2.2. Métabolisme urbain et gestion de l'eau
2.2.1. Métabolisme urbain
Nous sommes à l'ère de l'urbain
généralisé ou de « l'urbain sans lieu ni borne
» (Weber, 1996) et les villes concentrent la majeure partie de la
population humaine, des activités économiques et des services. Et
qui dit urbanisation dit plus de consommation de ressources, en eau notamment,
plus de ménages à raccorder au réseau urbain
d'évacuation des eaux usées, plus d'eaux usées à
traiter et donc plus d'infrastructures d'épuration à installer.
Il est important de signaler que
« La consommation par habitant diminue certes, mais
la population urbaine augmente, ce qui maintient les besoins des villes
à un niveau élevé. Par ailleurs, la concentration des
emplois dans les agglomérations urbaines contribue à renforcer
encore les besoins en eau des agglomérations ». (Reynard, 2008
: 37)
Pour son fonctionnement, la ville importe des flux de
matières et d'énergie qu'elle transforme ; il s'en suit une
production de nuisances et de rejets qu'il lui faudra éliminer faute de
quoi, elle se verra asphyxiée. Ce mécanisme d'importation, de
transformation et de rejets est appelé métabolisme.
En biologie, le mot métabolisme signifie «
ensemble des réactions chimiques de transformation de matière
et d'énergie, catalysées par les enzymes, qui s'accomplissent
dans tous les tissus de l'organisme vivant » (Le petit Larousse
illustré, 2006).
Pour les écosystèmes biologiques ou naturels
matures, ce métabolisme est caractérisé par une grande
autonomie, des flux de matières et d'énergie faibles, un taux de
recyclage de matières et d'énergie élevé, des
réseaux trophiques variés et spécifiques avec des
interactions complexes entre un nombre élevé d'espèces
dans des unités métaboliques que sont l'atmosphère, la
lithosphère, l'hydrosphère et la biosphère. Ce
métabolisme est hautement cyclique.
« Les écosystèmes biologiques ont
évolué jusqu'à fonctionner de manière
entièrement cyclique. Dans ce cas, il est impossible de distinguer entre
les ressources et les déchets,
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car les déchets d'un organisme constituent une
ressource pour un autre organisme. Seule l'énergie solaire constitue un
apport extérieur ». (Erkman, 2004 : 44)
La figure 2 présente la structure et le fonctionnement de
l'écosystème naturel.
ENERGIE
SOLAIRE
PRODUCTEURS
?
m
VÉGÉTAUX
BIOSPHÈRE
CONSOMMATEURS
SECONDAIRES
(CARNIVORES)
PRIMAIRES
(HERBIVORES)
AUTRES
LITHOSPHÈRE
HYDROSPHÈRE
LITHOSPHÈRE
BIOTOPE
CHALEUR
CHALEUR
? p ?? ch ?Co
Figure 2 : Ecosystème naturel : structure et
fonctionnement Source : Da Cunha, 2010
I
ÈIT MI
La ville, par analogie est considérée comme un
écosystème mais un écosystème artificiel. Son
métabolisme est dit urbain et il peut être défini comme
étant
U
ÉCPOURS
« l'ensemble des transformations physico-chimiques
qui résultent du fonctionnement de l'espace urbain : dépenses
énergétiques et transformation de matières par les «
unités métaboliques » (ménages, entreprises,
administrations, etc.) ». (Da Cunha, 2010)
R
IÈRMAL
L'écosystème urbain, vu son fonctionnement
actuel peut être qualifié de juvénile car
caractérisé par une quasi absence d'autonomie, un flux de
matière et d'énergie élevé, un très faible
taux de recyclage de matières et d'énergie avec une
quantité importante de rejets et de pertes, donc d'entropie. Ici, les
unités métaboliques sont les logements, les équipements et
les
activités au sein de la ville. Le métabolisme
est dit linéaire avec une forte empreinte écologique.
« Les villes [...] ne possèdent pas
de boucles de rétroaction pour les biens consommés. La ville se
présente alors comme un système fonctionnant sur le mode d'un
« réacteur piston » ou « réacteur à flux
continu ». Autrement dit, les flux de matière ne se trouvent pas,
du moins pas encore, dans un état stationnaire ». (Erkman,
2004 : 84)
Ce dysfonctionnement est illustré par la figure 3.
Figure 3 : Ecosystème urbain avec
métabolisme linéaire et forte empreinte écologique
Source : Modifié, d'après Da Cunha, 2010.
Tout l'enjeu du développement urbain durable est
d'opérer une transition de l'écosystème artificiel,
juvénile et à métabolisme imparfait qu'est la ville,
consommatrice de ressources naturelles et d'énergie et
générant des déchets, tant organiques que minéraux,
vers un écosystème un peu plus mature et à
métabolisme un peu plus parfait, cyclique et où les inputs sont
minimisés, les outputs désirables maximisés, le recyclage
optimisé, les déchets réduits et valorisés. Ce
métabolisme cyclique ou en circuit est illustré par la figure
4.
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Figure 4 : Ecosystème urbain avec
métabolisme en circuit et une faible empreinte écologique
Source : Modifié, d'après Da Cunha, 2010.
Pour parvenir à cette transition, il s'agira de
« [...] développer des stratégies
permettant de transformer son [de la ville]
système urbain hautement entropique actuel vers un
système urbain syntropique, c'est-à-dire un système urbain
qui cherche à minimiser sa production d'entropie, supportée par
l'environnement ». (Bochatay, 2004 : 11)
Ces stratégies résident dans la valorisation des
déchets comme des ressources, le bouclage des cycles de matières
et la minimisation des émissions dissipatives, la
dématérialisation des produits et des activités et enfin
la décarbonisation de l'énergie.
Pour ce qui est de la gestion durable de l'eau en milieu
urbain, les principes stratégiques de l'aménagiste sont :
- assurer la satisfaction qualitative et quantitative de la
demande en eau pour tous les
usages urbains,
- réduire au strict minimum les rejets polluants des eaux
usées,
- valoriser les eaux pluviales et maîtriser leur
évacuation,
- préserver les milieux naturels (protection des sols, des
captages, des milieux
récepteurs),
- trouver un bon cadre règlementaire en matière de
protection des ressources en eau.
« Enfin, d'une manière générale,
le défi majeur posé par l'écologie industrielle à
l'urbanisme et à l'aménagement du territoire réside dans
l'objectif de parvenir, à terme, à rendre l' «
écosystème urbs» aussi compact et auto-suffisant que
possible en eau, énergie, matériaux de constructions, aliments,
etc.) ». (Erkman, 2004 : 182)
C'est dans cette optique que nous avons entrepris la
présente oeuvre qui sera axée sur l'étude du
métabolisme de la ressource en eau, potable notamment, et ce, à
travers son cycle urbain : entrée (prélèvement, adduction,
distribution), transformation (usages domestiques industrielles et
économiques), sortie (collecte, évacuation, traitement), dans
deux communes frontalières de l'agglomération
franco-valdo-genevoise.
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Nous mesurerons la durabilité de ce cycle urbain de
l'eau dans chacun de ces périmètres et verrons l'influence que
les frontières géographiques et les lois exercent sur cette
gestion.
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