CONCLUSION GENERALE
Nous voici au terme de notre étude
consacrée à la poursuite des crimes internationaux devant les
juridictions militaires congolaises ; analyse des garanties
procédurales. Pour sa réalisation, nous sommes parti de la
problématique selon laquelle la gravité des crimes internationaux
a conduit la communauté internationale à les réprouver
dans son ensemble, et que les législations nationales ont subi les
germes dans l'objectif de bâtir une société plus paisible
et justice.
En outre, l'Afrique n'est pas en reste car d'un
côté, les dirigeants africains ont mis à jour une charte
africaine des droits de l'homme et des peuples, aussi, elle a adopté les
directives et principes sur le droit à un procès équitable
et à l'assistance judiciaire en Afrique.
Quant à la RDC, le statut de Rome instituant la CPI
s'intériorise dans les moeurs des magistrats congolais qui vont
jusqu'à son application directe dans la poursuite des crimes
internationaux.
C'est ainsi que le constituant de 2006, a ferraillé
ardemment pour intégrer l'essentiel des garanties judiciaires et
procédurales prévues en droit international dans la constitution.
Soucieuse de poursuivre les crimes internationaux, la RDC a doté son
système judiciaire militaire d'une compétence en ce domaine
à travers les lois n° 023 et 024 du 18 Novembre 2002 portant
respectivement CJM et CPM.
Toutefois, la jurisprudence congolaise en ces matières
n'a cessé, hormis certains efforts louables quant à loi
applicable, d'être sujette à critique.
Pareil constat a suscité en nous une panoplie
d'interrogations consistant à savoir Qu'en est-il de l'organisation de
la poursuite des crimes internationaux en Droit congolais ?
En outre les jugements rendus par les juridictions
congolaises, rendent ils compte de l'équilibre au regard des garanties
procédurales reconnues à l'individu ?
Pour y répondre, nous avons formulé les
hypothèses selon lesquelles cette poursuite est organisée car les
crimes internationaux rentrent dans la compétence des juridictions
nationales.
Ensuite, nous avons dit que la RDC a posé l'essentiel
des garanties procédurales dans sa constitution de 2006 et a en
même temps ratifié nombreux instruments internationaux qui, aux
termes de l'art 215 de cette constitution ont une force supérieure
à celle de la loi. Les prévenus doivent bénéficier
donc de tous les droits prévus à l'art 67 du statut de Rome et 14
du PIDCP et art. 7 de la CADHP.
Pour vérifier nos hypothèses, nous avons
scindé cette étude en deux chapitres :
Dans le premier, il a été question d'examiner
l'organisation de la poursuite nationale des crimes internationaux en
démontrant l'inconvénient attaché à la
compétence des juridictions militaires.
Quant au chapitre deuxième, il a constitué les
réponses à notre deuxième question de recherche en se
penchant sur les garanties procédurales et leur mise en application par
le juge militaire connaissant des crimes internationaux.
A cet égard, les décisions suivantes ont
été analysées : l'affaire SONGO MBOYO, l'affaire
KAKADO et l'affaire Gédéon KYUNGU. Ensuite, un questionnaire a
été adressé à des avocats et magistrats militaires
aux finss de vérification de nos hypothèses.
Dans l'ensemble, nous pouvons encourager la position
adoptée par les juges quant à la loi applicable en
écartant la loi nationale au profit du statut de Rome et autres
instruments internationaux. Toutefois, il demeure que certaines garanties
essentielles ont été violées tel que nous l'avons
démontré tant dans l'étude de chaque garantie que dans le
commentaire attaché aux trois affaires analysées.
Les insuffisances tenant à
l'irrégularité de la saisine, la méconnaissance du devoir
d'instruction complémentaire, le refus d'ordonner les descentes sur les
lieux et les autres insuffisances démontrent sans doute
l'inefficacité des juridictions congolaises à assurer les
garanties procédurales bien que prévues par les textes.
Au demeurant, la RDC reste le berceau du statut de Rome de la
CPI car selon son histoire, le premier prévenu que la CPI aura à
juger est congolais et les juridictions qui font application directe du statut
de Rome en écartant la loi nationale sont congolaises. Ces
avancées ne demeurent pas moins significatives. Nous ne pouvons que
louer pareille initiative, l'encourager et inciter les plaideurs à se
garder d'être en reste face à cet instrument nouveau qui, sans
l'ombre d'aucun doute, s'enracine dans les ordres juridiques nationaux.
L'émergence de la primauté de la norme
internationale ainsi que l'enthousiasme, l'engouement et la dynamique de son
intégration dans le dossier congolais, ne manque pas de nous
émoustiller en scrutant les instruments internationaux et les
décisions déjà rendues en RDC.
Enfin, eu égard aux différentes violations des
garanties procédurales constatées, il serait impérieux de
créer une juridiction spécialisée destinée à
réprimer les crimes internationaux commis en RDC. Ensuite, la RDC
devrait conformer le code pénal militaire et le code judiciaire
militaire au Statut de Rome car les définitions de crimes de guerre, de
crimes contre l'humanité et le crime de génocide y demeurent
sommaires. En attendant l'installation de cette juridiction, le transfert de la
compétence aux juridictions ordinaires offrirait une certitude aux
accusés. Cette juridiction spécialisée devrait être
créée par l'ONU en vertu de ses pouvoirs comme elle l'a fait pour
le Rwanda et l'ex-Yougoslavie.
Cette étude ayant porté sur un domaine vaste et
complexe, nous n'estimons pas en avoir épuisé tous les contours,
nous laissons le terrain à tout chercheur qui voudra bien nous
confirmer, nous contredire ou nous compléter car la science reste en
perpétuelle évolution au regard de son caractère
dynamique.
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