DEDICACE
· A notre regretté père Abdoul KARIM KAPITENI
MATEMBELA ; que son âme repose en paix ;
· A notre mère BASEME TSONGO Espérance ;
· A nos frères SULEYMAN et YUSUF KAPITENI ;
· A notre petite soeur RWAIDA KAPITENI.
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
R.D.C.
Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
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Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
REMERCIEMENTS
Le présent travail est le couronnement de nos premiers
pas dans la vaste forêt ombrophile luxuriante de la
quête du sens, de la sagesse et de la science.
La forme et le fond que ce travail revêt sont le fruit
d'une ascèse intellectuelle motivée et promue par beaucoup
d'esprits avisés. Il serait alors ingrat de notre part de rendre public
un tel monument épistémologique sans
adresser nos sincères et profondes gratitudes à tous ceux qui ont
rendu possible la réalisation de notre oeuvre.
Nos sincères remerciements s'adressent à Allah,
le Dieu Tout-Puissant qui nous donne encore vie et force ;
Au corps professoral de l'Université Catholique du
Graben pour sa contribution à l'éducation et à la
formation de la jeunesse.
Nous tenons à rendre hommage au professeur MUHINDO
MALONGA Télesphore et au Chef de Travaux KAVUSA KALEMBA Valère
qui, en dépit de leurs multiples occupations ont accepté la
direction et l'encadrement de ce travail. Leurs conseils et critiques ont
été d'un apport capital pour l'élaboration du
présent travail.
Nous tenons à remercier les membres des familles
KAPITENI et KAHULA pour leur soutien tant moral que matériel.
Nous pensons ici à : ZAINAT, SAFI, RAMLA, RAMAZANI, DJUMA BAUMBILIA,
DJAMALI, HERITIER, JUNIOR, RADJAB, DAVID, BASHIRU, SHABANI, FIRDAUS, UZAIMA,
RIFKAT, LUKMANI, SADI, MBAVAZI, DJINO, FAZILA et bien d'autres.
Nous ne saurons oublier de remercier nos parents HUSSEIN
MATSONGANI, MAO MUHAMAD, PRIMO ISMAÏL, BARRAGE MBONGOLA pour leur soutien
moral et spirituel.
Tout être humain grandit dans un environnement plein
d'amis et de connaissances. Ainsi, nous tenons à les remercier tous.
Enfin, à tous les congolais épris de sagesse et
de paix pour l'avènement d'un Etat de droit en RDC, nous adressons nos
sincères remerciements.
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Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
SIGLES ET ABREVIATIONS
AFDL : Alliance des Forces Démocratiques pour la
Libération
Art. : Article
CNS : Conférence Nationale Souveraine
DUDH : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
EIC : Etat Indépendant du Congo
MPR : Mouvement Populaire de la Révolution
ONU : Organisation des Nations Unies
Ord : Ordonnance
RDC : République Démocratique du Congo
SDN : Société des Nations
Abdoul KARIM KAPITENE
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Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
INTRODUCTION
1. CONTEXTE ET ETAT DE LA QUESTION
Depuis la plus haute antiquité, l'histoire des peuples
et des nations a connu un nombre à la fois multiple et varié de
formes de gouvernement : autocratie, théocratie, aristocratie, tyrannie
ou empire, démocratie1.
Dans ces différentes formes de gouvernement, il existe
des normes régissant des rapports entre les gouvernants et les
gouvernés. Ces normes sont, dans la plupart, non écrites. Ce
n'est que vers le 18è siècle
qu'apparaît le constitutionnalisme, courant d'idées qui
s'est efforcé de substituer aux règles coutumières de
gouvernement jugées vagues, imprécises des constitutions
écrites devant déterminer, de manière précise,
stable et objective l'exercice du pouvoir politique et des droits
fondamentaux.
Les théories de John LOCKE et de MONTESQUIEU sur le
mode de gestion du pouvoir ne sont qu'une lutte contre l'absolutisme
monarchique et font une analyse des relations existant entre l'Etat et la
Constitution. Ces relations s'opèrent par
l' « Etat de droit » qui est conçu comme un
Etat dans lequel les gouvernés et surtout les gouvernants sont soumis
à des règles juridiques préétablies et que les
gouvernants ne peuvent pas modifier de manière arbitraire. La
séparation des pouvoirs dans un modèle type d'Etat serait le
meilleur régime d'organisation du pouvoir et de garantie de droits des
citoyens.
Il est préférable, dans un Etat de droit
que le pouvoir judiciaire soit indépendant des pouvoirs
législatif et exécutif qui sont des pouvoirs politiques. C'est
ainsi que JOHN LOCKE écrit : « Ce serait provoquer à une
tentation trop forte pour la fragilité humaine, sujette à
l'ambition, que de confier à ceux-là mêmes qui ont
déjà le pouvoir de faire les lois, celui de les faire
exécuter »2. Et MONTESQUIEU d'ajouter : «
C'est une expérience éternelle que tout homme qui a le
pouvoir est porté
1 Cf. L. S. SENGHOR, une des figures
emblématiques de la politique africaine, lors d'une émission
télévisée « Reflets Sud » passée en
septembre 1998 sur les antennes de la chaîne de la
télévision francophone belge RTBF, cité par E. TSHIMANGA
BAKADIABABO, La démocratie et ses blocages au Congo-Kinshasa de 1958
à nos jours, L'Harmattan, Paris, 2004, p. 5.
2 J. LOCKE, Traité du gouvernement
civil, XII cité par T. MUHINDO MALONGA, Droit constitutionnel
et institutions politiques, Notes de cours, G1 Droit et SSPA, UCG, p.
141.
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à en abuser jusqu'à ce qu'il trouve de
limite ; la vertu même a besoin de limite »3. Le
pouvoir encore mieux les abus du pouvoir ne peuvent être
empêchés que si le pouvoir arrête le pouvoir.
De ce qui précède, il résulte clairement
que la théorie sur l'Etat de droit n'est pas d'affirmation
récente. En effet, déjà dès les années 1860,
par BÄHR et GNEIST, fût-ce au stade embryonnaire, peu importe, se
trouvait conçu l'Etat de droit, précisément en Allemagne
pour prémunir la société contre la personnalisation et les
excès de pouvoir. Il est hors de doute que la doctrine de l'Etat de
droit a ses origines dans la science juridique allemande, plus
précisément dans la doctrine du « Rechtsstaat
»4.
D'après J. CHEVALLIER, « Le terme Etat de
droit est la traduction littérale du mot Rechtsstaat, qui devient
d'usage courant dans la doctrine juridique allemande dans la seconde
moitié du XIXè siècle : les premiers
théoriciens en seront le libéral R. Von Mohl et le conservateur
F.J. Stahl »5.
Si R. Von MOHL se concentre dans un horizon libéral qui
cherche, en réaction contre l'Etat autoritaire, à limiter le
champ d'action du monarque et à mieux protéger les droits et
libertés individuels par la loi, à la formation de laquelle les
citoyens participent par l'élection des parlementaires, F.J. STAHL, en
revanche, soutient avec force, l'idée que l'Etat de droit est moins un
dispositif de limitation du pouvoir de l'Etat qu'un moyen
d'organisation rationnelle de l'Etat et de juridicisation de ses
rapports avec les administrés6.
Tout est régi par des textes de lois notamment la norme
supérieure qui est la Constitution et engendre, à
l'intérieur d'une nation, des droits et libertés du peuple et
s'impose à tous sans distinction. C'est dans ce sens que L. FAVOREU
affirme : « L'encadrement juridique du pouvoir, condition
nécessaire de l'Etat de droit, suppose tout d'abord qu'existe une
constitution liant les divers organes du pouvoir
3 MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, XI, VI
cité par T. MUHINDO MALONGA, Op. Cit., p. 141.
4 J. NIEMBA SOUGA, Etat de droit,
démocratique, fédéral au Congo Kinshasa cité
par KAVUSA KALEMBA, La contribution du juge congolais à l'Etat de
droit : une institution fantôme ?, UCG, TFC, 2001-2002, p. 10.
5 J. CHEVALLIER, L'Etat de droit,
Monchrestien, Paris, 1999, p. 11.
6 Cf. J. CHEVALLIER cité par KAVUSA KALEMBA,
Op. Cit., p. 11.
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(...) et un système des sources du droit qui,
découlant de cette constitution, oblige le pouvoir à emprunter
des voies normatives »7. A L. de Saint MOULIN de continuer
: « L'Etat de droit est un système politique où la loi
s'impose à tous les citoyens, quel que soit leur rang
»8. L'Etat de droit est celui où le droit de chacun
est respecté, où personne n'est au-dessus de la loi. C'est la
justice pour tous9.
L'Etat de droit est un régime où toutes les lois
du pays sont respectées et où la justice existe pour tout le
monde. Ce respect de lois est hiérarchisé. C'est dans cette
optique que H. KELSEN note : « l'Etat de droit est un Etat dans lequel
les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa
puissance s'en trouve limitée »10.
D'après T. MUHINDO MALONGA, l'Etat de droit exige que
les personnes publiques et les gouvernants soient soumis, au même titre
que les particuliers, au respect de l'ordre juridique et que ce respect soit
sanctionné en dernier ressort par un juge indépendant. Il
continue en écrivant que l'Etat de droit est devenu la principale
caractéristique des régimes démocratiques. En faisant du
droit un instrument privilégié de régulation de
l'organisation politique et sociale, il subordonne le
principe de légitimité au respect de la légalité.
Il justifie ainsi le rôle croissant des juridictions dans les pays qui se
réclament de ce modèle. L'Etat de droit signifie un Etat
où l'on rencontre à la fois le respect de l'ordre juridique, la
soumission des gouvernants au droit, la protection des droits et
libertés individuelles assortie de la possibilité de sanction
juridictionnelle exercée par un juge indépendant11.
Depuis son apparition, la notion d'Etat de droit comporte
à la fois une dimension formelle qui concerne l'Etat et une dimension
matérielle qui implique des droits et libertés reconnus aux
citoyens. Sur le plan matériel, l'Etat de droit va désormais de
pair avec la participation citoyenne à la gestion du pouvoir.
7 L. FAVOREU et alii, Droit constitutionnel,
Dalloz, Paris, 1998, p. 69.
8 L. De SAINT MOULIN et alii, La perception de la
démocratie et de l'Etat de droit en RDC, CEPAS, Kinshasa, 2003, p.
14.
9 Cf. Ibidem, p. 41.
10
http://fr.wikipedia.org/wikil%c3%89tat-de-droit
11 Cf. T. MUHINDO MALONGA, « L'Etat de droit en
temps de guerre », in Parcours et Initiatives, Revue
interdisciplinaire du Graben, n° 1, 9 août 2002, p. 7.
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De nos jours, l'Etat de droit comporte une exigence de
démocratie, de primauté du droit, de reconnaissance des droits et
libertés, de transparence dans la gestion des affaires publiques.
La notion d'Etat de droit suscite certaines interrogations
pour ce qui concerne la RDC ; nous allons essayer de discuter ces
interrogations dans son histoire constitutionnelle à travers
une problématique.
2. PROBLEMATIQUE
Dans la plupart des pays occidentaux, l'histoire
constitutionnelle commence à s'écrire vers la fin du
XVIIIè siècle au moment où l'essor
économique de la bourgeoisie et le mouvement des idées
ébranlent les trônes et remettent en cause les principes qu'on
croyait immuables sur lesquels étaient fondées les
sociétés12. En Afrique, c'est avec le vent de la
colonisation qui soufflait sur la plupart de pays. En R.D.C., cette histoire
commence à s'écrire avec les conquêtes du roi des belges,
LEOPOLD II. Avant cette période, la RDC actuelle était encore
divisée entre plusieurs royaumes indépendants et parfois en
conflit.
Bien que récente, du point de vue
chronologique, cette histoire a déjà connu
plusieurs Constitutions alors que des Etats plus anciens comme les USA sont
toujours à leur première Constitution malgré les
amendements qui y ont été apportés. Pour la RDC, on peut
évoquer d'abord la période coloniale qui a été
régie par des textes coloniaux, juste après l'indépendance
par la Loi Fondamentale et la Constitution de Luluabourg ; la période
républicaine régie par des Constitutions républicaines
même si elle a vu s'instaurer ensuite une dictature et par la suite, la
renaissance de la démocratie.
Pour bien mener notre investigation, nous pouvons nous poser
certaines questions. D'abord celle de savoir si, à la période de
la colonisation, l'on pouvait parler d'Etat de droit. Ensuite, il y a lieu de
s'interroger sur l'existence d'un Etat de
12 Cf. B. CHANTEBOUT, Droit constitutionnel et
science politique, 3è éd. Economica, Paris, 1980,
p. 84.
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droit après l'indépendance. Enfin, les
libertés et les droits des citoyens qui figurent parmi les indicateurs
d'identification de l'Etat de droit, ont-ils été respectés
pendant toutes ces périodes ?
