8.2 Energie libre du mélange.
Les polymères peuvent adhérer à
la biomembranes de plusieurs façons : (i) par de grosses
molécules amphiphiles (pour de nombreuses protéines, les ancres
lipidiques sont des unités de glycosylphosphatidylinositol)
[13, 14], (ii) par des groupements
latéraux hydrophobes de polymères, qui sont
intégrés dans la bicouche [15,
16], (iii) par une membrane couvrant des domaines hydrophobes
du polymère (protéines mem-branaires, par exemple), et (iv) par
une forte adsorption qui entraîne le polymère d'un état
désorbé à un état adsorbé
[17]. Pour une chaîne de polymère isolée,
l'adsorption (sur des substrats solides) peut être théoriquement
étudiée, en utilisant un argument d'échelle
[18], par exemple. Outre le degré de
polymérisation de la chaîne polymère, N, et le
paramètre de volume exclu, v, l'étude a été
basée sur un paramètre supplémentaire, 8, qui est
l'énergie nécessaire (par kBT ) d'absorber un
monomère sur la surface. Pour une forte adsorption,
8-1 définit l'épaisseur de
la couche adsorbée. Une transition d'adsorption a lieu, à une
certaine valeur typique 8* de 8 [17] : 8*
~ R-1
F ~
aN-íF (íF
= 3/5), avec RF le rayon de
Flory de la chaîne de polymère. Pour des solutions
semi-diluées de polymères, le phénomène
d'adsorption
hapitre 7 : Condensation des polymères
greffés sur une biomembrane. 174
Pour l'étude configurationnelle, Guiselin
[22] a considéré que chaque boucle
peut
dépend, en plus du paramètre
ä, de la concentration en polymère.
Dans ce chapitre, nous considérons la situation
(iv), où chaque monomère a la même probabilité
d'être adsorbé sur la surface de la membrane
[19]. Plus précisément, un monomère
donné est susceptible d'être lié à une tête
polaire d'une molécule de phospholipide (ancre). Comme
résultat, les chaînes de polymère forment des boucles
polydisperses (avec éventuellement un ou deux queues flottant dans le
milieu aqueux). En fait, cette hypothèse est conforme à ce qui a
été considéré dans la Réf.
[20]. Le cas où aucune boucle n'est présente
(adsorption par une seule extrémité) a été
examiné dans la Réf. [12]. Contrairement
à l'adsorption sur une surface solide, les chaînes de
polymère ancrées sont mobiles sur la membrane hôte, et
peuvent subir une transition d'agrégation qui nous intéresse ici.
Pour être plus général, la membrane fluide est
supposée être en contact avec un bon solvant ou un solvant
thêta.
Le but est d'écrire l'expression
générale de l'énergie libre du mélange, qui nous
permettra la détermination du diagramme de phase relatif à
l'agrégation des chaînes de polymère
adsorbées.
Notre point de départ est l'énergie
libre (par unité d'aire) de la couche poly-mérique (pour des
substrats solides). Par exemple, dans un contexte biologique, les
macromolécules peuvent être liées à la surface par
des monomères extrémités. Cette énergie est
donnée par [21]
F0
?
|
kBTi
bfN
([b2S
(n)]â
+
[-b2S'
(n)] ln
[-SSn)11
dn . (7.1)
|
hapitre 7 : Condensation des polymères
greffés sur une biomembrane. 175
être envisagée comme deux demi-boucles
(brins). Ici, S (n)
est le nombre de brins comportant plus de n monomères
par unité de surface, et b représente la taille de
monomère. Pour les couches de polymère monodisperses, N
dénote le degré de polymérisation commun des
chaînes greffées. Ici, N est plutôt le nombre de
monomères des brins les plus longs. Par la suite, nous utiliserons la
notation Si = Ö/a, qui est
le nombre total de brins adsorbés par unité de surface, avec
Ö la fraction volumique des monomères
adsorbés, et a est l'aire des têtes polaires. Si le
mélange est supposé être incompressible, 1
- Ö sera donc la fraction volumique des
molécules de phospholipide.
