Paragraphe II : Analyse théorique et empirique de la
relation entre développement financier et croissance
économique.
A. Analyse théorique de la relation entre
développement financier et croissance économique.
La plupart des travaux mettent en relief le fait que d'une
manière générale un système financier
développé stimule le développement économique.
Toutefois si la corrélation entre ces deux termes est admise de
manière globale, le sens de la causalité reste toutefois
contesté. En 1912, Schumpeter avait mis l'accent sur le rôle
primordial des banquiers, qui par leur ciblage et le financement des
entrepreneurs, encouragent l'innovation technologique, l'accumulation de
capital et stimulent ainsi la croissance économique. Ainsi donc, le
développement financier stimule la croissance à travers
l'accroissement du taux d'investissement et à travers l'allocation du
capital aux projets les plus productifs. Pour arriver à cette fin, les
intermédiaires financiers doivent assurer cinq fonctions principales
recensées par Levine (1997) :
o Faciliter les transactions financières, la
couverture contre les risques, la diversification des actifs et la
mutualisation des risques .
En général, les ménages
préfèrent détenir des actifs liquides, alors que les
entreprises sont demandeuses de ressources à long terme pour leurs
investissements. Les intermédiaires financiers se chargent de concilier
ces deux préférences, à priori divergentes, en
transformant les actifs liquides en actifs de long terme convenables pour les
investisseurs. En offrant des dépôts liquides aux ménages,
les banques procurent une assurance contre le risque de liquidité pour
l'épargnant et, simultanément favorisent les investissements
à long terme dans des projets rentables (Levine, 1997). Le
système financier peut également favoriser la réduction
des risques individuels liés aux projets d'investissements grâce
à la diversification et au partage des risques. La réduction des
risques stimule l'accumulation de capital et améliore la
rentabilité des investissements, en retour la croissance
économique se trouve affectée
10
DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
DE LA ZONE FRANC.
favorablement. En l'absence de marché financier, les
ménages ne peuvent investir que dans des actifs peu liquides, car les
risques idiosyncratiques les empêchent d'investir dans des actifs
rentables. Les intermédiaires financiers peuvent réduire ce
risque de liquidité en mutualisant les risques individuels des
déposants, et en investissant les fonds récoltés dans des
actifs peu liquides mais rentables. Les systèmes financiers
réduisent les risques associés aux projets individuels, aux
firmes, aux entreprises. En effet les banques et les établissements
financiers pourvoient les moyens de diversifier les risques. La diversification
du risque favorise l'augmentation des taux d'épargne et l'allocation des
ressources nécessaires à la croissance. En effet tout
investisseur rencontre deux types de risque : un risque individuel et un risque
de liquidité. Le risque de liquidité est lié à
l'incertitude portant sur la conversion d'un actif financier en moyen
d'échange. Du fait que cette transformation est plus difficile lorsqu'il
existe des asymétries d'information, l'existence d'un système
financier développé peut réduire l'ampleur de ces
imperfections, réduire le risque de liquidité et favoriser
l'investissement qui est porteur de croissance économique.
Bencivenga et Smith (1991) ont montré que les
intermédiaires financiers, par l'allocation de l'épargne
améliorent la productivité du capital, et stimulent donc la
croissance économique.
o Acquérir des informations sur les projets et
favoriser l'allocation optimale des ressources
Le système financier, par son efficacité,
stimule également la croissance en réduisant les coûts de
transaction, et en s'assurant que le capital soit alloué aux projets les
plus rentables. Grâce aux économies d'échelle,
l'intermédiation financière réduit les coûts
d'information du financement externe et, ce faisant accroît le rendement
implicite des placements. En effet, les épargnants pris individuellement
n'ont ni la capacité, ni les moyens d'évaluer les entreprises
dans lesquelles ils désirent investir. Ils seront réticents
à investir dans une entreprise dans laquelle ils ne disposent d'aucune
information. L'intermédiaire financier se substitue à chacun des
épargnants pour évaluer les opportunités d'investissement,
réduisant ainsi le coût d'acquisition de l'information. Dans le
long terme, la relation de confiance qui pourrait s'établir entre la
banque et l'entreprise pourra améliorer la qualité de
l'information mise à la disposition des épargnants. La
réduction des coûts de l'information contribue à convertir
une plus grande part de l'épargne en investissement, à allouer
plus efficacement le capital, et à réduire les risques
associés à l'investissement.
