etienne FATÔME, 2011,
Dalloz, p. 154.
Q GAUDEMET (Y.), « Les procédures
d'urgences dans le contentieux administratif », RFDA, 1988, p. 22.
Q GAUDEMET (Y.), « Réflexion sur l'injonction dans
le contentieux administratif » », in Mèl. Georges BURDEAU
« Le Pouvoir », LGDJ, Paris, 1977, p. 805.
Q GILBERT (S.), « L'expropriation pour cause
d'utilité publique », AJDA, février 2010, p. 113.
Q GILLI (J-P.), « L'intervention du juge
des référés en matière d'expropriation
irrégulière», JCP, 1957, I, n° 1364, p. 1.
94
Bibliographie
Q GONOD, « Le règlement non contentieux des
litiges ; les recours administratifs », Cahiers de la fonction publique,
avril 2005, p.4.
Q GOURDOU (J.), « Les nouveaux pouvoirs
du juge administratif en matière d'injonction et d'astreinte »,
RFDA, mars-avril 1996, p. 333.
Q GUETTIER (C.), « Exécution des jugements »,
JCA, fasc. n° 112, 1995, p. 22.
Q HOSTIOU (R.), « La Cour Européenne des Droits de
l'Homme condamne la théorie de l'expropriation indirecte », AJDA, 6
février 2006, p. 225.
Q JENAYAH (R.), « Le sursis à
l'exécution des décisions administratives en Tunisie », RTD,
n° 1, 1977, p. 59.
Q LABETOULLE (D.), « Le pouvoir discrétionnaire en
matière d'urbanisme et d'interventionnisme économique », in
Cahiers de l'Institut française de Science Administratives, Cahier
n° 16, Cujas, 1978, p. 33.
Q LACHAUME (J-F.) et PAULIAT (H.), « Le
droit de propriété est-il encore un droit fondamental ? »,
in Droit et politique à la croisée des cultures, Mélanges
offerts à Philippe ARDANT, LGDJ, p. 373.
Q LADHARI (M.), « Le Tribunal administratif de la
République Tunisienne », RTD, 1974, p. 159.
Q LAKHDHAR (M.), « La protection de la
propriété privée immobilière par le Tribunal
Administratif », RTD, 1983, p. 235.
95
Bibliographie
Q LAKHDHAR (M.), « Le droit à la
légalité administrative », Etudes juridique, 1993-1994, p.
9.
Q LARGUET (L.), « L'exécution des décisions
du juge administratif », in La justice administrative, colloque
organisé le 6-7 décembre 1996, Collection des colloques des
juristes n° 6, faculté du droit et sciences politiques de Tunis,
Tunis, 1996, p. 153.
Q LAUCCHINI (L.), « Le fonctionnement de l'ouvrage public
», AJDA, 1964, p. 357.
Q LAVIALLE (C.), « Expropriation et dépossession
», RFDA, n° 6, novembre-décembre 2001, p. 1998.
Q LAY (J-P.), « Faut-il mieux encadrer
le pouvoir d'injonction du juge administratif ? », RDP, n° 5, 2004,
p. 1355.
Q LE BERRE (J-M.), « Les pouvoirs
d'injonction et d'astreinte du juge judicaire à l'égard de
l'administration », AJDA, 1979, p. 14.
Q LEMASURIER (J.), « Vers un nouveau principe
général du droit ? Le principe « Bilan- Coût-avantages
», in Le juge et le droit public, Mél. offertes à Marcel
WALINE, T.2, Paris, juillet 1974, p. 551.
Q LIET-VEAUX (G.), « Servitudes administratives,
théorie générale », JCA, fasc. 390.
Q MAITRE (M-P.), « Le principe de
l'intangibilité de l'ouvrage public », LPA, 22 novembre 1999,
n° 232, p. 5.
96
Bibliographie
Q MEKACHER (N.), « Le Tribunal administratif et le droit
de propriété », Etudes juridiques, 1993-1994, p. 91.
Q MELLERAY (F.), « Incertitudes sur la notion d'ouvrage
public », AJDA, 4 juillet 2005, p. 1376.
Q MODERNE (F.), « Etrangère au pouvoir du juge,
l'injonction, pourquoi le serait-elle ? », RFDA 1990, p. 797.
Q MOUSSA (H.), « L'exécution de la chose
jugée et la réforme de la justice administrative en Tunisie
», in La réforme de la justice administrative, colloque
organisé du 27 au 29 novembre 1996, FSJPS, Centre de Publication
Universitaire, 1997, p. 59.