Revenons à l'expression de l'énergie
libre volumique (7.1) et notons que
le premier terme de l'égalité représente la contribution
des interactions répulsives (à deux ou à trois corps)
entre monomères appartenant à la couche polymérique, alors
que le second est tout simplement la contribution d'entropie décrivant
tous les réarrangements possibles des chaînes de polymère
greffées. Dans l'égalité
(7.1), l'exposant 0
dépend de la qualité de solvant [21].
Lorsque le greffage est réalisé en solution diluée, avec
un bon solvant ou un solvant thêta, ses valeurs sont, respectivement,
0 = 11/6 (modèle
de blob) ou 0 = 2.
Pour les couches de polymère polydisperses, la
distribution S (n) est bien
connue dans la littérature [21]. Celle-ci peut
être obtenu en minimisant l'énergie libre précédente
par rapport à cette distribution. Sans détails, nous nous
contentons du résultat général [21]
suivant
Ö
S (n) ~
an1/(â?1) .
(7.2)
Pour les solvants habituels, nous avons
hapitre 7 : Condensation des polymères
greffés sur une biomembrane. 176
do
S (n) ~
an6/5 , (bon
solvant) , (7.3)
do
S (n)
~
an
|
,
|
(solvant thta) . (7.4)
|
Nous réécrirons, ensuite, la distribution
S (n) sous la
forme
do
S (n) =
a
|
f (n)
, (7.5)
|
avec f (n)
~
n1/(1-â),
pour les couches de polymères polydisperses, et f
(n) = 1 (pour tous n),
pour les monodisperses.
Par conséquent, F0
peut être approchée par
F0
kBT =
a
|
-1udoâ
+ ç
(N) do .
(7.6)
|
Ici, le terme linéaire en do
décrit la contribution de l'entropie à l'énergie
libre volumique, où le coefficient ç
(N) est (voir l'annexe
B)
ç (N)
= a-1
{[0 + ln (0 -
1)] (1 -
N1/(1-â))
+ 0 -
1N1/(")~)
ln N} . (7.6a)
Dans la limite asymptotique N ? oo, ce
coefficient se réduit à
ç (N)
? a-1 [0
+ ln (0 - 1)] ,
(7.6b)
pourvu que 0 > 1 (noter que
0 = 11/6, pour les bons
solvants, et 0 = 2, pour
hapitre 7 : Condensation des polymères
greffés sur une biomembrane. 177
les solvants thêta). Cette limite asymptotique
est toujours définie positive, et inversement proportionnelle à
l'aire des têtes polaires a. En fait, le signe positif du
coefficient ç (N)
est en accord avec la perte d'entropie, due aux chaînes de
polymère greffées. Comme nous le verrons ci-dessous, cette
contribution linéaire n'affecte pas le diagramme de phase, dans le plan
composition-température. Ici, la constante de couplage u est la
suivante
(a)b2=
N( (N) ,
(7.7)
avec
N
( (N) = N
f [f
(n)]fi dn
. (7.8)
Explicitement, nous avons
( (N) = 1
, (pour les syst mes monodisperses) ,
(7.9)
( (N) ~
Nfi/(") , (pour les syst mes polydisperses)
. (7.10)
Notons que (
(N) < 1,
puisque, dans tous les cas, â > 1.
Par conséquent, la poly-dispersité diminue l'énergie
d'interaction répulsive.
Maintenant, nous avons tous les ingrédients
nécessaires pour la détermination de l'expression de
l'énergie libre du mélange. Pour ce faire, nous imaginons que
l'interface se présente comme un réseau de Flory-Huggins
bidimensionnel [18, 23], où
chaque site est occupé par un ancre ou par une molécule de
phospholipide. Par conséquent, nous pouvons regarder la fraction
volumique des ancres Ö comme la
hapitre 7 : Condensation des polymères
greffés sur une biomembrane. 178
8
D = -ð ~ rU
(r) dr , C =ð
ó2 (covolume) . (7.13)
probabilité pour qu'un site donné soit
occupé par un ancre, et 1 - Ö la
probabilité d'occupation de ce site par un phospholipide.