11
DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
DE LA ZONE FRANC.
Les intermédiaires financiers entreprennent le
processus de recherche des investissements possibles en faveur des agents
économiques en raison du coût élevé de la recherche
de l'information ; ce qui réduit le coût de l'information pour les
agents économiques, accroît l'allocation des ressources et
accélère la croissance. Plus les intermédiaires financiers
auront des informations précises et exactes sur les entreprises, plus
elles pourront financer les meilleurs projets, ce qui améliorera
l'allocation des ressources et réduira les risques de
défaillance. La réduction des coûts de transaction a
également un impact sur le volume de l'investissement, en ce sens
qu'elle permet de transformer une grande part de l'épargne en
investissements productifs.
o Assurer la surveillance des entrepreneurs et le
contrôle des entreprises
Une fois l'investissement financé, les banques doivent
surveiller les entrepreneurs pour les contraindre à gérer
l'entreprise dans l'intérêt des créanciers et des
actionnaires. Cette fonction est d'autant plus importante qu'en raison de
l'asymétrie d'information, l'entrepreneur est plus tenté de
gérer sa carrière personnelle et, de favoriser ses propres
intérêts au détriment de ceux des créanciers et
actionnaires.
L'entrepreneur peut être tenté également
de dissimuler des informations sur le rendement réel de
l'investissement. Par conséquent, il est important pour la banque
d'assurer la surveillance des dirigeants d'entreprises. Au fur et à
mesure que la firme et la banque développent une relation de long terme,
cela contribue à diminuer le coût d'acquisition de l'information
pour une meilleure allocation des ressources.
o Mobilisation de l'épargne intérieure
et allocation optimale des ressources
Les intermédiaires financiers collectent
l'épargne des ménages en leur offrant des possibilités de
dépôts, de diversification de leurs portefeuilles et
d'investissements rentables, tout en assurant la liquidité de leur
placement (Levine, 1997). La mobilisation de l'épargne a un impact
positif sur le volume de l'accumulation du capital, elle améliore
également l'allocation des ressources. Les systèmes financiers
les plus efficaces dans la mobilisation de l'épargne affectent
favorablement la croissance économique. Le développement
financier favorise la croissance en allouant plus de ressources à plus
de secteurs productifs. Par leur fonction de mobilisation de l'épargne,
les intermédiaires financiers favorisent l'accès des
épargnants aux financements des grands projets. Les épargnants
pris individuellement ne peuvent pas acquérir un actif émis par
une entreprise surtout si cet actif n'est pas divisible en petites
unités. En mettant en commun les épargnes de chaque individu, les
intermédiaires
12
DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
DE LA ZONE FRANC.
financiers peuvent surmonter l'indivisibilité de
l'actif émis par cette entreprise. Ainsi donc, les intermédiaires
financiers améliorent l'efficacité de l'économie et active
la croissance économique en permettant aux individus d'investir dans des
grands projets et en permettant à ces projets de se réaliser.
o Faciliter l'échange des biens et services
:
Par cette fonction, les intermédiaires financiers
facilitent la spécialisation, l'innovation technologique et la
croissance. La spécialisation accroît la productivité du
travail et requiert plus de transactions. Ces transactions étant
coûteuses, les contrats financiers susceptibles de réduire ces
coûts favorisent une plus grande spécialisation, une augmentation
de la productivité et de la croissance économique (Levine, 1997).
Les intermédiaires financiers favorisent également le commerce
extérieur grâce aux crédits à l'exportation et aux
mécanismes de couverture contre les risques.
Ces fonctions des intermédiaires financiers à
savoir faciliter l'échange des biens et services, mobiliser
l'épargne, faciliter les transactions et la diversification des risques
stimulent la croissance à travers le taux d'investissement, la
productivité du capital et les échanges commerciaux. Des
modèles théoriques sur chacune des fonctions des
intermédiaires financiers ont pu exister et ce grâce à des
études de plusieurs économistes. S'agissant de la gestion des
risques et de la diversification des portefeuilles des épargnants, un
modèle fut développé par Saint-Paul (1992) qui suppose une
économie à deux secteurs où les consommateurs peuvent
arbitrer entre détenir des actifs risqués et rentables et des
actifs peu risqués et peu rentables. Ces deux types d'actifs sont
émis par deux secteurs de l'économie considérée. Si
le secteur financier de l'économie est peu développé, les
agents économiques à l'instar des consommateurs seront
incités à choisir les actifs peu risqués et donc peu
rentables du fait de leur incapacité à diversifier leurs risques.
