De la nécessité de la renaissance de la RDC face à l'impératif de la recomposition stratégique africaine et globale post-blocs( Télécharger le fichier original )par Rossy MUKENDI TSHIMANGA Université pédagogique nationale (RDC) - Licence en relations internationales 2008 |
1.5.2. Critique du processus de réforme du secteur de la sécurité en RD CongoLes faiblesses liées à ce processus de refondation de l'armée et de la police sont d'ordre divers et varié parmi lesquelles figurent : la question d'approche, les critères d'éligibilité (avec un accent très particulier sur l'identification de la nationalité des candidats), la pluralité ou diversité des intervenants, la forte dépendance du processus aux financements extérieurs, le manque de civisme et de moralité dans le chef des premiers produits déployés sur terrain. a. Question d'approche L'approche politico militaire qui fonde ce processus de réforme du secteur de la sécurité semble prémonitoire à une politisation à grande échelle de la future armée et police congolaise et semble en même temps aussi ignorer la mauvaise foi de plusieurs acteurs politiques dont la plupart ne dispose que des milices ou groupes armés comme moyen de survivance politique. Pour ceux-ci ce processus s'apparente à un suicide politique. La formation de l'embryon de la nouvelle armée congolaise à partir des éléments issu des différentes factions armées, présuppose que tous les protagonistes désormais impliqués dans le processus de paix, devraient accepter de se priver de leur force de frappe, c'est-à-dire d'abandonner complètement leurs armes et leurs troupes. Mais loin de jouer le jeu de l' « armée intégrée », note Thierry Vircoulon, les partis au pouvoir se sont efforcés de maintenir des chaines de commandement parallèles. Pour ce dernier, le processus d'intégration s'est heurté à deux problèmes majeurs : la comptabilité militaire et la répartition du pouvoir. - La comptabilité militaire ; elle a été un motif de dissensions dès le début de la reforme. Lors de l'accord de Sun city, les belligérants avaient déclaré environ 220.000 soldats, chiffre qui avait « évolué » jusqu'à 340.000 avant d'être révisé à 240.000 par le conseil supérieur de la défense en 2004. Deux recensements étrangers (réalisés par l'Afrique du Sud et l'Union Européenne) ont conclu que le « gouvernement » gonflait ses effectifs d'au moins 50% afin d'engranger une plus- value sur le financement des troupes réévaluées à 100.000 hommes. - La répartition du pouvoir militaire ; celle-ci a donné lieu à un véritable exercice diplomatique. Les commandements des dix régions militaires du pays ont été nommés selon l'accord sur le partage du pouvoir et sont chargés de superviser le processus d'intégration sur le terrain. Cette duplication de la composition du gouvernement de transition au niveau militaire a permis de tasser la crise qui se profilait.
Ainsi dans sa composition, le pouvoir militaire compte : 3 commandants membres des ex forces armées congolaises (FAC), 2 de l'ex RCD Goma, 2 du MLC, 1 du RCD-ML, 1 du RCD-N et 1 de Maï Maï74(*). b. Critères d'éligibilité : la question de nationalités La question de la nationalité constitue une autre brèche dans ce processus de reforme du secteur de la sécurité en RDC. L'armée congolaise de demain si elle doit être véritablement nationale et patriotique ne devrait compter dans ses rangs que des autochtones ayant intériorisé le sens de la bravoure, du sacrifice et de l'honneur. La difficulté ici réside dans la faillite de l'administration publique. La paralysie du service d'état civil sur l'ensemble du territoire national ayant pour conséquence l'absence des cartes d'identités et des documents administratifs nécessaires pour certifier et authentifier la nationalité de tous ces hommes en armes candidats volontaires au processus de brassage et d'intégration dans l'armée congolaise. Cette carence expose largement le processus de refondation de l'armée et de la police à des manoeuvres subversives qui à la longue devraient compromettre le secret-défense et partant, le succès des opérations qui seront menées sur terrain par les FARDC et la PNC. Quoique la présence des étrangers soit admise au sein des grandes armées du monde, en RDC cette option serait plus compromettante que bénéfique par le simple fait que le pays ne dispose pas encore d'une base solide et des mécanismes adéquats de contrôle d'une quelconque « légion étrangère ». c. La diversité des intervenants Le risque de formation hétéroclite des troupes devant constituer la future