I-4 La VaR dans la littérature de la gestion de
portefeuille
Depuis longtemps, les chercheurs dans le domaine de la finance
reconnaissent l'importance cruciale de la mesure du risque d'un portefeuille
d'actifs financiers dans le processus d'optimisation de l'allocation d'actifs.
Ce souci remonte à quatre décennies lorsque Harry Markowitz
(1952) initiant les recherches sur la sélection de portefeuille explore
la définition et la mesure de risque. Depuis la mesure de risque devient
une composante bien intégré dans l'activité
financière. Dans le modèle proposé par Markowitz, les
investisseurs maximisent l'espérance de rendement pour un niveau de
risque donné, ce dernier est mesuré par la variance. Markowitz
fait remarquer que les individus cherchent en fait à réaliser le
meilleur compromis possible entre le gain espéré et son risque
associé. Reste à formaliser ce
compromis. Puisqu'on est dans une économie
risqué, le gain espéré sera l'espérance du revenu,
le risque sera simplement mesuré par la variance ou l'écart type
du revenu aléatoire. La variance est une mesure de fluctuation. Faire ce
choix comme mesure de risque de marché implique donc que l'on
considère comme risqué tout ce qui bouge par rapport à la
moyenne aussi bien les mouvements à la hausse que les mouvements
à la baisse.
De façon plus formalisée, le critère de
Markowitz s'écrit :
X Y E X E Y Var X VaR Y
> ( ) ( ) et ( ) ( )
= p
ou bien
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E X E Y Var X VaR Y ( ) ( ) et ( ) ( )
=
Le critère choisit par Markowitz est visualisé
dans un plan appelé plan de Markowitz, où l'on représente
en ordonnée le revenu (ou le rendement) attendu et en abscisse le
risque. Chaque couple possible d'actifs peut être
représenté dans ce plan. Pour chaque rendement, il existe un
portefeuille qui minimise le risque. À l'inverse, pour chaque niveau de
risque, on peut trouver un portefeuille maximisant le rendement attendu.
L'ensemble de ces portefeuilles est appelé frontière d'efficience
ou frontière de Markowitz. Cette frontière est convexe par
construction : le risque n'augmente pas linéairement en fonction des
poids des actifs dans le portefeuille.
Dans le même cadre d'étude, Tobin (1958)
résume le processus de décision d'investissement en deux
étapes: la première est similaire pour tous les investisseurs et
au cours de laquelle ils choisissent le même "meilleur" portefeuille
d'actifs risqués sur la frontière efficiente (appelée le
portefeuille de marché), la deuxième étape est
spécifique à chacun d'entre eux. Elle dépend de leur
attitude vis à vis du risque. En effet, chaque investisseur combine le
portefeuille de marché avec un emprunt ou un prêt de façon
à obtenir le niveau de risque qu'il désire supporter. Chaque
investisseur ne doit donc placer son argent que dans deux actifs : d'une part
un portefeuille risqué commun et d'autre part un actif sans risque ayant
le caractère d'un prêt ou d'un emprunt. Il est utile de remarquer
que le critère de Markowitz ne permet pas de comparer tous les projets
de point de vue domination de l'un sur l'autre.
Black et Litterman (1992) ont élargi le champ
d'application possible de cette approche classique. L'extension du cadre
classique pour tenir compte du skewness et du kurtosis ainsi que l'étude
des mesures de risque alternative est aussi largement traitée en
littérature (Kaplanski et Kroll (2002)). Fleming, Kirby et Ostdiek
(2001) étudient la valeur économique de l'indexation temporelle
de la volatilité et De Roon, Nijman et Werker (2003) montrent son
utilité dans la couverture des risques de change pour les portefeuilles
d'actifs internationaux.
