5.1.3- Des préjugés d'ordre traditionnels
guidant les jugements de groupe sur les femmes et l'achèvement du cycle
primaire par les filles.
Pour aborder cette relation, nous avons identifié d'une
part la peur utilisée pour rendre les femmes vertueuses, le
développement et la subsistance du bien-être de la famille, les
comportements discriminatoires à l'égard des filles et des
femmes, bref, la domination masculine d'une part, de l'autre
l'achèvement du cycle primaire (accès au CM 2) par les filles
sanctionné par l'obtention du CEP.
Au regard de l'analyse empirique, il ressort que selon la
logique habituelle, les préjugés vis-à-vis de la femme
sont nombreux et varies. Ces préjugés résultent des
processus de socialisation marques par le fait que c'est à la
société qu'il revient de délimiter les fonctions, les
rôles et les statuts de l'individu et des membres.
En ce qui concerne par exemple la peur utilisée pour
rendre les femmes vertueuses, l'analyse révèle que près de
66,66% des membres des focus ont des représentations communes
vis-à-vis de cet aspect, vis-à-vis de cet item. Même si ce
score reste modéré, on peut identifier à travers ce
pourcentage des indices de violence symbolique qui ne semblent pas être
ici un simple endoctrinement.
L'on observe que le pouvoir traditionnel parvient à
imposer des significations (rendre les femmes vertueuses) et à les
imposer comme légitimes en dissimulant les rapports de forces qui sont
les fondements de cette force. Cette violence se traduit par un pouvoir, une
imposition sur les destinataires. Ce qui est imposé, ce sont des
significations, des rapports de sens.
D'emblée, on peut croire qu'il s'agit d'une violence,
d'un fait arbitraire, d'une part à cause du fait qu'elle contribue
à renforcer une inégalité sociale et culturelle entre
l'homme et la femme en privilégiant l'homme au détriment de la
femme, d'autre part parce qu'elle n'est fondée sur aucun principe
logique. C'est une violence symbolique culturelle, logique dans la mesure
où elle apparait comme destinée à certains(es), à
l'exclusion des autres et ayant une valeur reconnue par tous.
On peut reprendre ces propos des membres lors des focus
group : « dans les mentalités, le rôle
dévolu à la jeune fille d'aujourd'hui, mère de demain ne
milite pas pour son épanouissement sur le plan éducatif.
Mère de famille, maîtresse de famille avec son cortège de
tâches écrasantes, productrice dans les champs. La fille est
préparée à assumer sa fonction dans son milieu social qui
est celle avant tout de responsable de la maison. Elle doit assurer la
continuité de la famille. Généralement sous
l'autorité de l'homme à qui elle doit soumission, la femme est
l'otage de l'homme soucieux de garder sa prééminence sur elle,
qui se traduit finalement par un privilège conféré par la
société ».
S'agissant par exemple des représentations abstraites
socialement admises et attribuées à la femme, en l'occurrence le
développement, la subsistance du bien-être de la famille, on
repère la même logique à savoir que l'éducation de
la femme consiste à faire d'elle le sujet de l'intérieur. La
destination de l'éducation des filles, c'est la famille.les filles
commencent les taches plus tôt dans leur vie que les garçons. Les
données empiriques ont tendance à confirmer cette assertion.
En effet, plus de 66,67% des sujets de l'enquête ont une
perception y afférentes. Ce ci semble constituer ce que Bourdieu(1974)
appelle l'habitus. Selon Bourdieu(1974), l'agent agit parce qu'il est
agi sans le savoir, par un système d'habitus
c'est-à-dire un système de dispositions à agir,
apercevoir, à sentir et à penser d'une certaine façon,
dispositions intériorisées et incorporées par les
individus au cours de leur histoire. Cet habitus se manifeste par le
sens pratique c'est-à-dire l'aptitude à se mouvoir, à agir
et à s'orienter selon la position occupée dans le champ social et
dans la situation à laquelle on est impliquée. Tout cela se fait
sans recours aux dispositions acquises fonctionnant comme des automatismes.
Dans le cas de l'étude, l'habitus est le
produit des conditionnements qui tendent à reproduire la logique
objective, cet habitus a pour caractéristique d'être
durable, transposable et exhaustif. En effet, la perception vis-à-vis de
la femme produit des effets structurants dans les actes, les pensées,
les sentiments et les attributions causales. A ce titre d'exemple, nous pouvons
nous référer dans le Coran Sourate 4 verset
4 à travers ces propos :
Les hommes ont autorité sur les femmes, en
raison des faveurs que Dieu accorde à ceux-là sur celles-ci, et
aussi à cause des dépenses qu'ils font de leurs biens. Les femmes
vertueuses sont obéissantes (à leurs maris), et protègent
ce qui doit être protégé, pendant l'absence de leurs
époux, avec la protection de Dieu. Et quant à celles dont vous
craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous
d'elles dans leurs lits et frappez-les.!(BDSL).
Cet autre verset tiré du Coran semble aussi
significatif que le précédent: « lorsqu'on annonce
à l'un d'entre eux la naissance d'une fille, son visage noircit et il
suffoque de colère contenue. Il ne se montre plus aux gens, par suite du
malheur annoncé, partagé entre l'idée de garder une fille
venant de naître, malgré le déshonneur et celle de
l'ensevelir dans la poussière. Leurs préjugés ne sont-ils
pas ignobles? (Verset 58-59 d'En-Nahl).
Ainsi, le système de dispositions agit comme principe
générateur et organisationnel des représentations qui
peuvent être objectives et adaptées à leur but sans
supposer la visée consciente des fins et la maîtrise expresse des
opérations nécessaires pour les atteindre.
De ce fait, les pratiques sociales des
stéréotypes sociaux sur la femme apparaissent objectivement
répétées et régulières.
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