Q MOUSSA (M-E-F.), « Les mesures d'urgence en
matière administrative», in Le Centenaire du décret Beylical
du 27 novembre 1888 et le Contentieux Administratif, Colloque organisé
les 28-29-30 novembre 1988 par l'Association Tunisienne des Sciences
Administratives avec le Concours des Services Culturels de l'Ambassade de
France, CERP, 1988, p. 135.
Q NOEL (G.), « La démolition d'un ouvrage public
mal implanté peut être ordonnée », JCP, 2003, n°
28, p. 1313.
Q PEISER (G.), « Le développement de l'application
du principe de légalité dans la jurisprudence du Conseil d'Etat
», in Droit administratif, Mél. René CHAPUS, Montchrestien,
Paris, 1992, p. 517.
97
Bibliographie
Q PIERRÈ-CAPS (S.), « La notion d'ouvrages publics
tendances de la jurisprudence récente », RDP, n° 6, novembre-
décembre 1938, p. 1671.
Q QUIOT (G.), « Emprise », JCA, Fasc. 1050, 5 juillet
2009.
Q RIVERO (J.), « Le huron au palais royal, ou
réflexions naïves sur le recours pour excès de pouvoir
», Revue Dalloz, 1962, Chronique IV, p. 37.
Q RIVERO (J.), « Le système français de
protection des citoyens contre l'arbitraire administratif à
l'épreuve des faits », in Mél. Jean DABIN, Sirey, T. II,
1963, p. 810.
Q RIVERO (J.), « Le juge administratif gardien de la
légalité administrative ou gardien administratif de la
légalité », in Le juge et le droit public, mél.
offerts à Marcel WALINE, T.2, Paris, juillet 1974, p. 701.
Q SABLIÈRE (P.), Note sous Tribunal des conflits, 6 mai
2002, M. et Mme Binet c/ Electricité de France, AJDA n° 19, 18
novembre 2002, p. 1229.
Q SERMET (L.), « Le contrôle de la
proportionnalité dans la Convention Européenne des Droits de
l'Homme : présentation générale », LPA, 5 mars 2009,
n° 46, p. 26.
Q SUDRE (F.), « La protection du droit de
propriété par la cour européenne des droits de l'homme
», D, 1988, p. 71.
Q TEKARI (B.), « L'exécution contre
l'administration », RTD, 1984, p. 359.
Q TIFINE (P.), « Expropriation », JCA, Fasc. 10, 24
octobre 2010.
98
Bibliographie
Q VIGROUX-ÈCHÈGUT (M.), «
L'injonction de travaux prononcée contre l'administration », LPA,
n° 75, 14 avril 2000, p. 4.
Q VITRY (J-C.), « Le contrôle des
opérations d'utilité publique », G.P, 1975, p. 23.
Q ZATTARA-GROS (A-F.), « Le contrôle
de
proportionnalité exercé par la CEDH en
matière de droit
de propriété », LPA, 5 mars 2009, n° 46,
p. 32
+ Conclusions et Notes de Jurisprudences :
· BAILLEUL (D.), Note sous CE., 13 février 2009,
Communauté de communes du canton de Saint-Malo de la Lande, «
L'ouvrage public : de l'intangibilité de droit à
l'intangibilité de fait », AJDA, du 25 mai 2009, p. 1057.
· BERNARD (A.), Concl. sur CE., 26 Octobre 1973,
Grassin, AJDA, 1974, p. 34.
· BOCKEL (A.), Note sous CE., 4 mai 1979,
Département de la Savoie, AJDA, 979, p. 38.
· BOITEAU (C.), Note sous cour de cassation,
assemblée plénière, 6 janvier 1994, Consorts Baudon de
money c/ Electricité de France, « Les avatars de l'expropriation
dite « indirecte » », RFDA, n° 10, novembre-décembre
1994, p. 1121.
· BOUGHRAB (J.), Conclusions sur CE., 29 janvier 2003,
Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des
Alpes-Maritimes et Commune de Clans, « La relecture du
99
Bibliographie
principe d'intangibilité des ouvrages publics »,
LPA, n° 101, 2003, p. 4.
· CAVARROC (R.), Note sous Cass. Civ, 27 février
1950, JCP, II, 5517.
· CHARRET (J.) et DELIANCOURT (S.),
Note sous CE., 29 janvier 2003, Syndicat interdépartemental de
l'électricité et du gaz des Alpes-Maritimes et commune de Clans
c/ Mme Gasiglia, « Une victoire à la Pyrrhus du droit de
propriété sur le principe d'intangibilité de l'ouvrage
public », LPA, n° 113, 6 juin 2003, p. 20.
· DUPLAT (J.), Concl. sur TC, 6 mai 2002, M et
Mme Binet c/ EDF, JCP G 2002, II, 10170, p. 1966.
· GENEVOIS (B.), Note sous TC, 6 mai 2002, JCP G 2002,
II, 10170.
