REPUBLIQUE DU CAMEROUN REPUBLIC OF CAMEROON
PAIX-TRAVAIL-PATRIE
PEACE-WORK-FATHERLAND
UNIVERSITE DE YAOUNDE I UNIVERSITY OF YAOUNDE
I
ECOLE NORMALE SUPERIEURE HIGH TEACHERS
TRAINING COLLEGE
DEPARTEMENT DES SCIENCES DE L'EDUCATION DEPARTMENT OF
SCIENCES OF EDUCATION
E
N
S
STEREOTYPES SOCIAUX ET ACHEVEMENT DU CYCLE PRIMAIRE PAR
LES FILLES :
Cas de l'arrondissement de Mora
Mémoire présenté et soutenu en vue
de l'obtention du Diplôme des Professeurs de l'Enseignement Normal
Deuxième Grade (DIPEN II).
Par :
MAIRAMA LOPSIWA
Maîtrise en Sociologie
Sous la Direction de :
Pr Brigitte MATCHINDA, Docteur d'Etat en Sciences de
l'Education, Ecole Normale Supérieure-Université de
Yaoundé I
Juin 2010
INTRODUCTION GENERALE
La problématique de la scolarisation de la jeune fille
est une préoccupation permanente de la société africaine.
En effet, il existe encore selon certains auteurs des disparités dans le
processus de scolarisation des filles dans les sociétés
africaine.
En fait, bien avant la colonisation, on distinguait en
Afrique des rites exclusivement féminins, des rites exclusivement
masculins (Mbala Owono, 1986). En général, les filles vivaient
dans l'ombre de la mère jusqu'au jour du mariage. Ainsi, l'une des
caractéristiques de leur éducations est la standardisation des
programmes et des procédures d'éducations traditionnelle et leur
fonctionnement de la vie quotidienne et aux travaux essentiellement
domestiques.
L'éducation de la jeune fille est en théorie la
responsabilité de la communauté mais en pratique l'affaire de la
mère, de la grand-mère ou des filles du même groupe
d'âge (Fonkoua, 2006). La sagesse des anciens et la volonté des
chefs de clan régissent les normes d'apprentissage et le vécu en
collectivité des filles et des garçons.
En effet, pour Fonkoua (2006 :7), « on peut
observer pour le monde africain traditionnel que la femme est reconnue
essentiellement dans la société comme donneuse de vie et
nourricière ». Ceci revient à dire que pour ces
deux dimensions, la femme mérite un grand respect et une formation
appropriée qui lui permettrait d'être le complément de
l'homme et le symbole de la continuité dans la famille et la
société.
Dans cette perspective, la femme est reconnue comme un objet
soit de production, soit de publicité pour la production. Dans le
contexte du développement, la scolarisation de la jeune fille est un
phénomène qu'il faut aborder pour mieux cerner les contours du
développement et lutter contre les disparités. Il s'agit
là des défis réels pour la politique
d'équité bref de la qualité de l'éducation
réclamée par l'EPT d'où le choix de ce
sujet : « stéréotypes sociaux et
achèvement du cycle primaire par les filles : cas de
l'arrondissement de Mora. ».
Ce sujet s'inscrit dans le cadre des pratiques des
représentations sociales des communautés que Moscovici(1961)
définit comme un système de valeurs, des idées et des
pratiques dont la fonction est double. En premier lieu, il s'agit
d'établir un ordre qui permettrait aux individus de s'orienter et de
maitriser leur environnement matériel. En second lieu, il s'agirait de
faciliter la promotion entre les mains d'une communauté en leur
procurant un cours de développement pour designer et classifier les
différents aspects de leur monde et leur histoire individuelle. Ainsi,
en étudiant les représentations sociales, nous cherchons à
comprendre ce que les gens pensent de la scolarisation de la jeune fille et
pourquoi ils le pensent.
L'objectif de cette étude est donc de vérifier
si les stéréotypes sociaux entravent l'achèvement du cycle
primaire par les filles.
Pour réaliser le projet, la recherche s'articule autour
de trois parties : le cadre théorique, le cadre
méthodologique et le cadre opératoire. Le cadre théorique
comprend deux chapitres : le chapitre 1(problématique de
l'étude) et le chapitre 2(insertion théorique du sujet et
définition notionnelle des concepts).
Le cadre méthodologique est articule autour d'un
chapitre a savoir le chapitre 3(collecte des données sur le terrain).
Enfin, le cadre opératoire comprend deux chapitres respectivement :
le chapitre 4(présentation des résultats et analyse des
données empiriques) et le chapitre 5 (interprétation des
résultats, perspectives et recommandations).
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE
La première partie de notre travail parle du cadre
théorique. Le cadre théorique est cette partie qui met en exergue
l'essence même et les différents contours de notre sujet de
recherche. Dans cette optique, le cadre théorique devient le socle sur
lequel reposent les deux premiers chapitres de notre étude à
savoir
· La Problématique de l'étude,
· L'insertion théorique du sujet.
CHAPITRE 1 : LA PROBLEMATIQUE DE L'ETUDE
Ce chapitre qui passe pour être le
tout premier de notre travail présente le problème qui est au
centre de nos préoccupations. Il est question de construire l'objet de
recherche en déterminant le contexte de l'étude, la position et
la formulation du problème les objectifs de l'étude, la
délimitation du cadre conceptuel et contextuel ainsi que
l'opérationnalisation des hypothèses feront l'objet de ce
chapitre.
1.1- CONTEXTE DE L'ETUDE
Le système éducatif de toute nation doit
normalement refléter la nature de la société et projeter
la culture de celle-ci de manière fonctionnelle (Tchombe, 1994). En
effet, les principes sociaux et psychologiques qui sous-tendent tout
système éducatif semblent englober, en tant que garantie, les
besoins et les intérêts de l'individu et de la
société.
L'on peut observer que l'éducation a pour fonction
principale de produire chez l'homme les modèles sociaux existants qui
devraient renforcer l'adaptation de l'homme par une utilisation convenable de
ses facultés (Tchombe, 1993, 2006 ; Mvesso, 2006 ; Lê
Thanh Koi, 1989). Ceci assurerait non seulement une connaissance et une
maîtrise progressive de soi et du milieu dans lequel on évolue,
mais conduira également à l'adaptation et au changement sur le
plan social. Une éducation adaptée aux besoins de l'apprenant
sert à assurer une préparation appropriée aux futurs
rôles à assumer au sein de la société.
La mutation sociale qui s'opère dans la plupart des
pays en développement et particulièrement au Cameroun,
crée une transformation de la société traditionnelle en
une société plus moderne (Tchombe, 1994). Pour qu'un tel
changement structurel influe sur le comportement des personnes
concernées, celles-ci doivent acquérir les attitudes et les
compétences nécessaires afin d'exploiter les nouvelles
opportunités qu'offre la société.
Il n'ya évidemment pas de doute que la demande
croissante de compétences doit s'appliquer aux deux sexes à tous
les niveaux de la structure professionnelle (Matchinda, 2006,2008). Un tel
contexte nécessiterait des agents indépendants,
compétitifs, ambitieux, pragmatiques pour un fonctionnement efficace.
Ces mutations ont eu des conséquences profondes et ont fait naître
de grandes chances pour la participation non seulement de l'homme mais
également de la femme (Matchinda, 2006,2008), participation qui
dépasse aujourd'hui le cadre de la maison. Ceci dépend
naturellement des fonctions de l'éducation.
Un examen de la situation actuelle au Cameroun notamment dans
le grand-nord (Tchombe, 1993), donne l'impression générale que
les dispositions en vigueur relatives à l'éducation de la femme
ne correspondent pas à la structure réelle de la
société en développement y compris ses aspects
économiques. L'éducation donnerait à la femme, souligne
Tchombe (1993, 2006,2008) la possibilité de prouver son droit à
l'égalité, l'amenant ainsi à contribuer pleinement au
développement de la nation. Dans l'éducation qui est
dispensée, l'adaptation au niveau des processus de sélection et
de différenciation, devrait sans doute se conformer aux besoins, aux
caractéristiques et aux intérêts de la femme.
La femme sera ainsi orientée dans différents
domaines de l'éducation selon ses statuts professionnels potentiels, ses
rôles et ses caractéristiques. Par ailleurs, l'éducation
semble être la voie de la mobilité sociale et professionnelle
(Mbala Owono, 1986 ; Mvesso, 2005). Son rôle potentiel en tant que
femme participant elle-même au développement social,
économique, politique et culturel lui permettant une ascension sociale
ne peut être assure que par l'éducation qui lui apprend à
utiliser son intelligence, sa volonté, sa sensibilité et ses
capacités physiques.
Le rôle et le statut assignés
traditionnellement à la femme, révèle Tchombe (1993),
l'ont rendue incapable, elle qui n'est presque jamais traitée comme un
individu distinct de sa famille. Ceci semble ternir non seulement l'image de la
femme mais, prive aussi la société de la contribution que la
femme instruite et non instruite pourraient toutes deux apporter au
développement de la nation.
Il n'ya pas de doute que le rôle de la femme quel que
soit le contexte soit en train de changer. Elle commence à faire son
entrée dans la main-d'oeuvre de façon beaucoup plus agressive,
rivalisant avec les hommes et recherchant le succès professionnel sans
trop de frais physiques, psychologiques et sociaux. Avec cette prise de
conscience croissante de l'émergence d'une
«Camerounaise» de type nouveau, il y a une incitation
à la souplesse dans l'acceptation de la participation de la femme aux
divers aspects du développement sans tenir compte des contraintes
culturelles. La question est de savoir comment faciliter l'accès de la
femme à l'école ? Comment réduire les
disparités homme-femme en éducation ? Comment envisager une
meilleure intégration de la femme dans le processus de
scolarisation ? Faut-il un changement de regard afin de faciliter
l'intégration de la femme ?
1.2 - POSITION FORMULATION
ET DU PROBLEME
Les questions ci-dessus soulevées nous amène
à aborder la problématique des enjeux de la scolarisation de la
jeune fille au regard des perceptions sociales. Nous nous intéressons
ainsi à l'achèvement du cycle primaire par la jeune fille au
regard des stéréotypes sociaux. En effet, tout le monde
accrédite l'idée que la scolarisation est un droit autant pour
les garçons que pour les filles (Tchombe, 1993,2006 ; Matchinda,
2006, 2008 ; Mapto Kengne, 2006). L'amélioration de la
scolarisation des filles s'inscrit dans cette optique pour atteindre les
objectifs de l'éducation pour tous(EPT). Cette scolarisation est un pas
vers l'égalité, l'équité et la qualité entre
les sexes. Or ; les recherches actuelles sur le sujet (Matchinda
2006,2008) montrent qu'il existe encore des variables qui entravent de
façon significative l'achèvement du cycle primaire par les filles
(Rapport ZIP-UNICEF, 2008/2009).
Dans l'arrondissement de Mora par exemple, le Taux
d'Achèvement du Primaire (TAP) de la jeune fille contrairement au
garçon (50%) est de 27%. On peut observer que si dans l'ensemble les
garçons achèvent peu à peu le cycle primaire dans la
localité de Mora, ce n'est pas toujours le cas pour celui de la jeune
fille. Environ sept (07) filles sur dix (10) ne parviennent pas toujours
à terminer le cycle primaire dans cette localité (UNICEF
2008/2009).
L'éducation et la fréquentation sont les agents
clés pour changer les attitudes des femmes sur le mode de
perception par d'autres personnes et elles-mêmes. Nous devons comprendre
la nature de la fille et par conséquent de la femme. L'éducation
de la fille selon Tchombe (2006), est souvent traduite par le désir
pour l'égalité de sexe. La clameur pour l'égalité
de sexe semble être une hypothèse politique. Elle empêche
de penser comment les filles et les femmes, même les garçons
peuvent être dirigés. D'une manière générale,
elle donne une notion quantitative de l'éducation, tout de même la
fille doit avoir quelques valeurs intrinsèques. L'utilité de la
vie d'une fille vue seulement en relation a la vie d'un garçon, souligne
Tchombe (2006), perd sa valeur d'utilité.
L'école se présente ainsi comme un canal pour
assurer l'éducation et la formation des filles afin de leur permettre
d'atteindre la capacité d'insertion socioprofessionnelle.
L'éducation de la fille qui est focalisée sur les facultés
mentales l'aide à devenir un instrument pour la paix, la
solidarité, un directeur moral dans la famille, le voisinage et la
société (Tchombe, 2006). Ces propos de Tchombe (2006 :67)
semblent pertinents à cet effet : «l'accès
à l'éducation est un outil valable pour faire avancer le
processus de perception de soi ».
Cependant, force est de constater qu'à Mora, cette
école semble devenir souvent source d'échec pour les filles et
les éjecte de son système (Matchinda, 2006 ; Mapto Kengne,
2006). Elles font face à de nombreux obstacles sur le chemin de
l'école : mariages précoces, grossesses non
désirées, préjugés socioculturels, coutumes
rétrogrades, harcèlement sexuel, travaux domestiques, bref la
liste est loin d'être exhaustive. Ceci semble être dû au
fait qu'a priori, « l'école gâte les
femmes ». L'école est considérée par la
société traditionnelle comme un mécanisme de corruption
des individus pour le seul fait que l'école moderne développe des
standards de comportement en rendant ceux qui la fréquentent rebelles,
car elle confère à l'individu la capacité de
réflexion ; d'où l'autorité
cognitive dont parle Tchombe(2006). Pour corroborer cette
idée, Tchombe (2006 :53-54) pense qu' « en effet, le
pouvoir cognitif de la fille, de la femme doit être posé
très tôt afin de lui permettre de fonctionner dans une position
plus confortable et imposante ».
Dans la conscience collective des sociétés
humaines, la place de la femme est, en général réduite au
cadre domestique tournant autour de la maternité, de l'éducation
des enfants et de l'entretien du foyer (Fatou Maiga, 1993). Ceci montre que la
femme, dans sa constitution et sa création même, possède
des caractéristiques physiques (faiblesse physique, aptitude à la
maternité) et psychiques (tendresse, humeur changeante) qui lui
confère un statut particulier dans la société (Dr
Abdur-Razaq Ibn Abdul-Mouhsin Al Badr, 2006). D'après Fanta Diallo
Maiga (1993), quelques parents avec des attitudes morales et religieuses sont
des conservateurs vers l'éducation occidentale. Elle montre à cet
effet que certains parents envoient leurs filles à l'école parce
qu'ils veulent les protéger des corruptions de la société.
Ces parents expliquent que ce sont les femmes qui doivent préserver et
transmettre les valeurs culturelles et leur identité.
Le Saint Qur'an (Coran en arabe) dans la Sourate de
An-Nissâ au verset 12 dit ceci « les hommes ont
autorité sur les femmes en raisons des faveurs qu'Allah
(BSLD) accorde à ceux-là sur celles-ci, et aussi
à cause des dépenses qu'ils font de leurs bien ».
D'après cette Sourate, l'autorité de l'homme sur la femme
compte parmi les faveurs qu'Allah (BSLD) lui a
accordées. En font également partie, la plénitude de sa
raison, sa sagesse, sa patience, sa vigueur, son endurance et enfin sa force
physique bien supérieure à la femme. C'est pour cette raison
qu'on a donné à l'homme des droits sur la femme qui sont
appropriés à ses capacités et sa constitution (Dr
Abdur-Razaq Ibn Abdul-Mouhsin Al Badr, 2006).
Aussi, retrouve-t-on dans le Saint Qur'an Sourate
6, verset 6 ces paroles : « privées
d'intelligence, en quoi, O Envoyé de Dieu, consiste
l'infériorité de notre intelligence et de notre religion? Est-ce
que le témoignage de la femme n'équivaut pas seulement à
la moitié de celui d'un homme? répliqua le Prophète.
Certes, oui, dirai-je, à cause de l'infériorité de leur
religion. Occupantes de l'enfer: Ah! Troupes de femmes, faites
l'aumône, car on m'a fait voir que vous formiez la majeure partie des
gens de l'enfer...».
Le Rapport d'analyse des données statistiques de la
zone d'intervention du projet (ZIP-UNICEF, 2008/2009) décrit la
situation sur les deux années scolaires 2007/2008 et 2008/2009. Ainsi
ressort-il que le taux d'achèvement du cycle primaire par les filles
dans l'arrondissement de Mora est de 27% et relativement inférieur
à celui des garçons qui est de 50%.
L'écart varie de 12 à 16 points. Aujourd'hui,
l'indice de parité filles/garçons est de 0.92 (Rapport
ZIP-UNICEF, 2008/2009). Toutefois si dans de nombreuses régions de la
ZIP, le taux de scolarisation des filles au primaire est proche de celui des
garçons, ce qui se traduit par un indice de parité (rapport de
l'indicateur calculé pour les filles sur celui calculé pour les
garçons) proche de l'unité dans la majorité des
régions, il faut souligner la situation particulière des
régions du Nord, de l'Extrême- Nord et de l'Adamaoua dont l'indice
de parité est de 0.63, 0.64 et 0.71 en 2008/2009, respectivement. Ce qui
signifie qu'il y a moins de deux filles pour trois garçons
scolarisés. Comme causes possibles de cette situation, l'on peut relever
les influences culturelles (mariage précoce des jeunes filles, certaines
croyances) et le problème du travail des enfants.
De cette analyse, il découle que cet état de
choses (disparités genre) se manifeste dès l'accès
à la première année du primaire (indice de parité
de 0,92) et s'amplifie en cours de cycle. Les filles ont de ce fait moins de
chance que les garçons de faire une scolarité continue
jusqu'à la dernière classe du cycle (indice de parité de
0,83). La comparaison de l'indice de parité dans l'accès et dans
la rétention montre que, par rapport aux garçons, la
rétention des filles dans le cycle primaire est un peu plus faible que
leur accès à l'école. La prise en compte cumulée de
ces deux phénomènes révèle qu'environ deux
garçons sur trois et une fille sur deux achèvent
difficilement le primaire.
En examinant le point de vue religieux, il ressort que les
enseignements du coran encouragent un «système ferme»
entre la communauté musulmane et les autres. Les femmes ne doivent pas
sortir de ce système clos. Les parents musulmans jugent les valeurs de
l'éducation occidentale comme opposées aux éléments
islamiques. Ces aspects religieux et moraux ont l'influence négative sur
l'accès des jeunes filles à l'éducation mais aussi quand
elles y sont, entravent le processus de scolarisation. Ainsi, la question que
nous nous sommes posés est celle de savoir s'il existe un lien
significatif entre les stéréotypes sociaux et l'achèvement
du cycle primaire de la jeune fille? En d'autres termes :
- Existe-t-il un lien significatif entre les croyances d'ordre
religieux (coran) qui guident les jugements des groupes sur la femme et
l'achèvement du cycle primaire par la jeune fille ?
- Existe-t-il un lien significatif entre les attributions
sociales vis-à-vis de la femme et l'achèvement du cycle primaire
par la jeune fille ?
- Existe-t-il un lien significatif entre les
préjugés d'ordre traditionnels guidant les jugements des groupes
sur la femme et l'achèvement du cycle primaire par la jeune
fille ?
1.3-
OBJECTIFS DE L'ETUDE
Nous assignons à la présente étude un
objectif général qui se décline en quatre objectifs
spécifiques.
1.3.1-
Objectif général
L'objectif de cette étude est de vérifier que
les stéréotypes sociaux ont un lien significatif avec
l'achèvement du cycle primaire par les filles.
1.3.2- Objectifs
spécifiques
Plus spécifiquement, cette étude vise
à :
- Identifier que les croyances d'ordre religieux (coran) qui
guident les jugements de groupes sur la femme ont un lien significatif avec
l'achèvement du cycle primaire par la jeune fille ;
- appréhender que les attributions sociales
vis-à-vis de la femme ont un lien significative
l'achèvement du cycle primaire par la jeune fille ;
- démontrer que les préjugés d'ordre
traditionnels guidant les jugements de groupe sur la femme ont un lien
significatif avec l'achèvement du cycle primaire par la jeune fille.
1.4 - INTERET DE
L'ETUDE
L'étude des stéréotypes sociaux et de
leur influence sur l'achèvement du cycle primaire par les filles se
situent à l'échelle tridimensionnelle à savoir social,
professionnel et scientifique.
Sur le plan social, cette étude pourrait davantage
attirer l'attention de la communauté éducative sur l'ampleur que
peuvent prendre les stéréotypes sociaux sur la scolarisation de
leurs filles, facteurs qui sont le plus souvent négligés mais qui
en fait déterminent de façon acerbe le maintien des filles dans
le système scolaire. La perception dans la société du
rôle de la femme et les incidences sur les relations entre le
maître et les élèves, sur le plan des
stéréotypes sexuels, est un des moyens de l'améliorer par
une formation appropriée des maîtres et des inspections dans les
écoles. Enfin, cette étude s'inscrit dans une dynamique de
contribution à l'effort de recherche et dans le combat pour la promotion
du genre féminin. Ainsi, notre recherche se veut une contribution
à la construction de cette "école ouverte à
tous", l'"école amie des enfants, amie des filles"
chère aux planificateurs du développement.
Sur le plan professionnel, cette étude est
intéressante dans la mesure où elle permet un éclairage
dans le champ de la psychologie de l'éducation d'une part, de l'autre
elle s'inscrit dans le cadre de la pédagogie différenciée.
Selon l'UNICEF (2004 :20), « en donnant aux filles un
bon départ dans la vie, on contribue à la croissance
économique à long terme et à la réduction
de la pauvreté ». Nous partageons cette assertion
d'où notre intérêt pour les filles.
Sur le plan scientifique, cette étude est à la
fois inscrite dans le champ des sciences de l'éducation et de la
pédagogie différenciée en considérant
l'éducation comme un droit fondamental de tous les citoyens, quelles que
soient leurs différences. Les écoles inclusives peuvent changer
les attitudes face à la différence en éduquant tous les
enfants ensemble, et constituer ainsi le fondement d'une société
juste et non discriminatoire.
1.5-
DELIMITATION DE L'ETUDE
C'est ici l'occasion de circonscrire cette recherche sur un
triple plan à savoir thématique, spatial et temporel.
1.5.1-
Délimitation thématique.
Cette étude fait partie des études
réalisées en psychologie de l'éducation ; l'une des
branches des sciences de l'éducation. Aussi nous limiterons-nous
à étudier l'impact des stéréotypes sociaux dans le
cadre éducatif, c'est-à-dire ayant un lien direct avec la
scolarisation.
1.5.2-
Délimitation spatiale.
La présente étude portant sur les
stéréotypes sociaux et la rétention des filles à
l'école a été menée dans le département du
Mayo-Sava, région de l'Extrême - Nord précisément
dans l'arrondissement de Mora. Ensuite, elle va s'étendre dans quelques
établissements scolaires du cycle primaire notamment l'école
publique de Mora Sultanat et l'école publique de Biwana.
1.5.3-
Délimitation temporelle.
Compte tenu de l'exigence de notre formation et de
l'impartialité du temps, la collecte et le traitement de l'information
se feront au cours de l'année académique 2009-2010, année
de notre fin de formation à l'Ecole Normale Supérieure.
1.6- Formulation des hypothèses.
Après avoir défini et précisé nos
objectifs de recherche, nous pouvons formuler nos hypothèses
(générale et de recherches) comme suit :
ü HG : « il existe un
lien significatif entre les stéréotypes sociaux et
l'achèvement du cycle primaire par les filles ».
ü HR 1 : « il
existe un lien significatif entre les croyances ayant des fondements religieux
(coran) qui guident les jugements des groupes sur la femme et
l'achèvement du cycle primaire par les filles » ;
ü HR 2 : « il existe
un lien significatif entre les attributions des rôles sociaux
traditionnels aux femmes et l'achèvement du cycle primaire par les
filles » ;
ü HR 3 : « il existe
un lien significatif entre les préjugés d'ordre traditionnels
guidant les jugements des groupes sur les femmes et l'achèvement du
cycle primaire par les filles ».
CHAPITRE 2 : INSERTION THEORIQUE ET DEFINITION DES
CONCEPTS.
Après avoir identifié et formulé le
problème au Chapitre 1, il convient d'élaborer une grille de
lecture qui nous permettra plus tard de lire les résultats de
l'étude en vue de leur donner une signification. Le présent
chapitre se propose de présenter l'approche notionnelle ou encore la
définition des concepts opératoires du sujet, la revue de la
littérature, les théories explicatives du sujet, la formulation
des hypothèses et leur opérationnalisation et enfin, le tableau
récapitulatif des variables, indicateurs, modalités et items.
2.1-
APPROCHE NOTIONNELLE OU DEFINITION DES CONCEPTS.
Pour une bonne investigation dans la démarche de la
sociologie de l'éducation qui consiste à étudier le
phénomène social portant sur les stéréotypes
sociaux et leur incidence sur la scolarisation de la jeune fille dans
l'arrondissement de Mora, il est judicieux que nous en définissions les
concepts-clé.