Nous tenterons d'apporter des réponses à ces
différentes questions dans la suite du travail. Pour l'heure, il
convient de relever les hypothèses.
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3. HYPOTHESES
De ces interrogations, les hypothèses suivantes peuvent
être émises.
- La colonisation serait l'une des antivaleurs que l'Etat de
droit chercherait à combattre du fait qu'elle recourt à des
pratiques inhumaines et dégradantes. Les colonisés ne jouissent
pas de la plénitude de droits fondamentaux et sont soumis à un
régime inégalitaire.
- La construction d'un « Etat plus beau qu'avant »
serait l'idéal des élites congolaises. Tout en sachant que la
protection des droits et libertés fondamentaux des citoyens, la
suprématie de la Constitution et le contrôle juridictionnel
seraient des conditions nécessaires à la construction d'un Etat
de droit, elles chercheraient, depuis l'indépendance d'y parvenir. Pour
dire, elles auraient commission de lutter contre la dictature, les violations
des droits et libertés et bien d'autres pratiques contraires à
l'Etat de droit.
4. METHODOLOGIE
Pour vérifier les hypothèses, il importe de
recourir à certaines méthodes.
En effet, la méthode exégétique nous a
été d'une grande importance car les textes constitutionnels,
légaux et réglementaires ont été
interprétés. Aussi, la méthode historique est-elle de
taille dans cette analyse. Pour se rendre compte de l'évolution de
l'Etat de droit en RDC, il est obligatoire de se référer à
son histoire constitutionnelle ou légale. L'Etat de droit fait l'objet
d'une étude dans beaucoup de pays. Pour voir comment il se vit ailleurs,
la méthode comparative reste la mieux indiquée. Voilà
pourquoi cette méthode est aussi importante dans cette analyse. Et la
méthode sociologique nous est également utile pour saisir les
écarts entre les textes et la pratique.
La technique documentaire et l'observation nous ont permis de
mieux orienter notre réflexion et de mieux voir les différents
écrits des auteurs à propos de ce thème.
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5. INTERET, OBJECTIF ET DELIMITATION DU SUJET
Tout travail, moindre soit-il, affiche toujours un certain
intérêt et un objectif. Aussi, une analyse qui se veut
précise, mérite-t-elle d'être limitée dans le temps
et de l'espace.
5.1. Intérêt
Sans aucun doute, le choix de notre sujet ne manque pas de
répondre à un certain intérêt. Avant toute chose, ce
travail constitue des jalons déjà jetés pour tout
chercheur attiré par ce domaine. En outre, cette analyse peut
interpeller les Etats qui, jusqu'aujourd'hui, ne comprennent pas encore
l'impérieuse nécessité de l'instauration d'un Etat de
droit13.
Aussi, il est question de faire voir que sans le respect des
droits et libertés des citoyens et de la Constitution ou des lois,
l'Etat de droit est inexistant. Comme le souligne J. CHEVALLIER, « on
mesure la portée politique de la théorie de l'Etat de droit qui
à la fois constitue un rempart contre l'arbitraire, en imposant
l'intervention du Landtag pour tout ce qui touche aux droits individuels et
préserve les prérogatives de l'Exécutif, en mettant l'Etat
lui-même hors de la sphère de la loi »14
(Intérêt scientifique).
Par ailleurs, notre étude peut, dans une certaine
mesure, amener les responsables de notre pays, la RDC, à s'arrêter
un moment pour appréhender les problèmes qui entravent non
seulement la matérialisation et la construction d'un Etat de droit en
RDC mais encore y apporter des solutions un peu plus efficaces
(Intérêt pratique).
Enfin, il est une vérité sur laquelle on
n'insistera jamais trop, c'est que, tout geste que pose l'homme affiche
toujours un certain subjectivisme. Cette investigation comporte en
conséquence un intérêt exclusivement nôtre, car, si
elle est bien traitée, il va sans dire qu'elle contribuera à
notre maturité scientifique (Intérêt personnel). Pour
13 Cf. KAVUSA KALEMBA, Op. Cit., p. 3.
14 J. CHEVALLIER, Op. Cit., p. 18.
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tout dire, « il n'y a point d'action sans
intérêt », peu importe que cet intérêt soit
scientifique, pratique ou personnel15.
5.2. Objectif
Notre dessein s'oriente dans l'étude constitutionnelle
congolaise. En fait, il est question de faire connaître à ceux qui
nous lisent, la théorie de l'Etat de droit, sa perception et son
évolution dans l'histoire constitutionnelle de la RDC.
5.3. Délimitation
La RDC constitue notre champ d'investigation bien que, par
moment, nous pourrions parler de l'Etat de droit sous d'autres cieux. Dans
cette analyse, notre attention sera focalisée sur la notion de l'Etat de
droit à partir de la période coloniale jusqu'à nos jours
(à la Constitution du 18 février 2006).
6. DIFFICULTES RENCONTREES
A vaincre sans péril on triomphe sans gloire. En menant
nos recherches, nous nous sommes heurté à plusieurs
difficultés que ne nous saurons pas énumérer dans ce
travail. Malgré tout et tout en ayant un objectif, nous avons dû
nous frotter les mains à la frontière.
7. SUBDIVISION DU TRAVAIL
On ne peut parler d'Etat de droit sans faire allusion aux
libertés et droits des citoyens. Mais il semble qu'à la
période de l'EIC et du Congo belge, les libertés et droits des
citoyens passaient au second plan. Cette déficience renvoie à une
négation de l'Etat de droit (Chapitre I). A l'état actuel, en
passant bien entendu son histoire en revue, il y a lieu de s'arrêter un
moment pour voir si l'Etat de droit a évolué en RDC à
partir de son accession à l'indépendance (Chapitre II).
15 Cf. KAVUSA KALEMBA, Op. Cit., p. 4.
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Chapitre premier
LA PERIODE COLONIALE ET LA NEGATION
DE L'ETAT DE
DOIT
Dans son ouvrage « Institutions politiques et Droit
constitutionnel », P. PACTET écrit : « Il ne peut y avoir
Etat de droit que si le pouvoir politique s'exerce par les voies du droit et
seulement par ces voies. Pour cela, il faut qu'il existe dans l'Etat un
réseau normatif bien adapté et une hiérarchisation des
normes avec un sommet des principes à valeur constitutionnelle qui
servent de références »16.
Eric CARPANO ajoute : « Les droits fondamentaux dont
la source est la dignité humaine sont fondateurs, voir refondateurs de
l'Etat de droit (...) ; c'est le droit fondamental qui pose l'Etat en tant
qu'Etat de droit, et celui-ci n'a pour fonction que de le concrétiser et
le garantir en même temps. Il s'agit là de l'expression la plus
essentielle de l'idée même d'Etat de droit
»17.
Dans l'Etat droit, les droits fondamentaux tels
qu'énoncés dans la Déclaration universelle des
droits de l'homme et dans les différentes conventions doivent être
respectés. Nous pouvons, de manière exemplative, citer quelques
articles de cette Déclaration qui en parlent.
L'article 1 de la DUDH dispose : « Tous les
êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en
droit ». L'article 3 ajoute : « Tout individu a droit
à la vie, à la liberté et à la sûreté
de sa personne ». L'article 18 mentionne : « Toute personne
a droit à la liberté de pensée, de conscience et de
religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de
conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa
conviction seul ou en commun, tant en public qu'en privé par
l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites
». L'article 26 déclare : « Toute personne a droit
à l'éducation ».
En effet, le problème de la violation des droits
fondamentaux est l'un de ceux qui n'ont cessé de solliciter l'attention
de plus d'une personne. La solution à ce
16 P. PACTET, Institution politique et Droit
constitutionnel, 17è éd. Armand Colin, Paris,
1998, p. 125.
17 E. CARPANO, Etat de droit et droits
européens, L'Harmattan, Paris, 2005, p. 441.
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problème semble se trouver dans l'Etat de droit,
corollaire de la démocratie libérale.
L'Etat de droit échappe à toute dictature, et
sans doute, cherche à garantir les droits et libertés des
citoyens en prohibant les tortures, esclavage, colonisation, etc.
Avant de parler de la période coloniale, l'analyse de
l'Etat de droit dans la période précoloniale exige une attention
particulière.
La RDC d'avant la colonisation était
caractérisée par différents empires et royaumes où
seule la loi non écrite régit l'exercice du pouvoir et des droits
des citoyens. Pendant cette période, l'on pouvait assister à la
vente ou au commerce des humains, à l'esclavage, etc. pratiques
contraires à l'Etat de droit. Ainsi, l'Etat de droit y était de
façade.
A l'approche de la fin du 19è siècle,
les puissances européennes sont à la recherche de colonies. Le
roi des belges voudra également offrir une colonie à la Belgique.
Malheureusement, l'opinion publique belge est hostile à la colonisation.
En effet, les belges étaient en peine sortis, en 1830, de la
colonisation hollandaise et ils en gardaient encore de mauvais souvenirs. Le
roi belge a ainsi agi pour son compte personnel et a, pour ce faire, entrepris
des voyages en Asie et en Afrique centrale.
C'est ainsi que, après avoir conquis les
différents royaumes, le roi Léopold II a réussi à
se tailler une partie de terre dans le bassin du Congo. C'est en 1885, lors de
la conférence de Berlin, convoquée par le Chancellier
allemand BISMARK du 15 novembre 1884 au 26 février 1885, que l'EIC a
été reconnu au niveau mondial par toutes les puissances.
Léopold II avait dissimulé ses visées coloniales
derrières des objectifs scientifiques et humanitaires. Officiellement,
son souhait serait d'implanter la civilisation occidentale en Afrique.
Ce nouvel Etat n'appliquera que des pratiques négatives
à l'Etat de droit et qu'en réalité le testament fut sans
grande conséquence puisque la propriété du roi passera
à la Belgique avant la mort de celui-ci. Cela implique la
continuité de ces anti-valeurs contraires à l'Etat de droit,
même si l'autorité sur la colonie passe du roi
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Léopold II à la Belgique. L'EIC (section I)
devient donc le Congo belge et sera régi par une disposition
constitutionnelle qui est la « Charte coloniale » (section II).
Section I : L'ETAT INDEPENDANT DU CONGO
Dans un Etat de droit, pour une meilleure garantie des droits
et libertés fondamentaux, les textes qui les proclament doivent se
situer à un niveau supérieur de la hiérarchie des normes
juridiques. C'est dans ce sens que P. PACTET écrit : « Les
garanties des droits et libertés fondamentaux sont meilleures lorsque
les textes qui les proclament se situent à un très haut niveau de
la hiérarchie des normes juridiques. Sur ce point, satisfaction est
obtenue lorsque le texte qui les proclame a valeur constitutionnelle et que les
textes qui les réglementent doivent obligatoirement avoir valeur
législative »18, ce qui n'est pas le cas dans
l'EIC.
Il est encore plus nécessaire que, sous couvert de
réglementer les droits et libertés fondamentaux, le pouvoir
législatif ainsi que le pouvoir exécutif ne puissent leur porter
atteinte. Il doit donc exister un contrôle de la
constitutionnalité des lois. Bien entendu, ce contrôle doit
être complété par un contrôle juridictionnel de la
constitutionnalité et de la légalité des actes
spécifiques de l'exécutif, règlements ou décisions
unilatérales. En d'autres termes, les libertés et droits
fondamentaux ne seront garantis que si est institué un véritable
Etat de droit19. Or, dans l'EIC, ces textes semblent n'avoir jamais
existé. Et donc, la constitutionnalité des lois et la
légalité des actes, leur contrôle n'étaient que des
illusions.
L'EIC est un bien privé à Léopold II.
Ainsi, il détient seul les pouvoirs de décision (§1). Pour
exploiter ce domaine, il avait besoin d'une main d'oeuvre. Cela l'a
poussé à forcer la population à travailler comme des
esclaves (§2).
18 P. PACTET, Op. Cit., p. 124.
19 Cf. Ibidem
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1. Concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul :
pratique contraire à l'Etat de droit
Pour garantir les droits et libertés
fondamentaux des citoyens vis-à-vis des atteintes du pouvoir, le pouvoir
ne doit pas être concentré entre les mains d'un seul, mais dans
les mains de plusieurs, ce qui suppose que les pouvoirs de l'Etat soient
séparés et qu'ils le restent20. A vrai dire, la
séparation des pouvoirs est une des conditions indispensables pour
assurer la protection des droits et libertés des citoyens, facteur
important dans un Etat de droit.
Dans l'EIC, les pouvoirs législatif et exécutif
sont concentrés entre les mains du roi Léopold II. Il
édictait lui-même des lois qu'il faisait exécuter par ses
représentants dans la colonie. Cela s'explique par le fait
qu'il n'y avait pas un Parlement. Même le pouvoir judiciaire
n'y était que de façade. Ce pouvoir était
partagé en deux ordres : l'un pour les belges
soumis au droit écrit et l'autre pour les indigènes soumis au
droit coutumier. Ce qui explique l'inégalité des citoyens dans
l'EIC. La citoyenneté n'est donc pas reconnue à tous les
habitants. Pour ce faire, personne ne peut contrôler et limiter les
actions du roi de peur de perdre son emploi. Ainsi, l'administration
léopoldienne ne pouvait mal faire.
