III. La pensée de l'autre du développement
: Un prétexte pour réinventer une identité.
III. 1. L'absence du développement
« reproduit » : Plus de peur que de mal.
III. 2. La pensée de l'autre du
développement : Un repositionnement stratégique
pluridimensionnel. Conclusion
«Voila maintenant des décennies que le mythe
du « développement » regne pratiquement sans avoir
été remis en question, semant partout le chaos et la destruction.
Notre civilisation, en son état actuel, ne parait pas avoir pris
conscience -- et encore moins les avoir remis en question -- des dogmes
irrationnels qui sous-tendent l'entidre notion de développement. Pas
plus que nous ne semblons comprendre que la doctrine en vigueur selon laquelle,
d'une acon ou d' une autre, laissé d lui-mdme, le marchéprocurera
d chacun tout ce dont il a besoin, est oncierement extravagante ».
Susan GEORGE, 1992, « L'e&&et Boomerang : choc
en retour de la dette du Tiers-monde », édition la
Découverte, Paris.
Introduction :
Dans une logique ou l'on considérait le
développement comme un ensemble comple xe et inédit, un tel
entendement amènerait a accepter que ce concept concerne non seulement
une condition inhérente aux différentes manifestations de
l'activité humaine, mais aussi renvoie a tout un processus a suivre.
C'est dans cette perspective que le concept de «
développement » est appréhendé par
l'économiste Francois PERROUX a travers quatre niveaux dans
l'évolution économique des sociétés : il s'agit
notamment de l'expansion (accroissement temporaire et
irréversible des quantités économiques), de la
croissance ( augmentations suivies en longues périodes avec pour
conséquence des modifications de structures économiques), du
développement proprement dit ( faisceaux de transformation dans les
structures mentales et institutionnelles, condition de la prolongation de la
connaissance) et enfin du progres (significations
finalistes qui donnent un sens au processus du développement).
A coté de cette conception purement économique
du développement, les institutions financieres internationales
s'adonnent davantage a une manipulation des chiffres qui permet de masquer le
fait que les peuples du Sud en particulier et du monde entier en
général, sont les victimes emblématiques du creusement des
inégalités. Des lors, le constat général sur
l'échec du développement est rendu par l'affirmation de
Gilbert RIST qui consistait a dire que : « Si l'on peut multiplier
partout les signes du (c développement », il ne s'en suit pas
qu'ils fassent sens »1, ce qui suscitera la mise en place
de certaines alternatives dont notamment le développement
social, le développement durable, le développement
participatif, le développement écologique,
l'intégration de la culture dans le développement,
etc.
Au vu des défaillances que présentent les
différentes acceptions du concept de développement que
l'on ne parvient pas a canaliser, Catherine Coquery VIDROVITCH2 nous
apprend que : « Nous sommes dans une période de crise
cumulative ». Il appartiendra a Jean-Marc ELA, dans la Revue Maniere
de voir n. 513, de procéder a une énumération
de ces différentes crises. Selon ELA, la catégorisation de ces
crises fait apparaitre trois grands ordres dont notamment : la crise des
processus de développement au Sud, mais aussi dans un monde ou
les interdépendances sont multiples et devenues incontournables ; la
crise des modeles de développement et des idéologies qui
sous-tendent les politiques et les structures des Etats ; et enfin, la crise
des savoirs engendrés par l'éclatement des champs du
développement et les décalages de la théorie face a
des réalités mal analysées.
Cependant, une analyse minutieuse des incohérences
internes de cette nouvelle divinité qu'est le
développement e xige de la part des peuples du système monde
la valorisation de leur « agenceité » comme dirait
Anthony GIDDENS et qui n' est rien d' autre que leur capacité d' action
ou leur compétences pragmatiques. Ce pragmatisme ne saurait etre rendu
effectif que si les différents acteurs sociaux osent s'interroger sur
l'état des lieux de leurs sociétés a l'aide de la
pensée afin de prendre en charge leur destin. Cet impératif est
incontournable selon Jean Marc ELA qui considere qu' « une
société qui ne se pense pas constamment est vouée a la
stagnation et, finalement, a la dégénérescence. C'est
pourquoi doivent titre encouragées les disciplines telles que la
philosophie, la psychologie, la sociologies, lesquelles fournissent des
instruments d'analyse et de renouvellement de la société
»4
Voila donc, une invitation a remettre en cause les paradigmes
fondamentaux de la pensée unique, mais aussi et surtout a se positionner
par rapport aux enjeux néfastes du mouvement alter
1 RIST G., 1994, « Des sphinx, des licornes et
autres chimeres...Trois approches des relations entre culture et
développement face aux pratiques sociales », in La culture.
