Les principales causes et perspectives de développement pour la lutte contre la pauvreté urbaine à Kinshasa( Télécharger le fichier original )par Isaac MAYELE Université catholique du Congo - Gradué en économie et développement 2008 |
III.3. LES PRINCIPALES CAUSES DE LA PAUVRETE A KINSHASALa problématique de la pauvreté à Kinshasa ne doit pas être séparée du comportement et du contexte du fonctionnement de l'économie générale ou nationale d'autant que la pauvreté n'est qu'une composante d'effets dévastateurs causés suite à la désarticulation de l'économie de la République Démocratique du Congo. Sous ce rapport, la question de la pauvreté est intimement liée à la structuration mécanique et erronée du cadre macroéconomique conçu intentionnellement par le pouvoir colonial pour servir les intérêts stratégiques et les entités industrielles occidentales. Au lieu que notre économie soit conçue et structurée pour dégager et économiser les ressources nécessaires à la réalisation des grands objectifs socio-économiques, nous avons une économie extravertie à l'importation tout comme à l'exportation. Pour vivre, nous devons soit tout exporter, soit tout importer et cela profite en grande partie aux firmes multinationales grâce à leur technologie de pointe. Il s'en suit toujours un déséquilibre de la balance des paiements en faveur de l'Occident, d'où des revenus nationaux. A cela s'ajoute donc la manipulation internationale des prix de la plupart de nos matières premières toujours en baisse (diamant, cobalt, cuivre, zinc, etc.) entrainant la détérioration des termes de l'échange. Tout compte fait, une économie en déséquilibre permanent ne peut qu'amenuiser et même estomper les ressources de l'Etat, compromettant ainsi tout programme économique. D'où le pilotage à vue de notre économie. L'exploitation brute de nos ressources pour l'exportation exclusivement sans maîtrise rationnelle de la technologie est un désavantage considérable pour notre économie. D'où l'échec de tous les programmes socio-économiques misent en place soit par les bailleurs des fonds extérieurs, soit par les dirigeants nationaux. Les causes de la pauvreté étant multiples, Kinshasa n'est pas éloignée par ce fléau qui ronge presque l'humanité toute entière. Les principales causes de la pauvreté sont : · Une mauvaise politique de l'Etat en matière d'emploi ; · L'économie congolaise est extravertie ; · Une super inflation monétaire ; · Une crise politique socio-économique ; · L'explosion démographique ; · Les initiatives de la population non encouragées ; · Absence des politiques d'éducation ; · Absence des politiques salariales responsables ; · Absence des politiques de la nutrition 1. UNE MAUVAISE POLITIQUE DE L'ETAT EN MATIERE D'EMPLOI Lorsque l'Etat n'a pas une bonne politique en matière d'emploi, les universités qui poussent à travers la ville comme les champignons mettent à la disposition du pays, chaque année qui passe, une masse incontrôlée des intellectuels qui demeurent sans emploi et deviennent en cas de force majeur Salomons23(*), contrainte de vivre dans la précarité. La réduction de la pauvreté est donc tributaire du plein emploi et d'un travail décent pour tous. La proportion de la population active figure ainsi parmi les indicateurs de suivi de la pauvreté. Le taux d'activité à Kinshasa (42,3%) est faible par rapport à la moyenne nationale (60,2%). Ceci s'explique entre autres par une plus faible insertion des enfants sur le marché du travail. En effet, le taux d'activité des enfants de 10 à 14 ans y est de 1,8% à Kinshasa, contre 9% pour la RDC. Le travail des enfants est moins problématique à Kinshasa que dans d'autres provinces de la RDC.
A l'image des grandes capitales africaines, le chômage est nettement plus élevé à Kinshasa (15,0%) qu'au niveau national (3,7%). Il touche plus particulièrement les jeunes de 15 à 24 ans (29,5%).Parmi les actifs occupés, près d'un tiers gagnent moins du SMIG (1 USD par jour) en 2005 et près du quart travaillent involontairement moins de 35h par semaine. Ainsi, le phénomène de sous-emploi est répandu à Kinshasa puisqu'il touche 53,1% des actifs occupés24(*). Le tableau suivant nous donne plus des précisions sur la conjoncture que traverse Kinshasa en matière d'emploi, le taux de chômage, pour ne parler que de cela est remarquable par rapport au pourcentage national ou aux statistiques générales du pays. TABLEAU 13 : LES CHIFFRES DE L'EMPLOI A KINSHASA
Sources : PNUD, profil résumé : pauvreté et conditions de vie des ménages, province de Kinshasa, mars 2009, p7. Les chômeurs au sens du BIT : sont les personnes à la fois sans emploi, disponibles à travailler et recherchaient activement du travail, du moins durant la période de référence de l'enquête. Taux de sous-emploi visible : rapport du nombre d'actifs occupés travaillant involontairement moins de 35 heures par semaine, à la population active occupée.
