La réforme des entreprises publiques congolaises: reengineering ou simple mutation juridique. Cas de la Société Congolaise des Postes et Télécommunications (SCPT )( Télécharger le fichier original )par Walter- Wally NKUY KIMBUNGU Université de Kinshasa - Licence 2011 |
Chapitre deuxième : VERS UN DENI DE REFORMEUne réforme d'entreprise a pour objectif d'assouplir et redynamiser l'entreprise. Avec l'influence de la globalisation, il s'agit d'introduire dans les pratiques de gestion de celle-ci une logique de l'économie de marché, avec ses deux aspects : la concurrence et la rentabilité. Eviter tout interventionnisme de l'Etat, d'une part, et d'autre part, favoriser la liberté de gestion de gouvernance du gestionnaire, sont des remèdes attendus. L'OCPT ne peut devenir une entité qu'en rompant les multiples liens de subordination qui la relient à son autorité de tutelle. Cela signifie un changement fondamental de gestion de la société. D'une manière plus globale, transformer la qualité d'espace total de l'entreprise d'Etat en lieu économique, signifie changer radicalement l'organisation spatiale de la société, et donc changer le mode de gestion de cette société. Une rupture des liens reliant l'entreprise au pouvoir politique est, en revanche, de l'ordre d'une réforme des structures politiques ; toutefois, le statu quo de l'OCPT démontre le contraire. Par ailleurs, le chemin pris par la RDC présage un cuisant échec suite à la gestion peu orthodoxe de ce délicat travail. L'incompréhension entre différentes entités, le déficit communicationnel, le dysfonctionnement des groupes sectoriels de travail, la réfraction des organes concernés n'augurent pas un rendement meilleur. IV.1. Dysfonctionnement des groupes sectoriels de travailLe processus de réforme d'une entreprise est une opération qui fait intervenir différentes intelligentsia suite à sa complexité. En effet, concevoir une stratégie de transformation d'une firme exige la synergie des plusieurs forces et esprits pour aboutir à des bons rendements. Le COPIREP a eu recours à cette expertise aux fins de lui permettre de lever les meilleures options. En effet, Michael Hammer et James Champy ont remarqué que cinq rôles se dessinaient fréquemment avant de décider de mettre en place une démarche de reengineering : Ø Le leader qui autorise et motive l'ensemble de l'effort de reengineering. Ø Le responsable du processus qui est responsable d'un processus et du reengineering auquel il donne lieu. Ø L'équipe de reengineering qui se consacre au reengineering d'un processus particulier, qui établit le diagnostic du processus existant et qui développe son remodelage. Ø Le comité de pilotage qui met au point la stratégie globale de reengineering de l'organisation et qui pilote son avancement. Il est constitué de cadres dirigeants. Ø Le capitaine du reengineering qui est responsable de la création des techniques et outils de reengineering de l'entreprise et qui garantit la synergie entre les différents projets. Il est important de souligner que toutes ces fonctions ne peuvent être exclusives les unes des autres, mais que les liens entre chacune doivent être clairement définis. Ainsi le leader désigne un responsable de processus qui constitue une équipe de reengineering chargée de traiter ce processus avec l'assistance du capitaine de reengineering sous les auspices du comité de pilotage. Pour le cas des entreprises publiques congolaises, « le décret 136/2002 du 30 octobre 2002 portant création, organisation et fonctionnement du COPIREP a prévu la création des Groupes Sectoriels de Travail (GST) pour chaque secteur ou groupe de secteurs d'activités des entreprises publiques ».37(*) Ces groupes devraient être des maillons importants dans la chaîne de formulation des politiques sectorielles du Gouvernement et des stratégies de réforme des entreprises publiques. Ils devraient avoir pour mission d'assister le COPIREP dans la conception et la mise en place de la réforme, en fournissant un travail d'experts à la base. La réforme est conçue dans un esprit participatif. C'est à ce niveau que les actions retenues dans plusieurs programmes du Gouvernement concernant la réforme des entreprises publiques devraient être gérées techniquement pour éviter la dispersion des efforts et des finances, afin de permettre une meilleure coordination des actions en cours. Ces groupes auraient pour mission d'assister le COPIREP dans la conception et la mise en place de la réforme des Entreprises Publiques. L'approche préconisée était celle d'en faire des bases d'élaboration des stratégies et de conduite des réformes, en élargissant de facto le consensus par l'association des acteurs de tous les horizons intéressés par la réforme, experts tant nationaux qu'internationaux. A la lumière de cette disposition, il apparaît clairement que les missions des Groupes Sectoriels de Travail (GST) dépasseraient le seul cadre des entreprises publiques. Ces missions étant de deux ordres : Ø D'abord concevoir la nouvelle politique et des stratégies sectorielles du Gouvernement, dans une optique de libéralisation, du