Otage du développement ?, sous la direction de G. RIST, Paris, L'
Harmattan», p. 6.
2 VIDROVITCH C. C., 1988, Pour une histoire du
développement : Etats, Sociétés,
Développement, Paris, l' Harmattan, p. 3.
3 Le Monde Diplomatique, Maniere de voir n.
51, Afriques en renaissance, Bimestriel Mai-Juin 2000.
4ELA J-M, 1994, Restituer l'histoire aux
sociétés africaines. Promouvoir les sciences sociales en Afrique,
Paris, l' Harmattan, p.18.
mondialiste qui veut nous enfermer davantage dans cette vision
mythique du développement~ Ainsi, dans la mesure ou le
comportement adapté est un principe de rationalité, tous les
peuples ont besoin de se conformer a ce que Karl POPPER appelle le «
principe du point zéro » ou la « logique des situations »
ou encore la « méthode zéro ». Ici, contrairement a Yao
ASSOGBA qui considère que le fait de tout recommencer a zéro
reviendrait a « imposer une dictature a l'esprit », le
retour a de nouvelles bases est nécessaire du moment ou raisonner en
fonction des paradigmes actuels que l'on sait plus qu'e xtravertis pourrait
nous enfermer toujours dans cette logique mortifère du
développement~
C'est la toute la pertinence de la pensée de
l'autre du développement qui porte le flambeau d'une
pensée libre de toute ambition de laisser perdurer une situation
désastreuse qui ne fait qu'enfoncer l'Humanité toute
entière d' abord dans un avenir incertain, et les peuples du Sud en
particulier qui sont obligés de subir les énormes supercheries du
passé, du présent et certainement (surtout pas) du futur.
Sous cet angle, notre travail s'articule autour de trois
grandes parties. Dans un premier moment, nous procéderons a une
tentative d'éclairage conceptuel qui nous permettra de décliner
le contenu des concepts centraux de notre communication aussi bien a
l'échelle micro qu'a l'échelle macro. Le second moment du travail
permettra de montrer tout l'intérêt qu'il y a pour les peuples du
Sud a éviter a tout prix de se développer aveuglément.
Ici, le maitre-mot est l'urgence d'une révolution face a un
système d'une incohérence sans précédent. A ce
niveau, nous avons deux chapitres : d' abord, nous avons le premier chapitre
qui traite des exigences de fermeté par rapport aux paradigmes
dominants et au mouvement alter mondialiste dont l'essence se trouve dans
la mouvance de la mondialisation d'aujourd'hui et des soubassements latents qui
fonde cette nouvelle donne qu'on doit forcément intégrer.
Ensuite, suivra le second chapitre qui traite de la prise de conscience par
rapport a l'urgence d'une réaction contre l'idéologie du
développement ou il est question de montrer que les peuples du Sud
continuent a vivre les mêmes situations depuis des
générations, raison pour laquelle ils doivent nourrir une
idéologie capable de rendre effective leur auto affirmation.
Enfin, le troisième moment nous offrira l'occasion de
comprendre que la pensée de l'autre du développement est
un parfait préte xte pour les peuples du Sud de réinventer une
identité en « dehors » du développement~ Cette
partie du travail, tout comme celle précédente, est
constituée de deux chapitres dont le premier se veut de rassurer le
système monde sur une certitude toute simple : l'absence du
développement : plus de peur que de mal pour monter que cette
idéologie n'en est qu'une et que le salut des peuples dépend de
leur capacité a lui trouver une alternative. Quant au second chapitre,
elle analyse la pensée de l'autre du développement comme un
repositionnement stratégique pluridimensionnel en montrant le
devoir pour les peuples du Sud d'être porteurs de cette pensée
neuve.
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