2. L'ECONOMIE CONGOLAISE EST EXTRAVERTIE La plupart des biens qui constituent le marché congolais, provient de l'étranger. Pour vivre on doit soit tout exporter ou tout importer, ce qui implique un caractère de dépendance de notre économie dans son ensemble. 3. UNE SUPER INFLATION MONETAIRE L'économie congolaise connaît de manière chronique et régulière des braves moments de stagnation (baisse de la production) et une inflation (élévation du niveau général des prix), situation qualifiée de stagflation. Cette situation engendre plus d'anomalies, car la population sera toujours confronter à un déficit répétitif et brusque, son pouvoir d'achat sera toujours en baisse compte tenue de la diminution des ressources. La situation peut se présenter graphiquement de la manière suivante : Graphique 3 : Le déplacement de la courbe d'offre Offre globale Hausse de long terme des prix AS2 B P2 Offre Globale à P1 A CT, AS1 Demande globale 0 Y1 Y2 Le graphique stipule que si un événement provoque une brusque élévation des coûts de production des entreprises, la courbe d'offre globale de court terme se déplace vers la gauche (AS1 à AS2). L'économie passe du point A au point B. Il en résulte donc une stagflation : production en baisse (de Y1 à Y2) et prix en hausse (de P1 à P2). La production demeurera déprimée, en Y2, pendant un certain temps, avant que la récession ne disparaisse d'elle-même. En effet, avec le temps, les perceptions subjectives du public, les salaires et les prix finiront par s'adapter aux nouvelles conditions économiques25(*). Signalons aussi par cette même illustration graphique qu'à long terme, les prix retomberont et l'économie retournera au point A, à l'intersection des courbes de demande globale et d'offre globale de long terme. 4. LA CRISE POLITIQUE ET SOCIO-ECONOMIQUE Les différentes guerres civiles qui se sont succédées depuis 1960 jusqu'à présent ont aggravé la crise économique qui, elle-même, fut accentuée par la nationalisation des entreprises étrangères. C'est Kinshasa qui paie le lourd tribut de crises politiques et économiques, car la paupérisation des milieux ruraux ne fait que s'accentuer au fil du temps poussant ainsi les paysans à quitter la campagne pour venir gonfler les effectifs de la population kinoise, contrainte de vivre dans la précarité. D'où les infrastructures du secteur formel sont dépassées par le boom démographique. 5. L'EXPLOSION DEMOCRAPHIQUE La population kinoise a augmenté de façon vertigineuse. En 1881, il y avait que 5 000 habitants à Kinshasa, la population a augmentée à 6 000 000 d'habitants en 2003 et elle s'est rapidement accrue pour atteindre plus de 9 000 000 d'habitants à ce jour. L'exode rural, l'accroissement naturel et l'incorporation des villages environnants sont les principales causes de l'explosion démographique à Kinshasa. En effet, cette explosion a conduit la population kinoise à observer la détérioration non seulement des infrastructures de base, mais surtout des conditions de vie. La population ne cesse sans doute de s'exclamer auprès des autorités tant municipales que provinciales à travers des vieux adages nostalligiques "Kin la belle ekoma Kin la poubelle" qui veut dire littéralement "Kinshasa, qui était la ville propre sur tous ses aspects est devenue comme une poubelle". TABLEAU 14 : EVOLUTION DE LA POPULATION DE KINSHASA (1924- 2001)
Source : INS, étude socio-démographique de Kinshasa 1967. Rapport général, Kinshasa, 1969 et projections démographiques zaïre et régions 1984-2000, Kinshasa, 1993. L. De Saint Moulin, contribution à l'histoire de Kinshasa, in zaïre-Afrique, N° 108, octobre 1976. Mbumba Ngimbi, Kinshasa 1881-1981, CRP, Kinshasa, 1982. Voyons dans le tableau suivant, l'évolution de la population dans les différentes communes de la ville. TABLEAU 15 : EVOLUTION DE LA POPULATION DES COMMUNES DE KINSHASA
Source : *Département du plan, Direction de planification, ville de Kinshasa, fiche technique, Kinshasa 1998. ** Ngondo-a-Pitshandenge et Ali, perspectives démographiques du Zaïre 1984-1999 et population d'âge électoral en 1993 et 1994, Cepas, Kinshasa, 1994. *** Ministère de l'intérieur et décentralisation, 5e édition : Population, Juillet 2004. Le graphique suivant démontre la forme globale de l'évolution de la population Kinoise de 1984 à 2004. Graphique 4 : Evolution de la population kinoise (1984-2004) 2004
1994 1984 2 542 558 4 665 313 7 184 001 Effectif
Source : PNUD (unité de lutte contre la pauvreté), pauvreté et conditions de vie des ménages (profil résumé de la ville de Kinshasa), Kinshasa, Mars 2009, p.10.
