CHAPITRE 2
LA « LICENCE GLOBALE DE L'OFFRE LEGALE »
: UNE SOLUTION ECONOMIQUEMENT ET JURIDIQUEMENT RECONCILIATRICE
Pour garder la tête haute en cas d'échec futur de
la loi Hadopi, les plus hautes instances de l'Etat ont déjà
prévu une fin cumulative ou alternative à cette histoire : le
chef de l'Etat a ainsi exposé en début d'année sa
volonté de << réhabituer les jeunes à acheter
leur musique [par] la mise en place de la carte musique, fixée
-- [par exemple] -- à 200 € de potentiel d'achat, et
l'État en prendra la moitié81 »,
système que l'on pourrait traduire en << licence globale de
l'offre légale ». Nicolas Sarkozy semble ainsi se diriger vers un
forfait unique pour un téléchargement illimité via une
plateforme légale.
Certes ce n'est pas à proprement parler une licence
globale, mais le mécanisme reste certainement plus proche d'une
idée de rémunération forfaitaire des artistes plutôt
qu'une << riposte graduée » défendue par la loi Hadopi
qui induit à demi-mot la poursuite et du système actuel de
consommation des contenus culturels et des procédures
répressives.
C'est là tout le paradoxe : tout en se positionnant en
soutien inconditionnel de la Haute Autorité pour la Diffusion des
OEuvres et la Protection des droits sur Internet, les principaux
majors se tournent déjà vers de nouveaux systèmes
de distribution en ligne. L'industrie du disque pourrait ainsi prendre exemple
sur la plateforme fondatrice de l'Institut National de l'Audiovisuel (INA) qui
propose un système hybride où les internautes peuvent visionner
gratuitement 100,000 oeuvres et ensuite payer quelques euros pour
télécharger, s'ils le désirent, le contenu correspondant
en grand format et sans DRM de protection.
De ce fait, les multinationales du disque, du cinéma,
des jeux vidéo, de la littérature et de la photographie se
tournent de plus en plus vers des accès par abonnement à
l'ensemble de leurs catalogues accessibles par le versement d'une somme
forfaitaire qui diffère selon un
81 Disponible sur
http://www.lepost.fr/article/2010/01/08/1875839_sarkozy-la-meilleure-facon-de-dissuader-lepiratage-c-est-l-offre-legale.html
(date d'accès : 29 juin 2010)
volume d'octets donné ou un temps de connexion
donné. Les oeuvres de l'esprit proposées sont bien
évidemment diffusées avec l'accord de leurs auteurs qui,
logiquement, perçoivent des subsides par cette nouvelle mise à
disposition au public.
On peut donc imaginer pour les années à venir un
système hybride de cette offre légale avec la licence globale
où l'ensemble des catalogues seraient accessibles de manière
illimitée et par connexion directe sur des plateformes
dématérialisées.
Cette caractéristique aurait pour effet
bénéfique de protéger matériellement et
économiquement les échanges via des connexions
sécurisées de type https avec, au final, une
rémunération juste entre tous les auteurs et les ayants droit.
Mais pour mettre un tel système en place, il faudrait
opter, sinon pour leur suppression pure et simple, pour un abandon des DRM qui
sont inadaptés à ce type d'offre. Néanmoins le choix est
rude : en effet, le modèle ne peut fonctionner si les DRM,
inhérents à tous les contenus diffusés dans un contexte
d'offre légale sur les sites officiels des majors et des
principaux distributeurs, et constituant une menace sérieuse pour les
libertés individuelles des utilisateurs, continuent à être
appliqués informatiquement à chaque fichier ; dans un souci de
satisfaction des consommateurs principalement qui ne peuvent en
général pas copier leurs fichiers achetés sur des sites
légaux sur un autre support et qui seront donc très fortement
tentés de télécharger illégalement le même
fichier certifié sans DRM. A l'inverse, l'abandon des DRM implique une
possibilité de prolifération des contenus plus rapide alors
même que ces derniers seraient acquis de manière tout à
fait légale.
Malgré ces considérations, l'imagination d'un
tel mécanisme de « licence globale de l'offre légale »
est une alternative sérieuse à la licence globale originelle et
supprime de fait bon nombre de ses côtés jugés
néfastes (SECTION 1). Pour autant, ce mécanisme
ne pourra fonctionner de manière optimale et fédérer
l'ensemble de la population uniquement si les DRM sont progressivement
abandonnés pour laisser libre cours à l'accès
généralisé à la culture et dans une logique de
développement de la société de l'information
(SECTION 2).
SECTION 1 - << Licence globale de l'offre
légale » : une alternative aux côtés néfastes
de la licence globale originelle
La licence globale telle qu'elle fut conçue à
l'origine présentait plusieurs aspects pour le moins inquiétants
: Denis Olivennes, dans son rapport remis au Gouvernement, parlait d'ailleurs
de << monstre collectiviste [fabriqué] pour compenser
une dérive individualiste de la société
libérale82 », soit un système
légalisant une pratique illégale ; on peut comprendre que les
responsables politiques n'ont pu se résoudre à ajouter la licence
globale à la liste des exceptions de copie privée.
Cependant, l'absence de rémunération de la
création est toujours aussi présente, fardeau non seulement
économique mais également philosophique puisque nos jeunes
conceptualisent aujourd'hui les oeuvres sous forme de liste de fichiers
totalement gratuits.
Certes, les alternatives légales à la licence
globale existent déjà (I), mais la <<
licence globale de l'offre légale » pourrait être susceptible
de redonner vie à la consommation culturelle de masse tout en offrant
des garanties au niveau des droits d'auteur (II).
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