· GUYOMAR (M.), Concl. sur CE., ass.,avis cont., 29
avril 2010, M. et Mme Béligaud », RFDA, mai- juin 2010, p. 557.
· GUYOMAR (M.), Concl. sur Tribunal des Conflits, 12
avril 2010, Electricité réseau distribution de France c/ Michel,
« Ouvrage public et service public de l'électricité »,
RFDA mai- juin 2010, p. 551.
· HEUMANN, Concl. sous CE., du 26 octobre 1962, Olivier,
RDP, 1963, p. 79.
· HOSTIOU (R.), Note sous Cass.Ass. Plén., 6
janvier 1994, Consorts Baudon de Money c/ EDF, AJDA, 20 avril 1994, p. 339.
100
Bibliographie
· HOSTIOU (R.), Note sous CEDH, 21 février 1997,
Guillemin c/ France, AJDA, 1977, p. 399
· Josse, Conclusions sur CE., 30 mai 1930, Rec., p.
583.
· LABETOULLE (D.), Concl.sur CE., 10 mars 1978, Office
public d'habitations à loyer modéré de la ville de Nancy,
AJDA, 1978, p. 73.
· LAVIALLE (C.), Note sous CE., section, 29 janvier
2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz
des Alpes-Maritimes et communes de clans, RFDA, mai- juin 2003, p. 484.
· LINTON (D.) et ROUVILLOIS, Note sous CE., Ass., 28
mars 1997, Association contre le projet de l'autoroute transchablaisienne,
RFDA, 1997, p. 740.
· MANSON (C.), Note sous CE., sect., 14 octobre 2011,
n° 320371, Cne de Valmeinier et syndicat mixte des Islettes, « Coup
d'arrêt aux implantations irrégulières d'ouvrages publics?
», JCP A, n° 48, 28 novembre 2011, p. 1.
· MAUBLANC (J-P.), Note sous CE., 19 avril 1991, Epoux
Denard, Epoux Martin, « La fin d'un mythe « ouvrage public mal
planté ne se détruit pas ? », RFDA, n° 8, janvier-
février 1992, p. 65.
· MAUGÜÉ (C.), Concl. sur CE., 29 janvier
2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz
des Alpes-Maritimes et Commune de Clans, « La tangibilité de
l'ouvrage public », RFDA, 2003, p. 477.
101
Bibliographie
· MESTRE (A.), Note sous cour de cassation, civ. 28
janvier 1924, S. 1924, I, p. 288.
· RECIO (M.), Note sous Cass. Civ. 3e, 30
avril 2003, Consorts X c/ Commune de Verdun-sur-Ariège, « Un
palimpseste jurisprudentiel : le principe d'intangibilité de l'ouvrage
public », LPA, n° 230, 18 novembre 2003, p. 18.
· ROUAULT (M-C.), Note sous CE., 19 avril 1991,
Époux Denard, Époux Martin, JCP, 1992, n° 21804.
· STIRN (B.), Concl. sur CE, 15 février 1989,
Dechaume, RFDA, 1990.
· TEBOUL (G.), Note sous CE., 19 avril 1991, Epoux
Denard, Epoux Martin, AJDA, 1991, p. 563.
· TOUTÈE (H.), Concl. sur CE., 19 avril 1991,
Epoux Denard, Epoux Martin, « La remise en cause de l'adage « ouvrage
public mal planté ne se détruit pas » », RFDA, n°
8, janvier- février 1992, p. 59.
· WALINE (M.), Note sous CE, 23 janvier 1970, Ministre
d'Etat chargé des Affaires Sociales c/ Sieur AMOROS et autres, RDP,
1970, p. 1035.
· WALINE (M.), Note sous CE, ass., 28 mai 1971, Ministre
de l'Équipement et du Logement c/ Fédération de
défense des personnes concernées par le projet actuellement
dénommé, RDP, n° 2, 1972, p. 454.
102
Bibliographie
+ Travaux préparatoires :
· Travaux de l'Assemblée Constituante, Rapport
Général de Mr. Ali BELHOUANE, débats de l'Assemblée
Constituante, séance du 6 novembre 1958, JORT du 19 novembre 1958,
n° 8, p. 196.
+ Etudes et Rapports :
· Conseil d'Etat, Rapport public 1999,
L'intérêt général, EDCE., n° 50.
+ Dictionnaires :
· CORNU (G.), Vocabulaire juridique, P.U.F., Paris,
2ème édition, 1990.
Bibliographie
:qíiÑÚJI
qAJJLi
· :.
Q
Q
2006
2005
Q
.1999
Q
.1 67
2006 19
.35 .
2010
Q
Q
· :.