De ce fait un secteur financier développé accroit les
opportunités de diversification, et réduit la taille des actifs
peu risqués et peu rentables au profit des actifs risqués et
très rentables. La croissance économique
générée par le développement financier est le
résultat de la substitution de ces actifs.
S'agissant de la fonction de l'apport de liquidité par
le système bancaire ou financier, un modèle théorique de
base a été développé par Bencivenga et Smith
(1991). S'inspirant des travaux de Diamond et de Dybvig (1983), ces auteurs ont
intégré le rôle de l'apport de liquidité des
intermédiaires financiers pour évaluer son impact sur la
croissance économique. Dans une économie sans
intermédiaires financiers, l'incertitude amène les
épargnants à
13
DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
DE LA ZONE FRANC.
constituer une épargne liquide et improductive
c'est-à-dire une épargne de précaution qui n'est pas
favorable à la croissance. Le secteur bancaire réduit le risque
et favorise les investissements rentables. L'intermédiation
financière accroit le ratio de capital par tête de
l'économie et par conséquent active la croissance
économique.
Pour ce qui est de la collecte des informations et
l'allocation optimale des ressources, un modèle théorique fut
développé par Jovanovic et Greenwood (1990). Il s'agit
essentiellement dans ce modèle de collecter les informations sur les
entreprises et de pouvoir allouer l'épargne collectée aux projets
les plus productifs. Dans leur modèle le capital peut se voir investir
soit dans des projets peu risqués et peu rentables ou dans des projets
risqués et rentables. Le risque est provoqué par les chocs
agrégés et les chocs spécifiques au projet. Ils supposent
que les agents économiques sont incapables de différencier les
chocs. Par contre les intermédiaires financiers par le biais d'un
échantillon de projets rentables peuvent déterminer la nature du
risque. Avec leur capacité à collecter et à analyser des
informations, les intermédiaires financiers profilent leurs
stratégies d'investissement sur la base de leur connaissance des chocs
agrégés de la période courante. Si à cause d'un
choc négatif les investissements à risque deviennent moins
profitables que les investissements moins risqués, alors les
intermédiaires investiront seulement dans des projets peu
risqués.
Enfin le modèle théorique de King et de
Lévine (1993b) étudie le rôle du secteur financier dans la
mobilisation de l'épargne et le financement des projets innovants. Ce
modèle considère une économie dans laquelle les
entrepreneurs potentiels ont la capacité de mener à bien un
projet innovant qui va aboutir à une augmentation de la
productivité. Les intermédiaires financiers vont engager des
ressources pour évaluer chaque entrepreneur potentiel et seuls les plus
prometteurs seront financés. Les intermédiaires financiers
évaluent les entrepreneurs potentiels, mobilisent l'épargne pour
financer les projets les plus productifs. Patrick (1966) explique l'apport du
secteur financier à travers le mécanisme de mobilisation des
ressources comme suit : transformer les ressources du secteur traditionnel,
secteur à faible croissance au secteur moderne, secteur à
croissance élevée et stimuler une attitude entrepreneuriale chez
les agents économiques.
En effet s'agissant de la relation entre développement
financier et croissance,
Schumpeter (1911), Gurley et Schaw (1955) ont montré un
impact positif du développement financier sur la croissance
économique. Les travaux de Hicks (1969) et Miller (1988) ont
démontré que la finance joue un rôle très important
dans la croissance et le développement d'un pays. Les services
financiers sont donc essentiels à la croissance en exerçant un
rôle substantiel sur le développement économique. Selon
Bagehot (1873), les intermédiaires
14
DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
DE LA ZONE FRANC.