Comme dit ci-haut, le roi réduisait ses citoyens à
des esclaves.
2. L'esclavagisme et l'Etat de droit
La théorie de l'Etat de droit trouve ses origines dans
l'école du droit naturel. Pour cette dernière, l'homme naît
libre et le demeure. Toute pratique ou traitement inhumain touchant son
intégrité serait contraire à un Etat de droit. L'article
1er de la DUDH de 1948 s'inscrit dans cette même perspective
lorsqu'il dispose : « Tous les êtres humains naissent libres et
égaux en dignité et en droit ». Et l'article 3
d'ajouter : « Tout individu a droit à la vie, à la
liberté et à la sûreté de sa personne
».
L'exploitation socio-économique de l'EIC par le roi
Léopold II allait à l'encontre de ce que préconise ce
texte. Le régime léopoldien n'est qu'une catastrophe
20 Cf. E. ZOLLER, Droit constitutionnel,
éd. PUF, Paris, 1998, pp. 284 et 279.
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sur le plan social. Ainsi, d'après
NDAYWEL-è-Nziem, cette histoire tragique trouve son fondement dans la
conception possessive que Léopold II avait de « son » Congo.
De même que toutes les terres vacantes lui appartiennent d'office, toutes
les populations que le hasard de l'histoire a eues à placer sur le
territoire du Congo constitueraient automatiquement, elles aussi, une main
d'oeuvre vacante et disponible : vacante parce que sans propriétaire et
disponible parce qu'inoccupée. Avec des espaces libres et un personnel
sans emploi, Léopold II se trouve en présence d'une situation
rêvée où le prix de revient constitue un
intérêt net car il n'y avait pas de prix d'achat à
défalquer21. Les congolais ont connu toutes sortes de
pratiques malsaines comme le portage, les corvées, etc.
En effet, le portage était un véritable enfer.
Le congolais, soumis brutalement à un rythme de travail d'une
intensité inhabituelle, manifeste peu d'empressement à
exécuter les travaux dont il ne comprend pas la finalité et pour
lequel il ne ressent aucune motivation. On le traitera de paresseux et de
congénitalement peu enclin au travail. Ce mythe du « nègre
paresseux » a servi de justification dans toute l'Afrique noire à
nombre de comportements irrationnels22.
Alors que les autochtones étaient soumis à un
régime de sanctions répressives en matière de portage, ils
se trouveront soumis à une autre obligation sévère,
à laquelle ils ne peuvent guère se soustraire. Il fallait fournir
à manger à tous les blancs qui sillonnaient les cours d'eau avec
leurs soldats, leurs porteurs, leurs nombreux auxiliaires contraints à
mener une vie ambulante sans pouvoir s'occuper de l'agriculture, de chasse et
de pêche23.
La plus grande hécatombe est causée par la
récolte du caoutchouc : la page la plus triste parce que la plus
sanglante de l'histoire congolaise de la colonisation. En effet, elle n'est que
la conséquence d'une logique implacable du système
économique léopoldien. Les prestations à exiger car la
maximisation des recettes était une priorité
absolue24.
21 Cf. NDAYWEL-è-Nziem, Op. Cit., p.
267.
22 Ibidem, p. 337.
23 Cf. Ibidem, p. 338.
24 Cf. Ibidem, p. 339.
Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
R.D.C.
Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
Pour obtenir les prestations requises, les agents de l'Etat
disposaient de toute une gamme de moyens de contrainte et de répression
: ils peuvent faire surveiller les villages par des soldats
affectés sur place - des sentinelles - ils peuvent administrer et faire
administrer le fouet (la chicotte) ou encore prendre des otages et
organiser des expéditions punitives.
Le crime de l'administration léopoldienne serait de
tuer et de faire tuer des gens dont la seule faute serait d'avoir
été dans l'incapacité d'atteindre la qualité
requise de récolte.
L'EIC souffre de tous les maux, antivaleurs contraires
à l'Etat de droit. L'absence de normes juridiques encadrant
rigoureusement les droits et libertés fondamentaux ainsi que
l'exercice du pouvoir de l'administration ; l'absence d'un système de
justice administrative susceptible de sanctionner efficacement les abus de
l'administration faisant que l'homme indigène ne peut rien avoir comme
droit même sur sa vie. Seul son maître décide à sa
place, voire sur sa famille.
Etant contraire aux voeux de l'Etat de droit, l'administration
léopoldienne ne saurait passer sans critique. Toutes les puissances
amies à Léopold II l'ont fort critiquée. Le roi se trouve
alors coupé de ses arrières et se rend à l'évidence
: le Congo (EIC) allait être annexé à la
Belgique après plusieurs décennies.
Cependant, l'acte juridique de l'annexion n'interviendra qu'en 1908 suite
à la dernière lutte que le roi entreprenait pour maintenir
à son compte la fondation de la couronne et au délai
nécessaire à l'élaboration de la Charte coloniale, texte
ayant une portée constitutionnelle dans la colonisation belge.
Section II : LA COLONIE BELGE ET LA CHARTE
COLONIALE
Avec la charte coloniale, un texte à caractère
constitutionnel dans la colonie belge, il y a lieu de dire, avant de lire les
différentes dispositions de cette dernière, qu'on est
en marge d'un Etat de droit. Le titre « charte coloniale »
en témoigne suffisamment. Contenant six chapitres dont le
deuxième consacre les droits n'ayant que cinq articles en son sein, ce
texte paraît plus tributaire de la ségrégation que de
développement comme le prétendaient les belges. Par le
fait de son intitulé, le second
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la R.D.C. Par
: ABDOUL KARIM KAPITENE
chapitre de la Charte est porteur de l'inégalité
entre les hommes se trouvant dans la colonie. En effet, ce chapitre porte le
titre de « Les droits des belges, des étrangers et des
indigènes ». C'est là un mauvais départ pour un Etat
de droit.
Aussi, est-il que tous les pouvoirs, dans cette charte, sont
concentrés entre les mains d'une seule personne. En effet, le chapitre
trois, précisément l'article 7 al.1 dispose : « La loi
intervient souverainement en toute matière. Le roi exerce le pouvoir
législatif par voie de décret, sauf quant aux objectifs qui sont
réglés par la loi ». L'article 8 ajoute : « Le
pouvoir exécutif appartient au roi. Il est exercé par voie de
règlements et d'arrêtés ». Ce qui renvoie
à un Etat de police qui « est celui dans lequel
l'autorité administrative peut d'une façon discrétionnaire
et avec une liberté de décision plus ou moins complète,
appliquer aux citoyens toutes les mesures dont elle juge utile de prendre par
elle-même l'initiative en vue de faire face aux circonstances et
d'atteindre à chaque moment les fins qu'elle se propose
»25. L'Etat de police est fondé sur le bon plaisir
du principe : il n'y a ni véritable limite juridique à l'action
du pouvoir, ni réelle protection des citoyens contre le
pouvoir26.
Comme on vient de le voir, la charte coloniale contient des
dispositions inégalitaires (§1) faisant participer, seuls, les
colons à la gestion de la res publica (§2).
3. L'inégalité des hommes devant la loi et
l'Etat de droit
L'Etat de droit consacre l'égalité
des hommes devant la loi. Il s'agit là, d'après E.
CARPANO, d'une caractéristique essentielle du modèle de l'Etat de
droit en ce qu'il fait figure à la fois de principe structurel et de
principe substantiel de l'ordre juridique : en tant que
principe structurel, il conditionne l'application des droits fondamentaux
(droit à l'égalité des droits) ; en tant que principe
substantiel, il impose de traiter chaque individu de manière
égalitaire27. Or dans la charte coloniale, il en va
autrement. Seuls peuvent avoir des droits et être
égaux, les colons alors que les autres,
appelés indigènes, ne sont astreints qu'à des obligations.
D'ailleurs, tout en bénéficiant
25 C. DE MALBERG, Contribution à la
théorie générale de l'Etat, Tome 2, Sirey, Paris,
1920-1922, p. 488.
26 Cf. J. CHEVALLIER, Op. Cit., p. 16.
27 Cf. E. CARPANO, Op. Cit., p. 427.
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
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Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
de certains droits reconnus par la Constitution belge de 1830,
les indigènes restent victimes de l'inégalité dans la
colonie.
Cette inégalité est une émanation de la
charte coloniale elle-même. En effet, l'article 2 al. 4 de cette charte
dispose : « Des lois régleront, à bref délai en
ce qui concerne les indigènes les droits réels et la
liberté individuelle ». Pour un belge, même
s'il est au Congo, il n'a pas à s'inquiéter, il ne doit que se
sentir comme il était en Belgique et jouir des mêmes garanties que
celles qui lui sont assurées en Belgique. C'est dans ce sens que l'art.
3 al. 2 dispose : « Les belges jouiront au Congo (...) des garanties
semblables à celles qui leur sont assurées en Belgique
».
Alors que les indigènes pouvaient avoir le souci de
partager le même destin, la charte coloniale les a séparés
en distinguant entre eux des immatriculés et les non
immatriculés. Cette division est à remarquer dans les termes de
l'article 4 de la Charte coloniale qui dispose : « Les Belges, les
congolais immatriculés dans la colonie (...) jouissent de tous
les droits civils reconnus par la législation du Congo belge
(...). Les indigènes non immatriculés du Congo belge
jouissent des droits civils qui leur sont reconnus par la législation de
la colonie et par leurs coutumes en tant que celles-ci ne sont contraires ni
à la législation ni à l'ordre public ». Pour
dire, la Charte n'avait comme objectif que de maintenir la discrimination entre
les habitants du Congo.
Dans un Etat de droit, la non discrimination entre les
individus est le principe. Ainsi, la jouissance des droits et libertés
doit être assurée, sans distinction aucune, fondée
notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les
opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale,
l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance
ou toute autre situation.
En considération de ce qui précède, l'on
peut être tenté de croire que les autochtones étaient
exclus de la gestion de la res publica.
4. La gestion belge du Congo et la participation
congolaise
Hélène d'ALMEIDA écrit : «
Malgré les différences des conceptions inhérentes
à chaque métropole, la participation des africains aux prises de
décision
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
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Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
était pratiquement nulle. Ils pouvaient tout au
plus avoir un rôle consultatif limité dans les instances locales
par l'intermédiaire de personnalités nommées, ce qui
n'était même pas le cas dans les colonies allemandes, belges et
portugaises »28.
La participation du peuple à la gestion de la chose
publique garantit ses droits et libertés. Cette participation est
considérée comme étant une garantie de l'Etat de droit et
que les individus sont libres, autonomes et égaux et ne peuvent que
s'auto-administrer.
Dans le Congo belge comme dans l'EIC, l'administration ne se
déroule qu'entre blancs, bien plus de même origine. La
participation congolaise y est faible. La Charte coloniale, en son chapitre
trois, consacré à l'organisation du pouvoir, ne fait mention
d'aucune structure indigène de participation à la gestion de la
chose publique. Au lieu même de laisser une place administrative aux
autorités autochtones, la Charte institue un Gouverneur
Général et un vice-gouverneur général ; et ceux-ci
ne doivent être que des blancs ou des belges d'origine. Pour nous
soutenir, l'art. 21 de la Charte dispose : « Le roi est
représenté dans la colonie par un Gouverneur
général, assisté d'un ou plusieurs vice-gouverneurs
généraux ». L'al. 2 de ce même article ajoute :
« Sauf les personnes qui ont administré en l'une ou l'autre de
ces qualités le territoire de l'EIC, nul ne peut être nommé
aux fonctions de gouverneur général ou de vice-gouverneur
général s'il n'est belge de naissance ou par grande
naturalisation ». L'art. 22 al. 2 continue en affirmant : «
Le Gouverneur Général est, dans les territoires
constitués par le Roi en vice-gouvernement général, le
vice-gouverneur général exercent par voie d'ordonnance le pouvoir
exécutif que le roi leur délègue ».
Les autochtones qui participent à la gestion de la
chose publique n'y sont qu'au service de la métropole. Ce
qui n'est pas de pratique dans les colonies
françaises parce que la France a pris comme pratique
d'associer les autochtones à la gestion de la chose publique tout en
leur reconnaissant certains droits politiques. Cette pratique est
appelée « administration directe ».
28 H. d'ALMEIDA-Topor, L'Afrique du
XXè siècle, éd. Armand Colin, Paris, 1993,
p. 28.