75
2010
103
Bibliographie
1996 76
212
?
104
ANNEXES
105
Annexes
.111 .lit
|
7;;;:....... \
rt:-_''.1,::t.:
tf-j;,:}
|
|
1'13000 :
2010 8
|
u)..koi
:, ru ~Li1i
Lg~â · J;LS.11
4.0,111 sL1 :;A:.,%11 4:4U
(,`55 1 aa-i`51.c.
c4- y 20 zap J1J39., c+
;LA:1 .))1 ;)5., s - j 0. j i1
J~Lf JV ~ iI L~.IT.\Î --
cyr 5'
A rD Lou c ;UJI °'`~ L 0141 )?'J ,~)A y
:>~.b131 a.~,1 --
3Atii (i) f,J1 ô,LI- .
45 3-Lc' `L:2--<-4
cÿ ,; ~SL11
p;_01 &c2e c
cu &31 j 1 /1 3000. J ,, 2004 1
.,c)4
s · 01,11 Jl: ;15"
..ii `J1 S'.i
v~~LR11 c 1992
106
Annexes
Jr j' ,.x.a~ â .â~l °.;
Çl:.`Î C 11 ,List)
~~~ ,~~ · btu.. 2250 ~w ,s~i
.;;J-L41,1) 1994 sL. 25 ,L.
,]LaJi L~.S.r ,_ }r, ~ta1ti `.. ~1 a,l~ 'I 4 1
~1. ·l ,IyJ ~11~ L. `v,t~11 `,~; ,Li J1
` 1999 24 ,tJ
ru !1. .23307 4 2001 ,~, i 19 ,E
,u-z,1,1-101 ~9 j 2~'i 3L. I ~.1~,c
~,.a~.â.1 Çi a;-)k..; J')'I L+lô
1.~.~ ·I;ils , L ~1..Q:.f1.., 1.?..).!
A tA ' - rI U 1,_(;.1 f 1992
Q1000,000) j 5,.~+.I , ,11 f L. yt ( · ]500,000) ~....k1
14 31
ë~. ~L ~~I f 4.11â11 ~c~ Jsl 4 Q, f
lL j Jil ë~.l · Jip ,V1
Jw
'
l t~ '1/431 j 2004 31 ,t7, DL'.1
,~;; J~i y â. ~,11 1 ~ ;t
a --,J1 1 ~.u~ Dt:âi ôl
a, · Ji ~,c iii ~1;~ i 11V ! p, ~ .tr
yy y
4.;' I C Î tiT ~~ ~1+ :~:]
4;"~ -~ J' cJ~ ô],~ .~],~ ;,S jt a1i )~
,~ ,4:as ~' ~;Lsl ~I fSl JÎ tvS t i1 .x;:,.V s11 :~.;;L~f1
~A~sI 51.4 LoS 44,sz
:J1 tbsL.t. · JI J ot.,11 a
,-.7A 78, 51 ,~. ~ D],I~SI a.ov-~ rt
~+ ~;1 L t j ,,s,l.vi
a l · J> 4,5.,E
·41;~, A.41,11 a1 ,~s: i ;: ,+ ,ÿ- J'
v`JI ~ ~'+ ~UlS.1
tem- r,} .11 ~~'+ J]t,~, ~ - 4~I,F Lsis. Jy J s~ ..:<_ç
~~~ 4,i j")Uc--,1
AAR11 a,, t ~s,ot1 LI~;;~'i vi -' rt ~ W
La),I-Li;
,315.
Ir JA4 JS;L+
.ëL.L ë f) `.5.:010 vLn;Î
ÇLii ()8OO,000)_ Ls
43J1i 2005 8 4=-1,1.1 ;yu
ÿ
10 t-)L`' .);-4 aA.. a11 ,., ~J Lïl)
â ,l; 0..;S · ,t~+rxi L~V 4 , · j1 2
L
J 1 v - 4 22 j-0A, ~L~ : 1 ;met ~1 ; ~L.,~i
..:~, ~, 1917 Lï~i1pail 4
-.~S.I dS I J+ .c ~LQ+ ~.,1:11 I.~.e :~.T ~4
107
Annexes
az 31c. i i ii ~ I )1
~11a1;114 Ii.51P3 Ya,11 78j 51 11 1
:S I J1 I oS a. - ÿ ~ âi y al.c i'
...LI ,Lïnil JSI~.WI ,. JL.)-I
~5~1 .Ç . L · âri s_,L 1
,L,11 . -~- 1~.;.1sf Ji . ~1.:.:i 1+e5 ;< 441:-
sx.i
4.I)4 1+,1,
LI:r 1.)74 sl v ,L.; °I
1,,â; Ji .mei "t ~4~ 2009 y?,51 29
3i I,l:;.,,1 ii.AL7 e11 1, ~ z, ; r 4,
jtik i
Y tiy atiL
s4 1 ~lSi J! ust-iY
çLr 2009 3 to:, ,1 d.;ti = I I 0.1.y
908 a.<7...11 44i v f.,a;S
.14 ârL..J1 J 1rrj'1 , ? cl-* L. Lis) a;l
1nd. f 1,:. 2250 : 1._1.1 ,r,~;~ ~ ~~ :1~ ~ r`III Y _ L.y.
