Chapitre 2 : Choix des politiques
macroéconomiques et leur impact sur la pauvreté au
Sénégal
L'analyse des causes, déterminants et manifestations de
la pauvreté au Sénégal suggère une stratégie
axée sur quatre leviers fondamentaux : la création de
richesse, le renforcement des capacités et la promotion des services
sociaux de base, l'amélioration des conditions de vie des groupes
vulnérables et une approche participative de mise en oeuvre et de suivi
évaluation basée sur la décentralisation du pilotage et de
l'exécution.
Articulée autour de ces quatre axes, la
stratégie de réduction de la pauvreté revient à
promouvoir les opportunités de création de richesse au
Sénégal ; organiser l'égalité des chances dans
la concrétisation de ces opportunités, notamment à travers
le renforcement des capacités des populations pauvres et assurer la
protection des groupes vulnérables.
Section 1 : Les Principaux secteurs de la
création de richesses
La prise en compte des facteurs tels que les
caractéristiques et déterminants de la pauvreté au
Sénégal, les liens entre la croissance et le recul de la
pauvreté, les indications du groupe vulnérable de la
thématique sur le cadrage macroéconomique permettent d'identifier
les secteurs d'activités qui paraisse les plus propices à
impulser une croissance forte , génératrice de revenus et
d'emplois pour les pauvres aussi bien qu'en milieu rural qu'en milieu
urbain.
Il importe de préciser ici que les sous secteurs
ont été examinés sous l'angle privilégié de
leur apport à la lutte contre la pauvreté par la création
de richesse.
2.1.1 Secteur primaire
2.1.1.1 L'agriculture
Rappel des politiques et programmes
On peut globalement distinguer deux types d'approche, les
politiques proprement dites et les lettres de politiques de
développement à partir de 1994.
2.1.1.1.1- Les politiques agricoles
Le non remboursement des dettes a beaucoup joué sur les
résultats escomptés.
Le Document d'Orientations Stratégiques (DOS) en 1999
engageait le gouvernement à établir les conditions de
réalisation d'une croissance soutenue du secteur agricole sur la base
d'un renforcement de la capacité du secteur à améliorer sa
productivité et sa compétitivité.
Les priorités recherchées, portaient notamment
sur les réformes structurelles, le renforcement des infrastructures
physiques et institutionnelles et la restauration de la fertilité des
sols.
Ce qui se traduisait concrètement par :
· une réorientation de l'investissement public
vers les secteurs productifs entre autres ;
· le développement de l'investissement
privé rural, en adoptant le cadre réglementaire,
sécurisant le foncier et en restaurant la fertilité des sols ;
· le développement de la
compétitivité de l'agriculture, des filières existantes et
de nouvelles filières porteuses (maraîchage, fruits) ;
· la stratégie opérationnelle du secteur
agricole.
Dans le prolongement du DOS et pour surtout
l'opérationnaliser, le gouvernement a réalisé le rapport
final de la stratégie opérationnelle du secteur agricole au sens
large (productions végétales, productions animales, pêche
continentale et aquaculture) ainsi que le plan cadre d'actions à moyen
terme en vue de rendre opérationnelles, les orientations
stratégiques retenues dans le DOS.
2.1.1.1.1.1- La Loi d'Orientation agro
sylvo-pastorale
Cette nouvelle loi qui a été votée en
2004 par l'Assemblée Nationale se propose d'être le soubassement
des initiatives des Autorités sénégalaises et ce sur les
sous secteurs de l'agriculture, de l'élevage et de la pêche. Elle
fixe pour les trois sous secteurs de l'agriculture, de l'élevage et de
la pêche :
· les objectifs, les priorités et axes de
politique de développement ;
· les métiers, organisations et exploitations
agricoles ;
· les stratégies de développement ;
· les mesures d'accompagnement.
Ainsi, elle constitue une nouveauté, mais un
élément important portant le problème foncier voit sa
résolution reportée à plus tard.
2.1.1.1.1.2 - Le Programme National de
Développement Agricole
Il est actuellement en cours de finalisation
2.1.1.1.2 - Les lettres de politiques de
développement.