En effet, étant donné que les concepts ou les
mots désignent dans des contextes différents des choses
différentes, il convient de préciser leurs contours afin que le
sujet de la recherche soit éloigné de toute confusion. Par
là, nous rendons le sujet plus intelligible, clair, précis et
pratique. Dans la même optique, Durkheim (1968 :13) pense que :
«la première démarche du sociologue est de
définir les choses dont il traite afin que l'on sache bien de quoi il
est question, c'est la première et la plus indispensable condition de
toute preuve et de toute vérification». Dans le présent
travail, nous définirons tour à tour les concepts de
stéréotypes sociaux, d'achèvement du cycle primaire.
2.1.1-
Stéréotypes sociaux
L'étude des stéréotypes sociaux est l'un
des champs d'investigation majeurs de la psychologie sociale cognitive. Cette
dernière a émergé dans les années 70 comme un
nouveau paradigme en psychologie. Il semble qu'on doive le terme de
stéréotype à Lippmann (1922) qui voyait le
stéréotype comme un élément d'une tendance
universelle à regrouper les événements et les objets sur
la base d'une similarité. Lippmann (1922), cité par Fischer
(1996 :112) pense que : « la pratique du
stéréotype fait partie d'un mécanisme simplificateur qui
nous permet de gérer l'environnement réel, qui est à la
fois trop grand, trop complexe et trop évanescent pour une connaissance
directe ».
En effet, pour Fischer (1996 :113), ce terme
désigne «une manière de penser par clichés,
c'est-à-dire l'ensemble des catégories descriptives
simplifiées basées sur des croyances et par lesquelles nous
qualifions d'autres personnes ou d'autres groupes sociaux». En
d'autres termes, les stéréotypes sont un schéma cognitif
associé à l'un des critères tels que : l'apparence
physique, le sexe, l'identité religieuse, politique, ethnique, sexuelle,
critères qui définissent nos croyances et qui guident nos
jugements sur les groupes sociaux et sur leurs ensembles.
L'on se rend donc aisément compte que dans le cadre
de la différenciation sociale, le stéréotype est un
mécanisme de maintien des préjugés, ces derniers
étant une attitude évaluative et souvent négative à
l'égard des types de personnes ou des groupes, en raison de leur
appartenance sociale. Un préjugé est un jugement qui peut se
développer en dehors de toute expérience réelle et qui
s'exprime à travers un ensemble d'attitudes et de sentiments pour
caractériser des groupes, des individus ou des objets. Tout
préjugé englobe trois éléments : une dimension
évaluative souvent négative qui s'opère en dehors de toute
expérience avec la réalité en question ; des attitudes qui
sont aussi souvent négatives et portent un jugement défavorable
sur les personnes ou les groupes concernés ; des représentations
intergroupes fonctionnant sur un mode dichotomique et opposé pour
définir des relations réciproques.
De ce qui précède, il ressort que les
préjugés sont des jugements non fondés empiriquement qui
apparaissent lorsque les individus sont mis en présence d'autres
individus appartenant à des groupes différents
(Fischer,1996).cette définition de Fischer(1996 :118) est
d'ailleurs significative : « le préjugé
est une représentation acquise, qui s'apprend par
l'intériorisation des modèles parentaux. Par la suite,
l'influence des groupes, et du contexte social dans lequel nous vivons cultive
nos idées préconçues et les cultive »
La scolarisation est l'un des facteurs de formation des
préjugés (Fischer, 1996). En effet, la scolarisation
s'intègre dans l'ensemble des influences qui déterminent nos
pensées et nos actions, en fonction des contextes dans lesquels nous
sommes amenés à fonctionner. Pour renchérir ces propos,
Fischer (1996 :118) pense que : « les manuels scolaires
sont un relais privilégié d'apprentissage des
préjugés. Ils opèrent comme des équivalents
contemporains des fables anciennes venant ainsi façonner les esprits et
nourrir la pensée sociale ». Ces propos de Fischer (1996)
nous permettent de comprendre que la scolarisation est une forme de
développement des préjugés et de leur maintien.
Le stéréotype peut avoir un certain pouvoir
descriptif dans des sociétés traditionnelles, stables, à
faible taux de changement social. Les réalités sociales changent
plus vite que les stéréotypes portés sur elles.
Les stéréotypes sont un schéma cognitif
associé à l'un des critères tels que : l'apparence
physique, le sexe, l'identité religieuse, politique, ethnique, sexuelle,
critères qui définissent nos croyances et qui guident nos
jugements sur les groupes sociaux et sur leurs ensembles. Ceci s'explique par
le fait que nous n'avons pas assez de temps et de disponibilité pour
traiter la grande quantité d'information potentiellement disponibles
à propos de certains groupes sociaux.
Cependant, il faut noter le fait que les
stéréotypes fonctionnent aussi comme des justifications
idéologiques pour les asymétries de statut et le pouvoir dans les
rapports en groupe, ou sur un ensemble des modes opératoires socialement
transmis et qui définissent le rôle et les fonctions des membres
de groupe stéréotypés. C'est une représentation
à la fois commune au plus grand nombre de membres d'un groupe
(prototype).
De tout ce qui précède, l'on peut relever une
évidence : les stéréotypes et les
préjugés sont deux composantes d'un processus, la
catégorisation, qui consiste globalement à schématiser la
réalité sociale, c'est-à-dire à la découper
en catégories distinctes.
2.1.2-
Achèvement du cycle primaire
Dans le système scolaire, le niveau
d'achèvement ou rétention ou maintien scolaire renvoie à
l'évolution des élèves dans le cursus du cycle primaire.
En effet, le niveau d'achèvement est conçu en termes de taux
d'achèvement du primaire (Rapport ZIP-UNICEF, 2008/2009) et est ainsi
défini comme étant le rapport entre les nouveaux entrants en
dernière année du primaire et la population ayant l'âge
officiel d'y accéder (population de 11 ans). Elle est dite
«évolutive» lorsque les élèves
parcourent le cursus sans redoublement, «statique » lorsque
les élèves redoublent et enfin « incomplète
» lorsque les élèves sont exclus ou abandonnent leurs
études. Il s'agit d'une variable quantitative dont les résultats
relèvent d'échelles de rapport.
Dans cette optique, le taux de maintien évolutif se
mesure à partir du rapport entre l'effectif d'une cohorte
d'élèves à leur première inscription au Niveau
I (SIL) et son effectif cinq ans plus tard au Niveau
III(CMII). Le Taux de
rétention pour un cycle d'études, est
ainsi égal au pourcentage des élèves d'une classe
d'âge qui ayant été inscrits en première
année du cycle au cours d'une année scolaire donnée sont
parvenus finalement jusqu'à la dernière année de ce cycle.
Cette définition met ainsi en relation plusieurs indicateurs qui peuvent
être mesurés soit à chacun des niveaux, soit à la
fin du cursus. Un enfant achève son cycle lorsqu'il a obtenu son
Certificat d'Etudes Primaires(CEP), diplôme qui sanctionne la fin des
études au cycle primaire et qui permet l'insertion dans la vie active
par la réussite à un concours par exemple.
2.2-
REVUE DE LA LITTERATURE
Lorsqu'on entame un travail de recherche, on commence toujours
par une exploration documentaire pour avoir une orientation par rapport
à la problématique que l'on veut construire et les postulats
posés. De ce point de vue, nous pouvons dire que la revue de la
littérature constitue un maillon essentiel dans le processus de
recherche car ; elle permet au chercheur d'approfondir ses connaissances
sur le sujet qu'il veut étudier. Ce travail s'appuie sur les
expériences empiriques, le vécu quotidien et/ou les études
théoriques produites par ses prédécesseurs. Ces «
savoirs » antérieurs permettent au chercheur non pas de traiter le
thème en utilisant les mêmes approches mais, de l'aborder dans une
perspective nouvelle. Notons ici que l'éducation est un champ
très vaste qui intéresse de nombreux spécialistes : les
pédagogues, les psychologues, les sociologues, etc.
En effet, de nombreuses recherches ont démontré
clairement les avantages économiques et sociaux de l'instruction des
femmes. Les effets bénéfiques de l'éducation de la
population féminine sont entre autres: une réduction de la
fécondité et de la mortalité maternelle et infantile, une
amélioration de la santé et du bien-être familial, un
accroissement de la productivité agricole et des revenus, ainsi qu'une
augmentation de la productivité générale des femmes et de
l'économie dans son ensemble (Floro et Wolf, 1990 ; Odaga et Heneveld,
1995).
Le développement des femmes des régions
septentrionales et au-delà, les africaines ; leur participation au
pouvoir de décision passe par la formation et l'information inscrit dans
le cadre de l'éducation. C'est la vision défendue par
Coquery-Vitrovitch (1994 :806) lorsqu'elle tranche que :
«La seule voie est l'éducation. Or
l'éducation des filles est restée très en retrait de celle
des garçons]. Aujourd'hui, les trois-quarts des femmes africaines sont
encore analphabètes, et dans les écoles la parité est loin
d'être atteinte entre filles et garçons : on compte en moyenne
moins du tiers des fillettes scolarisées contre plus de la moitié
des garçons. L'élément essentiel aujourd'hui est donc
l'éducation des filles, qui demeure la condition nécessaire pour
qu'elles fassent reconnaître le rôle qu'elles jouent dans
l'économie et la culture du pays».
La question de l'accès équitable des filles et
des garçons à l'éducation devient donc aujourd'hui une
préoccupation constante de tous les Etats et des organisations
internationales. Mais les différences de scolarisation entre
garçons et filles ne font l'objet d'une attention particulière
que depuis un passé récent. Aussi, pendant longtemps, le faible
niveau de scolarisation des filles fut-il considéré comme l'une
des caractéristiques plus ou moins naturelle des sociétés
non occidentalisées (Lange, 1998).
L'accès inéquitable
des filles et des femmes à l'éducation y est
généralement traité sous plusieurs aspects :
l'accès à l'école (en terme de fréquentation),
l'itinéraire scolaire (type d'établissement- public ou
privé, filières d'enseignement), la performance scolaire
(redoublement, échec/réussite aux examens), la poursuite de la
scolarité (abandons scolaires) (Lange, 1998). Certes, les
récentes rencontres sur l'éducation en Afrique mettent l'accent
sur la nécessité d'accélérer l'éducation des
filles et des femmes (UNESCO, 2000), mais des actions spécifiques
requises ne sont pas toujours mises en oeuvre pour réduire les
écarts entre sexes et résoudre ainsi les problèmes
spécifiques auxquels les systèmes éducatifs sont
confrontés en Afrique subsaharienne.
Les récentes littératures consacrées aux
facteurs scolaires qui affectent l'éducation des filles indiquent
plusieurs modes par lesquels les écoles africaines limitent le potentiel
des filles. Ainsi par exemple, à travers un insidieux processus
d'exclusion et de marginalisation, les écoles reflètent et
renforcent les attitudes et le comportement d'une société qui
n'attend pas grand-chose des filles. Les enseignants ont des attitudes
négatives quant au potentiel académique des filles et projettent
dans les écoles et les salles de classe les préjugés de la
communauté envers les filles (Capso, 1981 ; Davison et Kanyuka, 1992 ;
Davison, 1993).
En dépit d'une amélioration progressive de la
scolarisation des filles sous l'effet des efforts conjugués des
gouvernements, des organisations non gouvernementales et des bailleurs de fonds
internationaux, les études révèlent l'existence de
disparités persistantes entre les sexes dans le domaine
d'achèvement du cycle primaire normal, particulièrement dans les
régions septentrionales( UNICEF, 2008-2009). A cet effet, des auteurs
tels Tchombe, Mapto Kengne, Matchinda (2006,2008), Tsala Tsala (2008) et
certaines structures de gestion des écoles ont eu à
s'intéresser à la question.
2.2.1-
Les problèmes d'accès des filles à l'éducation de
qualité au Cameroun.
Pour Tchombe (2006), plusieurs facteurs entravent
l'accès à l'éducation des filles. En effet, Tchombe
souligne que cet accès pose encore d'énormes problèmes en
Afrique subsaharienne. D'après elle, l'effort fourni par le gouvernement
camerounais pour assurer l'accès des filles à l'éducation
est différemment perçu selon les régions. Elle cherche
à cet effet à montrer qui est réellement la femme.
Dans cette optique, pense-t-elle, en dépit du fait que
la pensée traditionnelle et contemporaine continue à
dévaluer les caractéristiques et les activités de la fille
et de la femme, il faut noter que ces activités font partie du travail
cognitif qui demande une autorité cognitive, c'est-à-dire la
capacité de réflexion qui confère à l'individu
l'aptitude à réfléchir en vue de prendre de bonnes
décisions. Tchombe(2006) pense qu'on y accède par
l'éducation. D'après Tchombe(2006), le pouvoir cognitif de la
fille doit être posé très tôt afin de lui permettre
de fonctionner dans une position confortable et imposante.
Par conséquent, le type de niveau et surtout la
qualité de l'éducation qu'une fille reçoit ont de grandes
implications sur le bien-être général de la
société et en multiplient les bénéfices. L'on peut
le remarquer dans les statistiques (UNICEF, 2000) selon lesquelles l'effectif
qualitatif des filles qui sont bien éduquées est vu dans des
composantes générales caractérisées par le
dynamisme, l'assiduité et l'intelligence dans leurs activités
quotidiennes.
Aussi, Tchombe (2006) pense-t-elle que l'atteinte de
tous ces objectifs est malheureusement rendue difficile par la culture qui
suscite la préférence parentale pour le garçon au
détriment de la fille qui travaille beaucoup et commence ses
activités très tôt. Les disparités dont souffrent
les filles vis-à-vis de l'école (à l'école et hors
de l'école) sont inacceptables compte tenu de l'importance du facteur
éducatif pour leur émancipation.
L'éducation des hommes et des femmes constitue un
puissant vecteur de développement économique, social et culturel.
On considère généralement que le fait de ne pas assurer
l'égalité dans l'éducation entre les sexes peut diminuer
les avantages potentiels que l'enseignement des hommes peut avoir sur le
bien-être social. Pour conclure, Tchombe pense que les femmes
éduquées ont tendance à encourager l'éducation de
leurs propres enfants, les filles en particulier, raison pour laquelle
l'éducation des filles est devenue une priorité politique
véritable parce qu'il ya de gros bénéfices sociaux
reconnus qui viennent de cet investissement.
2.2.2-
Les enjeux de la scolarisation des filles dans les PVD et en Afrique.
Dans la même optique, Mapto Kengne (2006) perçoit
la scolarisation des filles en terme de phénomène social, d'un
problème voire d'une question d'actualité. En effet, l'auteur
pense que cette expression est utilisée par plusieurs institutions,
acteurs sociaux et chercheurs dans le but d'explorer, de décrire et de
comprendre les problèmes d'une scolarité contrastée,
différenciée et déséquilibrée entre les
sexes et le plus souvent en faveur des garçons. Ainsi, dans les pays
à faible taux de scolarisation, l'expérience montre que
scolariser les filles constitue un puissant facteur pour l'accession et le
maintien de tous les groupes d'enfants (garçons, filles, exclus)
à l'école. Il s'agit ici d'une part de savoir si les
problèmes rencontrées par les filles renvoient à une
institution scolaire, aux familles ou aux filles elles-mêmes et de
l'autre, dans quelles mesures les économies duales
déterminent-elles le rapport des filles à l'école ?
Quels sont donc les facteurs qui entravent l'accès des filles à
une éducation de qualité en Afrique ?
L'auteur examine ici la
situation des filles ainsi que les facteurs qui influent sur le
développement de leur scolarisation en Afrique. Plus loin, l'auteur
cherche à démontrer pourquoi la question de la sous-scolarisation
relative des filles est socialement légitime. Mapto Kengne (2006)
distingue à cet effet deux grands groupes de facteurs liés, d'une
part, à la demande d'éducation et, de l'autre, à l'offre
d'éducation.
Du côté de la demande d'éducation, on
distingue les facteurs socioéconomiques et culturels qui influencent les
comportements et les choix des parents et des élèves. Du
côté de l'offre d'éducation, on note les facteurs
politiques et institutionnels, et d'autres qui sont liés aux
établissements d'enseignement.
Les facteurs socio-économiques et
socioculturels agissent sur la demande d'éducation exprimée au
niveau de la famille et/ou de la communauté. Ils ont un effet direct sur
l'accès à l'école, le maintien dans le système et
la réussite des filles dans le système scolaire et sont
étroitement liés entre eux.
Les facteurs socio-économiques comprennent des
coûts directs et les coûts d'opportunité de
l'éducation, ceux-ci pouvant être prohibitifs pour certaines
familles (droits d'inscription, de scolarité, uniformes, fournitures,
nourritures). Ces facteurs agissent fortement sur la demande
d'éducation. Par exemple, les études menées dans les zones
de sous-scolarisation montrent que les conditions socio-économiques des
parents constituent des freins réels à la scolarisation et
à la bonne performance des filles dans le primaire (Rapport ZIP-UNICEF,
2008-2009).
En général, il est établi que le statut
socio-économique du ménage exprimé par exemple en termes
de niveau de revenu des parents, de composition de la famille, de lieu de
résidence ou de nombre d'enfants à charge, constitue un
déterminant de la décision de scolarisation et de poursuite des
études.
Quant aux facteurs socioculturels, ils sont en relation
directe avec les coutumes, les valeurs de la famille et de la
société. Ainsi, la priorité accordée au rôle
futur des filles comme épouse et mère a un impact fortement
négatif sur les possibilités d'une éducation formelle. Les
croyances et pratiques religieuses en cours dans les régions de faible
scolarisation constituent d'importants facteurs d'opposition à
l'éducation des filles, par les avantages spirituels, moraux, sociaux et
financiers considérables que procure la pratique de l'islam. Les effets
de ces facteurs sont profonds et affectent négativement non seulement
l'accès à l'école mais aussi la performance et la
persévérance des filles qui restent à l'école.
Il est nécessaire de bien comprendre comment les
facteurs socio-économiques et socioculturels déterminent les
décisions des ménages, relativement à l'investissement
faible et à l'ambivalence vis-à-vis de l'éducation des
filles, pour formuler des stratégies destinées à
remédier à la faible demande sociale d'éducation
féminine dans la région. Plusieurs facteurs politiques et
institutionnels entravent également l'accès des filles à
l'instruction. De plus, la recherche et le dialogue sur l'éducation des
filles restent en marge des débats globaux sur la manière de
résoudre les crises des systèmes éducatifs.
2.2.3-
La motivation intrinsèque des filles et leur droit à
l'éducation.
Matchinda (2006, 2008) quant à elle, pense que
l'école développe ainsi progressivement une culture hostile aux
filles. Le harcèlement sexuel et la violence au sein des institutions
scolaires créent un environnement inconfortable pour l'instruction.
L'image négative des femmes évoquée dans des manuels
scolaires et les matériels pédagogiques renforce encore la
représentation défavorable de la femme dans la
société.
En effet, d'après Matchinda (2008), les variables
environnementales constituent également des obstacles majeurs à
l'expression et à l'épanouissement de la fille. Cette
dernière, pour réussir son éducation a, avant tout besoin
d'elle-même, besoin d'une prise personnelle de décision. Ceci
dépasse les limites d'une éducation simplement frontale violente
et répressive telle qu'elle se donne actuellement, et nécessite
un cadre spatial neutre, un cadre d'attitudes (écoute, respect,
expertise, d'implication). Certaines filles semblent ne pas être
conscientes des bienfaits de l'éducation, ni de l'importance de la
réussite scolaire. Elles se découragent devant des
difficultés apparemment insurmontables, se laissent dominer par le
pessimisme et sont influencées négativement par des adultes
véreux. Face à la dictature du silence, nous avons voulu explorer
les paramètres qui handicapent profondément les filles et les
poussent à déserter le milieu scolaire
« Droit de la femme à
l'éducation : enjeux psycho-sociaux-politiques »,
tel est l'article du titre commis par Matchinda (2008). En effet, l'objectif de
l'auteur est de marquer d'une empreinte en se référant à
la législation la situation générale des droits de la
femme à l'éducation, ainsi permettre aux lecteurs
d'apprécier le statut actuel de la femme éduquée à
l'effet d'esquisser des stratégies de remédiations.
L'article s'inscrit dans le paradigme descriptif visant
essentiellement à décrire la situation de la femme dans le
contexte camerounais au regard de la législation internationale et
nationale. L'amélioration de la scolarisation de la jeune fille
s'inscrit dans cette perspective pour atteindre les objectifs de l'Education
Pour Tous (EPT) comme cela a été déclaré à
la conférence de Jomtien de 1990 et renouvelé au Forum de Dakar
en Avril 2000. Cette scolarisation est un pas vers l'égalité,
vers l'équité et vers la parité entre les sexes.
Matchinda (2008 :84) souligne à cet effet
que :
« L'amélioration et l'expansion des
possibilités éducatives au profit de filles constituent l'un des
meilleurs investissements auxquels un pays puisse procéder sur le plan
sanitaire et social. Chaque Etat-membre et chaque communauté devrait
s'efforcer d'éliminer tous les obstacles (sociaux, culturels et
économiques) à l'éducation des filles pour
`'offrir aux filles les mêmes chances de réussite que celles
proposées aux garçons. Cela implique un environnement
débarrasse de stéréotypes, de valeurs ou d'attitudes
discriminatoires qui prennent en compte les attentes des filles et de leurs
familles et qui soit adapté à leur contexte social et
culturel'' ».
Matchinda (2008) passe en revue la législation des
droits de la femme face à l'éducation nationale notamment
l'article 7 de la constitution où il est clairement écrit
que : « l'Etat garantit à tous
l'égalité d'accès à l'éducation sans
discrimination de sexe, d'opinion publique, philosophique et religieuse,
d'origine sociale, culturelle, linguistique ou
géographique ». Au regard de ces instruments juridiques,
Matchinda (2008 : 87) pense qu'on se serait enclin à penser que, la
femme camerounaise n'a plus de problème :
« éduquée, elle devrait disposer
des capacités et des compétences à même de
contribuer à la culture et à la pratique de la démocratie,
au respect des droits de l'homme et des libertés, de la justice et de la
tolérance, au combat contre toutes les formes de discrimination,
à l'amour de la paix et du dialogue, à la responsabilité
civique». Serait-ce le cas ?, s'interroge l'auteur.
Convoquant et rappelant les résultats de se travaux
antérieurs (Matchinda, 2006), l'auteur repère des obstacles aux
droits de l'éducation des filles en milieu scolaire et en milieu
familial. A cet effet, Matchinda (2008 :91) relate :
« Les élèves filles expliquent
comment elles sont obligées d'attendre la pleine nuit pendant que tout
le monde dort pour étudier, ce qui rend irrégulier leur rythme de
sommeil et justifie la somnolence dont elles sont irrégulièrement
victimes en classe. Les papas adoptent des comportements de contrôle
strict et de sanctions disproportionnés au regard de la faute envers les
filles. Celles-ci expliquent comment elles sont étiquetées pour
des peccadilles : les parents n'ont pas confiance en leurs
capacités ».
Toutes ces discriminations sont renforcées par des
pratiques coutumières et traditionnelles, observe Matchinda (2008), qui
continue à être observées. En effet,
poursuit-elle : « les hommes ont le droit de correction
sur les femmes. Le Cercle International pour la Promotion de la
Création, le Service National Justice et Paix de l'Eglise catholique, le
service OEcuménique pour la paix et le Conseil Supérieur
Islamique du Cameroun ont organisé en 2004 une semaine pascale autour du
thème : `' la violence faite aux femmes''.
Les violences domestiques sont jugées courantes ».
Par ailleurs, Matchinda (2008) fait remarquer que les femmes
qui représentent 52% de la population sont
sous-représentées dans les institutions sous-étatiques.
Les statistiques sont presque honteuses, (Matchinda, 2008 :93-94) :
« Très peu de femmes sont ambassadeurs,
Recteurs d'Universités ou Directeur de grandes Ecoles. Cette
disparité entre hommes et femmes quant à la participation aux
cercles de décision laisse les femmes à vie, même
éduquées, dans une position défavorable, avec très
peu d'opportunités sociales, économiques, politiques et
d'épanouissement personnel ».
Nous nous intéressons à cet article en ce sens
qu'il nous permet de cerner la place de la femme en général et de
la jeune fille en particulier dans notre contexte. En effet, la
société traditionnelle africaine a connu une organisation
concentrique allant du groupe familial à l'ethnie en passant par des
organisations plus ou moins importantes. De sorte que l'individu appartient
toujours à plusieurs groupes de degré différents. Dans une
telle indication, les rapports entre les individus obéissent de
manière coercitive à des règles organisant les droits et
les devoirs envers les autres.