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la R.D.C. Par
: ABDOUL KARIM KAPITENE
Les belges font usage de la politique de l'administration
indirecte qui est officiellement instaurée par le décret du 15
avril 1926. Elle consiste à laisser les indigènes s'organiser
dans leurs institutions mais ne doivent pas participer à la vie
politique du pays. Pour dire, la citoyenneté n'est pas reconnue aux
indigènes dans une telle administration. Cette politique entretient la
ségrégation entre populations européennes et africaines
et, partant, elle évite au maximum la multiplication des congolais
acculturés et limite donc l'instruction au strict minimum.
L'administration belge a réussi à
élaborer une quarantaine de textes législatifs pour appuyer
l'option de la ségrégation, notamment l'ordonnance du 8 janvier
1918 interdisant aux Noirs de circuler dans les circonscriptions urbaines et
dans certaines agglomérations européennes entre 21 heures 30 et 4
heures ; le décret du 16 juillet 1918 imposant la séparation des
races dans les villes ; les décrets et les ordonnances de 1919-1920
prévoyant la constitution d'un corps de volontaires européens et
le renforcement des mesures préventives concernant l'ordre public ; le
décret du 6 août 1922 alourdissant les peines destinées
à réprimer les infractions aux règlements de police ;
l'ordonnance du 11 février 1926 visant les associations
indigènes, etc.
En effet, les affres et les conséquences
fâcheuses de la colonisation placeront le régime belge au rang des
régimes les plus sanguinaires que l'histoire nationale ait pu
enregistrer : les corvées, les mutilations corporelles de toutes sortes,
l'exploitation économique et l'embrigadement idéologique
instaurés par ce régime jettent ainsi, à titre de bilan,
une épaisse nuée d'ombre dans toute la politique
sociale coloniale belge, laquelle ne permet pas d'évoquer la question
des droits de l'homme pendant cette période29.
La Charte coloniale prévoit l'institution d'une «
commission permanente de la protection des indigènes et de
l'amélioration de leurs conditions morales et matérielles ».
Elle place singulièrement la question générale des droits
de l'homme sous l'empire entier de la Constitution belge de 1830. Les al. 4 et
5 de l'art. 2 de la
29 Cf. NDAYWEL-è-NZIEM, Op ; Cit., p.
240.
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
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Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
Charte renvoient à la compétence de la loi la
réglementation des droits réels et la liberté des
indigènes, loi qui n'est intervenue que le 17 juin 1960, treize jours
avant l'accession du pays à l'indépendance. Cet article 2 dispose
: « Tous les habitants de la colonie jouissent des droits reconnus par
les art. 7 al. 1er et 2, 8 à 15, 16 al. 1er, 17
al. 1er, 21, 22 et 24 de la Constitution Belge ». L'al. 5
de cette même disposition ajoute : « Des lois règleront,
à bref délai, en ce qui concerne les indigènes les droits
réels et la liberté individuelle ».
L'on comprendrait peut-être pourquoi la Charte coloniale
de 1908 n'a pas fait beaucoup allusion aux questions liées aux droits de
l'homme. Lors de son élaboration et de sa promulgation, il n'existait
pas d'instruments internationaux protégeant les droits de l'homme ; les
chartes de la Société des Nations (SDN), de l'Organisation des
Nations Unies (ONU) et la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
(DUDH) n'avaient pas encore vu le jour, excepté la Déclaration
française des droits de l'homme et des peuples (1789) qui est un texte
national.
En 1960, tous ces instruments existent déjà et
la Belgique serait membre de la SDN puis de l'ONU et a
ratifié la DUDH. C'est donc devant ces impératifs de l'heure
qu'elle va prendre l'initiative de proclamer la loi fondamentale sur les
libertés publiques, et, sous pression, octroyer l'indépendance au
Congo (RDC).
Nous venons de fustiger les antivaleurs de la période
coloniale, lesquelles ne peuvent faire éclater un Etat de droit. La RDC
est à son cinquantième anniversaire depuis qu'elle est
indépendante. Il est important de voir si le pays est devenu un Etat de
droit à partir de son indépendance.
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
R.D.C.
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Chapitre deuxième
L'EVOLUTION DE L'ETAT DE DROIT EN RDC
DEPUIS
L'INDEPENDANCE
Le 30 juin 1960, la RDC accède à
l'indépendance. Les congolais retrouvent certains droits et
libertés. Ils vont s'assigner comme mission de construire un Etat de
droit en RDC.
L'Etat de droit n'est pas à confondre avec l'Etat
légal qui est aussi différent de l'Etat de police. Comme
l'indique CARRE DE MALBERG, « L'Etat de police est celui dans lequel
l'autorité administrative peut, d'une façon
discrétionnaire et avec une liberté de décision plus ou
moins complète, appliquer aux citoyens toutes les mesures dont elle juge
utile de prendre par elle-même l'initiative, en vue de faire face aux
circonstances et d'atteindre à chaque moment les fins qu'elle se propose
»30.
A n'en pas douter, l'Etat de police connaît moins une
véritable limite juridique à l'action du pouvoir et une
réelle protection des citoyens contre le pouvoir.
Par contre, l'Etat légal repose sur la
suprématie du corps législatif. Cet Etat se rattache à une
conception politique ayant trait à l'organisation des pouvoirs,
conception suivant laquelle l'autorité administrative doit, dans tous
les cas et en toute matière, être subordonnée à
l'organe législatif31. De ce fait,
Georges BURDEAU écrit que « l'Etat légal
c'est la dictature de la loi »32.
De ce qui précède, nous pouvons affirmer sans
risque d'erreur que l'Etat de droit englobe et l'Etat de police et l'Etat
légal en les dépassant. L'Etat de droit est devenu la forme
normale d'organisation des sociétés, et exige un certain nombre
de conditions : le respect de l'ordre juridique, la protection des droits et
des libertés et le contrôle juridictionnel sur les gouvernants.
30 C. DE MALBERG cité par KAVUSA KALEMBA,
Op. Cit., p. 12.
31 Cf. Ibidem, p. 13.
32 G. BURDEAU, Droit constitutionnel,
22è éd. LGDJ, Paris, 1991, p. 503.
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
R.D.C.
Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
Pour Joël MEKHANTAR, « la soumission du pouvoir
politique au droit suppose que soient réunies deux grandes conditions.
D'une part, qu'existe un certain ordre juridique hiérarchisé,
déterminé, en principe, par la Constitution. D'autre part, que
les individus puissent s'adresser à des juridictions pour faire
respecter l'ordre juridique. Autrement dit, il n'y a pas d'Etat de droit sans
l'existence d'un contrôle juridictionnel »33.
L'Etat de droit s'analyse mieux encore dans la transparence de
gestion de la res publica faisant appel à un type de contrôle
(politique, administratif, disciplinaire et juridictionnel) dans l'action du
gouvernement impliquant de sanctions. L'Etat de droit lutte contre
l'impunité.
Pour vérifier tous ces éléments, nous
allons partir de différents textes constitutionnels de la RDC. C'est
dans ces différentes constitutions que nous allons vérifier
l'existence de l'Etat de droit et cela en vue de mieux connaître son
évolution dans le temps.
Depuis l'indépendance jusqu'à nos
jours, la RDC a connu plusieurs Constitutions alors que des Etats plus anciens
comme les USA ne sont qu'à leur première Constitution
malgré les différents amendements y apportés. La
première Constitution, en RDC, est la Loi fondamentale. Elle sera suivie
des Constitutions républicaines (Section I) qui, par la suite, ont
été détournées vers la dictature. Après
cette longue période de dictature, le pays va s'ouvrir à la
démocratisation à partir du 24 avril 1990 et c'est le
début de la transition. Cette transition sera marquée par la
conflictualité et des guerres en répétition.
Elle prendra fin après de longues discussions qui aboutiront
à l'Accord global et une Constitution de transition, sanctionnés
par la suite d'une Constitution démocratique
promulguée le 18 février 2006 (Section II).
33 Cf. J. MEKHANTAR, Droit politique et
constitutionnel, éd. ESKA, Paris, 1997, p. 139.
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
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Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
Section I : LA LOI FONDAMENTALE, LA CONSTITUTION
DE LULUABOURG ET LA CONSTITUTION
REVOLUTIONNAIRE
Pour mieux assurer la démocratie en RDC après
l'indépendance et pour ne pas y créer un vide juridique, le
Parlement belge préparera et va octroyer un texte à portée
constitutionnelle au nouvel Etat, le Congo indépendant. C'est la Loi
fondamentale (§1). Quatre ans après, les congolais eux-mêmes
ont élaboré leur propre texte : la Constitution de Luluabourg
(§2) qui sera remplacé par la Constitution qualifiée de
« Révolutionnaire » (§3).
§1. La Loi fondamentale
Elle est une composition de deux textes légaux. L'un du
19 mai 1960 relative aux structures du Congo indépendant et à
l'exercice du pouvoir (A) et l'autre du 17 juin 1960 relatif aux droits des
indigènes, qui était prévu bien
avant par la Charte coloniale et qui n'a vu le jour qu'à cette date
(B).
A. L'exercice du pouvoir
Il est régi par un texte du 17 juin 1960. L'Etat de
droit implique que l'exercice du pouvoir soit organisé par un texte
à valeur constitutionnelle et cela pour mieux assurer la garantie des
droits et libertés. Ainsi, est-il écrit à l'article 6 de
cette loi : « Le Congo constitue, dans ses frontières
actuelles, un Etat indivisible et démocratique ». A l'article
12 d'ajouter : « La désignation du Chef de l'Etat est acquise
à la majorité des deux tiers de tous les membres qui composent
les deux chambres réunies ». Pour vouloir montrer comme quoi
les congolais, eux-mêmes, doivent prendre leur destin en main. Ils
doivent faire usage des jeux démocratiques. La démocratie est,
à l'heure actuelle, une condition nécessaire pour l'existence
d'un Etat de droit. La démocratie bénéficie d'un prestige
dans le monde, et si elle est une
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
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Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
aspiration des peuples, c'est qu'elle se ramène, en
définitive, à la protection des droits et libertés.
L'article 14 mentionne : « Les pouvoirs sont
exercés de la manière établie par la présente loi
». L'article 18 dispose : « Le pouvoir judiciaire est
exercé par les cours et tribunaux (...) ». Voilà encore
l'une des caractéristiques d'un Etat de droit. Le pouvoir judiciaire
reste jusqu'à preuve du contraire le gardien des droits et
libertés des peuples.
De ce qui précède, l'on est porté
à penser à un Etat de droit avec la loi fondamentale. Mais,
est-il que cette Loi fondamentale ferait l'objet de plusieurs sabotages de la
part et des colons et des congolais. C'est ainsi, par exemple, que lors des
élections remportées par les partis nationalistes
regroupés au sein de l'Alliance Nationale Congolaise (ANC)
présidée par Patrice LUMUMBA, l'administration coloniale qui
dirigeait encore le pays soutenait le groupe des partis politiques perdant
regroupés au sein du Parti National du progrès (PNP)
transformé par ses opposants en « Parti de Nègres
Payés »34. C'est là une preuve que
l'administration coloniale était loin d'accepter démocratiquement
la victoire des partis nationalistes, ce qui a alors entraîné de
graves conséquences au blocage du processus de construction d'un Etat de
droit.
A cela on peut ajouter le fait que le nouvel Etat s'est
heurté à l'inexpérience du peuple congolais. Le passage du
système colonial considéré comme paternaliste et
autoritaire vers un système démocratique, le 30 juin 1960, n'a
pas été aisé pour les congolais qui
n'étaient pas préparés à affronter seuls une telle
situation.
Par contre, dans les colonies anglaises comme le GHANA, la
GUINEE CONNAKRY, les élites locales étaient formées pour
mieux diriger le pays après le départ des colons.
C'est ainsi que KWAME N'KROUMA, SEKOU TOURE accompagneront leurs pays
respectifs et feront d'eux des Etats respectueux de droit. Une telle formation
n'était pas envisageable dans les colonies belges.
34 Cf. E. TSHIMANGA BAKADIABABO, La
démocratie et ses blocages au Congo-Kinshasa, L'Harmattan, Paris,
2004, p. 30.
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
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Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
En RDC, après l'accession du pays à
l'indépendance, il fallait que certaines conditions politiques soient
réunies et que les acteurs politiques soient animés d'une
réelle volonté d'oeuvrer pour un système
démocratique en vue de mieux construire un Etat de droit digne de ce
nom. La culture politique, la culture même des textes, la conscience
nationale et la capacité d'organisation et de gestion font cruellement
défaut.
Suite à cette insuffisance des congolais et au manque
de culture politique, les congolais se sont confrontés à de
grandes difficultés pour maîtriser le fonctionnement de nouvelles
institutions démocratiques établies par la Loi fondamentale
à son article 8 qui dispose : « L'Etat du Congo comprend des
institutions centrales, provinciales et locales. Les institutions centrales
sont : a) le Chef de l'Etat ; b) le Gouvernement dirigé par un premier
Ministre ; c) La chambre des représentants ; d) le Sénat ; e) les
Cours et tribunaux ».