Certains désavantages de cette méthode, tel que
l'incertitude au niveau de la matrice des covariances ou dans les
espérances de rendement, sont évalués (Jorion (1985),
Bouchaud et Potters (2000)). En effet, face aux inconvénient majeures du
modèle de Markowitz, principalement l'hypothèse de
normalité de la distribution des rendements et l'hypothèse de
l'indifférence de l'investisseur vis-à-vis des pertes et des
profits, d'autres critères de mesure du risque ont apparu comme mesure
alternative capable d'éviter ces inconvénients. La plus
importante de ces critères est la Value-at-Risk (ou valeur à
risque). Cette notion est traitée depuis longtemps dans la
littérature de sélection de portefeuille sous un autre concept
qui est la notion de perte potentielle. En effet, présente dans les
travaux de Roy (1952) sur la sélection de portefeuille sous les
contraintes de perte de valeur potentielle, l'idée de mesurer le risque
par ce phénomène revient évidemment à la notion de
valeur à risque. Roy définit cette contrainte en terme de
probabilité limite de la dévaluation de la valeur du portefeuille
au dessous d'un niveau préfixé. Depuis, la littérature
d'allocation d'actifs sous cette contrainte est élargit (voir par
exemple Leibowitz et Kogelman (1991)). Lucas et Klaassen (1998) ont
constitué des portefeuilles en maximisant l'espérance de
rendement sous la contrainte d'un rendement positif minimal sur un horizon de
temps donnée et pour un niveau de confiance
prédéterminé.
Alexander et Baptista (2001) comparent l'utilisation de la
VaR et de la variance afin de construire la frontière
d'efficience. Ils montrent que pour un investisseur averse au risque
l'utilisation de la VaR peut conduire à la sélection de
portefeuille avec des variances de rendement plus élevées
comparées aux analyses Moyenne Variance. Le principal
inconvénient de la VaR est qu'elle ne vérifie pas la
condition de sous additivité, condition nécessaire pour
considérer la mesure comme étant cohérente au sens de
Artzner, Delbaen, Eber et Heath (2000). Pour cela certaines études se
sont orientées vers des mesures alternatives cohérentes,
dérivées de la notion de VaR, tel que l'expected shotfall
appelé aussi VaR conditionnelle (CVaR) ( Pflug(2000), Acerbi et Tasche
(2001, 2002), Rockafellar et
Uryasev (2002)), la déviation absolue
étudiée par Denneberg (1990) ou la semi variance mesurant le
risque de base (Fischer (2001)). Certaines de ces études se sont
focalisées sur l'étude l'utilisation des mesures alternatives de
risque en gestion de portefeuille. Krokhmal, Uryasev et Zrazhevsky (2002)
cherchent l'optimisation de portefeuille pour les fonds de couvertures sous
différentes mesures de risque tel que le CVaR, la déviation
absolue moyenne, la perte maximale. Ils montent que les résultats pour
la frontière d'efficience coïncidente pour ces différentes
mesures et que leurs combinaisons permettent d'obtenir une gestion de risque
meilleure.
Rockafellar et Uryasev (2000) présentent une approche
de programmation linéaire permettant la construction de la
frontière efficiente sous la contrainte d'expected shortfall empirique.
Ils contribuent aussi à la résolution du problème
d'optimisation dans le plan Moyenne-CVaR. De même, Konno et al (2003)
fournissent des algorithmes d'optimisation sous la contrainte de semi variance
qui sont facile à implémenter.
Dans le cadre d'optimisation dans le plan Moyenne-VaR,
Gaivoronski et Pflug (1999) traite d'une façon générale le
cadre mathématique du processus d'allocation de la richesse. Campbell et
al. (2001) analysent le problème d'optimisation dans le même plan
en présence de rendements distribués sous différentes
hypothèses (empirique, normale, student) et ça en présence
de deux classes d'actifs. Rengifo et Rombouts (2004) procèdent à
l'extension du cadre statique de cette étude de Campbell et al. (2001)
vers un cadre dynamique d'allocation d'actifs en procédant à la
comparaison des performances de deux modèles d'estimation de la
VaR à savoir le modèle GARCH (1,1) et le modèle
APARCH (1,1) sous différentes hypothèses de distribution. ).
Chabaane et al. (2003) optimisent l'espérance de rendement sous
différentes contraintes de risque : l'écart type, la
semi-variance, la VaR et l'Expected Shortfall. Différentes
méthodes d'estimation de la VaR sont utilisées. Ils
concluent que l'optimisation sous la contrainte de la VaR est plus
délicate au niveau des algorithmes et de l'implémentation que
l'optimisation sous les autres contraintes. De même, le choix de la
méthode d'estimation de la VaR a moins d'influence que le choix
de la contrainte de risque sur les portefeuilles optimaux. Ils remarquent aussi
que le portefeuille optimal sous la contrainte de la VaR se rapproche
de celui obtenu sous la contrainte de l'Expected Shortfall.
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