y.
r W 1 ~,,~il J! J J . L~lc JP.x1.1 ~S,~JI 1
g :~° ~ ~ i JJ y10aé,: 1 i
)1_, JAS. 3I ,L,15 z
j-`) Lii 1 )L.:PL :01 LO
L3.7.4 -7s
-411233 .1..11 ~. 'j 1+.1c .l';I
~ J
6,0o,YI
ÿ1S ô,iS.i.;.1
1.) ,Jail y i.1_2
,1:--? aL1,1 Jÿ1 J3+.;=-. ·'' i31
;15-,..'.11 `..~1; a ra;i11 ~,fs3I ,G
CAI/~'1
908 ~~ ~,' ,~ ~1;t:~.11 :,rL..,11 ~i ~ ~ t Çtr 12009 ,L L
17
ti-L, s ç 1S .~11 c.;,. Y a;;
c. 7)W1 , L.: } y 1 aQ..1 g, ` , Lal~ ·
tem, . I,. a
11 'j j Lai:,v Lsy i-44
4.33i) 2009 21 ~ 4p.1;41~
t$.1~ts ~1~14 Ju.14 aSr .1i =1)t,
a.;4
108
Annexes
s Jl,,il L~ JL :L,11.13 ~~1,11; :v-~lij! JI
j: ~} â4;111 ;~Lcl~,, ~t~!I ,}L~;I ,~ ·
~rl.a~iL
w,a ~,,. 908 (.27.000,000) .
'3u1.! 1.6-; 2009 L.- J 1992
.3 nh 11 .11>} r1 ç Li.: rl a i i
· ~s; LEL ; I JIJ 1 ~) a i,;;_;_--
alp
L5k1c, 1 Jo J
cal» âl.4
L.
1972 Jim 1972 i 40 s`` t_y,10)1
-;
63
JJ :1111 La Î., di L.:11)
4sz;,;14 vy.4 3I âiT :c; 4_)1z 1
2009 12 j tsp2009
4 .,.1-4,3,1 j1.1 â~..l~ a;;Lïil
âv L I slrJ:..~1 l..v L. , 00ô'14
L L ~tiCl .; ~ I~,,r.i ~ll; .I J i.!
L.6;2010su
oy. j.Qrÿ'I
j ~4141 ~,I .I) âr~liS1 üi1;i ~9~
`J..141 ,~1Gi,.y ; ~Si L;A.<!.1 â::t
cair 3 ~-C»+;, ô ~.ac u ~I.,.j'I v .3lr;ijl
;"1:..A'1
2010 3$1.- 8 ,,, , -L ~,.,~5,i à ~;1
! s1
*AS 4a1
L
:1
: â.G j 14;
;1.. ,11 ÿ ; 4111 js'1 ~.:=-.~~
,ô,1, aSr;,1, ?.1)1 1,
sycJii~-
1âi a 4 uil ~u-~1,i.11 s I â zi ...uf .~lt
l ^ LtJI L; 1 n. ~.1,c :1L 4,1 AS r , ;i -
^ J J J J JJ V J ~~ ~ V ~/ c J li
jr. 1 ·01 ;;.4 a F ; I JL !I L 1
ÿ ce.).11 Jl~~r ~.;:; .Ja,
â ·1;s s1~L
109
Annexes
J1 L · 4S.aïtï Jk.a, ç~L:.~yl
·y yil.i 114,0411 2_,S0.1 â. ·..Ûi .41;1'
-
v l ·~ ' c 2 i u ~,~;1 jI f,a '1
â.... xl ~LR. ~tl 4r. v a.29-R" JS
a.;.:.;
iÎl"Aj'1 4~J.ï Sj 2' J LLL+r. 'I ~9-
j
;~,I ai J,I sL`: yl
v, ·... i . i~1cr.izii ,_;1.12,1 ,
IJor
Lc.) 3;.,+,`.:4
~:.. ·L"+ j Ij,{1 ~Li~ 1 J:,
~lar SI *L211 ,,391J' J5Iie:.. y JJI
âs1.:,1!