renforcement du rôle normatif et régulateur de l'Etat et de la promotion du secteur privé ; Ø Ensuite, mettre en place les stratégies de réforme pour chaque entreprise publique afin de la rendre plus performante et participer ainsi à la relance économique et sociale. La mission de définir la nouvelle politique sectorielle du Gouvernement confère à chaque GST le rôle centralisateur de toutes les réformes institutionnelles en cours dans le secteur, quelles que soient leurs sources de financement ou à quel programme du Gouvernement elles sont attachées. A ce titre les GST seraient de véritables bureaux d'études et centrales d'aide à la décision du Gouvernement. Pour le cas de l'OCPT, c'est « le Groupe Sectoriel de Travail des Postes et Télécommunications » (GSTPT). Sa tâche consiste en la mise en oeuvre, au suivi et à l'évaluation des actions de réforme, apporter sa contribution aux principaux axes de la nouvelle politique du Gouvernement se rapportant, entre autres, à ce qui suit : Ø La séparation des activités des Postes de celles des Télécommunications, la création de deux entités indépendantes, la restructuration des entités publiques des télécommunications dans un environnement de concurrence loyale ; Ø L'élaboration et la mise en oeuvre d'une vision globale de la structure du développement du secteur sur le territoire national ; Ø L'élaboration de la politique nationale sur les Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication ; Ø L'obligation de fournir le Service Postal Universel correspondant à une offre des services postaux de base de qualité à des prix abordables ; Ø La création du Fonds de Développement de la Poste des destiné à financer le Service Postal Universel ; Ø Le développement dans les télécommunications du Service Universel qui ouvre l'accès à tous aux différents services ouverts au public à un coût raisonnable ; Ø La création du Fonds de Service Universel et de Développement de Télécommunications ;( Entretien n°2) Le Groupe Sectoriel des Postes et Télécommunications devra ainsi s'atteler à revisiter ce texte et à soumettre les propositions de leur amélioration auprès du Gouvernement. In fine, chaque GST devrait être à même de proposer : v une ou des lois sectorielles qui traduisent la nouvelle politique du Gouvernement pour ce secteur ; v des stratégies sectorielles pour mettre en oeuvre la réforme ; v des stratégies de réforme pour chaque entreprise publique du secteur ; v un calendrier de mise en oeuvre des réformes proposées. Pour s'acquitter correctement de leurs tâches, ces groupes bénéficieraient de moyens adéquats sur le plan matériel et financier. Ces moyens mis à leur disposition en fonction des dotations des ministères de tutelle et en fonction de toute autre contribution des partenaires. Par ailleurs, toutes ces structures n'ont pas fonctionné comme on l'avait voulu ; la réforme piétine ; elle se retrouve au point mort. C'est en partie « en raison du dysfonctionnement des Groupes sectoriels (...). Il est dommage de constater le dysfonctionnement des groupes sectoriels de travail, faute d'une prise en charge adéquate. (...) Découragés, les membres des Groupes sectoriels de travail ne se réunissent pratiquement plus » (Entretien n°1), s'inquiétait le Secrétaire Exécutif du COPIREP. De cette incompréhension s'est créé un béant fossé entre différents organes engagés dans le travail, ce qui empiète la poursuite de la réforme et occasionne un cycle infernal des mouvements d'humeur. Certains cadres de l'OCPT acceptent avec beaucoup de peines de réaliser le travail qui leur est recommandé par les experts du COPIREP. Ils affirment : » quand il leur plait de fois de passer à l'OCPT, ils se surestiment et nous observent avec un regard gégènant ». (Entretien n°2). Ce rôle de courroie de transmission face aux organes impliqués est bloqué. Cette situation devrait prévisible parce que, « comme tout changement, le reengineering se heurte (souvent) à une résistance importante. Mais l'engagement de la direction, et de gros efforts de communication pour donner de nouvelles valeurs à l'entreprise permet au progrès de triompher ».38(*) Cependant, cet aspect n'a pas vraiment été pris en compte ; raison de l'empoisonnement de la situation. En sus, les groupes d'intérêts des entreprises publiques concernées n'ont pas été impliqués dans le processus de diagnostic des entreprises publiques congolaises et à l'élaboration des plans de reforme et surtout aux décrets du Président de la République et du Premier Ministre déjà rendus publics sur la réforme du Portefeuille de l'Etat. Du reste, la désorganisation engendrée par l'incompréhension entre entités engagées dans la réforme ne peut aboutir qu'à une réforme cavalière. * 37 COPIREP, Séminaire atelier sur les groupes sectoriels de travail (GST) Séminaire d'installation des Groupes Sectoriels de Travail, Kinshasa, les 10 et 11 mars 2004, p. 9. * 38 MIGNOT, V., (ESC Clermont-Ferrand), Réinventer l'Entreprise pour une amélioration spectaculaire de ses performances, Paris, Dunod, 2003, p. 3. |
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