Avant de déterminer l'énergie libre (par
site) du mélange (ancre-phospholipide), nous constatons que celle-ci est
la somme de trois contributions : L'entropie de mélange (par site),
l'énergie libre volumique (par site), et l'énergie d'interaction
(par site) provenant des ondulations de la membrane. En réalité,
les forces attractives induites par les ondulations de la membrane sont
responsables de la condensation des ancres. Ces forces contrebalancent les
forces répulsives entre monomères le long des chaînes de
polymère connectées. Nous écrivons donc
F Ö kBT
=q
|
lnÖ + (1 - Ö) ln(1 -
Ö) + ÷Ö(1 - Ö) +
u(q) Öâ
. (7.11)
|
Notons que, pour les chaînes de polymère
ancrées par une extrémité, qui est une grosse
molécule amphiphile (cas des brosse de polymère), la
première contribution de l'entropie, Ö ln Ö,
devrait être divisée par certain facteur, q, qui représente
le rapport de l'aire des ancres à celle des têtes polaires des
phospholipides hôte. Dans le cas présent, nous avons q =
1. Dans l'égalité
(7.11), ÷ est le paramètre
d'interaction de Flory
÷ = ÷o
- A2 I C +
+~)
,)
(7.12)
où les coefficients positifs C et D (en dimension
2) sont tels que [24]
hapitre 7 : Condensation des polymères
greffés sur une biomembrane. 179
Ici, U (r) est le
potentiel de paire induit par les ondulations membranaires
[11, 24]
U (r) =
|
{
|
8 , r < ó ,
(ó )4
, r > ó ,
-AH r
|
(3.14)
|
où ó est le diamètre du disque-dur,
qui est proportionnel à la racine carrée de l'aire des ancres, a.
L'amplitude de potentiel, AH, joue le rôle de la constante de
Hamaker. Il a été montré que celle-ci
décroît avec la constante de rigidité comme
[12, 25]
AH ~
ê-2 . (3.15)
Mais cette amplitude est également sensible
à la température. De ce qui précède, nous pouvons
remarquer que l'énergie libre de mélange n'est pas
symétrique par le changement : Ö ? 1
- Ö.
Pour le paramètre d'attraction D, nous trouvons
l'expression suivante
ð
D = AH
2ó2
|
ê-2
~ ó2,
(3.16)
|
qui montre que les membranes de faible module de
courbure induisent une attraction importante entre les ancres.
Dans l'expression
(7.12), ÷o
> 0 est le paramètre d'interaction de Flory
décrivant la ségrégation chimique entre les phospholipides
(molécules amphiphiles) et les
hapitre 7 : Condensation des polymères
greffés sur une biomembrane. 180
ancres. Le paramètre de ségrégation
s'écrit, généralement, comme
ão
÷o = áo
+ T , (7.17)
où les coefficients áo
et ão dépendent de la nature
chimique des différentes espèces. En outre, le paramètre
d'interaction totale ÷ s'écrit comme
÷ = á +T ,
(7.18)
avec les nouveaux coefficients
C
á = áo -
A2 , ã = ão +
D
kBA2 . (7.18a)
Ces coefficients dépendent alors de la nature
chimique des différentes composantes et des caractéristiques de
la membrane, à travers le module de rigidité ê.
Si nous admettons que la constante de couplage u est
peu dépendante de la température, nous pourrons tracer le
diagramme de phase dans le plan des variables (Ö,
÷). En effet, toute la dépendance en
température est entièrement contenue dans le paramètre
d'interaction de Flory ÷.
|