')....? C IL l-I. ~!s''1 4J 1 cvl:
-Lal4 sIS,L L+ss )); oLU
,2_117
. ,fe l a.~rl a:;~11 Lg.ic A~,I n5" I OJ~La1 ~.3~SI
J74-I
1+,4' 3 1 ')yt V 4 '11-'1 J1
441)1 4-5.9 11
j L aLsi 535.) ~~ y a~ijJ IrL
. X11.. ·11
t9}-~ ~1 ~yJl vl M11 iI) UY)'I Ll4
4;3_2 J1 4 ? y
,)1).-41:111 Lucû t1`i1
Lb ..f25"). 36 J c,!_n 3.p
31 c .,1 As.151~.~' ~,La ~,:-- a °s~S1
I~1
j.p:_...SA vljLâ,.SI c ~ â
511~a I1 Jij.,-tD
(4J 4.1)1 cs.J.p.-04 ,~~} LJ~,
&4 j :st,Q:s 'I as I L.,,21.;
5--piLLI~1°L-~~ y°-r' ` .~"~I JLaA3I
~ i +:r° c~La~,r ~t i.+~``r ~?
6.401...411 4.4t)1 vt9G`li1 mar'
N j9'J J')UL....,Y f~ll n~.:,11 i~Sl `1 ~c~ Lil Li
-a
. ~I ~'1L a_! L~~~, ~L~ ~JL~1 ~~1 , ~1 J
a~-~L~Si o)I~ J
J.,- 0 41jaS1 uLGI,
L:.4, ~ .'/F- ~!,r ~. 9082--L,
;~ I J. 41,4 jr YL5.. (. a27.000,000)
~~>
j.41 . L.V )1 1-1.1 j 1. ~ 20092.--- it 1992
110
Annexes
f;. 4111 ,Lïeil
a:l 0.2.C6 ;~U 4,1p
J{ LL-J 1;L i .t . ~. · ô3
va, j S,P.A}1 ~I J ïwlï ,tic . · ~5 .41 v l :.:
·~
.I ~V1 â~ vU3l ~ .{1
1S.ir ~. LoS arca 1+.s.
si~â11, ~~,1141 n.ol -I ~LSrj'I ~I LI~ .1111
~}?;lili ~1 s 1 ,yAbLijaLW SiLas" 4)1
,1 L#177;,ic ~ 1 ~~11 .o~'l ,~Slll
,jÎ taatc · ;1 a1a4,1 r 78j 51
â-411c ` ,j3-4-;.1 aL-(s ~~ a.,;11,1
,~lie;..1 AAA,- ~ é, n, ·1 JA4
â.11121.1 a1 `;s:
c531 'l ÿ JAL;
J,,W ,LEL a,?, · "ir1 ~, ~L.~'I II,t,
Lsik ol 41 `~9'~ ~~ ~' â.:ô~t f
~! ` ;lj ~.,91â1
.4c1;:j' I j ; 4 ô)1St
L.P
U , l~lr ~, · :~:,1 ,lw..:i1.L~{ â .~ · J1
1~.;c ~:I QS ' !1 u :~sa ll L'56:- -~
Li1 L ti!'La -11:.V sl .:,. ôa
.5;11 ;4;W :I L,S ,t,:rÿ'1 str
c,l,c..; a.c,),..'..* i.,24
;45-71j1 s a.i
;15-
,..t3 ,~' û
ô.i~`1s4 â~y~si!
~,~~ i.y
,aL.al1 Sa
~1 ),..4-1 11) :4)1.)y
3i till,01~~ ~ ~' 1,11 sl~ ~, ,;;1 ;1a41 ~,41.aJ
4p.63 .1,.~> `1`` :1 t.,S
, 1;Lâ41 La,lb! .Qi41 ~ 3i o.ü,4s j1
Si
~?' ~.'~~{ ;.Üt · l vTsr, " a;V
ç,1S 111 ài { L f 51 j
`IS ~ `.JLa.,
Lçai q:S.Lc 8_,-;23 a)
~I L5 â..1 1 .,~t.rr J,:L ·I !
~I xà · j ) ~âi:l 4J L 4 ~. ~!