financiers facilitent les transactions ; améliorent
l'efficacité dans l'allocation des ressources et la croissance
économique se trouve alors amorcée. Dans une économie
fermée ou l'investissement est favorisé et réalisé
grâce à l'épargne, ce dernier est perçu comme un
moyen important pour favoriser la croissance. Les entreprises dans les pays en
développement citent les contraintes de financement comme l'un des
obstacles majeurs à l'investissement et à la croissance car des
systèmes financiers développés réduisent les
contraintes de financement qui entravent l'activité des firmes et les
industries dans leur expansion. Le développement financier implique donc
la création et l'expansion des institutions financières, des
instruments financiers et marchés financiers qui soutiennent la
croissance et le processus d'investissement dans l'économie. Dans les
économies en développement, la plus grande part du financement
externe des entreprises est le fait des intermédiaires financiers. C'est
seulement lorsqu'elles ont atteint un certain niveau de développement
qu'apparaissent les marchés financiers sur lesquels les entreprises
peuvent vendre des titres, certes aux intermédiaires financiers, mais
aussi directement aux épargnants. La création de marchés
financiers a l'avantage d'offrir aux investisseurs et aux épargnants une
panoplie plus riche d'actifs financiers permettant une meilleure mutualisation
des risques. Ainsi les pays dotés de systèmes bancaires et de
marchés financiers développés se développeraient
plus rapidement que les moins dotés.
L'intermédiation financière agit favorablement
sur l'épargne et sur l'investissement, de plusieurs manières.
D'une part, les intermédiaires financiers réduisent les
coûts d'information du financement. D'autre part, ils adaptent les actifs
financiers aux préférences, souvent divergentes, des
épargnants et des investisseurs. Ils remplissent cette fonction soit en
s'interposant entre épargnants et investisseurs, soit en leur apportant
assistance pour leurs interventions sur les marchés financiers. Ainsi
les intermédiaires financiers ajustent-ils l'offre et la demande de
financement à un niveau supérieur, autrement dit, ils augmentent
le volume de l'épargne investie. Le développement financier
aurait un double effet sur la croissance économique : d'une part le
développement des marchés financiers peut accroitre
l'efficacité de l'accumulation du capital et d'autre part les
intermédiaires financiers peuvent contribuer à élever le
taux d'intérêt et par conséquent le taux d'épargne.
Le premier effet a été analysé par Goldsmith (1969) qui a
trouvé une relation positive entre le développement financier et
le niveau du PIB réel par tête. McKinnon (1973) et Schaw (1973),
ont développé le premier effet en montrant que le
développement financier entraine non seulement une grande
productivité du capital mais aussi un fort taux d'épargne et par
conséquent un volume élevé d'investissement qui favorise
donc la croissance. D'après McKinnon et Schaw, les politiques
15
DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
DE LA ZONE FRANC.
qui conduisent à la répression financière
par exemple les contrôles financiers, résultent des taux
d'intérêt réels négatifs et réduisent les
incitations à l'épargne. Il en résulte donc moins
d'investissement donc moins de croissance. En effet la principale implication
de McKinnon et de Shaw concerne les restrictions gouvernementales sur le
système bancaire comme plafonner les taux d'intérêt ou
élever les réserves obligatoires. Ces mesures entravent le
développement financier ce qui réduit la croissance. Des
conclusions similaires ont été apportées par certains
travaux sur la théorie de la croissance endogène dans laquelle
les services fournis par les intermédiaires financiers tels que la
collecte et l'analyse des informations, la diversification du risque sont
explicitement modélisées.
Al Yousif (2002), soutient en effet que l'existence des
marchés financiers peut favoriser l'allocation des fonds
d'investissement vers les secteurs rentables. Les marchés financiers non
réprimés contribuent à la croissance par le canal de
l'accumulation du capital. L'accumulation du capital résulte de la
centralisation de l'épargne dans les entreprises et de la
création de richesse par la détention d'actifs financiers tels
les actions et les obligations. Ses travaux ont montré avec conviction
que la croissance économique à long terme dépend du
développement financier. Alejandro (1985) soutient que la contribution
du développement financier à la croissance doit être
perçue dans l'optique d'une augmentation de la productivité du
capital plutôt que dans l'augmentation de l'épargne et de
l'investissement. King et Levine (1993a, 1993b), Levine et Al (2000) et Khan et
Senhadji (2000) ont trouvé des effets positifs du développement
financier sur la croissance économique. Levine, Loayza et Beck (2000),
montrent qu'un système financier performant agit de façon
efficiente et positive sur la croissance d'un pays. Ils trouvent que la
relation de court terme entre les indicateurs de développement financier
est possible avec le taux de croissance économique, le taux
d'accumulation du capital et la productivité globale des facteurs. Selon
Ramakrishnan et Thakor (1984), Boyd et Prescott (1986), Allen (1990), les
marchés financiers peuvent stimuler la production des informations sur
les firmes en donnant les possibilités d'investissement et en
accélérant le processus de croissance. Aussi, Rioja et Valen
(2002), concluent que le développement financier affecte la croissance
économique dans les pays à faible revenu par le biais de
l'accumulation du capital tandis que dans les pays à revenu
élevé c'est l'accroissement de la productivité qui sert de
courroie de transmission. Selon Rajan, Zingalès, Maksimovic (1998), les
entreprises et les firmes qui dépendent fortement de la finance
extérieure croissent rapidement dans les pays à système
financier performant. Bencivenga et Smith (1991) montrent que la
présence des intermédiaires financiers favorise la
16
DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
DE LA ZONE FRANC.