Pour mieux garantir un Etat de droit, la stabilité
politique et institutionnelle est nécessaire pour l'exerce des droits et
libertés. Dès qu'il y a crise politique ou
institutionnelle, rien ne peut marcher et la démocratie, garantie de
l'Etat de droit, ne peut avoir d'effet.
L'exercice de jeux démocratiques au sein des
institutions fait montre de la volonté de construire et d'instaurer un
Etat de droit. C'est ainsi que les articles 42, 43 et 45 de la Loi fondamentale
consacrent cet exercice. Ces articles disposent successivement : art. 42 :
« Après sa constitution, le Gouvernement se présente
devant chacune des chambres en vue d'obtenir la confiance. Celle-ci est acquise
à la majorité absolue des voix de tous les membres qui les
composent ». L'art. 43 dispose : « La responsabilité
solidaire du Gouvernement est mise en cause par le dépôt d'une
motion de défiance ». Et l'art. 45 d'ajouter : « La
responsabilité individuelle d'un membre du gouvernement est mise en
cause par le dépôt d'une motion de censure ».
Les premières entraves politiques majeures au
système démocratique et à la construction d'un Etat de
droit après l'indépendance en RDC sont :
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
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Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
- La révocation du Premier Ministre Patrice Emery
LUMUMBA le 5 septembre 1960 d'une manière inconstitutionnelle par le
Président KASAVUBU engendra une crise politique et institutionnelle au
sein des institutions centrales du pays;
- Le coup d'Etat du 14 septembre 1960 mené par le
Colonel MOBUTU profitant de cette crise pour montrer son scénario ;
- Assassinat du Premier ministre LUMUMBA le 17 janvier 1961.
Après avoir parcouru l'exercice du pouvoir dans la Loi
fondamentale, qu'en est-il alors des droits et libertés des citoyens
?
B. Les droits et libertés des citoyens
Ils sont énumérés dans le texte du 19 mai
1960. Dans un Etat de droit, les droits et libertés des citoyens
occupent une place de choix. C'est dans cette perspective que T. MUHINDO
MALONGA écrit : « Le souci légitime de protection des
droits et libertés fondamentaux et individuels conduit à un
renforcement du rôle du droit dans la société et à
celui du juge chargé de faire respecter les droits fondamentaux, au
détriment du politique »35.
La présente loi consacrée aux droits et
libertés des citoyens traduit l'indéfectible attachement des
populations congolaises aux droits de l'homme et aux principes de la
démocratie. Elle s'inspire de leur primordial souci d'assurer le respect
de la personne humaine sans distinction aucune de race, de couleur, de sexe, de
langue, de religion, de nationalité, d'opinion
politique ou autre, d'origine sociale, de fortune, de
naissance ou de toute autre situation. Elle avait pour objet de définir
les droits dont les individus jouissent au Congo et dont les autorités
doivent assurer le respect ou favoriser la réalisation. Il est
écrit aux termes de l'article 1 al. 3, « la présente loi
a pour objet de définir les droits dont les individus jouissent au Congo
et dont les autorités doivent assurer le respect ou favoriser la
réalisation ».
L'Etat de droit prône une égalité des
citoyens devant la loi et qu'aucune forme de discrimination ne serait
tolérable. L'Etat de droit se fonde sur la notion de la
35 Cf. T. MUHINDO MALONGA, Art. Cit., p.
12.
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
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Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
dignité humaine. Ainsi, l'art. 2 dispose : «
Tous les habitants du Congo sont libres et égaux en dignité
et en droits ». L'art. 3 ajoute : « Toute personne a droit
au respect et à la protection de sa vie et de son
intégrité corporelle. Nul ne peut être soumis à la
torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégrandants
».
L'Etat de droit est établi uniquement et simplement
dans l'intérêt et pour la sauvegarde des citoyens dont il place
les droits au-dessus de toute atteinte. Malgré ce positionnement des
droits, l'important serait de les acquérir dans une totale
liberté. Sans liberté, rien ne peut marcher. Elle est le moteur
de la démocratie. A cet effet, l'art. 4 dispose : « Toute
personne a droit à la liberté. Nul ne peut être tenu en
esclave. Nul ne peut être astreint à accomplir un travail
forcé ou obligatoire ». L'article 6 ajoute : « Toute
personne a droit en pleine égalité à ce que sa cause soit
entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial
qui décidera par un jugement motivé rendu en séance
publique (...) ». L'art. 12 mentionne : « Toute personne a
droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion
».
Malheureusement, cette loi n'a pas été
d'application. Les dirigeants ainsi que la classe politique de la
RDC vont plus se fier aux activités de leurs partis politiques et
à la conquête du pouvoir au détriment de l'application de
cette loi ; ce qui implique l'écroulement de la fondation qui pouvait
servir de base à la construction de l'Etat de droit en RDC. Ils oublient
que leur mission est immense et que les dangers principaux qui les menacent
sont l'inexpérience des populations à se gouverner. Les congolais
ne sont pas conscients du fait que la démocratie est toujours chose
complexe, elle est le fruit d'un long et pénible cheminement
individuel d'abord, collectif ensuite et qu'il leur faut au préalable
accomplir leur lente et sûre maturation et que, dans le cas de
leur pays, la démocratie implique que les hommes,
égaux en principe et au regard de la loi, soient susceptibles
de vivres ensemble avec tout ce que cela comporte non seulement d'aspiration et
d'intérêts communs mais aussi de formation d'habitude et de
réactions concordantes.
Après un certain temps, les congolais vont se rendre
compte que le pays n'avance presque pas et cela, peut-être, parce qu'ils
appliquent une Constitution
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octroyée. Ainsi, ayant le souci de consolider
l'unité nationale et de faire montre de leur adhésion à la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, ils élaboreront
leur Constitution qui sera la première écrite par les congolais :
c'est la Constitution de Luluabourg.
§2. La Constitution de Luluabourg
Promulguée le 1er août 1964, cette
Constitution proclame l'adhésion de la RDC à la DUDH et affirme
la détermination de consolider l'unité nationale du pays. Elle a
associé le peuple congolais à la gestion du pouvoir, pour dire la
souveraineté nationale appartient au peuple, et lui a reconnu les
différents droits politiques, civils, sociaux,
économiques et collectifs. Dans un Etat de droit le peuple
participe à la vie publique en élisant ses représentants.
C'est dans ce sens que l'art. 3 de cette Constitution dispose : « Tout
pouvoir émane du peuple qui l'exerce par ses représentants ou par
voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne
peut s'en attribuer l'exercice ».
Le problème du respect des droits et de la protection
des gouvernés est un des plus importants dans l'Etat de droit. Il ne
peut y avoir Etat de droit que si les différents pouvoirs respectent les
droits fondamentaux des citoyens et au même que s'ils assurent
la protection de leur vie et de leur personne. C'est dans cette perspective que
les art. 12, 13, 15 et 16 disposent : art. 12 : « Le respect des
droits consacrés dans la présente Constitution s'impose aux
pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire de toute la nation et
des provinces ». L'art. 13 ajoute : « Tous les congolais
sont égaux devant la loi et ont droit à une égale
protection des lois ». L'art. 15 affirme : « Toute personne
a droit au respect et à la protection de sa vie et à
l'inviolabilité de sa personne. Nul ne peut être soumis à
la torture ni à des peines ou traitement inhumains ou dégradants
». Aux termes de l'article 16, « Nul ne peut être tenu
en esclavage ou en servitude ni dans une condition analogue. Nul ne peut
être mis à mort si ce n'est dans le cas prévu par la loi
nationale et dans les formes qu'elle prescrit ».
Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
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Pour qu'existe un Etat de droit, le pouvoir judiciaire,
gardien des libertés et des droits, doit être indépendant
vis-à-vis des autres pouvoirs dits politiques. Cette indépendance
constitue une garantie majeure contre l'arbitraire du pouvoir et en
réalise par là même la limitation. Elle représente
un des prolongements les plus intéressants et les plus souhaitables de
la théorie de la séparation des pouvoirs. C'est dans ce sens que
l'art. 122 dispose : « Le pouvoir judiciaire est indépendant
des pouvoirs législatif et exécutif. Il est dévolu aux
cours et tribunaux. En aucun cas, il ne peut être exercé par les
organes du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif ».
Cette garde des droits et libertés se manifeste par le contrôle de
l'action du gouvernement ou encore mieux de l'administration par un
contrôle de légalité des actes ou des décisions
administratives. Ainsi, l'art. 126 dispose : « La Cour Suprême
de Justices comporte deux sections : la section administrative et la section
judiciaire. La section administrative est compétente pour
connaître en premier et en dernier ressort des recours en annulation pour
violation de la loi, formés contre les actes, règlements et
décisions des autorités administratives centrales ». Au
niveau local, c'est la Cour d'appel, section administrative, qui est
compétente pour connaître des recours en annulation contre les
actes des autorités locales et cela en premier ressort (art. 125).
On vient de le voir, cette Constitution était porteuse
d'un grand nombre d'éléments pour la construction d'un Etat de
droit en RDC. Fort malheureusement, elle n'a pas été
respectée.
A ce propos, Evariste BAKADIABABO écrit : « Le
grand problème auquel les congolais ont toujours été
confrontés depuis l'indépendance c'est le non respect
traditionnel des textes. Bien souvent, les textes ne sont pas respectés
ou ils sont tout simplement interprétés en fonction des
intérêts personnels. Le droit qui est en principe le soubassement
de tout Etat qui aspire à une vie démocratique et qui garantit
les libertés des citoyens et leur donne l'égalité des
chances pour participer à l'édification nationale ; Etat de droit
; est presque toujours bafoué (...). Les congolais ont
toujours
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(...) élaboré de meilleurs textes, mais
l'application de ces documents souvent riches en contenus a toujours
été biaisée (...) »36.
En date du 25 novembre 1965, cette Constitution perdra tout
son sens à cause du coup d'Etat de Mobutu dans la nuit du 24 au 25
novembre 1965. Automatiquement, le pays va connaître de nouveaux textes.
On peut citer l'ordonnance-loi n° 7 du 30 novembre 1965 accordant de
pouvoirs spéciaux au Président de la République, notamment
celui de prendre, par ordonnance-loi, des mesures qui sont normalement du
domaine de la loi. Par l'ordonnance-loi n° 66/92 bis du 7 mars 1966, il
s'attribue le pouvoir législatif qu'il exercera par ordonnances-lois et
ces ordonnances-lois étaient transmises pour « information »
à la Chambre des Députés et au Sénat. Du fait que,
lui aussi, trouvait qu'il menaçait la démocratie, il remit ce
pouvoir au Parlement par l'ordonnance-loi n° 66/621 du 21 octobre 1966.
Le Haut Commandement militaire de l'Armée Nationale
Congolaise avait servi de soutien à Mobutu dans la prise du pouvoir le
24 novembre 1965. Il était animé par l'esprit d'amener les hommes
politiques congolais à la réconciliation
nationale, esprit contraire aux visées de Mobutu. Pour remettre la
culture démocratique dans le pays, le Haut Commandement militaire avait
réussi, par l'entremise du Président Mobutu et du Premier
ministre MULAMBA NYUNYI, à promulguer une nouvelle Constitution devant
régir le pays. Cette nouvelle Constitution est dite «
Révolutionnaire » et a été promulguée le 24
juin 1967.
§3. La Constitution Révolutionnaire
Cette Constitution établit en RDC une démocratie
(art. 1). Comme dans tout Etat de droit, cette Constitution déterminait
le mode d'exercice et d'accession au pouvoir. Situant la source du pouvoir dans
le peuple, la démocratie s'efforce de faire prévaloir la
volonté des plus nombreux. Elle repose donc sur le suffrage universel et
implique à la fois, le pluralisme des formations politiques et la
liberté des citoyens et
36 E. BAKADIABABO, Op. Cit., pp. 235-236.
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des groupes. A partir de ces données, la règle
majoritaire peut s'appliquer. C'est dans cet esprit que les art. 2, 4 et 5
disposent : Art. 2: « Tout pouvoir émane du peuple qui l'exerce
par ses représentants ou par la voie du référendum. Aucune
fraction du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice
». Art. 4 : « Les partis politiques concourent à
l'expression du suffrage ». L'art. 5 souligne : « Tous les
congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une
égale protection des lois ».
La Constitution semble instituer en RDC un Etat de droit. Mais
comme le Président a une ambition autre que celle des membres du haut
commandement militaire, il écartera ces derniers pour accomplir ses
rêves et visées ; c'est un réel coup d'Etat par le fait
qu'il va abolir encore une fois les institutions démocratiques
existantes. Il convoque son parti, le Mouvement Populaire de la
Révolution en congrès extraordinaire, le 20 mai 1970, avec un
seul point à l'ordre du jour : « Institutionnalisation du MPR
» dans le pays. Encore une fois, c'est la violation de la Constitution
à son art. 4 en écartant toute possibilité de
création d'un autre parti et en faisant du MPR un parti
unique. Cet article fut remplacé par les dispositions
suivantes : « Le MPR est le seul parti politique de la
République Démocratique du Congo » (Loi n° 70-001
du 23 décembre 1970). L'art. 2 de cette loi dispose: «Les
principales institutions de la République sont : 1° le MPR ;
2° Le Président de la République, Président du parti
et Chef du Gouvernement, 3° L'Assemblée Nationale, 4° le
Gouvernement, 5° la Cour constitutionnelle, 6° les Cours et
Tribunaux.