rap :;1 a 4 " ,61 .41 â; 78 j.1 I
--?j
J' ~li:iÿl j ,I) _;WDL,aS ~.Q.r,:11
4a,ÿ°I1U
aj~_G3 ~.~ J1S.4~1 S3L .0 ~t yl - A1.41
.,IA j.t. 76 j.r,;çt, ôa Lsl
,,;Ls,y1
Jl~ 111-4-1 + ,3 j j1.~ryl L' Li) / Ji
'42
111
Annexes
' t--G o) ~+ j 1 ,,r ; U.~.~.s
0.S ex.,- à+{lG
11~1 ~4~ ~Lf Li.sat.4L
1SJ.45 ~,-- ~~:.~ mei.. · ......~- .1; â.l ;~1i
;)43 ~ ,i,o ;;i
. Lnj Jl,l aÛ:_.:,,I
jSkj â-;I il
>171 .AR,
â1ri~:.1,1
IJÿI Aft; 11 1,11 ~Î
.,Iy,., )% t j 1 JLO j,; 1.Z1
,,._1112.ji i.e.ii ~Suÿ a;li j..i a5 ë.1' ~:,;IS 4-0
...~ J1)11
t1 J 31..1,1,11,
Jos 1_,- y ~tsI 78 , 51 , 1-,~ s41 L~, i :)
iJlâi,w y `yJ 1i1
c.,!..,.,ai.14 ~71 i~~ ~9a~iV . ~ylrr
â4{,t L.li.i y ii .
31i;}y1 ~r t c ~,4 âjr'f ~k~l · l{ .Sl
vyL~-I, c,
4.1.01 SlrI J ç f ~, Li:441 C.
JJ
)1101 4,11,. JL.:
-t.1 j1.4-1 à.àL.41p 3.44 `J
l · y%)
4 rLi J f 4y ~ I ~Jb ,4 45,11
sasl L T 0aJty'1
Ç1. jlziyL,
1.. °r*) ~^' t$..c .7111 657:;.Sf -AU JÎ
.IR, 4.,4 ~yl~,.l cf. 4y111 JlA r
ff y ~ l é " " _ w c;, . ~ 1 i ,. J L. 4 â . l i ~
} 1 ~ c ô ~ 1 o .:L b
JL. ~ l Ic JI r cL ï11 ~J 44p. j j.--1,1
1ù11 â o~ f 4 1 L
,Sgc 1~ e4i tq. j JLaR11Lçips 11 ~ca
JU j~, ar1,14 a:ai1 J
a171~e .1 ~, · a1 n~r1,.i1 &Lai j ~f
1 ~° AAA).-
A°
112
Annexes
J1jjf . "., U.0 ,1.11.14 '5Ls `
,T1
S'! ls L."11 ! ~. ~~i Li. °S" r'
)as=. 1 -"1;ii 4P-111 1
a. J, %11 44 cLj/ ! 908-- i
J,.:~! tx.):5 v-V... j)u:...l · a;tt
p
Ji;
â,1fy 31 L. 1,1... )L.)
âL....~J f1 c1;,44 La - ;I 1
· -a
.c.S,P.1.31q rl i1! tuu;
(s27.000,000) ;,~.}-41,~ _1,,.1 ~;~:
a.41,it11 ~L.. I a,c. a~w ~j1 ~ ·~I ~1 ~'I
,r..4L jUj
18 1.~_.c ,~ a:11 `,,,. jL.}.I 12
3)13 j 4 ô3 j.a1! ,L.Lcl j L~I V ~4)i
ah, a;V.? 0_11,4 "31--s-
113.;,1
',sL)j, JU ot 1 ~9'~ ~:3`~ .j' n li~1
âS SV~ â 4~l ~1r 1'
`,L j! 1992 j ~ mos! ~~ ,L ..11.1;.i=Ui (.
I8.000.000)
4U:4. a:~ Ji < ~rLe11
~LLSL j41 ki,141 â { .1i1~ . 64 ,ni11 j1rf
,,.gD iJl &" Uj a.t.1A.. 4ie..o )L+1}
f1 J `i1 , l 51,5
Lie 4...;033 4*. A
Annexes
J, Lu41 ~ I ~I fU ~~i ~' ~l ~ ~f J . ~y1
as-y.1.41) c4..-41
.,,Ls · ~ 1 A;67,-
ÿL:ï ~1 ô ~L (a18. 000,000) ,Ll,
;L}F
:ui · ,31:))4 a.t,,.~41
â,rL;1, iwL.,~l â;1.,~'! ô);1.J 1 y4
1:A..a ~a
c0.v1i S~ " ~ ~L4 · a v.~ ...4i ·
:... U
44.)113freô
41:, f Ls 2010 8 ex t-1`
113
Annexes
114
4114x;.J &s1 ta1t jt>:o
,;,,;lts~-11 A1,
a1,1 vl 4.4..11 J
*.)t ÿi L $+
ati.oy 3 4 ..ma r J fv ·a# 46,~31
2010 Liu 7 ttub. ,1,1
4 }i, ; 1i ï,..3t;41, 31yt),,711375
e)tâP j2 JWi j 1987 .9,; 7 t
jL kl=241
/jy .4 19162 ' 19062 .0
~,~Si,~si ~mei ,
3K-,yt , )4j, /1 t,~' i
rt,. -14 ~J~l, ~,i:a~t ~+ ~,,,~:Ji,
2010 3i.e.. ;10::5'
4L)J.---J+
L747,4 L.;tilllit
Le-^" f ~s`St
t>j~i>>r*~4 ,~tÇ#,,-~+'t j
L ~
W F
"i j1__.,-s-t 'l61,
°J5. ,;a1.) tiS} &; ~~1~3-i
7 I + i lel s x ~~5+ ~i1Lit
115
Annexes
3 , kJI LLi)..1li 1987
,'4I :L )t' 34' jl
1972 3Ler Sit L tip 1972 40 yl
v~;L_àJI La,;.i ~:; Î ~I cs°1 âll
nljical
.2009 12 L3 t_4.12009 63 .5..1s,
~ I , 1987 ,~~ 7 ,t 1,J1
3 ,*j,
214,l,y4 LL311t.zU ~~~I y ( 81 j.,asl
W
1
42_11) âal).) J, 10J ;Ls l ~. t+ili4
,_?,11211
L-aL-. , j13 ,,.611 , 1987 7 L,
"`UP-1-40 vb'LSI LiJ.:J J"'' a' ccJl yl , r