croissance économique en canalisant l'épargne
vers les secteurs d'activité à haute productivité et en
permettant aux individus de réduire le risque associé à
leurs besoins de liquidité. Selon Bencivenga et Smith (1991), les
banques font face à des demandes prévisibles et peuvent allouer
des fonds d'investissement de plus grande efficacité. Bencivenga et
Smith montrent dans leur modèle que la croissance augmente même si
l'épargne dans l'ensemble diminue comme conséquence du
développement financier à cause de l'effet dominant du
développement financier sur l'efficacité de l'investissement. Ils
proposent un modèle à générations imbriquées
d'agents à 3 périodes incluant des banques en concurrence
parfaite et attestent que l'intermédiation financière assure la
promotion de la croissance économique. D'après Jao (1976), le
rôle de la monnaie et de la finance sont importants dans le
développement économique d'un pays ; de même Gurley (1955)
et Shaw (1956) ont mis l'accent sur le rôle de l'intermédiation
financière à la fois bancaire et non bancaire dans le processus
épargne - investissement pour illustrer la manière dont la
croissance économique dans un pays peut largement dépendre du
développement du secteur financier. L'étude de King et de Levine
(1997) l'une des études les plus influentes sur le sujet montre une
forte relation positive entre développement financier et croissance
économique et soutient que le développement financier a un
pouvoir prophétique sur la croissance future et interprète ce
résultat comme une évidence pour une relation de causalité
du développement financier vers la croissance. Khan et Senhadji (2000),
ont montré que l'effet du développement financier sur la
croissance est positif et que l'intensité de l'effet varie selon les
différentes mesures du développement financier, selon la
méthode d'estimation et la fréquence des données.
Jovanovic et Greenwood (1990) pensent que l'intermédiation
financière peut promouvoir la croissance car elle permet de disposer
d'un taux élevé de rendement du capital. De plus le
développement financier a l'aptitude d'induire dans une économie
qui utilise intensivement le capital et la technologie un remplacement partiel
du facteur capital utilisé intensivement par une utilisation intensive
du travail en dotant le pays de potentiel à pouvoir
générer de l'emploi, d'accroitre la productivité du
travail et d'améliorer la croissance. D'autres travaux sur ce
thème ont été réalisés et montrent qu'une
intermédiation financière concurrentielle augmente le taux de
croissance de long terme (Greenwood et Jovanovic, 1990 ; Bencivenga et Smith,
1991 ; Levine, 1991). Tadesse (2002) montre que les systèmes financiers
dominés par les banques sont plus favorables à la croissance dans
les pays sous-développés financièrement, alors que dans
les pays développés financièrement, les systèmes
orientés vers les marchés financiers seraient plus porteurs de
croissance. Les travaux de Levine et Zervos (1998) et Beck et Levine (2001)
fournissent l'évidence selon laquelle le développement des
17
DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
DE LA ZONE FRANC.
marchés boursiers est un indicateur qui permet de
prévoir de bonnes perspectives de croissance économique. Dans le
même courant de littérature, Bekaert, Harvey et Lundblad (2005)
montrent que les économies qui ont libéralisé leurs
marchés boursiers enregistrent des taux de croissance économique
élevés. En effet la plupart des études qui se sont
penchées sur la nature du lien entre développement financier et
croissance économique utilisent souvent des ratios mesurant
l'état du système bancaire ; ces indicateurs occultent ou cachent
une partie du développement financier enregistré au cours de ces
dernières années dans de nombreux pays en développement
qui s'est traduit par une ascension des marchés financiers en
l'occurrence des bourses de valeur surtout dans les pays émergents. En
effet si la bourse des valeurs fonctionne de façon efficiente,
c'est-à-dire si les prix reflètent l'espérance de profit
des entreprises, les ressources financières peuvent être
allouées aux entreprises performantes pour la réalisation de
projets d'investissement rentables.
