Etude comparée de la gestion de l'eau dans deux communes frontalières: Saint- Julien-en- Genevois( France ) et Bernex ( Suisse )( Télécharger le fichier original )par Marcellin FAGLA Université de Lausanne - Master de géographie orientation études urbaines 2011 |
1.2. ProblématiqueNous venons de montrer en quelques lignes la situation de l'eau à l'échelle globale ; qu'en est-il à l'échelle urbaine ? « C'est l'eau, en vérité, qui permet le fonctionnement des espaces urbanisés. A côté des lignes de transports publics, des routes, des câbles électriques et des systèmes d'information, ses réseaux composent les veines et les artères de notre métabolisme quotidien ». (Pflieger, 2009 : 11) Ainsi, la disponibilité de l'eau, surtout en qualité d'eau douce, est un facteur d'implantation urbaine non négligeable. Ce n'est pas pour rien que la plupart des villes que nous connaissons aujourd'hui se sont implantées et développées non loin des lacs, des rivières ou des fleuves. « Historiquement, les villes se sont situées au plus près des ressources hydriques. Les cinq villes suisses de plus de 100'000 habitants sont toutes sur les rives d'un lac 9 (Zurich, Genève, Lausanne) ou aux abords d'un axe fluvial majeur (Berne, Bâle). Les raisons étaient parfois défensives (Berne) , elles permettaient parfois de meilleurs échanges commerciaux (Bâle) , mais elles étaient toujours vitales ». (Bochatay, 2004 : 12) Mais le cycle naturel de l'eau est fortement perturbé et modifié par les activités humaines, surtout au sein des villes qui en dépendent fortement. Aujourd'hui où 50% de la population mondiale vit dans les villes, les défis à relever quant à la gestion de l'eau en milieu urbain sont énormes, de même que les enjeux qui y sont liés. Ces enjeux peuvent être regroupés en trois grandes catégories, selon Reynard et al. (2006 : 1112) : - une concentration spatiale des besoins en eau et des rejets d'eaux usées. En effet, pour leur fonctionnement, les villes, manquant d'autonomie, importent de leur arrière-pays des ressources en eau qu'elles métabolisent. Il s'ensuit des rejets qu'elles peinent à éliminer normalement, surtout dans les régions où l'épuration est inexistante. - une imperméabilisation des sols. Pour que l'eau puisse se renouveler à travers son cycle naturel, il est indispensable aussi qu'elle s'infiltre ; l'imperméabilisation des sols, surtout dans les villes, casse ainsi un maillon de la chaîne de renouvellement de la ressource en eau. - une vulnérabilité par rapport aux aléas hydrologiques. Cet enjeu est un impact de l'imperméabilisation des sols car cette dernière entraine un fort ruissellement de l'eau en surface. Ainsi, les zones urbaines situées dans les plaines alluviales ou à proximité des fleuves sont constamment exposées aux inondations. « L'usage de la ressource aquatique par les espaces urbains est important tant d'un point de vue quantitatif (l'alimentation en eau potable des citadins est en France le deuxième poste de consommation de l'eau) que d'un point de vue qualitatif (les rejets d'eaux résiduaires urbaines restent parmi les principales causes de pollution des eaux de surface). Mais aussi du point de vue des risques encourus vis-à-vis de l'aléa inondation (la valeur économique des biens soumis à cet aléa étant plus importante) ». (Da Cunha, 2007 : 20) 10 Au vu de ces problèmes liés à l'eau en général et à la gravité de la situation dans les villes, il importe qu'on rompe avec la politique de gestion traditionnelle, sectorielle et cloisonnée de la ressource en eau et qu'on mette sur pied une politique de gestion globale, intégrée et cohérente car « [...] la planification intégrée est plus systématique, plus consistante, coordonnée, anticipatrice et rationnelle que la politique traditionnelle. Cette vision des choses considère que la planification est nécessaire si les objectifs sont de parvenir à des processus décisionnels plus cohérents et d'accorder plus d'importance aux conséquences futures de la politique en question. » (Da Cunha, 2007 : 20) Ressource dynamique, l'eau ne s'arrête pas aux frontières qui sont définies comme des objets géographiques séparant deux systèmes territoriaux contigus, reconnus par un ensemble d'acteurs et servant de marqueur dans l'espace. C'est pour cela que l'Union Européenne a commencé à s'intéresser