L'institutionnalisation du MPR comme parti Etat implique
directement l'instauration de la dictature et la politisation des institutions
de la République qui conduit à l'arbitraire de l'administration
et à la limitation du pouvoir du juge, gardien des droits et
libertés des citoyens. Par conséquent, c'est l'Etat de droit qui
est mis en cause. Ce qui fait que le contrôle de l'activité
administrative (A) devient de plus en plus difficile et les droits fondamentaux
des citoyens (B) feront l'objet d'abus.
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A. Le contrôle de l'activité
administrative
Comme l'écrit Jacques CHAVALLIER, « Le
contrôle de l'activité administrative par un juge
indépendant est un aspect essentiel de l'Etat de droit : il permet en
effet de garantir le respect par l'administration de la hiérarchie des
normes et de l'intensité du contrôle exercé dépendra
le degré de soumission de l'administration au droit
»37.
Ce contrôle de l'administration par un juge
indépendant est un mécanisme pour lutter contre l'arbitraire et
la monarchie et cela se passe par la détermination de l'organisation du
pouvoir et par l'affirmation des droits et libertés. Dans cette
perspective, Joël MEKHANTAR écrit : « Le pouvoir politique
que l'Etat de droit entend combattre ou parfois domestiquer est celui de la
monarchie. Ce combat passe par la détermination de principes politiques
régissant l'organisation de l'Etat et par l'affirmation de
libertés individuelles puis, plus tard collectives venant limiter
l'action du gouvernement »38. Un tel combat n'a de chance
d'aboutir que s'il existe une réelle indépendance au profit du
pouvoir judiciaire.
La Constitution de 1967 s'inscrit dans cette logique
lorsqu'elle affirme à son article 56 : « Le pouvoir judiciaire
est indépendant des pouvoirs législatif et exécutif
». L'art. 57 al. 2 ajoute : « Les cours et tribunaux
n'appliquent les actes des autorités administratives que pour autant
qu'ils soient conformes aux lois ».
De nos jours, l'administration n'est plus la puissance
souveraine qui impose sa volonté sans contrôle ni compensation.
Elle est maintenant considérée comme une puissance au service
d'un but.
Lorsqu'elle s'exerce dans un Etat de droit, l'action
administrative ne peut être laissée à l'arbitraire ou au
simple bon sens des gouvernants. Le respect de la légalité
administrative et des droits des citoyens exige qu'il y ait des
mécanismes de contrôle. Le contrôle peut être
politique. Celui-ci est exercé par le Parlement, par le peuple à
l'occasion de nouvelles élections ; le contrôle peut être
aussi administratif. Dans ce cas
37 J. CHAVALLIER, Op. Cit., p. 77.
38 J. MEKHANTAR, Op. Cit., p 113.
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il est exercé par l'Administration elle-même.
Mais aussi, le contrôle peut être juridictionnel. C'est lorsqu'il
est exercé par les Cours et tribunaux.
S'agissant du contrôle juridictionnel, il est
écrit à l'art. 60 : « La cour suprême de justice
comporte 2 sections : administrative et judiciaire. La section administrative
est compétente pour connaître en premier et dernier ressort des
recours en annulation pour violation de la loi, formés contre les actes
réglementaires et décisions des autorités centrales
(...) ». L'art. 62 ajoute : « La section administrative de
la Cour d'Appel est compétente pour connaître en premier ressort
des recours en annulation pour violation de la loi, formé contre les
actes, règlements et décisions des autorités
administratives provinciales et locales ».
Mais le contrôle de l'action administrative a
été un leurre pendant cette période sous examen car le
pouvoir judiciaire lui-même est resté au service du MPR.
A cet effet, T. MUHINDO MALONGA écrit : « Le
problème du contrôle de l'action administrative est ancré
au Congo. Il date de la IIe République. Déjà
sous cette République, en raison du phénomène de
personnalisation autoritaire du pouvoir, va se développer une conception
de l'administration comme phénomène d'autorité et de
puissance. Lorsque l'administration est instrumentalisée par le pouvoir
personnel, s'attaquer à l'administration venait de la fragilité
du statut des juges. Un juge trop audacieux risque, à tout moment, de
subir les représailles du pouvoir politique. Le juge aura plutôt
tendance à adopter le point de vue de l'administration
»39.
Pour confirmer ce qui vient d'être dit, KENGO WA DONDO
affirme : « Le conseil judiciaire n'est pas une institution propre,
mais un orange par lequel le MPR - et donc son président car ce dernier
en est l'incarnation - exerce la mission de rendre justice. De ce fait, le
magistrat zaïrois et non pas proprement parlé le mandataire mais en
quelque sorte le président du MPR exerçant sa mission de dire le
droit. Cette réalité nouvelle confère une dimension toute
particulière à la justice zaïroise car quiconque s'insurge
contre ses décisions, désobéit au président du MPR
lui-même. Aussi, le magistrat zaïrois doit-il prendre conscience de
l'importance de sa mission et rendre justice en âme et conscience de
militant (...). Au Zaïre, la magistrat n'est pas
39 T. MUHINDO MALONGA.,Op. Cit., p.16.
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un citoyen à l'écart de la vie politique au
sens courant du terme. Membre à part entière, comme tous les
autres citoyens du MPR ; il est appelé activement à la gestion de
la chose publique et au triomphe de la résolution
»40.
Du fait que la magistrature est politisée,
l'impunité, mépris du droit et de la justice, profitera à
certains individus. Plus l'on montait dans la pyramide du pouvoir, plus le
spectre de l'impunité s'élargissait41.
B. Les droits et libertés du peuple
La supériorité des lois constitutionnelles
serait un vain mot si elle pouvait être impunément violée
par les organes de l'Etat. La Constitution de 1967 consacre des droits et
libertés à la population congolaise. Il est écrit à
l'art. 5 : « Tous les congolais, hommes et femmes, sont égaux
devant la loi et ont droit à une égale protection des lois
». L'art. 3 dispose : « Tout acte de discrimination raciale,
ethnique ou religieuse, ainsi que toute propagande régionaliste
susceptible de porter atteinte à la sécurité
intérieure de l'Etat ou à l'intégrité du territoire
de la République sont prohibés ».
L'égalité prônée par cette constitution n'y est que
de façade. Il suffit d'occuper un poste au sein du MPR pour être
privilégié. Du coup, c'est la discrimination qui bat record.
Pourquoi alors ces dispositions ?
L'on comprendrait mieux que, dans une monarchie, c'est le bon
vouloir du prince qui prime sur les institutions politiques du pays voire la
vie du peuple. Toute initiative de décision revient au chef. Il est
alors pour nous de nous demander si dans la monarchie le droit à la vie
et à l'intégrité physique est un droit ou une faveur.
Qu'en est-il alors de l'art. 6 qui dispose : « Toute personne a droit
à la vie et à l'intégrité physique. Nul ne peut
être soumis à la torture ni à des traitements inhumains.
Nul ne peut être mis à mort si ce n'est dans le cas prévu
par la loi et dans les formes prescrites ».
L'idée de liberté est consubstantielle à
celle d'Etat de droit selon une relation symétrique et discursive :
« il n'y a pas de liberté sans Etat de droit et il n'y
a
40 KAVUSA KALEMBA, Op. Cit., p. 19.
41 Cf. XXX, Impunité en Afrique
centrale, APDHAC, 2000, p. 9.
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pas d'Etat de droit sans liberté ». En
s'inscrivant dans ce même angle d'idée, les art. 8, 10 et 11
affirment : Art. 8 : « La liberté individuelle est garantie
». L'art. 10 dispose : « Tout congolais a droit à la
liberté de pensée, de conscience et de religion ».
L'art. 11 ajoute : « Tout congolais a droit à la liberté
».
Au regard de tous ces articles, l'on peut poser
cette question : Que valent toutes ces dispositions alors que,
pendant la IIè République, certains droits reconnus
aux citoyens n'étaient pas respectés.
Le 24 avril 1990, sous la pression du peuple, MOBUTU proclame
le multipartisme. C'est la transition qui commence.
Section II : LA TRANSITION DEMOCRATIQUE (de 1990
à 2006) ET LA CONSTITUTION DU 18 FEVIER 2006
Cette transition a été marquée par une
série des textes constitutionnels et une succession de guerres et des
conflits (§1). Elle prendra fin avec la promulgation de la Constitution de
la Troisième République (§2).
§1. La période transitoire (1990-2006)
Cette période est marquée par la
démocratisation. L'organisation du pouvoir et des institutions
préoccupe plusieurs congolais. En 1991, la Conférence Nationale
Souveraine, CNS en sigle, cadre idéal de concertation, a permis au
peuple congolais d'exprimer clairement la volonté de rompre avec la
dictature et les anti-valeurs pour une société
démocratique pluraliste, fondée sur les valeurs respectueuses des
libertés et des droits de l'homme. La CNS a, au préalable,
doté le pays, en vue d'organiser l'exercice du pouvoir pendant la
période transitoire, d'un cadre juridique légal et consensuel. Il
s'agit de l'« Acte portant Dispositions constitutionnelles relatives
à la période de transition ». Nul ne peut le modifier de son
propre chef et nul ne peut y déroger.
Pour sortir du piège lui tendu par la CNS, MOBUTU a
bloqué l'application des résolutions de cet acte en refusant sa
promulgation. Il a rédigé un autre texte devant régir le
pays pendant la période de la transition. C'est l'« l'Acte
constitutionnel
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de la transition » (A). Suite à la mauvaise
gestion du pays, une guerre éclate et renverse le régime de
MOBUTU avec la naissance d'un Décret-Loi constitutionnel (B) suivi de la
Constitution de la transition (C).
A. Acte constitutionnel de la transition
Cet acte organise l'exercice du pouvoir et se fait le
défenseur des droits et libertés des congolais. Son art. 5
dispose : « Tout pouvoir émane du peuple qui l'exerce par voie
de référendum ou par ses représentants ». L'art.
7 ajoute : « Les partis politiques concourent à l'expression du
suffrage ». La participation du peuple à la gestion de la res
publica reste la condition nécessaire d'une démocratie. Nous
savons bien que, pendant cette période, le pays n'a connu aucune
élection. Seul le Président nomme les différentes
autorités politiques, pire encore les parlementaires.
Comme dit ci-haut, l'Etat de droit a ses fondements dans
l'école du droit naturel. De ce fait, la personne humaine reste sa
préoccupation majeure. Pour dire, assurer la protection de ses droits
serait l'idéal. C'est dans cette percée que les art. 9, 10, 11,
12 al. 2 et 13 disposent : Art. 9 : « La personne humaine est
sacrée. L'Etat a l'obligation de la respecter et de la protéger.
Toute personne a droit à la vie et à l'intégrité
physique ». Art. 10 : « La République du Zaïre
garantit l'exercice des droits et libertés individuels et collectifs
». L'art. 11 affirme : « Tous les zaïrois sont
égaux devant la loi et ont droit à une égale protection
des lois ». L'art. 12 al. 2 souligne : « Tout zaïrois a
droit à la paix, au développement et au patrimoine commun de
l'humanité ». Art. 13 : « La liberté de la
personne humaine est inviolable ».
Art. 37 al. 3. « Nul ne peut détourner les
attributs du pouvoir et la puissance publique à des fins personnelles
pour la réalisation d'intérêts partisans ou pour faciliter
l'ingérence d'une institution ou d'un service public dans le
fonctionnement d'une autre institution ou d'un autre service public
». Pourquoi une telle disposition alors que seul le Président
de la République avait une marge de décision ? Il avait tout
détourné à son profit. Pour dire, son intérêt
personnel primait sur l'intérêt général.
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S'agissant du pouvoir judiciaire, cet acte écrit
à son art. 95 al. 2 : « Le pouvoir judiciaire est
indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif
». L'art. 97 dispose : « La mission de dire le droit est
dévolue aux cours, tribunaux et conseils de guerre. Le magistrat dans
l'exercice de cette mission est indépendant. Il n'est soumis, dans
l'exercice de ses fonctions, qu'à l'autorité de la loi
».
On se demande le pourquoi de l'existence de ces
différentes dispositions parce que la gestion du pays n'est
restée qu'entre les mains des acteurs de la IIè
République. On a seulement changé les vareuses mais les joueurs
sont restés les mêmes.