De 1995 à 2000 la volonté du gouvernement
à vouloir développer le secteur agricole s'est manifestée
dans plusieurs lettres de politiques de développement :
2.1.1.1.2.1 La Lettre de Politique de Développement
Agricole (LPDA) adoptée en avril 1995 s'est bâtie autour de trois
objectifs principaux (sécurité alimentaire, accroissement des
revenus en milieu rural, et durabilité des ressources naturelles). Elle
s'est fixé une croissance agricole de 4% l'an.
2.1.1.1.2.2- La Lettre de Politique de
développement Institutionnel du secteur agricole (LPDI) adoptée
en octobre 1998 et axée sur la mise en place d'institutions de
développement agricole capables de faire des opérateurs
professionnels des partenaires privilégiés du monde rural, de
promouvoir un entreprenariat agricole, de recentrer l'état sur ses
missions de service public. Elle prévoit que le mode d'organisation
dominant sera l'agriculture paysanne à travers des exploitations
familiales polyvalentes.
2.1.1.1.2.3- La Lettre de Politique de Développement
Rural Décentralisé (LPDRD) a été adoptée en
1999 et préconise une stratégie de développement rural en
2015 qui appelle une synergie des acteurs et des programmes sectoriels et d'une
cogestion des investissements communautaires. Elle prône le recentrage du
processus de développement local autour des collectivités locales
qui sera renforcé par des reformes institutionnelles de la
décentralisation, sur le renforcement des capacités des acteurs,
le financement des actions locales ; des programmes comme le PNIR entrent dans
cette catégorie. D'autres politiques et lettres de développement
ont existé pour les autres secteurs du primaire (LPDE, LPERN etc....)
qui essayent de traduire la synergie et l'intégration qui doivent
exister entre les différents sous-secteurs.
2.1.1.1.3- Les projets et programmes mis en oeuvre
Les projets et les programmes sont les moyens
opérationnels pour rendre compte des politiques qui ont
été adoptés, les résultats d'évaluation de
même que les productions pour les projets productifs sont des moyens de
mesure pour se rendre compte du degré d'atteinte des objectifs
fixés que sont la lutte contre la pauvreté, la couverture
alimentaire et l'octroi de revenus substantiels au monde rural.
Les principaux projets financés par les Programmes
Triennaux d'Investissements
Publics(PTIP) de 1991à 2002 pour l'agriculture sont :
l'aménagement hydro agricole de l'Anambé, la
réhabilitation du Boundoum, Dagana, Thiagar, la restauration de
Guédé Mbantou, l'aménagement de Kamobeul, le programme de
développement rural du
Sénégal oriental (PDRSO), la SODEFITEX, le
projet de développement rural de la base
Casamance (DERBAC), le projet de développement agricole
de Matam (PRODAM), les petits projets ruraux (PPR), le programme
d'investissement en moyenne Casamance(PROMOCA), les programmes de modernisation
et d'intensification de l'agriculture de l'émissaire du delta du fleuve
Sénégal(PROMIA), le programme intérimaire de
développement de l'agriculture dans la vallée du fleuve(PIDA), le
projet de promotion des exportations agricoles(PPEA), le programme
spécial de sécurité alimentaire(PSSA), le programme
d'investissement du secteur agricole(PISA), le programme des services d'appui
aux organisations de producteurs(PSAOP), le programme national
d'infrastructures rurales(PNIR), le programme de développement de la
rive gauche(PDRG), le programme agricole(phosphatage de fonds, crédit
agricole, protection des cultures), etc.
De 1991 à 1998, l'agriculture occupait 70%de la
population active rurale avant d'en occuper que les 60% depuis 1999. Cette
baisse est due à certains effets négatifs liés à
l'agriculture et ce sont la sécheresse, le manque d'intrants agricoles,
exode rurale etc.....
2.1.1.1.4- Au niveau des résultats
Le PASA et la LPDA (1995-2001)
2.1.1.1.4.1 Les données macro-économiques
En 1995, la part de l'agriculture par rapport au PIB du
secteur primaire est de 50,5% et est arrivé à 54,2% en 2001
(à actualiser).Par contre la part de l'agriculture par rapport au PIB
global est resté pratiquement constant durant la même
période à 10.2%.