2.2.4- La famille africaine
et les droits de l'enfant.
La famille africaine se présente comme une structure
spécifique avec ses règles et ses usages. En effet, la
société africaine traditionnelle a connu une organisation
concentrique allant du groupe familial à l'ethnie en passant par des
organisations plus ou moins importantes. De sorte que l'individu appartient
toujours à plusieurs groupes de degrés différents ce qui
se traduit par des rapports asymétriques entre les individus :
l'homme a la préséance sur la femme, l'adulte sur l'enfant, les
anciens sur les jeunes. La famille traditionnelle africaine fonctionne donc sur
le mode de ce type de hiérarchie des statuts et des personnes
Selon Tsala Tsala (2008), la survie du groupe dépend de
la stricte observance de cette linéarité sociale. La famille
africaine traditionnelle fonctionne sur le mode de ce type de
hiérarchie, de statut et de personnes.
Tous les facteurs qui agissent sur la scolarisation des filles
sont intimement liés et agissent directement aussi bien sur le niveau de
maintien des filles au sein du système scolaire que sur la
qualité de la formation qu'elles y reçoivent et sur les
performances qu'elles sont en mesure de produire. Ces multiples obstacles
à l'accès des filles à une éducation de
qualité ont un impact significatif sur leur maintien dans le
système scolaire.
2.2.5- Les structures de
gestion participative de l'école.
Le développement durable et l'éradication de la
pauvreté ne seront possibles qu'en offrant une éducation de
qualité à toutes et à tous, filles comme garçons.
Comme les filles doivent surmonter des obstacles plus importants, il faut
déployer des efforts particuliers en leur faveur pour qu'elles puissent
aller à l'école et veiller à ce qu'elles terminent leur
scolarité. Si on ne les scolarise pas, les filles deviendront
probablement des femmes analphabètes, pauvres et elles auront moins de
chances de créer une famille en bonne santé et instruite.
C'est la raison pour laquelle une synergie d'actions solides,
efficaces et durables doit se construire autour de la scolarisation des enfants
en général, de la fille en particulier pour son plein
épanouissement.
Les associations des mères (AME) étant des
structures d'un apport considérable, leur regroupement en réseau
apportera à coup sûr un plus dans l'accélération de
la scolarisation des filles.
2.2.5.1- Présentation du Réseau des AME en
faveur de la scolarisation des filles : le RECAMEF.
L'initiative «Mères d'élèves»
(dénommée «Loving Mothers» dans certaines zones
anglophones) veille à la bonne marche des activités scolaires et
extrascolaires pour tous les enfants, et assure le suivi régulier des
filles pour garantir leur maintien à l'école. Le Réseau
des AME prend son essence dans l'Initiative des Nations Unies pour
l'éducation des filles (UNGEI en anglais) qui a été
lancée en avril 2000, à Dakar par le Secrétaire
Général des Nations Unies, Kofi Annan. Il a pour but de
créer une synergie forte autour des filles pour réduire
l'écart entre les sexes à l'école primaire et garantir que
tous les enfants terminent le cycle sans discrimination.
Le RECAMEF est donc un partenariat qui regroupe toutes les
associations des mères d'élèves sous la conduite du
Ministère de l'Education de Base et avec l'appui de tous les partenaires
au développement et la société civile. C'est donc une
plate forme d'actions qui galvanise tous les efforts en vue de la scolarisation
des filles. Le RECAMEF qui prend son envol aujourd'hui rassemble plus de deux
cent (200) Associations des Mères d'Elèves (AME) des
régions septentrionales de notre pays avec pour ambition celle de
s'étendre sur l'ensemble du territoire camerounais.
L'affiliation au RECAMEF est ainsi ouverte à toutes les
AME/APEE travaillant pour la promotion de l'éducation des filles et
oeuvrant pour la réalisation de l'enseignement primaire universel. Le
Délégué Régional de l'Education de Base
étant le coordonnateur régional, toute affiliation au RECAMEF
passe par la déclaration de l'AME auprès de lui tout en prenant
soin de respecter les exigences de la Loi no 90/051 du
10 Décembre 1990 sur la liberté d'associations au
Cameroun.
2.2.5.2- Les actions pratiques et les mesures volontaristes
entreprises par les AME (Association des Mères d'Elèves).
La promotion de l'éducation des filles trouve son
illustration dans les expériences novatrices menées dans le cadre
du Projet Education de Base (approche Ecole des Amies, Amies des Filles,
l'initiative Grandes Soeurs) d'une part et les mesures incitatives prises par
le Gouvernement à l'égard des filles d'autre part. Par ailleurs,
l'initiative qui a permis de regrouper les mères d'élèves
sous forme d'associations (AME) a été un atout indéniable
en faveur de la scolarisation des filles.
La volonté du Gouvernement de rendre officielle
l'approche non formelle d'éducation vise également à
mettre l'école à la portée des exclus du système
notamment les filles.
La mise en oeuvre de ces stratégies a été
engagée par l'Etat Camerounais depuis 2000 à travers des actions
concrètes liées à l'augmentation de l'offre
d'éducation, à savoir la construction de nouvelles salles de
classe ; la création de nouvelles écoles primaires, la
création des établissements secondaires, le renforcement de la
formation initiale et continue des enseignants.
En dépit de tous ces efforts, le taux net de
scolarisation des filles demeure encore bas. Il est évalué
à 71% pour les filles et 81% pour les garçons. Ces chiffres
cachent de fortes disparités régionales car ce taux est
inférieur à 50% dans les régions septentrionales.
2.2.5.3- Au regard des instruments juridiques nationaux et
internationaux en faveur des droits des enfants.
Le Cameroun a souscrit entièrement à tout le
dispositif juridique et réglementaire international qui recommande
vivement l'accès des enfants à l'école et à une
éducation de qualité. En dépit de tout cela, il reste tout
de même vrai que le tiers des enfants en âge scolaire
n'accèdent pas encore à l'école et que les filles sont
majoritaires.
En effet, l'Etat camerounais assure à l'enfant le droit
à l'instruction et l'enseignement primaire est obligatoire comme le
stipule la constitution du Cameroun dans son préambule. La scolarisation
universelle impose que tous les enfants accèdent à l'école
sans discrimination aucune.
Et pourtant, la fille, loin d'être
considérée seulement comme future épouse et mère,
est d'abord un être humain qui mérite considération,
dignité et respect dans la société. Cette place lui
confère toutes ses lettres de noblesse dans un monde où les
femmes occupent des hautes fonctions de responsabilité sur
l'échelle des valeurs. Elles sont, Chefs d'Etat ou de Gouvernement,
Ministres, Diplomates, Professeurs d'Université, Responsables des
Sociétés d'Etat, Parlementaires, Maires,
Sous-préfets...etc. Elles sont des actrices incontestables des circuits
de développement.
Le taux de scolarisation dans le préscolaire est de 16%
et le taux net de scolarisation est de 76%. Les taux nets de scolarisation des
filles sont de 71% contre 81% pour les garçons. Ces taux
présentent de nombreuses disparités puisqu'ils sont
évalués à moins de 50% pour les régions
septentrionales soit 29,68 pour l'Adamaoua, 18,88 pour l'Extrême-Nord et
22,03% pour le Nord en 2003/2004
Nous sommes tous concernés par l'avenir de la jeune
fille. Prenons donc un engagement solennel d'envoyer toutes les filles à
l'école, car une fille instruite est un combat gagné contre
l'ignorance. Mobiliser les décideurs et toute la communauté pour
l'Education dans le grand Nord, notamment la scolarisation des filles Parce que
la parité entre filles et garçons en matière
d'accès à l'éducation et en termes d'achèvement du
cycle primaire n'est pas encore atteinte.
C'est aussi une des dispositions réglementaires de la
Convention relative aux Droits de l'Enfant : le droit à
l'éducation. C'est un droit inaliénable, c'est un droit
incontournable, c'est un droit sacré qu'on ne doit pas
hypothéquer, c'est un droit fondamental qui ouvre les portes de la vie
à l'être humain, c'est un droit qui est plus qu'un droit, c'est un
droit qu'il faut respecter.
En effet, dans le monde, 65 millions de filles sur 121
millions d'enfants ne vont pas à l'école. Or, sur les huit
Objectifs du Millénaire pour le Développement, le deuxième
relatif à l'accès à l'éducation pour tous, tout
comme le cinquième relatif à l'égalité des sexes et
l'autonomisation des filles, constituent des objectifs fixés par
l'ensemble de la communauté internationale, dans le cadre de la lutte
contre la pauvreté. Malheureusement, les pays en développement
sont souvent ceux dans lesquels la parité n'est pas respectée en
matière d'accès à l'éducation.
Au Cameroun, les niveaux de scolarisation des filles, bien
qu'ils soient supérieurs à ceux de plusieurs pays de la
Région Afrique de l'Ouest et du Centre, sont encore à
améliorer.
Les déperditions restent nombreuses du fait des
mariages précoces et autres pratiques sociales discriminantes et du
contexte de pauvreté. Pour y faire face, il faudrait : Maximiser
l'accès des filles à l'école ; assurer le maintien des
filles inscrites à l'école et leur acquisition de
compétences fondamentales conformes aux normes nationales. La raison en
est que l'éducation des filles est un investissement idéal pour
les pays, la fille éduquée développe l'économie par
son travail, à un coût moindre dans tous les secteurs :
santé, emploi, justice, planification, éducation et
finances...Elle contribue donc à la lutte contre la pauvreté et
à l'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le
Développement (objectifs 02 et 03).
2.3-
THEORIES EXPLICATIVES DU SUJET
Selon Fischer (1996 :17), une
théorie est « un ensemble de propositions
cohérentes qui tendent à montrer pourquoi tels ou tels
comportements se produisent et quelles relations peuvent être
établies entre tel ou tel phénomène et telle ou telle
attitude». Dans cette optique, les théories inhérentes
à notre sujet portent sur la théorie de l'attribution causale,
la théorie de la représentation sociale et la théorie du
capital humain.
2.3.1-
Les théories de *l'attribution.
Les travaux qui portent sur
l'attribution visent l'étude des mécanismes par lesquels nous
attribuons une cause à un comportement. Les théories de
l'attribution sont le point de départ de l'étude par les
psychologues et les sociologues, des évènements et
phénomènes qui nous entourent.
Parmi les différents auteurs ayant été
de ce problème, on peut citer Heider(1958), pour lequel ce type de
processus est celui par lequel : « l'homme
appréhende la réalité et peut la prédire et la
maitriser ». Ce processus appelé attribution permet
à l'homme de construire une représentation stable et
cohérente de son environnement, de décrire ce qui survient de
façon économique au plan cognitif, de déterminer ses
anticipations et ses réactions à l'égard d'un
événement. A cet effet, Heider (1958) pense
que l'attribution peut être considérée comme la
recherche par un individu des causes des évènements.
Toutefois, cette recherche au moins dans le cadre de la
théorie heiderienne, n'est pas arbitraire, mais correspond à un
principe d'équilibre cognitif qui suppose que les jugements ou
attentes d'une personne concernant un aspect de l'environnement ne soient pas
en contradiction avec les implications des jugements ou attentes relatifs
à d'autres aspects de l'environnement, ou, si cela était
impossible, à modifier la cognition(Heider,1958).
2.3.1.1- Définition de l'attribution
L'attribution est une inférence, c'est-à-dire un
mode de raisonnement consistant à aller d'une idée à une
autre qui est liée dans le but d'expliquer un événement ou
de déterminer les dispositions d'une personne (Heider, 1958). A cet
effet, Heider (1958 :161) pense que : « l'attribution
peut être considérée comme la recherche par un individu des
causes des évènements ». Dans cette optique, pour
mieux cerner le concept d'attribution, il faut d'abord savoir ce que c'est
qu'une attitude.
En effet, le concept d'attitude est l'un des concepts les
plus connus en psychologie, il a joué un rôle important en
psychologie sociale. En psychologie, cette notion a d'abord été
utilisée à propos des attitudes corporelles, et s'est
appliquée à un certain état de tension des muscles.
La notion de préparation à l'action apparait
sans cesse en référence à la notion d'attitude. Que
faut-il entendre par là ? Cette phrase se réfère au
bout du compte à la nature des prédictions que nous faisons sur
le comportement de l'individu. Par exemple, lorsqu'on dit de quelqu'un qu'il a
une attitude favorable à l'égard de tel ou tel objet,
généralement ce que nous voulons dire c'est que nous sommes en
possession d'une certaine information qui nous conduirait à
prédire que, dans certaines situations appropriées, la personne
agira de façon à se comporter favorablement à
l'égard (entre autres) de toute action de
l' « objet », par exemple voter pour un candidat
politique qui s'engagerait à réaliser un programme en faveur de
cet « objet ».
Donc fondamentalement, lorsque nous disons que nous
connaissons l'attitude d'une personne, nous voulons dire que nous avons en
notre possession quelques indications tirées de comportements
passés de la personne qui nous permettent de prédire son
comportement futur dans certaines situations. Dans cette mesure, le concept
d'attitude tel qu'il set défini ici tombe dans la catégorie des
construits hypothétiques. Un construit hypothétique est un
processus ou une entité dont on présume l'existence même
s'il n'est pas directement observable. Mais si on a conçu
traditionnellement l'attitude comme n'étant pas observable directement,
comment est-il possible alors d'étudier le changement d'attitude ?
2.3.1.2- Attribution et relation intergroupes
L'attribution est souvent présentée comme le
fait d'un individu isolé, détaché de tout contexte social.
En effet, la réalité est construite à travers les
relations entre individus caractérisés par leur appartenance
catégorielle. La prise en compte de cette dimension sociale implique une
étude des attributions dans une perspective intergroupe.
Pour Kelley(1974), l'explication quotidienne de l'attribution
sociale s'appuie sur l'expérience sociale des individus, sur ses
croyances et associations de causes à effets préétablies
d'où l'attribution causale. L'on peut aisément comprendre
à cet effet que les attributions sociales ne dépendent pas des
caractéristiques individuelles, mais dépendent des groupes ou
catégories auxquels ils sont assignés. Les attributions, dans
cette optique, sont fonction des croyances sociales, des relations avec autrui,
des appartenances catégorielles et des attentes des attributaires.
Allant dans le même ordre d'idées, Lalljee (1981) met en
évidence la dimension sociale en soulignant l'importance de la culture
dans l'étude des attributions.
D'après lui, l'attribution a pour but de mieux
contrôler et prédire la réalité, mais cette maitrise
de l'environnement est perçue et définie différemment
selon la culture et les orientations religieuses et sociales de l'individu.
Pour conclure, Lalljee (1981) pense ainsi que les attributions sont fonction de
la culture et dépendent des normes sociales, des croyances, des attentes
de l'individu et de la désirabilité sociale.
2.3.1.3- Attributions et éducation
L'application de la théorie de l'attribution dans le
domaine de l'éducation s'étend sur une double dimension à
savoir élèves et enseignants. Notre préoccupation actuelle
est celle de lever l'équivoque chez les élèves.
Le Poultier (1986) fait l'hypothèse que les
élèves qui privilégient les explications internes de
l'échec utilisent davantage de critères évaluatifs pour
rendre compte des différences entre les élèves de leur
classe. Afin de tester cette hypothèse expérimentalement, Le
Poultier (1986) réalise une pré-enquête auprès
d'élèves de sixième qui révèlent qu'ils
décrivent fréquemment les manifestations de l'échec
scolaire par des phrases telles que « être toujours
puni », « ne pas faire ses devoirs »,
« redoubler ». A l'aide de ces réponses,
l'expérimentateur construit deux questionnaires se rapportant à
l'échec scolaire. Le premier questionnaire est composé de
comportements jugés indésirables comme « arriver en
retard », « bavarder »... et le
second questionnaire comporte dix événements indésirables
qui surviennent dans la vie scolaire tels « recevoir des
mauvaises notes », « être mis à la
porte ».
Tous les élèves interrogés doivent
répondre aux deux questionnaires. Leur tâche consiste à
choisir parmi deux explications à savoir celle qui leur semble expliquer
adéquatement le comportement d'une part, de l'autre
l'événement décrit. En d'autres termes, pour chacun des
dix comportements et des dix événements, chaque
élève doit choisir une explication interne (ex.
: « ne pas être sérieux »)
ou externe (ex. : « être poussé
par les autres »). Après avoir répondu à
ces deux questionnaires, l'expérimentation demande aux
élèves de classer les sujets de l'échantillon en
catégories.
Chaque élève reçoit une enveloppe
contenant autant de morceaux de cartons qu'il ya d'élèves dans la
classe. Sur chaque carton est inscrit le nom d'un élève et les
élèves doivent former des groupes en répartissant chaque
camarade. Avant de débuter ce classement, chaque élève
doit retirer le carton portant son nom, cette mesure permet d'éviter des
biais tels qu'une répartition par affinité. Tous les
élèves peuvent constituer autant de groupes qu'ils le souhaitent,
mais doivent expliquer à l'expérimentateur la façon dont
ils ont procédé pour réaliser ces catégories.
Les résultats ainsi obtenus correspondent aux trois
scores : le score interne/externe sur les explications de comportements,
le score interne/externe sur les explications de renforcements et le nombre de
catégories construites par rapport à des critères
évaluatifs et descriptifs. On observe que les enfants qui
privilégient des causes internes pour expliquer les renforcements. En ce
qui concerne la catégorisation des élèves de la classe,
les résultats montrent que les élèves choisissent soit des
critères évaluatifs, soit des critères descriptifs, mais
rarement les deux. Les élèves utilisant des catégories
évaluatives ont plus de tendance à expliquer les comportements et
renforcements indésirables (échec) en termes de facteurs internes
que les élèves utilisant les catégories descriptives.
Pour conclure, Le Poultier (1986) explique ces
résultats par l'étroite relation existant entre
l'évaluation et la norme d'internalise. La tendance à surestimer
les facteurs internes, donc la responsabilité personnelle, est la
conséquence d'un apprentissage normatif.
2.3.2- Théorie des représentations
sociales
La notion de représentation sociale occupe une place
importante en psychologie sociale depuis le début des années
soixante. Ce concept fut introduit et élaboré par Moscovici
(1961) et actuellement, le concept de représentation sociale a largement
dépassé le cadre de la psychologie sociale. Il est
fréquemment utilisé en sciences humaines et sociales et se
développe dans des directions variées.
Beaucoup d'auteurs ont défini la notion de
représentation sociale et un nombre considérable de
procédures ont été utilisées pour illustrer ces
définitions. Cependant, la plupart des auteurs s'accordent à dire
que la représentation est un univers de croyances, d'opinions,
d'attitudes organisées autour d'une signification centrale. La
polysémie du concept et les multiples phénomènes et
processus qu'il désigne le rendent difficile à cerner. Moscovici
(1976 : 39) écrit d'ailleurs que «si la
réalité des représentations sociales est faciles à
saisir, le concept ne l'est pas ». A partir des analyses,
principalement de Moscovici (1960, 1961, 1984), Jodelet (1984, 1997) et Abric
(1994), nous dégagerons plusieurs caractéristiques
générales des représentations. Mais au préalable,
nous allons simplement donner quelques éléments qui vont nous
permettre de saisir le concept de représentation sociale.
2.3.2.1- La représentation sociale selon
Moscovici.
Pour Moscovici (1960 : 635), les représentations
sociales « apparaissent comme des contenus organisés,
susceptibles d'exprimer et d'infléchir l'univers des individus et des
groupes ». A partir de cette ébauche
définitionnelle, l'on peut dire à juste titre que les
représentations sociales sont des systèmes cognitifs qui ont une
logique et un langage particuliers, une structure d'implication qui portent
autant sur des valeurs !que sur des concepts, un style de discours qui leur est
propre. Dans cette optique, nous n'y voyons pas uniquement des
« opinions sur », des « images
de » ou des « attitudes envers »,
mais des « théories », des
« sciences » sui generis, destinées
à la découverte du réel et à son ordination
(Moscovici, 1960). L'auteur conclue en disant :
« Une représentation sociale est un
système de valeurs, de notions et de pratiques ayant une double
vocation. Tout d'abord, d'instaurer un ordre qui donne aux individus la
possibilité de s'orienter dans l'environnement social, matériel
et de le dominer. Ensuite d'assurer la communication entre les membres d'une
communauté » (Moscovici, 1984 : 10-11).
2.3.2.2-La représentation sociale selon
Jodelet.
Le concept de représentation sociale
désigne une forme de connaissance spécifique, le savoir de sens
commun, dont les contenus manifestent l'opération de processus
génératifs et fonctionnels socialement marqués. Plus
largement il désigne une forme de pensée sociale. Les
représentations sociales sont des modalités de pensée
pratique, orientées vers la communication, la compréhension et la
maîtrise de l'environnement social, matériel et idéel. En
tant que telles, elles présentent des caractères
spécifiques au plan de l'organisation des contenus, des
opérations mentales et de la logique.
Le marquage social des contenus et des processus de
représentation est à référer aux conditions et aux
contextes dans lesquels émergent les représentations, aux
communications par lesquelles elles circulent, aux fonctions qu'elles servent
dans l'interaction avec le monde et les autres. Jodelet (1984 : 357)
apporte une lumière à cette définition :
«Le concept de représentation sociale
désigne une forme de connaissance spécifique, le savoir de sens
commun, dont les contenus manifestent l'opération de processus
génératifs et fonctionnels socialement marqués. Plus
largement, il désigne une forme de pensée sociale. Les
représentations sociales sont des modalités de pensée
pratique orientées vers la communication, la compréhension et la
maîtrise de l'environnement social, matériel et idéal. En
tant que tel, elles présentent des caractères spécifiques
au plan de l'organisation des contenus, des opérations mentales et de la
logique. Le marquage social des contenus ou des processus de
représentation est à référer aux conditions et
contextes dans lesquels émergent les représentations, aux
communications par lesquelles elles circulent, aux fonctions qu'elles servent
dans l'interaction avec le monde les autres».
Eclaircissant davantage ce que l'on entend par
représentation sociale, Jodelet (1997 : 365) dit en ces
termes :
« Par représentations sociales, nous
entendons l'ensemble organisé des connaissances, des croyances, des
opinions, des images et des attitudes partagées par un groupe à
l'égard d'un objet social donné. Étudier les
représentations sociales c'est chercher la relation que l'individu
entretient au monde et aux choses ».
2.3.2.3- La représentation sociale selon
Abric.
Pour Abric (1994 : 64), « la
représentation est le produit et le processus d'une activité
mentale par laquelle un individu ou un groupe reconstitue le réel auquel
il est confronté, et lui attribue une signification
spécifique ». En effet, il n'existe pas de
consensus en ce qui concerne la nature exacte des éléments qui
constituent une représentation.
Autrement dit, les repères cognitifs et mentaux qui
servent à lire le réel sont différents d'un individu
à l'autre ; les normes de son groupe, son milieu socioculturel, sa
société de référence ainsi que ses
intérêts du moment influent considérablement sur ces
repères.
2.3.2.4- Elaboration et fonctionnement d'une
représentation sociale
Selon Moscovici (1961), la représentation sociale se
structure par deux processus majeurs : l'objectivation et l'ancrage ; l'un
tend à opérer le passage d'éléments abstraits
théoriques à des images concrètes, l'autre tend à
intégrer l'objet représenté dans un système de
pensée préexistant. Ils montrent, d'une part comment le social
transforme un objet, une information, un évènement en
représentation et, d'autre part, la façon dont cette
représentation transforme le social.
Ces travaux sur la représentation sociale nous
permettre de comprendre que ce concept désigne la construction sociale
d'un savoir ordinaire élaboré à travers les valeurs et les
croyances partagées par un groupe social concernant différents
objets (personnes, évènements...) et donnant lieu à une
vision commune des choses, qui se manifeste au cours des interactions
sociales.
2.3.3- La théorie de l'habitus.
Par le concept d'
habitus, Bourdieu(1980) vise
à penser le lien entre socialisation et actions des individus. L'habitus
est constitué en effet par l'ensemble des dispositions, schèmes
d'action ou de perception que l'individu acquiert à travers son
expérience sociale. Par sa
socialisation, puis
par sa trajectoire sociale, tout individu incorpore lentement un ensemble de
manières de penser, sentir et agir, qui se révèlent
durables. Bourdieu(1980) pense que ces dispositions sont à l'origine des
pratiques futures des individus. Toutefois, l'habitus est plus qu'un simple
conditionnement qui conduirait à reproduire mécaniquement ce que
l'on a acquis.
Dans son analyse structurale, Bourdieu (1980 : 88)
examine la socialisation comme une incorporation d'habitus, c'est-à-dire
d'un "système de dispositions durables et transposables, structures
structurées prédisposées à fonctionner comme
structures structurantes, c'est-à-dire en tant que principes
générateurs et organisateurs des pratiques et des
représentations".
