I. Les nouvelles théories économiques
de la discrimination et mesures économétriques
I.1. L'approche de Becker
et les mesures de la discrimination
Francis Edgeworth (1922) est l'auteur de la première
théorie néoclassique mais les travaux de Gary Becker (1957)
restent les plus importants dans l'étude de la discrimination.
La théorie de Becker (1957) expose les
préférences discriminatoires, qui reposent sur le fait qu'il y
ait un goût pour la discrimination de la part des employeurs,
employés ou consommateurs qui renoncent à une partie de leurs
revenus pour éviter de travailler avec les femmes.
I.1.1. La
discrimination des différents agents du marché
Par hypothèse, les hommes et les femmes ont les
mêmes productivités marginales, ils sont donc substituables.
Les employeurs cherchent à maximiser leur
utilité et non leurs profits. Leur préférence à
l'embauche des hommes repose sur le gain d'utilité, en supposant que les
femmes leurs apportent une utilité négative. Kenneth Arrow
(1972/1973) et Gary Becker (1957) formulent l'hypothèse que les
employeurs retirent simultanément une utilité négative des
femmes et une utilité positive des hommes. Etant donné qu'en
réalité le fait qu'un employeur n'embauche que des personnes d'un
même sexe, la théorie est inconcevable.
Kenneth Arrow (1972-1973) et Gary Becker (1957) vont
émettre une seconde hypothèse, selon laquelle tous les employeurs
ont un comportement discriminatoire mais vont choisir ce qui les avantage pour
maximiser leur utilité ; engager des femmes à plus bas salaire et
supporter un coût psychologique ou embaucher des hommes. Selon ce qui est
le plus rentable, l'employeur choisira de n'embaucher que des femmes ou que des
hommes. A long terme, seule l'entreprise la moins discriminatoire, qui aura
donc fait le plus de profits survivra et rachètera ses concurrents. Les
inégalités salariales vont donc se dissiper, dans la mesure
où les entreprises embauchant des hommes disparaissent et celles
embauchant des femmes se développent.
Si les employeurs ont une répulsion à engager
des femmes, cette répulsion est représentée par un
coefficient dit « coefficient de discrimination ». En posant les
femmes comme le type B et qu'elles postulent pour un travail en demandant un
salaire WB, le coût salarial perçu par l'employeur équivaut
à WB(1+di), où di représente le coefficient de
discrimination de l'employeur i. donc même si un travailleur de type A se
présente avec un salaire demandé WA>WB il sera embauché
si WA<WB(1+di).
Il est considéré comme étant de «
connaissance commune » que les deux agents ont les mêmes
caractéristiques productives.
Les deux hypothèses nous donnent deux
prédictions : une ségrégation entre entreprises et des
disparités salariales qui disparaissent à long terme.
Néanmoins, cette analyse comporte des lacunes dans la
mesure où la discrimination ne se voit pas au niveau des entreprises
mais au niveau sectoriel et que les disparités salariales persistent et
ne disparaissent pas à long terme.
Les conclusions qui en découlent sont que la
discrimination n'est pas propre aux employeurs et se retrouve ailleurs sur le
marché.
Cela nous conduit à l'idée d'une discrimination
par les employés masculins. Ce modèle suppose que les
salariés masculins répugnent à travailler avec ou pour des
femmes.
Ils supposent que du fait qu'on les oblige à travailler
avec des collègues féminines, une prime leur est due pour
compenser le préjudice.
D'autres économistes développent ce
modèle, l'idée de mixité au sein du travail et non la
substitualité.
Kenneth Arrow (1973) évoquera les coûts de
recrutement, en posant l'idée que des coûts fixes lourds,
contraignent les entreprises à opérer une mixité de la
main d'oeuvre mais que cela ne résorberait pas pour autant les
disparités salariales.
Cotton Lindsay et Michael Maloney (1988) modélisent
cette approche en mettant en évidence que la ségrégation
est coûteuse.
Ce modèle suppose qu'une entreprise qui embauche sa
main d'oeuvre comme elle se trouve sur le marché du chômage n'aura
pas à supporter des coûts de recrutement élevés. Or
une entreprise qui répugne à embaucher des femmes, va avoir
d'avantage de coûts pour multiplier les entretiens d'embauche afin de
n'embaucher que les individus non discriminés.
Néanmoins les entreprises qui n'embauchent pas de
femmes, verseront des salaires plus faibles aux hommes car il n'y a pas de
prime à verser. Ces deux effets se compensent donc. On retrouve ainsi
les observations empiriques dans ce type de discrimination grâce à
cette modélisation, mise en doute tout de même par le fait qu'il
existe sur le marché des hommes qui ne répugnent pas à
travailler avec des femmes.
Finis Welch (1967) fût le premier à poser
l'idée que les femmes et les hommes sont complémentaires au
travail en raison de leurs différences d'éducation. La
productivité de l'entreprise se voit donc accrue du fait de cette
complémentarité qui stimule aussi la productivité des
hommes au contact de leurs collègues féminines, et les gains de
l'entreprise vont augmenter dans le cas où les primes versées aux
employés hommes ne dépassent pas le gain de
productivité.
Ce modèle présente donc un contexte où la
mixité au sein de la main d'oeuvre est possible et même
préférable et des disparités salariales dues à
leurs différences d'éducation qui engendrent des
productivités différentes. Cela n'explique néanmoins pas
pourquoi un employé homme et une employée femme de même
formation n'ont pas le même salaire.
James Ragan et Carol Tremblay (1988) adaptent le modèle
de Kenneth Arrow à cette notion de complémentarité. Dans
ce modèle, l information est imparfaite : on ne sait pas si un
cadre répugne ou non à travailler avec des femmes. Dans ce
modèle, tous les cadres sont des hommes, dans le cas où les
postes vacants de cadres sont peu nombreux, un homme qui répugne
à travailler avec des collègues féminines acceptera ce
poste sans demander de prime mais dès qu'un poste similaire sans
présence de femmes dans l'entreprise, il démissionnera pour le
prendre.
Dans ce contexte, les employeurs vont préférer
anticiper et offrir une prime à tous les cadres hommes sans savoir si
ceux là répugnent ou non à travailler avec des femmes.
La différence avec le modèle initial d'Arrow,
les disparités ne s'effaceront pas à long terme.
Ce modèle suppose néanmoins que seuls les hommes
occupent les postes de cadres, or dans la réalité il existe des
femmes cadres qui ne répugnent pas à travailler avec leurs
semblables. Les employeurs vont donc préférer embaucher des
cadres femmes pour ne pas supporter les coûts de discrimination tels que
les primes.
La dernière discrimination est une discrimination faite
par les consommateurs, qui répugnent à consommer des biens
produits par des femmes (employées ou employeurs).
Cette dernière discrimination joue un rôle mineur
dans la discrimination sur le marché du travail pour les femmes mais
nous lance sur d'autres pistes sur les modèles de recherche d'emploi.
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