III. GARANTIE DE LA MISE EN °UVRE DES DROITS DE
L'HOMME
Lorsqu'à l'intérieur d'un Etat le pouvoir est
organisé de telle sorte que les Droits de l'Homme sont violés,
des individus et peuples sont fondés à faire usage des droits
dont ils disposent, c'est-à-dire, selon le droit international, à
résister aux violations commises par le gouvernement. Le droit à
la rébellion est donc une garantie, un mécanisme de mise en
°uvre des Droits de l'Homme. Recours ultime où la victime agit
à son instance, lorsque les
4 autres garanties se sont avérées inefficaces
ou inexistantes7. Ces moyens sont également reconnus par la
Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples en ce sens qu'elle admet
à son article 20 que :
1. Tout peuple a droit à l'existence. Tout peuple
a un droit imprescriptible et inaliénable à
l'autodétermination. Il détermine librement son statut politique
et assure son développement économique et social selon la voie
qu'il a librement choisie.
2. Les peuples colonisés ou opprimés ont le
droit de se libérer de leur état de domination en recourant
à tous moyens reconnus par la communauté internationale.
3. Tous les peuples ont droit à l'assistance des
Etats parties à la présente Charte, dans leur lutte de
libération contre la domination étrangère, qu'elle soit
d'ordre politique ou culturel8.
La Charte leur donne le droit de prendre les armes pour se
libérer de la domination étrangère, pourvu qu'ils
observent les normes humanitaires internationales, notamment qu'ils
s'abstiennent d'attaquer des civils désarmés.
Pour renchérir cette thèse, le droit
international reconnaît le droit à la rébellion à
des individus contre un régime oppressif. C'est pourquoi les Nations
Unies admettent que la personne peut en ultime recours user de la
révolte contre la tyrannie et c'est dans cet esprit que diverses
résolutions reconnaissent aux peuples sous domination le droit de
recourir à la force dans leur lutte pour l'autodétermination.
Sur le plan interne, ce moyen trouve également une
légitimité ou mieux une consécration constitutionnelle en
ce sens que la Constitution9 du 18 février 2006 dispose en
son art 28 que nul n'est tenu d'exécuter un ordre manifestement
ilégal. Tout individu, tout agent de l'Etat est
délié du devoir d'obéissance, lorsque l'ordre reçu
constitue une atteinte manifeste au respect des droits de l'homme et des
libertés publiques et des bonnes mceurs.
IV. DIFFICULTES DE L'EFFECTIVITE DE MECANISMES
PRECONISES
Les instruments juridiques internes et internationaux
garantissent, nous l'avons dit supra, le droit à la rébellion
contre un régime oppressif d'une part et d'autres part le droit de faire
échec à une prise de pouvoir par la voie autocratique contre un
régime démocratique.
Dans ce sens, il convient de retenir que les instruments
juridiques sus évoqués comportent des dispositions divergentes
d'autant plus que les unes consacrent le droit à la rébellion et
les autres l'incriminent. C'est pourquoi il est bienséant de
reconnaître que la garantie d'un droit est une chose et sa mise en
°uvre en est une autre. Cela revient à dire que la reconnaissance
des droits ne suffit pas car elle doit emporter la reconnaissance de
mécanisme de protection y compris le droit à la
rébellion.
7 A., NYALUMA et T., LWANGO, Art. Cit., p.
305
8 NATIONS UNIES, Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples, New York, 1990, p. 10.
9 A son temps, la Constitution de Transition du 04
avril 2003 prévoyait la même matière à la
différence qu'elle dispose en son article 25 que nul n'est tenu
d'exécuter un ordre manifestement illégal, en particulier lorsque
celui-ci porte atteinte aux libertés et aux droits fondamentaux de la
personne humaine...
Devant cette situation, le juge, gardien des droits et
libertés fondamentaux, est embarrassé dans la mesure où il
est appelé à dire le droit en sanctionnant ou non la
rébellion. Dans son abstention de sanctionner la rébellion, il
lui serait logiquement reproché d'être en connivence avec les
rebelles bien que ce droit soit garanti par les textes fondamentaux.
A ce sujet Aristidis enseigne que « si malgré des
garanties établies dans l'ordre constitutionnel pour assurer le respect
des droits il y a violation de ceux-ci ; on dit alors qu'il y a oppression
contre laquelle la résistance est légitime. Lorsque le pouvoir
refuse à l'homme les moyens de préserver ses droits, l'histoire
répond par un mot : la révolution »10.