Contrairement à la place importante qu'occupe la
finance dans le développement économique, certains
économistes considèrent la finance comme un facteur relativement
non important dans le processus de croissance. Ces économistes voient le
rôle du développement financier comme mineur ou négligeable
sur la croissance économique. Le développement financier est une
conséquence de la croissance économique due à une plus
grande demande des services financiers par les entreprises pour des
financements extérieurs. Le manque de demande de services financiers est
une manifestation du manque de financement des investissements porteurs de
croissance. Selon Friedman et Schwartz (1963), Jung(1986) et Ireland (1994), la
finance répond en fait à un changement réel. La croissance
économique crée une demande pour les services et les institutions
financières développées. Après l'assertion de
Schumpeter (1911), documentée et popularisée par King et Levine
(1993a ; 1993b ; 1993c), de nombreux auteurs ont réagi à «
Schumpeter might be right » de King et Levine (1993a) au nombre
desquels on peut citer Arestis et Demetriades (1998), qui se sont
penchés sur la portée de la relation entre développement
financier et croissance économique en se demandant une fois encore si
Schumpeter avait réellement raison « Is Schumpeter right ?
» . En effet, ces auteurs estiment que le développement financier
n'est pas antérieur à la croissance économique mais le
contraire. C'est dans ce courant de pensée que s'inscrit la contribution
de Robinson (1952) qui pense que le développement financier suit la
croissance. Aussi, Keynes (1936) argumente que, bien que la croissance puisse
être contrainte par le crédit dans les systèmes financiers
peu développés, dans les systèmes financiers
avancés, le développement de la finance ou du crédit n'est
qu'une réponse endogène aux exigences en matière de
18
DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
DE LA ZONE FRANC.
demande pour la croissance. Ces développements
théoriques ont galvanisé la conviction d'Arestis et Demetriades
(1998) face à King et Levine (1993a). Dans cette optique Arestis et
Demetriades (1998) montrent que l'analyse menée par King et Levine
(1993a) est fondée sur des bases de causalité très
fragiles. Ils démontrent qu'une fois la corrélation entre
l'indicateur de développement financier pris à la moyenne et son
niveau initial est très forte, le développement financier ne peut
plus prédire la croissance économique. Pour Robinson (1952),
lorsque l'entreprise est en marche la finance suit ; le développement
financier n'est rien d'autre que le résultat ou le produit de la
croissance économique. En effet cette observation fut faite par beaucoup
d'économistes : lorsque le revenu par capital d'un pays augmente, ce
pays connait ou expérimente une croissance plus rapide de ces avoirs
financiers que de sa production nationale. Meier (1984) atteste qu'un pays qui
connait une croissance de son revenu ou de sa richesse nationale connait une
richesse de ses structures financières en actifs financiers, en
institutions et en marchés. Le développement financier apparait
ainsi comme la résultante de la croissance économique.
D'après Levine (1992), il existe une causalité
bidirectionnelle entre développement financier et croissance
économique et la causalité bidirectionnelle suppose que la
croissance puisse permettre au système financier d'accomplir sa propre
évolution et son développement dans la mesure où
l'augmentation de revenu réel offre les moyens de mise en place d'une
intermédiation financière coûteuse et de plus en plus
sophistiquée. En d'autres termes la croissance économique rend
les systèmes financiers profitables ; et en même temps la mise en
place de ces derniers permet d'accélérer la croissance
économique et la transformation structurelle de l'économie. Ainsi
ce n'est qu'après avoir franchi certains seuils de revenu par habitant
que l'économie choisira de développer les différents types
d'intermédiation financière et qu'elle pourra
bénéficier de leurs effets positifs sur le processus de
croissance. La contribution du secteur financier à la croissance
s'exerce donc à travers des discontinuités et des effets de seuil
(Barthélémy et Varoudakis ; 1998). La croissance entraine une
ouverture continue de nouveaux marchés, une complexité croissante
des échanges qui renforcent la monétisation des économies,
qui est nécessaire à son tour pour soutenir le volume de
l'activité économique.
19
DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
DE LA ZONE FRANC.
|