Chapitre III : Estimation de la demande de
monnaie dans le cas du Maroc
Avant d'aborder l'estimation de la demande de monnaie dans le
cas du Maroc, on se propose d'abord de présenter les résultats
d'une étude économétrique de la demande de monnaie
réalisée pour la zone euro. Ces résultats nous servirons
comme une base de comparaison avec nos résultats. Ce choix a
été dicté principalement par l'intensité et
l'importance des échanges économiques du Maroc avec cette zone ce
qui, à notre avis, fait d'elle, le meilleur repère pour situer
nos résultats et conclusions.
Section 1 : ESTIMATION D'UNE FONCTION DE DEMANDE DE
MONNAIE POUR LA ZONE EURO PAR LA BANQUE DE FRANCE
Cette étude économétrique a
été réalisée en 2003 par un groupe de travail,
interne à la Banque de France, rassemblant des experts rattachés
à différentes unités administratives. Le BULLETIN DE LA
BANQUE DE FRANCE - N°111 - MARS 200 3 propose une synthèse des
résultats des estimations de la fonction de demande de monnaie de la
zone euro dans le cadre d'un système multivarié.
Le modèle qu'ils ont estimé s'écrit en
univarié sous la forme suivante :
mt -- Pt = Yo +
Yi. Yt + Y2. rownt + Y3.
rat + Y4. rltt + Y5. 7Tt +
£t
Où
mt : est le logarithme du stock de monnaie à la
période t,
pt : est le logarithme du déflateur d'une composante de la
demande ou du PIB,
~t : est le taux d'inflation,
yt est le logarithme du PIB réel,
rownt : est le taux d'intérêt intrinsèque,
rctt : est le taux d'intérêt nominal de court
terme
rltt : est les taux d'intérêt nominal de long
terme
Et : est un terme d'erreur.
Les yi sont les paramètres à estimer et
vérifient les inégalités suivante : y1 > 0, y2 < 0,
y3 < 0, y4 < 0, y5 < 0.
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Il ressort de leur étude que l'approche
univariée donne une élasticité de la demande de monnaie au
revenu très supérieure à 1 ce qui n'est pas conforme
à la théorie économique.
En revanche, l'approche multivariée (VECM), leur a
permis d'obtenir des résultats nettement plus intéressants, tant
du point de vue statistique qu'économique. En effet, les
différents tests statistiques conduits leur ont permis, d'une part, de
valider les spécifications retenues et d'autre part, d'identifier deux
relations de cointégration, interprétées respectivement
comme une équation de vitesse de circulation de la monnaie et comme une
relation de Fisher (relation liant l'inflation et le taux
d'intérêt de long terme). En outre, l'hypothèse d'une
élasticité unitaire des encaisses réelles au revenu,
rejetée dans le cas univarié, a été acceptée
dans cette approche, ce qui a permis de réconcilier les données
et la théorie économique.