2.1.1.1.4.2- La production
céréalière
Le mil et le sorgho occupent 90,87% de la consommation des
ménages ruraux agricoles, tandis que l'arachide en occupe 73,22% ce qui
montre que le Sénégal est un pays essentiellement rural sous
dépendance pluviale (94,58%) des ménages. Entre les années
1996 et 2001 les productions totales céréalières ont connu
une baisse passant de 976.079 tonnes à
961.720 tonnes soit une diminution de 1,49% de même que
les emblavures qui ont connu une diminution de l'ordre de 11,56% Les
années 2000 et 2001 ont été des années
exceptionnelles correspondant à des records rarement
égalés en volume de production et superficies cultivées
avec une répartition des pluies dans le temps et dans l'espace. Les deux
variétés mil et sorgho englobent à elles seules 80% de la
production nationale céréalière avec 905.196 tonnes
soit
80% du total. Le riz malgré une production locale qui
croit régulièrement ne peut couvrir les besoins nationaux. La
production locale représente à peine 10% des importations de riz
du pays.
2.1.1.1.4.3- Les autres cultures vivrières (manioc,
niébé)
Comme les céréales traditionnelles, le
niébé et le manioc ont connu au cours de la période
1996-2002 des baisses de rendement substantielles, dues
à la dégradation de la fertilité des sols dans le Bassin
arachidier central. En raison de la faiblesse des rendements moyens obtenus,
ces cultures ne procurent qu'une valorisation médiocre de la main
d'oeuvre utilisée, mais peuvent jouer en revanche un rôle
important dans la sécurité alimentaire de zones fortement
déficitaires, et présentent d'autre part un bilan en termes
économique légèrement positif.
2.1.1.1.4.4 Les cultures industrielles :
· L'arachide d'huilerie
La comparaison des années 1996 et 2002, permette de
remarquer que les emblavures en arachide d'huilerie ont augmenté de 7%,
les productions correspondantes de 33,71% avec des rendements qui ont
évolué de 28,78% ; cependant, ces résultats font penser
à une embellie de l'agriculture, mais ils s'expliquent d'avantage par
les années 2001 et 2002 particulièrement fertiles par rapport aux
autres années en amont et en aval de cette période ; il s'y
ajoute que malgré ces pourcentages assez flatteurs, les résultats
moyens de la période donnent 714.964 tonnes pour la production qui est
en deçà des objectifs de production de 1.000.000 tonnes par an
soit 71 % de couverture des prévisions.
· L'arachide de bouche
Elle a connu une diminution de la superficie cultivée,
mais une augmentation de sa production due à un rendement exceptionnel
qui n'a d'égal que l'année 2000.
· Le coton
En moyenne, la production nationale de coton est de l'ordre de
35 000 tonnes. Le coton a connu une grande baisse de ses emblavures, 59,7% et
une relative diminution de sa production de 7,45% ; ce contraste est largement
compensé par le très fort taux de rendement, 1134 kg/ha en 2002,
contre seulement 763 kg/ha en 1996.
2.1.1.1.4.5- Les productions fruitières
Elles concernent les mangues, les agrumes, les bananes, les
pastèques principalement qui ont connu des augmentations pour les deux
premières variétés respectivement de 18,54% et
21,25% et une diminution respectivement de 17,50 et de 82,2%
pour les deux autres pendant les années 1996 et 2000 ; sur la
période 1995 - 2002,
Cependant, le manque de débouchés
(marchés, industries de transformation de conservation) freine
l'étalement de la consommation en dehors des périodes de
production et en diminue sa capacité de lutte contre
l'insécurité alimentaire.
2.1.1.1.4.6- La filière horticole
La filière horticole, quant à elle, a
suscité beaucoup d'espoir comme une alternative possible de
diversification de l'agriculture sénégalaise,
d'amélioration de revenus des agriculteurs et de réalisation de
l'objectif de sécurité alimentaire.
En effet, l'analyse de l'évolution des tendances donne
un taux de croît de l'ordre de 10%, avec une progression
légumière plus forte que la progression fruitière.
Cette performance limitée découle entre autres
d'une absence d'organisation de la filière et d'une insuffisance de
l'intensification des systèmes de production.