6. INITIATIVES DE LA POPULATION NON ENCOURAGEES Un Gouvernement qui n'encourage pas les initiatives, les projets et les innovations de son peuple, celui-ci prépare sa défaite, sa décadence et ne pourra pas tenir bien longtemps. Cependant, à Kinshasa, il est rare à titre d'exemple de voir une famille qui pratique l'élevage à domicile. La plupart des chefs de ménages interrogés évoquent souvent un élément clé qui expliquerait selon eux, la non praticabilité des petites initiatives sociales. Il s'agit notamment de l'insuffisance des moyens adéquats. Tout compte fait, certains Kinois qui s'efforcent encore sur terrain ne bénéficient d'aucune subvention du gouvernement. Ce qui les décourage tout en renonçant à des bonnes initiatives au point de se lancer dans l'informel pur (cambistes, mamans Bipupula, etc.). 7. ABSENCE DES POLITIQUES D'EDUCATION Un gouvernement qui ne sait pas ajuster, actualiser ses politiques en matière de l'éducation de sa jeunesse, celui-ci peut être considéré comme court-termiste, car les jeunes préparés aujourd'hui sont les élites de demain. Au Congo, le programme des cours que suivent les enfants au niveau primaire, secondaire et même professionnel ne reflète pas la réalité du pays. On se demande à quoi servirait primordialement un écolier de connaître MISSISSIPI si ce dernier habite Kinshasa et n'a jamais entendu parler de fleuve Congo, et ne connait aucune richesse qu'héberge celle-ci.
En effet, les causes de la non scolarisation des jeunes kinois ne sont pas les mêmes. D'une part, il existe une catégorie des jeunes à qui les parents ont disponibilisé leurs maigres moyens pour leur scolarisation, mais du fait que ces jeunes sont témoins de certaines comédies qui se passent dans leurs foyers, à titre d'exemple "un grand frère qui sacrifie 17 ans d'études et qui revient 3 mois après la fête de collation se disputer la télécommande de la télévision" plusieurs renoncent ipso facto aux études et cherchent les raccourcis de la vie (devenir musicien, chercher les voies et moyens pour voyager en Europe où il y a le paradis de rêve, etc.). D'autre part, il existe au moins des jeunes qui ont la volonté d'étudier mais faute des moyens, ils sont confrontés à des multiples exigences de la vie et ne savent à leur niveau quoi faire pour devenir quelqu'un dans la vie. A Kinshasa, on remarque l'absence des politiques d'éducation plus appropriées aux réalités, de manière à intégrer l'environnement de Kinshasa dans l'élaboration des programmes scolaires et académiques. Exemple : La pêche, la culture vivrière, etc. Selon l'annuaire statistique de l'enseignement primaire, secondaire et professionnel (2006-2007), l'éducation à Kinshasa rencontre aussi les difficultés. D'une part, la tendance enregistrée sur les dernières années montre une légère baisse du taux de scolarisation (76,3% en 2001 et 74,8% en 2005). D'autre part, le niveau d'études moyen des Kinois est relativement faible. D'ailleurs, malgré la proximité des écoles primaires, deux tiers d'entre elles sont des écoles privées (voir le tableau ci-après), donc relativement plus chères. TABLEAU 16 : LES ECOLES PAR REGIME DE GESTION
Source : Annuaire statistique de l'enseignement primaire, secondaire et professionnel 2006-2007. Selon le même annuaire, le problème financier est donc le premier motif d'arrêt de la scolarisation évoqué par les ménages : 30,7% à Kinshasa contre 41,3 en RDC. Trois quarts des ménages kinois ayant des enfants à l'école déclarent avoir connu au moins une exclusion de leurs enfants pour non paiement des frais scolaires. 8. ABSENCE DES POLITIQUES SALARIALES RESPONSABLES Lorsqu'un gouvernement ne prévoit pas des politiques salariales responsables orientées vers la protection de la main d'oeuvre locale et l'élévation du pouvoir d'achat, celui-ci s'attendra à gouverner un peuple rongé tout le temps par la misère. 9. ABSENCE DES POLITIQUES DE LA NUTRITION Un peuple malnutri est une nation qui ne peut aller de l'avant, qui sera confronté à des multiples épidémies et toutes sortes des maladies du fait de la fragilité des anti-corps. De ce fait, ce peuple n'est pas en mesure d'augmenter sa productivité par le travail. En réalité, le peuple kinois est malnutri. Cette malnutrition s'explique par la détérioration des voies routières ne permettant pas les commerçants d'évacuer leurs produits vers la capitale, ce qui crée une pénurie sur le marché et souvent ce qui est rare coûte toujours cher. Voyons ci-après les déterminants de la malnutrition à Kinshasa. Schéma 1 : Les déterminants de la malnutrition à Kinshasa Source : LUZOLELE, la pauvreté urbaine en Afrique subsaharienne, édition CEPAS, Bruxelles, 1999, p39. * 23 _ Les Salomon : c'est une appellation courante à Kinshasa qui fait allusion à des jeunes matures capables d'être indépendants, mais fautes des moyens ces derniers continuent à passer leurs nuits au salon. * 24 _ PNUD, Profil résumé : Pauvreté et conditions de vie des ménages, province de Kinshasa, mars 2009, p.7. * 25 _ CHELO DHEBBI, Notes de cours d'économie politique, Deuxième graduat, Faculté d'économie et développement, Facultés Catholiques de Kinshasa, Kinshasa, 2007-2008. |
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