Les deux tableaux ci-dessous présentent les
résultats qu'ils ont obtenus pour la demande de monnaie et ceux pour la
relation de FISHER :
Variables Coefficients
cst 1.297
yt 1.000
rownt 0.063
rctt -0.039
rltt -0.020
Equation de demande de monnaie
Variables Coefficients
cst -0.363
rltt 0.502
Relation de FISHER (ðt = â0+â1.rltt)
Dans ce bulletin, ils présentent également un
tableau comparant leurs résultats avec ceux obtenus par d'autres auteurs
(Brand et et Cassola, 2000 ; Calza et alii, 2001 ; Coenen et Vega, 2001 ;
Gerlach et Sevensson, 2001) :
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Auteurs
|
Périodes
|
yt
|
rownt
|
rctt
|
rltt
|
rctt-rownt
|
rltt-rctt
|
ðt
|
BC
|
1980Q1-
|
1.331
|
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-0.0040
|
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|
1999Q3
|
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|
|
CGL
|
1980Q1-
|
1.336
|
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-0.0086
|
|
|
|
1999Q4
|
|
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|
CV(a)
|
1980Q4-
|
1.125
|
|
|
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-0.0087
|
-0.0151
|
|
1998Q4
|
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|
|
|
|
|
GS(a)
|
1981Q1-
|
1.510
|
|
|
|
|
0.0156
|
|
|
1998Q4
|
|
|
|
|
|
|
|
BdF
|
1987Q1-
|
1.000
|
-0.063
|
-0.039
|
-0.020
|
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2002Q1
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BC : Brand et Cassola CGL : Calza et alii
CV : Coenen et Verga GS : Gerlach et Svensson (a) : Analyse
univariée BdF : Banque de France
L'objectif principal recherché dans la section suivante
est d'estimer la fonction de demande de monnaie pour le cas du Maroc selon la
théorie Keynésienne mais en se basant sur les trois forme de
monnaie suivantes : monnaie fiduciaire (M1_FID), monnaie scripturale(M1_SCR) et
enfin M3-M1 . Pour rappel, Keynes distingue trois motifs de détention de
la monnaie : motif de transaction, motif de précaution et motif de
spéculation, mais en ce qui concerne sa formulation mathématique,
il regroupe ces trois motifs de détention de la monnaie en une seule
équation de demande de monnaie qu'il appel fonction de
préférence pour la liquidité. La formulation
qu'il propose est comme suit :
M'
~ = L1(Y)+L2(i)
Où :
Md : est la demande de monnaie P : est le niveau
général des prix i : est le taux d'intérêt
Y : est le revenu réel
L1 : est la fonction de demande pour les motifs transaction et
précaution
L2 : est la demande de monnaie pour le motif
spéculation.
Pour le motif de transaction, nous allons nous baser sur le
sous-agrégat de M1 ne contenant que les billets de banque et les
pièces de monnaie (monnaie fiduciaire), que nous allons noter M1_FID.
Pour le motif de précaution, nous allons étudier
le sous-agrégat de M1 qui ne contient que la monnaie scripturale, nous
noterons ce sous-agrégat M1_SCR.
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Notre choix de ces sous-agrégats est motivé par
le fait suivant, et que nous considérons comme une hypothèse
à tester :
Hypothèse (H) : pour leurs transactions
de tous les jours les agents gardent, pour des raisons pratiques, une grande
partie de leurs revenus sous forme liquides (billets et pièces) et non
sous forme de dépôt à vue, bien que les paiements par
cartes connaissent une évolution croissante ces dernières
années. Par contre, pour le motif de précaution, il devrait
être sous forme de dépôt à vue ou dans les comptes
à court terme (et donc inclut dans M1_SCR et M3_M1).
Enfin, le motif de spéculation sera
appréhendé en étudiant l'agrégat M3 duquel on
retranchera l'agrégat M1, ce sous agrégat sera noté
M3_M1.
L'objectif est de vérifier est ce que les
hypothèses émises par Keynes selon lesquelles le motif de
transaction et le motif de précaution dépendent du revenu et
seulement de celui-ci, et que le motif de spéculation dépend du
taux d'intérêt uniquement.
Ainsi, le taux sur compte de carnet (TAUXCC) sera toujours
inclut dans les estimations, et à chaque fois la significativité
de son coefficient sera testée. Si notre hypothèse est vraie, ce
coefficient ne devrait être significativement différent de
zéro que pour M1_SCR et M3_M1.
La démarche que nous allons adopter pour les
différents modèle se présente comme suit :
· Spécification du modèle (formulation
mathématiques et hypothèses économiques sur ses
coefficients)
· Estimation du modèle (sous Eviews)
· Validation du modèle par les tests statistiques
· Interprétation des résultats du
modèle retenu
Mais avant de passer à l'estimation des modèles
il nous a apparu important de faire un rappel de la stratégie de tests
de Dickey-Fuller que nous allons adopter vu leurs importance dans la
stationnarisation des séries étudiées et dans la
détermination de leurs ordres d'intégration le cas
échéant.
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