I.2.2.
Discrimination statistique et stéréotypes
Dans ces modèles, les employeurs ne basent plus leurs
décisions d'embauche sur des signaux individuels dont la
fiabilité diffère entre les hommes et les femmes, mais sur des
idées préconçues des performances des groupes. Le
comportement des employeurs sera alors dicté par des
stéréotypes. En effet, si les employeurs pensent qu'en moyenne
les femmes sont moins qualifiées, ou plus susceptibles de quitter leur
emploi que les hommes, et que le coût d'une information
complémentaire sur chaque candidate est excessif, alors ils auront des
comportements discriminatoires envers les femmes. Les employeurs ont des
préjugés sur les compétences des deux sexes qui peuvent
provenir de leur expérience personnelle antérieure, de
données statistiques ou de purs préjugés ne reposant sur
aucun fait concret. Les perceptions des employeurs vont handicaper les femmes
qui désirent véritablement faire carrière et participer
continûment au marché du travail et donc engendrer leur
discrimination. Ainsi, comme l'explique C.Sofer si la plupart des employeurs
pensent que les femmes ont en moyenne un plus faible attachement au
marché du travail, elles se verront non seulement attribuer des salaires
moins importants que les hommes, mais recevront également peu d'offres
d'emplois pour des postes qui nécessitent une formation intensive
financée par l'Etat.
Ce sont donc les hommes qui se verront offrir les emplois les
plus qualifiés. Cette discrimination s'efface dans le long terme si les
à priori des employeurs ne sont pas justifiés et que ces derniers
constatent que les femmes sont autant attachées au marché que
les hommes. Les écarts de salaires peuvent aussi perdurer dans le cas
où les femmes qui anticipent les comportements discriminatoires des
employeurs, seront moins incitées à investir en formation et
seront alors moins productives que les hommes. Ainsi, les prophéties des
employeurs deviennent «auto-réalisatrices» et conduisent au
renforcement des stéréotypes initiaux. Ces idées sont par
la suite, reprises dans des modélisations plus complexes et plus
réalistes. Les employeurs vont assigner un travailleur à un
emploi qualifié ou non qualifié en se basant sur deux
critères : des idées préconçues sur les
distributions de productivité respectives des deux sexes, et un signal
imparfait des qualifications. L'hypothèse centrale pour les
différences hommes/femmes est que les employeurs ont des
«stéréotypes négatifs» à l'encontre des
femmes, c'est-à-dire qu'ils pensent que les femmes sont de
manière générale moins qualifiées que les hommes.
Moins de femmes que d'hommes, même à compétences
identiques, vont alors être embauchées dans les emplois
qualifiés. Des écarts de salaire moyen entre sexes vont alors
apparaître puisque les emplois qualifiés sont mieux payés
que les autres. De plus, les femmes vont être moins incitées
à investir dans la formation car le rendement de celle-ci,
c'est-à-dire le salaire anticipé, ne sera pas assez important
pour compenser son coût. En effet, les femmes n'obtenant pas les emplois
qualifiés, leur salaire n'est pas assez intéressant pour
compenser le coût de l'investissement en capital humain.
Finalement, la productivité des femmes est
inférieure à celle des hommes et les stéréotypes
des employeurs sont confirmés. D'où l'apparition d'un
écart de salaire moyen entre sexes, persistant à long terme. De
plus, des convictions incorrectes sur les capacités d'un groupe,
même temporaires, peuvent conduire à une discrimination
persistante, y compris quand les a priori des employeurs sont rapidement
modifiés et deviennent cohérents avec la réalité.
En effet, comme les employeurs croient que les femmes sont en moyenne moins
productives que les hommes, s'ils observent un niveau de production
élevé, ils auront plus tendance à l'attribuer à de
la chance dans le cas des femmes, et à de réelles
compétences dans le cas d'un homme. Ainsi, le modèle est une
synthèse entre les idées de discrimination par
préjugés et de discrimination par erreur de mesure.
La discrimination statistique explique donc le comportement
discriminatoire de l'employeur en se reposant sur l'hypothèse
d'imperfection de l'information. D'une part, la discrimination des femmes par
les employeurs est due à une différence dans la qualité de
l'information sur la productivité fournie par chaque sexe. Les signaux
de productivité sont moins fiables pour les femmes que pour les hommes.
Ces erreurs de mesure de la productivité entraînent donc des
salaires plus faibles pour les femmes. D'autre part, la discrimination des
femmes par les employeurs est due à des idées
préconçues des performances des groupes. Les employeurs ont des
préjugés sur les compétences des deux sexes et estiment
que celles des femmes sont moindres. Ces préjugés vont alors
menés à des comportements discriminatoires et entraîner des
écarts de salaires en défaveur des femmes.
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