Entre les multinationales et les entreprises publiques, et le
secteur informel, les P.M.E. "modernes", c'est à dire respectant
globalement les règles officielles, constituent incontestablement le
maillon faible du tissu économique africain.21(*)
Pour Philippe Hugon : "La faiblesse des technologies
intermédiaires et l'absence de P.M.E. caractérisent les
économies africaines dualistes. Les entreprises publiques et les
filiales des firmes étrangères jouxtent les ateliers informels ou
les exploitations paysannes".22(*) Le jugement de cet auteur est probablement un peu
trop catégorique et un tissu de P.M.E. existe dans certains pays
africains, même s'il est encore faible et fragile.
Abdelali E. El Alami propose une typologie des entreprises
africaines élaborée à partir de trois critères
:23(*) la nature de
l'activité, la localisation du centre de décision et la taille.
Il décrit quatre types d'entreprises :
1) Les entreprises nationales stratégiques
(appelées ici publiques)
2) Les entreprises locales organisées (P.M.E.)
3) Les entreprises locales informelles (secteur informel)
4) Les entreprises à capitaux étrangers
(multinationales et franco-africaines)
Pour cet auteur les P.M.E. africaines possèdent les
caractéristiques suivantes : elles sont jeunes, ont été
créées depuis l'Indépendance du pays ou rachetées
par un entrepreneur africain après cette Indépendance. Il
convient cependant de noter qu'aujourd'hui encore, des P.M.E. appartiennent
à des européens qui parfois souhaiteraient s'en défaire
L'âge de la retraite approchant, ils recherchent un repreneur. Les P.M.E.
sont gérées par un "patron" lui-même investisseur principal
sinon unique et constituant le centre de décision. Elles ont
généralement une structure de gestion plutôt
légère et un faible taux d'encadrement.
Amadou Lamine Dia scinde, lui met cette catégorie des
P.M.E. en deux sous-ensembles : 24(*)
- Les petites entreprises qui sont des sociétés
de personnes, oeuvrant principalement dans l'industrie, les travaux de
construction et les travaux publics, et ayant moins d'une trentaine
d'employés.
- Les moyennes entreprises qui sont des
sociétés de personnes ou de capitaux, travaillant dans le
commerce et l'industrie d'import-export, et pouvant avoir jusqu'à 100
salariés.
J.M. Bellot, à la suite d'un travail d'enquête
portant sur les petites et moyennes entreprises au Sénégal, en
identifie trois types : l'entreprise "refuge", l'entreprise de type familial,
et l'entreprise du "manager». 25(*)
- L'entreprise "refuge" correspond en général
à une activité annexe. Elle a un rôle d'assurance contre
les vicissitudes de la vie professionnelle et fournit une situation
éventuelle de repli à son propriétaire en cas de
difficultés, de licenciement, etc. Elle a aussi un rôle
d'assurance-vieillesse permettant à son propriétaire de maintenir
un niveau de vie plus conséquent lorsque l'heure de la retraite a
sonné. Dans des pays où le rôle de l'Etat est
prépondérant, elles appartiennent souvent à des
fonctionnaires qui utilisent leur position dans l'administration pour
développer leurs affaires privées.
- L'entreprise de type familial fonctionne sur une base
essentiellement familiale : le patron s'entoure d'abord de son noyau familial
proche (frère, fils, etc.) pour le seconder directement, puis de sa
famille élargie. Lorsque le besoin en travail, et donc en revenu, de
cette dernière est satisfait, la croissance de l'entreprise
s'arrête. L'excédent de profit par rapport à ce niveau de
besoin ne sert pas à développer l'entreprise, il est soit
affecté à des dépenses de consommation, soit
transféré en milieu rural.
- L'entreprise du "manager" a un patron jeune,
possédant une solide formation. Le recrutement de la main-d'oeuvre est
plus fonction de sa qualification que de l'existence ou non de liens familiaux
avec le dirigeant. La notion d'accumulation est fortement présente.
On peut se demander pourquoi, en Afrique, le tissu de P.M.E.
"modernes" est aussi faible, et pourquoi, en particulier, peu de "grosses
P.M.E." se développent. Deux éléments doivent être
relevés. D'une part la crise économique et les difficultés
de ces dernières années ont entraîné, pour
certaines, leur disparition ou leur glissement dans le secteur informel. Des
patrons de P.M.E., voyant que leur entreprise n'était plus viable dans
le respect des règles officielles, s'en sont peu à peu affranchis
pour assurer leur survie. D'autre part, de nombreux auteurs ont relevé
la propension de l'entrepreneur africain à ne pas développer son
affaire au-delà d'un certain seuil, mais à en créer une
deuxième, puis une troisième, etc. pour constituer une sorte
d'hypo-groupe. J.M. Bellot indique "il est frappant de constater que
l'entrepreneur "manager" ne cherche pas toujours à développer son
entreprise dans la même branche, mais à créer une nouvelle
entreprise dans une autre branche, afin de diversifier les risques".26(*) De même pour El Alami
"il n'investira pas dans une seule opération et répartira ainsi
ses risques en investissant aussi bien et en même temps dans le secteur
agricole comme dans l'immobilier ou dans le commerce ou l'industrie".27(*) Enfin Hugo parle lui d'une
logique de diversification et non d'accumulation intensive permettant des
progrès significatifs de productivité». 28(*)
Selon Claude ALBAGLI et Georges HENAULT, « encore
trop peu nombreux, responsables d'unités souvent trop petites, les chefs
d'entreprises modernes existent quand même en
Afrique ».29(*)