Après comme avant le 24 avril 1990, malgré la
suppression de quelques structures et manifestations extérieures du MPR,
en dépit d'un certain esprit de tolérance et de liberté
d'expression, les acteurs de la Deuxième République continuent
à gérer le pays avec leur mentalité, leurs
méthodes, leurs procédés et leur appareil de gouvernement
et d'administration. Evariste BOSHAB, s'inscrivant dans cette idée,
écrit : « Un système autoritaire appelé
deuxième République dont l'une dans caractéristiques
pertinentes est atrophie de la justice (...). Malgré sa condamnation
à mort par la C.N.S tenu à 1991, organisant, la deuxième
République usera de manoeuvre dilatoire pour que ne s'applique pas la
peine prononcée. Il faudra attendre l'arrivé de la coalition des
forces armées venues du Rwanda, du Burundi, de l'Ouganda et de l'Angola
pour lui administrer l'extrême onction le 17 mai 1997. Bâtie sur la
confusion de pouvoir , excellent dans le démantèlement de service
public, la deuxième République n'épargnera pas la justice
dans son dessein de concentrer tous les pouvoirs étatiques entre les
mains du chef de l'Exécutif »42, ce qui
entraîne encore une fois l'impunité et le non contrôle de
l'administration.
Cette période de transition était
caractérisée par des crises politiques et
socio-économiques d'une extrême
gravité qui plonge le peuple
congolais dans une misère indescriptible. Quelques temps
après l'ouverture du pays au multipartisme et au processus de la
démocratisation, la transition annoncée n'a, en fait, pas eu
lieu. On
42 E. BOSHAB cité par KAVUSA KALEMBA, Op.
Cit., p. 25.
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constate un ensemble de mécanismes qui, sciemment ou
inconsciemment bloquent le déroulement harmonieux de ce processus et la
construction d'un Etat de droit.
La guerre menée par l'AFDL a abouti à la mise en
place d'un texte constitutionnel qui est le « Décret-Loi
constitutionnel » de 1997.
B. Le Décret-Loi constitutionnel
A la chute de MOBUTU, au moment où tous les congolais
attendaient vivre une nouvelle ère où le droit devrait être
au centre de tout de façon à aspirer véritablement
à une République vraiment démocratique, son successeur,
L.D. KABILA, n'avait trouver mieux que de marcher sur les sentiers battus. Le
lion remplace le léopard.
Alors que la justice et le pouvoir judiciaire sont
considérés comme gardiens des droits et libertés, ils
seront encore une fois, comme dans la Deuxième République, soumis
au pouvoir exécutif. Un de ces signes, s'il en faut un, c'est que «
le décret-loi constitutionnel n° 003 du 27 mai 1997 qui tient
lieu de Constitution en RDC ne mentionne nulle part que le serment du
président doit être reçu par la Cour Suprême de
Justice. Ensuite, la confiscation des biens meubles et immeubles des
dignitaires du régime déchu, opérée sans jugement
prononcé par un tribunal régulièrement constitué
pousse également à émettre des réserves quant
à l'indépendance de la justice : c'est la justice du pouvoir, or
celle-ci est toujours la négation du pouvoir de la justice
»43.
Dans ce décret-loi constitutionnel, une aporie se fait
jour. En dépit de cette dépendance de la justice
réaffirmant la valeur fictive des dispositions constitutionnelles,
l'art. 11 du même décret dispose : « L'ensemble des cours
et tribunaux forment le pouvoir judiciaire. Le pouvoir judiciaire est
indépendant des pouvoirs législatif et exécutif
». L'art. 12 ajoute : « La mission de dire le droit est
dévolue aux cours et tribunaux. Le magistrat est indépendant dans
l'exercice de cette mission. Il n'est soumis dans l'exercice de ses fonctions
qu'à l'autorité de la loi ».
43 E. BOSHAB cité par Ibidem., p.
23.
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A ce propos, une question peut être posée. Que
valent ces dispositions ? E. BOSHAB répond en ces termes : «
Moulés pendant trente deux ans, à l'école de la
docilité, les magistrats de la RDC protègent plus leurs postes
qu'ils ne défendent les droits et les libertés des citoyens
»44. On se rend bien compte que le peuple congolais est
toujours dans la dictature. Une guerre va éclater le 2
août 1998. Elle va amener les congolais au dialogue intercongolais qui a
abouti à l'Accord Global et Inclusif qui donnera naissance à la
Constitution de la transition.
C. La Constitution de la transition
Le Constituant congolais de la transition était
résolu de mettre sur pied un Etat de droit durable fondé sur le
pluralisme politique, la séparation des pouvoirs, la participation des
citoyens à l'exercice du pouvoir, le contrôle des gouvernants par
les gouvernés, la transparence dans la gestion des affaires publiques,
la subordination de l'autorité militaire à l'autorité
civile, la protection des personnes et de leurs biens, le plein
épanouissement tant spirituel que moral de chaque citoyen congolais
ainsi que le développement harmonieux de la communauté nationale.
Il était déterminé à garantir les libertés
et les droits fondamentaux du citoyen congolais et, en particulier, à
défendre ceux de la femme et de l'enfant.
C'est ainsi que l'art. 2 dispose : « La Constitution
de la transition garantit l'inviolabilité des libertés et droits
fondamentaux de la personne humaine ». La démocratie est la
gardienne de l'Etat de droit. Le peuple reste le détenteur du pouvoir,
ce qui lui assure la protection de ses droits fondamentaux. C'est ainsi que
l'art. 10 affirme : « La souveraineté nationale appartient au
peuple. Tout pouvoir émane du peuple qui l'exerce par voie de
référendum ou d'élection et indirectement par ses
représentants ». L'art. 15 dispose : « La personne
humaine est sacrée. L'Etat a l'obligation de la respecter et de la
protéger. Toute personne a droit à la vie et à
l'intégrité physique. Nul ne peut être soumis à la
torture ni à des traitements inhumains, cruels ou dégradants
». Pour dire, l'Etat de droit cherche toujours à combattre les
violations des droits et libertés. Toute atteinte à ceux-ci
serait mettre
44 E. BOSHAB cité par Ibidem.
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l'Etat de droit en veille. De ce fait, la République a
l'obligation de garantir l'exercice de ces droits. C'est dans ce sens que
l'art. 16 dispose : « La République Démocratique du
Congo garantit l'exercice des droits et libertés individuels et
collectifs (...) ». A l'art. 17 de disposer : « Tous les
congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une
égale protection des lois ».
Il est clairement dit à l'art. 10 que la
souveraineté nationale appartient au peuple qu'il peut exercer par voie
de ses représentants. Mais ce qui est étonnant est que cet
exercice ou cette souveraineté n'existait pas. Tout était
guidé par l'Accord Global et Inclusif signé à Pretoria.
C'est dans ce sens que l'art. 99 dispose : « L'Assemblée
nationale comprend 500 membres désignés par les Composantes et
Entités du Dialogue inter-congolais dans les conditions fixées
par l'annexe IB de l'accord global et inclusif ». Du coup, c'est
l'exercice des droits et libertés des citoyens qui est sacrifié
au profit des partis politiques. C'est l'Etat de droit qui est sacrifié
cette fois-ci par la constitution elle-même.
Comme cette constitution se confie plus aux problèmes
politiques qu'à la protection des droits et libertés
malgré l'énonciation de ceux-ci, elle sera remplacée par
celle du 18 février 2006, soumise au référendum et qui
régit la IIIè République.
§2. La Constitution du 18 février 2006
Parmi les préoccupations majeures du Constituant
congolais de 2006, on note celle de l'instauration de l'Etat de
droit en RDC.
A l'heure actuelle, l'Etat de droit reste essentiel pour les
congolais. Il est devenu même la condition nécessaire de l'aide
dans le monde et les politiques et les politiciens ne cessent d'y faire
référence dans leurs discours.
Depuis son indépendance, le 30 juin 1960, la RDC est
confrontée à des crises politiques récurrentes
dont l'une des causes fondamentales est la contestation de la
légitimité des institutions et de leurs animateurs. Le
constituant du 18 février 2006 a pour objectif de réaffirmer
l'attachement de la R.D.C aux Droits humains et aux libertés
fondamentales. Il introduit une innovation de taille en formalisant la
parité
i
Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
R.D.C.
Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
homme-femme. Il organise le fonctionnement et l'exercice du
pouvoir dans le souci majeur d'instaurer un Etat de droit en R.D.C. Il proclame
haut et fort à l'art. 1 : « La R.D.C. est dans ses
frontières du 30 juin 1960, un Etat de droit, démocratique (...)
».
Bases constitutionnelles de l'Etat de droit, les droits et
libertés sont reconnus aux citoyens congolais par la Constitution du 18
février 2006.
En situant la source du pouvoir dans le peuple, cette
Constitution institue une démocratie en RDC. La démocratie
s'efforce de faire prévaloir la volonté des plus nombreux. Elle
peut être directe. Dans ce cas, le peuple exerce directement le pouvoir.
Elle peut aussi être indirecte ou représentative. C'est quand
l'exercice du pouvoir est confié à des représentants
élus au suffrage universel et chargés de décider au nom de
la nation ou de l'ensemble du peuple. Dans une démocratie, le peuple
intervient à l'exercice du pouvoir moyennant différentes
techniques notamment le « veto populaire » qui permet au peuple de
s'opposer à la mise en oeuvre ou encore d'obtenir l'abrogation totale ou
partielle d'une loi ; « la révocation populaire » qui permet
aux électeurs d'une circonscription, par une pétition, comme le
veto populaire, donnant lieu à un référendum, de mettre
fin avant le terme normal à un mandat électif ; «
l'initiative populaire » qui permet au peuple de proposer l'adoption d'une
disposition constitutionnelle ; « le référendum » qui
permet de consulter le peuple sur une question ou sur un texte qui ne deviendra
alors parfait et définitif qu'en cas de réponse positive. Seule
la démocratie pluraliste reste la mieux indiquée pour la RDC par
le fait que le peuple choisit lui-même ses gouvernants. C'est ce
qu'expliquent les art. 5 et 6 al. 2 : Art. 5 : « La
souveraineté nationale appartient au peuple. Tout pouvoir émane
du peuple qui l'exerce directement par voie de référendum ou
d'élections et indirectement par ses représentants ».
L'art. 6 al. 2 ajoute : « Tout congolais jouissant de ses droits
civils et politiques a le droit de créer un parti politique ou de
s'affilier à un parti de son choix ».
Dans un Etat de droit, l'égalité des citoyens
devant la loi constitue son poumon. L'Etat a l'obligation d'assurer à la
population la protection et la garantie de
i
Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la R.D.C. Par
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ses droits. L'Etat veille à l'élimination de
toute discrimination à l'égard de la population. Il doit accorder
à tout le monde les mêmes chances. En s'inscrivant dans cette
logique, le constituant congolais du 18 février 2006 écrit aux
art. 11, 12, 13 et 14 comme suit : Art. 11 : « Tous les êtres
humains naissent libres et égaux en dignité et en droits
». L'art. 12 ajoute : « Tous les congolais sont égaux
devant la loi et ont droit à une égale protection des lois
». L'art. 13 ajoute encore : « Aucun congolais ne peut, en
matière d'éducation et d'accès aux fonctions publiques ni
en aucune autre matière, faire l'objet d'une mesure discriminatoire,
qu'elle résulte de la loi ou d'un acte de l'exécutif, en raison
de sa religion, de son origine familiale, de sa condition sociale, de sa
résidence, de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son
appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu,
à une minorité culturelle ou linguistique ». Et l'art.
14 dispose : « Les pouvoirs publics veillent à
l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard
de la femme et assurent la protection de ses droits ». Jusqu'à
présent, il est pour tout un congolais de se demander s'il jouit de ses
droits lui reconnus par la Constitution. A dire vrai, on constate des
violations graves de ces droits. La personne humaine n'est pas
respectée. Elle est actuellement l'objet de violences, de
discriminations voire de tortures.
La personne humaine doit être respectée pour
qu'elle puisse jouir paisiblement de ses droits et libertés. C'est dans
cette optique que l'art. 16 dispose : « La personne humaine est
sacrée. L'Etat a droit à la vie, à
l'intégrité physique ainsi qu'au libre développement de sa
personnalité dans le respect de la loi, de l'ordre public, du droit
d'autrui et des bonnes moeurs. Nul ne peut être tenu en esclave ni dans
une condition analogue. Nul ne peut être soumis à un traitement
cruel, inhumain ou dégradant. Nul ne peut être astreint à
un travail forcé ou obligatoire ». L'art. 17 ajoute à
son al. 1 : « La liberté individuelle est garantie ».
Bien que reconnu par la Constitution, jusqu'à présent, le respect
des droits et libertés reste un casse-tête pour les dirigeants.
L'assise concrète d'un Etat de droit exige que le
pouvoir judiciaire soit indépendant par le fait qu'il est le garant des
droits et libertés du peuple. Le pouvoir
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judiciaire doit lutter contre l'impunité. Il doit punir
tout celui qui viole les droits des citoyens. Le législatif et
l'exécutif ne doivent pas s'immiscer dans les affaires judiciaires.
