6.2. Evaluation du rôle de la
frontière
Il s'agit dans cette rubrique de voir si les frontières
et les lois qu'elles imposent dans chacun des Etats qu'elles circonscrivent en
sont pour quelque chose dans les résultats observés
précédemment concernant la gestion de l'eau dans les deux
communes frontalières.
Dans le cadre de la présente étude force est de
constater que pour nos différents indicateurs, la gestion de l'eau dans
les communes de Saint-Julien et de Bernex est conforme à la
législation en vigueur, les normes émises n'ayant pas
été dépassées, les prescriptions et obligations
ayant été respectées.
Malheureusement, il n'en est toujours pas ainsi car dans bien
des cas les lois ne sont pas appliquées ou sont mal appliquées ou
ne sont pas respectées. Il se dégage les principales questions
suivantes : pourquoi les lois sont-elles difficiles à appliquer sur le
terrain ? Sont-elles mal conçues ou bien s'agit-il d'un manque de
volonté politique ?
En général ce ne sont pas les lois qui sont mal
conçues ; il s'agit en fait d'un manque de volonté politique et
très souvent, un poids prépondérant est accordé aux
aspects sociaux et économiques au détriment des aspects
environnementaux.
Pour preuve, il est évident qu'en matière de
gestion de l'eau, un réseau séparatif est plus durable qu'un
réseau unitaire. Il nous a été rapporté par les
gestionnaires de l'eau du canton de Genève que nous avons
interviewé, que presque toute la ville de Genève est en
réseau
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unitaire, alors qu'étant le berceau du
développement durable, elle devrait être la première
à donner le bon exemple en mettant son réseau d'évacuation
d'eaux usées en séparatif. Mais ce n'est pas le cas ; les
intérêts économiques ont prévalu sur ceux
écologiques.
« Au cours des dix dernières années,
les débits résiduels minimaux (art. 31 LEaux) n'ont que rarement
été augmentés après la pesée des
intérêts car les intérêts économiques sont
manifestement privilégiés par rapport aux intérêts
écologiques. Les cantons profitent en général des
dérogations prévues par les dispositions sur les débits
résiduels minimaux » (Bigler et al. 2005 : 17).
Le développement durable, dans ses principes d'action,
exige que le même poids soit accordé à ses trois piliers
que sont l'environnement, la société et l'économie. Il
urge alors qu'on en tienne compte dans la pesée des
intérêts en jeu.
Aux termes de cette analyse, nous en revenons aux questions
que nous nous étions posées au début. Les réponses
que nous donnons sont étroitement liées aux neuf indicateurs que
nous avons retenus pour l'étude ; nous ne voulons pas verser dans des
généralisations car il se pourrait que pour l'un ou l'autre des
douze indicateurs LEMANO restants, qu'on n'ait pas les mêmes
résultats et donc pas les mêmes réponses.
- La gestion des ressources en eau dans nos deux communes
frontalières est-elle durable ?
- Quels rôles joue la frontière dans la gestion
des ressources en eau dans ces deux communes ?
- Puisque ces deux communes font partie d'un même projet
d'agglomération, celui franco-valdo-genevois, ce dernier favorisera-t-il
à terme, l'harmonisation des modes de gestion des ressources en eau dans
ces communes ?
A la première question, nous pouvons répondre
à l'affirmatif car dans la première commune, Saint-Julien, la
gestion de l'eau est considérée comme durable pour six
indicateurs sur les neuf retenus (dont 8 calculés), soit un degré
de durabilité de 75%. De même pour la seconde commune, Bernex, la
gestion est durable pour six des neuf indicateurs retenus soit un degré
de durabilité de 67%.
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Ainsi, nous pouvons dire, toujours selon nos indicateurs
retenus, que le degré de durabilité de la gestion de l'eau est
plus grand à Saint-Julien qu'à Bernex quoique dans les deux cas,
le capital environnemental présente les scores les plus faibles.
A la deuxième question, on peut dire que la
frontière, sous-entendu les lois, régule la gestion de l'eau dans
nos deux communes en les orientant vers un état considéré
comme durable.
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