En assurant une présence active du passé dans le
présent, l'habitus tend à favoriser les expériences
propres, à le renforcer par le choix qu'il opère dans le champ
circonstanciel et relationnel de l'agent, champ composé d'un univers
relativement constant de situations propres à renforcer ses dispositions
dans une forme de fausse anticipation de l'avenir (Bourdieu, 1980).
Bourdieu (1980) pense ainsi que l'habitus
est un ensemble de structures structurées
prédisposées à fonctionner comme structures
structurantes [. L'habitus est structure structurée puisqu'il
est produit par socialisation ; mais il est également structure
structurante car générateur d'une infinité de pratiques
nouvelles. Dans la mesure où ces dispositions font système,
l'habitus est à l'origine de l'unité des pensées et
actions de chaque individu. Mais, dans la mesure où les individus issus
des mêmes groupes sociaux ont vécu des socialisations semblables,
il explique aussi la similitude des manières de penser, sentir et agir
propres aux individus d'une même
classe sociale.
La notion de violence symbolique renvoie à
l'intériorisation par les agents de la domination sociale
inhérente à la position qu'ils occupent dans un champ
donné et plus généralement à leur position sociale
(Bourdieu, 1980). Cette violence est infra-consciente et ne s'appuie pas sur
une domination intersubjective (d'un individu sur un autre) mais sur une
domination structurale (d'une position en fonction d'une autre). Cette
structure, qui est fonction des capitaux possédés par les agents,
fait violence car elle est non perçue par les agents. Elle est donc
source d'un sentiment d'infériorité ou d'insignifiance qui est
uniquement subi puisque non objectivé. La violence symbolique trouve son
fondement dans la légitimité des schèmes de classement
inhérent à la hiérarchisation des groupes sociaux
2.3.4- La théorie du capital humain
La théorie du capital humain a été
développée en 1964 par Gary Becker. En effet, pour Becker (1964),
le capital humain se définit comme l'ensemble des capacités
productives qu'un individu acquiert par accumulation de connaissances
générales ou spécifiques, de savoir-faire, etc. La notion
de capital exprime l'idée d'un stock immatériel imputé
à une personne (i.e. idiosyncratique) pouvant être
accumulé, s'user. Il est un choix individuel, un investissement
personnel. Comme tout investissement, il s'évalue par la
différence entre des dépenses initiales, le coût des
dépenses d'éducation et les dépenses afférentes
(achat de livres...), le coût d'opportunité, c'est-à-dire
le salaire qu'il recevrait s'il était entré dans la vie active,
et ses revenus futurs actualisés.
2.3.4.1- La théorie du capital humain vue par
Parsons.
Dans son article la classe en tant que système
social : quelques unes de ses fonctions dans la société
américaine, Parsons (1974) affirme que l'éducation scolaire
joue avant tout un rôle de socialisation du jeune américain. A cet
effet, Parsons (1974 :60) écrit : « la
première étape essentielle de la socialisation a lieu à
l'école élémentaire ».D'après
l'auteur, l'école élémentaire contribue a
l'intériorisation par l'enfant des valeurs de la société
américaine, l'école demeurant bien entendu sous le contrôle
des adultes. L'on peut relever également le fait que l'éducation
scolaire joue un rôle de différenciation sélective. Parsons
(1974 :63) poursuit sa réflexion en disant :
« la classe à l'école élémentaire
semble donc bien incarner fondamentalement la vertu américaine
primordiale d'égalité des chances, en ce sens qu'elle met
l'accent à la fois sur l'égalité au départ et
l'accomplissement différentiel ». De ce qui
précède, il ressort que l'école est démocratique
dans la mesure où elle accueille indistinctement tous les jeunes
américains, elle donne à tous des chances égales au
départ de s'instruire et de s'épanouir, l'intériorisation
et le partage par tous des mêmes valeurs étant progressivement
acquis.
Ainsi, accueillis sur un pied d'égalité et mis
ensemble au départ de s'instruire, faut-il donc s'étonner, se
scandaliser que tous n'avancent pas du même pas et ne se retrouvent pas
égaux à l'arrivée ? Face à cette question,
Parsons (1974 :64) réagit en disant
que : « ce processus de différenciation est
largement indépendant du statut socio-économique de la
famille ».
En effet, l'inégalité des statuts qui
résultent de ce processus est donc socialement acceptée,
notamment par ceux qui échouent à l'école, parce qu'il y a
au point de départ une école démocratique et le
partagée par tous des mêmes valeurs. Bien plus, chacun se doit
d'accepter cette sélection qui prend pour critères les
performances des individus, concilie l'efficacité et
l'équité au sein de la société américaine.
Telle est, approximativement, la théorie fonctionnaliste et
apologétique de la relation entre origine sociale et éducation
élaborée par Parsons(1974).
2.3.4.2- La théorie du capital humain vue par
les Africains.
Au début des années 60, date des
indépendances africaines, la problématique fonctionnaliste avait
tôt fait de marquer toute formulation des objectifs assignés au
développement de l'éducation alors perçue comme la
clé du développement économique du continent. En effet,
cette problématique fut plus précise à l'occasion de la
Conférence des Etats Africains sur le développement de
l'éducation en Afrique tenue à Addis-Abeba en 1961. Aussi, le
Rapport final de la soutenance affirme-t-il
que : « l'enseignement dans les conditions
appropriées est un investissement productif et contribue à la
croissance économique(...). Toute formation valable ne peut venir du
système scolaire ou des gens instruits, c'est-a-dire ceux qui ont
été soumis à cette éducation
formelle ». La stratégie adoptée consiste donc
à assurer aux jeunes en question l'accès à
l'éducation. Le but ainsi recherché est celui d'aider tous les
jeunes à développer leurs possibilités propres en tant
qu'être humain et à jouer un rôle utile en tant que
producteurs et citoyens.
2.5-
OPERATIONNALISATION DES HYPOTHESES
Pour mieux cerner nos hypothèses formulées au
chapitre 1, il serait judicieux pour nous de procéder à leur
opérationnalisation.
2.5.1-Hypothèse Générale
Notre hypothèse générale retenue dans
le cadre de cette recherche est la suivante : Il existe un lien
significatif entre les stéréotypes sociaux et l'achèvement
du cycle primaire par les filles.
2.5.1.1- Les variables de l'hypothèse
générale.
L'hypothèse générale est
constituée d'une part de la variable indépendante, de l'autre de
la variable dépendante. Les deux variables sont formulées comme
ci après :
- VI : stéréotypes
sociaux.
- VD : achèvement du cycle
primaire par les filles.
2.5.1.2- Opérationnalisation des variables.
Après opérationnalisation de la variable
indépendante de l`hypothèse ci-dessus (hypothèse
générale), nous avons obtenu les variables suivantes :
- Les croyances ayant des fondements religieux
(coran);
- Les attributions des rôles sociaux traditionnels
vis-à-vis de la femme;
- Les préjugés traditionnels guidant les
jugements de groupe sur la femme.
2.5.1.2.1- La variable indépendante.
Pour mieux cerner les variables de l'hypothèse
générale, nous avons procédé à
l'opérationnalisation de la variable indépendante. Ceci nous a
permis d'obtenir des indicateurs appariés à chaque variable
indépendante (VI) de l'hypothèse de recherche (HR). De ces
indicateurs ont découlé des modalités qui traduisent les
réponses aux indicateurs. Nous avons consignes ces différents
éléments dans le tableau ci-après.
Variables indépendantes
|
Indicateurs
|
Modalités
|
VI 1
|
Croyances ayant des fondements religieux (coran) qui guident les
jugements des groupes sociaux sur la femme
|
Modes de jugement des groupes sociaux sur les femmes
|
-collectifs
-individuels
|
Opinion du milieu sur la fille
|
-significatif
-non significatif
|
Impact de la coutume sur la femme
|
-fort
-faible
|
Perception du groupe vis-à-vis de la femme
|
-positive
-négative
|
Perception de soi (ce que la femme pense d'elle-même).
|
-valorisante
-dévalorisante
|
VI 2
|
Attributions des rôles sociaux traditionnels aux femmes
|
La place de la femme dans la société
traditionnelle.
|
-existante
-inexistante.
|
Appréciation du statut de la femme dans le groupe
|
-négative
-positive
|
Manière de transmettre les valeurs socialement admises
à la femme
|
-implicite
-explicite.
|
Justification idéologique des choix des valeurs transmis
à la femme.
|
-cohérent
-incohérent.
|
VI 3
|
Préjugés d'ordre traditionnels guidant les
jugements de groupe sur la femme
|
Discriminations (ex : la peur utilisée pour rendre
les femmes vertueuses).
|
-communément partagée ;
-individuelle.
|
Acceptation (ex : la préférence de la
société traditionnelle pour les garçons au
détriment des filles).
|
-bien acceptée ;
-moyennement acceptée ;
-pas du tout acceptée.
|
Les modèles de personnalité attendus de la femme
(ex : une femme passive et dépendante est sexuellement plus
attirante par l'homme et elle est une bonne mère).
|
-objectif
-subjectif.
|
Tableau no 1 :
Opérationnalisation des variables indépendantes des
hypothèses de recherche.
Au regard de ce tableau, l'on peut observer que le cadre
opératoire de notre recherche représente l'arrangement des
concepts (variables) et des sous-concepts (indicateurs) construits autour de
l'objet de l'étude (perception du processus de scolarisation de la jeune
fille). Nous avons ainsi traduit l'objet de recherche en
référents empiriques que nous pouvons observer et mesurer. Le
cadre forme donc un élément central de la compréhension de
la variable indépendante qui peut changer en termes d'indicateurs de
modalités.
A cet effet, nous avons par exemple pour les croyances ayant
des fondements religieux (coran) des indicateurs tels que modes de
jugements des groupes sur les femmes. Ces modes de jugements peuvent
émaner de l'ensemble du groupe social d'appartenance. L'objectif
recherché ici est de savoir si ces modes de jugements sont collectifs,
c'est-à-dire commun à tous les membres du groupe ou s'ils
émanent de la perception individuelle. Parlant de l'opinion du milieu
sur la fille, cette façon de penser peut avoir une influence
significative ou non sur son éducation, aussi l'impact de la coutume
peut avoir une forte ou une faible incidence sur le devenir comportemental de
la fille.
En ce qui concerne les attributions des rôles sociaux
aux femmes, la place de la femme dans la société peut être
existante ou non, l'appréciation de son statut au sein du groupe
positive ou négative, la manière de lui transmettre les valeurs
peuvent être objectives ou subjectives, la justification
idéologique de la manière de lui transmettre les valeurs peuvent
être cohérentes, c'est-à-dire logiques ou
incohérentes.
Pour ce qui est des préjugés d'ordre
traditionnels, les discriminations peuvent être soit communément
partagées, soit individuelles ; aussi, l'acceptation varie à
des degrés différents. Ainsi, pour une fille qui échoue
par exemple, elle peut être soit bien acceptée, soit moyennement
acceptée ou pas du tout acceptée par ses parents au
détriment du garçon. Les modèles de personnalité
attendus de la femme peuvent être soit subjectif, soit objectif, compares
au reste des membres de son groupe social d'appartenance.
2.5.1.2.2- La variable dépendante.
Notre variable dépendante est restée telle
qu'elle a été formulée à savoir:
achèvement du cycle primaire par les filles. Les données que
contiennent cette variable (indicateurs, modalité) sont
consignées dans le tableau ci-après.
Tableau N0 2 :
Opérationnalisation de la variable dépendante
Variable dépendante
|
Indicateurs
|
Modalités
|
Achèvement du cycle primaire par les filles
|
-Accès en dernière année du cycle
primaire (CM 2).
|
-bon ;
-mauvais
|
-obtention du Certificat Etudes Primaires(CEP).
|
-obtenu (oui) ;
-pas obtenu (non)
|
En ce qui concerne la variable dépendante, au regard
de ce tableau, l'arrangement fait ressortir les variables, les indicateurs et
les modalités à partir desquels nous avions isolé des
équivalents empiriques. Ainsi, l'on peut observer l'achèvement du
cycle primaire en termes d'accès au CM 2. Cet accès varie en
fonction de l'objet d'étude (achèvement du cycle primaire) et
peut être bon ou mauvais. Il est dit bon lorsque les filles connaissent
un parcours normal, sans interruption d'études de quelque ordre que ce
soit. Il est mauvais lorsque les filles n'atteignent pas la fin de leur cycle
et abandonnent leurs études à mi-parcours.
Lorsque la fin du cycle primaire par le sujet est
sanctionnée par l'obtention du CEP, l'on peut dire que
« oui », le sujet a achevé la
scolarisation. Par conséquent, lorsque le sujet termine son cycle sans
toutefois obtenir son CEP, alors en ce moment, l'on peut dire que
« non », le sujet n'a pas achevé le
cycle.
2.6- Tableau récapitulatif de l'ensemble
formé par les questions, les hypothèses, les variables, les
indicateurs et les modalités.
Question générale
|
Questions de recherche
|
Hypothèse générale
|
Hypothèses de recherche
|
Variables
|
Indicateurs
|
Modalités
|
Existe-t-il un lien significatif entre les
stéréotypes sociaux et l'achèvement du cycle
primaire de la jeune fille?
|
QR1
|
Existe-t-il un lien significatif entre les croyances ayant des
fondements religieux (coran) qui guident les jugements de groupe sur la femme
et l'achèvement du cycle primaire par les filles ?
|
Il existe un lien significatif entre les
stéréotypes sociaux et l'achèvement du cycle primaire par
les filles.
|
HR1
|
Il existe un lien significatif entre les croyances ayant des
fondements religieux (coran) qui guident les jugements de groupe sur la femme
et l'achèvement du cycle primaire par les filles
|
VI
|
Croyances ayant des fondements religieux (coran) qui guident
les jugements des groupes sociaux sur la femme
|
1
|
Mode de jugement des groupes sociaux sur les femmes
|
-collectifs
-individuels
|
2
|
Opinion du milieu sur la fille
|
-significatif
-non significatif
|
3
|
Impact de la coutume sur le statut de la fille
|
-fort
-faible
|
4
|
Perception du groupe vis-à-vis de la femme
|
-positive
-négative
|
5
|
Perception de soi (ce que la femme pense
d'elle-même).
|
-valorisante
-dévalorisante
|
VD
|
Achèvement du cycle primaire par les filles
|
1
|
-Accès en dernière année du cycle
primaire (CM 2).
|
-bon ;
-mauvais.
|
2
|
Obtention du certificat d'Etudes Primaires(CEP)
|
-Oui (obtenu)
-Non (pas obtenu)
|
QR2
|
Existe-t-il un lien significatif les attributions sociales
vis-à-vis de la femme et l'achèvement du cycle primaire par la
fille ?
|
HR2
|
Il existe un lien significatif entre les attributions des
rôles sociaux traditionnels aux femmes et l'achèvement du cycle
primaire par les filles
|
VI
|
Attributions des rôles sociaux traditionnels aux
femmes
|
1
|
La place de la femme dans la société
traditionnelle.
|
-existante
-inexistante
|
2
|
Appréciation du statut de la femme dans le groupe
|
-négative
-positive
|
3
|
Manière de transmettre les valeurs socialement admises
à la femme
|
-implicite
-explicite.
|
4
|
Justification idéologique des choix des valeurs
transmis à la femme.
|
-cohérent
-incohérent
|
VD
|
Achèvement du cycle primaire par les filles
|
1
|
-Accès en dernière année du cycle
primaire (CM 2).
|
-bon ;
-mauvais.
|
|
Obtention du certificat d'Etudes Primaires(CEP)
|
-Oui (obtenu)
-Non (pas obtenu)
|
Tableau No 3 : Récapitulatif
des questions, des hypothèses, des variables, des indicateurs et des
modalités.
Question générale
|
Question de recherche
|
Hypothèse générale
|
Hypothèse de recherche
|
Variables
|
Indicateurs
|
Modalités
|
IDEM
|
QR3
|
Existe-t-il un lien significatif les préjugés
d'ordre traditionnels guidant les jugements de groupe sur la femme et
l'achèvement du cycle primaire par les filles ?
|
IDEM
|
HR3
|
Il existe un lien significatif entre les
préjugés d'ordre traditionnels guidant les jugements de groupe
sur la femme et l'achèvement du cycle primaire par les filles.
|
VI
|
Préjugés d'ordre traditionnels guidant les
jugements de groupe sur la femme.
|
1
|
Discriminations (ex : la peur utilisée pour rendre
les femmes vertueuses).
|
-communément partagée ;
-individuelle
|
2
|
Acceptation (ex : la préférence de la
société traditionnelle pour les garçons au
détriment des filles).
|
-bien acceptée ;
-moyennement acceptée ;
-pas du tout acceptée.
|
3
|
Les modèles de personnalité attendus de la femme
(ex : une femme passive et dépendante est sexuellement plus
attirante par l'homme et elle est une bonne mère).
|
-objectif
-subjectif
|
VD
|
Achèvement du cycle primaire par les filles
|
1
|
-Accès en dernière année du cycle primaire
(CM 2).
|
-bon ;
-mauvais
|
2
|
Obtention du Certificat d'Etudes Primaires(CEP)
|
-obtenu (oui)
-non obtenu (non).
|
DEUXIEME PARTIE : CADRE METHODOLOGIQUE
CHAPITRE 3 : COLLECTE DE DONNEES SUR LE
TERRAIN.
Après avoir identifié l'objet de recherche aux
chapitres 1 et 2 précédents, la tâche consiste à
envisager les stratégies de vérification des hypothèses
que nous avons formulées. Nous allons décrire l'organisation de
notre étude telle qu'elle a été menée sur le
terrain. C'est la fonction que remplit ce chapitre, fonction qui consiste
à monter un dispositif expérimental. Ce dispositif
expérimental s'articule donc autour des axes suivants : le type de
recherche, la description du site d'étude, la population de
l'étude, l'échantillon et la technique d'échantillonnage,
la description de l'instrument de collecte et de mesure de données. A
cet effet, nous parlerons tour à tour du type de recherche, de la
description de notre population, de la constitution de l'échantillon, de
l'entretien, du guide d'entretien, du déroulement de l'entretien avec la
population cible et des techniques de traitement de données.
3.1-TYPE DE RECHERCHE
Cette étude est inscrite dans le paradigme
compréhensif de l'étude exploratoire qui recherche non pas
l'explication mais le sens des phénomènes sociaux car celles-ci
en cacheraient le sens. D'après Pourtois, Desmet et Lahaye (2006 :
8 ), « il utilise l'altitude
phénoménologique qui s'efforce d'expliciter le sens que le monde
objectif des réalités a pour les hommes dans leur
expérience quotidienne ». Pour comprendre le monde, il
faut donc saisir l'ordinaire et les significations attribuées par les
acteurs et chercheurs. En d'autres termes, ce paradigme cherche à
appréhender l'impact des stéréotypes sociaux sur
l'achèvement du cycle primaire par les filles. Nous avons combine
à ce paradigme compréhensif le paradigme descriptif qui cherche
à décrire les stéréotypes en ce sens que nous avons
essayé de faire un inventaire systématique des comportements des
jeunes filles au regard des stéréotypes sociaux. La recherche a
articule deux paradigmes illustrant aussi la recherche-action.
D'après OUELLET
(1999 :92), « elle vise la découverte
d'idées qui permettent de localiser un phénomène avant
d'en faire l'étude plus poussée ». Autrement dit,
c'est une démarche qui, par sondage d'opinions, constitue la
première étape à franchir avant de poursuivre une vraie
recherche plus quantitative. Ici, le chercheur construit une batterie de
questions qu'il soumet à un échantillon d'étude. Par la
suite, il collecte les données et analyse les opinions soit par la
statistique descriptive, soit par la statistique différentielle.
Cette recherche peut également s'inscrire dans le cadre
d'une recherche d'innovation dans la mesure où elle vise à
apporter au système en place une nouveauté. En effet, elle
s'avère intéressante dans la mesure où, à partir
d'elle, l'on peut développer un modèle permettant aux
garçons de soutenir leurs soeurs par un bon plaidoyer. Nous nous
appesantirons ainsi sur le modèle développé à
l'UNICEF qui consiste à beaucoup miser sur les garçons pour
éduquer les filles.
Cette étude a pour sites quelques écoles
primaires de l'arrondissement de Mora et les groupes organisés autour de
l'école tels que les APEE, les AME, le RECAMEF. Bien que le site soit
l'unité d'analyse de départ utilisé pour cette
étude, la recherche a également consisté à faire
des groupes organisés autour de l'école l'unité d'analyse
principale de l'étude.
3.2- PRESENTATION DU LIEU DE L'ETUDE.
La délimitation du cadre d'une
recherche obéit au souci de précision qui est l'un des principes
scientifiques. La présente étude est menée dans quelques
écoles primaires de l'arrondissement de Mora.
3.2.1- Données géographiques
La région de l'Extrême-nord se
limite au Nord par le Lac Tchad, au Nord-est par le Tchad, au Sud par la
région du Nord et à l'Ouest par le Nigeria. Cette région
est subdivisée en six départements répartis comme
suit : le département du Diamaré avec pour arrondissements
Maroua Ier, IIème et IIIème, le
département du Mayo-Danay avec pour arrondissement Yagoua, le
département du Logone et Chari avec pour arrondissement Kousséri,
le département du Mayo- Tsanaga avec pour arrondissement Mokolo et enfin
le département du Mayo-Sava avec pour arrondissement Mora. Nous nous
attèlerons à présenter dans une première
ébauche l'aspect physique pour enfin terminer par l'aspect humain.
3.2.1.1- Aspect physique.
Notre cadre d'étude se trouve dans l'arrondissement de
Mora qui a une superficie de 1847 Kilomètres et une altitude moyenne de
huit cent (800) mètres. Cette zone d'étude est située
à cheval entre les hautes terres et la plaine qui est le principal lieu
d'activité des populations. Les Monts Mandaras sont donc l'ensemble
constitué par ces hautes terres et cette plaine.
Selon les données chiffrées obtenus à la
sous-préfecture de l'arrondissement de Mora, la population de ce dernier
s'estime à cent dix-sept mil cinq cent trente quatre (117.534) habitants
pour l'année 2008. Cette population est inégalement repartie sur
l'ensemble de l'arrondissement ; certains espaces restant plus ou moins
vides d'hommes (zones enclavées, peu fertiles). Ces populations sont
organisées en chefferie traditionnelles (sultanats, lawanats). Il en
existe au total seize(16) dont quinze (15) sont du deuxième degré
et le sultanat de Mora qui est du premier degré.
3.2.1.2- Aspect humain.
L'aspect humain dénote de l'ensemble constitué
par les groupes ethniques, les langues parlées par ces groupes et les
différentes activités y afférentes.
Pour ce qui est des groupes ethniques, l'arrondissement de
Mora regorge de Mandaras qui sont majoritaires. A ces derniers s'imbriquent les
Mouktélé, les Podoko, les Mada, les Arabes-choa, les Kanuri
généralement appelés Sirata.
En ce qui concerne les langues parlées, les populations
utilisent généralement la langue Mandara, le Fulfulde,
l'arabe-choa ou le Sirataré pour communiquer avec les autres. Les
principales religions pratiquées par la population sont : l'islam
(religion dominante), le christianisme et l'animisme.
S'agissant des activités exercées par l'ensemble
de la population, celles que l'on peut relever sont : l'agriculture,
l'élevage et le commerce. Les lieux de ravitaillement sont les
marchés périodiques (Banqui à la frontière entre le
Cameroun et le Nigéria). Au terme des données
géographiques présentant les aspects physique et humain de
l'arrondissement de Mora, il convient à présent de faire un bref
aperçu sur sa carte scolaire.
3.2.2- Carte scolaire de l'arrondissement de Mora.
Au regard de la carte scolaire de l'arrondissement de Mora,
il ressort qu'il comporte vingt quatre (24) établissements scolaires
primaires repartis ainsi qu'il suit :
Ø Enseignement primaire public : 23
écoles ;
Ø Enseignement privé : 01 école.
Parmi ces écoles d'enseignement primaire, nous avons
choisi les écoles publiques de Mora Sultanat et Binawa pour y mener nos
investigations. Les raisons de ce choix s'expliquent par le fait que ces
écoles sont situées tour à tour au quartier habité
par les autochtones Mandaras, tous descendants de la famille du sultan (EP Mora
Sultanat) et à la périphérie de la ville (EP Binawa).