à sa gestion dans ses Etats membres où elle prône une gestion intégrée, concertée, coordonnée et durable. C'est à cette politique globale, communautaire que les différentes lois et chartes internationales liées à l'eau aspirent, en l'occurrence la Directive Cadre sur la qualité des Eaux et des milieux aquatiques du 22 Octobre 2000, plus connue sous l'acronyme de DCE et dont « la première ligne directrice est la généralisation de la gestion concertée à l'échelle des bassins versants et non aux échelles administratives. » (Leclerc et Scheromm, 2008 : 36). Ainsi, dorénavant, il faudra une toute nouvelle approche des politiques mises en oeuvre en matière de gestion des ressources, politiques qui s'appuient sur une forte coopération entre Etats riverains pour la recherche commune de solutions coordonnées, la participation de tous, le partage d'informations et des responsabilités. C'est, entre autres, dans cette dynamique que s'inscrivent les projets d'agglomération, celui franco-valdo-genevois par exemple, qui opte pour une vision commune de l'avenir tant social, économique qu'environnemental. « A partir de cette vision d'avenir partagé, le moment est 11 venu d'agir pour structurer un mode de développement durable et permettre une gestion coordonnée à l'échelle de notre bassin de vie »3. L'enjeu est maintenant de taille car les ressources naturelles, l'eau dans le cas d'espèce, doivent être gérées dans une logique de durabilité régionale et transfrontalière. Ceci revient à « [...] passer de politiques sectorielles à une démarche qui tisse des liens »4. Mais cela ne va pas de soi puisque les frontières géographiques ainsi que les lois et les institutions juridiques qui vont avec ont la « peau dure » et le chemin pour y arriver est long et sinueux. Aujourd'hui, toute gestion de ressources naturelles, quelles qu'elles soient, doit s'inscrire dans cette noble logique et s'opérer dans une optique de développement durable. Elle se doit de respecter les intérêts tant environnementaux, sociaux qu'économiques. La ville est le champ où se cristallisent les enjeux du développement durable puisque c'est en son sein que se font les plus grandes consommations de ressources naturelles et les pollutions diverses. Ainsi, atteindre les objectifs du développement durable passera nécessairement par l'intégration de la gestion des ressources dans les politiques d'aménagement urbain. Il devient alors plus qu'impérieux d'inclure les objectifs environnementaux dans les outils d'aménagement que sont les schémas directeurs, les plans de prévention des risques, les plans d'assainissement etc. Deux objectifs sous-tendent le présent travail. Dans un premier temps, il permettra de voir le degré de la durabilité de la gestion des ressources en eau en milieu urbain, dans deux communes frontalières notamment. Dans un second temps, il permettra d'évaluer le rôle de la frontière dans la gestion durable de l'eau. Cela soulève un certain nombre de questions à savoir : - La gestion des ressources en eau dans nos deux communes frontalières est-elle durable ? - Quels rôles joue la frontière dans la gestion des ressources en eau dans ces deux communes ? 3 Cramer R., Gaud, B. et Mermoud, J-C. (Décembre 2007). Charte du projet d'agglomération franco-valdo-genevois. Disponible sur : http://www.terresainte.ch/am ter/pdf/SchemaDAgglomeration.pdf (Consulté le 25/05/10).0 4 ibidem 12 - Puisque ces deux communes font partie d'un même projet d'agglomération, celui franco-valdo-genevois, ce dernier favorisera-t-il, à termes, l'harmonisation des modes de gestion des ressources en eau dans ces communes ? Au vu de ces questions, nous formulons deux hypothèses : - La frontière et les législations auxquelles elle donne lieu influent sur le degré de durabilité et l'intégrité de la gestion des ressources, celles en eau notamment. - Dans un contexte de globalisation et d'intégration transfrontalière, un projet d'agglomération pourrait induire une harmonisation des pratiques en matière de gestion durable des ressources en eau. Nous essayerons d'apporter des réponses à ces questionnements grâce à des indicateurs de durabilité qui seront nos clés de lecture de la gestion des trois étapes urbaines de la ressource en eau dans notre périmètre d'étude. |
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