C'est dans ce sens que les art. 149 et 150 disposent : Art. 149 : « Le
pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du
pouvoir exécutif ». L'art. 150 al. 1 ajoute : « Le
pouvoir judiciaire est le garant des droits et libertés fondamentaux de
citoyens ».
N'est-ce pas là l'instauration d'un Etat de droit en
RDC. Le comble est que, même prévus par la Constitution, certains
droits ne sont pas garantis et sont violés aussi bien par les
administrés que par les gouvernants. Mais avec la «
tolérance zéro », on peut espérer éradiquer
les pratiques cautionnant les antivaleurs.
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
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Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
CONCLUSION GENERALE
On ne saurait vraiment conclure un travail qui dessine un
programme de recherche et suggère une méthode plus qu'il ne
propose une synthèse, à bien des égards encore
prématurée. Mais, du moins, peut-on essayer de reprendre
transversalement le fil de quelques points qui l'ont sous-tendu en
permanence.
Au terme de cette investigation, qu'il nous soit loisible une
fois encore de dire que l'Etat de droit, aujourd'hui en vogue, n'est pas
d'affirmation récente. Il remonte au XIXè
siècle et a pour conditions d'existence : le respect de l'ordre
juridique, la protection des droits fondamentaux et le contrôle
juridictionnel sur les actes des gouvernants.
Au regard de cette tâche noble que s'assigne l'Etat de
droit, le congolais peut être tenté de connaître sa
situation. Malgré les tentatives menées, la construction d'un
Etat de droit et de la démocratie tant souhaitée par le peuple
congolais, a difficile à se réaliser dans ce grand pays tant le
chemin pour y arriver ressemble bien à un véritable chemin de
croix dans la mesure où le parcours est plein d'embûches.
L'analyse du parcours réalisé avant l'indépendance et
aussi depuis l'indépendance jusqu'à ce jour a montré qu'il
existe des obstacles pour y parvenir tout comme il existe aussi des conditions
à remplir pour leur réalisation car il s'agit d'un
travail de longue haleine qui nécessite la mobilisation de
toutes les énergies et surtout une véritable volonté
politique.
L'histoire constitutionnelle de la RDC commence à
s'écrire du moment où le roi Léopold II débute avec
des investigations en RDC jusqu'à nos jours. Cette histoire a connu une
variété de textes constitutionnels ou à portée
constitutionnelle notamment la Charte coloniale (1908), la Loi fondamentale
(1960), la Constitution de Luluabourg (1964), la Constitution
Révolutionnaire (1967), constitution révisée en maintes
reprises jusqu'à l'institutionnalisation du MPR comme parti unique,
parti-Etat ; l'Acte constitutionnel de transition (1993) ; le Décret-loi
constitutionnel (1997) ; Constitution de la transition (2003) et enfin la
Constitution du 18 février 2006.
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L'analyse de l'Etat de droit dans ces différentes
constitutions montre que, d'une part, pendant la période coloniale,
toutes les méthodes et pratiques réalisées par
l'administration étaient négationnistes de l'idée d'un
Etat de droit. D'autre part, la période post-coloniale est
marquée par différentes tentatives de construction d'un
modèle type d'Etat mais qui ont été vaines suite au manque
de volonté politique. Ainsi, des violations des textes fondamentaux pour
des convenances personnelles sont enregistrées.
Parmi les principales causes de la crise congolaise, on parle
toujours de l'absence de démocratie et d'un Etat de droit qui ouvre la
voie aux violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
à la gestion chaotique et opaque des affaires de l'Etat, à la
corruption, au népotisme, au clientélisme, à
l'incompétence notoire dans la gestion des affaires et dans la conduite
du pays. Dans les pays du Tiers-Monde, la sauvegarde des droits et
libertés fondamentaux ne figurent pas parmi les missions essentielles du
pouvoir et ne préoccupe presque pas les dirigeants. S'inscrivant dans
cette idée, C. LUTUNDULA écrit : « Si en Occident l'Etat
passe pour la clef de voûte du dispositif sécuritaire des droits
de l'homme, dans les pays du Tiers monde en général et en Afrique
en particulier, la sauvegarde des droits et libertés fondamentaux est
loin de compter parmi les missions essentielles et ne préoccupe que
très peu d'hommes au pouvoir »45. La RDC n'est pas
épargnée par ce fléau. Dans chaque régime qu'elle a
connu, seul l'intérêt personnel primait sur l'intérêt
général. Pendant la colonisation, l'individu n'avait aucune place
pour exprimer son opinion voire jouir de sa liberté. D'ailleurs, c'est
une période fondée sur l'inégalité,
principe contraire à l'Etat de droit. A ce sujet, B. CHANTEBOUT
écrit : « Les sociétés des anciens régimes
dont les bases avaient été posées durant la période
soit coloniale soit dictatoriale soit néocoloniale, étaient des
sociétés fondamentalement inégalitaires et
organisées selon des structures communautaires qui ne laissaient
guère de place à l'individu. Elles ne concevaient celui-ci
qu'à travers des corps intermédiaires, tels que les ordres, les
corporations et jurandes, paroisses et
45 C. LUTUNDULA, « Des engagements et devoirs de
l'Etat en matière de protection des droits de l'homme », in
Congo-Afrique, XXXVIIIè année, n° 328,
octobre 1998, p. 453.
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confréries qui, certes, lui assuraient très
étroitement son autonomie »46. Et cela faisait,
comme dit ci-haut, ouverture de la voie aux violations des droits de l'homme et
des libertés fondamentales, à la gestion chaotique et opaque des
affaires de l'Etat47.
Depuis l'époque coloniale, l'élite congolaise
s'est rendue compte de la nécessité de vivre dans une
société démocratique. Elle réclamait l'instauration
d'une réelle démocratie et d'un réel Etat de droit dans la
Colonie, notamment le développement politique, une formation solide, une
association des indigènes à la gestion de la res publica et une
restauration des libertés fondamentales. Elle était
déjà convaincue à cette période que le
système autoritaire imposé dans la colonie était
inacceptable, comparé au système démocratique dans la
métropole. Mais jusqu'aujourd'hui, à l'heure où le Congo
fête son cinquantième anniversaire d'indépendance,
l'élite congolaise n'a pas su instaurer en RDC un Etat de droit.
La conduite à bonne fin du processus
démocratique et de construction de l'Etat de droit en RDC, exige la
prise de conscience par le peuple du fait qu'il est le premier sujet et
agent de la matérialité de ce processus. Cela
exige aussi un cadre général et des initiatives
susceptibles de redresser la Nation. Nous ne devons pas nous bercer d'illusion,
le redressement de la Nation est subordonnée, d'une part, à la
mise en place de mécanismes et procédures de droit capables de
libérer la démocratie qui favorisera la protection des droits et
libertés des citoyens ainsi que l'instauration d'un Etat de droit ; et
d'autre part, à la création d'un climat général de
paix, de justice, de concorde nationale et de solidarité. Il est
impérieux d'éduquer et de former le peuple à la
démocratie pour mieux instaurer et construire en RDC, l'Etat de
droit.
i
46 B. CHANTEBOUT, Op. Cit., p. 84.
47 Cf. E. TSHIMANGA, Op. Cit., p. 10.
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Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
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BIBLIOGRAPHIE
I. TEXTES LEGAUX
1. XXX, Journal officiel de la République du Zaïre,
Acte constitutionnel de la transition, 35è année,
n° spécial, avril 1994.
2. XXX, Journal officiel de la RDC, Constitution de la
transition, 44è année, Cabinet du président,
n° spécial, 5 avril 2005.
3. Constitution de la République Démocratique du
Congo du 18 février 2006.
4. Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de
1948.
II. OUVRAGES
1. BURDEAU G., Droit constitutionnel,
22è éd. LGDJ, Paris, 1991, 765 p
2. CARPANO E., Etat de droit et droits
européens, L'Harmattan, Paris, 2005, 662 p.
3. CHANTEBOUT B., Droit constitutionnel et science
politique, éd. Economica, Paris, 1980, 667 p.
4. CHEVALLIER J., L'Etat de droit, Monchrestien, Paris,
1999, 158 p.
5. D'ALMEIDA-TOPOR H., L'Afrique du XXè
siècle, éd. Armand Colin, Paris, 1993, 363 p.
6. CARRE DE MALBERG R., Contribution à la
théorie générale de l'Etat, Tome 2, Sirey, Paris,
1920-1922, 520 p.
7. De SAINT MOULIN L. et alii, La perception de la
démocratie et de l'Etat de droit en RDC, CEPAS, Kinshasa, 2003, 126
p.
8. FAVOREU L. et alii, Droit constitutionnel, Dalloz,
Paris, 1998, 912 p.
9. MEKHANTAR J., Droit politique et constitutionnel,
éd. ESKA, Paris, 1997, 731 p.
10. MOJU MBEY, I et alii, Recueil des textes
constitutionnels de la République du Zaïre, éd. ISE,
Consult-Kinshasa, 1991, 151 p.
11. NDAYWEL-è-NZIEM I., Histoire
générale du Congo, Afrique-Editions, Paris-Bruxelles, 1998,
1050 p.
i
Etat de droit dans l'histoire constitutionnelle de la
R.D.C.
Par : ABDOUL KARIM KAPITENE
12. NIEMBA SOUGA J., Etat de droit, démocratique,
fédéral au Congo-Kinshasa, Harmattan, Paris, 2002, 520 p.
13. PACTET P., Institutions politiques et Droit
constitutionnel, 17è éd. Armand Colin, Paris,
1998, 587 p.
14. TSHIMANGA BAKADIABABO E., La démocratie et ses
blocages au Congo-Kinshasa de 1958 à nos jours, L'Harmattan, Paris,
2004, 269 p.
15. XXX, Impunité en Afrique centrale, APDHAC,
2000.
16. ZOLLER E., Droit constitutionnel, éd. PUF,
Paris, 1998, 628 p.
III. ARTICLES DE REVUES
1. MUHINDO MALONGA T., « L'Etat de droit en temps de
guerre », in Parcours et Initiatives, Revue interdisciplinaire du
Graben, n° 1, 9 août 2002, pp. 6-14.
2. LUTUNDULA C., « Des engagements et devoirs de l'Etat
en matière de protection des droits de l'homme », in
Congo-Afrique, XXXVIIIè année, n° 328,
octobre 1998, pp. 340-352.
IV. MONOGRAPHIES
1. KAVUSA KALEMBA V., La contribution du juge congolais
à l'Etat de droit : une institution fantôme ?, UCG, TFC,
2001-2002.
V. NOTES DE COURS
1. MUHINDO MALONGA T., Droit constitutionnel et
institutions politiques, Notes de cours, G1 Droit et SSPA, UCG,
2007-2008.
VI. SITES INTERNET
1.
http://fr.wikipedia.org/wikil%c3%89tat-de-droit
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TABLE DES MATIERES
DEDICACE i
REMERCIEMENTS ii
SIGLES ET ABREVIATIONS iii
INTRODUCTION 1
1. CONTEXTE ET ETAT DE LA QUESTION 1
2. PROBLEMATIQUE 4
3. HYPOTHESES 6
4. METHODOLOGIE 6
5. INTERET, OBJECTIF ET DELIMITATION DU SUJET 7
6. DIFFICULTES RENCONTREES 8
7. SUBDIVISION DU TRAVAIL 8
Chapitre premier 9
LA PERIODE COLONIALE ET LA NEGATION DE L'ETAT DE DOIT 9
Section I : L'ETAT INDEPENDANT DU CONGO 11
§1. Concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul
: pratique contraire à l'Etat de
droit 12
§2. L'esclavagisme et l'Etat de droit 12
Section II : LA COLONIE BELGE ET LA CHARTE COLONIALE 14
§1. L'inégalité des hommes devant la loi
et l'Etat de droit 15
§2. La gestion belge du Congo et la participation
congolaise 16
Chapitre deuxième 20
L'EVOLUTION DE L'ETAT DE DROIT EN RDC DEPUIS L'INDEPENDANCE
20
Section I : LA LOI FONDAMENTALE, LA CONSTITUTION DE
LULUABOURG ET
LA CONSTITUTION REVOLUTIONNAIRE 22
§1. La Loi fondamentale 22
A. L'exercice du pouvoir 22
B. Les droits et libertés des citoyens 25
§2. La Constitution de Luluabourg 27
§3. La Constitution Révolutionnaire 29
A.
Le contrôle de l'activité administrative 31
B. Les droits et libertés du peuple 33
Section
II : LA TRANSITION DEMOCRATIQUE (de 1990 à 2006) ET LA
CONSTITUTION DU 18 FEVIER 2006 34
§1. La période transitoire (1990-2006) 34
A. Acte constitutionnel de la transition 35
B. Le Décret-Loi constitutionnel 37
C. La Constitution de la transition 38
§2. La Constitution du 18 février 2006 39
CONCLUSION GENERALE 43
BIBLIOGRAPHIE 46
TABLE DES MATIERES 48