3.3-POPULATION DE L'ETUDE
Nous définissons la population comme l'ensemble des
personnes concernées par l'enquête, c'est-à-dire le
rassemblement de tous les cas qui répondent à un ensemble
détermine de caractères spécifiques. Dans la même
optique, Mucchielli (2009 :16) pense que la population de l'étude
ou univers de l'enquête est « l'ensemble du groupe humain
concerné par les objectifs de l'enquête ». La
population de cette étude est donc l'ensemble du groupe humain
concerné par les objectifs de la recherche. Ce groupe humain est
constitué des élèves, des leaders locaux et religieux, des
membres de la société civile, des groupes organisés autour
de l'école (APEE et AME), la responsable du RECAMEF à Garoua.
L'ensemble constitué par les élèves est subdivisé
entre deux sous-groupes : d'une part, nous avons un groupe
expérimental constitué des filles(06) en difficulté
d'apprentissage ; de l'autre un groupe apparié c'est-à-dire
semblable, similaire ou au mieux « groupe
témoin » constitué des garçons(06).
Ces deux groupes ainsi combinés ont donné
naissance à un groupe hétérogène. Cette population
hétérogène a été interrogée comme
informateur-clé tout au long de notre démarche. Le tableau
ci-après ressort l'ensemble de cette population.
Tableau n°4 : Répartition de la
population de l'étude du groupe témoin et du groupe
expérimental par sexe et par effectif.
Répartition par sexe
|
Nombre de personnes enquêtées
(ni)
|
Elèves filles
|
06
|
Elèves garçons
|
06
|
Total
|
12
|
Pour ce qui est de l'ensemble
constitué par les groupes organisés autour de l'école, il
fallait être membre d'une association en faveur des élèves,
Djaouro, Iman, Lawane, Sarkipawa, leader d'une Organisation Non
Gouvernementale. Combiné, l'ensemble de cette population a
été compilé dans le tableau suivant.
Tableau n°5 : Répartition de la
population de l'étude des groupes organisés autour de
l'école par sexe et par effectif.
Répartition par sexe
|
Nombre de personnes enquêtées
(ni)
|
Membres APEE
|
06
|
Membres AME
|
06
|
Leaders locaux et religieux
|
12
|
Membres de la société civile
|
12
|
Total
|
36
|
3.3.1-
JUSTIFICATION DU CHOIX DES SUJETS.
Cette recherche est une étude exploratoire qui vise
à comprendre un phénomène social à partir des
discussions de groupe d'une part, du questionnaire de l'autre. L'enquête
a été réalisée sur la base des entretiens
(individuels et de groupe) et des questionnaires. Nous avons eu au total 48
individus qui ont exprimé leurs avis et impressions. Deux variables ont
été considérées à savoir la
répartition des personnes enquêtées par sexe et par statut
socioprofessionnel. Combinées, elles nous ont permis de confectionner la
matrice ci-après. Le tableau suivant présente cette matrice.
Tableau no : Echantillon des focus group
par sexe et par statut socioprofessionnel.
Focus group
|
Statut socioprofessionnel
|
Masculin
|
Féminin
|
TOTAL
|
Groupe 1
|
Élèves
|
06
|
06
|
12
|
Groupe 2
|
Enseignants
|
06
|
06
|
12
|
Groupe 3
|
Leaders locaux et religieux
|
12
|
00
|
12
|
Groupe 4
|
Membres de la société civile
|
06
|
06
|
12
|
TOTAL
|
30
|
18
|
48
|
Organiser la récolte des entretiens sur la base d'une
matrice de ce type qui combine à la fois les deux ou les trois variables
potentiellement explicatives, nous a permis de récolter des
matériaux adéquats. Dans le cas ci-dessus, l'on a pu observer un
niveau des modèles tout à fait satisfaisant dans la mesure
où les espaces les plus flexibles ont été cernés
et battus en brèche.
Le choix de cette population est motivé pour plusieurs
raisons :
- les enfants sont les principaux bénéficiaires
de package de services de la part de leurs parents qui en sont les
mandataires. A ce niveau, l'enfant n'est qu'un ayant droit et par
conséquent, il est plus ouvert, réceptif et dit les choses de
façon claire et plus que les parents n'en pensent ;
- les membres des associations des parents
d'élèves (APEE et AME) sont les membres à part
entière de la communauté éducative ;
- c'est également une population cible auprès de
laquelle il convient de comprendre ce qui, de manière spécifique
engendre les survivances, c'est-à-dire des préjugés qui ne
disparaîtrons jamais.
3.3.1.1- Critères de sélection des
sujets
Pour sélectionner les sujets de
notre enquête, nous avons procédé par l'application de deux
principes : le principe d'inclusion d'une part, de
l'autre le principe d'exclusion. Nous avons juge ce procédé
judicieux pour la façon de collecter les données.
3.3.1.1.1- Le principe d'inclusion
Tous les sujets présentant les mêmes
caractéristiques que celles identifiables auprès de la
population-mère étaient favorables à la sélection.
Ainsi, pour figurer dans notre échantillon, il importait de remplir les
conditions suivantes :
- être élève et
régulièrement inscrit dans une école primaire de la
place ;
- être membre de l'APEE et de l'AME ;
- être membre de la société
civile ;
- être leader local ou religieux.
3.3.1.1.2- Le principe
d'exclusion.
Notre principe d'exclusion a été construite
à telle enseigne que tous les sujets ne présentant pas les
caractéristiques ci-dessus évoquées étaient exclus
de la sélection.
3.3.1.2 - Echantillonnage
et échantillon
L'échantillon de l'étude constitue la fraction
de la population sur laquelle nous avons effectué les investigations.
Selon Mucchielli (1988 :81), un échantillon « est une
partie d'une quantité permettant par son appréciation de
connaitre la totalité de la chose. On peut prélever ainsi un
échantillon de vin, de lait, de blé, de tissu ».
Autrement dit, un échantillon est la population miniaturisée de
la population mère ayant les mêmes caractéristiques. C'est
aussi un petit groupe ou un sous groupe des sujets prélevés dans
une population donnée aux fins d'y faire une étude.
Pour sélectionner les sujets de l'étude, nous
avons appliqué la technique d'échantillonnage
« par quotas » et par
« choix raisonné » (Depelteau, 2003 :
226). Cette technique d'échantillonnage ressemble à la technique
probabiliste de hasard stratifié, sauf que le chercheur choisit les
unités de l'échantillon selon des variables
prédéfinies plutôt que de se fier au hasard.
La première tâche consiste donc à
déterminer les variables retenues(le sexe, la profession,) et à
fixer des quotas pour chacune de ces variables. A la différence de la
technique de hasard stratifié, le choix des unités dans chaque
strate ne se fait pas au hasard, d'après une base de population car le
chercheur choisit lui-même les unités retenues dans
l'échantillon.
On aura sans doute compris qu'on utilise cette technique
d'échantillonnage lorsqu'on ne dispose pas d'une liste complète
des unités des strates retenues.
En effet, nous avons utilisé cette technique pour la
simple raison que nous l'avons trouvé simple à utiliser et aussi
très pratique. Il s'agit d'une technique empirique qui se fonde sur la
constitution de l'échantillon en demandant à quelques
informateurs de départ de fournir des noms d'individus pouvant faire
partie de l'échantillon. Puisque la recherche s'oriente sur un type de
phénomène qui se distingue des autres à savoir l'attitude
adoptée par une communauté donnée vis-à-vis de la
scolarisation de leurs enfants, aussi, notre attention s'est-elle
focalisée sur les acteurs de la communauté éducative
à savoir les élèves, les enseignants, les leaders locaux
et religieux, les membres de la société civile.
L'utilisation de cette technique se justifie donc par la
pertinence des choix raisonnés qui la sous-tendent. Ainsi,
l'échantillon retenu sera aussi pertinent que le choix raisonné
du chercheur. Cette technique est très utilisée par les adeptes
des méthodes qualitatives qui recherchent moins la
représentativité que l'exemplarité de leur
échantillon.
Tableau n°6 :
Echantillon de l'étude des personnes ressources.
Personnes ressources
|
Effectifs
|
(%)
|
Parents d'élèves
|
12
|
25
|
Elèves
|
12
|
25
|
Leaders locaux et religieux
|
12
|
25
|
Membres société civile
|
12
|
25
|
Total
|
48
|
100
|
Au regard de la distribution, il ressort que les pourcentages
de l'échantillon sont identiques à ceux de la population
d'étude 25% pour les parents d'élèves, 25% pour les
élèves, 25% pour les leaders locaux et religieux et 25% pour les
membres de la société civile. L'échantillon ainsi choisi a
priori est de 48 personnes.
3.4. INSTRUMENTS DE COLLECTE DES DONNEES :
L'ENTRETIEN SEMI-DIRECTIF.
La collecte des données concerne la
recherche d'informations relatives à l'étude. A cet effet, le
choix de l'instrument de la collecte des données doit dépendre
des critères, des facteurs précis parmi lesquels nous pouvons
citer la nature du problème posé par le sujet de recherche et le
type de sujet lui-même. L'outil que nous avons choisi pour la collecte de
nos données est l'entretien de groupes centrés ou focus group.
3.4.1- Définition du focus group.
Outil d'animation, le focus group est un entretien de
groupes centrés qui permet de fournir des informations qualitatives au
cours d'une discussion ciblée au sein d'un groupe nominal. Il s'agit d'un groupe de discussion
semi-structuré, modéré par un animateur neutre, qui a pour
but de collecter des informations sur un nombre limité de thèmes
définis à l'avance.
Cette technique d'entretien collectif repose sur la
dynamique de groupe, sans rechercher un consensus ou faire valoir un point de
vue. En effet, il ne s'agit pas d'imposer un questionnaire précis aux
individus réunis, mais de leur donner l'occasion d'exprimer leur
représentation de la réalité sociale, cette perception se
construisant au moment du discours, c'est-à-dire en réponse aux
interactions. La technique que nous avons choisie pour diriger notre focus
group est l'entretien semi-directif.
En effet, l'entretien est semi-directif ou
semi-dirigé dans la mesure où il n'est ni entièrement
ouvert, ni canalisé par un grand nombre de questions précises,
mais seulement orienté par des thèmes annoncés au
départ et qui s'y adaptent.
3.4.2- Justification du choix
de l'instrument.
Le groupe
focalisé est un instrument qui permet de montrer comment les gens
perçoivent la réalité sociale, comment et
pourquoi ils adoptent certains comportements. Cette méthode
permet ainsi de saisir toute la complexité du monde social que
l'on cherche à comprendre (représentations, attitudes et
comportements). Ces propos expliquent en quelque sorte
pourquoi nous avons choisi cet instrument.
En effet, les entretiens de
recherche n'ont pas été envisagés sous la forme de
rencontres individuelles, en tête à tête entre nous et le
sujet à interviewer. Nous avions envisagé une démarche
collective par la réunion de plusieurs sujets, c'est-à-dire la
technique des tables -rondes ou focus group. Cette technique a
été choisie en fonction des hypothèses
attestées.
L'entretien collectif ou focus group présente
des avantages en ce sens qu'elle suscite la réflexion, la discussion, la
contradiction et l'échange des idées et cela correspond à
la culture africaine ou toutes les situations de crise sont traités en
groupe, en communauté. En effet, le groupe crée une dynamique
interne plus forte que dans les entretiens successifs individuels.
L'entretien de groupe n'était donc pas
imposé au sujet de la recherche, mais correspondait à leur
contexte socio culturel. Notre objectif était donc d'identifier avec le
plus de précision possible les avis les plus adéquats, les plus
sensibles, mais aussi contradictoires des sujets interviewés. Dans cette
perspective, l'entretien individuel ne s'avérait plus pertinent.
L'analyse théorique a montré qu'il est
aberrant de faire un lien entre les manières de voir et de pensée
de l'individu comme s'il était coupé de son environnement. Il a
été donc souhaitable pour nous de recourir au focus group afin
que nous puissions avoir des avis clairs sur les attitudes hostiles à la
scolarisation des filles dans l'arrondissement de Mora. Le focus group
était mené sur la base d'un guide d'entretien constitué
d'un guide thème avec des questions préalablement
élaborées en fonction des hypothèses de recherche. Le
guide comprenait à cet effet une dizaine de questions
abordées.
3.4.3- Construction de l'instrument de collecte de
données.
La collecte des données s'est faite sur la base
d'un guide d'entretien. Dans cette optique, l'élaboration d'une
pré-enquête et d'un pré-test se sont avérées
d'une grande nécessité.
3.4.3.1-La pré-enquête
La pré-enquête a
consisté à construire l'objet de recherche autour de la question
principale de recherche. Cela a nécessité la mise en place d'une
série d'opération qui nous a permis la représentation
conceptuelle de notre travail. L'activité a abouti a la formulation des
hypothèses (hypothèse générale et
hypothèses de recherche) et la définition des variable (variables
indépendantes et variable dépendante). En effet, notre analyse
s'appuie sur les travaux de Heider(1958).
Cette théorie vise l'étude des mécanismes
par lesquels nous attribuons une cause à un comportement. Ce processus
appelé attribution permet à l'homme de construire une
représentation stable et cohérente de son environnement, de
décrire ce qui survient de façon économique au plan
cognitif, de déterminer ses anticipations et ses réactions
à l'égard d'un événement or ; la
réalité montre dans notre localité, qu'en dépit des
efforts déjà faits pour favoriser la scolarisation de la jeune
fille, l'éducation de cette dernière ne semble pas
répondre aux attentes de l'EPT (forum Dakar). Mais la
pré-enquête a été suivie d'un pré-test.
3.4.3.2- Le pré-test
Le pré - test de notre enquête était la
mise à l'épreuve les instruments. L'on peut à juste titre
dire que l'objectif recherché était seulement l'évaluation
des instruments, c'est-à-dire sa validité. Le pré-test de
l'étude n'avait en rien la prétention ni l'espoir de saisir
quelques aspects des objectifs de l'enquête. Il ne pouvait apporter aucun
résultat sur ces objectifs. Il était centré sur les
instruments tels le guide d'entretien.
Le pré-test était adressé à des
sujets appartenant à la population de l'enquête ultérieure.
Leur nombre était très restreint et variait entre dix (10) et
vingt (20). En effet, nous avons choisi les sujets qui tout en étant
typiques de l'univers de l'enquête pouvaient accepter de consacrer du
temps à répondre aux questions.
Le pré-test de cette étude a eu lieu à
l'école publique de Mora sultanat et à l'école publique de
Mora massif. Les problèmes ci-après ont été
identifiés concernant les éléments fonctionnels de
l'instrument :
1- la clarté et la précision des termes (exemple
les stéréotypes sociaux).
2- le testing de la forme des questions, notre guide
d'entretien comportait des questions à même contenu mais à
des formes différentes pour sonder l'action des automatismes de
défense (exemple : les croyances religieuses fondées sur le
coran) ;
3- le testing de l'introduction du guide d'entretien. Nous
avions fait le maximum d'effort pour être précis dans la
présentation des objectifs de l'enquête en utilisant des formules
que les sujets pouvaient facilement comprendre.
C'est pour cela que nous avons préféré
commencé par telle question et terminer par telle autre. Ainsi, au terme
de cette étape, nous avons été appelé à
élaborer notre guide d'entretien comme suit.
Les entretiens semi-directifs sont menés sur la base
d'un guide d'entretien constitué des différents
« thèmes-questions » préalablement
élaborés en fonction des hypothèses. Un guide d'entretien
comprend plusieurs « thèmes-questions » qui
seront abordes dans un ordre a chaque fois identique afin d'éviter que
la place du thème dans l'interview n'influence la qualité de la
réponse.
Les « thèmes-questions »
de cette étude regroupée par centre d'intérêt
sont :
Ø Premier centre d'intérêt :
croyances ayant des fondements religieux (coran) qui guident les jugements des
groupes sur la femme.
- modes de jugements des groupes sociaux sur la
femme ;
- opinion du milieu sur la fille ;
- impact de la coutume sur la fille ;
- perception du groupe vis-à-vis de la femme;
- perception de soi (ce que la femme pense
d'elle-même).
Ø Deuxième centre
d'intérêt : attributions des rôles sociaux
traditionnels à la femme :
- la place de la femme dans la société
traditionnelle;
- l'appréciation du statut de la femme dans le
groupe ;
- manière de transmettre les valeurs socialement
admises à la femme ;
- justification idéologique des choix des valeurs
sociales traditionnelles transmis à la jeune fille ;
Ø Troisième centre
d'intérêt : préjugés d'ordre traditionnels
guidant les jugements de groupe sur la femme :
- discriminations (ex : la peur utilisée pour
rendre les femmes vertueuses);
- acceptation (ex : la préférence de la
société traditionnelle pour les garçons au
détriment des filles);
- les modèles de personnalité attendus de la
femme (ex : une femme passive et dépendante est sexuellement plus
attirante par l'homme et elle est une bonne mère).
3.5- Administration du focus group.
Quand on parle ici de l'administration du focus group, l'on
fait référence au cadre du focus group, au rôle de
l'animateur du focus group, au déroulement du focus group et enfin
à la grille d'analyse des données du focus group.
3.5.1-
Présentation et description du cadre du focus group.
Le cadre dans lequel s'est déroulé le focus
group était la cour de l'école publique de Biwana et la salle des
fêtes de la commune rurale de Mora. Le principe à appliquer ici
consiste à rechercher la plus grande proximité possible. Il faut
dans cette optique veiller à ce que les sujets du focus group soient
installés dans un endroit qui ne les crispent pas mais, qui contribue
à les mettre à l'aise. Il s'avère donc nécessaire
d'instaurer un climat de convivialité.
3.5.2- Rôle de l'animateur du focus group.
Notre rôle a consisté à conduire la
discussion, à la liquider de sorte à éviter les effets de
leader ou les effets de timidité de certaines participantes. Il
s'agissait de veiller, mais de manière subtile, à ce que les
termes de références (centres d'intérêt) de notre
guide d'entretien soient tous bien abordés et ce, dans un ordre
séquentiel identique. Nous observions des périodes de pause
entre les discussions, périodes qui duraient de trente minutes à
une heure, soit pour prier, soit pour prendre des rafraîchissants.
3.5.3- Déroulement du focus group
Au niveau du déroulement des entretiens, nous avons
insisté sur l'approche participative. Les questions conçues sur
la base d'un guide ne faisaient pas l'objet de standard. Ceci revient tout
simplement à dire que lorsque nous posons une question, tous les
participants prenant la parole à tour de rôle donnaient leurs
avis. Nous avons fait une sorte de Brainstorming dans la mesure où tous
les avis étaient recueillis de manière discrète et
enregistrés à l'aide d'un dictaphone. L'objectif recherché
ici est celui d'extraire l'information dans une première ébauche
pour ensuite faire une analyse hors du cadre de l'entretien.
La première phase du focus group a d'abord
consisté à la préparation des différents groupes
avec lesquels nous allions passer les entretiens. A cet effet, nous nous sommes
d'abord présenté auprès des groupes organisés
autour de l'école et nous leurs avons fait part de nos objectifs. Nous
avons convenu ensemble du lieu de rencontre, de l'heure de début et de
l'heure de fin. La deuxième phase quant à elle a consisté
au déroulement direct du focus group. Lors de cette phase, nous avons
conduit l'entretien avec tout notre échantillon constitué. Les
thèmes sur lesquels nous avons débattus sont au nombre de
trois :
ü Thème 1 : croyances ayant
des fondements religieux (coran) qui guident les jugements des groupes sur
les femmes;
ü Thème 2 : attributions des
rôles sociaux traditionnels à la femme;
ü Thème 3 :
préjugés d'ordre traditionnels attribués à la
femme.
Cette étape a duré dix sept (17) jours. Elle a
débuté le 25 Mars 2010 pour s'achever le 10 Avril 2010.
3.5.4- Grille d'analyse de données du focus
group.
La grille d'analyse des données constitue une autre
façon de pratiquer l'explication des données qualitatives
permettant de vérifier, d'infirmer ou d'amender une hypothèse.
Ainsi, pour notre enquête sur le terrain, nous avons construit notre
grille d'analyse de données autour des indicateurs et des
modalités relevant de chaque centre d'intérêt.
Tableau no 7: Grille d'analyse de
données.
Premier centre d'intérêt
|
Thèmes
|
Indicateurs
|
Modalités
|
Croyances ayant des fondements religieux (coran) qui guident
les jugements des groupes sur la femme
|
0
|
1
|
2
|
3
|
4
|
5
|
Mode de jugement des groupes sociaux sur les femmes
|
|
|
|
|
|
X
|
Opinion du milieu sur la fille
|
|
|
|
|
X
|
|
Impact de la coutume sur la femme
|
|
|
|
|
|
X
|
Perception du groupe vis-à-vis de la femme
|
|
|
|
|
X
|
|
Perception de soi (ce que la femme pense d'elle-même).
|
|
|
|
X
|
|
|
Deuxième centre
d'intérêt
|
Attributions sociales traditionnelles vis-à-vis de la
femme
|
La place de la femme dans la société
traditionnelle
|
|
|
|
|
X
|
|
L'appréciation du statut de la femme dans le
groupe
|
|
|
|
|
X
|
|
Manière de penser des groupes sur les modes socialement
transmis à la femme.
|
|
|
|
|
|
X
|
Justification idéologique des choix des valeurs sociales
traditionnelles transmis à la jeune fille
|
|
|
|
|
|
X
|
Troisième centre
d'intérêt
|
Préjugés d'ordre traditionnels guidant les
jugements de groupe sur la femme
|
Discriminations (ex : le garçon est plus fort que la
fille)
|
|
|
|
|
X
|
|
Acceptation (ex : la préférence de la
société traditionnelle pour les garçons au
détriment des filles);
|
|
|
|
|
X
|
|
Les modèles de personnalité attendus de la femme
(ex : une femme passive et dépendante est sexuellement plus
attirante par l'homme et elle est une bonne mère).
|
|
|
|
|
X
|
|
Légende : 0=nul ; 1=faible ;
2=moyen ; 3= élevé ; 4= très
élevé ; 5=trop élevé.
3.6- TECHNIQUE DE DEPOUILLEMENT DE DONNEES.
Il est exclu que l'analyse soit réalisée sur la
base de simples notes écrites à la volée lors du
déroulement des focus group ou pire encore sur la base des souvenirs
mémorisés. Ces procédures n'ont aucune
légitimité scientifique. Les informations enregistrées
à l'aide du dictaphone ainsi que les prises de note allaient être
intégralement retranscrites pour ensuite être
présentées sous forme de tableau et être
analysées.
La question de l'analyse et de l'interprétation des
données issues des enquêtes qualitatives - dont la plus connue
est l'Analyse de Contenu - fait toujours débat. En effet,
l'approche interprétative s'attache à dégager les
résultats en fonction des réflexions et de la subjectivité
du chargé d'étude ou du chercheur autant que des données
elles-mêmes. Tel est le sens des récents travaux en sciences
sociales (Mucchielli, 2006, 2009).
Leur but est de mieux répondre à la
problématique de l'étude et d'obtenir des conclusions plus
près de la réalité. Un des objectifs de ce travail est de
montrer que les méthodes d'analyse qualitative sont nombreuses et que
différentes solutions méthodologiques existent. Un second
objectif est d'explorer les méthodes d'interprétation et
d'établir qu'il convient de mieux prendre en considération ces
nouvelles approches. Nous présentons tout d'abord l'ensemble des
méthodes d'analyse. Puis nous exposerons les méthodologies
d'interprétation et leurs procédures. Cette étude a repose
sur deux types d'analyse : l'analyse quantitative et l'analyse qualitative
de contenu.
3.6.1-
Méthode de traitement de données.
Même si l'approche
qualitative ne dispose pas des outils statistiques de l'approche quantitative,
il est impérieux de faire preuve de grande rigueur pour lire les
informations récoltées. En quelque sorte, il va falloir passer
ces multiples avis, opinions et représentations recueillies
auprès des sujets à travers des filtres de lecture. Il s'agit de
traiter les données récoltées. Cette opération
s'effectue principalement grâce à ce qu'il est convenu d'appeler
l' « analyse de contenu ». Ceci a
nécessité la construction d'une grille de cotation et d'une
grille d'analyse de données.
3.6.1.1- L'analyse de contenu : définition
L'analyse de contenu est généralement
définie comme un ensemble permettant de décrire tout contenu de
communication en vue de l'interpréter, une méthode empirique,
dépendante du type de « parole » que l'on
veut étudier et du type d'interprétation que l'on vise. En effet,
il n'ya pas de recettes toutes faites en analyse de contenu, tout dépend
des objectifs du chercheur, de ce qu'il veut démontrer, de ses
intuitions, et du type de document auquel il s'intéresse. L'analyse des
données qualitatives est la technique la plus répandue pour
étudier les interviews ou les observations qualitatives (Mucchielli,
2009). Elle consiste à retranscrire les données qualitatives,
à se donner une grille d'analyse, à coder les informations
recueillies et à les traiter. L'analyse décrit le matériel
d'enquête et en étudie la signification.