Bilan de la balance céréalière et
sécurité alimentaire
L'analyse du bilan céréalier et de la
sécurité alimentaire de 1990 à 2002 tirés d'un
Rapport sectoriel du GTS « OMD-Création de richesses »,
intitulé Place et rôle du Secteur primaire dans
l'élimination de l'extrême pauvreté et de la faim
réalisé en janvier 2005 montre que :
- la part de l'aide alimentaire est passée de 10.9% en
1991, en diminution presque linéaire, jusqu'à 0% en2002, ce qui
est du en partie à la nouvelle politique des bailleurs qui ne favorise
plus cette forme d'aide à cause du détournement d'objectifs.
- la part des importations sur les approvisionnements a
augmenté de 14,4% entre 1990 et 2002
- par ailleurs, la part des importations nettes de
céréales, déduction faite de l'aide alimentaire est
passée de 28,6%, en 1990 à 49% en 2002 soit une augmentation
de
20,4% ;
- ces deux derniers points dénotent que d'une part
l'agriculture devient de moins en moins performante au fil des années
pour satisfaire les besoins alimentaires du pays et que d'autre part, le
Sénégal a une forte dépendance de l'extérieur pour
son équilibre alimentaire ;
- la part du riz dans les importations représente 48,4%
des importations malgré les potentiels rizicoles dont dispose le pays,
ce qui pose le problème du choix des politiques agricoles mises en
oeuvre.
Toutes ces analyses des résultats obtenus
amènent à faire les constats suivants : les différentes
politiques, et les résultats qui les sous-tendent, analysés sous
l'angle de la pauvreté et de l'insécurité alimentaire,
permettent de constater que les Plans d'Ajustement structurel à Moyen et
Long Termes, caractérisés par le désengagement de l'Etat
des secteurs productifs, l'implication du secteur privé dans le circuit
agricole, la création d'un type de crédit rural adapté aux
systèmes de production, avaient comme finalité, entre autres, la
sécurité alimentaire et l'octroi de revenus substantiels au monde
rural.
- l'analyse des résultats obtenus fait constater que
les fruits n'ont pas tenu la promesse des fleurs, car toutes ces politiques et
lettres mises en oeuvre n'ont pu faire atteindre les résultats
escomptés, la pauvreté et son corollaire
l'insécurité alimentaire sont demeurées plus
réelles que jamais ; et que le secteur agricole reste toujours
confronter à plusieurs contraintes:
Résumé et hiérarchisation des contraintes
du sous-secteur agricole
- pluviométrie erratique, caractérisée
par une mauvaise répartition dans le temps et dans l'espace ;
- dégradation continue des terres ;
- régression du paquet technologique (matériel
agricole) ;
- mauvaise tenure foncière ;
- mauvaise organisation des circuits de commercialisation ;
- insuffisance d'infrastructures d'appui à la
production ;
- faiblesse des revenus limitant la capacité
d'épargne et d'investissement en milieu rural ;
- difficultés d'accès aux services de base et
aux marchés locaux et internationaux ;
- insuffisance des cadres institutionnels et politiques ;
- déséquilibre en matière
institutionnelle (par filière et par région).
L'analyse de ces résultats permet de constater aussi,
une relative dispersion des actions de développement du secteur rural
par les différents bailleurs de fonds en partenariat avec le
Gouvernement ; celle-ci est due à l'insuffisance d'un
cadre cohérent de stratégie globale qui stimule le renforcement
du dialogue et de la concertation entre tous les acteurs pour une meilleure
coordination des interventions.
Plusieurs problèmes se posent aussi sur le plan foncier
:
- le morcellement des exploitations familiales rurales qui
entraîne de petites exploitations non viables ;
- la surexploitation des terres et des ressources naturelles
;
- l'incapacité des communautés rurales à
gérer les ressources naturelles des terres communes ;
- l'urbanisation galopante qui exige qu'une part importante
des terres des communautés rurales soit affectée aux communes
urbaines.
Il reste que l'inexistence de la chaîne de froid pour la
promotion et le développement des semences surtout horticoles, pose
problème surtout que l'électrification rurale qui doit la sous
tendre est peu présente dans le monde rural.
L'objectif visé est de relever le maximum de ces
contraintes pour une relance durable de l'agriculture, qui permettra à
terme de lutter efficacement contre la pauvreté et avoir une
sécurité alimentaire durable. Pour ce faire plusieurs
réponses doivent être apportées.
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