TITRE DEUXIEME
LA LICENCE GLOBALE : UNE COMPENSATION A
L'ABSENCE DE REMUNERATION DE LA CREATION
CHAPITRE 1
LES PRE-REQUIS JURIDIQUES ET TECHNIQUES OBLIGATOIRES
POUR UNE JUSTE REMUNERATION DES AUTEURS
L'atteinte aux droits d'auteur par le mécanisme de
licence globale, s'ils sont pris stricto sensu, n'est plus à
démontrer. Mais ce système avait au moins pour lui de ne pas
priver l'auteur d'une << rémunération », fusse-t-elle
juste ou non - tout dépend de quel côté l'on se place et
sur quels critères économiques et financiers on se base - ce que
n'a manifestement pas pour lui le téléchargement
généralisé d'oeuvres piratées sur Internet via les
réseaux << peerto-peer », raison de l'imagination
d'un tel système de licence globale pour le contenir et, si possible, le
dompter. Mais le législateur lui a préféré le
modèle de << riposte graduée », fer de lance de la loi
Hadopi suscitée.
D'ailleurs la côte de popularité de cette loi de
2009, mise en application seulement depuis la fin de l'été 2010,
est loin d'être au beau fixe, et à l'heure où les agent de
la Haute Autorité pour la Diffusion des OEuvres et la Protection des
droits sur Internet - l'autorité administrative indépendante
instituée par la loi - commencent à envoyer les premiers mails
d'avertissement aux << pirates », certains élus (mais ils ne
sont pas les seuls) comme Guy Bono, eurodéputé, rejettent
l'idée que cette loi puisse être applicable de manière
effective63.
Ainsi la licence globale n'a pas manqué de refaire
surface au moment des débats parlementaires sur la loi Hadopi, avec son
lot de discours enflammés tout comme pour l'adoption de la loi DADVSI
trois ans plus tôt. L'idée de licence globale, coriace, n'avait
donc pas totalement disparue des rangs de l'Assemblée Nationale si bien
qu'elle fut remise à l'ordre du jour des députés en mars
2009. Les défenseurs originels de la licence globale, Didier Mathus en
tête, le fameux auteur de l'amendement qui avait
déchaîné tant de passions, réitérèrent
les mêmes arguments pour défendre l'article 2 du projet de loi
<< Création et
63 Guy Bono, << La loi Hadopi n'est pas
applicable », Le Monde, 23 octobre 2009. Disponible à
cette adresse :
lemonde.fr/technologies/article/2009/10/23/la-loi-hadopi-2-n-est-pas-applicable
1257807 651865.html
Internet >> qui tirait une nouvelle salve en faveur du
système de licence globale en reprenant presque mot pour mot la
proposition des députés socialistes de 2005 et en y ajoutant
notoirement le droit pour les auteurs et les ayants droit d'accepter ou non que
leurs oeuvres échangées sur les réseaux
peer-to-peer rentrent dans le champ de l'exception de copie
privée.
Quant aux opposants à la licence globale, ils ont
tourné leur position de défense : passée la
réitération de l'impossibilité de répartition juste
des rémunérations entre les auteurs au prorata des
téléchargements, ils ont dénoncé le
caractère déloyal d'une licence globale voulue, au cours de ces
débats, obligatoire et se transformant donc en taxe
supplémentaire sournoisement indexée à la facture Internet
fournie par les FAI. De fait, ils ont clamé d'une même voix le
développement significatif de l'offre légale.
Aucun des deux camps n'a totalement tort ou raison, il reste
que le cadre juridique et technique de la licence globale est assez complexe
à édifier et les réflexions devront principalement porter
sur des sujets aussi divers que les mesures techniques de protection, la
collecte des adresses I.P. (Internet Protocol64) des internautes,
l'immatriculation des oeuvres de l'esprit et les relations juridiques entre
artistes et sociétés de gestion collective, mettant notamment dos
à dos le droit d'auteur, les libertés individuelles et les droits
des artistesinterprètes et des producteurs/éditeurs. Mais le
match qui consiste à tenter par tous les moyens de
rémunérer ne serait-ce qu'un petit peu la création vaut le
coup d'être joué.
Ainsi, si l'accent doit être porté sur la
clarification des relations contractuelles entre auteurs et
sociétés de gestion de droit ou producteurs dans un tel cadre de
licence globale (SECTION 1), l'immatriculation des oeuvres et
le filtrage des réseaux peer-to-peer, bien que limitant les
libertés individuelles, sont nécessaires pour assurer une juste
rémunération des auteurs et de l'ensemble des ayants droit
(SECTION 2).
64 L'Encyclopédie en ligne WikiPedia
définit l'adresse IP comme « le numéro qui identifie
chaque ordinateur connecté à Internet >>.
Disponible en ligne sur
http://fr.wikipedia.org/wiki/Adresse
IP (date d'accès : 29 juin 2010)
SECTION 1 - La nécessaire clarification des
relations contractuelles entre auteurs et gestionnaires de droit
Frédéric Montagnon, le fondateur et
président d' << OverBlog », faisait ce constat terrible dans
Libération : << Les industries du cinéma et de la
musique veulent préserver leurs modèles de commercialisation qui
sont devenus archaïques avec l'arrivée d'Internet. Plutôt que
de les protéger avec une loi rétrograde, il vaudrait mieux passer
du temps à regarder devant nous et à imaginer comment
créer un cadre qui favorise de nouveaux modes de distribution. Ce n'est
pas au gouvernement de pallier aux erreurs de l'industrie.65
».
Il est certain que l'accroissement gigantesque des oeuvres de
l'esprit, reproduites à l'infini via des échanges multiples,
constitue à la fois pour les gestionnaires des droits une rentrée
d'argent exponentielle due aux mécanismes de perception et en même
temps une dépense plus importante des budgets de fonctionnement
alloués pour cette perception ; et l'on se rend compte très
rapidement que les dispositifs de recouvrements traditionnels existant pour les
autres types de supports et de diffusion ne sont plus adaptés à
ceux issus des réseaux.
C'est, comme le note Jean-Samuel Beuscart, <<
seulement lorsque de tels dispositifs, toujours fragiles, sont
établis, que peut se construire l'équivalence entre d'une part la
diffusion d'une oeuvre et d'autre part la rémunération de son
auteur, par la médiation complexe des sociétés de gestion
collective66 ».
C'est ainsi que les principales sociétés de
gestion collective chargées de recouvrir la perception numérique
(I) font aujourd'hui face à de véritables
difficultés à l'heure de la multiplication massive et
incontrôlée des contenus protégés sur Internet
(II).
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