C. Résultats et interprétations des
estimations sur la zone CEMAC
Les résultats de l'estimation de la relation entre
développement financier et croissance économique dans la zone
CEMAC sont illustrés dans le tableau suivant :
Tableau 11 : Estimation sur panel dynamique : System
GMM
Variables
|
Coefficients
|
p-value
|
LPIB(-1)
|
0,9875
|
(0,000)*
|
LM2
|
-0,1566
|
0,282
|
LCRD
|
-0,01015
|
0,518
|
LINV
|
-0,01106
|
0,749
|
LGOV
|
-0,1985
|
(0,04)**
|
LOUV
|
0,1201
|
(0,038)**
|
( )*, ( ) **, ( ) *** : Significativité au seuil
de 1%, 5%, 10%
Le test de Hansen/Sargan (p = 0,105) et d'Arellano et Bond en
différence seconde sur l'autocorrélation des erreurs (0,121) ne
permettent de rejeter la validité des variables retardées et
l'hypothèse d'absence d'autocorrélation des erreurs.
Spécifiquement dans la zone CEMAC, les résultent
conduisent à rejeter toute influence du développement financier
sur la croissance économique même au seuil de 10%. Le
développement financier n'apparait guère positivement
corrélé à la croissance. En effet le mauvais
résultat de l'impact du développement financier sur la croissance
dans la zone CEMAC peut s'expliquer par "la détresse des systèmes
financiers" du fait des périodes de crises bancaires, parfois
très graves qu'a connues la zone franc dans les années 1980-1990.
Le
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DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
DE LA ZONE FRANC.
système financier de la CEMAC a donc sans doute de mal
à mener des politiques de son redressement. De plus ces résultats
peuvent s'expliquer par l'existence dans ces pays de l'exclusion bancaire avec
des taux de bancarisation très faibles comme constatés en
Centrafrique 0,8% et au Tchad 0,4% (IMF, 2006). Au Cameroun, première
économie de la zone franc par son PIB, le taux de bancarisation n'est
que de 3,7%. Par ailleurs le système financier de la zone semble peu
profond. Dans des pays où les banques constituent la pièce
maitresse des systèmes financiers locaux, les systèmes bancaires
locaux de la CEMAC semblent accuser un grand retard sur l'apport réel du
secteur financier à la croissance comparativement à l'apport des
banques de l'UEMOA. L'absence de corrélation positive entre la variable
crédit au secteur privé rapporté au PIB dans la zone CEMAC
peut aussi s'expliquer par les difficultés rencontrées par les
entreprises privées à avoir accès aux crédits.
Plusieurs facteurs expliquent en l'état actuel des choses la
difficulté des entreprises du secteur privé à avoir
accès au financement. Premièrement il y a le problème
d'accessibilité géographique lié au faible nombre
d'agences notamment dans les villes secondaires des pays de la CEMAC et surtout
dans les zones rurales. Deuxièmement, les conditions de banques
pratiquées par les intermédiaires financiers ne sont pas
particulièrement favorables : les différentiels moyens
observés entre les taux d'intérêt créditeurs et
emprunteurs s'élèvent à 14,3% dans la CEMAC durant la
première moitié de la décennie des années 2000
contre 8,3% dans les pays africains anglophones (Banque mondiale, 2004). Outre
le problème d'accès difficile au prêt bancaire, le haut
degré d'incertitude qui entoure l'activité des entreprises et
leur pérennité dans une zone caractérisée par un
fort taux de corruption peut limiter encore davantage l'octroi des
crédits bancaires. De plus la zone CEMAC est par excellence une zone
productrice et exportatrice de pétrole et de bois. La croissance
économique est donc pour l'essentiel tirée des investissements
réalisés dans le secteur pétrolier et de la vente du prix
du pétrole que des prouesses et performances du système
financier.
L'investissement sur la période d'étude
n'affecte pas la croissance dans la zone. Ceci parait paradoxal du fait que
presque la totalité des pays de la CEMAC sont producteurs de
pétrole, ce qui est source de meilleurs investissements dans
l'économie. L'ouverture commerciale s'exprime par contre par un effet
positif de 0,1201% sur la croissance des pays de la CEMAC. Ceci semble
être une évidence pour les pays de la CEMAC qui sont tous ou
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DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
DE LA ZONE FRANC.
presque exportateurs de pétrole et qui ont ces
dernières années bénéficié de l'augmentation
substantielle de prix du baril de pétrole.
En somme d'un point de vue comparatif, le développement
financier explique largement la croissance dans l'UEMOA que dans la CEMAC. Si
le P113 de l'UEMOA a longtemps dépassé celui de la CEMAC, la
hausse du cours du pétrole et la crise ivoirienne ont inversé la
tendance : pour la première fois en 2004 le P113 de la CEMAC a
dépassé celui de l'UEMOA. Le système bancaire de la CEMAC
et plus largement son système financier n'ont pas pour l'instant suivi
cette tendance. Que ce soit en termes de bilan des établissements
financiers (3096 milliards de francs CFA pour la CEMAC contre 6746 milliards
dans l'UEMOA) ou en termes de crédits octroyés à
l'économie (1508 milliards contre 3503 milliards), le système
bancaire de l'UEMOA semble être d'une taille globalement deux fois
supérieure à celui de la CEMAC (AFD, 2007). Le système
financier ouest-africain fort d'une bourse régionale des valeurs
mobilières (BRVM) fonctionnelle, d'institutions financières
spécialisées à compétences régionales et de
banques plus riches se révèle plus diversifié que celui de
la CEMAC. Toutefois la faible corrélation entre la variable CRD et le
taux de croissance des économies de la CEMAC s'explique par les
difficultés rencontrées par les entreprises privées
à avoir accès aux crédits. L'effet bénéfique
du développement financier à la croissance dans la zone franc
s'est donc traduit par le canal du système financier de la zone UEMOA
lorsque l'on rejette toute influence du secteur financier de la CEMAC sur la
croissance des pays de cette zone.
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DEVELOPPEMENT FINANCIER ET CROISSANCE ECONOMIQUE DANS LES PAYS
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