Cette méthode comporte plusieurs techniques dont nous
nous sommes appesanti sur l'une d'entre elles qui nous ont permis de traiter et
d'analyser nos données de façon qualitative.
3.6.1.2- Description de l'analyse de contenu
L'analyse de contenu est un ensemble d'instruments
méthodologiques de plus en plus raffinés et en constante
amélioration s'appliquant à des « discours »
extrêmement diversifiés et fondé sur la déduction
ainsi que l'inférence. Il s'agit d'un effort d'interprétation qui
se balance entre deux pôles, d'une part, la rigueur de
l'objectivité, et, d'autre part, la fécondité de la
subjectivité (Bardin, 1986). L'analyse de contenu s'organise autour de
trois phases chronologiques : la pré analyse, l'exploitation du
matériel ainsi que le traitement des résultats,
l'inférence et l'interprétation.
3.6.1.2.1- La pré analyse
Il s'agit de l'étape préliminaire d'intuition et
d'organisation pour opérationnaliser et systématiser les
idées de départ afin d'aboutir à un schéma ou
à un plan d'analyse. Cette phase a trois missions : le choix des
documents à soumettre à l'analyse, la formulation des
hypothèses ainsi que des objectifs et l'élaboration des
indicateurs sur lesquels s'appuiera l'interprétation finale. Ces
missions ne se succèdent pas obligatoirement de manière
chronologique mais sont très liées les unes aux autres. La
pré analyse ambitionne d'organiser l'information mais elle est
composée, elle-même, d'activités non structurées et
« ouvertes ». Pour mener à bien ses trois missions plusieurs
étapes traversent la phase de la pré analyse :
- le choix des documents, où on prend contact avec
divers matériaux possibles pour déterminer celui qui sera le
mieux à même de correspondre aux différents critères
en jeu ;
- la lecture flottante pour faire connaissance avec les
documents à analyser en laissant venir à soi les impressions et
certaines orientations ainsi que pour délimiter le champ
d'investigation, construire l'objet de la recherche. En présence des
données, il s'agit donc de les lire et de les relire pour tenter de bien
saisir leur message apparent.
3.6.1.2.2- L'exploitation du
matériel
Le but poursuivi durant cette phase centrale d'une analyse de
contenu consiste à appliquer, au corpus de données, des
traitements autorisant l'accès à une signification
différente répondant à la problématique mais ne
dénaturant pas le contenu initial. Cette deuxième phase consiste
surtout à procéder aux opérations de codage,
décompte ou énumération en fonction des consignes
préalablement formulées. Elle comporte deux étapes
clés :
- l'opération de catégorisation consiste en
l'élaboration ou en l'application d'une grille de catégories,
c'est-à-dire des rubriques rassemblant des éléments ayant
des caractères communs sous un titre générique, et en la
classification des données du corpus dans celles-ci. Il s'agit donc de
la classification d'éléments constitutifs d'un ensemble par
différenciation puis regroupement par genre (analogie) d'après
des critères définis afin de fournir, par condensation, une
représentation simplifiée des données brutes (Bardin,
1986).
- le codage/comptage des unités où on applique
les catégories au corpus et donc, où l'on remplit les grilles
d'analyse selon, d'une part, l'unité d'enregistrement retenue,
c'est-à-dire le segment déterminé de contenu que le
chercheur a décidé de retenir pour le faire entrer dans la grille
d'analyse et, d'autre part, l'unité de numération,
c'est-à-dire la manière dont l'analyste va compter lorsqu'il a
choisi de recourir à la quantification ; l'unité de
numération correspond donc à ce qu'il compte. Pour
Mucchielli (2006), toutes les méthodes qualitatives semblent mettre en
oeuvre des processus intellectuels communs.
Mucchielli (2006) a dégagé ces processus de
l'induction analytique, de la théorie ancrée, de l'approche
phénoménologique, de l'analyse structurale et de la
systématique des relations. A cet effet, Mucchielli (2006 :15)
pense que ces processus sont « faits à base de comparaison, de
généralisation, de mise en relation et de construction
corrélative d'une forme et d'un sens à travers l'utilisation des
autres processus ».
3.6.1.2.3- Traitement, inférence et
interprétation des données.
Lors de cette phase, les données brutes sont
traitées de manière à être significatives et
valides. Ainsi, des opérations statistiques simples, tels que, par
exemple, des pourcentages, permettent d'établir des tableaux de
résultats, des diagrammes, des figures, des modèles qui
condensent et mettent en relief les informations apportées par l'analyse
(Bardin, 1986). Ces résultats peuvent être soumis à des
épreuves statistiques et des tests de validité pour plus de
rigueur.
L'interprétation des résultats consiste à
prendre appui sur les éléments mis au jour par la
catégorisation pour fonder une lecture à la fois originale et
objective du corpus étudié. Cette phase de l'analyse de contenu
est certainement la plus intéressante puisqu'elle permet, d'une part,
à évaluer la fécondité du dispositif, et, d'autre
part, à déterminer la valeur des hypothèses.
Pour Bardin (1986 : 100) « les résultats
acquis, la confrontation systématique avec le matériel, le type
d'inférences obtenues peuvent servir de base à une autre analyse
ordonnée autour de nouvelles dimensions théoriques ou
pratiquées grâce à des techniques
différentes ».
3.6.1.3- La dimension qualitative de l'analyse de
contenu
La dimension qualitative dénote de l'analyse de contenu
des faits et avis que nous avons observé et enregistrés lors des
focus group. L'analyse de contenu est donc le type de recherche que nous avons
conduit à partir d'une grille a priori laissant transparaitre les faits
saillants et marquants des discours des sujets de l'enquête.
Dans le cadre de cette étude, nous avons insisté
sur la démarche hypothético-déductive. En effet, nous
avons réalisé l'analyse en cinq étapes. Cette partie
approfondit les principales étapes de l'Analyse de Contenu.
La première étape consistait à
recueillir, préparer, classer et évaluer le matériel
à analyser. La deuxième étape, quant à elle,
consistait à repérer les passages pertinents issus des
observations et des entrevues. L'objectif visé était de
repérer les indicateurs élaborés lors de
l'opérationnalisation du cadre théorique.
Au niveau de la troisième étape, il s'agissait
de sélectionner et de définir des codes, c'est-à-dire des
unités de classification des données recueillies. Les codes sont
au départ des mots, des expressions qui permettent de catégoriser
les indicateurs et qui renvoient dans le cadre d'une approche
hypothéticodéductive aux indicateurs du cadre théorique. A
titre d'exemple, le code pouvait être : adéquat,
inadéquat ; nul, bas, moyen élevé pour
apprécier un thème. En plus de se fier au cadre théorique
et à ses indicateurs, nous avons complété la liste des
codes en respectant le critère d'exhaustivité, de clarté,
d'objectivité, de pertinence, d'homogénéité et de
numérotation.
En ce qui concerne la quatrième étape, nous
avons codifié les instruments de collecte en numérotant toutes
les questions afin de rendre plus précis et pratique l'exploitation des
instruments. Ce travail de codage s'est fait à la main avec un stylo et
du papier. La cinquième étape a enfin consisté à
l'analyse et à l'interprétation des résultats. Le but
recherché était de corroborer ou de réfuter les
hypothèses de départ. Etant donné que l'analyse est
qualitative, nous avons porté notre attention sur les
énoncés révélateurs, dont la fréquence
d'apparition n'était pas nécessairement élevée,
mais qui nous semblait révélateur et pertinent pour corroborer ou
réfuter nos hypothèses de recherche, ou encore pour modifier nos
conjectures théoriques.
3.6.1.4- Transcription des résultats :
grille de dépouillement des données.
L'orientation que nous avons choisie pour la transcription de
nos résultats est la catégorisation. En effet, la
catégorisation selon Mucchielli (2009 :
17) « est une opération intellectuelle qui permet de
subsumer un sens plus général dans un ensemble
d'éléments bruts du corpus ou d'éléments
déjà traités et
dénombrés ».Cette opération a
consisté dans le cadre de l'étude à fournir des
réponses qui nous semblait important pour l'étude des
phénomènes à savoir les stéréotypes sociaux
et leurs influences sur l'achèvement du cycle primaire par les filles
dans l'arrondissement de Mora.
Les catégories que nous avons retenues sont les
rubriques ou classe (indicateurs) qui rassemblent un groupe
d'intérêt (centres d'intérêt) sous un titre
générique (par exemple les croyances). Le critère de
catégorisation a été par exemple les aspects marquants les
discours relatifs aux croyances, aux attributions sociales traditionnelles et
enfin aux préjugés. L'activité taxonomique (mesure) a
consisté à repartir les objets dans des cases ou tout simplement
des modalités. Pour catégoriser, la démarche a
consisté :
- premièrement à procéder à
l'inventaire, c'est-à-dire à l'isolement des
éléments du discours ;
- deuxièmement à classifier les faits de ces
discours, c'est-à-dire à repartir certaines organisations au
message en vue d'en faciliter l'interprétation. Le système de
catégorie n'était pas donné d'avance, mais elle a
été la classification analogique et progressive des
éléments. La procédure que nous avons adoptée est
celle de l'étude par tas (Bardin, 1986).
3.7- Tableau récapitulatif des questions,
hypothèses, variables, indicateurs, modalités, items, outils de
collectes et technique d'analyse de données.
Dans ce deuxième et dernier tableau
synoptique, il est question pour de ressortir les outils que nous avons utilise
pour collecter nos données. C'est aussi l'occasion de décrire la
méthode et technique d'analyse que nous allons utiliser pour traiter nos
données plus tard. Cela permet d'avoir un éclairage de la
démarche méthodologique. Telle est la fonction du tableau
récapitulatif ci-après.
Question générale
|
Questions de recherche
|
Hypothèse générale
|
Hypothèses de recherche
|
Variables
|
Indicateurs
|
Modalités
|
Items
|
Outils de collecte
|
Technique
D'analyse
|
Tableau no 9 : Récapitulatif
des questions, hypothèses, variables, indicateurs, items, outils et
technique d'analyse des données.
Existe-t-il un lien significatif entre les
stéréotypes sociaux et l'achèvement du cycle
primaire de la jeune fille?
|
QR1
|
Existe-t-il un lien significatif entre les croyances ayant des
fondements religieux (coran) qui guident les jugements de groupe sur la femme
et l'achèvement du cycle primaire par les filles ?
|
Il existe un lien significatif entre les
stéréotypes sociaux et l'achèvement du cycle primaire par
les filles.
|
HR1
|
Il existe un lien significatif entre les croyances ayant des
fondements religieux (coran) qui guident les jugements de groupe sur la femme
et l'achèvement du cycle primaire par les filles
|
VI
|
Croyances ayant des fondements religieux (coran) qui guident
les jugements des groupes sociaux sur la femme
|
1
|
Mode de jugement des groupes sociaux sur les femmes
|
-collectifs
-individuels
|
Q1
|
Guide d'entretien
|
Analyse de Contenu
|
2
|
Opinion du milieu sur la fille
|
-significatif
-non significatif
|
Q2
|
3
|
Impact de la coutume sur le statut de la fille
|
-fort
-faible
|
Q3
|
4
|
Perception du groupe vis-à-vis de la femme
|
-positive
-négative
|
Q4
|
5
|
Perception de soi (ce que la femme pense
d'elle-même).
|
-valorisante
-dévalorisante
|
Q5
|
VD
|
Achèvement du cycle primaire par les filles
|
1
|
Accès en dernière année du cycle (CM2)
|
-Bon ;
-Mauvais.
|
Q6
|
Rapport ZIP/UNICEF, 2008/2009
|
-
|
2
|
Obtention du CEP
|
- Obtenu
-Pas obtenu.
|
QR2
|
Existe-t-il un lien significatif les attributions sociales
vis-à-vis de la femme et l'achèvement du cycle primaire par la
fille ?
|
HR2
|
Il existe un lien significatif entre les attributions des
rôles sociaux traditionnels aux femmes et l'achèvement du cycle
primaire par les filles
|
VI
|
Attributions des rôles sociaux traditionnels aux
femmes
|
1
|
La place de la femme dans la société
traditionnelle.
|
-Existante
-Inexistante
|
Q7
|
Guide d'entretien
|
Analyse de Contenu
|
2
|
Appréciation du statut de la femme dans le groupe
|
-Négative
-Positive
|
Q8
|
3
|
Manière de transmettre les valeurs socialement admises
à la femme
|
-Implicite
-Explicite.
|
Q9
|
4
|
Justification idéologique des choix des valeurs
transmis à la femme.
|
-Cohérent
-Incohérent
|
Q10
|
VD
|
Achèvement du cycle primaire par les filles
|
1
|
Accès en dernière année du cycle (CM
2)
|
-Bon ;
-Mauvais
|
|
Rapport ZIP/UNICEF, 2008/2009
|
-
|
2
|
Obtention du CEP
|
-Oui (obtenu)
-Non (pas obtenu)
|
Tableau no 9 : Récapitulatif
des questions, hypothèses, variables, indicateurs, items, outils et
technique d'analyse des données.
Question générale
|
Question de recherche
|
Hypothèse générale
|
Hypothèse de recherche
|
Variables
|
Indicateurs
|
Modalités
|
Items
|
Outils de collecte
|
Technique
D'analyse
|
IDEM
|
QR3
|
Existe-t-il un lien significatif les préjugés
d'ordre traditionnels guidant les jugements de groupe sur la femme et
l'achèvement du cycle primaire par les filles ?
|
IDEM
|
HR3
|
Il existe un lien significatif entre les
préjugés d'ordre traditionnels guidant les jugements de groupe
sur la femme et l'achèvement du cycle primaire par les filles.
|
VI
|
Préjugés d'ordre traditionnels guidant les
jugements de groupe sur la femme.
|
1
|
Discriminations (ex : la peur utilisée pour rendre
les femmes vertueuses).
|
-communément partagée ;
-individuelle
|
Q11
|
Guide d'entretien.
|
Analyse de Contenu
|
2
|
Acceptation (ex : la préférence de la
société traditionnelle pour les garçons au
détriment des filles).
|
-bien acceptée ;
-moyennement acceptée ;
-pas du tout acceptée.
|
Q12
|
3
|
Les modèles de personnalité attendus de la femme
(ex : une femme passive et dépendante est sexuellement plus
attirante par l'homme et elle est une bonne mère).
|
-objectif
-subjectif
|
Q13
|
VD
|
Achèvement du cycle primaire par les filles
|
1
|
Accès en dernière année du cycle (CM
2)
|
-Bon ;
-Mauvais.
|
-
|
Rapport ZIP/UNICEF, 2008/2009
|
-
|
2
|
Obtention du CEP
|
-Oui (obtenu)
-Non (pas obtenu)
|
TROISIEME PARTIE : CADRE OPERATOIRE
A la suite des cadres théorique et
méthodologique, cette troisième et dernière partie de
notre travail permet de rendre compte de l'enquête réalisée
sur le terrain et de l'interpréter sur la base des arguments
théoriques annonces. Elle est composée de deux chapitres. Dans le
premier chapitre, nous allons d'abord présenter les résultats de
l'étude documentaire, ensuite nous procéderons à
l'identification des sujets enquêtés pour enfin terminer par la
présentation des résultats des focus group.
Dans le second et dernier chapitre de cette troisième
partie, nous allons procéder à l'interprétation des
résultats ainsi présentés. Ceci nous permettra de formuler
des recommandations desquelles peuvent découler des modèles pour
les recherches futures. Tels sont les éléments qui vont
constituer l'essentiel de cette dernière partie de notre
étude.
CHAPITRE 4 : PRESENTATION DES RESULTATS ET
SYNTHESE DES DONNEES EMPIRIQUES.
Après avoir collecté les données de
l'enquête au chapitre III, la tâche consiste maintenant à
procéder à la présentation des résultats et
à leur analyse. L'objectif visé ici est celui de corroborer,
nuancer voire même préciser la singularité et
l'originalité des résultats obtenus. C'est la fonction que
remplit ce chapitre dont les principales articulations sont : la
présentation des résultats et la vérification des
hypothèses de recherche qui se fera à partir de la
synthèse des données empiriques.
4.1- PRESENTATION DES RESULTATS
La présentation des résultats comporte deux
volets : l'identification des enquêtés et la
présentation thématiques des résultats.
4.1.1- IDENTIFICATION DES ENQUETES
L'identification des enquêtés
s'articule autour du genre. La présentation descriptive en tableau
s'accompagne de commentaires qui sont directement issues de l'observation des
résultats.
Tableau No10 : distribution des
pourcentages selon le genre.
Genre
|
Effectif
|
%
|
Masculin
|
30
|
62,5
|
Féminin
|
18
|
37,5
|
TOTAL
|
48
|
100,00
|
Cette distribution
présente les données relatives au genre. On y identifie plus de
sujets masculins (62,5%) que de sujets féminins (37,5%).
Tableau
no 11: Distribution des pourcentages selon la catégorie
socioprofessionnelle.
Statut social
|
Effectifs
|
(%)
|
Leader local
|
02
|
4,16
|
Ministre de culte
|
02
|
4,17
|
Djaouro
|
02
|
4,17
|
Leaders politiques
|
06
|
12,5
|
Membre de la société civile
|
12
|
25
|
Directeur d'école
|
02
|
4,16
|
Enseignants
|
10
|
20,84
|
Elèves
|
12
|
25
|
TOTAL
|
48
|
100
|
Au regard de cette
distribution, il ressort que la majorité des répondants se trouve
chez les enseignants (25 %), chez les élèves (25 %) et chez les
membres de la société civile (25 %). Les leaders politiques
viennent tout juste après avec un taux de 12,5 %, puis tour à
tour les ministres de culte (4,17 %), les djaouro (4,17%) et enfin les leaders
locaux (4,16 %). L'on peut dire qu'au regard des stéréotypes, la
présente distribution laisse transparaitre l'implication des acteurs des
différentes couches sociales, lesquels acteurs sont favorables ou
défavorables au processus de scolarisation des filles.
4.1.2-
PRESENTATION THEMATIQUE DES RESULTATS
La présentation et la description des
résultats suivent l'ordre du thème de l'étude et sont
repartis en trois centres d'intérêt : d'abord les croyances
ayant des fondements religieux (coran), ensuite les attributions sociales
traditionnelles vis-à-vis de la femme et enfin les
préjugés d'ordre traditionnels guidant les jugements de groupes
sur la femme. Ces résultats sont présentés en tableaux
suivis des commentaires.
4.1.2.1- Les croyances ayant des fondements religieux (coran)
qui guident les jugements des groupes sur la femme.
Tableau
n012 : Distribution des pourcentages selon ce que
pensent les enquêtés(es) sur le statut de la femme au regard des
croyances religieuses.
Mode de jugements des groupes sociaux sur la femme
|
collectif
|
individuel
|
Total
|
ni
|
%
|
ni
|
%
|
N
|
%
|
38
|
79,16
|
10
|
20,84
|
48
|
100
|
Au regard de ce tableau, il ressort que 79,16 % pensent que
les modes de jugements des groupe sociaux sur les femmes sont
« collectifs ». Sous un autre angle, 20,84% des membres
pensent plutôt que ce mode de jugement émane de chaque individu
selon ses convictions religieuses. Suivons les propos d'un membre du focus
group : « il ya une totale confusion entre la tradition
et la religion et une mauvaise interprétation des saintes
écritures.par exemple, les haoussas vivant entre la frontière du
Cameroun et du Nigeria qui sont même fortement ancré dans la
religion comprennent mieux le sens de l'école moderne, alors nous autres
qui n'avons fait que nous adonner à la religion islamique, pourquoi n'en
ferions-nous pas autant ? ».
Allant dans le même ordre d'idées, un sujet de
l'enquête s'exprime : « certains parents
préfèrent que leurs filles suivent une éducation islamique
car la crainte reste grande de voir l'éducation occidentale promouvoir
chez les filles des valeurs et un comportement qui est contraire aux normes
culturelles les croyances religieuses font que dans plusieurs pays, les parents
rejettent l'école publique qui, souvent véhicule des programmes
et des valeurs de type occidental ».
Opinion du milieu sur la fille
|
Significatif
|
Non significatif
|
Total
|
ni
|
%
|
ni
|
%
|
N
|
%
|
40
|
83,33
|
8
|
16,67
|
48
|
100
|
Tableau no 13 : Distribution de
pourcentage selon ce que les enquêtés pensent de l'opinion du
milieu sur la fille au regard des croyances religieuses.
Il ressort de ce tableau que 83,33 % des membres du focus
group pensent que l'opinion du milieu sur la fille est
« significatif » au regard de la religion islamique, la
fille est destinée pour le mariage, aussi 16,67 % pensent-ils que cette
opinion n'est pas « significative » car, d'après eux
la fille doit bénéficier des mêmes chances que le
garçon en matière d'éducation. Un interviewé
déclare à cet effet en se basant toujours sur un
hadith : Coran Sourate 6, verset 6
« privées d'intelligence: En quoi, reprit-il, O
Envoyé de Dieu, consiste l'infériorité de notre
intelligence et de notre religion? Est-ce que le témoignage de la femme
n'équivaut pas seulement à la moitié de celui d'un homme?
répliqua le Prophète. Certes, oui, dirai-je, à cause de
l'infériorité de leur religion. Occupantes de l'enfer:
Ah! Troupes de femmes, faites l'aumône, car on m'a fait voir que vous
formiez la majeure partie des gens de l'enfer...».
L'école, note un leader local, est toujours
perçue par les parents comme une source de libertinage pour les filles,
une menace pour la religion, une perte de temps, le lieu d'acquisition de
mauvaises habitudes, une source d'inquiétude pour le mariage, et pour la
famille.
Tableau n0 14: Distribution des
pourcentages selon ce que les enquêtés pensent de l'impact de la
coutume au regard des croyances religieuses.
Impact de la coutume sur la femme
|
Fort
|
Faible
|
Total
|
ni
|
%
|
ni
|
%
|
N
|
%
|
40
|
83,33
|
8
|
16,67
|
48
|
100
|
Au regard de cette distribution, l'on peut noter que 83,33 %
des membres du groupe que l'impact de la coutume au des croyances religieuses
est « fort ». Sous un autre cadre, 16,67 %
seulement soutiennent l'idée selon laquelle la fille a le droit d'aller
à l'école au même titre que son et pensent plutôt que
cet impact est « faible » au regard des
croyances religieuses. Les membres du groupe justifient leurs avis par les
propos suivants : « les apprennent la prostitution
à l'école. Voulez-vous donc que nous confions nos affaires
à une telle femme» ? A cette occasion, un leader local
affirme : « lorsqu'un parent envoie sa fille à
l'école, c'est pour lui ramener un diplôme et non un
« bâtard ». Il continue en disant :
« depuis que ma fille va à l'école des blancs, elle ne
veut plus participer aux tâches domestiques, si c'est cela que l'on
apprend à l'école des blancs, je préfère garder ma
fille auprès de moi ».
Tableau n015 : Distribution du
pourcentage selon ce que les enquêtés pensent du lien qui existe
entre les perceptions du groupe vis-à-vis de la femme au regard des
croyances religieuses.
Perceptions du groupe vis-à-vis de la femme
|
Positive
|
Négative
|
TOTAL
|
ni
|
%
|
ni
|
%
|
N
|
%
|
35
|
72,92
|
13
|
27,08
|
48
|
100
|
Au regard de cet tableau, 72,92 % des membres du groupe
attribuent une cause religieuse à la faible fréquentation
scolaire des filles et pensent le mode de perception du groupe vis-à-vis
de la femme est « positif». De l'autre
côté, 27,08 % pensent plutôt cette perception est
« négative » au regard des croyances religieuses.
Ils lui attribuent à cet effet une cause culturelle. Si l'on s'en tient
aux avis des uns et des autres, l'on peut relever que ces attributions sont
associées à des causes prédéterminées comme
la
culture ou les
clichés.
A cet effet, l'entretien avec la coordonnatrice du Recamef de
Mora s'avère révélateur : « par exemple
l'attribution culturelle des populations de Mora serait d'inférer au
fait que les mères qui font du commerce utilisent leurs filles pour
vendre les produits qu'elles fabriquent elles-mêmes à la maison.
La raison qui explique cela est qu'il serait mal vu par la
société et par leurs maris qu'elles sortent de chez elles. Par la
même occasion, la zone de Mora étant située à la
frontière entre le Cameroun et le Nigéria, la fille est
obligée d'accompagner sa mère les jours de marche de peur
d'être courtisée par les passants ou les
commerçants ».
Allant dans le même ordre d'idées, un membre de
la société civile corrobore : « la
manière de penser des groupes par rapport au pôle de diffusion de
l'information qu'on en fait selon son
accessibilité,
c'est-à-dire par leur traitement superficiel de l'information, montre
que les groupes socioculturels venant d'ailleurs( Kanuri, Mada, Haoussas par
exemple) ont plus de chance d'accéder à l'école moderne et
d'y rester au détriment des autochtones que sont les
mandaras ».
