TITRE PREMIER
LA LICENCE GLOBALE : UNE REMISE EN CAUSE
PROFONDE DU DROIT D'AUTEUR
CHAPITRE 1
LA LICENCE GLOBALE : UNE ATTEINTE AU DROIT
D'AUTEUR
Le projet abandonné de licence globale refait
régulièrement surface depuis les débats parlementaires du
projet de loi DADVSI21 en 2005, la dernière saillie en date
étant l'engagement de nouvelles discussions houleuses - et
stériles - au sujet de la loi dite HADOPI 222 qui fut
finalement adoptée après bien des tergiversations.
Emmanuel Derieux et Agnès Granchet, respectivement
professeur et maître de conférences à l'Université
de Paris II Panthéon-Assas, ont parfaitement résumé cette
situation malheureusement ubuesque au sujet de la lutte contre le
téléchargement illégal : « rarement sans doute
l'adoption d'une législation aura, en France, été aussi
difficile et controversée et aura nécessité autant de
temps et l'élaboration d'un tel nombre de projets et de textes
successifs, correctifs et complémentaires [...] dans le cadre
des échanges "peer-to-peer" (pair à pair, poste à poste,
ou "P2P") particulièrement23 ».
Assez simplement, le Gouvernement de Villepin n'a pu se
résoudre à intégrer le téléchargement
illégal sur Internet via les réseaux peer-to-peer aux
exceptions de copie privée telles qu'énoncées par
l'article L. 122-5 du Code de la Propriété Intellectuelle en
raison de sa trop grande violation des droits d'auteur classiquement
acceptés et régis en droit français par les lois du 11
mars 1957 et du 3 juillet 1985.
S'il convient d'étudier en détail
l'étendu de ces violations sur le plan du droit positif national
(SECTION 1), il ne faut pas oublier les atteintes possibles
sur le plan du droit communautaire et international (SECTION
2).
21 Loi no 2006-961 du 1er
août 2006 relative au Droit d'Auteur et aux Droits Voisins dans la
Société de l'Information
22 Loi n° 2009-1311 du 28 octobre 2009 relative
à la protection pénale de la propriété
littéraire et artistique sur Internet
23 Emmanuel Derieux et Agnès Granchet,
Lutte contre le téléchargement illégal - lois DADVSI
et HADOPI, collection Axe Droit, Lamy, 2009, p. 9
SECTION 1 - Les atteintes aux droits d'auteur sur le plan
du droit positif national
En vertu des articles L. 111-1 et L. 123-1 du Code de
Propriété Intellectuelle, l'auteur jouit d'un droit de
propriété exclusif sur sa création, sans
nécessité de formalités préalables
(dépôt ou enregistrement) contrairement aux brevets, sa vie durant
ainsi que soixante-dix années après sa mort au
bénéfice de ses ayants droit. Au-delà de cette
période, les oeuvres de l'esprit, c'est-à-dire les <<
créations intellectuelles ayant une forme concrète
originale24 >>, basculent dans le domaine public et sont
libérées de tous les droits qui y sont associés.
Plus particulièrement, l'article L. 111-1 du Code
reconnaît deux types de droits aux auteurs d'oeuvres de l'esprit :
premièrement, en son alinéa 2, les droits << d'ordre
intellectuel et moral >> qui garantissent très
généralement le droit au respect de son oeuvre, et
deuxièmement les droits << d'ordre patrimonial >> qui
confèrent à ce même auteur des droits exclusifs
d'exploitation de son oeuvre.
Très logiquement, il s'agit dès à
présent de confronter l'étendu des prérogatives
conférées par les droits moraux (I) et
patrimoniaux (II) avec le système de licence globale et
vérifier si leurs oppositions ont purement et simplement pour
conséquence la violation de ces dispositions si sacrées en droit
français.
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