Dans tous les cas, le pouvoir légitime ou
illégitime cherche à se maintenir en place en faisant
régner l'ordre et faisant respecter ses décisions au besoins par
la contrainte. Un tel pouvoir ne tolère jamais la
désobéissance au point que l'individu ou groupe d'individu
insoumis est passible des sanctions pénales étant donné
que la violence devient la seule arme pour asseoir son autorité. Ce qui
permet de réprimer les rebelles vaincus considérant le fait que
la rébellion est une infraction au regard du Code pénal congolais
qui prévoit11 :
Article 133 : Est qualifiée rébellion toute
attaque, toute résistance avec violences ou menaces envers les
dépositaires ou agents de l'autorité ou de la force publique,
agissant pour l'exécution des lois, des ordres ou ordonnances de
l'autorité publique, jugements ou autres actes
exécutoires.
Article 134 : La rébellion commise par une seule
personne est punie au maximum d'une servitude pénale d'un an et d'une
amende de cent à cinq cents zaïres ou d'une de ces peines
seulement.
Article 135 : Si la rébellion a été
commise par plusieurs personnes et par suite d'un concert préalable, la
servitude pénale peut être portée à cinq ans et
l'amende est de deux cents à mille zaïres.
C'est pourquoi un tel pouvoir ne laisse impuni toute atteinte
étant donné que le pouvoir de commandement de l'Etat qu'incarne
les gouvernants ne peut coexister avec la reconnaissance d'un droit de
désobéissance des gouvernés.
Abe Fortas estime que le rebelle sera puni à moins que
la loi qu'il évince ne soit entachée d'invalidité dans son
principe ou dans son application. Dans le cas contraire, c'est-à-dire
lorsqu'il évince une loi valide ou s'insurge contre un ordre juste, lors
même qu'il serait inspiré des principes philosophiques ou moraux
soutenables, il n'échappera pas à la rigueur de la loi
pénale12. Ce qui revient d'affirmer qu'est rébellion
condamnable qui ne vise pas la protection des Droits de l'Homme, par contre ne
le sera pas si elle est exercée dans l'intérêt de la mise
en °uvre d'un ordre nécessaire à l'effectivité des
Droits de l'Homme.
C'est pourquoi toute rébellion peut s'avérer
légitime dans les hypothèses suivantes13 :
Régime autoritaire : privé du « génie
invisible de la cité » qui se fait obéir sans contrainte, le
gouvernement n'a plus que la violence pour asseoir son autorité.
C'est alors qu'il commet des violations graves de
10 C-S., ARISTIDIS, Le droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes, Bruxelles, Bruylant, 1973, p. 242 cité
par A., NYALUMA, et T., LWANGO, Art cit., p. 296.
11 Décret du 30 janvier 1940 portant Code
pénal congolais tel que modifié et complété
à ce jour, Mis à jour au 30 novembre 2004, In Journal
Officiel de la RDC., 45ème Année Numéro
Spécial 30 novembre 2004
12 ABE FORTAS, De la contestation et de la
désobéissance civique, Seine, France-Empire, 1968, p. 99
cité par A., NYALUKOMA, et T., LWANGO, Art cit., p. 304.
13 A., NYALUKOMA, et T., LWANGO, Art cit., p.
307.
6 l'autorité. C'est alors qu'il commet des violations
graves par actions et par omission que seul le droit à la
rébellion est en mesure de redresser.
Domination coloniale et occupation étrangère :
la rébellion est le seul moyen de contraindre le processus d'occupation,
de déraciner celle-ci et de lutter contre des violations multiples
qu'elle comporte.
Coup d'Etat militaire : la rébellion est le moyen de
lutter contre le renversement des institutions démocratiques par les
auteurs de coup d'Etat.
Ordre post-révolutionnaire : après avoir
renversé un régime autoritaire et répressif, si le nouveau
régime viole à son tour les Droits de l'Homme, la
rébellion est la voie privilégiée pour empêcher une
nouvelle tyrannie.
Discrimination raciale : le droit à la rébellion
est incontestable du fait du caractère systématique des
violations des Droits de l'Homme.
Le droit à la rébellion a fait ses preuves au
cours de l'histoire des Droits de l'Homme. Il se trouve légitimé,
lorsqu'il est exercé comme mécanisme de protection des Droits de
l'Homme, dans le strict respect de ses conditions de mise en °uvre,
à défaut de quoi elle sera non seulement illégitime mais
aussi illégale et répréhensible.
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