Perception de soi (ce que la femme pense d'elle-même)
|
Valorisante
|
Dévalorisante
|
Total
|
ni
|
%
|
ni
|
%
|
N
|
%
|
36
|
75
|
12
|
25
|
48
|
100
|
Tableau n0 16: Distribution de
pourcentage selon ce que la femme pense d'elle-même au regard des
croyances religieuses (coran).
En ce qui concerne ce que la femme pense d'elle-même,
il ressort de ce tableau que 75 % des membres du groupe réalisent le
fait que l'environnement dans lequel vivent les filles poussent les femmes a ne
plus se mettre en « valeur », 25 % des membres pensent
plutôt que cette perception de soi est
« valorisante ».En effet, cette tendance à
la dévalorisation de soi est imbriquée entre
l'environnement social et le comportement de certains parents vis-à-vis
de la scolarisation de leurs filles.
Bon nombre des sujets du groupe partagent cette
opinion : ce n'est pas que nous ne voulons pas envoyer nos filles
à l'école, mais nous ne faisons que mettre en pratique ce que
nous enseigne l'islam. Une fille musulmane n'a droit qu'à trois
sorties : elle sort du ventre de sa mère et grandit auprès
de ses parents ; à l'âge de se marier, elle sort de chez son
père pour rester chez son mari ; quand elle meurt, elle sort de
l'enclos de son mari pour être enterrée et ça, elles le
savent ».un autre sujet de l'enquête corrobore :
« une fille musulmane digne de ce nom ne doit pas connaitre ses
premières menstrues chez ses parents. Aussi, pour avoir de la valeur
dans une société comme la notre et ne pas finir `'vieille
fille'', il faut aller en mariage. Cela fait la fierté de la
famille ».
4.1.2.2- Les attributions des rôles sociaux
traditionnels aux femmes.
Tableau n0 17: Distribution des
pourcentages sur la place de la femme dans la société
traditionnelle.
La place de la femme dans la société
traditionnelle
|
Existante
|
Non existante
|
Total
|
ni
|
%
|
ni
|
%
|
N
|
%
|
34
|
70,84
|
14
|
29,16
|
48
|
100
|
Au regard de cette distribution, il ressort que 70,84% pensent
qu'il « existe » une place attribuée à
la femme au sein de la société traditionnelle contre 29,16%
qui la trouvent « inexistante ». En effet, cela s'explique
par le fait que les parents sont tentés de penser que la scolarisation
d'une fille constitue un élément perturbateur d'un certain ordre
établi. Pour la société traditionnelle, la femme est la
cellule reproductrice, c'est-à-dire donneuse de vie et
nourricière. Dans cette optique, elle doit inculquer à ses filles
des bonnes habitudes de travail et de savoir-vivre (laver la vaisselle, faire
le ménage, s'occuper de ses frères), à ses garçons
des techniques et des conduites de vie au travail (accéder aux prestiges
sociaux, préserver les intérêts de la famille, remplacer
valablement son père). Un membre du focus group s'exprime en ces
termes : « une fille scolarisée est moins soumise aux
décisions de ses parents concernant son avenir qu'une autre qui n'a pas
fréquenté l'école ».
L'appréciation du statut de la femme dans le groupe
|
Négative
|
Positive
|
Total
|
ni
|
%
|
ni
|
%
|
N
|
%
|
45
|
93,75
|
03
|
6,25
|
48
|
100
|
Tableau no 18: Distribution des
pourcentages quant à l'appréciation du statut de la femme dans le
groupe au regard des attributions des rôles sociaux traditionnels aux
femmes.
Dans ce tableau, nous remarquons que la majorité des
réponses des membres (93,25%) sont
« négatives » quant à
l'appréciation du statut de la femme contre 6,25 % seulement des autres
membres de l'enquête qui pensent plutôt que cette
appréciation est « positive ». De l'avis
des premiers enquêtés dont l'erreur d'appréciation est
sensible et par conséquent plus élevée (93,25 %), les
parents favorisent plus l'éducation des garçons que celle des
filles, cela à cause, avancent-ils des responsabilités futures
qui incombent à l'homme (rôle de chef de famille). Ecoutons
à cet effet ces propos de certains membres du groupe :
« l'on considère généralement, à tort
ou à raison que c'est l'homme qui doit bénéficier plus
d'opportunités afin qu'il puisse assumer son rôle de pourvoyeur de
la famille. Il faut dire que dans la culture Mandara, c'est l'homme qui
théoriquement, prend en charge les besoins de sa famille même si
dans la réalité ce rôle est beaucoup plus assuré par
la femme ».
Tableau no 19: Distribution des
pourcentages sur la manière de penser des groupes sur les modes
socialement transmis à la femme au regard des attributions des
rôles sociaux traditionnels aux femmes.
La manière de transmettre les valeurs socialement admises
à la femme
|
Implicite
|
Explicite
|
Total
|
ni
|
%
|
ni
|
%
|
N
|
%
|
09
|
18,75
|
41
|
81,25
|
48
|
100
|
En se référant aux données du tableau, il
ressort que 81,25 % des enquêtés pensent que la
manière de transmettre les valeurs socialement admises à la femme
sont « explicites » par contre 18,75 % pensent
plutôt que cette manière de transmettre ces valeurs
est « implicite ». A cet effet, un membre du groupe
s'exprime : « auparavant, dès l'âge de six(6)
à huit (8) ans, la petite fille commençait à être
initiée aux activités domestiques et ceux de production.
L'apprentissage se faisait généralement par mimétisme en
suivant la mère, le but était de pouvoir forger en elle des
capacités qui lui permettront plus tard d'assumer les rôles et le
statut attendus d'elle dans la société. L'initiation aux
activités domestiques et de production devient de plus en plus effective
vers 8-10 ans. La petite fille va puiser de l'eau avec sa mère,
l'accompagne au marché en portant les emplettes, allume et surveille le
feu de la cuisine, pile les condiments, s'occupe du jeune frère et de la
petite soeur, balaie, lave la vaisselle ».
Tableau no 20:
Distribution des pourcentages selon la justification idéologique
des choix des valeurs sociales transmises à la jeune fille au regard des
attributions des rôles sociaux traditionnels aux femmes.
Justification idéologique des choix des valeurs sociales
transmises à la jeune fille
|
Cohérent
|
Incohérent
|
Total
|
ni
|
%
|
ni
|
%
|
N
|
%
|
32
|
66,67
|
16
|
33,33
|
48
|
100
|
Au regard de ce tableau, 66,67% des membres du focus group de
sujets soutiennent l'opinion selon laquelle les attributions des rôles
sociaux traditionnels aux femmes ont une justification idéologique des
choix des valeurs sociales transmises à la jeune fille sont en parfaite
« cohérence », 33,33 % trouvent cela
« incohérent ». De leurs avis, dans la
société traditionnelle, la jeune fille était
initiée à son rôle de future gestionnaire de la vie
familiale, donc préparée à son futur rôle de
mère et à son statut d'épouse.
Toujours dans le sens du modelage de la jeune fille à
la future bonne mère et épouse qu'elle devra être, elle est
aussi éduquée à détenir certaines valeurs et
qualités telles la docilité, la patience et la soumission. En
effet, la petite fille est socialisée dans le respect des valeurs telles
que la pudeur. La jeune fille a conscience très tôt des attentes
de son conjoint. Un intervenant souligne, à ce propos,
que : « la jeune fille doit apprendre à
obéir son futur époux, elle ne doit ni discuter, ni disputer ses
prérogatives sociales de guide spirituel et chef de famille, elle doit
se soumettre à son autorité ». Il s'agit donc
d'initier la petite fille au pacifisme et à la continence verbale. Un
autre sujet du focus group, allant dans le même ordre d'idées
s'exprime : « le bon comportement conjugal est attendu de
toutes les femmes et doit être inculqué à la fille
dès son plus jeune âge. Or, de nos jours, l'on observe un certain
égarement de la part des filles qui sont instruites. Elles
n'obéissent plus aux valeurs ».
4.1.2.3- Préjugés d'ordres traditionnels
guidant les jugements de groupe sur la femme.
Discriminations
|
Communément partagée
|
Individuelle
|
TOTAL
|
Ni
|
%
|
ni
|
%
|
N
|
%
|
32
|
66,67
|
16
|
33,33
|
48
|
100
|
Tableau no 21: Distribution des
pourcentages selon les discriminations que se font les groupes au sujet de la
femme au regard des préjugés.
L'examen de cette distribution laisse apparaitre que 66,67%
des enquêtés trouvent « communément
partagées » les discriminations que se font les groupes au
sujet de la femme au regard des préjugés, 33,33 % trouvent cela
« individuel». Ecoutons les propos de l'un des membres des
focus group : « dans les mentalités, le
rôle dévolu à la jeune fille d'aujourd'hui, mère de
demain ne milite pas pour son épanouissement sur le plan
éducatif. Mère de famille, maîtresse de famille avec son
cortège de tâches écrasantes, productrice dans les champs.
La fille est préparée à assumer sa fonction dans son
milieu social qui est celle avant tout de responsable de la maison. Elle doit
assurer la continuité de la famille. Généralement sous
l'autorité de l'homme à qui elle doit soumission, la femme est
l'otage de l'homme soucieux de garder sa prééminence sur elle,
qui se traduit finalement par un privilège conféré par la
société ».
Si l'on s'en tient à de tels propos qui vont
à l'encontre de l'éducation des filles, l'on peut tirer la
conclusion selon laquelle, pour ces adeptes du conservatisme, l'école
détruit les coutumes établies et le respect dû aux
parents.
Tableau no 22: Distribution des
pourcentages selon l'acceptation par les groupes d'une fille au regard des
préjugés traditionnels.
Acceptation
|
Bien acceptée
|
Moyennement acceptée
|
Pas du tout acceptée
|
TOTAL
|
ni
|
%
|
ni
|
%
|
N
|
%
|
N
|
%
|
32
|
66,67
|
16
|
33,33
|
|
|
48
|
100
|
Au regard de ce tableau, la majorité des
enquêtés (66,67 %) trouvent qu'il ya
« adéquation » entre ce que pensent les gens et les
représentations abstraites socialement admises et attribuées
à la femme tels que le développement et la subsistance du
bien-être de la famille. Sous un autre angle, 33,33 % pensent
plutôt que cette manière de penser des groupes est
« inadéquat » à ces modes de
représentation.
La réticence des mères renforcée par leur
ignorance vient se greffer à cette panoplie d'obstacles en tout genre.
Dans cette optique, une enquêtée explique :
« étant illettrée, la mère ignore
l'intérêt des études de sa fille et est incapable
d'encourager ses efforts. Si la mère, qui représente la source de
formation prépondérante de l'imaginaire extérieur de
l'enfant est inculte, non seulement l'enfant ne pourra pas acquérir une
formation naturelle de base mais aussi la mère ne pourra pas lui
procurer une aide déterminante pour assimiler progressivement les
enseignements de l'école ».
Les modèles de personnalité attendues de la femme
(ex.une femme passive et dépendante sexuellement plus attirante par
l'homme et elle est une bonne mère).
|
Objectif
|
Subjectif
|
Total
|
ni
|
%
|
ni
|
%
|
N
|
%
|
45
|
93,75
|
03
|
6,25
|
48
|
100
|
Tableau no 23: Distribution de
pourcentages selon ce que pensent les enquêtés sur les
comportements discriminatoires à l'égard des filles et des femmes
au regard des préjugés.
Au regard de ce tableau, 93,25 % pensent que les
modèles de personnalité attendues des femmes au regard des
préjugés sont « objectifs », 6,25 % qui
trouvent ces modèles « subjectifs ». Eu
égard aux avis des uns et des autres, il ressort que ces comportements
discriminatoires encouragent certains parents (autochtones plus
précisément ceux de Mora Sultanat) à maintenir leurs
filles à leurs côtés.
Dans cette optique, un parent réagit en ces
termes : « quand ta fille te manque de respect ou se
comporte d'une manière désinvolte envers une personne adulte,
est-ce que c'est vraiment à 100% la faute des parents? L'école
occidentale développe des attitudes d'indépendance et la fille
pense par moment qu'elle est l'égale de l'homme ».
Allant dans le même ordre d'idées, un autre
membre du focus group donne son avis : « selon moi
les parents sont les premiers modèles et repères
de l'enfant. Les parents doivent inculquer le respect de
soi-même et de l'autre, les limites à ne pas franchir. Alors, moi
je pense que les filles doivent tout copier chez leurs mères car les
hommes de notre région n'aiment pas les épouses
émancipées. Une femme qui parle au même titre que les
hommes est dominatrice et il n'est pas bon pour une femme de dominer
l'homme ».
4.1.2.4- Achèvement du cycle primaire par les
filles
Tableau N0 24 : Distribution des
pourcentages selon l'âge à partir duquel les filles quittent
l'école.
Age
|
Oui
|
%
|
Non
|
%
|
Ensemble
|
%
|
11 ans
|
42
|
87,5
|
6
|
12,5
|
48
|
100,00
|
12 ans
|
46
|
95,84
|
2
|
4,16
|
48
|
100,00
|
13 ans
|
48
|
100,00
|
0
|
0,00
|
48
|
100,00
|
14 ans
|
37
|
64,52
|
11
|
35,48
|
48
|
100,00
|
15 ans
|
41
|
85,41
|
7
|
14,59
|
48
|
100,00
|
Source : nos enquêtes, 31 Mars 2010
à Mora
Au regard de la
distribution, l'on observe qu'entre onze et quinze (11-15) ans, les filles
quittent l'école. Mais, l'on peut noter qu'il y a des
variations :
- 11 ans (87,5%) ;
- 12 ans
(95,84%) ;
- 13 ans (100%) ;
- 14 ans
(64,52%) ;
- 15 ans (85,41%).
Les croyances culturelles négatives et les
stéréotypes sociaux développés à travers des
construits selon lesquels les filles doivent se limiter à des
tâches domestiques à la maison tandis que les garçons sont
autorisés à aller à l'école expliquent le
départ précoce des filles de l'école.
Sous
un angle beaucoup plus précis, il n'ya pas de valeur attribuée
à l'éducation d'une fille en raison du manque de modèles
féminins au sein des communautés, méfiance sur la valeur
de l'éducation dans l'autonomisation des filles et des femmes plus tard.
Dans cette optique, les communautés pensent que les filles deviennent
«gâtées» quand elles vont à
l'école et finissent par abandonner leur culture ou tomber enceintes. La
pauvreté des parents et de la société n'est pas non plus
à négliger car, cela mène les filles à un mariage
précoce et parfois même forcé.
De ce
qui précède, l'on peut relever une évidence : la
perception des facteurs tels que l'âge à partir duquel les filles
quittent l'école laisse sous-entendre que la fille est plus
exposée au non achèvement du cycle primaire que le garçon.
Tableau no
25 : Profil moyen de rétention par sexe de la ZIP.
Source : Rapport
d'Analyse des données statistiques de la ZIP, UNICEF 2008/2009 ;
p.38
Méthode pseudo
longitudinale
|
Grades
|
SIL
|
CP
|
CE1
|
CE2
|
CM1
|
CM2
|
Total
|
100,0%
|
83,8%
|
84,2%
|
77,9%
|
73,5%
|
66,8%
|
Filles
|
100,0%
|
84,9%
|
85,4%
|
79,4%
|
74,8%
|
66,6%
|
Garçons
|
100,0%
|
82,9%
|
83,2%
|
76,7%
|
72,3%
|
67,0%
|
Au regard de ce tableau, sur cent (100) enfants qui
sont entrés au cours SIL en 2008/2009, seuls soixante sept (67) parmi
eux parviendront au CM2 dans les six années à venir si les
conditions actuelles de scolarisation (taux de redoublement, taux
d'abandons...) restent inchangées.
En effet, la méthode pseudo longitudinale
(ou méthode zig zag) permet d'appréhender ce que sera
l'accès aux différentes classes pour les enfants qui viennent
d'entrer à l'école, et ce compte tenu des conditions actuelles de promotion entre les
classes.
Tableau no
26 : Taux d'achèvement en dernière année du primaire
et parité liée au sexe.
|
TAP du primaire par localité de la ZIP
|
Indice de parité lié au sexe par rapport
au TAP
|
Total
|
Filles
|
Garçons
|
Abong-Mbang
|
26%
|
26%
|
27%
|
0,93
|
Bertoua
|
41%
|
41%
|
40%
|
1,03
|
Douala III
|
81%
|
87%
|
76%
|
1,14
|
Douala V
|
93%
|
95%
|
91%
|
1,05
|
Garoua
|
70%
|
59%
|
81%
|
0,73
|
Guider
|
35%
|
22%
|
48%
|
0,46
|
Maroua
|
40%
|
36%
|
44%
|
0,82
|
Meiganga
|
45%
|
35%
|
55%
|
0,63
|
Mora
|
38%
|
27%
|
50%
|
0,53
|
N'Gaoundéré
|
56%
|
50%
|
62%
|
0,81
|
Yaoundé III
|
75%
|
502%
|
62%
|
0,81
|
Yaoundé V
|
81%
|
81%
|
81%
|
0,99
|
ZIP
|
60%
|
56%
|
61%
|
0,90
|
Source : Rapport
d'Analyse des données statistiques de la ZIP, UNICEF 2008/2009 ;
p.34
Au regard de ce tableau, il ressort que le taux
d'achèvement de l'ensemble de la ZIP est de 60%. Dans cette optique,
l'on peut relever le fait que moins de trois(03) enfants sur cinq(05) de la
population concernée (population de 11ans) sont en dernière
année du cycle (CM II).
Si dans l'ensemble, les garçons achèvent
mieux le cycle que les filles (IPS=0,90), ce n'est pas le cas de
l'arrondissement de Mora qui enregistre un IPS=0,53 avec un taux
d'achèvement de 50% pour les garçons nettement supérieur
à celui des filles qui est de 27% seulement. De ce qui
précède, nous pouvons émettre cette évidence :
sur cinq (05) enfants qui achèvent leur cycle, il ya à peine deux
(02) filles.
Le taux d'accès en
dernière année calculé par la méthode transversale
est l'indicateur retenu dans le cadre indicatif de l'Initiative Fast Track pour
pouvoir mesurer l'avancée vers la scolarisation primaire universelle.
4..2 -
Analyse des données empiriques
Au terme des analyses empiriques, nous avons mis en forme les
observations de ces résultats qui pouvaient surgir des tendances
manifestes sous forme de pourcentage. Ces pourcentages ou données
quantitatives ont fait surgir des tendances manifestes, des regroupements, des
oppositions, des paradoxes voire des cas singuliers.
Les enseignements que nous avons tirés de ces analyses
s'articulent autour des points essentiels. Ces points essentiels laissent
apparaître d'une part, les représentations des sujets en ce qui
concerne les croyances, les préjugés et les attributions sociales
traditionnelles, d'autre part, les facteurs favorables ou défavorables
au processus de scolarisation de la jeune fille.
L'analyse de ces
données empiriques nous a permis de voir que les déterminants de
l'achèvement du cycle primaire par les filles recensés
auprès des élèves (filles et garçons), des groupes
organisés autour de l'école, des structures en charge de
l'éducation de base sont significatifs.
Les
résultats ainsi obtenus nous ont permis d'établir un lien
significatif entre les croyances ayant des fondements religieux (coran)
vis-à-vis de la femme, les attributions sociales traditionnelles
vis-à-vis de la femme, les préjugés d'ordre traditionnels
guidant les jugements de groupe sur les femmes et l'achèvement du cycle
primaire par les filles.
En effet, dans l'Afrique traditionnelle de manière
générale, il existe encore des religions, des coutumes, des rites
et des moeurs qui restent largement favorables à la non scolarisation
des filles pour le simple fait qu'elles sont de sexe féminin
(Tchombe,2006).
Aussi, l'idée que l'on continue de se faire de se faire
de la femme est toujours rétrograde. Dans cette optique, il va sans dire
que les efforts déployés en vue de l'épanouissement de la
femme restent dans l'impasse en dépit de la volonté
affirmée des acteurs en faveur de la scolarisation de la jeune fille. Le
débat autour de la question de la fille n'est pas encore clos car ;
la coutume et les préjugés n'ont pas encore fini de renforcer les
croyances selon lesquelles la place de la fille est dans le foyer.
Dès lors, l'on comprend l'importance capitale qu'il
convient d'accorder à la lutte contre toutes les formes de
régression qui sont responsables du retard des filles ou au mieux de
leur non achèvement du cycle primaire. Dans cette optique, s'appesantir
sur les facteurs favorables ou défavorables au processus de
scolarisation de la jeune fille au regard de la revue de la littérature
paraît discutable.
En effet, il convient d'étudier minutieusement tous les
facteurs et éléments qui entrent dans l'analyse des tendances
discriminatoires de la jeune fille en matière de scolarisation où
il est question d'identifier ce qui explique la faible proportion des filles
qui atteignent la fin du cycle primaire. Les recherches consacrées
à la demande scolaire montrent que le problème d'accès des
filles ainsi que celui de leur survie à l'école reste complexe.
De ce qui précède, il ressort que les seuls
facteurs socio-économiques n'expliquent pas suffisamment le contexte
global de l'envoi à l'école et le maintien dans le système
éducatif pour tous les enfants d'une même famille. La
nécessité d'aller au-delà de ces facteurs se
révèle incontournable pour une meilleure compréhension de
la problématique des stéréotypes sociaux sur
l'achèvement du cycle primaire par les filles dans l'arrondissement de
Mora. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes propose de faire une
étude afin de comprendre les perceptions des groupes sur
l'éducation de leurs enfant.
De cette synthèse, il découle que les
difficultés d'achèvement du cycle primaire par les filles peuvent
se résumer sous les principales rubriques suivantes:
- les croyances ayant des fondements religieux (coran)
vis-à-vis de la femme;
- les attributions des rôles sociaux traditionnels aux
femmes ;
- les préjugés d'ordre traditionnels guidant les
jugements des groupes sur les femmes.
CHAPITRE 5 : INTERPRETAION DES RESULTATS,
PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS.
Après avoir présenté et analysé
les données du terrain au chapitre 4, la tâche consiste maintenant
à envisager l'interprétation de ces résultats,
c'est-à-dire à élargir le cadre des commentaires.
L'interprétation vise alors à corroborer, à nuancer voire
à préciser la singularité ou l'originalité des
résultats que nous avons obtenu. C'est la fonction que remplit ce
chapitre dont les principales articulations sont : l'interprétation
des résultats, les perspectives et les recommandations.
5.1- Interprétation des résultats.
La démarche interprétative des résultats
a pour cadre l'analyse des données de l'étude. La démarche
suit l'ordre des hypothèses de recherche.
5.1.1- Des croyances ayant des fondements religieux
(coran) guidant les jugements des groupes sur la femme et l'achèvement
du cycle primaire par les filles.
Pour aborder la relation entre les croyances ayant un
fondement religieux(coran) vis-à-vis de la femme et l'achèvement
du cycle primaire par la jeune fille de l'arrondissement de Mora, nous avons
pris en compte le mode de jugement des groupes sociaux sur la femme, l'opinion
du milieu sur la jeune fille, l'impact des coutumes sur la jeune fille, les
perceptions des groupe sur la femme et la perception de soi(ce que la femme
pense d'elle-même) au regard de l'accès au CM 2 et de l'obtention
du CEP.
Les enseignements du terrain révèlent que le
mode de jugement des groupes sociaux sur la femme est en adéquation avec
les croyances religieuses (79,16%) et que l'opinion du milieu sur la femme
selon la religion est favorable aux préceptes de l'islam (92,33% des
enquêtes le pensent). En effet, il est écrit dans le
Coran Sourate 6, verset 6 : « privées
d'intelligence: En quoi, reprit-il, O Envoyé de Dieu, consiste
l'infériorité de notre intelligence et de notre religion? Est-ce
que le témoignage de la femme n'équivaut pas seulement à
la moitié de celui d'un homme? répliqua le Prophète.
Certes, oui, dirai-je, à cause de l'infériorité de leur
religion. Occupantes de l'enfer: Ah! Troupes de femmes, faites
l'aumône, car on m'a fait voir que vous formiez la majeure partie des
gens de l'enfer...».
En ce qui concerne l'impact de la coutume sur la femme,
l'étude révèle que la coutume a un poids sur la perception
qu'on a de la femme (83,33% des sujets des focus group le pensent). En effet,
l'analyse révèle que l'école a tendance à
gâter les filles. Un leader local
affirme : « depuis que ma fille va à
l'école des blancs, elle ne veut plus participer aux tâches
domestiques, si c'est cela que l'on apprend à l'école des blancs,
je préfère garder ma fille auprès de moi ».