1
y ,Sul L L JI,yl .Ji
, u I.~._.y â.. SI ~LU:,ÿ1 L L 03y
v.l.,ÿI l.11a L5.1.c uI ,_r_11211
L,=3) A
cL1.2.~411 0l
9
L . U1i v ) :
Jr--~
Annexes
116
117
Table des Matières
Table des Matières
INTRODUCTION 1
I. La notion d'intangibilité de l'ouvrage public 1
II. L'autonomie de la notion d'ouvrage public 6
III. L'importance de l'intangibilité de l'ouvrage public
8
PREMIERE PARTIE : L'ambivalence du principe
11
Chapitre I : La protection des ouvrages publics 12
Section 1 : Une protection garantie dans sa modalité
13
§ 1 : Les limites à l'exercice du pouvoir
d'injonction du juge
judiciaire 14
§ 2 : L'autolimitation du pouvoir d'injonction du juge
administratif 17
Section 2 : Une protection perfectible dans sa finalité
20
§ 1 : La préservation de l'intérêt
général 21
A. Un fondement ambigu 22
B. Un fondement fragile 23
§ 2 : Les connexes finalités 24
A. La protection des deniers publics 25
B. La continuité des services publics 27
Chapitre II : L'affectation des droits des administrés
30
Section 1 : L'atteinte au droit de propriété 30
118
Table des Matières
§ 1 : La nature de la violation du droit de
propriété 31
A. La légalité de l'action de l'administration
31
1. L'expropriation pour cause d'utilité publique 31
2. L'occupation temporaire 34
B. L'illégalité de l'action de l'administration
36
§ 2 : La réparation 37
A. La détermination du temps 38
B. La détermination de l'étendue de la
réparation 39
Section 2 : L'atteinte à la légalité 40
§ 1 : L'illégalité sans l'annulation 41
A. La violation « autorisée » de la
règle de droit 42
B. La possibilité de régulariser la violation de
la règle de
droit 44
§ 2 : L'annulation sans l'exécution 45
DEUXIEME PARTIE : L'adaptation du principe 49
Chapitre I : Les limites du principe 50
Section 1 : Les ouvrages publics non achevés 50
§ 1 : Le sursis à exécution 51
§ 2 : Le recours en référés 54
A. Le juge judiciaire 55
B. Le juge administratif 56
Section 2 : Les servitudes administratives 57
§ 1 : La négation de transfert de la
propriété 59
119
Table des Matières
§ 2 : L'indemnisation des servitudes administratives 62
A. Le régime juridique de l'indemnisation 62
B. L'évaluation de l'indemnité 64
Chapitre II : L'infléchissement du principe 66
Section 1 : Un infléchissement du principe
opéré par le juge 67
§ 1 : D'un contrôle plus approfondi de l'action
administrative
(...) 68
A. L'évolution de la jurisprudence administrative 68
B. L'évolution de la jurisprudence judiciaire 70
§ 2 : (...) Vers un contrôle plus exigeant de
l'intérêt général 71
A. Le principe bilan-coût- avantages : garantie des
administrés 72
B. La portée du principe Bilan- coût- avantages
74
Section 2 : Un infléchissement du principe
engendré par
l'environnement juridique 75
§ 1 : L'environnement juridique interne 76
A. Le facteur législatif 76
B. L'irrésistible mouvement d'amélioration des
droits des
administrés 79
§ 2 : L'environnement juridique européen 81
CONCLUSION 84
BIBLIOGRAPHIE 86
ANNEXES 105
TABLE DES MATIERES 117
|
|