armée et police nationale congolaise est trop grand du fait de la prolifération des intervenants d'origines diverses. L'on devra de ce fait s'attendre, si aucun palliatif n'est apporté, à la constitution d'une armée de « juxtaposition » plutôt qu'à un « corps d'armée ». Cette inquiétude s'accentue d'autant plus que le pouvoir militaire censé assurer la supervision sur terrain de l'intégration desdites troupes n'a pas été constitué de façon autonome. Il est donc nécessaire et impératif de réduire le nombre d'intervenants et de rationaliser la gestion du personnel militaire à travers notamment la revisitation des critères de mise en place des commandements au sein de l'armée. d. La dépendance financière La reforme du secteur de la sécurité en RD Congo dépend fortement des interventions des partenaires bilatéraux et multilatéraux en termes de financement des différentes phases de son exécution ainsi que de rémunération et d'équipement des troupes. Cette dépendance explique le fait que le gouvernement ne contrôle pas totalement la programmation des opérations dans le cadre de ce processus de réforme. Et rien ne semble encore acquis pour autant car, la reforme de l'armée n'est pas éligible à l'aide publique au développement. Il est dans ce contexte fort peu probable que le processus n'arrive à terme à l'horizon prévu soit l'an 2010. Le Congo devrait redoubler d'ardeur dans la relance de son économie pour générer des ressources financières locales indispensables au financement du processus de refondation de ce secteur, car l'armée constitue le coeur de la souveraineté de tout Etat moderne. e. Question du civisme et de la moralité des troupes Ce volet est très déterminant dans la reconstitution de l'armée et de la police nationale en cours. Elle rappelle le « pro domo » du général Mahele à la conférence nationale souveraine qui préconisait en son temps une nouvelle éthique militaire compatible avec les exigences de la démocratie pluraliste instituée depuis 1990. Cette thèse est aussi appuyée par Anicet Mobe Fansiama qui considère que, les exigences de la démocratie sont incompatibles avec la logique d'une armée prétorienne, de soudards et de mercenaires. Il nous faut donc, ajoute-t-il, bâtir une armée de citoyens qui soit un instrument de protection des populations civiles contre toute agression extérieure afin de garantir la souveraineté et l'indépendance de l'Etat dont les institutions garantissent et protègent à l'intérieur l'exercice des libertés individuelles.75(*) Le comportement sur terrain des troupes brassées et intégrées attestent suffisamment que le processus n'insiste pas assez sur la moralisation de la fonction militaire. Ainsi mises à l'épreuve dans un premier temps en Ituri, rapporte Thierry Vircoulon, ces forces brassées envoyées au combat sans logistique, ont remplacé les milices dans l'exploitation illégale des mines aurifères à Mongwalu. La corruption des militaires, de l'homme du rang à l'officier, est un phénomène d'une ampleur peu commune. La militarisation de l'activité minière est le meilleur symbole. Au Katanga, les autorités ont-elles décidé en octobre 2005 de démilitariser la cité de Tenké Fungurumé pour prévenir un affrontement généralisé entre policiers et militaires. La reforme du secteur de sécurité à la mode congolaise, conclut-il, ressemble plus à un replâtrage qu'à une refondation.76(*) Nous pensons globalement qu'il faille dans l'immédiat recadrer ce processus de reforme du secteur de la sécurité qui à terme devra doter l'Etat congolais d'une police efficace, disciplinée et sécurisante ainsi que d'une armée professionnelle, citoyenne et au service des ambitions géopolitiques du pays tant à l'intérieur qu'au niveau régional et/ou global. A la formation physique, morale et civique des troupes devra être associée une solde conséquente pouvant permettre aux militaires et leurs familles de vivre décemment. En effet, la renaissance du Congo, entendue comme étant cette volonté, cette détermination de l'ensemble de la nation congolaise à s'engager dans un processus d'inversion de son informalisation, demeure le projet idéal et susceptible de doter l'Etat des moyens nécessaires non seulement pour recouvrer sa souveraineté interne mais aussi pour jouer un rôle de premier plan dans la géopolitique africaine et mondiale. * 74 Virculon T, La démocratie sans démocrates, in politique étrangère, Armand Colin, Paris, 2006, p573 * 75 Mobe Fansiama, Op Cit, pp56-57 * 76 Vircoulon T, Op Cit, p574 |
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