Pour comprendre ces propos, il convient de s'appuyer sur les analyses de
Tchombe (2006 :68-69) :
Quelques traditions au Cameroun pensent qu'une femme
passive et dépendante est sexuellement plus attirante à l'homme
et elle est une bonne mère. Ceci encourage les parents à ne pas
promouvoir les qualités d'être actives, dominantes et
indépendantes chez les jeunes filles. Ils ont peur que la
société donne une image masculine à ces filles. Tous ces
stéréotypes influencent négativement l'éducation
des filles.
L'on observe à travers cette analyse que le concept
traditionnel de la femme a toujours dominé leurs pensées dans les
aspects.
En effet, au moment où s'efface l'idée d'une
société intégrée, chaque individu désirant
être un acteur, désirant donner un sens à ses
expériences de vie, valoriser sa créativité et sa
singularité dans la culture de son milieu d'appartenance. Bref la femme
comme sujet avec sa personnalité et sa culture est au coeur des
situations socio-historiques. Ce désir implique sa résistance aux
logiques systémiques, au pouvoir, aux rôles imposes au
système et aux comportements attendus. Dans ce sens, la femme doit
lutter contre la logique de la domination en revendiquant sa liberté
personnelle, en affirmant son identité et son envie de liberté.
La femme comme sujet humain gère plusieurs logiques
d'actions (elle est élève, étudiante, épouse,
mère, avocate, leader politique etc....) et ne peut être seulement
réduite à ces intérêts et à ces rôles.
C'est pourquoi il convient d'aborder la problématique des pratiques
individuelles et collectives non pas en termes de rôle, mais en termes
d'expériences sociale.
Dans cette logique qui est à la base de
l'expérience sociale, la femme peut se constituer dans la mesure
où elle construit une action autonome et une identité propre.
Autrement dit, comme le souligne Gohier et Anadon
(2000 :21) : « chaque individu construit son
identité à partir de son expérience, de ses traditions
culturelles ainsi qu'à partir de la culture du groupe auquel il
appartient ». De ce qui précède, nous pensons que
ces deux dimensions à savoir individuelle et sociale doivent être
prises en compte en matière d'éducation de la jeune fille.
5.1.2- Des attributions des rôles sociaux
traditionnels aux femmes et l'achèvement du cycle primaire.
En examinant la relation attributions
sociales traditionnelles vis-à-vis de la femme et l'achèvement du
cycle primaire, nous avons identifié d'une part la place de la femme
dans la société, le statut de la femme dans le groupe, la
manière de transmettre les valeurs socialement admises a la femme et la
justification idéologique des choix des valeurs sociales transmis
à la femme, de l'autre l'accès au CM 2 et l'obtention du CEP.
Au regard de l'analyse empirique, il ressort que les
attributions sociales traditionnelles vis-à-vis de la femme sont
très saillants et variées :
- erreur d'appréciation du groupe :
93,75% ;
- manière de penser des groupes sur le mode socialement
transmis a la femme : 81,25% ;
-l'illusion que la société que la
société traditionnelle se fait de l'image de la femme :
70,84 ;
- la justification idéologique des modes socialement
transmis à la jeune fille : 66,67%.
Ces données empiriques confirment la théorie de
Kelley(1974) sur l'attribution. En effet, Kelley(1974) définit le
processus d'attribution comme une analyse de variances implicites et fait
l'hypothèse selon laquelle l'individu est un sujet naïf.
Le modèle de Kelley(1974) est centré sur le
processus de collecte et de traitement des informations permettant de conduire
une causalité interne ou externe. Au fait, l'individu ne cherche pas
toutes les informations nécessaires à un jugement valide.
L'explication quotidienne se fait dans le cas de l'étude à partir
d'un schéma causal dans un but d'économie cognitive.
Le schéma causal se définit comme un
raisonnement exact : « l'école gâte les
filles » et correspond à un répertoire de causes et de
leurs effets spécifiques. Dans le cas de l'étude, nous avons
observe que l'on a tendance à classer la femme après l'homme.
Tchombe (2006) révèle dans son analyse un
certain nombre de variables culturelles, psychologiques, religieuses ou
géographiques qui influencent non seulement l'accès des filles
à l'école, mais aussi leur maintien dans le système
éducatif afin d'achever un cycle primaire complet. Elle pense qu'il faut
un plaidoyer en faveur de la femme. Ce plaidoyer doit prendre la forme de
circulaire qui informe d'envoyer les enfants dès l'âge scolaire
à l'école. La réalisation d'un tel projet va engendrer des
résistances au sein des communautés car ; la relation est
apprise et acquise par les individus.
En d'autres termes, l'analyse laisse transparaitre que les
sujets de l'enquête utilisent leurs expériences sociales, leurs
croyances pour effectuer des attributions sur l'éducation de la jeune
fille. Les sujets font appel à des associations, à des relations
aux effets préétablis ; ce qui leur évite un travail
cognitif coûteux, une recherche complète des informations sur la
différenciation, la constance et le consensus.
L'existence des attributions causales sur la scolarisation de
la jeune fille suppose que les sujets utilisent des connaissances
antérieures à la scolarisation, à l'émergence d'une
certaine autorité cognitive chez le sujet. Dans cette optique, il n'ya
pas lieu d'accepter que la pensée traditionnelle et contemporaine
continuent de dévaloriser les caractéristiques et les
activités de la femme ou de la fille.
Ces activités font partie du travail cognitif qui
demande une autorité cognitive. De ce qui précède, l'on
peut émettre l'évidence selon laquelle le pouvoir cognitif de la
fille ou de la femme doit être posé très tôt afin de
lui permettre de fonctionner dans une position confortable et imposante de la
société.
5.1.3- Des préjugés d'ordre traditionnels
guidant les jugements de groupe sur les femmes et l'achèvement du cycle
primaire par les filles.
Pour aborder cette relation, nous avons identifié d'une
part la peur utilisée pour rendre les femmes vertueuses, le
développement et la subsistance du bien-être de la famille, les
comportements discriminatoires à l'égard des filles et des
femmes, bref, la domination masculine d'une part, de l'autre
l'achèvement du cycle primaire (accès au CM 2) par les filles
sanctionné par l'obtention du CEP.
Au regard de l'analyse empirique, il ressort que selon la
logique habituelle, les préjugés vis-à-vis de la femme
sont nombreux et varies. Ces préjugés résultent des
processus de socialisation marques par le fait que c'est à la
société qu'il revient de délimiter les fonctions, les
rôles et les statuts de l'individu et des membres.
En ce qui concerne par exemple la peur utilisée pour
rendre les femmes vertueuses, l'analyse révèle que près de
66,66% des membres des focus ont des représentations communes
vis-à-vis de cet aspect, vis-à-vis de cet item. Même si ce
score reste modéré, on peut identifier à travers ce
pourcentage des indices de violence symbolique qui ne semblent pas être
ici un simple endoctrinement.
L'on observe que le pouvoir traditionnel parvient à
imposer des significations (rendre les femmes vertueuses) et à les
imposer comme légitimes en dissimulant les rapports de forces qui sont
les fondements de cette force. Cette violence se traduit par un pouvoir, une
imposition sur les destinataires. Ce qui est imposé, ce sont des
significations, des rapports de sens.
D'emblée, on peut croire qu'il s'agit d'une violence,
d'un fait arbitraire, d'une part à cause du fait qu'elle contribue
à renforcer une inégalité sociale et culturelle entre
l'homme et la femme en privilégiant l'homme au détriment de la
femme, d'autre part parce qu'elle n'est fondée sur aucun principe
logique. C'est une violence symbolique culturelle, logique dans la mesure
où elle apparait comme destinée à certains(es), à
l'exclusion des autres et ayant une valeur reconnue par tous.
On peut reprendre ces propos des membres lors des focus
group : « dans les mentalités, le rôle
dévolu à la jeune fille d'aujourd'hui, mère de demain ne
milite pas pour son épanouissement sur le plan éducatif.
Mère de famille, maîtresse de famille avec son cortège de
tâches écrasantes, productrice dans les champs. La fille est
préparée à assumer sa fonction dans son milieu social qui
est celle avant tout de responsable de la maison. Elle doit assurer la
continuité de la famille. Généralement sous
l'autorité de l'homme à qui elle doit soumission, la femme est
l'otage de l'homme soucieux de garder sa prééminence sur elle,
qui se traduit finalement par un privilège conféré par la
société ».
S'agissant par exemple des représentations abstraites
socialement admises et attribuées à la femme, en l'occurrence le
développement, la subsistance du bien-être de la famille, on
repère la même logique à savoir que l'éducation de
la femme consiste à faire d'elle le sujet de l'intérieur. La
destination de l'éducation des filles, c'est la famille.les filles
commencent les taches plus tôt dans leur vie que les garçons. Les
données empiriques ont tendance à confirmer cette assertion.
En effet, plus de 66,67% des sujets de l'enquête ont une
perception y afférentes. Ce ci semble constituer ce que Bourdieu(1974)
appelle l'habitus. Selon Bourdieu(1974), l'agent agit parce qu'il est
agi sans le savoir, par un système d'habitus
c'est-à-dire un système de dispositions à agir,
apercevoir, à sentir et à penser d'une certaine façon,
dispositions intériorisées et incorporées par les
individus au cours de leur histoire. Cet habitus se manifeste par le
sens pratique c'est-à-dire l'aptitude à se mouvoir, à agir
et à s'orienter selon la position occupée dans le champ social et
dans la situation à laquelle on est impliquée. Tout cela se fait
sans recours aux dispositions acquises fonctionnant comme des automatismes.
Dans le cas de l'étude, l'habitus est le
produit des conditionnements qui tendent à reproduire la logique
objective, cet habitus a pour caractéristique d'être
durable, transposable et exhaustif. En effet, la perception vis-à-vis de
la femme produit des effets structurants dans les actes, les pensées,
les sentiments et les attributions causales. A ce titre d'exemple, nous pouvons
nous référer dans le Coran Sourate 4 verset
4 à travers ces propos :
Les hommes ont autorité sur les femmes, en
raison des faveurs que Dieu accorde à ceux-là sur celles-ci, et
aussi à cause des dépenses qu'ils font de leurs biens. Les femmes
vertueuses sont obéissantes (à leurs maris), et protègent
ce qui doit être protégé, pendant l'absence de leurs
époux, avec la protection de Dieu. Et quant à celles dont vous
craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous
d'elles dans leurs lits et frappez-les.!(BDSL).
Cet autre verset tiré du Coran semble aussi
significatif que le précédent: « lorsqu'on annonce
à l'un d'entre eux la naissance d'une fille, son visage noircit et il
suffoque de colère contenue. Il ne se montre plus aux gens, par suite du
malheur annoncé, partagé entre l'idée de garder une fille
venant de naître, malgré le déshonneur et celle de
l'ensevelir dans la poussière. Leurs préjugés ne sont-ils
pas ignobles? (Verset 58-59 d'En-Nahl).
Ainsi, le système de dispositions agit comme principe
générateur et organisationnel des représentations qui
peuvent être objectives et adaptées à leur but sans
supposer la visée consciente des fins et la maîtrise expresse des
opérations nécessaires pour les atteindre.
De ce fait, les pratiques sociales des
stéréotypes sociaux sur la femme apparaissent objectivement
répétées et régulières.
5.2- Perspectives.
Au regard de ce qui précède, on peut envisager
le changement des attributions de longue date que l'individu peut faire sur
lui-même ou que le groupe peut faire sur l'individu.
Les parents et les attitudes de la société
doivent changer. Il s'agit de favoriser la sortie de la femme de ce
système clos où l'on estime que les valeurs de la religion sont
opposées à celles de l'école, ce pourrait signifier qu'il
existerait un conflit de socialisation entre les instances de
l'éducation. L'on observe que les conflits de socialisation proviennent
de ce que les femmes se trouvent soumises aux instances contradictoires de ces
derniers. L'individu, au mieux la femme peut adhérer totalement à
l'un des groupes d'appartenance et dévaloriser les pratiques dans
l'autre groupe.
Le conflit entre socialisation familiale et socialisation
scolaire en offre ainsi l'illustration en ce qui concerne l'éducation de
la jeune fille. En fait, au-delà de ce qui pourrait apparaitre comme un
banal problème d'indépendance, d'autonomie, de liberté de
la jeune fille, on découvre sous-jacent un véritable rejet des
pratiques sociales. La femme adopte un comportement duel et fonctionne sur deux
registres différents selon les situations sociales comme elles se
trouvent. La jeune fille respecte les valeurs traditionnelles envers ses
parents et se compose un rôle d'adolescente émancipée au
milieu du groupe de pairs. Un tel clivage de comportement en fonction des
sphères d'activités est le plus difficile à soutenir sur
une longue période.
L'individu peut également rechercher des formules de
compromis entre les attentes des différents niveaux de socialisation. Il
adopte un comportement intermédiaire et essaie de diminuer le niveau
d'exigence de chaque milieu en faisant prévaloir l'impossibilité
dans laquelle il se trouve de répondre à des attentes de
rôle impossible.
Le conflit peut enfin induire le comportement de
déviance : alcoolisme, drogue, délinquance, suicide. On peut
ainsi expliquer la sur délinquance des jeunes filles issues de ce
milieu. Cette délinquance semble être une réponse
collective des problèmes rencontrés par les jeunes filles issues
de ces milieux qui sont en contradiction avec les valeurs scolaires.
Dans ce cas-là, voila ce cela pourrait avoir comme
impact sur la durée de la fille dans le système scolaire.
5.3- Recommandations.
Au terme de ce travail, il convient de dégager des
recommandations. En effet, l'école en général et la
scolarisation de la jeune fille en particulier se trouve inscrite dans une
logique où il est important de comprendre comment utiliser l'esprit,
comment se comporter avec l'autorité bref comment traiter les autres,
aussi convient-il de suggérer quelques recommandations d'abord, aux
appareils idéologiques de l'Etat, ensuite à l'ensemble de la
communauté éducative et enfin à l'endroit de la jeune
fille.
5.3.1- Recommandations aux appareils idéologiques de
l'Etat.
A ce niveau, il convient d'exhorter les pouvoirs publics, les
ONG nationales et internationales à continuer d'oeuvrer inlassablement
pour faire reculer davantage les frontières de l'ignorance en vue de
permettre une meilleure scolarisation des filles dans l'arrondissement de Mora,
par conséquent leur maintien dans le système scolaire.
Toutes ces actions entreprises permettront aux filles
d'achever leur cycle primaire au même titre que les garçons. Pour
ce faire, le Minedub à travers ses services déconcentrés
(DDEB, IAEB) doit :
- faire en sorte que les écoles deviennent des milieux
vie pour tous les enfants en âge scolaire et surtout les filles ;
- travailler en synergie avec les leaders locaux et religieux
en ce qui concerne le processus de solarisation de la jeune fille en termes de
survie dans le système éducatif ;
- mettre sur pied un mécanisme de motivation à
base communautaire durable (à adresser à la
communauté) ;
- tenir compte de la place de la fille dans le design
de l'éducation.
5.3.2- Recommandations à l' endroit de la
communauté éducative
Compte tenu du rôle capital que la communauté
éducative joue tant sur le plan social que pédagogique dans
l'encadrement et le succès scolaire des jeunes afin de faciliter leur
insertion socioprofessionnelle, il convient au terme du constat qui vient
d'être fait de :
- sensibiliser les parents ainsi que les communautés
sur la nécessité de scolariser leurs enfants surtout les filles
et de les maintenir dans le système scolaire;
- renforcer la scolarisation des filles par des mesures
spécifiques telles que la mobilité sociale entre
l'école et la famille car l'enfant reçoit de sa famille des
habitudes, un système de valeurs, des croyances et des modèles
d'action;
- prendre en compte de façon meilleure les
problèmes spécifiques au genre dans les curricula, la formation
initiale et continue des enseignants ;
- faire comprendre aux parents que l'éducation est une
sorte d'aide apportée à des jeunes êtres humains afin
qu'ils apprennent à utiliser les outils d'élaboration de la
signification et de construction de la réalité. Ceci leur
permettra de parvenir à mieux s'adapter au monde dans lequel ils se
trouvent et pour les aider à lui apporter des améliorations qu'il
requiert ;
- montrer aux enseignants que la pédagogie moderne tend
de plus en plus vers une conception selon laquelle l'enfant pourrait être
conscient de ses propres processus de pensée et selon laquelle il est
essentiel, pour le théoricien de la pédagogie et pour
l'enseignant, d'aider l'enfant à devenir métacognitif, à
être de plus en plus conscient de la manière dont il mène
son apprentissage et sa pensée, du moins autant qu'il l'est de la
discipline qu'il est en train d'étudier ;
- susciter, par le plaidoyer, l'éveil de conscience et
le consensus du public sur les avantages sociaux et économiques de
l'éducation des filles ;
- entreprendre et soutenir des programmes de
démonstration par des interventions sur les terrains dans le but de
favoriser la participation des filles à l'éducation ;
- habiliter les filles, par l'éducation pour une
participation efficace à la création d'une société
équitable ;
- nouer et entretenir le partenariat avec les gouvernants, les
donateurs, les universités, les ONG, les communautés et les
autres partenaires du secteur éducatif, pour mieux asseoir les
programmes mis en oeuvre pour réformer l'éducation ;
- encourager les filles à se maintenir durablement dans
le système éducatif ;
- renforcer et étendre des structures d'accueil
offrant une seconde chance de scolarisation aux filles non scolarisées
ou déscolarisées (centres d'écoute et brigade de
dénonciation).
5.3.3-
Recommandations à l' endroit de la jeune fille
Les présupposés modèles
socio-éducationnels dénoncés ci-dessus ont amené
les femmes à adopter, puis à garder un comportement peu
compatible avec la nature de la société qui va galopante et
changeante.
En effet, beaucoup de femmes y compris celles qui ont de
solides capacités intellectuelles et morales, renoncent à
entreprendre et à créer alors que l'esprit d'entreprise et de
créativité est le maître-mot dans notre
société actuelle. Cette attitude reflète un esprit
défaitiste constaté notamment chez beaucoup de jeunes filles qui,
après un premier échec scolaire, ont tendance à abandonner
leurs études ou encore, après avoir reçu un enseignement
élémentaire, renoncent à se perfectionner. Aussi,
convient-il aux filles :
- de croire en leur capacité, en leur valeurs
indéniables et incontestées ;
- de cesser de se croire inférieure à
l'égard de leur alter ego masculin ;
- de faire comprendre aux filles que le mariage n'est pas une
fin en soi car, pour preuve, même étant mariée la fille
peut continuer de fréquenter normalement l'école ;
- de tenir compte du fait que le bon plaidoyer peut se faire
du côté des garçons qui sont les successeurs
écoutés par les parents.
Achèvement du cycle primaire par les filles
*stéréotypes sociaux :
*développement des préjugés ;
*environnement social ;
*préférence parentale ;
*surcharge des travaux domestiques.
*perte de confiance en soi ;
*abandons en cours de cycle ;
*non achèvement du cycle primaire ;
*mariage précoce, forcé.
Etat (DDEB, IAEB)
- Travailler en synergie avec les leaders locaux et
religieux ;
- Mettre sur pied un mécanisme de décentralisation
des interventions au niveau des communautés.
FILLE
Fille
- Croire en ses capacités ;
- Comprendre que même étant mariée, elle
peut continuer ses études
- Solliciter un plaidoyer de la part de ses frères
auprès des parents pour la poursuite de ses études car ils sont
les successeurs écoutés par les parents.
Partenaires techniques et
financiers(UNICEF)
- Résoudre les problèmes par ordre de
priorité ;
- Développer des recherches-actions ;
- Vulgariser le modèle développé qui
consiste à beaucoup miser sur les garçons pour éduquer la
fille.
LEGENDE
*Causes, manifestations du problème.
- Actions entreprises pour résoudre ce problème
(axes résolutifs)
: Interaction entre les acteurs (axe explicatif)
Communauté Educative
- Sensibiliser les parents ;
- Favoriser la mobilité sociale entre
la famille et l'école sur les systèmes de valeurs, de
croyances ;
- tenir compte de l'opinion de la
communauté sur les stratégies de sensibilisation ;
- impliquer la société civile
dans la planification que l'éducation.
Schéma : Modèle explicatif
et résolutif de la pertinence du dispositif mis sur pied pour le
changement d'attitude vis-à-vis du processus de scolarisation des filles
dans l'arrondissement de Mora.
CONCLUSION GENERALE
Les questions ci-dessus soulevées nous amène
à aborder la problématique des enjeux de la scolarisation de la
jeune fille au regard des perceptions sociales. Nous nous intéressons
ainsi à l'achèvement du cycle primaire par la jeune fille au
regard des stéréotypes sociaux. En effet, tout le monde
accrédite l'idée que la scolarisation est un droit autant pour
les garçons que pour les filles (Tchombe, 1993,2006 ; Matchinda,
2006,2008 ; Mapto Kengne, 2006). L'amélioration de la scolarisation
des filles s'inscrit cette optique pour atteindre les objectifs de l'EPT. Cette
scolarisation est un pas vers l'égalité, l'équité
et la qualité entre les sexes.
Or, les recherches actuelles sur le sujet (Matchinda
2006,2008) montrent qu'il existe encore des variables qui entravent de
façon significative l'achèvement du cycle primaire par les filles
(UNICEF 2008/2009). Dans l'arrondissement de Mora par exemple, le Taux
d'Achèvement du Primaire (TAP) de la jeune fille contrairement au
garçon (50%) est de 27%. On peut observer que si dans l'ensemble les
garçons achèvent peu à peu le cycle primaire dans la
localité de Mora, ce n'est pas toujours le cas pour celui de la jeune
fille. Environ sept (07) filles sur dix(10) ne parviennent pas toujours
à terminer le cycle primaire dans cette localité (UNICEF
2008/2009).
Cette analyse permet de comprendre que les membres d'un groupe
partagent des croyances, des idées, des valeurs en un mot des
représentations. Ces représentations sont socialement
partagées et inculquées par toutes sortes d'institutions :
l'école, la famille, l'Eglise, les associations, les medias (Bourdieu
1974, Tchombe, 2006). On observe dès lors que vis-à-vis de la
femme, il ya un processus de construction de ses rôles, statuts et
attributions qui n'est pas le même dans tous ces milieux de
socialisation, ce qui engendre dans le cadre de l'éducation de la jeune
fille les conflits de socialisation.
Ainsi, la question que nous nous sommes posées est
celle de savoir s'il existe un lien significatif entre les
stéréotypes sociaux et l'achèvement du cycle primaire par
les filles. C'est la question principale de l'étude. Celle-ci a
donné lieu à une réponse provisoire qui
est : « il existe un lien significatif entre les
stéréotypes sociaux et l'achèvement du cycle primaire par
les filles ». Cette hypothèse a donné lieu
à trois hypothèses de recherche qui sont :
-HR1 : « il existe un lien
significatif entre les croyances ayant des fondements religieux (coran)
vis-à-vis de la femme et l'achèvement du cycle primaire par les
filles ;
-HR2 : « il existe un lien
significatif entre les attributions sociales traditionnelles vis-à-vis
de la femme et l'achèvement du cycle primaire par les
filles ;
-HR3 : « il existe un lien
significatif entre les préjugés d'ordre traditionnels guidant les
jugements des groupes sur les femmes et l'achèvement du cycle primaire
par les filles ».
La recherche s'inscrit dans une approche triangulaire
combinant à la fois deux paradigmes : un paradigme descriptif qui
vise à décrire les stéréotypes sociaux
vis-à-vis de la femme et de la jeune fille et un paradigme
compréhensif qui, lui recherche à comprendre le sens de ce
phénomène et non l'explication causale qui en cacherait le sens.
La recherche s'est adressée à l'échantillon de quarante
huit(48) sujets auxquels nous avons tenu à appliquer la technique
d'échantillonnage par quotas non probabiliste, c'est-à-dire
empirique. Les données collectées à travers les focus
group, les entretiens semi-directifs individuels ont été
traités par l'analyse qualitative et quantitative.
Les résultats obtenus de cette analyse laisse
apparaitre que les stéréotypes sociaux entravent de façon
significative l'achèvement du cycle primaire par la fille, ce qui
confirme nos prédictions de départ mettant ainsi en exergue les
théories explicatives du sujet à savoir celles des
représentations sociales (Moscovici 1961,1984 ; Jodelet
1984,1997 ; Abric 1994), celles des attributions causales (Kelley
1974 ; Le Poultier 1986), celle de l'habitus (Bourdieu,1980) et celle du
capital humain (Parsons, 1974). Aussi, avons-nous proposé qu'il y ait
un changement de regard d'une part du groupe social sur l'éducation de
la jeune fille et du regard de la jeune fille elle-même ; ceci
à travers une éducation de qualité qui permettrait de
briser les disparités hommes-femmes.
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ANNEXES
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